Une prohibition durcie après la Révolution française
En Europe, la répression de l’avortement, assimilé à un homicide, se fonde au Moyen Âge sur le droit romain et les prescriptions de l’Église catholique.
1791 : le code pénal incrimine l’auteur de l’avortement, puni de « vingt années de fers », mais non les femmes qui y ont recours.
1810 : refonte de l’article 317 du Code pénal. L’avortement est passible de la Cour d’assises.
1920 : loi du 1er août tendant à réprimer la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle.
1939 : décret-loi du 29 juillet doublant les peines pour « l’avorteur d’habitude » et créant un délit d’intention contre la femme en état de grossesse « supposé ».
1942 (régime de Vichy) : acte dit loi du 15 février faisant de l’avortement un « crime contre la société, l’Etat et la « race », passible de la peine de mort. Une « faiseuse d’anges », Marie-Louise Giraud, est guillotinée en juillet 1943. Ce texte est abrogé à la Libération.
À partir de 1955 : le long chemin vers la légalisation
1955 : décret du 11 mai autorisant l’avortement thérapeutique lorsque « la sauvegarde de la vie de la mère [est] gravement menacée ».
1960 : création du Planning familial.
1967 : loi « Neuwirth » du 27 décembre autorisant la contraception.
1970 : création du MLF (Mouvement de libération des femmes) qui revendique la liberté et la gratuité de l’avortement. Trois ans plus tard, il est rejoint par le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception).
1971 : publication du « Manifeste des 343 », signée par 343 femmes qui déclarent avoir eu recours à l’avortement. Aucune poursuite n’est engagée contre elles. Deux ans plus tard, Le Nouvel Observateur publie le « Manifeste des 331 », signé par 331 médecins revendiquant avoir pratiqué des avortements.
1972 : procès de Bobigny. Gisèle Halimi, avocate, défend une mineure accusée d’un avortement après un viol, ainsi que sa mère et trois autres adultes majeures. Le grand retentissement de ce procès, qui se conclut par la relaxe de l’accusée mineure et de deux adultes, fait considérablement avancer la cause de la dépénalisation de l’IVG.
La genèse législative de la loi Veil
1970 à 1973 : cinq propositions de loi sont déposées à l’Assemblée nationale sur l’avortement.
1973 : dépôt d’un premier projet de loi en juin. Le texte n’aboutit pas mais donne lieu à un rapport sur l’avortement de 500 pages de la commission des affaires sociales.
L’examen de la loi Veil
1974 : le projet de loi « relatif à l’interruption volontaire de la grossesse » est présenté en Conseil des Ministres le 13 novembre. Le 26 novembre, Simone Veil, ministre de la Santé, le présente à l'Assemblée nationale.
Le 29 novembre, après 25 heures de débats, le projet de loi est voté en première lecture à 284 voix pour et 189 voix contre. Le texte dépénalise l’avortement pour une durée de 5 ans et rend possible le recours à l’IVG, jusqu’à 10 semaines de grossesse lorsque la femme est en situation de détresse. Elle crée une clause de conscience spécifique pour les médecins et définit les étapes de la procédure d’IVG pour la femme qui souhaite y recourir.
1975 : promulgation le 17 janvier de la loi Veil. La France rejoint ainsi le Royaume-Uni (1967) et est suivie par la RFA (1976) ou l’Italie (1978).
1979 : le législateur pérennise la loi « Veil » en dépénalisant définitivement l’IVG.
L’élargissement progressif du droit à l’IVG
1982 : loi « Roudy » permettant le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale.
1993 : loi « Neiertz » dépénalise l’auto-avortement et crée le délit d’entrave à l’IVG..
2001 : loi « Aubry-Guigou » allonge de deux semaines le délai de recours à l’IVG (passage de 10 à 12 semaines de grossesse) et supprime l’autorisation parentale pour les mineures
2012 : prise en charge intégrale de l’IVG par la sécurité sociale
2014 : suppression de l’exigence d’être dans une « situation de détresse » pour recourir à l’IVG
2016 : loi « Touraine » de modernisation de notre système de santé. Elle supprime le délai obligatoire de réflexion et permet le libre choix de la méthode abortive
2017 : la loi « Coutelle » étend le délit d’entrave à l’IVG aux nouvelles pratiques en ligne
2022 : la loi « Gaillot » étend de 2 semaines le délai de recours (de 12 à 14 semaines de grossesse).
La constitutionnalisation
2022 et 2023 : plusieurs propositions de loi constitutionnelles sont déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, qui adoptent chacun une rédaction différente.
4 mars 2024 : le Parlement réuni en Congrès adopte le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, à 780 voix « pour » et 72 « contre ».
8 mars 2024 : promulgation de la loi, qui inscrit dans la Constitution de la liberté de la femme d’avoir recours à une IVG. La France est le premier pays au monde à le faire.