N° 981 - Rapport de M. Jean-Jacques Guillet sur le projet de loi , adopté sans modification par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes). (652)




Document
mis en distribution
le 2 juillet 2003

graphique

N° 981

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ensemble cinq annexes), et

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes),

PAR M. JEAN-JACQUES GUILLET,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 395, 396 (2001-2002), 173 et T.A. 84, 85 (2002-2003)

Assemblée nationale : 651, 652

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LA CONVENTION DE ROTTERDAM DU 10 SEPTEMBRE 1998 8

A - LES OBJECTIFS DE LA CONVENTION 8

B - LES PROCÉDURES ENCADRANT LE COMMERCE
      DES PRODUITS CHIMIQUES ET DES PESTICIDES
9

C - L'ÉTAT DES RATIFICATIONS 10

II - LA CONVENTION DE STOCKHOLM DU 22 MAI 2001 12

A - LES OBJECTIFS DE LA CONVENTION 12

B - LES MÉCANISMES MIS EN œUVRE 12

C -L'ÉTAT DES RATIFICATIONS 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Si les effets positifs de la mondialisation sur l'économie sont incontestables, elle n'en demeure pas moins souvent perçue par nos concitoyens comme constituant une menace. Il est vrai qu'elle s'accompagne de nombreux effets pervers : outre la plus grande instabilité des marchés et des économies, les délocalisations d'entreprises, elle est marquée par l'émergence de nouveaux risques affectant la santé humaine, la diversité biologique ou la qualité de l'environnement. Ces problèmes globaux appellent des réponses globales et donc de nouvelles formes de régulation. Cependant, à l'heure actuelle, la spécialisation des différentes organisations internationales et les intérêts divergents des Etats constituent un obstacle à la définition de règles internationales permettant d'apporter des réponses efficaces aux inconvénients de la mondialisation.

Certaines avancées significatives ont néanmoins d'ores et déjà eu lieu dans le droit international. Cela s'est vérifié avec la reconnaissance du principe de précaution dans le domaine du commerce des OGM avec le protocole de Carthagène ou dans le domaine de la protection de la couche d'ozone avec le protocole de Montréal, dont l'approbation a récemment été autorisée par notre Assemblée.

Mais d'importants obstacles demeurent : la logique du libre-échange prime trop souvent sur les impératifs du développement durable du fait de l'absence d'articulation entre les accords multilatéraux environnementaux (AME) et les règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC), seules prises en compte par l'organe de règlement des différends de cette organisation. S'y ajoute l'opposition constante des Etats-Unis à toute reconnaissance du principe de précaution ou de toute autre mesure de protection de l'environnement heurtant leurs intérêts économiques ou remettant en cause les habitudes de leurs citoyens, comme par exemple la limitation de l'émission des gaz à effet de serre prévue par le protocole de Kyoto.

Malgré tout, le droit international continue à s'enrichir de nouveaux instruments visant à concilier mondialisation et logique du développement durable. C'est dans ce cadre que notre Assemblée est saisie de deux projets de loi adoptés par le Sénat au cours de sa séance du 4 mars 2003 : le premier (n° 651) autorise l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international ; le second (n° 652) autorise l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants. Le présent rapport analysera successivement ces deux textes élaborés à l'initiative du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

I - LA CONVENTION DE ROTTERDAM DU 10 SEPTEMBRE 1998

Cette convention vise à réglementer le commerce international de certains produits chimiques et pesticides dangereux. Elle a été adoptée à l'initiative du Programme des Nations unies pour l'environnement et de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture dans le prolongement des principes adoptés lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Très proche du protocole de Carthagène dans ses principes, elle vise à encadrer de manière contraignante le commerce international des produits chimiques et des pesticides dangereux.

A - Les objectifs de la convention

Avant l'adoption de la Convention de Rotterdam, il n'existait pas de dispositif contraignant encadrant le commerce des substances chimiques et des pesticides les plus dangereux. Les directives de Londres, adoptées en 1987, se contentaient en effet d'encourager la mise en place de programmes de régulation volontaires. Elles avaient été renforcées en 1989 par la mise en place d'une procédure de « consentement préalable en connaissance de cause » rendant obligatoire l'information des importateurs des produits concernés. Le chapitre 19 de l'agenda 21, adopté au Sommet de la Terre de Rio en 1992, préconisait pour sa part l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant pour le commerce international des produits chimiques et des pesticides dangereux avant l'an 2000. La convention soumise à notre Assemblée constitue cet instrument juridique.

L'objectif de la Convention de Rotterdam est de favoriser la coopération et les échanges d'informations entre les Etats parties « afin de protéger la santé des personnes et l'environnement (...), et afin de contribuer à l'utilisation écologiquement rationnelle de ces produits (...) en instituant un processus national de prise de décision applicable à leur importation et à leur exportation ».

Le champ d'application de la convention vise les produits chimiques interdits ou strictement réglementés, ainsi que les produits pesticides extrêmement dangereux dont les caractéristiques sont définies dans ses annexes II et III. En revanche, la convention ne s'applique pas aux substances psychotropes, aux matières radioactives, aux déchets, aux armes chimiques, aux produits pharmaceutiques et médicaments, aux additifs alimentaires et aux produits chimiques importés en très faible quantité à des fins de recherche ou d'analyse ou pour un usage personnel.

Comme le Protocole de Carthagène, dont elle s'inspire, la Convention vise à encadrer le commerce international de certaines substances. Se pose donc la question de son articulation avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, car celle-ci ne reconnaît pas les accords multilatéraux environnementaux. Pour cette raison, les signataires de la Convention ont inscrit dans son préambule le vœu suivant : « les politiques commerciales et environnementales devraient être complémentaires afin d'assurer l'avènement d'un développement durable ». En l'état actuel des choses, rien ne permet d'assurer que l'organe de règlement des différends de l'OMC prenne en considération les mesures de restriction prévues par la Convention et qu'il les intègre dans le corpus des règles du droit commercial international qu'il met en œuvre dans ses décisions arbitrales.

B - Les procédures encadrant le commerce des produits chimiques et des pesticides

La Convention reprend les principes des directives de Londres et du consentement préalable en connaissance de cause en leur donnant une portée contraignante. Elle définit à cette fin une liste de produits soumis au consentement préalable tout en prévoyant une procédure permettant de compléter cette liste.

Il reviendra aux Etats de prendre les mesures nationales nécessaires à la réglementation des exportations et des importations de produits chimiques ou de pesticides. Tous les Etats parties s'engagent à transmettre au Secrétariat de la Convention les mesures prises en ce sens. Celui-ci centralise les notifications et dès lors que deux Etats de deux régions différentes ont effectué cette transmission, il saisit un comité scientifique, qui prépare un document d'orientation. Ce dernier vise à informer l'ensemble des parties, afin qu'elles puissent édicter leurs propres réglementations en toute connaissance de cause.

Les documents d'orientation préparés par le comité scientifique sont ensuite validés par une Conférence des Parties, dont la première réunion doit se tenir un an après l'entrée en vigueur du texte, celle-ci étant conditionnée par le dépôt des instruments d'approbation ou de ratification par cinquante Etats. Cette conférence décide également par consensus de l'inscription des produits dans la liste relevant de la procédure du « consentement préalable en connaissance de cause ». Cette procédure implique que chaque partie fasse part de sa décision de consentir ou non à l'importation des produits entrant dans le champ de la convention. Les exportateurs sont tenus de respecter les décisions de la partie importatrice. Une obligation d'étiquetage incombe en outre aux exportateurs de produits soumis à la procédure de consentement préalable en connaissance de cause. De la sorte, l'information sur la dangerosité des produits et sur les restrictions qui leur sont applicables dans les différentes réglementations nationales sera connue de l'ensemble des Etats parties.

Ceux-ci sont, comme dans le cadre du Protocole de Carthagène, invités à échanger les renseignements scientifiques, techniques, économiques et juridiques relatifs aux produits entrant dans le champ de la Convention. Les pays en voie de développement, qui sont aujourd'hui souvent utilisés comme aires de stockage de produits chimiques et de pesticides dangereux, bénéficieront d'une assistance technique, afin de leur permettre de développer les infrastructures et les capacités nécessaires à la gestion de ces produits. Par ailleurs, la présente convention, en encourageant les transferts de connaissances et de technologies, devrait permettre aux pays en voie de développement d'utiliser des produits d'une moindre dangerosité pour l'environnement.

La Conférence des Parties chargée d'assurer le suivi de l'application de la Convention se réunira à intervalles réguliers, définis par elle. Elle sera assistée d'un secrétariat dont les fonctions seront exercées par le directeur exécutif du PNUE et par le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

C - L'état des ratifications

A l'heure actuelle, la Convention de Rotterdam a été signée par 73 parties et ratifiée par 44 d'entre elles. Elle entrera en vigueur lorsque le seuil de 50 ratifications sera atteint. L'Union européenne est elle-même Partie à la convention et elle a joué un rôle moteur au cours de sa négociation, tandis que le Japon, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont fait bloc pour en diminuer la portée. L'Union européenne étant d'ores et déjà dotée d'une réglementation pour les exportations et les importations de produits chimiques dangereux1, il est tout à fait cohérent qu'elle défende la mise en place d'une réglementation du même ordre à l'échelle internationale. La Commission européenne jouera pour sa part le rôle d'autorité habilitée à agir au nom des Etats de l'Union parties à la convention. Elle jouera ainsi un rôle central dans les relations avec les Etats tiers et le Secrétariat de la convention.

II - LA CONVENTION DE STOCKHOLM DU 22 MAI 2001

Cette convention, adoptée à Stockholm le 22 mai 2001, vise à réglementer la production et l'utilisation des polluants organiques persistants. Comme la précédente convention, sa négociation a été entreprise à l'initiative du PNUE en 1997. La négociation, ouverte en juin 1998, a donné lieu à l'adoption du texte par 91 Etats, dont la France ; le nombre de signataires est aujourd'hui de 151.

A - Les objectifs de la convention

La Convention de Stockholm se fonde sur l'approche de précaution énoncée par la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de 1992. Elle vise à protéger la santé humaine et l'environnement des dommages causés par les polluants organiques persistants, qui ont pour caractéristique de résister à la dégradation parfois plus de six mois et de s'accumuler dans les organismes vivants. Leur propagation s'opère par l'air, l'eau ou par les espèces migratrices. Ces produits touchent particulièrement les femmes et les enfants, en provoquant de graves maladies ou malformations. Pour cette raison, la Convention classe les produits organiques persistants en fonction de leur dangerosité et prévoit des mécanismes différenciés tendant soit à leur élimination, soit à la réglementation de leur utilisation.

B - Les mécanismes mis en œuvre

La Convention prévoit de classer les polluants organiques persistants en trois catégories répertoriées en fonction de leur dangerosité dans les annexes A, B et C :

-  les produits de l'annexe A sont interdits et devront être éliminés ; leur production, leur commercialisation ou leur utilisation sont prohibées ; il s'agit de l'aldrine, du chlordane, de la dieldrine, de l'endrine, du heptachlore, de l'hexachlorobenzène, du mirex, du toxaphène, des biphényles polychlorés ;

-  les produits de l'annexe B font l'objet de restrictions dans leur utilisation et leur production ; ils ne peuvent être produits et utilisés que dans un nombre limité de cas jugés acceptables par la convention ; à titre d'exemple, le DDT pourra être utilisé pour la lutte contre les vecteurs pathogènes, comme les moustiques dans les régions affectées par le paludisme, mais cette utilisation est limitée dans le temps, puisqu'elle devra cesser dès que des méthodes alternatives efficaces, sans risque et d'un coût abordable auront été trouvées ;

-  les produits de l'annexe C sont les rejets émis de manière non intentionnelle, notamment par les incinérateurs, lors du brûlage dans des fours à ciment, de la production de pâte utilisant le chlore ou ses composés ou encore par certains procédés de l'industrie métallurgique ; certaines catégories de dioxine entrent dans cette annexe.

L'inscription de nouveaux produits sur la liste des différentes annexes se fait à l'issue d'un processus scientifique et diplomatique, la décision finale étant prise par la Conférence des parties instituée par la présente Convention.

Par ailleurs, la Convention prévoit des mécanismes de coopération entre Etats, afin de diffuser les savoir-faire en matière d'élimination et de réduction des émissions des polluants organiques persistants. Les Etats sont ainsi invités à encourager les actions de recherche-développement, afin de trouver des substituts aux produits concernés. La mise en place d'un réseau de surveillance est également encouragée. Parallèlement, la sensibilisation du public est l'un des objectifs devant être mis en œuvre par les parties.

Comme dans de nombreux domaines touchant à la protection de l'environnement, les pays en voie de développement ou en phase de transition sont placés dans une situation appelant des mécanismes spécifiques. Faute des capacités et des moyens nécessaires, il leur est en effet difficile d'éliminer les produits entrant dans le champ de la convention ou même de leur substituer de nouvelles substances. Pour cette raison, la convention encourage l'assistance technique, les transferts de connaissance et de technologie, en même temps qu'elle institue un mécanisme de financement abondé par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Les subventions seront octroyées sur décision de la Conférence des parties.

Cette conférence sera chargée d'évaluer l'application de la Convention. Une clause de convocation automatique de la conférence a été prévue à cette fin dans les quatre ans suivant l'entrée en vigueur de la convention. Le secrétariat de la conférence sera assuré par le directeur exécutif du PNUE, sauf décision des trois-quarts des parties présentes.

C - L'état des ratifications

La Convention a été ratifiée par 33 Etats, alors qu'elle comporte à l'heure actuelle 151 signataires. Cinquante ratifications sont nécessaires pour son entrée en vigueur. Comme pour la Convention de Rotterdam, l'Union européenne a joué un rôle moteur dans la négociation de cette convention, qui a nécessité pas moins de cinq sessions. Là encore, le Japon, les Etats-Unis, la Suisse, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande se sont opposés à la mise en œuvre du principe de précaution dans un dispositif contraignant. Cependant, le grand nombre d'Etats ayant finalement signé le texte constitue un incontestable encouragement en faveur des accords multilatéraux environnementaux et de l'encadrement du droit commercial international fondé sur des motifs d'intérêt général.

CONCLUSION

Les deux conventions dont l'approbation doit être autorisée par notre Assemblée constituent une indéniable avancée en matière de protection de l'environnement. Elles soulignent la nécessité d'élaborer des règles internationales, mises en œuvre par les ensembles régionaux et les Etats pour lutter contre les retombées néfastes de certaines substances sur l'environnement. Une telle logique suppose toutefois que la préservation de l'environnement soit reconnue par les différents Etats comme un objectif d'intérêt général devant primer sur les principes du libre-échange.

De nombreux pays en voie de développement souscrivent à une telle approche, mais à la condition que leurs économies ne s'en trouvent pas pénalisées. Il convient donc de prévoir des mécanismes d'assistance technique, de transferts de technologies et de capitaux pour que les accords multilatéraux environnementaux soient soutenus par ces pays. Tel est le cas des deux conventions soumises à notre Assemblée.

Mais il faut également compter avec l'opposition de certains pays développés conduits par les Etats-Unis, qui sont hostiles à toute limitation du droit commercial international pour des impératifs de précaution. Aussi, les accords multilatéraux environnementaux demeurent-ils limités dans leur portée, faute de leur reconnaissance par l'organisation mondiale du commerce dont l'organe de règlement des différends fait primer les règles du droit commercial international. Il conviendra donc de remédier à cette situation en permettant une meilleure articulation entre ces deux domaines du droit international. Quoi qu'il en soit, ces deux conventions constituent une avancée utile pour la protection de l'environnement. Votre Rapporteur vous propose donc d'adopter les deux projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du 25 juin 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Serge Janquin a indiqué qu'il s'abstenait, car il n'était pas en mesure de comprendre la portée des deux conventions.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 651 & 652).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des conventions figure en annexe aux projets de loi (nos 651 & 652).

N° 0981 - Rapport sur les projets de loi d'approbation des conventions sur les pesticides dangereux et sur les polluants organiques persistants (Sénat, 1ère lecture) (M. Jean-Jacques Guillet)

1 Règlement communautaire n° 2455/92 du Conseil du 23 juillet 1992 modifié.


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