Compte-rendu du groupe d’études sur la sécurité privée
Audition du 12 Mars 2024
Présents : M. Julien Rancoule (président) ; M. José Gonzalez (vice-président) ; M. Stéphane Rambaud (secrétaire) ; M. Belkhir Belhaddad ; M. Christophe Barthès, M. Jocelyn Dessigny ; Mme Emmanuelle Menard (représentée).
Auditionnés : M. David Clavière, Préfet et Directeur général du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et M. Christophe Besse, Directeur des opérations du CNAPS
La réunion a débuté à 14h00.
Introduction liminaire de M. Julien Rancoule, Président du groupe d’études sur la Sécurité privée.
« Mes chers collègues,
Aujourd’hui, nous avons l'honneur de recevoir Monsieur le Préfet, David Clavière, directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, au sein de notre groupe d'études sécurité privée de l'Assemblée nationale.
Nous recevons également Monsieur Christophe Besse, directeur des Opérations ainsi que sa stagiaire Madame Cécile Meunier.
Bienvenue à vous trois à l’Assemblée nationale.
Monsieur le Préfet, permettez-moi tout d’abord de vous remercier personnellement d’avoir accepté notre invitation. Nous nous étions rencontrés à l’automne dernier à l’Ecole Militaire lors des « assises de la formation en sécurité privée ». Je vous avais fait part de mon souhait de vous recevoir dans le cadre de ce groupe d’études lancé en février 2023. C’est aujourd’hui chose faite.
Je rappelle que ce groupe d’études sur la sécurité privée n’existait pas sous la précédente législature. J’ose penser qu’il symbolise à son petit niveau ce changement de cap que la sécurité privée prend progressivement dans notre société.
La sécurité privée gagne en reconnaissance tant auprès du grand public qu’auprèsf des autorités de l'État et des décideurs politiques. C'est du moins la vision que nous nous efforçons de concrétiser au sein de notre groupe d'études.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons eu l’occasion de rencontrer des représentants de la Fédération française de sécurité privée et des syndicats du personnel. Nous avons également rencontré les représentants de l’Agora des directeurs de sécurité. Les comptes-rendus de ces rencontres sont accessibles à tous sur le site de l'Assemblée nationale, grâce à Jean Gaudioso, notre administrateur. Ces comptes-rendus sont également systématiquement partagés avec la presse spécialisée.
Nos discussions ont conduit certains d'entre nous à formuler des questions écrites à l'Assemblée nationale, interpellant ainsi le Gouvernement pour obtenir des positions claires sur des sujets aussi variés que les tenues des agents de sécurité ou le port des caméras piétons.
Je précise aussi que l’Assemblée nationale organisera le 2 avril prochain un débat sur le thème de « la sécurité des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ». Cela sera l’occasion pour nous d’avoir de prises de paroles sur la préparation et la coopération entre les entreprises privées et l’Etat.
Et c’est aussi dans cette perspective que nous sommes heureux de pouvoir vous interroger aujourd’hui.
Si le CNAPS a été créé en 2011 pour assurer la mission de mettre en œuvre la réglementation des activités privées de sécurité, nous ne doutons pas que la parole de son directeur général saura intéresser les députés présents qui suivent dans son ensemble les questions de sécurité privée.
Monsieur le Préfet, l’actualité récente met souvent en évidence des difficultés sur la sécurité des JO 2024. La presse s’en fait en effet régulièrement écho.
Il y a quelques jours à peine, plusieurs articles ont mis en lumière le fait que « 250 personnes dont 6 fichés S » ont été « écartées » du personnel de sécurité des JO. Dans le même temps, on parle de recrutement de militaires pour pouvoir pallier les défaillances du secteur de la sécurité privée.
Ce sujet met en évidence les difficultés du secteur de la sécurité privée.
J’aimerais que nous puissions vous entendre dans le cadre de cette audition sur le sujet de la garantie financière que les syndicats, patronaux et salariés, aimeraient voir apparaître dans le secteur pour le réguler et pallier à ces difficultés. C’est ce qu’ils nous ont dit dans le cadre de précédentes auditions. Quel est le regard du régulateur que vous êtes sur ce sujet ?
J’ai d’ailleurs posé récemment une question écrite pour demander la position du Gouvernement sur l’instauration d’une garantie financière dans le secteur de la sécurité privée pour mieux le réguler. Nous attendons sa réponse. Peut-être que vous aurez l’occasion de nous faire part de votre côté des avantages et des inconvénients que cela pourrait engendrer.
Je ne vais pas m’éterniser davantage. Je vais vous laisser la parole pour nous présenter le CNAPS mais aussi peut être pour déjà commencer à répondre aux premières interrogations de mon discours.
Je sais que de toute façon, d’autres questions, notamment sur les Jeux Olympiques, sujet qui passionne, seront probablement posées ensuite. Nous aurons donc aussi l’occasion de revenir dessus. Je vous cède la parole et vous remercie une nouvelle fois pour votre venue. »
M. David Clavière commence par revenir sur l’histoire et le rôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) qui est un établissement public administratif de l’État sous tutelle du ministère de l’intérieur.
Il a été créé en 2011 pour assurer la mission, auparavant dévolue aux préfets, de mettre en œuvre la réglementation des activités privées de sécurité. Son rôle est de faire en sorte que le code de la sécurité intérieure soit bien respecté.
Il a aussi un rôle de contrôle et d’inspection du travail. Les contrôleurs du CNAPS sont assermentés. Cette organisation ne diffère pas des autres pays européens. Aujourd'hui, les effectifs sont de 230 équivalents temps plein (ETP) dont 53 contrôleurs. Le CNAPS a été réformé en 2022 et a désormais une réglementation plus étoffée qui simplifie l’organisation et confie le pilotage à son directeur général.
Monsieur le Préfet a indiqué que le CNAPS opérait aux côtés d’autres acteurs du ministère de l’Intérieur, notamment avec la Direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA), dirigée par Julie Mercier, directrice d’administration centrale, qui joue un rôle de coordination important et surtout qui s’occupe des aspects stratégiques au sein du Ministère.
Sur le sujet de la délivrance des titres, le rôle du CNAPS est de vérifier la moralité en s’assurant qu’un agent est bien formé et qu’il ne pose pas de problème de sécurité.
S’il devait résumer, sa feuille de route de directeur général consiste à consolider la réforme du CNAPS de 2022 et de la faire vivre.
Il précise que dans le cadre des Jeux Olympiques, il est essentiel de souligner que le recrutement des agents de sécurité privée relève de la responsabilité du COJO, tandis que le CNAPS intervient en tant que facilitateur en appuyant le COJO et la filière dans la recherche et la mobilisation des effectifs nécessaires.
Il indique que 22 000 agents ont été recrutés dans le cadre des appels d’offres lancé par le Comité d’organisation des jeux olympiques (COJO).
Le CNAPS reste proactif en travaillant avec le Préfet de la région Ile-de-France et de France Travail en comprimant les délais pour avoir les titres le plus rapidement possible.
Le taux de refus est de l’ordre de 12 à 13%, un nombre plus important que les années précédentes, ce qui montre que le CNAPS ne recrute pas n’importe qui et reste exigeant. Les sujets liés à la radicalité sont traités avec sérieux et font l’objet d’une étude précise avec le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS)
M. Julien Rancoule a posé une question concernant l'attribution des contrats aux entreprises de sécurité privée pour les Jeux Olympiques, cherchant à savoir si tous les lots ont été attribués.
Il a également demandé des chiffres sur la « carte professionnelle grand événement » lancée en vue de l’organisation des Jeux Olympiques. Enfin, il a souhaité avoir l’avis de Monsieur le Préfet sur son sentiment sur « l’après JO » pour la filière de la sécurité privée.
M. David Clavière indique que 90% des contrats du COJO ont été passés. Le risque de non-contractualisation a été éloigné. Le 4ème appel d’offre est en cours. Le risque de ne pas pouvoir assurer une contractualisation suffisante est « quasi nul », d’autant plus que des solutions de contrat de gré à gré peuvent avoir lieu au dernier moment.
Si tous les contrats ne seront peut-être pas effectifs dans leur totalité, on peut être plutôt confiant.
Les entreprises reçoivent actuellement leur feuille de route.
Monsieur le Préfet a souligné l'excellent travail accompli par "France Travail", mettant en lumière le fait que les demandeurs d'emploi constituent la ressource la plus mobilisée, de manière évidente. Le préfet de la Région espère recruter 25 000 personnes pour avoir 15 000-20 000 agents pour le début des Jeux olympiques.
Concernant le Certificat de qualification professionnelle (CQP) « participer à la sécurité des grands évènements » (PSGE) qui permet d’obtenir la carte professionnelle « Surveillance grands évènements » (SGE), il touche surtout les jeunes. Il considère que ce n’est pas une qualification au rabais puisqu’elle permet de répondre à des besoins spécifiques, ce qui rend la formation cohérente.
« C’est en train d’exploser ». Il y a eu 11 000 demandes d’entrée en formation. Une précision importante : le contrôle en moralité se fait avant la formation. « Les étudiants vont se réveiller au dernier moment. » « On compte aussi là-dessus ». En juin, vendre aux jeunes l’idée du package complet « formation », « carte professionnelle » et « emploi » sera attrayant pour eux.
A l’heure de l’audition, il a été précisé que 1700 ont terminé la formation. Il y a 10 à 20% d’échec à l’examen.
En ce qui concerne l'attribution des lots, de nombreuses petites et moyennes entreprises y ont répondu. Chaque entreprise a un interlocuteur de France Travail et du COJO. La dynamique est bonne. Les inquiétudes sont beaucoup plus faibles qu’il y a encore quelques mois.
Des clauses de solidarité entre entreprises ont été mises en place afin de limiter les risques d'absence imprévue d'un employé le jour J (contre le « no show).
Sur la question portant sur l’après JO pour la filière de sécurité privée, Monsieur le Préfet considère que la filière aura bénéficié d’un apport de ressources qu’elle n’aurait pas eu toute seule, 20 000 entrées en formation financées sur deniers publics avec 46 millions d’euros mis sur la table par la région Ile-de-France. Il pense que la filière en sortira renforcée, même si l'attractivité de celle-ci ne sera pas nécessairement accrue. Pour cela, il faudrait des mesures d’ordres économiques qui ne dépendent pas du CNAPS.
M. Jocelyn Dessigny a soulevé des questions concernant le profil des candidats qui rejoignent la filière de la sécurité privée. Il a mentionné qu'au cours d'une précédente audition, les syndicats avaient exprimé leurs inquiétudes quant à la qualité des profils des jeunes entrant dans le domaine de la sécurité privée.
M. David Clavière a répondu en expliquant que le public cible de la sécurité privée reste inchangé, tout comme le niveau de rotation du personnel, que ce soit dans le secteur traditionnel ou parmi ceux mobilisés par France Travail pour les Jeux olympiques. Quel que soit le profil des individus, la formation et les examens demeurent les mêmes. Selon lui, ce qui importe avant tout, c'est la qualité de l'encadrement, avec des chefs de site possédant une solide expérience dans le domaine.
M. Julien Rancoule a posé une question sur le risque d’un potentiel effet d’aubaine au sujet d’une prime offerte aux candidats pour les attirer dans la filière.
M. David Clavière a indiqué que la prime est désormais payée après la formation et au moment de la signature du contrat.
Les chiffres de France Travail : 11 000 de recrutements ont été faits dont 2/3 d’entre eux dans des entreprises signataires de contrats pour les jeux olympiques.
Au total, c’est 18 000 en entrées de formation : CQP « participer à la sécurité des grands évènements » + la formation classique « exercer le métier d’agent de sécurité privée » permettant d’acquérir la carte professionnelle.
Le vrai test sera le premier jour. Le prix du marché des contrats avec le COJO est plus élevé que celui du droit commun de 20 à 30%, ce qui devrait motiver les agents de sécurité privée à aller aux JO et à ne pas faire défaut.
« Nous contrôlerons les JO comme nous l’avons fait pour la Coupe du monde de Rugby ». Monsieur le Préfet précise que 1300 agents ont été contrôlés pendant la coupe du monde, ce qui concerne une trentaine d’entreprises. Quelques cas de travail dissimulés ont été découverts.
Dans le cadre des Jeux olympiques, le COJO a conclu un marché avec un superviseur pour s’assurer que les agents prévus sont bien présents sur les lieux conformément au contrat, sous peine de pénalités pour les entreprises en cas de défaillance."
M. José Gonzalez a posé une question sur la relation entre les agents de sécurité privée, les militaires et les policiers sur le terrain.
M. David Clavière précise qu’il y aura nécessairement une articulation mais que ce n’est pas du ressort du CNAPS.
M. Julien Rancoule a posé une question sur les bénéfices et inconvénients de l’intégration des Services de sécurité incendie et d’assistants à personnes (SSIAP) dans le champ de compétence du CNAPS.
M. David Clavière est d'avis qu'en tant que directeur du CNAPS, l'intégration de la sécurité incendie irait au-delà du simple contrôle de moralité. Cela impliquerait également la prise en charge de la formation, alors que ces agents relèvent actuellement des Services Départementaux d'Incendie et de Secours (SDIS). C'est pourquoi il exprime une certaine réserve.
M. Julien Rancoule a posé une question sur l’intérêt d’instaurer une garantie financière dans la filière sécurité privée.
M. David Clavière a souligné l'exemple de la Belgique et de l'Espagne, qui ont instauré des garanties pour assainir le secteur, ce qui a plutôt été une réussite. Il a toutefois noté que le montant d'entrée sur le marché, notamment de 610 000 euros en Espagne, était particulièrement élevé selon les pays. Cette approche mériterait donc une étude approfondie en tant que solution potentielle.
M. Julien Rancoule a soulevé une question concernant la récente condamnation du CNAPS par le Tribunal administratif de Rennes (6ème chambre, 20 février 2024, n° 2203250). Cette affaire portait sur le refus de délivrance de l'autorisation préalable à l'accès à une formation en vue d'acquérir l'aptitude professionnelle à l'exercice d'une activité d'agent privé de sécurité. Il a sollicité une réaction de la part de Monsieur le Préfet à ce sujet.
M. David Clavière a précisé que le CNAPS rendait environ 105 000 décisions par an, parmi lesquelles 86 % sont confirmées par la jurisprudence administrative. Il a affirmé assumer une position rigoureuse sur certains cas, refusant par exemple la délivrance de cartes professionnelles en présence d'actes de violence conjugale ou d'attaques contre les forces de l'ordre. Toutefois, il a noté qu'il n'avait pas toujours accès à toutes les informations nécessaires lors de la prise de décision, ce qui peut parfois conduire à des décisions sujettes à débat ultérieur.
M. Julien Rancoule a demandé davantage de précisions sur le processus de contrôle, en demandant ce qui est vérifié en plus du fichier du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), qui ne mentionne que les faits et non nécessairement les condamnations.
M. David Clavière explique que ses services interrogent les services de police, de gendarmerie et les parquets pour obtenir les faits. Il précise cependant ne pas toujours disposer de toutes les informations de la part des parquets, parfois en raison de délais plus importants. Il estime que le CNAPS adopte une approche raisonnable en effectuant un travail minutieux, soulignant l'importance d'être rigoureux pour garantir la crédibilité de la filière de la sécurité privée.
M. Julien Rancoule a invité ensuite M. le Préfet à partager ses dernières réflexions sur les améliorations législatives envisagées pour le secteur.
M. David Clavière émet des pistes à étudier davantage comme la garantie financière, le besoin de concentrer le secteur et de réfléchir au pouvoir prépondérant des services d’achats des entreprises qui tendent à tirer les prix vers le bas. Il considère également que la filière doit avoir un vrai projet et créer de la valeur pour exister plus durablement, notamment grâce à l’apport d’une technologie bien encadrée.
Fin de la réunion à 15h00.