N° 1786 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 septembre 2004. PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE limitant le recours aux dispositions fiscales rétroactives, (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par
MM. Alain SUGUENOT
et
Louis GISCARD DESTAING
Additions de signatures : MM. Michel Raison, Jean-Luc Reitzer et Max
Roustan Mmes et MM. Loïc Bouvard, Bernard Carayon, Olivier Dassault, François Grosdidier, Jean-Louis Léonard,
Christian Ménard, Nathalie Kosciusko-Morizet,
Michèle Tabarot, Richard Cazenave, Lucien Degauchy, Jean-Marc Lefranc,
Philippe-Armand Martin, Francis Saint-Léger, Jacques Pélissard, Jean-Michel
Ferrand , Claude Gatignol, Martine Aurillac, Jean Bardet, Gabriel Biancheri,
Roland Chassain, Patrick Delnatte, Jean-Jacques Descamps, Pierre-Louis
Fagniez, Maurice Giro, Thierry Lazaro, Lionnel Luca, Christian Ménard,
Jean-Marc Nudant, Daniel Prévost, Michel Roumegoux, Daniel Spagnou et
Jean-Pierre Decool Additions de signatures :
Mmes et MM. Patrick
Balkany, Jean-Claude Beaulieu, Pierre Cardo, Philippe Cochet, Bernard
Depierre, Joël Hart, Sébastien Huygue, Maryse Joissains-Masini, Hervé
Mariton, Didier Quentin, et Dominique Richard MM. Jacques Bobe, Jean-Michel Fourgous,
Mme Pascale Gruny, MM. Jacques Houssin, Jean-François Régère et
Gérard Weber Additions de signatures : MM.
Alain Marleix et Jacques Remiller Mmes et MM. Manuel Aeschlimann, Michel Bouvard, Jean-François Chossy,
Louis Cosyns, Yves Coussain, Michel Diefenbacher, Guy
Drut, Marie-Hélène des Esgaulx, Bruno Gilles, Jacques Godfrain, Michel
Gonnot, Jacques Kossowski, Patrice Martin-Lalande, Robert Lamy, Denis
Merville, Pierre Morel-A-l'Huissier, Marcelle Ramonet, Marie-Jo Zimmermann,
Jacques Briat, Dominique Caillaud, Edouard Courtial, Jean-Michel Couve,
Bernard Deflesselles, Jean-Pierre Dord, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Paul
Garraud, Franck Gilard, Jean-Pierre Giran, Claude Goasguen, François-Michel
Gonnot, Jean-Jacques Guillet, Emmanuel Hamelin, Pierre Hellier, Pierre
Hériaud, Jean-Yves Hugon, Edouard Jacque, Olivier Jardé, Pierre Lequiller,
Thierry Mariani, Henriette Martinez, Denis Merville, Alain Moyne-Bressand,
Hervé Novelli, Bernadette Païx, Robert Pandraud, Béatrice Pavy, Bernard
Perrut, André Santini, Christian Vanneste, Jean-Sébastien Vialatte,
René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Gérard Voisin et Michel Voisin
Additions de signatures : MM. Dino Cinieri, Christian Estrosi, Alain
Ferry, Philippe Houillon, Jacques Lafleur, Jacques Le Nay, Jacques
Masdeu-Arus, Frédéric Saint-Léger et Michel Terrot
MM. Michel Herbillon, Jean-Claude Lemoine, Daniel Mach,
Jean-Marie Morisset, Mme Hélène Tanguy
MM. Michel Hunault et Michel Terrot
Députés. EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, « L'office de la loi est régler l'avenir, le passé n'est plus en son pouvoir. Partout où la rétroactivité serait admise, non seulement la sûreté n'existerait plus, mais son ombre même... que deviendrait donc la liberté civile si le citoyen pouvait craindre qu'après coup, il serait exposé au danger d'être recherché dans ses actions ou troublé dans ses droits acquis, par une loi postérieure ». Ce principe, énoncé par Portalis, pourrait aujourd'hui sembler être un vœux pieux pour nombre de contribuables assujettis aux règles du droit fiscal français. Simples citoyens ou opérateurs économiques, nombre de redevables français partagent actuellement le constat d'observateurs avisés de notre système fiscal selon qui, « les avocats ou conseils spécialisés en droit fiscal sont unanimes à dénoncer les conditions d'application dans le temps des lois fiscales françaises ; aux yeux de leurs clients étrangers, la rétroaction donne à la France, cet « Etat de Droit » des discours officiels, l'image d'une République bananière ». Dans son rapport de 1994, relatif à la fiscalité et à la vie des entreprises, le Conseil des impôts, après avoir relevé le nombre croissant de dispositions fiscales rétroactives dans notre droit, estimait d'ailleurs que « les lois fiscales rétroactives, notamment interprétatives, apparaissent soumises en France, à des exigences constitutionnelles moins sévères qu'à l'étranger ». La rétroactivité fiscale semble donc être une exception française supplémentaire, au moment où la concurrence fiscale fait rage et où se pose de manière accrue la question de l'attractivité de notre territoire. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a, certes, restreint le champ de la rétroactivité fiscale dans ses décisions no 80126 DC du 30 décembre 1980, 86-223 DC du 29 décembre 1986, 95-369 DC du 28 décembre 1995, 98-404 DC du 18 décembre 1998 et 2002-458 DC du 7 février 2002. Au demeurant, le sentiment d'insécurité juridique est de plus en plus présent chez les contribuables et opérateurs économiques. Il est donc nécessaire de faire évoluer notre droit pour établir des relations plus transparentes et plus confiantes entre le citoyen et l'Etat, à l'instar de nos voisins européens qui appliquent le principe de sécurité juridique, notamment en matière fiscale. Ce principe, consacré par la Cour de Justice des communauté Européennes (C.J.C.E.) dans ses arrêts du 9 juillet 1969 Portelange c/ Smith corona Merchant International (Aff. C/10/69) et du 12 octobre 1978 Belbouab (Aff. C/10/69), implique que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui lui sont contemporaines. Les normes applicables au citoyen doivent, en conséquence, être claires et précises afin que l'administré puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations. Ce principe de sécurité juridique a pour corollaire la non-rétroactivité des actes communautaires et la confiance légitime des citoyens dans la stabilité des situations créées par un acte juridique. La C.J.C.E. a posé l'obligation, pour les Etats membres et leurs juridictions, de respecter les principes généraux du droit communautaire. Le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle à certaines acceptions du principe, à savoir : - la sûreté individuelle, protégée par l'article 66 de la constitution et plusieurs articles de la déclaration de 1789 ; - le respect des situations légalement acquises dans le domaine de la liberté de communication (décision no 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984) ; - le respect de la liberté contractuelle (décision no 98-401 DC). Les commentateurs des décisions du 18 décembre 1998 et du 7 février 2002 de la haute juridiction ont estimé que le principe de sécurité juridique en matière fiscale était reconnu de façon implicite. Une proposition de loi organique a été déposée afin d'affirmer le caractère annuel des règles de l'impôt. Toutefois, au regard de la jurisprudence du Conseil relative au domaine des lois organiques, une révision constitutionnelle est nécessaire. C'est pourquoi cette proposition de loi constitutionnelle vise à modifier l'article 34 de notre texte suprême afin d'encadrer au plus haut niveau la rétroactivité fiscale. PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE Article unique Le sixième aliéna de l'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé : « L'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, les règles relatives à l'assiette et au taux ne sont pas rétroactives, conformément au principe de sécurité juridique, sauf dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118511-6
ISSN : 1240 - 8468 En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21 ___________________________________________________________________________ N° 1786 - Proposition de loi constitutionnelle limitant le recours aux dispositions fiscales rétroactives (Alain Suguenot)
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