N° 388 - Rapport d'information de M. Christian Philip déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur le deuxième paquet ferroviaire




N°388

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2002

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le deuxième paquet ferroviaire,

ET PRÉSENTÉ

par M.  Christian Philip,

Député.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Transports ferroviaires.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. Pierre Goldberg, François Guillaume, secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, François Grosdidier, Michel Herbillon, Patrick Hoguet, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, M. René-Paul Victoria.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : LE PREMIER PAQUET FERROVIAIRE : UN PAS DECISIF MAIS PARTIEL 11

I. LE PREMIER PAQUET FERROVIAIRE A POSE UN CADRE PROPICE A UNE MEILLEURE INTEGRATION DU MARCHE FERROVIAIRE 13

A. L'ouverture progressive du fret à la concurrence 14

1) La création du Réseau transeuropéen de fret ferroviaire 14

2) La possibilité ouverte à de nouveaux entrants d'accéder à l'infrastructure 18

B. La clarification des règles de fonctionnement du marché 19

1) L'encadrement étroit des relations entre les différents acteurs 19

a) La garantie d'un traitement équitable et non discriminatoire de toutes les entreprises ferroviaires 20

b) L'incitation à une utilisation efficace de l'infrastructure 25

2) Le renforcement de la transparence financière des entreprises ferroviaires 26

II. LE CARACTERE PARTIEL DU PREMIER PAQUET FERROVIAIRE 27

A. Le premier paquet ferroviaire : une première étape de la stratégie globale de la Commission pour revitaliser le rail 27

B. Le premier paquet ferroviaire se heurte aux dysfonctionnements récurrents qui affectent le fret 29

1) Malgré l'apparition de nouveaux entrants, la concurrence intramodale demeure faible 29

a) L'apparition de nouveaux entrants 29

b) La position dominante des opérateurs historiques n'est pas réellement menacée 30

2) La prépondérance persistante du transport routier 31

a) Le risque d'une marginalisation du fret ferroviaire 31

b) La perspective inacceptable du maintien de l'impasse actuelle 32

DEUXIEME PARTIE : LE DEUXIEME PAQUET FERROVIAIRE ACCELERE ET COMPLETE LA DEMARCHE ENGAGEE 35

I. L'ACHEVEMENT DU MARCHE INTERIEUR DANS LE DOMAINE FERROVIAIRE 37

A. L'ouverture immédiate et intégrale des réseaux de fret 37

1) La suppression du RTEFF et l'institution du cabotage 37

a) La suppression du RTEFF 37

b) L'institution du cabotage 39

2) L'alignement du fret ferroviaire sur les autres modes de transport 39

B. Deux corollaires : interopérabilité et sécurité 41

1) L'institution de l'Agence ferroviaire européenne 41

a) Le travail quotidien au sein de l'Agence 41

b) Rôle et composition du conseil d'administration 42

2) L'harmonisation des normes de sécurité et d'interopérabilité 43

a) L'interopérabilité 43

b) La sécurité 45

(1) Des approches nationales très différentes 45

(2) Les préoccupations de la Commission 47

II. UNE DEMARCHE QUI DOIT ETRE SOUTENUE SOUS CONDITIONS 49

A. La France ne doit pas adopter une position défensive 49

1) Une stratégie qui isolerait la France... 49

2) Le deuxième paquet peut servir les ambitions internationales de la SNCF, sous réserve d'adaptations internes 50

a) Gérer le transit sur le territoire: le programme d'action du fret 50

b) Les perspectives internationales de l'entreprise 51

B. La nécessité d'une libéralisation maîtrisée 53

1) Les préalables indispensables 53

a) Respecter le phasage prévu par le Conseil européen de Barcelone 53

b) Parvenir à des normes élevées de sécurité 54

(1) Un cadre encore mal défini 54

(2) Les enjeux financiers 55

(3) Quelle(s) autorité(s) de sécurité ? 55

c) Prévenir le dumping social 56

(1) Question sociale et sécurité 56

(2) Dumping social et concurrence déloyale 57

d) Instaurer un cadre de financement adéquat 58

(1) La tarification du réseau : vers l'autofinancement ? 59

(2) Des apports extérieurs sont nécessaires 59

2) L'amélioration souhaitable de certains dispositifs 60

a) Associer la profession ferroviaire 60

b) Fixer des critères relatifs à la qualité des services 61

CONCLUSION 63

TRAVAUX DE LA DELEGATION 65

1) Audition de M. Louis Gallois, Président de la SNCF, sur l'évolution des transports ferroviaires en Europe, le mercredi 20 novembre 2002 65

2) Réunion de la Délégation du mercredi 20 novembre 2002 74

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 77

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées 79

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 24 janvier 2002, un colloque organisé sous l'égide d'Avenir Transports à l'Assemblée nationale avait pour thème : « L'Europe, une région pour le fret de demain ». Le sous-titre en était : « Fret ferroviaire : y croit-on vraiment ? ».

Les quatre projets de texte dont nous sommes saisis - qui forment le deuxième paquet ferroviaire - montrent que la Commission semble croire réellement en l'avenir du fret et entend agir dans ce sens sans délai.

En effet, alors même que les Etats membres doivent transposer les trois directives du premier paquet ferroviaire avant le 15 mars 2003, et qu'à ce jour, seulement deux Etats - le Luxembourg et la Finlande - y ont procédé, la Commission propose, dans ce deuxième paquet :

- l'ouverture totale et immédiate des réseaux de fret à la concurrence, qu'il s'agisse des services internationaux ou des services de fret nationaux. La Commission préconise ainsi la suppression de la période transitoire prévue dans le premier paquet ferroviaire entre le 15 mars 2003 et le 15 mars 2008, date à laquelle les services internationaux devaient être ouverts à la concurrence ;

- la création d'une Agence ferroviaire européenne qui jouera un rôle-clé dans l'élaboration des normes de sécurité et d'interopérabilité nécessaires au bon fonctionnement de cet espace ferroviaire européen désormais intégré.

Pour la Commission, le deuxième paquet ferroviaire est l'un des instruments grâce auxquels peut être effectué le rééquilibrage modal - rendu nécessaire et urgent par la saturation des infrastructures routières. La revitalisation du rail qu'elle préconise depuis plus d'une dizaine d'années concourt ainsi à la poursuite de l'objectif du développement durable.

Mais il s'agit aussi d'achever le marché intérieur, comme c'est déjà le cas dans les autres modes de transport, objectif dont la poursuite a été retardée et entravée, selon la Commission, par l'absence de réelle concurrence au sein du transport ferroviaire.

Pour autant, aussi louables que soient les intentions qui inspirent la Commission, cette dernière risque de se voir reprocher de brûler les étapes mais aussi de méconnaître les conclusions du Conseil européen de Barcelone des 15-16 mars 2002. Ces conclusions prévoient, en effet, que c'est sur la base du rapport de la Commission sur le premier paquet ferroviaire que sera présenté un second paquet(1). Les autorités françaises n'ont pas eu tort d'invoquer ce point lors du Conseil « Transports » du 3 octobre 2002, et de demander, en conséquence, que l'ouverture du fret à la concurrence ne puisse être discutée en l'absence d'un tel rapport.

C'est une position identique que la Délégation pour l'Union européenne du Sénat a soutenue le 6 novembre dernier, dans des conclusions par lesquelles elle se déclare opposée à l'adoption de la proposition de directive ouvrant les réseaux de fret à la concurrence.

Pour sa part, le rapporteur aurait également souhaité que la Commission se conformât à l'idée de phasage soutenue par le Conseil européen, à la fois parce qu'elle aurait ainsi respecté les conclusions du Conseil et parce que la réforme proposée par la Commission n'en aurait été que plus convaincante, si ce rapport confirmait la nécessité de passer à l'ouverture immédiate et totale des réseaux de fret à la concurrence.

Il ne s'agit cependant pas de s'opposer au principe de l'ouverture à la concurrence. Le rapporteur est convaincu qu'il ne serait pas de l'intérêt de la France ni d'imputer les difficultés rencontrées par le fret à l'Europe, lesquelles sont bien antérieures aux propositions de la Commission, ni, pour cette raison, d'apparaître sur la défensive. Non seulement, doit-on le rappeler, notre pays a exercé une forte influence dans l'élaboration des projets de textes concernant l'interopérabilité et la sécurité. Mais, pour ce qui est de l'ouverture du fret à la concurrence, les atouts techniques et le potentiel humain de haute qualité dont dispose la SNCF devraient lui permettre de renforcer sa position d'opérateur majeur sur le marché européen. A cet égard, il convient de se féliciter du sondage récent, selon lequel 60 % des cheminots interrogés à l'occasion de la tenue de la Convention se prononcent en faveur de l'ouverture à la concurrence.

Toutefois, le processus initié par la Commission ne saurait être soutenu si, faute de sérieuses garanties, il n'était pas en mesure de prévenir deux séries de dérives.

La première résulterait du risque d'un écart important entre l'attitude de plusieurs partenaires de la France se prononçant en faveur d'une ouverture intégrale et immédiate du fret, et la réalité, c'est-à-dire l'impossibilité pour ces Etats, ou leur refus, de donner une traduction concrète à cette mesure. Il ne faudrait pas, en effet, que se reproduisent ici des comportements identiques à ceux qui ont pu être observés dans le domaine de l'électricité et du gaz, où la France, accusée de refuser le principe de l'ouverture, s'avère, en fait, moins protectionniste que certains de ses partenaires.

La deuxième dérive serait celle d'une libéralisation sauvage, qui encouragerait le dumping social et la violation des standards de sécurité. Or, il importe sur ces deux points d'élaborer une réglementation irréprochable, à laquelle les Etats membres ne seraient pas encore parvenus en l'état actuel des discussions.

Malheureusement, ces dérives étaient d'autant plus à craindre, jusqu'à ces derniers jours, que le paquet ferroviaire - dont la Commission a souhaité une discussion et une adoption groupées - risquait d'être examiné de façon trop rapide. Le souhait initial de la Présidence danoise était, en effet, de parvenir à un accord politique lors du Conseil « Transports » des 5 et 6 décembre 2002, alors que la Commission des transports du Parlement européen ne procédera au vote sur les rapports et les projets de texte qu'à la fin de ce mois.

C'est cet ensemble de préoccupations qui nous conduiront à évoquer, dans un premier temps, le premier paquet ferroviaire, pas décisif mais partiel, en direction de la revitalisation du rail.

Puis, dans un second temps, après avoir montré l'objet du deuxième paquet ferroviaire - destiné à accélérer la démarche introduite précédemment - nous insisterons sur les conditions d'une libéralisation maîtrisée. A ces conditions, mais à ces conditions seulement, que nous souhaitons remplies rapidement, mais qui peuvent nécessiter une prolongation de quelques mois des discussions en cours - ce qui sera finalement le cas après la décision de la présidence danoise de procéder seulement à un débat d'orientation lors du Conseil « Transports » des 5 et 6 décembre - nous devrions soutenir l'adoption de ce deuxième paquet ferroviaire.

PREMIERE PARTIE :
LE PREMIER PAQUET FERROVIAIRE :
UN PAS DECISIF MAIS PARTIEL

Dans un Livre blanc du 30 juillet 1996 - Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires - la Commission expose les mesures qui devraient être prises, en vue d'enrayer la dégradation continue des parts du rail dans le transport des marchandises. Elle estime, en effet, que les trois directives adoptées au cours des années 1990(2) n'ont pas permis d'atteindre cet objectif de revitalisation du rail.

C'est pourquoi, conformément au Livre blanc, le premier paquet ferroviaire adopté en 2001 met en place des mécanismes destinés à favoriser une meilleure intégration du marché ferroviaire.

Bien que nous ne disposions pas, comme déjà mentionné, d'un bilan de sa transposition, il apparaît toutefois que le cadre posé par le premier paquet ferroviaire constitue seulement une première étape dans la poursuite de l'objectif que s'est fixé la Commission de transférer vers le rail une part significative du transport de marchandises actuellement effectué par la route.

Le premier paquet ferroviaire - encore appelé paquet rail - est un ensemble de trois directives du 26 février 2001 :

- la directive 2001/12 modifiant la directive 91/440 relative au développement des chemins de fer communautaires pose notamment le principe du droit d'accès équitable des entreprises ferroviaires au réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF) ;

- la directive 2001/13 modifiant la directive 1995/18 concernant les licences des entreprises ferroviaires élargit la notion d'entreprise ferroviaire. En outre, elle prévoit que les licences doivent être accordées par un organisme qui n'effectue lui-même aucune prestation de services de transport ferroviaire ;

- la directive 2001/14 modifiant la directive 1995/19 concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire. Parmi ses principales dispositions figure la faculté accordée aux Etats membres d'autoriser d'autres candidats que les entreprises ferroviaires - les chargeurs, entre autres - à demander des capacités sur leur territoire.

Ces dispositions reprennent des mécanismes analogues par lesquels d'autres secteurs ont été libéralisés. Il s'agit, d'une part, de l'ouverture progressive à la concurrence et, d'autre part, de l'établissement de règles destinées à améliorer le fonctionnement du marché.

Cette ouverture s'est appuyée sur la création du RTEFF et l'élargissement des possibilités d'accès à l'infrastructure en vue de faciliter la venue sur le marché de nouveaux entrants.

1) La création du Réseau transeuropéen de fret ferroviaire

Antérieurement à la présentation du paquet ferroviaire, la Commission n'a cessé de plaider en faveur d'une ouverture des réseaux ferroviaires, en particulier ceux du fret, en vue d'enrayer la dégradation continue de ses parts de marché.

Ce sont les autorités françaises, pourtant accusées de protectionnisme, qui auront joué un rôle pilote dans l'élaboration de l'idée du RTEFF, qui modifie la directive 91/440 du 29 juillet 1991, relative au développement des chemins de fer communautaires.

A l'origine, ce texte a limité l'ouverture des réseaux nationaux à l'octroi de droit d'accès et de transit aux groupements internationaux d'entreprises ferroviaires - comme c'est le cas par exemple d'Eurostar et de Thalys - et aux entreprises fournissant des services de transport combinés.

La Commission s'en est persuadée puisqu'à peine les directives complémentaires 95/18 et 95/19 précisant les conditions d'accès étaient-elles publiées, la Commission proposait de modifier l'économie de la directive 91/440. Ainsi, dans une communication du 19 juillet 1995(3), elle suggérait d'étendre les droits d'accès à tous les services de fret, aussi bien nationaux qu'internationaux et aux services internationaux de transport de personnes, sans la condition préalable de constituer un groupement. Dans le cas du fret, elle estimait, en effet, que l'exigence d'appartenance à un groupe international posée par l'article 10 de la directive 91/440, empêcherait une entreprise ferroviaire de mettre en place une chaîne de transport complète intégrant les trajets internationaux et nationaux. Elle soutenait, en outre, que ces services pouvant être exploités dans des conditions rentables, l'ouverture de l'accès devrait attirer de nouveaux capitaux et entreprises.

Poursuivant son plaidoyer en faveur d'un accès complètement ouvert des services de fret, la Commission a proposé la création de corridors ferroviaires transeuropéens (freeways).

Dans une communication de 1997(4), la Commission indiquait que ces « freeways » répondraient à deux séries d'objectifs :

- assurer la liberté d'accès à tous les opérateurs, tant les entreprises ferroviaires existantes, qui souhaitent étendre leurs activités au-delà de leurs frontières nationales, que de nouveaux arrivants sur le marché des transports ferroviaires ;

- faciliter et simplifier l'usage des infrastructures ferroviaires, grâce notamment à la création d'un guichet unique. Cette structure est chargée d'identifier et de distribuer les sillons et d'appliquer la tarification pour le compte des gestionnaires d'infrastructures. Les avantages de tels itinéraires consistent principalement dans les réductions de temps d'attente aux frontières et les possibilités d'augmentation de la vitesse moyenne, évaluées par la Commission respectivement à 80 % et à 20 %.

La France s'est opposée à la création des freeways, au motif qu'ils risquaient de nuire à la stabilité des entreprises ferroviaires et a proposé la création de « freightways », dont le fonctionnement est basé sur le principe de coopération.

Les corridors de fret ferroviaires

Depuis le 1er janvier 1998, quatre corridors ont été ouverts :

- Le premier, le 12 janvier 1998, a été institué par un accord de coopération entre la Belgique, l'Italie, le Luxembourg et la France. Il relie Muizen près d'Anvers (Belgique) à Sibelin près de Lyon et a été prolongé vers l'Italie, d'une part, et vers Marseille, puis vers l'Espagne, d'autre part. Ce corridor, appelé BELIFRET, est emprunté par 20 trains par semaine ;

- Le deuxième, ouvert à la concurrence le 1er février 1999 entre l'Allemagne, la Hollande, l'Autriche, la Suisse et l'Italie, relie Rotterdam et Anvers au sud de l'Italie par l'est ;

- Le troisième, auquel la SNCF ne participe pas, reliant les ports de Rotterdam et de Gioia Tauro dans le sud de l'Italie, est accessible depuis le 1er juillet 1998 ;

- Le quatrième, Glasgow-Sopron (Hongrie), ouvert en application d'un accord de coopération, ne fonctionne pratiquement pas.

D'après les renseignements qui ont été fournis au rapporteur, la majorité des trafics est effectuée en dehors de BELIFRET.

Cette opposition entre freeways et freightways reflète une opposition de nature plus politique - à savoir le conflit sur les vertus respectives de la coopération et de l'ouverture à la concurrence - que commerciale. Il s'agit, dans les deux cas, de permettre une circulation transfrontalière continue et performante des trains de fret sur un axe international, ce qui est également l'objectif recherché par le RTEFF.

Quoi qu'il en soit, les mesures préconisées par la Commission ont été critiquées, parce qu'elle proposait une libéralisation immédiate et non progressive et parce qu'elles étaient silencieuses au sujet des mesures d'accompagnement nécessaires pour définir les conditions d'accès. C'est ainsi que tout en soutenant le principe de la libéralisation, le Parlement européen avait souhaité qu'elle s'effectue progressivement, comme dans le cas des transports maritimes et aériens et des télécommunications, parallèlement à la mise en œuvre des mesures d'accompagnement nécessaires. Le Parlement européen y incluait notamment : la fixation des règles applicables à l'interopérabilité et à l'attribution des sillons ; les mesures à caractère social en faveur de l'emploi des cheminots ou encore l'établissement d'une séparation institutionnelle obligatoire entre la gestion des infrastructures et l'exploitation. En second lieu, la libéralisation doit porter, dans une première phase, sur les transports internationaux de marchandises et, ensuite, sur les transports nationaux de marchandises(5).

Selon des modalités différentes de celles prévues par la résolution du Parlement européen, la Commission proposait alors
- sans établir de distinction entre le marché intérieur et le marché international - d'ouvrir immédiatement 5 %(6) du marché des transports de marchandises et de poursuivre, par phase égale, pour atteindre 15 % au bout de cinq ans et de continuer pour atteindre 25 % au bout de dix ans. Un tel dispositif s'appliquerait au travers de l'extension progressive des droits d'accès à l'infrastructure des entreprises « différentes des opérateurs historiques » - dont les chargeurs - « de telle manière qu'une proportion croissante de la capacité d'infrastructure soit mise à la disposition de ces entreprises »(7).

Paradoxalement, lorsqu'elle a présenté le paquet ferroviaire, la Commission n'a prévu aucune disposition allant dans le sens d'une libéralisation progressive des réseaux, tout en introduisant des dispositifs qui s'inspirent des mesures d'accompagnement préconisées par la résolution précitée du Parlement européen du 13 janvier 1998.

C'est pourquoi, conformément à cette dernière, le Parlement européen a, en première lecture, préconisé l'extension des droits d'accès à l'ensemble des entreprises ferroviaires responsables du transport international de marchandises dans tous les Etats membres.

En deuxième lecture, le Parlement européen a ouvert la possibilité aux entreprises ferroviaires de bénéficier de droits d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, tant pour le transport national que pour le transport international de marchandises, au terme d'une période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la directive et ,en 2010 au plus tard, pour ce qui est du transport international de voyageurs.

De son côté, le Conseil a retenu une idée proposée par les autorités françaises qui tendait à limiter l'ouverture à la concurrence au seul RTEFF. D'une longueur de 50 000 kilomètres, ce réseau
- dédié au fret et représentant environ 80 % du trafic de fret européen - reprend les axes principaux de trafic ferroviaire jusqu'aux limites de l'Union européenne et en tenant compte des perspectives d'élargissement. Il comprend également l'accès à des terminaux et à des ports importants, ainsi que la prestation des services dans ces terminaux et ports.

Finalement, l'accord obtenu en comité de conciliation, à l'issue de longues discussions, prévoit que les entreprises ferroviaires titulaires d'une licence en matière de transport international de marchandises, auront un droit d'accès au RTEFF jusqu'en 2008. Au terme de cette période transitoire, l'ensemble des entreprises ferroviaires se verront accorder un droit d'accès à la totalité du réseau ferroviaire européen pour le transport international de marchandises.

2) La possibilité ouverte à de nouveaux entrants d'accéder à l'infrastructure

Dans un secteur très largement dominé par le monopole des opérateurs historiques, il apparaissait essentiel à la Commission de favoriser l'accès de nouveaux entrants.

Dans cette perspective, la validité des licences accordées aux entreprises ferroviaires a été étendue à l'ensemble du territoire de la Communauté. La consécration d'un principe de reconnaissance mutuelle des licences peut ainsi favoriser l'accès au RTEFF.

De même, les Etats membres ont-ils la faculté de permettre à d'autres candidats que les entreprises ferroviaires et les regroupements internationaux d'introduire des demandes visant à obtenir des capacités de l'infrastructure sur leur territoire. Comme le précise l'article 2-b) de la directive 2001/14/CE, ces candidats sont, par exemple, certaines autorités publiques, les chargeurs, les transitaires et les opérateurs de transports combinés.

Par cette dernière disposition, le législateur communautaire a voulu prendre en considération la réglementation mise en place dans plusieurs Etats membres - Grande-Bretagne, Allemagne ou Suède - qui ont déjà ouvert leurs réseaux à la concurrence ou même les ont privatisés.

Ce faisant, le législateur communautaire a écarté la disposition proposée initialement par la Commission, qui aurait imparti aux Etats membres l'obligation d'accepter que les candidats dits autorisés - chargeurs, collectivités territoriales, entre autres - puissent demander des capacités d'infrastructures. En effet, les autorités françaises ainsi que l'Assemblée nationale, par sa résolution du 16 juin 1999, s'y sont fermement opposées, au motif qu'en application du principe de subsidiarité, les Etats membres doivent être libres de choisir leur mode d'organisation ferroviaire. Par conséquent, le fait que certains Etats membres aient décidé d'ouvrir leurs réseaux au-delà des dispositions prévues par la directive 91/440 ne doit pas avoir pour effet de contraindre les autres Etats à adopter la même politique. Au demeurant, le développement de la coopération entre les réseaux offre une alternative crédible à la concurrence intramodale encouragée par la Commission.

Pour autant, on aura l'occasion de voir plus loin que le développement de la concurrence intramodale peut servir utilement d'aiguillon aux opérateurs historiques.

Le premier paquet ferroviaire cherche à aligner le fret ferroviaire sur les autres modes de transport. D'une part, les relations entre les différents acteurs sont étroitement encadrées et, d'autre part, une stricte séparation est instituée, afin de renforcer la transparence financière des entreprises ferroviaires.

1) L'encadrement étroit des relations entre les différents acteurs

Le premier paquet ferroviaire a souhaité poursuivre deux objectifs :

- la garantie d'un traitement équitable et non discriminatoire de toutes les entreprises ferroviaires ;

- l'incitation à l'utilisation efficace et compétitive de l'infrastructure.

a) La garantie d'un traitement équitable et non discriminatoire de toutes les entreprises ferroviaires

Deux séries de dispositions y concourent :

- les notions nouvelles d'entreprise ferroviaire et de candidats ;

- l'institution de dispositifs ayant pour objet de prévenir les conflits d'intérêts.

· Les notions nouvelles d'entreprise ferroviaire et de candidats

Sous la réglementation antérieure au premier paquet ferroviaire, il n'existait qu'une seule catégorie d'entreprise ferroviaire, définie comme toute entreprise - à statut public ou privé - titulaire d'une licence dont l'activité principale est la fourniture de prestations de transport de marchandises et/ou de voyageurs par chemin de fer, la traction - c'est-à-dire le fait de faire rouler un train - devant obligatoirement être assurée par cette entreprise(8).

Seules les entreprises ferroviaires répondant à ces conditions pouvaient bénéficier des droits d'accès et de transit ouverts par la directive 91/440.

Or, en vue d'élargir l'ouverture des réseaux et de favoriser l'arrivée de nouveaux entrants, la directive 2001/14/CE institue désormais deux types d'entreprises ferroviaires : celles qui sont titulaires d'une licence et celles qui assurent uniquement la traction, étant observé que, comme c'était le cas précédemment, pour des raisons de sécurité, la traction demeure du ressort exclusif d'une entreprise ferroviaire.

Cette nouvelle définition de l'entreprise ferroviaire est liée à l'introduction de la notion de candidat, qui inclut, aux termes de l'article 2-b) de la directive 2001/14/CE :

- toute entreprise ferroviaire agréée et/ou tout regroupement international d'entreprises ferroviaires titulaires d'une licence ;

- dans les Etats membres qui prévoient cette possibilité, d'autres personnes physiques ou morales ou entités ayant des raisons commerciales ou de service public d'acquérir des capacités de l'infrastructure pour l'exploitation d'un service ferroviaire sur leurs territoires respectifs, comme, par exemple, certaines autorités publiques, les chargeurs, les transitaires et les opérateurs de transports combinés.

Le premier paquet ferroviaire institue donc un cadre légal
- fût-il facultatif - pour les expériences de libéralisation déjà mises en œuvre par différents Etats qui, à la différence de la France, sont allés au-delà des dispositions prévues par la directive 91/440.

Concrètement dans ces Etats membres, des opérateurs autres que l'opérateur historique - dont d'ailleurs des filiales de la SNCF ! - peuvent faire circuler des trains de marchandises ou de passagers.

Or, même si, comme on le verra ultérieurement, la concurrence intermodale demeure faible, elle n'en existe pas moins et peut être appelée à se développer dans l'avenir. Cela étant, en ce qui concerne la France, dans le cadre des travaux actuellement en cours en vue de l'élaboration du décret de transposition du premier paquet ferroviaire - les régions pourraient être considérées comme des candidats autorisés - ce qui est déjà le cas des Länder en Allemagne. Ce point n'est toutefois pas encore définitivement tranché.

· L'institution de dispositifs destinés à prévenir les conflits d'intérêts

Ces mécanismes revêtent deux aspects.

D'une part, les Etats membres sont tenus de mettre en place un organe de contrôle, qui sera le garant du respect des nouvelles règles du jeu.

D'autre part, les compétences sont redistribuées pour ce qui est de l'attribution des licences et des capacités.

¬ Aux termes de l'article 30 de la directive 2001/14, l'organe de contrôle que les Etats membres seront tenus de créer peut être le ministère chargé des questions de transport ou tout autre organisme, qui doit être indépendant des gestionnaires d'infrastructure, des organismes de tarification, de répartition des capacités et des candidats.

Cet organe exercera des fonctions de contrôle et pourra être saisi de recours contre les décisions prises par le gestionnaire de l'infrastructure ou, le cas échéant, par l'entreprise ferroviaire en ce qui concerne :

- le document de référence du réseau ; ce document expose les caractéristiques de l'infrastructure mise à la disposition des entreprises ferroviaires et contient des informations précisant les conditions d'accès à l'infrastructure ferroviaire ;

- les critères contenus dans ce document ;

- la procédure de répartition des capacités et ses résultats ;

- le système de tarification ;

- le niveau ou la structure des redevances d'utilisation de l'infrastructure que le candidat est ou pourrait être tenu d'acquitter ;

- le certificat de sécurité, l'application et le contrôle des normes et règles de sécurité.

Certains Etats membres ont souhaité confier l'exercice du contrôle à un organe indépendant. Il en est ainsi de la Grande-Bretagne où l'Office of the Rail Regulator (ORR) veille au respect de la concurrence sur le réseau et examine les plaintes des entreprises ferroviaires touchant aux redevances d'utilisation de l'infrastructure ou la répartition des capacités.

L'Allemagne a institué l'Office fédéral des Chemins de fer, qui joue un rôle analogue à celui du régulateur britannique.

¬ Pour ce qui est de la redistribution des compétences dans certains domaines, là encore, les auteurs du paquet ferroviaire ont souhaité instaurer des règles impartiales. C'est ainsi que les licences ne sont plus délivrées aux entreprises ferroviaires par l'Etat, mais par un organisme qui n'est pas lui-même une entreprise ferroviaire.

¬ En ce qui concerne la répartition des capacités, elle relève du gestionnaire de l'infrastructure, qui doit veiller à ce que les capacités d'infrastructure soient réparties sur une base équitable et non discriminatoire. Si le gestionnaire de l'infrastructure n'est pas indépendant des entreprises ferroviaires, ses compétences en ce domaine sont assumées par un organisme de répartition, qui est indépendant des entreprises ferroviaires.

Il s'agit là d'un problème très sensible, comme le montrent les critiques émises en Allemagne à l'encontre du gestionnaire de l'infrastructure, DB Netz.

DB Netz est, en effet, l'une des cinq sociétés faisant partie de la holding Deutsche Bahn qui a été constituée le 5 janvier 1994. Or, pour tous les partis et groupes politiques(9) ainsi que pour le Bundeskartellamt - l'Office de la concurrence - le fait que DB Netz fasse partie de la holding Deutsche Bahn constitue une source de distorsion de concurrence dont souffrent les nouveaux entrants et les entreprises qui souhaitent accéder au réseau. Il serait donc nécessaire aux yeux des uns et des autres de procéder à une séparation plus nette entre DB Netz et la société mère Deutsche Bahn.

C'est à cette même conclusion qu'est parvenu un groupe de travail désigné par le gouvernement fédéral, lequel a estimé que compte tenu des exigences des directives 2001/12 et 2001/14(10), il découle que :

· les statuts de la holding Deutsche Bahn AG et de DB Netz doivent être modifiés afin de garantir l'indépendance de la fixation des prix par DB Netz et d'interdire toute influence directe ou indirecte de la part de la maison mère Deutsche Bahn ;

· la transparence des relations entre DB Netz et la maison mère devra être accrue ;

· une « agence des sillons » sera créée au sein de l'Office fédéral des chemins de fer (« Eisenbahnbundesamt », EBA). Placée directement sous la tutelle du ministère fédéral des transports, cette entité, agissant comme instance de contrôle de DB Netz AG, veillera au respect de l'accès non discriminatoire aux infrastructures, supervisera la préparation du graphique et contrôlera le caractère non discriminatoire du système de tarification des sillons. Elle recevra de DB Netz AG tous les éléments d'information nécessaires à l'exercice de ses activités.

Ces mesures permettraient le maintien prévu de DB Netz au sein de la holding Deutsche Bahn. La Commission a donné son accord dans le cas du respect de séparation ou de contrôle des flux (mise en place d'une « muraille de Chine »). Le résultat paraît d'autant plus acceptable par le ministère fédéral, qu'il existe de nombreuses entreprises ferroviaires qui disposent de propres infrastructures et pour lesquelles il pourra suffire de revoir l'organisation, afin de satisfaire aux exigences de la réglementation communautaire et de garantir un libre accès non discriminatoire.

Les modifications sont en cours, dans le cadre d'un projet de loi modifiant la réglementation ferroviaire et d'un décret sur l'utilisation des infrastructures ferroviaires. Les textes préparés par le Gouvernement fédéral devraient être votés par le Parlement avant le 15 mars 2003, date de la transposition du premier paquet ferroviaire.

Pour ce qui est de la France, c'est RFF qui, selon les informations fournies au rapporteur, se verrait chargé par le décret de transposition de l'attribution des sillons, en sa qualité d'organisme de répartition des capacités. A cet effet, 25 horairistes de la SNCF seraient affectés à RFF. Or, certains professionnels entendus par le rapporteur doutent que ce transfert soit suffisant et permette à RFF d'assumer sa tâche, conformément aux exigences de la directive 2001/14.

Tel n'est ni le sentiment de la SNCF, ni celui de RFF. S'agissant de la SNCF, son Président, M. Louis Gallois, a, en effet, déclaré le 2 octobre dernier lors de son audition par la Commission de la production que la SNCF s'organisait pour faire le travail technique de dessin des sillons pour le compte de RFF, dans des conditions d'équité et de transparence telle que la concurrence ne se sente pas lésée. Cette nouvelle structure - identifiée et autonome - pourra être contrôlée. En outre, un service des sillons sera créé qui aura précisément pour tâche de présenter les demandes de sillons de la SNCF à RFF.

Quant au Président de RFF, M. Jean-Pierre Duport, il a indiqué au rapporteur que les discussions qu'il avait eues avec la SNCF lui permettaient d'affirmer que cette dernière jouera loyalement le jeu et aidera RFF à assumer ses fonctions d'organisme de répartition des capacités.

Il n'en reste pas moins que l'on peut s'interroger sur ce transfert partiel qui semble, malgré les déclarations faites, répondre plus au souci de ménager certains équilibres existants qu'à une vraie logique. La France sera critiquée - inutilement ? - sur cette organisation.

¬ Enfin, en ce qui concerne la fixation des normes de sécurité et la certification du matériel roulant ou les enquêtes dont doivent faire l'objet les accidents, ces tâches doivent être confiées à une entité indépendante des entreprises ferroviaires, de manière à ce qu'un accès équitable et non discriminatoire à l'infrastructure soit garanti.

b) L'incitation à une utilisation efficace de l'infrastructure

A l'évidence, la directive 2001/14 invite les gestionnaires de l'infrastructure à favoriser le développement du fret international, conformément aux souhaits de la Commission. C'est ainsi qu'ils doivent s'efforcer de satisfaire toutes les demandes de capacité de l'infrastructure et notamment celles portant sur les sillons qui traversent plus d'un réseau. De surcroît, ils doivent, lors de la fixation des critères de priorité, tenir dûment compte de l'importance des services de fret - et en particulier des services de fret internationaux. Enfin, ils organisent des sillons internationaux, notamment dans le cadre du RTEFF.

Il est toutefois hasardeux d'affirmer que ces dispositions pourront s'appliquer pleinement, surtout lorsqu'il faudra trancher entre le trafic voyageurs et le fret, ce dernier ne votant pas, comme on a l'habitude de le souligner.

2) Le renforcement de la transparence financière des entreprises ferroviaires

En vue d'empêcher les subventions croisées, la directive 2001/12 impose une séparation des comptabilités des services de transport de voyageurs et de fret.

D'après les renseignements recueillis par le rapporteur, le décret de transposition précisera le contenu de cette obligation de séparation, qui imposera donc l'individualisation du compte fret dans les comptes de la SNCF.

En l'absence d'un bilan précis sur la transposition du premier paquet ferroviaire - à laquelle d'ailleurs plusieurs Etats membres n'ont pas encore procédé ou ne pourront être en mesure d'y procéder d'ici au 15 mars 2003 - il est difficile de pouvoir porter un jugement sur ses effets réels.

Le rapporteur souhaiterait toutefois insister, à ce stade, sur deux séries de faits qui doivent permettre de relativiser les critiques qui ont pu être émises notamment en France lors de la discussion du premier paquet ferroviaire :

- tout d'abord, ces textes constituent seulement une première étape de la stratégie globale de la politique ferroviaire que la Commission souhaite mettre en œuvre ;

- en second lieu, ils interviennent dans un contexte marqué par les dysfonctionnements récurrents qui affectent le fret.

Il est vrai que le premier paquet ferroviaire n'a comporté aucun volet concernant l'interopérabilité ou la sécurité, puisque ces deux questions ont été soulevées à l'occasion du Conseil « Transports » du 10 décembre 1999, lequel était parvenu à conclure un accord politique. C'est ainsi que les autorités françaises avaient alors souligné la nécessité de mettre en œuvre une stratégie visant à améliorer l'interopérabilité du système ferroviaire conventionnel, devenu - la directive 2001/16/CE du 16 mars 2001 ayant, depuis lors, posé un cadre à cet effet - et à supprimer les goulets d'étranglement. Sur ce dernier point, la Commission avait alors proposé d'affecter, en 2000, un crédit d'un montant de 200 millions d'euros prélevés sur les dotations consacrées aux Réseaux transeuropéens.

En ce qui concerne la sécurité, les autorités françaises avaient proposé également la création d'un organisme européen chargé de vérifier la conformité des systèmes de sécurité et d'attribuer une sorte de label européen, qui contribuerait à réduire les risques de discrimination.

Ces omissions du premier paquet ferroviaire apparaissent d'autant plus paradoxales que le Livre blanc de 1996, sur la stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires, contenait une stratégie globale, qui touche aux différents aspects du fonctionnement d'un espace ferroviaire réellement intégré, à l'exemple des autres modes de transport : droit d'accès, interopérabilité, financement des infrastructures et questions sociales.

Pour autant, il est clair, d'une part, que, comme le montre le processus de libéralisation d'autres secteurs, il est exceptionnel que toutes les mesures d'accompagnement nécessaires aient pu être prises en une seule fois. D'autre part, et surtout, il est évident que le premier paquet ferroviaire - tout comme le deuxième - se situe dans la droite ligne du Livre blanc sur la revitalisation des chemins de fer communautaires et des autres communications de la Commission.

Le premier paquet ferroviaire institue bien un espace ferroviaire beaucoup mieux intégré que ce n'était le cas précédemment, ou en tout cas, dont les potentialités - au plan de l'ouverture à la concurrence - sont plus fortes. Il n'est pas indifférent de rappeler que le RTEFF représente environ 80 % du trafic de fret européen.

En second lieu - comme le montrent les mesures de transposition que devront prendre la quasi-totalité des Etats membres - les dispositifs du premier paquet ferroviaire concourront incontestablement à améliorer les règles du jeu. On l'a vu précédemment à propos des conditions de répartition des capacités en France et en Allemagne. Mais on pourrait également citer le cas de la Suède, l'un des premiers Etats membres à s'être engagé dans le processus d'ouverture à la concurrence.

C'est ainsi que le texte de transposition, qui devrait être soumis au Parlement suédois en janvier 2003, abordera la question de la réciprocité en matière d'ouverture du marché. En effet, si les lignes de fret sont bien ouvertes à la concurrence depuis 1996, c'est sous réserve toutefois que l'opérateur étranger dispose d'une filiale établie en Suède. Ce texte devrait également proposer la création d'une entité régulatrice, puisque, actuellement, c'est l'une des directions de Bankverket, l'administration ferroviaire compétente pour le contrôle de la circulation ferroviaire et l'allocation des sillons, qui, par ailleurs, tranche les différends relatifs aux accords de circulation ferroviaire entre les opérateurs et Bankverket.

On constate, en effet, que, malgré l'apparition de nouveaux entrants, la concurrence intramodale demeure faible, tandis que le fret ferroviaire continue de souffrir d'une insuffisante compétitivité par rapport à la route.

1) Malgré l'apparition de nouveaux entrants, la concurrence intramodale demeure faible

a) L'apparition de nouveaux entrants

Certains exemples sont fréquemment cités, qui montrent que de nouveaux entrants peuvent tirer pleinement profit de l'exploitation de niches. Par exemple, en Allemagne, les réseaux portuaires traitent de tonnages considérables : ainsi, le « Hafenbahn Hambourg » (réseau ferroviaire du port de Hambourg), avec ses 400 kilomètres de lignes, a-t-il réalisé, en 1999, un trafic de 22,3 millions de tonnes de fret (100 millions de t/km)(11).

L'exemple des ports est, au demeurant, d'autant plus intéressant que la bonne desserte ferroviaire de leur hinterland constitue, à l'heure actuelle, un facteur-clé de leur compétitivité.

Le cas du fabricant de meubles suédois Ikea est également cité. Depuis le mois de juin 2002, cette entreprise exploite une liaison ferroviaire entre le sud de la Suède et la ville de la Ruhr, Duisbourg, soit une liaison de 1 000 kilomètres. Le sillon accordé permet de faire circuler les trains à une vitesse dépassant 60 km/heure. L'objectif d'Ikea est de faire passer à 40 % la part de marché du rail dans son volume de transport(12).

b) La position dominante des opérateurs historiques n'est pas réellement menacée

C'est toujours et encore d'une concurrence monopolistique qu'il faut parler en ce qui concerne le fret ferroviaire, comme le montrent très clairement les statistiques. Ainsi, l'Allemagne a-t-elle beau compter 189 entreprises ferroviaires titulaires d'une licence d'exploitation de transport de marchandises, le volume transporté par les nouveaux entrants en 2000 - soit 4,8 milliards de t/km - ne représenterait que 6 % de celui de la Deutsche Bahn(13). En Suède, Green Cargo, la filiale de l'opérateur historique SJ détient toujours une part de marché de 96 % avec notamment une clientèle de grandes sociétés forestières et papetières ou sidérurgiques, mais elle n'exploite plus directement la ligne du minerai de fer de Kiruna. Il existe deux grands opérateurs privés : MTAB exploite la ligne de transport du minerai de fer de Botnie ; BK Täg, détenu par le groupe suédois Karlsson, transporte les marchandises de l'entreprise papetière MoDo Paper, du gazole et des produits sidérurgiques.

Cette prépondérance de l'opérateur historique suédois tient à ce que le territoire de la Suède - hormis pour la Norvège - n'est pas une voie de passage vers d'autres pays européens.

Mais, au-delà de cette particularité, plusieurs facteurs contribuent au maintien de la position dominante des opérateurs historiques. Tout d'abord, la réglementation communautaire ou nationale va dans ce sens. C'est ainsi que la faculté ouverte aux Etats membres - et non l'obligation - d'accorder des sillons aux candidats autres que les entreprises ferroviaires peut être un moyen destiné à limiter la venue de nouveaux entrants. Il en résulte que la SNCF n'a pas de concurrent sur le marché intérieur, parce que la France n'a pas usé de cette faculté, à la différence de plusieurs de ses partenaires.

De même, certaines autres procédures ne sont-elles pas non plus harmonisées, puisque la licence fait l'objet d'une reconnaissance mutuelle à la différence du certificat de sécurité, ce à quoi le deuxième paquet ferroviaire porte remède en partie.

Quant à réglementation nationale, elle peut être source de distorsion de concurrence - comme on l'a vu avec les critiques auxquelles le gestionnaire de l'infrastructure DB Netz est confronté en Allemagne.

Enfin, il est probable que les nouveaux entrants potentiels ou ceux qui ont quitté le marché n'aient pas la capacité financière suffisante pour faire face aux coûts fixes très élevés qu'exige l'activité ferroviaire.

2) La prépondérance persistante du transport routier

Avec 14 %(14), en moyenne, de parts de marché en Europe contre 74 % pour la route, le fret ferroviaire est menacé de marginalisation. Le maintien d'une telle perspective n'est toutefois pas inéluctable, car, comme M. Jean-Pierre Duport, Président de RFF, l'a déclaré au rapporteur, il importe que « l'on ne parte pas battu ».

a) Le risque d'une marginalisation du fret ferroviaire

Les causes de l'impasse à laquelle l'Europe est confrontée depuis de très nombreuses années sont bien connues. Sont généralement invoquées : la très forte baisse et même la disparition de certains trafics qui avaient recouru au fret ferroviaire - minerai de fer, par exemple - et l'existence de distorsions de concurrence entre le transport routier et le transport ferroviaire. De telles distorsions sont dues, entre autres, à l'absence d'internalisation des coûts externes, c'est-à-dire que la tarification de l'usage de l'infrastructure par chaque mode de transport ne reflète pas, par exemple, les dommages qu'il cause à l'environnement.

Le rapporteur n'ignore pas le jeu de ces facteurs, qui présentent toutefois le double risque de diaboliser le transport routier et d'empêcher un examen impartial des autres causes de la compétitivité insuffisante du fret ferroviaire. Or, il est intéressant de relever que, dans cette recherche des causes, l'accent est aujourd'hui très clairement mis sur la réactivité insuffisante du fret ferroviaire aux exigences de la logistique - celle, en particulier du juste-à-temps - et de la qualité de service.

Corrélativement, une telle démarche met en relief deux lacunes dont souffre le fret, notamment en France : l'absence de priorité au profit du fret, reflet elle-même de l'absence de culture du fret. Celle-ci est liée, pour les uns, à la prédominance de la culture de l'ingénieur et, pour les autres, à la situation de monopole tranquille qui a empêché les opérateurs historiques de répondre aux exigences nouvelles du marché.

b) La perspective inacceptable du maintien de l'impasse actuelle

Il existe des possibilités de conquête ou de reconquête de parts de marché, qu'il appartient aux opérateurs et aux Etats d'exploiter, comme le confirment plusieurs exemples.

Il en est ainsi du cas britannique, qui mérite d'être cité, malgré les particularités de ce pays. Ainsi le tableau ci-dessous révèle-t-il que le volume du fret ferroviaire a augmenté de près de 20 % entre 1997 et 2002.

Source : ministère des transports.

Le deuxième exemple est celui de Deutsche Bahn, qui, selon son Président, M. Harmut Mehdorn, a transporté en 2001 82 000 tonnes par kilomètre, 1 000 trains par jour équivalant à 142 000 camions(15).

Enfin, le dernier exemple est celui de la SNCF qui, même s'il ne concerne pas le fret, mais celui du trafic voyageurs, confirme l'existence de gisements de productivité. En effet en 1974, une rame TVG parcourait 350 000 kilomètres par an et en 1980 entre 550 et 600 000 kilomètres par an.

Dans cette bataille du fret ferroviaire, il est clair que les Etats ont un rôle primordial à jouer. Même s'il convient de tenir compte des particularités du contexte américain - notamment, le rôle marginal du trafic voyageurs - la leçon principale que nous autres Européens devons en tirer est que l'objectif de doublement du fret en 30 ans a exigé une politique soutenue d'investissements. C'est au prix d'investissements d'un montant de 100 milliards de dollars, que le fret a pu passer de 1 000 milliards de tonnes/km en 1970 à 2 000 milliards en 1998(16).

Cette expérience doit d'autant plus être méditée que l'on peut s'interroger sur les conditions dans lesquelles les Etats entendent poursuivre l'objectif de revitalisation du rail que tous déclarent approuver. A cet égard, on rappellera, d'une part, que parmi les quatorze projets retenus en 1994 au Conseil d'Essen, trois seulement ont été achevés, dont la liaison mixte rail-route de l'Öresund.

D'autre part, si la Commission propose de relever à 20 % le taux de participation communautaire à la réalisation de projets « critiques » présentant un fort intérêt au niveau communautaire mais une rentabilité financière faible, ce taux s'applique à une enveloppe limitée à 4,7 milliards d'euros d'ici 2006, si cette enveloppe est approuvée par le Conseil et le Parlement européen.

DEUXIEME PARTIE :
LE DEUXIEME PAQUET FERROVIAIRE ACCELERE ET COMPLETE LA DEMARCHE ENGAGEE

Le deuxième paquet ferroviaire soulève, à l'évidence, la question de l'adéquation de la méthode proposée par la Commission - c'est-à-dire l'accélération de l'ouverture à la concurrence des réseaux nationaux et internationaux du fret ferroviaire - à l'objectif de revitalisation du rail.

Ce dernier, s'il est nécessaire, ne saurait être poursuivi à n'importe quelle condition, en particulier au prix de discussions trop rapides, comme l'a craint le rapporteur dans ses propos liminaires.

C'est pourquoi il juge indispensable de soumettre le processus préconisé par la Commission au respect de certains préalables.

Cette ouverture repose sur la suppression du RTEFF et sur l'institution du cabotage.

1) La suppression du RTEFF et l'institution du cabotage

a) La suppression du RTEFF

Cette suppression reflète bien la volonté de la Commission d'accélérer le processus d'ouverture du fret ferroviaire à la concurrence. En effet, la directive 2001/12, qui doit être transposée d'ici au 15 mars 2003, prévoit l'ouverture des services internationaux de fret ferroviaire sur le RTEFF entre le 15 mars 2003 et le 15 mars 2008, date à laquelle ces services doivent être entièrement ouverts à la concurrence. Or, cette phase transitoire est abrogée en raison de la suppression du RTEFF.

Ce n'est pas la première fois que la Commission préconise cette ouverture immédiate des réseaux internationaux. Le rapporteur a ainsi rappelé, lorsqu'il a retracé la genèse du RTEFF, qu'en 1995, la Commission avait présenté une proposition visant à ouvrir les réseaux de transport ferroviaire de fret et de passagers. Dans l'exposé des motifs de la proposition de directive, elle précise qu'« il n'a pas été donné suite à cette proposition parce que, à l'époque, le cadre réglementaire pour le secteur ferroviaire n'était pas encore suffisamment achevé (en matière de sécurité et d'interopérabilité, par exemple), pour assurer un fonctionnement des marchés ouverts ». On a reconnu, précise-t-elle, « qu'en raison des caractéristiques particulières du marché ferroviaire, l'intégration de celui-ci devrait se faire par étapes ».

L'accélération, à laquelle la Commission procède, repose, à ses yeux, sur deux séries de considérations.

La première tient aux attentes des chargeurs. En effet, en France tout au moins, parmi les cinq mesures urgentes à mettre en œuvre dans le domaine du fret, le GIFF (Groupe d'intérêts pour le fret ferroviaire) citait en 2000 l'ouverture du marché. Or, le GIFF considérait que le projet de RTEFF n'allait pas assez loin, tout en indiquant qu'il constituait un premier pas en direction d'une ouverture des réseaux nationaux à de nouveaux opérateurs de transport ferroviaire. Le GIFF demandait, en conséquence, la libéralisation du marché du fret ferroviaire, pour les transports internationaux et nationaux(17).

On a vu - et d'ailleurs la Commission cite expressément son nom dans l'exposé des motifs - comment l'entreprise suédoise Ikea entendait utiliser le sillon - reliant le sud de la Suède à la Ruhr - qui lui a été accordé depuis quelques mois, pour porter à 40 % la part de marché du rail dans son volume de transport.

En second lieu, la Commission se réfère à la prise de position claire du Parlement européen, en faveur de l'ouverture totale du marché du fret, qu'il avait défendue dans le cadre de la procédure de conciliation sur le premier paquet ferroviaire. Or, fidèle à l'esprit de ses votes antérieurs, le Parlement européen s'est prononcé pour une ouverture totale, mais qui interviendra au terme d'une période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la directive et, en 2010, au plus tard pour ce qui concerne le transport international de voyageurs.

Sur ce point, on constate un chassé-croisé entre le Parlement européen et la Commission. Car, dans son pré-rapport, le rapporteur de la Commission des transports du Parlement européen, M. Georg Jarzembowski, plaide, à la différence de la Commission, en faveur du maintien du RTEFF, notamment en vue d'assurer la sécurité juridique au profit de l'ensemble des acteurs du marché ferroviaire. En revanche, alors que la Commission renvoie à un troisième paquet la question de la libéralisation du transport de passagers, M. Jarzembowski propose un amendement visant à étendre l'ouverture des réseaux au transport de passagers. Enfin, on relèvera que, à la différence de la Commission, M. Jarzembowski a présenté un amendement qui tend à autoriser les chargeurs à accéder aux réseaux.

b) L'institution du cabotage

Là encore, c'est également en 1995 que la Commission a évoqué le principe d'une ouverture des réseaux des Etats membres aux opérateurs étrangers. Elle considérait alors que ces derniers pourraient bénéficier de l'intégration des services internationaux et nationaux dans une chaîne logistique globale, argument qu'elle reprend dans l'exposé des motifs de la proposition de directive. Il s'agit là d'une voie grâce à laquelle peuvent se développer des alliances entre opérateurs historiques et nouveaux opérateurs, analogues à celle qui a été conclue en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, pour l'exploitation des corridors internationaux, en particulier pour le transport de marchandises à travers les Alpes.

En second lieu, le cabotage permettrait d'éviter que des trains ne reviennent à vide sur la totalité du trajet retour, comme c'est le cas actuellement, par exemple, entre l'Allemagne et l'Espagne via la France.

2) L'alignement du fret ferroviaire sur les autres modes de transport

L'harmonisation des règles nationales et l'établissement d'un cadre commun pour l'accès au réseau, ont pour effet de « normaliser » le régime du fret ferroviaire, et de l'aligner sur les autres modes de transport.

Pour la Commission, ce nouveau contexte devrait contribuer à l'amélioration de l'efficacité du rail par rapport aux autres modes de transport et favoriser la stimulation de la concurrence ainsi que l'arrivée de nouveaux capitaux et de nouvelles entreprises(18).

La question majeure qui, bien entendu, ne manque pas de se poser, est de savoir dans quelle mesure ce nouveau dispositif permettra au fret ferroviaire de conquérir ou de reconquérir des parts de marché.

Certains interlocuteurs du rapporteur ont répondu à cette question en fournissant les estimations suivantes : en 2020, si le réseau européen satisfait aux exigences d'interopérabilité et de sécurité, le volume du fret quadruplera par rapport à 1999, passant à 920 milliards de tonnes/km contre 237, tandis que le trafic passagers triplera passant à 900 milliards de voyageurs/km contre 343 en 1999.

On peut toutefois s'interroger sur la portée qu'aura le nouveau dispositif sur la concurrence intramodale et intermodale.

Sur le premier point, l'optimisme affiché par la Commission peut paraître excessif. Le cas des autres modes de transport ou, plus généralement, celui des autres réseaux, tend, en effet, à montrer que l'ouverture à la concurrence ne débouche pas automatiquement
- tant s'en faut - sur un régime de concurrence pure et parfaite(19). Cela signifie que l'opérateur historique continuera de jouir d'une position dominante durant plusieurs années encore, même si ses nouveaux concurrents peuvent espérer accroître leurs parts de marché. S'agissant des effets du cabotage, on relèvera que selon une étude récente d'Eurostat, il ne représente qu'une très infime partie du transport intérieur de marchandises par route.

Bien que le tableau ci-après montre un accroissement du cabotage depuis quelques années, son influence globale demeure faible : les transports nationaux par les transporteurs résidents sont 250 fois plus importants que le cabotage(20).

Cabotage total par des transporteurs des Etats membres de l'EEE
(espace économique européen) en millions de t/km

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Janv-Juin 1998

646

745

881

1 146

1 677

2 215

3 558

2 423

Source : DG TRTNL.

Quant à l'évolution de la concurrence intermodale, il est là, encore, très délicat d'établir des prévisions, même s'il convient de se départir d'une attitude défaitiste, comme le rapporteur l'a suggéré auparavant. Ainsi, en ce qui concerne le cabotage, le transport par rail du fret de retour est certes un facteur qui est de nature à accroître la compétitivité du rail par rapport à la route. Mais encore faut-il, en vue de répondre pleinement aux exigences de qualité et de régularité du service, que les mesures d'accompagnement nécessaires aient été prises au plan de la sécurité et de l'interopérabilité.

1) L'institution de l'Agence ferroviaire européenne

Le domaine ferroviaire est un secteur très spécialisé. Aussi la Commission a-t-elle estimé qu'avant d'engager dans le secteur une action d'envergure, il convenait qu'elle se dote d'une agence qui réunisse des experts capables d'éclairer ses choix en matière ferroviaire.

L'Agence ferroviaire européenne répondrait à ce besoin. Elle emploierait une centaine de personnes ; elle aurait son propre budget, estimé aux alentours de 14,5 millions d'euros.

a) Le travail quotidien au sein de l'Agence

L'agence n'aurait pas de pouvoir réglementaire et se cantonnerait à l'étude des problèmes techniques. Elle formulerait des recommandations et des avis lorsque la Commission préparerait des normes qui doivent s'appliquer au secteur ferroviaire.

Au sein de l'agence, des groupes de travail se constitueraient ainsi par sujet. Ils instruiraient les dossiers sur lesquels la Commission inviterait l'agence à se prononcer. Le directeur exécutif transmettrait ensuite à la Commission le résultat de leurs travaux.

La Commission entend recruter ses propres experts pour constituer les groupes de travail. A cet égard, l'une des originalités de l'agence serait que son personnel ne puisse rester en poste plus de cinq ans. En recrutant des agents temporaires, l'agence resterait ainsi en rapport direct avec le monde ferroviaire européen, où elle irait régulièrement puiser des recrues. Dans un domaine où le progrès technique avance à grands pas, il a en effet semblé nécessaire à la Commission que l'agence dispose toujours d'un personnel dont l'expérience soit assez récente, sans que le savoir-faire acquis au sein de l'institution ne soit pourtant perpétuellement remis en cause.

b) Rôle et composition du conseil d'administration

La manière dont sera composé le conseil d'administration de l'agence est un élément important du dispositif. Trop nombreux, le conseil d'administration ne pourra travailler efficacement. Trop restreint, il courra le risque de voir ses décisions contestées.

Il aurait pour tâche principale d'adopter le programme de travail que le directeur exécutif lui proposerait. Il pourrait ainsi peser sur le rythme d'avancement des travaux de l'Agence, veillant à plus de pondération s'ils devaient se précipiter ou les aiguillonnant au contraire s'ils venaient à trop s'étendre.

Dans la proposition initiale, entreraient au conseil d'administration six représentants du Conseil, six représentants de la Commission et trois personnalités indépendantes avec seulement voix consultative.

En ce qui concerne les institutions communautaires, il semblerait que le Conseil ait pu être enclin à demander que chaque Etat membre puisse y être représenté. L'effectif du conseil d'administration se grossirait encore d'autant de représentants qu'il y aurait de nouveaux Etats membres après l'élargissement. La solution paraît d'autant moins acceptable qu'elle pousserait mécaniquement le Parlement européen à demander également un nombre équivalent de représentants, portant l'effectif total du conseil d'administration à plus d'une cinquantaine de personnes.

Quant au directeur exécutif responsable de la gestion courante de l'agence, la proposition de règlement ne prévoit pas qu'il devra présenter les garanties de compétence spécialisée indispensables à la bonne administration d'une agence ferroviaire. Cela ne devrait pas affecter la qualité des choix qui seront faits, quoique le texte mérite d'être précisé sur ce point.

2) L'harmonisation des normes de sécurité et d'interopérabilité

L'agence ferroviaire européenne serait plus particulièrement compétente dans deux domaines : en matière d'interopérabilité, elle élaborerait des standards de spécification technique (STI) ; elle définirait en outre des objectifs communs de sécurité (OSC).

a) L'interopérabilité

L'intuition première du Livre blanc publié par la Commission n'est pas contestable : l'ouverture du réseau reste un vain mot si les trains peinent à passer d'un pays à l'autre parce que la signalisation ou l'écartement des voies changent trop souvent. Il ne saurait y avoir d'ouverture réelle au marché si l'on n'aplanit pas au préalable les difficultés pratiques qui font obstacle au passage des frontières par les trains.

Ikea, fabriquant de meubles suédois, rencontre ainsi des difficultés à acheminer lui-même ses produits jusqu'en Allemagne, pays qui est l'un de ses gros clients. L'entreprise, qui a constitué sa propre filiale ferroviaire, fait passer des trains sur des rails suédois, danois puis allemands. Traverser trois pays signifie changer deux fois d'alimentation d'électrique et de contrôle de vitesse par balise. Il faut aujourd'hui qu'elle utilise deux locomotives différentes le long du parcours, une T66 diesel au nord de la frontière germano-danoise et une BR 185 électrique au sud(21). Il est aisé de comprendre que les entreprises qui se lancent dans l'aventure du fret ferroviaire international ne sont pas si nombreuses, même dans un pays comme l'Allemagne où les règles en vigueur imposent l'ouverture à la concurrence.

Dans son rapport sur le premier paquet ferroviaire(22), M. Didier Boulaud soulignait déjà la persistance de disparités entre les réseaux ferroviaires et l'absence de normes techniques communes. L'interopérabilité se heurte en fait à deux types de difficultés : procédurales et matérielles. Notons d'emblée qu'il coûtera beaucoup moins cher d'éliminer les premières que de réduire les secondes.

Les difficultés de nature procédurale peuvent n'être que des incohérences de fonctionnement, comme le fait que les compagnies ferroviaires nationales n'ont pas relié les uns aux autres leurs systèmes de réservation. La Commission envisage, parmi les toutes premières mesures possibles, d'imposer l'interconnexion entre ces systèmes, de façon à obtenir un réseau informatique commun où seraient traitées ensemble les demandes des chargeurs de toute l'Europe. De même, les compagnies nationales ne sont toujours pas parvenues à s'entendre pour adopter un bulletin unique de composition des trains. Encore aujourd'hui, un nouveau bulletin doit être rédigé à chaque passage d'une frontière.

Une autorité centrale européenne pourrait jouer ici tout son rôle dans des délais assez rapides. C'est dans le domaine des équipements que la tâche à accomplir est la plus ardue.

D'emblée, il convient de bien distinguer entre interopérabilité et standardisation. Tous les Etats membres s'accordent à dire que l'interopérabilité a pour objet de construire un réseau d'un seul tenant d'un bout à l'autre de l'Europe, ce qui nécessite toutefois des investissements colossaux qui ne pourront être consentis que peu à peu et sur la très longue durée.

L'interopérabilité n'est donc pas - elle ne peut pas être - la standardisation complète et immédiate de tout le réseau européen, qui n'est jamais aujourd'hui qu'un agrégat de réseaux nationaux loin d'être vraiment compatibles les uns avec les autres. Pour rapprocher ces différents systèmes, la Commission a en vue une méthode plus modeste, mais non moins sûre. La directive de 1996 sur le réseau grande vitesse avait mis au point un instrument juridique que la Commission reprend aujourd'hui dans ses propositions : la spécification technique d'interopérabilité (STI). Dans l'esprit, il ne s'agit pas à proprement parler d'un standard, en ce sens que la STI n'impose pas l'emploi d'un type unique de matériel, mais induit plutôt l'usage d'équipements qui obéissent à certaines règles de compatibilité les rendant utilisables sur les autres réseaux nationaux.

Il reste qu'on observe un glissement de vocabulaire particulièrement significatif dans l'exposé des motifs de la proposition modifiant la directive 96/68/CE du Conseil et la directive 2001/16/CE sur l'interopérabilité du système ferroviaire européen (COM(2002)22). Les « spécifications techniques d'interopérabilité » y cèdent la place à un « nouveau standard interopérable ». Faut-il entendre que les anciennes « spécifications » n'étaient interopérables que par destination, alors que le nouveau « standard » sera interopérable par nature, puisqu'il s'imposera comme la norme unique à travers toute l'Europe ?

Sachant qu'il ne sera pas possible d'avancer autrement qu'à petits pas, il ne faudrait pas négliger les premières initiatives qui ont permis de rendre compatibles des réseaux. La liaison Turin-Modane est l'exemple classique de ces réalisations qui constituent déjà une avancée certaine en matière d'interopérabilité européenne. D'autres locomotives bicourant devraient faire prochainement leur apparition en Europe du Nord, où elles devraient bientôt pouvoir tirer les trains d'Ikea. Ces expériences seront aussi à prendre en considération quand la Commission arrêtera les nouvelles STI.

En définitive, interopérabilité et standardisation sont séparées moins par une différence de nature que par une question de calendrier. Nous aurons à revenir sur ce sujet primordial que constitue le rythme de l'harmonisation.

b) La sécurité

(1) Des approches nationales très différentes

Chaque Etat membre européen a sa propre définition de la sécurité. Il serait trop long de passer en revue toutes les définitions nationales, mais l'on peut prendre l'exemple des approches allemande, britannique et française

En Allemagne, le risque ferroviaire pour un usager se mesure à l'aune des risques qu'il pourrait courir au même moment s'il se trouvait dans une autre situation de la vie courante. Le risque ferroviaire se calcule ainsi par référence à un niveau ambiant de sécurité abstraitement défini. Le risque doit alors s'établir à un niveau qui garantisse une « mortalité endogène minimale », par quoi il faut entendre que l'usager d'un train ne doit pas courir de risques inconsidérément accrus du fait qu'il ait choisi d'emprunter ce moyen de transport.

Au Royaume-Uni, le standard de sécurité se définit comme devant être « aussi bas qu'il est matériellement raisonnable », si l'on accepte de traduire ainsi l'expression as low as reasonably practical. En pratique, l'approche britannique conduit à évaluer le standard de sécurité en le mettant directement en balance avec les surinvestissements qu'il peut impliquer. Le risque se trouve pondéré par le coût qui incomberait à l'entreprise ferroviaire qui voudrait se prémunir efficacement contre lui. Des trois approches, l'approche britannique est sans doute celle qui met le plus directement l'accent sur le paramètre financier.

En France, un nouveau système ne peut être introduit qu'à la condition qu'il soit aussi sûr que le système qu'il est censé remplacer. C'est ce qu'on appelle le système GAME, système du Globalement Au Moins Equivalent(23).

Ces trois approches ne représentent qu'un échantillon des différentes manières d'aborder en Europe la question de la sécurité ferroviaire. D'emblée, il apparaît qu'elles présentent des différences qui rendent difficiles un rapprochement et réclameront sans doute que la Commission refonde intégralement un modèle européen de sécurité.

(2) Les préoccupations de la Commission

La Commission exprime deux soucis.

D'abord, la sécurité ne doit pas servir à entraver l'entrée sur le marché. Pour la Commission, l'argument de la sécurité a servi trop longtemps de prétexte à restreindre, voire à fermer, l'accès d'un marché national à des trains réputés ne pas respecter les règles élémentaires en ce domaine.

A cet égard, la Commission compte faire peser un effort prioritaire sur les certificats de sécurité. Les précédentes directives ont mis en place cet instrument juridique qui permet à une entreprise ferroviaire de circuler sur un réseau étranger pour peu qu'elle soit dûment homologuée dans l'Etat membre considéré. Moyens d'accéder à l'infrastructure, les certificats de sécurité ne s'obtiennent pourtant que très difficilement : la procédure appliquée est souvent longue et difficile, de sorte que la plupart des activités internationales ont encore lieu selon l'ancien mode coopératif, même dans le cas des nouveaux arrivants sur le marché.

Pour supprimer ce qu'elle regarde comme un obstacle au bon fonctionnement du marché unique, la Commission entend développer en ce domaine le principe de la reconnaissance mutuelle. Une fois que le système de gestion de la sécurité d'une entreprise ferroviaire serait établi et certifié dans un Etat membre, il ne serait pas soumis à une nouvelle certification dans d'autres Etats membres ; il aurait une validité communautaire pour le type d'opération qu'il couvre.

Dans un avenir plus lointain, il est prévu que l'agence évalue l'évolution de la certification et fasse à la Commission ses recommandations sur une « stratégie de migration » vers un certificat de sécurité communautaire unique. Dans ce schéma, on voit mal quel rôle serait imparti aux autorités nationales de sécurité qui accordent aujourd'hui les certificats de sécurité. Il ne leur resterait à exercer tout au plus qu'une autorité de certification déléguée par la Commission.

Notons au passage que le mot « certification » paraît avoir été abandonné au profit du mot « homologation », plus propre à désigner l'authentification administrative d'équipements matériels. Le terme de « certification » serait réservé au personnel dûment formé et agréé.

La Commission a pour second souci que les règles de sécurité qu'elle définira sous la forme d'objectifs communs de sécurité ne coûtent pas excessivement cher. Trop contraignants, les standards de sécurité entraveraient le bon développement du secteur ferroviaire en Europe, en entamant la rentabilité des investissements comme de l'exploitation.

Aussi l'approche de la Commission se veut-elle résolument pragmatique. Selon elle, il s'agira non de mesurer la conformité à des normes de sécurité préétablies, mais d'imposer le respect d'un certain niveau de sécurité. Ce niveau de sécurité fixera aux entreprises exploitantes un résultat à atteindre en matière de sécurité. Les objectifs communs de sécurité pourraient ainsi définir des taux d'accident probables. Mais ce n'est qu'une manière parmi d'autres de mesurer le risque ferroviaire. Consciente des difficultés, la Commission reste très ouverte sur cette question qui recouvre de graves enjeux.

1) Une stratégie qui isolerait la France...

De prime abord, seuls la Belgique et le Luxembourg semblent partager au Conseil les vues des autorités françaises au sujet du second paquet ferroviaire, et notamment de son volet concurrentiel. A vrai dire, c'est principalement sur ce dernier point que les divergences se révèlent réelles et sérieuses, la France s'accordant avec tous les autres Etats sur la nécessité de développer l'interopérabilité et d'arriver à une sécurité ferroviaire européenne.

La Commission propose de libéraliser totalement et dans les plus brefs délais l'ensemble du marché européen de fret ferroviaire. Au groupe « Transports terrestres », le principe de la proposition a été appuyé par la majorité des délégations, certaines d'entre elles regrettant même que le transport de passagers demeure exclu de son champ d'application. Ces délégations particulièrement audacieuses trouvent un allié objectif dans le rapporteur que le Parlement européen a désigné sur ce texte. M. Georg Jarzembowski considère que l'ensemble des services de fret et de transport de voyageurs devra être rapidement ouvert à la concurrence ; dans son onzième amendement, il va jusqu'à fixer la date du 1er janvier 2006 comme terme dernier au processus de la libéralisation.

Belgique, Luxembourg et France ont fait part de leur opposition au principe même de la proposition, la jugeant prématurée. Il faut cependant constater que les divergences entre les deux groupes ne sont sans doute pas irréductibles.

Il ne serait pas juste de brosser un tableau européen où les Etats dits libéraux défendraient l'ouverture intégrale, tandis que la France se détacherait en sombre sur ce fond éblouissant. Il n'est pas, en effet, sans intérêt de noter que l'ouverture des réseaux étrangers n'a pas forcément induit une forte concurrence en fait. L'exemple allemand est parlant. Alors que le fret ferroviaire y suit les lois du marché depuis 1994, l'on constate que la libéralisation effective n'atteint que des niveaux très modestes, comme il a déjà été dit plus haut. En pratique, le groupe français Connex occupe la place de première entreprise réellement privée, en détenant seulement 1,5 % des parts du marché !

Les mêmes observations valent pour la Suède, où le transport ferroviaire de marchandises a été ouvert à la concurrence, censée permettre aux industriels de choisir leur transporteur ferroviaire, voire de réaliser eux-mêmes le service. En fait, comme on l'a vu précédemment, mise à part l'expérience du géant du meuble Ikea, si remarquable soit-elle, les lois de libéralisation y restent lettre morte. Green Cargo, filiale de la compagnie historique suédoise, a toujours une part de marché de 96 %.

C'est dire que les écarts relevés dans les discours prononcés au sein des instances communautaires devraient pouvoir être dépassés, si les uns savaient ne pas s'arrêter à des positions relatives à des principes que les autres reconnaîtraient, pour leur part, n'avoir su que très modestement mettre en œuvre.

2) Le deuxième paquet peut servir les ambitions internationales de la SNCF, sous réserve d'adaptations internes

a) Gérer le transit sur le territoire: le programme d'action du fret

Sa position géographique fait de la France un grand pays de transit en matière ferroviaire. La SNCF se doit donc d'améliorer la qualité du fret sur le territoire national. L'année 2001 n'a pas été bonne, puisque le trafic de marchandises a baissé de 7 %. Aussi la compagnie a-t-elle mis au point un plan d'attaque sur dix-huit mois qui vise à améliorer la production.

Afin de réduire au minimum les retards de livraison et le nombre de trains bloqués, plusieurs chantiers ont été engagés. L'un des moyens consiste à mieux utiliser le parc de locomotives. La refonte des plans de transport y contribue largement. Plusieurs délégations régionales Fret s'y sont engagées, dont celle de Marseille. En mai 2001, une étude a porté sur la refonte totale du plan de transport sur l'axe Fos-Miramas-Sibelin-Gevrey. Ce nouveau plan, applicable dès le service d'été 2002, vise à porter à 80 % le taux de fiabilité des acheminements.

Le programme d'action du Fret vise ainsi à mieux répondre aux besoins des industriels. La SNCF a développé des voies de chargement qui relient directement les installations de l'industrie client au réseau. Une installation « phare » a ainsi été mise en service en février 2001 : deux de ces installations terminales embranchées permettent à l'usine Toyota de Valenciennes de garer sur son propre site jusqu'à 750 mètres de wagons de marchandises. Trois plates-formes de transport combiné sont en outre entrées en service en 2001 : Lomme (Nord-Pas-de-Calais), Hourcade (Gironde) et Rennes. Enfin, depuis cet été, les 600 000 bouteilles de Perrier acheminées chaque jour depuis Vergèze et Arles le sont essentiellement par train, alors qu'au préalable 85 % de ce trafic était écoulé par la route(24).

Toutes ces évolutions favorables, qui doivent se poursuivre, permettent d'espérer que la France, et en particulier la SNCF, sauront tirer parti de l'ouverture progressive du trafic de marchandises international. C'est à ce prix que la SNCF pourra fournir son apport indispensable au futur réseau européen de fret, dont l'efficacité reposera tout entière sur des pays de transit convenablement outillés et aptes à une gestion du trafic souple et réactive.

b) Les perspectives internationales de l'entreprise

La SNCF ne cache pas ses ambitions internationales et elle a déjà en ce domaine quelques réalisations à son actif. Le groupe est un acteur majeur du transport européen ; il développe la coopération avec l'étranger et multiplie les partenariats. Plus de la moitié de ses opérations de fret ont déjà une dimension internationale.

En 2001, la politique de coopération bilatérale de la SNCF s'est concrétisée de plusieurs façons : création d'une filiation commune avec la Deutsche Bahn, offre fret entre la Ruhr et la région Rhône-Alpes (Rhône-Westphalia Express) ; mise en place de Sideuropa, société commune avec les chemins de fer italiens pour le transport de produits sidérurgiques. L'entreprise l'écrit dans son rapport d'activité 2001 : « Jouer l'Europe à 100 %, voilà bien l'engagement de la SNCF pour les années à venir ».

Le droit communautaire des concentrations marque la seule limite à cette expansion. La SCNF a dû obtenir l'accord de la Commission européenne pour le plan de redressement du SERNAM et sa filialisation. Geodis, filiale de la SNCF, a pu entrer dans le capital de cette société à hauteur de 15 % dans un premier temps, en espérant 51 % au terme de ce plan de redressement. En se développant ainsi dans le domaine de la logistique et du transport routier, l'entreprise prête le flanc aux accusations de concentration horizontale.

Le 21 mai 2002, le Commissaire à la Concurrence Mario Monti a formulé quelques mises en garde devant l'Union des Industries Ferroviaires Européennes (UNIFE) : « (...) il y a maintenant une dimension communautaire évidente en termes d'impact sur le commerce entre Etats membres », a-t-il déclaré en parlant du trafic ferroviaire de marchandises. Il a poursuivi en disant qu'il fallait « appliquer rigoureusement les règles de la concurrence pour s'assurer que les vieilles barrières ne soient pas remplacées par de nouvelles ».

À propos des concentrations, il a concédé qu'elles pouvaient « dans certaines circonstances, rendre plus facile l'accès des compagnies ferroviaires à d'autres marchés nationaux et partant améliorer la concurrence au niveau européen », mais il a prévenu qu'il fallait « rester sur ses gardes pour s'assurer que pareilles concentrations ne conduisaient pas à un degré inacceptable de pouvoir de marché, pouvoir qui saperait les avantages de la libéralisation ». Ce pourrait être une raison supplémentaire pour la SNCF de se recentrer sur le cœur de son activité, à savoir la gestion du trafic sur laquelle elle doit concentrer prioritairement ses efforts afin d'y devenir plus efficace.

1) Les préalables indispensables

a) Respecter le phasage prévu par le Conseil européen de Barcelone

Avant d'engager à vive allure les réformes du deuxième paquet ferroviaire, il paraît indispensable de connaître quels effets le premier a pu produire. Le Conseil européen de Barcelone a nettement signifié son attachement à cette règle de bon sens, au point 38 de ses conclusions :

« Dans le domaine des transports, le Conseil européen invite le Conseil à poursuivre, sur la base d'un rapport de la Commission concernant le fonctionnement du premier train de mesures relatives aux chemins de fer, les travaux sur le deuxième train de mesures, qui comporte notamment des règles sur l'interopérabilité et des normes élevées en matière de sécurité ».

Or la Commission n'a pas rendu ce rapport. Elle n'était du reste pas en position de le faire, puisque les effets du premier train de mesures commencent à peine à se faire sentir là où il a été transposé, tandis qu'il n'est pas encore entré dans la législation en vigueur dans de nombreux pays, et non des moindres. Ainsi, en Allemagne, les élections législatives ont causé un tel retard dans le processus d'adoption des textes que l'échéance du 15 mars 2003 y sera vraisemblablement dépassée. Il serait aisé de citer d'autres exemples.

Ainsi la France non plus n'a pas encore transposé le premier train de mesures. Un décret est en cours d'examen au Conseil d'Etat. Il n'est pas certain à ce jour que ses formations administratives ne jugent pas que certaines de ses dispositions modifient la loi d'orientation des transports intérieurs, dans son article 18(25). Si cela devait être le cas, le processus de transposition s'allongerait sans doute lui aussi au-delà du 15 mars 2003.

Les agents économiques ne peuvent prendre de décision rationnelle que dans un environnement réglementaire sûr et stable. Les entreprises ferroviaires ont jusqu'à présent fondé leurs décisions sur les textes du premier train de mesures, en anticipant déjà sur les changements considérables qu'il ne manquera pas d'introduire dans le paysage européen. La SNCF notamment a établi sur cette base son programme d'action pour le fret, dont il a été question plus haut.

C'est au nom des principes mêmes défendus par la Commission, et non contre eux, que la France peut demander et obtenir qu'on série les questions qui sont abordées en bloc dans le second paquet ferroviaire. L'interopérabilité et la sécurité sont des sujets déjà mûrs pour une approche européenne d'envergure. La libéralisation intégrale du marché du fret, souhaitable et nécessaire, doit être conditionnée par des normes plus précises que celles aujourd'hui envisagées pour l'interopérabilité et surtout la sécurité.

b) Parvenir à des normes élevées de sécurité

(1) Un cadre encore mal défini

Dans ses conclusions du sommet de Barcelone, le Conseil européen avait aussi rappelé que les travaux sur le deuxième train de mesures devaient se donner pour objectif des « normes élevées de sécurité ». En ce domaine tout particulièrement, un changement de législation ne saurait intervenir sans que les garanties indispensables aient été produites. Il s'en faut qu'elles soient toutes réunies aujourd'hui.

La Commission envisage, comme on l'a vu plus haut, de définir des objectifs communs de sécurité, mais on ne sait pas aujourd'hui ce que cela recouvre en pratique. Elle songe, par exemple, à calculer la probabilité acceptable d'occurrences de défaillance, qu'elle pourrait imposer comme plafond de sécurité. Mais elle reconnaît elle-même qu'elle reste ouverte sur la façon de formuler les objectifs. Pour elle, il serait également envisageable de collationner tous les résultats nationaux en matière de sécurité, à partir desquels elle pourrait définir un standard européen, cette démarche pouvant compléter utilement la méthode discutée précédemment.

A ce stade, il semble que la Commission ait une notion de la sécurité qui est plutôt quantitative, tandis que l'approche de la sécurité est en France plutôt déterministe. Notre pays figure en bonne position en Europe, à l'exception des accidents de passages à niveau qui causent encore une quarantaine de morts par an, principalement du reste dans les véhicules qui entrent en collision avec le matériel roulant. L'approche française pourrait utilement nourrir la réflexion communautaire en ce domaine.

(2) Les enjeux financiers

Cette approche a cependant un coût élevé. En France, chaque ouvrage d'art est conçu pour résister à des charges, des poussées, des pressions etc. qui sont relativement plus élevées que celles auxquelles il sera ordinairement soumis. Sur ces bases, le maître d'ouvrage calcule un coefficient de sécurité, qui s'analyse comme le rapport qui s'établit entre la résistance maximale de l'ouvrage et les forces qui s'exerceront sur lui en temps ordinaire. Les coefficients de sécurité français sont très élevés dans le secteur ferroviaire. Pour faire des économies en les diminuant, il faudrait cependant pouvoir prouver qu'ils sont inutilement élevés.

En ce domaine, la doctrine du coût marginal ne joue pas. Certes, une sécurité maximale peut coûter beaucoup plus cher qu'une sécurité seulement très grande. Mais l'écart entre elles se mesure en victimes d'accidents. Aussi un consensus se dégage-t-il entre Etats membres sur le maintien d'un haut niveau de sécurité. Par les méthodes qu'elle a éprouvées depuis longtemps, la France peut être un modèle et un chef de file en la matière.

(3) Quelle(s) autorité(s) de sécurité ?

L'un des textes en examen prévoyait initialement que les Etats devraient instituer des organismes indépendants pour contrôler la sécurité. L'autorité de sécurité délivrerait les autorisations de sécurité, proposerait les textes réglementaires sur le sujet. La Commission a précisé depuis que les services de l'Etat pourraient assurer par eux-mêmes la fonction d'autorité de sécurité.

Le dispositif français actuel se trouverait ainsi largement remis en cause. Aujourd'hui, les compétences en matière de sécurité sont déléguées à RFF par le ministère des Transports, en vertu de la loi de 2000. RFF en subdélègue elle-même une bonne part à ceux des services de la SNCF qui assurent en son nom une partie des tâches de gestionnaire d'infrastructure.

Pour maintenir le système existant en France, il faudrait séparer plus nettement ces services de ceux de la SNCF, par exemple en rédigeant des statuts du personnel qui cloisonnent mieux entre SNCF et contrôle de la sécurité. Le ministère des Transports pourrait jouer aussi un rôle accru. Sept personnes sont affectées aujourd'hui à la sécurité ferroviaire et analysent les relevés d'accidents qui leur sont présentés. Notons au passage qu'en Allemagne, l'Eisenbahnbundesamt ne compte pas moins de deux mille agents.

Pour conclure sur ce point, on pourrait dire que le défaut de l'article 15-3 de la directive peut être de mettre à mal un système de contrôle intégré qui a fait ses preuves. Il faudrait être sûr que l'organisation qui le remplacerait présente des garanties au moins équivalentes.

c) Prévenir le dumping social

Le second paquet ferroviaire ne comporte pas de volet propre aux questions sociales, qu'il n'aborde que de façon très allusive. La vie des cheminots, leurs conditions de travail comme leur formation, sont pourtant des éléments essentiels au bon développement d'un réseau ferroviaire européen qui soit intégré.

Les risques de dumping social sont réels. Ils portent tant sur la formation que sur les temps de repos et de conduite.

(1) Question sociale et sécurité

Les conditions de travail du personnel sont en rapport étroit avec la sécurité. Le personnel est un maillon essentiel dans la chaîne de sécurité. Faut-il le rappeler ? Un conducteur fatigué est dangereux. La directive doit être précise sur les temps de repos et de conduite, par exemple.

D'une manière plus générale, il serait néfaste de méconnaître la dimension humaine des problèmes de sécurité ferroviaire. La sécurité maximale ne peut être assurée que par un personnel adéquatement formé. Chaque compagnie ferroviaire instruit aujourd'hui son personnel, et notamment ses conducteurs. Il paraît important de conserver ce lien essentiel entre l'entreprise et son personnel. Or on peut craindre que les entreprises ne soient plus incitées à investir dans la formation de leur personnel, soit dans l'espoir de débaucher les agents de leurs concurrentes soit dans la crainte de voir les personnes qu'elles auraient formées recrutées par d'autres.

Le dumping social se doublerait alors d'une concurrence déloyale.

(2) Dumping social et concurrence déloyale

Le dumping social induit deux sortes de distorsions de concurrence. Les entreprises qui assurent aux cheminots de bonnes conditions de travail peuvent craindre la pression exercée par des concurrentes moins attentives au personnel.

Mais cela ne signifie pas que ces compagnies à bas prix n'attireraient pas le personnel des autres entreprises ferroviaires. C'est le second effet, paradoxal, du dumping social dans le secteur. Rappelons en effet que les formations dispensées à travers l'Europe sont très inégales, au moins du point de vue des dépenses consenties. La SNCF est ainsi réputée très bien former ses conducteurs, ce qui lui revient à 45 000 euros par agent. Aussi les compagnies concurrentes, lorsqu'elles ne disposent pas des effectifs suffisants, pourraient être tentées de puiser à bon compte dans ce vivier.

On observe de fait aujourd'hui que les conducteurs de train français sont très recherchés sur le marché européen. Le rapport de M. Didier Boulaud, précité, mettait déjà en lumière le phénomène. Pour économiser le coût de la formation, des opérateurs britanniques vont jusqu'à embaucher des conducteurs français retraités.

Cela pose plusieurs problèmes. Comment peut-on faire valoir ses droits à la retraite au motif qu'on ne serait plus en âge de travailler et proposer en même temps ses services à une autre entreprise en Grande-Bretagne ? Les chemins de fer britanniques n'ont-ils pas ainsi du personnel subventionné à double titre par la SNCF, qui a formé ses conducteurs et leur verse désormais une pension en sus de leur salaire britannique ?

Sans volet social clair, les mesures proposées par la Commission risquent d'accélérer la fuite des cheminots les plus qualifiés vers les pays où l'on préfère débaucher auprès des concurrents plutôt que prendre en charge une formation longue et coûteuse. Il faut éviter de créer un environnement réglementaire où l'entreprise la plus formatrice soit aussi la plus sévèrement pénalisée. Cela passe par une approche équilibrée des questions ferroviaires, où la dimension humaine ne peut être délibérément ignorée.

d) Instaurer un cadre de financement adéquat

Les réformes ambitieuses que la Commission veut engager ne peuvent être menées à bien sans un financement adéquat.

Pour installer le système de commande ERTMS sur la future ligne de TGV qui reliera Paris à Strasbourg, la SNCF a dû réévaluer de 7 % le coût total de l'opération. Le système de commande européen s'ajoute en effet au système de commande français sur la ligne. Tant que l'interopérabilité ne sera pas réalisée à travers l'Europe, la redondance des équipements ne paraît pas tout à fait évitable. L'exemple du TGV-Est fournit ainsi un ordre de grandeur de ce que pourra coûter la mise aux normes de tout le réseau européen sur tous les types de matériels.

Il n'existe pas à ce jour d'étude qui mesure l'impact financier des mesures proposées par la Commission. Il est vrai qu'il est tout aussi difficile d'évaluer ce que coûte l'absence d'interopérabilité du fait des retards, des blocages et des incompatibilités. Il n'en reste pas moins que la Commission ne prévoit aucun financement spécial, alors qu'il est d'évidence que la mise aux normes impliquera des investissements considérables. Etendre le système ERTMS au seul réseau français se chiffre déjà selon la SNCF aux environs de 600 millions d'euros.

(1) La tarification du réseau : vers l'autofinancement ?

Pour que les investissements sur le réseau soient rentables, il faut que l'accès en soit tarifé au juste prix. Il ne peut pas non plus y avoir de concurrence loyale si les opérateurs sont soumis à des tarifications très différentes selon le pays où ils se trouvent.

Or la tarification actuelle présente de fortes disparités d'un bout à l'autre de l'Europe. Pour reprendre l'exemple d'Ikea, il apparaît que l'entreprise doit acquitter des péages très inégaux selon les pays traversés par ses trains. En particulier, le prix au kilomètre pour franchir les nouveaux liens du Grand Belt et de l'Öresund revient quatre fois plus cher que sur le transit en Suède ou au Danemark sur terre ferme. Cela pourrait se justifier au vu des investissements particulièrement lourds qui ont été réalisés sur ces tronçons des infrastructures danoises et suédoises, mais l'on comprend mal que les montants exigés en Allemagne soient alors à peu près aussi élevés.

Plus généralement, il semble que les péages ferroviaires resteront dissuasifs s'ils doivent s'établir à des niveaux permettant le maintien, le renouvellement et le développement des infrastructures. Le rail se trouve en effet en concurrence directe avec la route, où il est notoire que les coûts ne sont pas pleinement répercutés sur les utilisateurs. La démonstration est ancienne, mais risque de rester encore longtemps d'actualité.

(2) Des apports extérieurs sont nécessaires

Comme le souligne Mme Sylviane Ainardi, rapporteure de la commission des transports du Parlement européen, la création d'un réseau ferroviaire transeuropéen « doit faire l'objet d'une intervention financière significative de la Communauté ».

A défaut, les bailleurs de fonds qui ne manqueront pas d'être mis à contribution doivent être consultés avant toute décision qui puisse avoir des répercussions importantes sur leur budget. Le Comité des Régions de l'Union européenne a adopté un avis en ce sens lors de sa session plénière du 10 octobre 2002. Il y demande des garanties et rappelle par la voix de son rapporteur M. Bernard Soulage que « nos collectivités territoriales financent les infrastructures et le matériel roulant. Nous devons donc évaluer ce que leur coûtera cette mise en conformité ».

Comme le souligne Mme Ainardi, « les fonds nécessaires pour l'interopérabilité en Europe sont énormes ». Elle ajoute que « l'accroissement de l'interopérabilité qui nécessitera des adaptations lourdes sur le réseau existant impose de mobiliser des financements et des aides communautaires spécifiques, au-delà des budgets existants consacrés aux transports ». Puisque le projet est d'intérêt européen, il semble naturel que la Communauté le finance spécialement. Elle a déjà porté à 50 % le taux de cofinancement possible en matière d'infrastructure ferroviaire, dans le cadre des RTE. Mais elle devra aller plus loin encore.

« Dans la directive actuelle, il n'y a aucune prise en compte du financement de l'interopérabilité ; le renvoi au financement des réseaux transeuropéens ne peut pas être satisfaisant ; il est impératif de traiter de façon directe cette question. » Dans son rapport, Mme Sylviane Ainardi exprime ainsi des positions qui sont finalement très proches du point de vue des autorités françaises. Sur le point du financement, il apparaît que le second paquet ferroviaire laisse encore dans l'ombre un pan important de la matière qu'il entend traiter.

2) L'amélioration souhaitable de certains dispositifs

a) Associer la profession ferroviaire

L'ensemble de la profession ferroviaire est dépositaire d'un savoir-faire qui est irremplaçable. Il est nécessaire qu'elle soit justement représentée au niveau communautaire.

L'Association européenne pour l'interopérabilité ferroviaire (AEIF) réunit les professionnels du secteur ferroviaire des Etats membres. Même si la Commission estime qu'elle a manqué d'une autorité qui imprime à la fois un rythme et une direction précise à ses travaux, l'expérience de l'AEIF et son savoir-faire sont reconnus de tous. Il ne fait aucun doute que cet organisme commun représentatif doit être associé au déroulement des travaux de l'Agence.

Le rapporteur du Parlement européen propose de consacrer officiellement cette nécessaire collaboration dans le texte du règlement, qui disposerait que l'Agence « anime, pilote et supervise » ses travaux (amendement 19). En pratique, l'Agence abriterait les réunions de l'AEIF qui, sous sa houlette, se tiendraient à un rythme plus soutenu que par le passé. Cette formule aurait l'avantage de ne pas multiplier les instances de réflexion.

Le rapporteur du Parlement européen sur le texte, M. Gilles Savary, propose quant à lui de remplacer les trois personnalités indépendantes prévues par « quatre personnalités qualifiées représentatives » (amendement 31). Chacune serait nommée par son organisation professionnelle, qui par les entreprises exploitantes, qui par les gestionnaires d'infrastructure, qui par les industries du secteur, qui par les personnels des entreprises ferroviaires. Cette dernière solution, couramment pratiquée dans un pays comme l'Allemagne, ne paraît pas devoir susciter d'objection en soi.

L'amendement présente l'intérêt d'associer étroitement au fonctionnement de l'Agence les premiers intéressés à son activité. Notamment pour définir le meilleur rapport qualité/prix d'un standard européen, ceux qui devront supporter le coût de la mise aux normes paraissent les mieux à même de proposer les solutions les plus avisées. C'est pourquoi ils devraient être présents aussi au sein des groupes de travail. Ils ne se substitueraient pas en cela à l'autorité publique, puisqu'ils se contenteraient de faire entendre leur voix au sein d'une agence qui ne formulerait elle-même que des recommandations ou des avis.

Dans les réunions préalables des groupes de travail, la présence des organisations professionnelles, et notamment syndicales, est plus discutée. Elle serait souhaitable au moins pour les groupes dont l'activité touche directement le personnel, comme par exemple, le groupe chargé des questions de formation.

b) Fixer des critères relatifs à la qualité des services

Les mesures proposées par la Commission sont nécessaires pour revitaliser le rail, mais elles ne sont pas suffisantes. Pour le fret, comme pour les passagers, la qualité insuffisante des services proposés demeure un obstacle important au succès du rail. Les clients du fret ferroviaire, notamment, restent trop souvent dans la dépendance d'entreprises qui imposent unilatéralement leurs conditions.

Pour changer les choses, la Commission explore déjà plusieurs mesures qui pourraient constituer un troisième paquet ferroviaire. Sa démarche doit être soutenue. Notamment, elle propose d'améliorer les droits du client ferroviaire. En France, ils ne font l'objet aujourd'hui que d'une charte commerciale entre la SNCF et ses cocontractants. La Commission voudrait formaliser ces engagements en proposant un règlement qui traite des contrats, de la consultation des consommateurs, du traitement des plaintes, du règlement des conflits ou des compensations pour les retards.

Paradoxalement, les professionnels ne s'accordent pas tous sur la méthode proposée par la Commission. Certes, l'Association des utilisateurs du transport de fret se félicite que la qualité et l'amélioration des performances soient la priorité annoncée du troisième paquet. Mais cette montée en qualité passe d'abord selon elle par la définition d'indicateurs reconnus par les différentes parties en présence, compagnies, gestionnaires de réseau et chargeurs. Les clients du fret pourraient aussi participer au suivi de ces indicateurs portant par exemple sur le respect du contrat ou la ponctualité de l'acheminement en porte à porte. Sur ces bases, des clauses d'objectif de qualité pourraient être introduites dans les contrats. Un mécanisme de pénalités en cas de dysfonctionnements serait enfin mis en place.

Que l'on juge que la gestion de la qualité relève de relations de droit privé entre clients et fournisseurs ou que l'on estime au contraire que les autorités européennes doivent prendre des initiatives réglementaires en ce domaine, il apparaît que des améliorations sont indispensables. La dissymétrie des rapports contractuels d'aujourd'hui a de toute évidence besoin d'être corrigée, que les relations juridiques se rééquilibrent naturellement ou sous l'effet de la réglementation communautaire. Il semble que ce soit seulement à ce prix que l'on puisse s'attendre à des progrès significatifs de la qualité.

CONCLUSION

L'Europe ferroviaire est-elle sur la bonne voie ? Pendant près d'un siècle et demi, les réseaux ferroviaires européens se sont développés en autarcie. Les propositions de la Commission offrent la chance historique de dépasser l'atomisation ferroviaire de l'Europe. Le prochain élargissement fait de ce grand chantier une nécessité peut-être plus pressante encore et plus impérieuse.

Certes, la voie de l'intégration ferroviaire européenne est semée d'obstacles pratiques et techniques, mais aussi financiers. Quels que soient les interlocuteurs, le constat est général que l'intégration ferroviaire du continent sera une œuvre de longue haleine, qui n'ira pas sans heurt ni sans délai.

Aussi n'est-il pas étonnant de voir contester les propositions de la Commission sur tel ou tel point. Sur un sujet aussi complexe, l'unanimité ne saurait être acquise d'avance. Cependant, la diversité des vues n'est pas forcément un danger. Au contraire, elle peut servir à alimenter un débat où chacun s'enrichit de la confrontation des opinions. C'est dans cet esprit que ce rapport a été rédigé et qu'il voudrait être reçu.

En mettant en lumière certaines omissions du second paquet ferroviaire, nous avons voulu compléter et poursuivre la démarche envisagée. Sur trois points, la démarche de la Commission mériterait d'être prolongée.

D'abord, sur le terrain social, la réglementation communautaire devra mieux prendre en compte les risques de dumping social, car il est plus facile d'en prévenir aujourd'hui les effets que de le remettre en cause une fois qu'il sera installé. L'Europe doit en outre consentir un effort budgétaire à la hauteur de ses ambitions ferroviaires. Il en va de la cohésion économique et sociale du continent. En matière de sécurité enfin, des garanties doivent être apportées. Cette question primordiale de la sécurité ne saurait faire l'objet d'aucun compromis. Oui au second paquet ferroviaire donc, mais dans l'intérêt des objectifs visés, à condition qu'il aille au bout de ces exigences. Cela nécessite d'approfondir encore les discussions en cours. De nouveau, le rapporteur ne peut que se féliciter de ce que la présidence danoise ait renoncé à son projet initial de parvenir, à marche forcée, à un accord politique le 6 décembre prochain, permettant ainsi des travaux plus approfondis.

C'est à ce prix que ce second paquet ferroviaire pourra apporter sa contribution concrète à une Europe élargie.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) Audition de M. Louis Gallois, Président de la SNCF, sur l'évolution des transports ferroviaires en Europe, le mercredi 20 novembre 2002

M. Louis Gallois a indiqué que le chemin de fer constituait un moyen de transport particulièrement adapté à l'espace européen, qu'il s'agisse notamment des trains à grande vitesse ou du fret. On observe d'ailleurs, après un déclin dans les années 1980 avec l'essor de la route et des transports aériens, un regain du transport ferroviaire, favorisé en particulier par l'ouverture de l'espace européen.

Cependant, cet espace demeure largement cloisonné s'agissant du chemin de fer. C'est vrai pour le transport des voyageurs : ainsi, une motrice de Thalys coûte environ 60 % plus cher qu'une motrice standard, dans la mesure où elle exige quatre courants, soit quatre tensions et deux fréquences et quatre systèmes de signalisation différents. C'est encore plus significatif pour le fret : il faut compter par exemple une heure de formalités administratives à la frontière franco-allemande pour le passage d'un train. De même, un conducteur de train français ne peut conduire en Allemagne, tandis qu'un conducteur de train allemand ne peut conduire en France, ou encore une locomotive française a peu de chances de pouvoir fonctionner en Allemagne et réciproquement. Quant à l'écartement des rails, il peut différer d'un pays à un autre, comme entre la France et l'Espagne.

Cette faible interopérabilité, non seulement ne s'est pas réduite, mais a eu tendance à s'accroître dans les années 1980 et 1990 avec l'adoption de règles de sécurité plus contraignantes et la complexité introduite par les nouveaux systèmes électriques et électroniques. Le système de signalisation électronique luxembourgeois est par exemple incompatible avec celui de la Belgique ou de la France.

La SNCF a, dans ce contexte, pour ambition de devenir une entreprise de service public à dimension européenne en gommant ces entraves frontalières. Elle a, pour ce faire, une multiple légitimité. Elle est d'abord la deuxième entreprise européenne pour le transport des marchandises et la première ex æquo pour celui des voyageurs ; 20 % de son transport de voyageurs sont tournés vers l'international et 50 % de son transport par fret. Deuxièmement, elle est située dans un pays de transit. Troisièmement, elle dispose d'une forte compétence technique : elle est par exemple en première place pour les trains à grande vitesse en Europe. Elle a aussi une conception du chemin de fer exportable, fondée sur les notions de service public, de sécurité et d'entreprise intégrée - c'est-à-dire responsable notamment de la gestion opérationnelle de son réseau. Elle manifeste, par ailleurs, une volonté déterminée de coopération avec ses partenaires européens, comme le montre, entre autres, le projet de réduire à une seule locomotive et un seul conducteur (au lieu de trois actuellement) les liaisons entre les gares de triage de Woippy, en France, et Mannheim, en Allemagne. Enfin, elle fait en sorte d'éviter toute forme de dumping social.

Cette ambition repose sur la poursuite de quelques objectifs stratégiques clés. Le premier consiste, non seulement à accepter, mais à jouer pleinement le jeu de la concurrence au sein de l'Union européenne, même si la coopération est par ailleurs indispensable pour accroître l'interopérabilité des acteurs. Cet objectif exige que la SNCF fasse un effort pour accroître sa compétitivité, que ce soit en termes de qualité ou de prix. Un autre objectif consiste à établir une « toile » d'alliances, au travers d'accords avec différents partenaires et à devenir l'un des deux ou trois principaux réseaux « à la dimension de l'Europe ». Enfin, la SNCF tend à traduire cette ambition dans un véritable projet « managérial », permettant d'associer l'ensemble des personnels de l'entreprise. En effet, 60 % des cheminots interrogés à l'occasion d'un récent sondage considèrent que l'Europe est une chance pour la SNCF : il s'agit donc de concrétiser cette idée en faisant des cheminots les acteurs principaux de cette démarche.

M. Louis Gallois a précisé que le mouvement d'harmonisation européenne concernait les questions relatives à la sécurité, à l'interopérabilité et à la situation sociale des personnels. Il a souligné que la SNCF était favorable au principe d'harmonisation en matière de sécurité et d'interopérabilité contenu dans les projets de directives proposés par la Commission.

Il a estimé qu'une des conditions du succès de la réforme proposée est d'éviter le risque d'un émiettement des responsabilités entre les entreprises de transport, les gestionnaires d'infrastructures, les autorités nationales et européennes. Il faut déterminer à l'avance les règles de responsabilité en cas d'accident. Il est prévu que la future agence ferroviaire ait un rôle important - quoique consultatif - dans l'élaboration des normes, des méthodes et des indicateurs en matière de sécurité. Les instances nationales devront, par conséquent, voir leur rôle réduit dans ces domaines, sinon, on ne saura plus qui fait quoi.

De même, il faut que les responsabilités soient claires entre gestionnaires d'infrastructures et entreprises de transport ferroviaire. A propos de la situation actuelle en matière de responsabilité, M. Louis Gallois a évoqué le récent incendie d'une voiture de la Deutsche Bahn sur le réseau français, et il a souligné qu'il s'estimait totalement responsable d'un tel accident, quitte à se retourner vers l'opérateur allemand s'il s'avérait que la responsabilité de ce dernier était engagée.

M. Louis Gallois a par ailleurs considéré qu'il fallait que la future agence européenne fasse appel à l'expertise des entreprises ferroviaires « historiques ». Il a souligné qu'il ne s'agissait pas pour ces entreprises
- au travers de cette expertise - de verrouiller les marchés, mais d'appuyer et de conseiller l'agence dans les choix qu'elle devra faire. Il a ainsi fait référence aux différentes approches possibles par rapport au risque d'accident, l'approche « probabiliste » des Britanniques, qui tend à choisir les investissements de sécurité en fonction d'une analyse « coût-efficacité », et l'approche française, dite GAME (Globalement Au Moins Equivalent), qui vise à l'amélioration continue de la sécurité à travers chacune des évolutions de l'entreprise.

M. Louis Gallois a ensuite évoqué la nécessité de poursuivre un dialogue social actif dans le secteur ferroviaire si l'on souhaite vraiment que les personnels considèrent que l'Europe constitue une chance pour leur entreprise. Il a noté que la SNCF partageait cette conviction avec ses partenaires allemands, italiens, belges et espagnols, mais qu'elle se séparait, par contre, sur ce point, des Néerlandais et des Britanniques. Il a souligné à cet égard l'importance qu'il y a à éviter le dumping à travers l'organisation du chemin de fer.

S'agissant du calendrier d'ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire, il a rappelé que le premier « paquet ferroviaire » avait prévu une première étape d'ouverture à partir de mars 2003 et une ouverture complète à partir de 2008, et a indiqué que la Commission proposait à présent une accélération de ce calendrier, prévoyant une ouverture totale du marché dès 2006. Notant que les décisions en la matière relevaient de la compétence des Etats, il a indiqué que l'entreprise, quant à elle, souhaitait que l'ouverture des marchés se fasse selon un calendrier stable et prévisible. Il a considéré que l'on pouvait s'interroger à cet égard sur le fait que de nouvelles propositions d'accélération du calendrier soient actuellement avancées alors même que la première étape prévue initialement n'a pas encore été engagée.

En ce qui concerne l'ouverture à la concurrence, M. Louis Gallois a souligné la volonté qu'a toute entreprise de se différencier des autres afin de se trouver dans une situation avantageuse vis-à-vis de ses clients. C'est ainsi que l'invention du « fauteuil-lit » par British Airways sur les lignes transatlantiques fut un moyen pour la compagnie aérienne britannique de recréer une situation de monopole sur un secteur donné. Pour autant, même si la SNCF pouvait argumenter pour justifier son monopole, M. Louis Gallois a indiqué qu'il n'existait plus d'ambiguïté au sein de la SNCF quant à l'ouverture à la concurrence : c'est désormais une question de rythme, mais certainement pas de principe. Il a en revanche insisté sur ses conséquences financières et sur ses implications tant pour le fret que pour le trafic régional de voyageurs. S'agissant du fret, il a indiqué que seules les activités les plus rentables seront en réalité soumises à la concurrence, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le comportement de l'opérateur en terme d'exercice de ses missions de service public. Quant au trafic régional, c'est l'équilibre de la loi SRU qui devra être revu car les contraintes acceptées par la SNCF du fait de sa position monopolistique seront difficilement conciliables avec le passage à la concurrence.

M. Jacques Myard s'est interrogé sur la valeur ajoutée qu'apporterait une agence ferroviaire européenne alors que l'impératif de sécurité est partagé sur le continent par l'ensemble des transporteurs. Le droit international privé offre des solutions juridiques au problème de l'identification des responsables en cas d'accident, tandis que le recours à une directive lui a semblé plus pertinent que la création d'une agence européenne pour assurer le respect de normes communes de sécurité. M. Jacques Myard a mis en garde contre le risque d'absence de couverture du territoire qui pourrait résulter de l'ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire. Il a plaidé en faveur de la traduction en langue française des termes techniques utilisés dans la réglementation ferroviaire communautaire.

M. Jérôme Lambert a salué les efforts d'innovation déployés par la SNCF ces dernières années au bénéfice des usagers, qui en font une entreprise moderne. Il a souhaité recueillir le sentiment de M. Louis Gallois sur le « deuxième paquet ferroviaire », au regard notamment de la règle de péréquation tarifaire. Si le principe en vigueur actuellement est celui d'un prix au kilomètre globalement similaire sur l'ensemble du territoire, l'ouverture à la concurrence pourrait entraîner des hausses tarifaires sur les lignes les moins rentables, provoquant ainsi un risque d'inégalité territoriale et financière.

En réponse, M. Louis Gallois a réaffirmé le soutien qu'il apporte au « deuxième paquet ferroviaire » dont les dispositions en matière de sécurité et d'interopérabilité sont indispensables. Il a insisté sur l'intérêt de la création d'une agence ferroviaire européenne pour édicter des normes techniques communes. De telles règles sont indispensables pour encourager un trafic ferroviaire transfrontalier actuellement sous-développé. M. Louis Gallois a notamment déploré que la SNCF ne détienne que 1,5 % de parts de marché dans le trafic transfrontalier du transport de voyageurs entre la France et l'Allemagne, ce qui est dérisoire en comparaison des flux quotidiens. Enfin, la création de l'agence européenne devrait s'accompagner de règles de responsabilité claires en matière de sécurité, entre l'entreprise ferroviaire et le gestionnaire de l'infrastructure et les différentes autorités intervenant en matière de sécurité, ce qui devrait permettre d'éviter une multiplication des procès, comme c'est le cas au Royaume-Uni.

Les tarifs des TGV dépendent des conditions du marché, mais dans les cas de péréquation des tarifs, la SNCF n'a pas les moyens d'assurer sur ses fonds propres les missions de service public qui dérogent aux lois du marché. La loi de 1982 a prévu une compensation dans cette hypothèse et, dans un monde plus concurrentiel, cet aspect devra être de plus en plus contractualisé. L'expérience de la régionalisation est à cet égard positive.

M. Edouard Landrain s'est déclaré stupéfait par la description des difficultés techniques d'interopérabilité et a demandé qui financerait les investissements pour les aplanir : l'Europe d'une manière globale ou chaque Etat membre avec son principal opérateur, la SNCF n'étant pas, à cet égard, dans une situation financière extraordinaire. Le financement de ces investissements sur une période de trente ans risque d'être d'autant plus délicat dans un contexte où les lignes rentables attireraient la concurrence et où les obligations de service public retomberaient sur les anciens monopoles.

M. François Guillaume a interrogé le Président Gallois sur l'état d'avancement des travaux pour le corridor Nord-Sud passant par la Lorraine et s'est inquiété de la capacité concurrentielle de la SNCF par rapport aux opérateurs d'autres pays, compte tenu des rémunérations et des avantages sociaux supérieurs dont bénéficie son personnel. La Commission risque de ne pas accepter des aides susceptibles de créer des distorsions de concurrence, non seulement les aides compensatrices des obligations de service public que leur contractualisation va mettre au grand jour, mais aussi les 19 milliards de francs de subventions annuelles de l'Etat au régime spécial de retraite de la SNCF.

M. Louis Gallois a apporté les réponses suivantes :

- l'interopérabilité va coûter très cher mais ce type d'investissement a un taux de rentabilité difficile à mesurer. Le système ferroviaire va donc continuer à vivre longtemps avec des différences de courant car il est quand même moins cher d'acheter des locomotives polycourant, même plus coûteuses à l'unité, que de changer de courant sur l'ensemble du réseau. Passer de 10 à 20 % de part de trafic pour les échanges transfrontaliers entre la France et l'Allemagne ne suffirait pas à amortir cet investissement. La question de la compétitivité du fret est en effet plus large dans la mesure où il est sous la coupe de la route qui fixe des prix de transport très bas, sauf pour des trafics spécifiques. Cependant, l'interopérabilité ne dépend pas seulement d'investissements lourds, mais aussi d'une harmonisation de la réglementation de sécurité, par exemple entre la France et l'Allemagne, qui ne coûte pas très cher et peut constituer la première étape d'un progrès important avant d'arriver au coût massif du changement du système électrique et de la signalisation. En revanche, toute ligne nouvelle doit désormais adopter le système européen ;

- l'obligation de service public ne conduit pas nécessairement au monopole et ne constitue pas un obstacle à la concurrence qui peut s'exercer sur ce sujet par appel d'offres et prévoir une compensation des obligations de service public. Les transports urbains de Lille en sont un exemple, où Keolis, filiale à 45 % de la SNCF, a été en concurrence avec d'autres opérateurs dans une procédure d'appel d'offres comportant une compensation des obligations de service public. La relation est cependant différente avec les collectivités locales lorsque l'on est dans une situation de monopole obligeant l'opérateur à mettre sur la table tous ses éléments de coût. Un audit commandé par les présidents de région a d'ailleurs montré que les comptes présentés par la SNCF donnaient la réalité du coût du TER avec une marge d'erreur de 0,5 % ;

- s'agissant du corridor Nord-Sud, le douzième plan a prévu les investissements pour engager la réhabilitation de la ligne du pays minier de Longwy à Toul et éviter l'axe mosellan, de manière à amorcer un axe Nord-Sud sur lequel le trafic fret bénéficierait d'une très forte priorité. Il ne s'agit pas de créer une voie spéciale pour le fret, mais de traiter les nœuds de Dijon, Lyon et Nîmes-Montpellier, ainsi que les difficultés jusqu'à la frontière espagnole, de manière à lever les handicaps pénalisant le trafic fret ;

- la capacité concurrentielle n'est pas affectée par la rémunération des personnels, qui ne sont pas mieux payés que leurs voisins européens, mais elle peut être améliorée par une organisation de travail plus productive. Sur l'axe Aix-La-Chappelle-Anvers, un opérateur emploie un conducteur ex-SNCB 20 % plus cher que la société nationale belge, mais il conduit seul la rame au lieu qu'auparavant, il fallait organiser le relais de deux ou trois conducteurs et il met lui-même le gazole dans la locomotive, alors que cette opération était faite par un autre salarié à la SNCB. Il faut donc réfléchir à une combinaison plus efficace de l'organisation et de la rémunération, même si la démarche rencontre des difficultés auxquelles sont confrontés tous les opérateurs ;

- la Commission n'est pas opposée au versement d'aides compensatrices pour les obligations de service public, mais elle souhaite que le mécanisme soit associé à la procédure d'appel d'offres. Le règlement qu'elle a proposé dans ce sens a été entièrement revu par amendements par le Parlement européen ; son sort est désormais incertain ;

- les aides publiques en faveur du régime de retraite des cheminots
- compensations du régime général ou d'autres régimes, contribution d'équilibre de l'Etat - ont pour seul objet de compenser le déséquilibre démographique du régime de la SNCF, comprenant presque deux fois plus de retraités que d'actifs en raison de la réduction progressive des effectifs engagée depuis trente ans. Les surcoûts résultant des avantages spécifiques du régime de retraite de la SNCF par rapport au régime général - âge de départ et modalités de calcul de la retraite - sont pris en charge uniquement par les cotisations patronales payées par la SNCF, sensiblement plus élevées que celles du régime général ; le surplus de cotisations dans les comptes de la SNCF par rapport au droit commun s'élève globalement à 400 millions d'euros.

M. Christian Philip a remarqué la manière positive dont M. Louis Gallois avait abordé la perspective européenne, à condition que son cadre soit maîtrisé en termes de calendrier, de phasage, de sécurité et d'harmonisation sociale. La qualité n'a cependant pas été évoquée. Or les objectifs de qualité qu'on essaie d'introduire dans les transports urbains avec un système de bonus-malus pour l'opérateur pourraient également s'appliquer au fret et aux voyageurs. La question est de savoir si la SNCF, qui est une entreprise à dimension européenne dont les personnels portent un regard positif sur cette perspective, se donne l'ambition de devenir le premier opérateur ferroviaire de l'Union européenne.

M. Pierre Forgues a souhaité savoir qu'elles étaient les parts de marché du trafic voyageurs et du fret entre la France et l'Espagne. Devant l'importance du trafic routier évalué à 16 500 camions par jour sur les axes Est et Ouest des Pyrénées, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de s'orienter vers une traversée centrale des Pyrénées au moyen du ferroutage et si la SNCF avait réellement la volonté de développer le fret ferroviaire.

Evoquant les comptes de la SNCF, il a regretté que, du fait de leur présentation globalisée, les collectivités territoriales ne parviennent pas à connaître le coût d'une infrastructure déterminée.

M. Louis Gallois a apporté les réponses suivantes :

- la qualité est une préoccupation ancienne de la SNCF comme en témoigne l'exigence de ponctualité. Mais des mécanismes nouveaux apparaissent comme l'application du système de bonus-malus sur les TER - des pénalités importantes ont été infligées l'an dernier dans ce cadre à la SNCF. De même en ce qui concerne les grandes lignes, la SNCF s'engage à rembourser un tiers du prix du billet pour les retards de 30 minutes et sa totalité pour les retards supérieurs à 3 heures. Au titre des retards survenus dernièrement sur la ligne Paris-Lyon et sur la ligne Paris-Londres, la SNCF déboursera au total plus de 5 millions d'euros.

Soucieuse de poursuivre dans cette voie, la SNCF a décidé d'élaborer une charte des droits du voyageur qui définira ces derniers ainsi que les conséquences du non-respect des engagements pris, la SNCF anticipant ainsi un projet analogue de la Commission. Une démarche similaire sera entreprise pour le fret. Dans ce domaine, la SNCF a d'ailleurs déjà conclu des accords aux termes desquels des pénalités lui sont infligées si elle ne respecte pas les normes de qualité prévues.

L'objectif poursuivi par la SNCF est d'être une entreprise ferroviaire européenne de référence en ce qui concerne la qualité, la sécurité et la ponctualité. En termes de volume, le réseau français est le deuxième d'Europe après celui de l'Allemagne. Si le trafic voyageurs est identique à celui de l'Allemagne, en revanche, le trafic fret de la SNCF s'élève actuellement à 50 milliards de tonnes/km en France contre 65 milliards en Allemagne ;

- la part de marché du fret ferroviaire est élevée en France par rapport à d'autres pays. Elle n'est dépassée en Europe que par la Suisse, l'Autriche et la Suède. Pour qu'elle s'accroisse, il convient d'améliorer la qualité, la rentabilité et de veiller à équilibrer réellement les conditions de concurrence entre le rail et la route ;

- la part de marché de la SNCF dans son trafic avec l'Espagne est de 4 à 5 %.

Le trafic voyageurs avec ce pays dégage une marge satisfaisante. En ce qui concerne le trafic fret, il demeure relativement limité à cause de la différence d'écartement. En outre, l'Espagne dispose d'un réseau routier exceptionnel et paraît plus intéressée par les dessertes ferroviaires de ses ports plutôt que par les passages aux frontières ;

- il est légitime que les conseils régionaux souhaitent connaître les coûts d'une ligne, mais il faut prendre garde au caractère artificiel de chiffres détaillant toutes les charges ligne par ligne. En tout état de cause, la SNCF peut soumettre tous les chiffres dont elle dispose au Conseil régional de Midi-Pyrénées ;

- le percement d'un tunnel central s'imposera probablement dans l'avenir. Mais la SNCF souhaite à court terme que l'on investisse à Irun et Hendaye pour désengorger ce point de passage et se prépare à exploiter le tunnel Perpignan-Figueras qui permettra d'accroître la fluidité du trafic. Ces opérations ne contribueront toutefois pas à elles seules à réduire le nombre de camions, si elles ne s'accompagnent pas d'une politique réellement favorable au fret ferroviaire en Espagne.

2) Réunion de la Délégation du mercredi 20 novembre 2002

La Délégation s'est réunie, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

Avant d'exposer l'objet des textes constituant le « deuxième paquet ferroviaire », le rapporteur a rappelé que ce dernier avait déjà donné lieu à des discussions, alors même que le « premier paquet ferroviaire » n'avait été transposé que par le Luxembourg et la Finlande, la date de la transposition étant fixée au 15 mars 2003. La Commission et la présidence danoise ont souhaité que le Conseil « Transports » des 5 et 6 décembre prochains parvienne à un accord politique, tandis que, de son côté, le Parlement européen se prononcera sur ce « deuxième paquet ferroviaire » à la fin du mois. Toutefois, d'après les dernières informations disponibles, ce Conseil « Transports » procèdera à un simple débat d'orientation, la présidence danoise ayant constaté que les conditions n'étaient pas réunies pour parvenir à un accord politique.

Ce « deuxième paquet ferroviaire » serait composé des éléments suivants : ouverture totale et immédiate du trafic de fret national et international, sans période transitoire, comme il était prévu jusqu'en 2008 ; création d'une agence ferroviaire européenne ayant un rôle clé en matière de sécurité et d'interopérabilité. Si la Commission agit aussi vite, c'est qu'elle estime que le « premier paquet ferroviaire », trop partiel, ne permet pas une vraie revitalisation du rail. À ses yeux, l'attente en ce domaine peut être assimilée à de l'immobilisme.

Après ce rappel, le rapporteur a exposé quelle position prendre. À titre personnel, il s'est déclaré hostile à une position trop négative, jugeant qu'elle isolerait la France, comme cela a été longtemps le cas. Il s'est félicité que M. Louis Gallois n'ait pas formulé d'opposition de principe à l'ouverture à la concurrence, se contentant de s'interroger sur ses modalités et sur son calendrier. Il a observé que d'autres pays, qui ne s'opposent pas en principe à la concurrence, se gardent bien de la mettre en œuvre, comme l'Allemagne. L'isolement de la France doit donc être relativisé. En adoptant des conclusions totalement hostiles au second paquet ferroviaire, le Sénat prend le risque de marginaliser notre pays. Le rapporteur s'est prononcé pour un oui sous conditions, prônant une libéralisation maîtrisée.

Au nombre des conditions à respecter, le rapporteur a cité d'abord le respect du calendrier arrêté à Barcelone en mars 2002. Ce calendrier prévoit que le second paquet ne pourra être adopté avant que l'on ait fait un bilan, même sommaire, du premier. La Commission juge aujourd'hui que le premier paquet ne saurait produire d'effet par lui-même. Encore faut-il qu'elle le prouve si elle veut faire l'économie du bilan, faute de quoi le calendrier devra être respecté. Il a signalé qu'au demeurant, une directive, même adoptée, n'imposerait pas un changement complet des équipements dans les dix ou quinze ans.

Il a insisté pour que les directives prévues soient beaucoup plus précises en matière de sécurité et d'harmonisation sociale. Les risques de dumping sont réels en effet, surtout à la veille de l'élargissement que l'Europe attend. Le secteur maritime en offre l'exemple : des conducteurs polonais ou lituaniens pourraient engager leurs services à des tarifs défiant toute concurrence.

Le rapporteur a souligné qu'une position équilibrée rendait la France plus forte dans les négociations. Il a relevé qu'en posant le problème de la sécurité, la France avait été entendue par la Commission, qui a dû abandonner l'idée de passer en force. La libéralisation maîtrisée signifie aussi la prise en considération du financement. Certes, la période budgétaire actuelle est difficile et le budget communautaire a ses contraintes, mais il ne serait pas illogique que l'Europe investisse dans ce projet de dimension européenne. Le risque serait qu'autrement les charges se répartissent de manière très inégale.

Le rapporteur a présenté les grandes lignes des conclusions qu'il a proposées à la Délégation d'adopter. Elles approuvent l'objectif d'achever le marché intérieur et d'arriver à un espace ferroviaire intégré, mais elles subordonnent l'adoption du second paquet à l'examen d'un bilan du premier, en exigeant également des garanties sur la sécurité, dans le domaine social et en matière de financement. Que le débat qui doit voir lieu dans quinze jours au Parlement européen soit seulement un débat d'orientation illustre que la volonté est désormais partagée d'obtenir des directives qui répondent à ces différents besoins.

En réponse à M. Jacques Myard, le rapporteur a ajouté que l'agence ferroviaire ne saurait être une institution supplémentaire, mais remplirait au contraire une fonction indispensable car, dès lors qu'on adopte des règles communes d'interopérabilité et de sécurité, on ne peut confier à chacun le soin de les mettre en œuvre et de veiller à leur application. C'est alors qu'apparaît le besoin d'une autorité régulatrice.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur, tout en s'étonnant qu'il n'aborde pas le sujet de la qualité dans ses conclusions.

Le rapporteur a répondu que ce sujet sera l'objet d'un troisième train de mesures et que l'aborder aujourd'hui retarderait encore le processus d'adoption du « deuxième paquet ferroviaire », même si la question devra forcément venir à l'ordre du jour.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION ADOPTEE PAR LA DELEGATION

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la sécurité des chemins de fer communautaires et modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires, ainsi que la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (document E 1932),

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/48/CE du Conseil et la directive 2001/16/CE sur l'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen (document E 1936),

- Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une agence ferroviaire européenne (document E 1937),

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires (document E 1941),

1. Approuve l'objectif poursuivi par la Commission européenne de parvenir à un transfert significatif du trafic routier de marchandises vers le rail et, à cette fin, d'achever le marché intérieur en créant un espace ferroviaire pleinement intégré à l'exemple des autres modes de transport ;

2. Considère toutefois que les dispositions préconisant l'ouverture immédiate des réseaux internationaux et nationaux de fret ferroviaire, comme le reconnaissent les conclusions du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, impliquent au préalable l'examen d'un rapport de la Commission sur la transposition des directives du premier paquet ferroviaire ;

3. Considère que la discussion sur l'ouverture à la concurrence des réseaux de fret internationaux et nationaux ne saurait être mise en place sans qu'elle ne soit entourée d'un ensemble de garanties ;

4. Juge indispensable que les directives définissent des normes de sécurité et des normes sociales élevées, sans lesquelles la crédibilité de l'objectif d'espace ferroviaire intégré risque d'être entamée ;

5. Demande qu'un cadre de financement et de tarification adéquat soit instauré. Afin, d'une part, que la mise en œuvre de l'interopérabilité des réseaux puisse être menée à bien et que, d'autre part, puissent être réduites les disparités existant actuellement en matière de redevances.

6. Se félicite que l'Union européenne se soit accordé un délai de réflexion supplémentaire pour adopter des directives qui répondent mieux aux préalables susvisés.

ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées

Le rapporteur tient à renouveler ses plus vifs remerciements aux personnalités qu'il a eu l'occasion de rencontrer, ainsi que les missions économiques. Il remercie également les organisations syndicales pour leurs très intéressantes contributions écrites.

I - A PARIS

· Départements ministériels

¬ Ministère des affaires étrangères

- Mme Anne SCHMIDT, Direction de la coopération européenne,

¬ SGCI

- M. Alain CORREIA, Chef du secteur « Transports et Politique Régionale ».

¬ Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

- Mme Sophie GALEY-LERUSTE, Conseillère diplomatique du ministre,

- M. Paul SCHWACH, Directeur de la Direction des affaires internationales,

- M. Michel AYMERIC, Sous-directeur des transports ferroviaires à la Direction des transports terrestres.

¬ Secrétariat d'Etat aux transports et à la mer

- M. Jean-Claude JOUFFROY, Directeur de Cabinet de M. le Secrétaire d'Etat aux transports et à la mer,

- M. Pierre FIGUERAS, Conseiller technique au Cabinet de M. le Secrétaire d'Etat aux transports et à la mer

· Personnalités qualifiées

- M. Gilles SAVARY, Député européen français, Rapporteur de la commission des transports sur l'Agence ferroviaire européenne.

· Organisations professionnelles

- M. Paul MINGASSON, Secrétaire général de la SNCF, accompagné de Mme Elisabeth BORNE, Directrice de la Stratégie, et de M. Pierre-Louis ROY, Chargé de mission à la Direction déléguée aux affaires européennes,

- M. Jean-Pierre DUPORT, Président de RFF, accompagné de M. Jean FAUSSURIER, Délégué aux affaires européennes,

- M. Jean-Claude BRUNIER, Président-Directeur général de TAB,

- M. Didier LEANDRI, Délégué général de l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF),

- M. Daniel PARIS, Rapporteur au comité « Transport » du MEDEF,

- M. Jacques ROSSI, Délégué général du Groupement nation des transports combinés (GNTC),

- M. Stéphane LEVESQUE, Délégué général de la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF),

- M. André THINIERES, Senior Vice-President Business Development du Groupe ALSTOM,

- M. Jean-Claude RAOUL, Vice-Président Services techniques d'ALSTOM-TRANSPORT,

- M. Georges DUBOT, Président du Directoire de la CSEE - Transport,

- M. Jean-Pierre AUDOUX, Délégué général de la Fédération de l'Industrie ferroviaire.

II - A BRUXELLES

- M. Christian MASSET, Représentant permanent adjoint de la France auprès des Communautés européennes,

- Mme Virginie DUMOULIN, Conseillère transports à la Représentation permanente de la France auprès des Communautés européennes,

- M. Heinz HILBRECHT, Directeur des transports terrestres à la Commission européenne,

- M. Jean-Arnold VINOIS, Chef de l'unité transports et interopérabilité ferroviaire à la Commission européenne.

1 () Le point 38 des conclusions de la présidence du Conseil européen de Barcelone est ainsi rédigé :

« Dans le domaine des transports, le Conseil européen : invite le Conseil à poursuivre, sur la base d'un rapport de la Commission concernant le fonctionnement du premier train de mesures relatives aux chemins de fer, les travaux sur le deuxième train de mesures, qui comporte notamment des règles sur l'interopérabilité et des normes élevées en matière de sécurité ».

2 () Il s'agit de :

    - la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires ;

    - la directive 95/18/CEE concernant les licences des entreprises ferroviaires ;

    - la directive 95/19/CEE concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la perception de redevances d'utilisation de l'infrastructure.

3 () Communication de la Commission sur le développement des chemins de fer communautaires (COM(95) 337 final).

4 () « Freeways » de fret ferroviaire transeuropéens, du 29 mai 1997, COM(97) 242 final.

5 () Résolution du 13 janvier 1998 sur le Livre blanc de la Commission « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires » et sur la communication de la Commission « Freeways de fret ferroviaire transeuropéens ».

6 () La Commission a retenu ce pourcentage en constatant que « les concurrents des entreprises déjà établies dans des marchés récemment libéralisés tels que l'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni occupent moins de 5 % du marché du transport ferroviaire », Communication de la Commission sur la mise en œuvre et sur les effets de la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires.

7 () Communication précitée.

8 () Article 2 de la directive 1995/18/CE concernant les licences des entreprises ferroviaires.

9 () Voir, à titre d'exemple le débat très éclairant que Blickpunkt, (l'organe mensuel d'information du Bundestag) a organisé en avril 2001.

10 () La directive 2001/12/CE du 26 février 2001 modifie la directive 1991/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires.

     La directive 2001/14/CE du 26 février 2001 concerne la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.

11 ()Transports actualités, n° 720-721, 30 mars 2001.

12 ()Rail et Transports, 30 octobre 2002.

13 ()Transports - Actualité, n° 720-721, 30 mars 2001.

14 ()Eurostat, Panorama des transports, Edition 2001.

15 () Colloque : L'Europe, une région pour le fret de demain, GIFF, 24 janvier 2001.

16 () François Batisse, Etats-Unis : 30 ans pour doubler le fret ferroviaire après la disparition des services voyageurs, Transports, janvier-février 2002, p. 33.

17 () En annexe aux actes du colloque Fret ferroviaire : comment stopper le déclin ?, Avenir Transports, 8 juin 2000.

18 () Ces arguments sont repris dans le deuxième considérant de la proposition de directive.

19 () Par exemple, en Grande-Bretagne, le régulateur des télécommunications a dû prendre des mesures de discrimination positive en faveur du concurrent de British Telecom, en vue d'empêcher que ce dernier n'abuse de sa position dominante.

20 () Tendances des transports routiers de marchandises 1990-1998, Eurostat, mars 2001.

21 ()Cf. « Ikea Rail : retour sur cinq mois d'exploitation », in Rail et Transports, numéro du 30 octobre 2002.

22 () Rapport d'information de la onzième législature, Pour un service public ferroviaire européen, n° 1645.

23 () Le décret n°2268 sur la sécurité du réseau ferré national, du 30 mars 2000, en fournit la définition dans son article 3 : « la modification d'un système existant ainsi que la conception et la réalisation d'un nouveau sous-système sont effectuées de telle sorte que le niveau global de sécurité en résultant soit au moins équivalent au niveau de sécurité existant ou à celui de systèmes assurant des services ou des fonctions comparables. »

24 ()Cf. Rail & Transports, numéro du 4 septembre 2002.

25 () La SNCF « a pour objet d'exploiter (...) les services de transports ferroviaires sur le réseau ferré national ». La question demeure de savoir si le fret est ici visé dans la notion de « services de transports ferroviaires ». Le cas échéant, la transposition pourrait alors emprunter la voie législative.