N° 1132 - Rapport d'information de M. Marc Bernier déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire




N°1132
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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES

En conclusion des travaux de la mission d’information
sur
l’offre de soins sur l’ensemble du territoire

ET PRÉSENTÉ

par M. Marc Bernier,

Député.

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INTRODUCTION 9

I.- FAUTE D’UN PILOTAGE EFFICACE DE L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS, LES INÉGALITÉS D’ACCÈS AUX SOINS S’ACCROISSENT 11

A. LA RÉPARTITION TERRITORIALE DE L’OFFRE DE SOINS, DE PLUS EN PLUS INÉGALE, CRÉE DES DIFFICULTÉS D’ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS QUI VONT S’AGGRAVER À COURT TERME 11

1. Malgré un niveau d’offre de soins encore globalement élevé, les inégalités d’accès aux soins s’accroissent 11

a) Des difficultés d’accès aux soins liées à l’éloignement géographique des professionnels de santé : on voit apparaître de véritables « déserts médicaux » 12

b) Des difficultés d’accès aux soins dans des délais raisonnables : la permanence des soins reste fragile et les files d’attente s’allongent 20

c) Des difficultés financières d’accès aux soins 21

d) Les Outre-mers connaissent des difficultés particulières 24

2. Les difficultés et les inégalités dans l’accès aux soins de premier recours pourraient s’aggraver à court terme 27

a) Avec le vieillissement de la population et la forte prévalence des maladies chroniques, la demande de soins pourrait augmenter. 27

b) Le potentiel démographique des professions de santé doit diminuer d’ici 2025, du fait de la mauvaise gestion des numerus clausus dans les années 1980 et 1990 28

c) Dans les zones déficitaires en offre de soins, les praticiens sont souvent âgés et leur remplacement n’est pas assuré. 33

d) Les restructurations hospitalières ont pour effet de concentrer les plateaux techniques dans les centres urbains 34

B. LES POUVOIRS PUBLICS NE DISPOSENT PAS D’OUTILS EFFICACES DE RÉGULATION DE L’OFFRE DE SOINS PRIMAIRES 36

1. L’offre de soins de premier recours ne fait pas l’objet d’un pilotage cohérent 36

a) Il n’existe pas de définition juridique des soins de premier recours, ni de la médecine générale de premier recours 36

b) Le pilotage de l’offre de soins de premier recours est cloisonné 40

2. La liberté d’installation de certains professionnels de santé libéraux complique la régulation de leur répartition territoriale, compte tenu de l’évolution de leurs modes d’exercice 43

a) Certaines professions de santé bénéficient d’un régime de liberté d’installation, ce qui nuit à l’équilibre de leur répartition géographique 43

b) Les attentes des jeunes praticiens sont de moins en moins compatibles avec le mode d’exercice traditionnel de la médecine générale dans les zones sous-denses 45

c) Une large part des diplômés de médecine générale n’exerce pas la médecine générale de premier recours 47

d) L’encadrement relativement faible de l’accès au secteur 2 favorise la concentration des médecins dans certaines zones du territoire 49

3. Les formations médicales et paramédicales ne sont pas organisées en fonction des besoins de santé 49

a) Le numerus clausus des études médicales n’est pas suffisamment modulé en fonction des besoins de santé 51

b) Les étudiants ne sont pas amenés à découvrir l’exercice omnipraticien libéral avant de choisir leur spécialité, ce qui empêche de susciter des vocations pour la médecine générale 51

c) Le mode de répartition des étudiants entre les différentes spécialités ne permet pas aux pouvoirs publics de maîtriser la répartition du flux d’internes de médecine générale ni leur répartition géographique. 52

d) La filière universitaire de médecine générale est encore trop peu structurée 56

e) Des observations semblables peuvent être faites à propos d’autres cursus d’études menant à des professions de santé. 57

4. Les mesures incitatives prises jusqu’à présent pour réguler la démographie médicale ne suffisent pas à éviter l’aggravation des inégalités d’accès aux soins 58

a) Des mesures complexes, consistant surtout en diverses incitations financières 58

b) Des mesures qui reposent sur des zonages instables et parfois peu pertinents 62

c) Des mesures peu connues, utilisées par peu de professionnels et avec de forts soupçons d’effet d’aubaine 64

II.- PROPOSITIONS POUR UNE STRATÉGIE D’AMÉNAGEMENT DE L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE 67

A. RENFORCER LES OUTILS DE PILOTAGE DE L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS ET ASSURER LEUR COHÉRENCE 67

1. Édicter des normes quantifiées d’accès aux soins 67

a) Aujourd’hui, l’accès aux soins ne se définit qu’en termes relatifs 67

b) Fixer des objectifs quantifiés d’accès aux soins 68

2. Rendre plus pertinente la territorialisation des politiques d’aménagement de l’offre de soins de premier recours 69

a) Réviser le zonage des aides à l’installation et au maintien des professionnels de santé 70

b) Articuler différents échelons territoriaux dans les politiques d’organisation de l’offre de soins 73

c) Compléter les dispositifs d’aide reposant sur un zonage par des aides visant à structurer un maillage. 76

3. Renforcer la cohérence et l’efficacité du pilotage territorial de l’offre de soins de premier recours 77

a) Piloter conjointement les soins ambulatoires, l’offre hospitalière et les structures médico-sociales 77

b) Mobiliser les collectivités territoriales en veillant à garantir la cohérence et l’équité des interventions publiques en faveur de l’offre de soins de premier recours 78

4. Encadrer les dépassements d’honoraires 83

5. Encadrer la liberté d’installation des professionnels de santé libéraux par des mesures « désincitatives », voire contraignantes 84

B. STRUCTURER L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS POUR LES RENDRE PLUS EFFICACES, PLUS EFFICIENTS ET PLUS ATTRACTIFS POUR LES PROFESSIONNELS 86

1. Établir une définition législative des soins de premier recours 86

a) Le code de la santé publique devrait reconnaître la spécificité de l’offre de soins de premier recours 86

b) Une définition législative des soins de premier recours constituerait le fondement d’une véritable politique d’aménagement des soins primaires et redonnerait du sens à la médecine générale 87

2. Valoriser les missions de santé publique des médecins par des mandats de santé publique rémunérés au forfait 90

a) Confier aux professionnels de véritables mandats de santé publique 90

b) Rémunérer les actions de santé publique au forfait 92

3. Organiser la permanence des soins de façon plus efficiente, plus claire pour les patients et plus attractive pour les praticiens 96

a) Revenir sur le caractère facultatif de la permanence des soins risquerait de rendre l’exercice libéral de la médecine générale encore moins attractif, notamment dans les zones déficitaires 96

b) Une permanence des soins bien organisée constitue un élément d’attractivité pour un territoire 97

c) Densifier le maillage du territoire en structures des urgences 100

4. Développer des statuts d’exercice de la médecine alternatifs à l’installation 100

a) Favoriser le recours aux statuts existants qui permettent un exercice professionnel diversifié 100

b) Aller plus loin dans l’assouplissement des statuts d’exercice de la médecine en vue de favoriser la pluriactivité des praticiens 104

5. Approfondir la coopération entre les professionnels de santé 108

a) Décharger les médecins d’une part de leurs tâches administratives 108

b) Promouvoir de nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé afin d’accroître l’efficience et la fluidité du parcours de soins 109

c) Développer les structures dont le mode de fonctionnement favorise la coopération entre les professionnels. 115

d) Développer la télémédecine et les systèmes d’information en santé 116

6. Développer de nouvelles structures d’exercice : promouvoir des « pôles de santé » pour aménager l’offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire 117

a) Tenir compte de l'attrait croissant des professionnels de santé, notamment des jeunes générations, pour l'exercice groupé 118

b) Privilégier les différentes structures d'exercice regroupé, notamment celles qui favorisent le plus la coopération entre professionnels et qui procèdent d'une démarche territoriale d'organisation globale de l'offre de soins 119

c) Accompagner le regroupement des professionnels sans imposer de modèle unique 122

d) Favoriser les formes les plus abouties de structuration de l’offre de soins de premier recours, notamment les « pôles de santé » 125

7. Consolider le maillage hospitalier du territoire et y adosser l’offre de soins de premier recours 129

a) Consolider le maillage hospitalier du territoire en exploitant des complémentarités entre les établissements dans le cadre de communautés hospitalières de territoire 130

b) Tenir compte des contraintes géographiques dans la planification sanitaire et le financement des établissements 132

c) Mieux intégrer l’hospitalisation privée dans la structuration de l’offre de soins 134

d) Approfondir la coordination des soins entre la ville et l’hôpital 135

C. ADAPTER LES FORMATIONS MÉDICALES ET PARAMÉDICALES AUX BESOINS DE SANTÉ DES TERRITOIRES 136

1. Organiser les formations médicales et paramédicales de façon à attacher les étudiants aux territoires qui ont besoin d’eux 136

a) Dans la répartition des capacités de formation supplémentaires ouvertes à l’occasion des hausses des numerus clausus, privilégier les facultés des régions sous-dotées en offre de soins 136

b) Associer les conseils régionaux et les ARS à l’organisation des formations aux professions de santé 137

c) Développer des lieux de formation au plus près des besoins de santé 140

d) Attacher les jeunes professionnels aux territoires qui ont besoin d’eux par des bourses d’études assorties d’engagements d’exercice. 141

2. Faire découvrir aux étudiants la pratique des soins de premier recours par des stages échelonnés tout au long de leur formation 142

a) Généraliser, au cours des formations médicales et paramédicales, les stages dans les zones sous-denses en offre de soins 142

b) Privilégier les terrains de stage participant à l’organisation structurée des soins de premier recours 144

c) Promouvoir les fonctions de maître de stage 146

3. Accélérer la structuration de la filière universitaire de médecine générale 147

a) Constituer un corps d’enseignants-chercheurs titulaires en médecine générale, comme dans toutes les autres spécialités 147

b) Réduire le taux d’inadéquation entre le nombre d’étudiants qui se présentent aux épreuves classantes nationales et le nombre de postes d’internat offerts 149

4. Enrichir la formation des professionnels de santé assurant les soins de premier recours 150

a) Apprendre aux étudiants la coopération interdisciplinaire 150

b) Former les étudiants aux questions éthiques, médico-économiques et épidémiologiques pour les préparer aux relations avec les patients et à leurs missions de santé publique 152

c) Construire des évolutions de carrière attractives pour les médecins généralistes, par des formations tout au long de leur carrière 153

PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 155

CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA MISSION 159

CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE : 159

PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA PERMANENCE DES SOINS PAR PHILIPPE BOËNNEC, DÉPUTÉ DE LOIRE-ATLANTIQUE 167

CONTRIBUTION DE JEAN-LUC PRÉEL, NOUVEAU CENTRE 171

TRAVAUX DE LA COMMISSION 175

ANNEXES 191

ANNEXE  1 : COMPOSITION DE LA MISSION 191

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 193

ANNEXE 3 : GLOSSAIRE 203

INTRODUCTION

Dans un nombre croissant de nos territoires, qu’il s’agisse d’espaces ruraux ou de zones urbaines sensibles, l’accès à un médecin, un chirurgien-dentiste ou une infirmière devient de plus en plus difficile, notamment aux horaires de la permanence des soins. De plus, dans ces territoires comme dans certaines villes, il est tout aussi difficile d’obtenir une consultation spécialisée dans un délai raisonnable.

À l’inverse, dans les zones sur-dotées en offre de soins, les dépassements d’honoraires pratiqués par les professionnels sont parfois tels, que les patients rencontrent de véritables difficultés financières d’accès aux soins.

Ainsi, force est de constater que les Français ne sont pas égaux dans l’accès aux soins. Pire : si aucune mesure n’est prise à court terme, ces difficultés s’aggraveront, du fait de la pénurie de professionnels de santé qui résulte d’une gestion très restrictive des numerus clausus dans les années 1980 et 1990.

Il est donc urgent d’agir. L’examen du projet de loi annoncé sur l’organisation des soins, projet « hôpital, patients, santé, territoires », en constitue l’occasion.

Dans cette perspective, le présent rapport formule trente propositions d’action visant à :

– donner aux pouvoirs publics les moyens de piloter efficacement le niveau et la répartition de l’offre de soins, afin de garantir aux Français un égal accès aux soins de premier recours ;

– structurer l’offre de « soins de premier recours » de façon efficace, efficiente et attractive pour les professionnels de santé. Ces soins constituent en effet un ensemble cohérent d’activités curatives et préventives, auxquelles participent notamment les médecins généralistes, certains spécialistes – qu'ils exercent en ville ou à l'hôpital – comme les ophtalmologues et les pédiatres, ainsi que les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes;

– adapter les formations médicales et paramédicales aux besoins de santé des territoires.

I.- FAUTE D’UN PILOTAGE EFFICACE DE L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS, LES INÉGALITÉS D’ACCÈS AUX SOINS S’ACCROISSENT

La mission a choisi de concentrer ses travaux sur les « soins de premier recours », dits aussi « soins primaires ». Si ces notions n’ont pas – ou pas encore – de définition précise en France, il ressort des comparaisons internationales (1) qu’elles renvoient à un champ professionnel cohérent, incluant non seulement les médecins généralistes, mais aussi certains spécialistes – qu'ils exercent en ville ou à l'hôpital – comme les ophtalmologues et les pédiatres, ainsi que d’autres professionnels de santé, dont les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes. De plus, dans de nombreux pays, les actions de santé publique, de prévention et d’éducation à la santé sont considérées comme indissociable de ces soins curatifs.

Une des caractéristiques des soins de premier recours ainsi définis tient à ce que pour être efficaces et garantir la sécurité de tous les patients, ils doivent être accessibles.

A. LA RÉPARTITION TERRITORIALE DE L’OFFRE DE SOINS, DE PLUS EN PLUS INÉGALE, CRÉE DES DIFFICULTÉS D’ACCÈS AUX SOINS DE PREMIER RECOURS QUI VONT S’AGGRAVER À COURT TERME

L’accès de tous à des soins de qualité constitue l’un des objectifs majeurs des politiques de santé publique. Or, les disparités dans la répartition territoriale des professionnels de santé compromettent l’égal accès aux soins, et cela d’autant plus que la démographie médicale est destinée à décroître pendant plusieurs années.

1. Malgré un niveau d’offre de soins encore globalement élevé, les inégalités d’accès aux soins s’accroissent

L’accès aux soins peut être compliqué par des difficultés de trois ordres :

– des difficultés d’accès aux soins dans l’espace, qui se mesurent en temps d’accès à un professionnel de santé ;

– des difficultés d’accès aux soins dans le temps, liées à des ruptures dans la permanence des soins et à d’importantes « files d’attente » ;

– des difficultés financières dans l’accès soins, quand manque une offre de soins au tarif opposable.

a) Des difficultés d’accès aux soins liées à l’éloignement géographique des professionnels de santé : on voit apparaître de véritables « déserts médicaux »

En 2003 déjà, votre rapporteur relevait dans un rapport sur la répartition territoriale des professions de santé et l’égalité des citoyens devant l’offre médicale (2) que paradoxalement, on voit apparaître de véritables « déserts médicaux » alors que la France n’a jamais compté autant de professionnels de santé, en termes d’effectifs comme en termes de densité. Ce constat est toujours actuel.

Ÿ Les statistiques nationales sur le niveau global de l’offre de soins paraissent rassurantes.

Les effectifs des médecins et des autres professionnels de santé n’ont jamais été aussi élevés (cf. tableau ci-dessous). Les statistiques diffèrent sensiblement selon les sources, ce qui est regrettable, mais on retiendra que le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) (3) recense 215 000 médecins en activité au 1er janvier 2008 (contre 112 000 en 1979), parmi lesquels la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) compte 115 300 libéraux en activité, dont 61 200 omnipraticiens et 54 100 autres spécialistes (4).

Évolution des effectifs des principales professions de santé
participant aux soins de premier recours

Au 1er janvier 2007

Effectifs

Taux de croissance
2007-2000 (en  %)

Taux de croissance annuel moyen
(en  %)

Médecins

208 191

7,3

1,0 %

Dentistes

41 444

2,2

0,3 %

Pharmaciens

70 498

20,7

2,7 %

Sages-femmes

17 483

21,8

2,9 %

Infirmiers

483 380

26,2

3,4 %

Masseurs-kinésithérapeutes

62 602

20,3

2,7 %

Source : Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), rapport 2006-2007.

La densité des professions de santé est élevée. Pour les médecins, l’Ordre indique qu’elle est passée entre 1979 et 2008 de 206 à 322 médecins en activité pour 100 000 habitants, dont 171 généralistes, ce qui est supérieur à la moyenne des pays membres de l’OCDE (250 médecins pour 100 000 habitants). Ainsi, d’après M. Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) (5), le délai d’accès à un généraliste s’établirait à 4 minutes en moyenne, resterait inférieur à 10 minutes dans 95 % des cantons métropolitains, et n’excéderait 20 minutes que dans cinq cantons. Le rapport 2004 de l’ONDPS évalue à un kilomètre la distance moyenne d’accès à un infirmier libéral, et à 1,1 kilomètre pour les masseurs-kinésithérapeutes. Toutefois, certains des acteurs rencontrés par la mission ont jugé que ces statistiques sont en décalage par rapport à leur expérience quotidienne. Il est en effet à noter qu'elles ne prennent en compte que l'implantation des cabinets médicaux, sans tenir compte de la disponibilité des praticiens – notamment aux horaires de la permanence des soins – ni de leur densité. En outre, selon M. Emmanuel Vigneron (6), professeur de géographie et d’aménagement des territoires à l’université Montpellier III, le mode de calcul de ces données présente un biais : il ne tient pas compte des temps de déplacement à l’intérieur d’une même commune et, reposant sur la comparaison de moyennes cantonales, il ne rend pas bien compte des écarts à la moyenne. Il apparaît ainsi que pour évaluer les possibilités effectives d'accès aux soins sur un territoire, les outils statistiques dont nous disposons actuellement sont, par construction, insuffisants.

Seule la densité des chirurgiens-dentistes a baissé entre 1990 et 2005, passant de 67 à 65 pour 100 000 habitants, mais ce taux reste comparable à ceux observés dans les pays comparables à la France (7).

Ÿ La répartition territoriale des professionnels de santé est par contre très inégale.

Les moyennes nationales recouvrent des écarts de densité très importants entre les territoires.

– Les déséquilibres dans la répartition territoriale des médecins.

On observe des écarts de densité médicale allant, pour les généralistes, de 1 à 1,4 entre les régions et de 1 à 2,5 entre les départements et, pour les autres spécialistes, de 1 à 2 entre les régions et de 1 à 7,4 entre les départements. Ces écarts révèlent des phénomènes d’héliotropisme et d’attraction de la capitale tels que, selon le rapport 2005 de l’ONDPS, « il y bien deux France de densité médicale ».

Densité des médecins généralistes en activité régulière par région

Source : carte fournie par le conseil national de l’Ordre des médecins.

Le rapport 2007 du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) estime que ces disparités sont encore plus « criantes » entre les communes, voire les quartiers.

– Les disparités territoriales dans la répartition des chirurgiens-dentistes

D’après le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (8), la densité des chirurgiens-dentistes présente de forts écarts interrégionaux – de 1 à 2,3 entre la Picardie et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) – et interdépartementaux – de 1 à 4 entre la Somme et Paris. Comme celle des médecins, leur répartition est marquée par l’héliotropisme et l’attraction de Paris (cf. carte ci-contre).

Densité et effectifs des chirurgiens-dentistes par région au 1er janvier 2008

Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Les professions de santé au 1er janvier 2008 », Série statistiques, document de travail n° 123, mai 2008

De plus, selon l’union des jeunes chirurgiens-dentistes (UJCD) (9), la non-prise en charge par l’assurance maladie de certains actes odontologiques, réservés de ce fait aux publics les plus aisés, dissuade les praticiens à s’installer dans les milieux ruraux et les zones urbaines défavorisées.

– Les disparités territoriales dans la répartition des infirmiers

Comme le constate une récente étude de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la démographie des infirmiers (10), la répartition sur le territoire des infirmiers libéraux est « particulièrement inégale » (plus encore que celle des médecins), avec des écarts allant de 1 à 5 par région et de 1 à 7 par département, en faveur notamment du pourtour méditerranéen et de la Corse.

Selon M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la CNAMTS (11), ces écarts sont tels qu’ils semblent induire une modification de la structure d’activité des infirmiers libéraux : dans le Nord, où leur densité est faible, ils se concentrent sur les actes techniques (les « actes médicaux d’infirmier » – AMI), alors que dans le Sud, où leur densité est la plus forte, ils effectuent davantage d’actes à plus faible valeur ajoutée (les « actes infirmiers de soins » (AIS) qui ont trait à l’hygiène, la surveillance et l'observation des personnes, la prévention et le suivi relationnel – c'est-à-dire le « nursing »). Selon l’IGAS, les AIS représentent ainsi 67,1 % de leur activité en PACA contre 6,7 % en Champagne-Ardennes.

Densité des infirmiers libéraux et montant d’AIS par habitant de plus de 75 ans


Source : IGAS, « Analyse et modalités de régulation de l’offre globale en soins infirmiers », note de synthèse RM2008-017P, février 2008.

De plus, il ressort des travaux de l’IGAS que la répartition des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ne compense pas ces disparités car ils sont organisés « sans prendre en compte la densité en infirmiers libéraux ».

– Les écarts de densité des autres professions de santé

Pour l’ensemble des professions de santé, on observe le même héliotropisme et la même attraction de la capitale, avec des écarts de densité qui, pour les masseurs-kinésithérapeutes par exemple, vont de 1 à 2,4 entre les régions et de 1 à 3,4 entre les départements.

Ÿ Des zones de véritable « désertification médicale » se constituent.

Les disparités dans la répartition des professionnels de santé sont telles que dans certaines zones, notamment rurales ou périurbaines dites « sensibles », l’offre de soins n’est pas suffisante pour répondre aux besoins. Cependant, ces zones ne sont pas encore identifiées avec précision.

En 2004, l’ONDPS a identifié 86 cantons présentant des signes de tensions dans l’équilibre entre l’offre et la demande de soins, car ils cumulent :

– une faible densité médicale : 2,6 généralistes pour 5 000 habitants, contre 4,6 en moyenne nationale ;

– une faible consommation de soins : il semble en effet que l'éloignement des médecins conduise certains patients à renoncer à des soins ;

– un niveau d’activité élevé pour les praticiens en place.

Selon ce recensement, les cantons les moins bien dotés en généralistes sont répartis dans 15 des 26 régions et rassemblent 1,6 % de la population française. Le temps d’accès au généraliste le plus proche s’y établirait en moyenne à 5,2 minutes.

En 2005, les caisses d’assurance maladie ont établi un nouveau zonage, qui ne repose pas sur le canton mais sur 7 442 « zones de recours » correspondant aux bassins d’attraction des généralistes. Outre leur densité et leur niveau d’activité –considéré comme élevé au-delà de 7 500 actes (consultations ou visites) par an –, cette étude tient compte de leur âge, ainsi que de la proportion des soins reçus par les personnes âgées en dehors de leur zone de recours, qui peut révéler des difficultés d’accès aux soins dans ladite zone. Cette étude distingue deux types de zones présentant des difficultés d’accès aux soins :

– des « zones en difficulté », très sous-dotées en offre de soins, qui comptent 376 500 habitants soit 0,6 % de la population nationale ;

– des « zones fragiles », sous-dotées en offre de soins mais dont les difficultés sont moins aiguës, rassemblant plus de 2 millions d’habitants soit 3,5 % de la population nationale.

À partir de 2005, les missions régionales de santé (MRS), constituées entre les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM), ont été chargées d’identifier les « zones déficitaires en offre de soins ». Elles en ont recensé 391, et le rapport 2005 de l’ONDPS constatait que les 360 premières représentaient 4 % de la population, soit à peu près comme les « zones en difficulté » et « zones fragiles » précédemment identifiées par l’assurance maladie.

Enfin, une circulaire du 14 avril 2008 (12) fixe une nouvelle méthode de zonage, qui utilise comme unité géographique de base soit le bassin de vie – tel que défini par l’INSEE comme étant le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements et à l’emploi – soit le pseudo-canton pour les zones urbaines. Sur des critères de densité médicale et de niveau d’activité des médecins, l’ensemble du territoire est réparti en cinq profils de zones (cf. carte ci-dessous), de « très sous-dotées » à « très sur-dotées ». On notera que cette circulaire classe d’office les zones franches urbaines dans la catégorie des zones très sous-dotées.



Niveau de dotation des bassins de vie en généralistes libéraux

Source : Circulaire du 14 avril 2008 relative aux nouvelles modalités opérationnelles de définition des zones géographiques de répartition des médecins généralistes.

Ÿ Les disparités dans la répartition territoriale de l’offre hospitalière accentuent les inégalités d’accès aux soins.

Les plateaux techniques sont inégalement répartis sur le territoire : selon un récent rapport sur les hôpitaux de proximité (13), 6 % de la population française habite dans une commune située à plus de 40 minutes (soit 20 kilomètres) du service de chirurgie public ou privé le plus proche, et 450 000 personnes à plus de 50 minutes (soit 30 kilomètres), comme le montre la carte ci-dessous.

Distance de recours de chaque commune à un service de chirurgie

Source : Vallancien Guy, « L’évaluation de la sécurité, de la qualité et de la continuité des soins chirurgicaux dans les petits hôpitaux publics en France », avril 2006.

Il en va de même pour les maternités. Selon M. Emmanuel Vigneron (14), professeur de géographie et d’aménagement des territoires à l’université Montpellier III, un consensus scientifique évalue à 45 minutes au plus le délai raisonnable d’accès à une maternité et les SROS ont souvent repris cet objectif, mais il n’est pas toujours respecté. Ainsi, lors de son déplacement dans la Nièvre, la mission a appris que depuis la fermeture de la maternité de Clamecy, le temps d’accès de certaines patientes à une maternité peut atteindre 75 minutes.

Enfin, il reste des zones situées à plus de 30 minutes d’une structure des urgences – service d’urgence ou structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) –, c’est-à-dire au-delà de ce que les experts jugent raisonnable, d’après M. Emmanuel Vigneron. Dans la Nièvre, la mission a pu étudier le cas d’une de ces zones dites « blanches » : la prise en charge des urgences vitales y incombe aux 16 médecins libéraux, formés à cet effet et réunis dans une association des médecins libéraux pour la prise en charge des urgences vitales (AMLUV). Si ce mode de prise en charge est efficace, il reste fragile, du fait de l’âge des médecins et de leur niveau d’activité, déjà élevé.

b) Des difficultés d’accès aux soins dans des délais raisonnables : la permanence des soins reste fragile et les files d’attente s’allongent

Ÿ La permanence des soins assurée par les médecins généralistes : un dispositif aléatoire, instable et fragile.

M. Jean-Yves Grall, chargé de plusieurs missions sur la permanence des soins en 2006 et 2007 (15), a estimé devant la mission (16) que le dispositif actuel de permanence des soins était fragile et peu fiable :

– fragile, parce qu’il repose sur le volontariat des médecins, qui est mis à mal par leur démographie, déficitaire dans certaines zones, et par leur aspiration à la baisse du temps de travail ;

– peu fiable, parce que la permanence des soins est selon lui moins bien assurée dans les faits que ne l’indiquent les tableaux départementaux d’astreinte – un récent rapport (17) de M. Georges Colombier, député de l’Isère, relève d’ailleurs que « la réalité de l’astreinte médicale est très contrastée », et à Clichy-sous-Bois, il a été indiqué à la mission qu’elle est « virtuelle ».

L’Ordre affirme que « l’engagement des médecins généralistes dans la permanence des soins est une réalité incontournable » mais reconnaît que dans certaines zones, « le non-volontariat a fait tâche d’huile et laisse des secteurs ou des pans de secteurs entiers dépourvus de médecins » (18). Selon Mme Annie Podeur (19), directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la tendance au désengagement des médecins, notamment en seconde partie de nuit, engendre un report de charge sur les urgences, dont l’activité connaît un regain de croissance après une pause en 2002-2003, y compris sur les SMUR, appelés parfois non pour délivrer des soins mais pour établir des constats de décès. En outre, d’après M. Didier Houssin (20), directeur général de la santé, les praticiens des zones sur-dotées sont parfois moins disposés que ceux des zones rurales à prendre des gardes la nuit, le week-end ou l’été.

D’après M. Jean-Yves Grall, les préfets eux-mêmes sont « désorientés » car les réquisitions prévues pour pallier le manque de volontaires ont un effet « parfois aléatoire », car les cas de refus de déférer à la réquisition ne sont pas rares. Aussi, « trouver un médecin » devient un sujet de préoccupation largement répandu pour la population et ses élus.

Ÿ Des « files d’attente » importantes pour l’accès à certaines consultations spécialisées de premier recours.

Il n’existe pas d’étude d’ensemble sur les délais de consultation des professionnels de santé, mais d’après la plupart des intervenants rencontrés par la mission, ces « files d’attente » créent de véritables difficultés d’accès aux soins pour certaines spécialités, comme l’ophtalmologie ou la psychiatrie.

Par exemple, selon une étude de l’observatoire régional de la santé (ORS) des Pays de la Loire, les délais d’attente pour une consultation psychiatrique en Mayenne varient de 7 jours à trois mois selon les communes. Selon M. André Flajolet, député du Pas-de-Calais (21), il faut 6 à 8 mois pour consulter un ophtalmologue dans le Nord-Pas-de-Calais, voire plus d’un an en zone rurale.

Ces délais d’attente peuvent retarder le dépistage des pathologies, voire décourager les patients et conduire certains à renoncer aux soins. C’est le cas par exemple à Clichy-sous-Bois, où les médecins ont déclaré à la mission que les adolescents en difficulté, même quand ils acceptent le principe d’une prise en charge psychiatrique – alors que les plus défavorisés y sont souvent réticents –, sont souvent découragés par les délais d’attente pour consulter en psychiatrie, qui s’élèvent à six mois au moins.

c) Des difficultés financières d’accès aux soins

La part des généralistes conventionnés en secteur 2 décroît très légèrement depuis plusieurs années pour atteindre 12,1 % en 2006, et leurs dépassements d’honoraires représentent selon la CNAMTS (22) un tiers environ des tarifs de secteur 1. À l’inverse, la part des autres spécialistes exerçant en secteur 2 croît chaque année et s’établit en 2006 à 38,5 % ; leur taux de dépassement avoisine 50 % des tarifs opposables et sa tendance est à la hausse.

Or la DREES (23) estime qu’un tiers seulement des contrats d’assurance maladie complémentaire prennent en charge les dépassements, et compte tenu des taux de ces prises en charge, un récent rapport de l’IGAS (24) considère que « lorsque les dépassements excèdent de 50% les tarifs opposables, il est probable que la majorité de la population n’est pas couverte ».

L’IGAS révèle aussi que la part de médecins pratiquant des dépassements et le montant de ceux-ci présentent de fortes disparités entre départements (cf. carte ci-dessous), et montre que « ce phénomène peut paradoxalement renforcer les difficultés financières d’accès aux soins pour les assurés résidant dans ces régions pourtant à forte densité médicale ». Il juge que « les dépassements d’honoraires constituent un recul de la solidarité nationale mise en œuvre par l’assurance maladie obligatoire », considérant qu’ils génèrent des inégalités d’accès aux soins, voire des renoncements aux soins.

Part des omnipraticiens exerçant en secteur 2


Source : ONDPS, rapport 2006-2007

En outre, le programme de qualité et d’efficience (PQE) annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2008 établit un lien entre la part de la population résidant dans des départements où la proportion de médecins en secteur 2 est importante et le « risque relatif à d’éventuelles difficultés d’accès, dans des délais raisonnables, à des médecins du secteur 1 », indiquant que dans huit départements totalisant 17,4 % de la population métropolitaine, plus d’un généraliste sur cinq exerce en secteur 2.

Ces difficultés d’accès aux soins sont particulièrement aiguës quand il n’existe pas d’offre de soins en secteur 1 : la ministre de la santé a évoqué devant la mission le cas des zones dans lesquelles des cliniques sont en situation de monopole, alors que leurs praticiens pratiquent des dépassements d’honoraires qui, selon le rapport 2007 du HCAAM, peuvent peser sensiblement sur le budget des ménages modestes.

Votre rapporteur note que les dépassements d’honoraires sont peu encadrés. En effet, les conventions organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie ne prévoient plus d’encadrement des dépassements depuis 1992, alors que l’article L. 162-5-13 du code de la sécurité sociale le permet.

Certes, l’article 53 du code de déontologie médicale (article R. 4127-53 du code de la santé publique) dispose que les honoraires du médecin doivent être déterminés « avec tact et mesure ». Mais, ainsi que l’indique le rapport 2007 du HCAAM, « on ne sait pas sur quels critères le médecin choisit entre ces différents tarifs : existence d’une prise en charge par un organisme complémentaire (ce qui est le cas en matière dentaire) ? fréquence des consultations de ses patients ? ancienneté de l’appartenance de l’assuré à sa patientèle ? ou encore la connaissance qu’il peut avoir des conditions de vie et de revenu de cet assuré ? Il semble qu’il tienne compte aussi de la durée de la consultation ».

De plus, les interlocuteurs de la mission à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ont souligné que l’avance des frais et le ticket modérateur y constituent de véritables obstacles à l’accès aux soins, notamment pour les soins dentaires et ophtalmologiques. Le dépistage des maladies y est donc tardif, et la population en présente certaines que l’on pourrait croire disparues, comme la tuberculose ou la gale. Évoquant ces « pathologies de la précarité », les médecins comparent leur activité à la médecine des pays en voie de développement.

Ces difficultés sont aggravées par des facteurs culturels : tant à Montreuil (Seine-Saint-Denis) qu’à Clichy-sous-Bois, les interlocuteurs de la mission ont fait état chez leurs patients de difficultés à observer un traitement, à suivre le parcours de soins voire à honorer leurs rendez-vous pris.

d) Les Outre-mers connaissent des difficultés particulières

Soucieuse de faire une large place dans ses travaux aux spécificités de chaque collectivité d’Outre-mer, et consciente du fait que les problèmes de désertification médicale existaient dans les Outre-mers avant d’apparaître dans l’hexagone, la mission a sollicité auprès de chaque député d’Outre-mer des informations sur l’offre de soins dans sa collectivité, sur les difficultés spécifiques d’accès aux soins qu’y rencontre la population et sur les attentes particulières des acteurs locaux du système de santé.

Les difficultés d’accès aux soins dont font état les contributions adressées à la mission par ces députés méritent de faire l’objet de travaux approfondis dans le cadre d’une mission d’information consacrée spécifiquement aux difficultés d’accès aux soins dans les Outre-mers.

Il ressort en effet de ces contributions que les difficultés d’accès aux soins dans les collectivités d’outre-mer varient considérablement d’une collectivité à l’autre, notamment en raison de leurs caractéristiques géographiques et sociales. De ce point de vue, ces contributions permettent de distinguer deux types de situations :

– celle de territoires très étendus et peu densément peuplés, dans lesquels les distances physiques à parcourir peuvent compliquer l’accès aux soins, comme c’est le cas par exemple en Guyane (cf. encadré ci-dessous) ;

– celle de territoires, notamment insulaires, de superficie plus restreinte, où réside une population parfois très dense et présentant une forte proportion de personnes défavorisées, comme c’est le cas par exemple à la Guadeloupe et à la Martinique et à la Réunion (cf. encadré ci-après).

Le cas d’un territoire très vaste : l'offre de soins en Guyane

Comme l'indique la contribution adressée à la mission par notre collègue Chantal Berthelot, députée de la Guyane, l'étendue de ce département – vaste comme un sixième de l'hexagone et couvert à 94 % par la forêt amazonienne – crée des difficultés majeures d'accès aux soins : les distances à parcourir sont importantes et faute de route desservant l'intérieur des terres, les contraintes géographiques imposent des modes d'organisation particuliers et parfois coûteux, avec un recours fréquent aux transports sanitaires aériens.

De plus, la population (210 000 habitants) connaît une croissance forte (4 % par an) nourrie notamment par l'arrivée d'étrangers, qui sont pour un tiers environ en situation irrégulière. 30 000 ménages ne disposent pas d'eau potable et la qualité de l'alimentation de nombreux habitants est compromise par la pollution des fleuves liée aux activités d'orpaillage. De plus, avec un taux de chômage très élevé (29 % en 2006) et un taux de pauvreté de 30 % selon l'INSEE, la solvabilité des usagers du système de santé est faible. L'accès aux soins est aussi compliqué par un fort taux d'illettrisme (40 % de la population) ainsi que par la diversité des origines, des cultures, des modes de vie et des modes d'expression linguistique. Ces spécificités rendent nécessaires un accompagnement médico-social adapté dans les structures de soins.

Or l'offre de soins est insuffisante pour couvrir les besoins sanitaires de la population sur l'ensemble du territoire et développer la prévention.

S'agissant de l'offre hospitalière, trois hôpitaux publics couvrent une bande littorale de 450 kilomètres et le nombre de lits d'hospitalisation par habitant est largement inférieur aux moyennes nationales (cf. tableau ci-dessous). En outre, le centre hospitalier de Cayenne supporte des charges spécifiques résultant de la géographie guyanaise : il gère les centres de santé du territoire et doit assurer des évacuations sanitaires coûteuses.

Nombre de lits installés pour 1 000 habitants et part du privé au 1er janvier 2006

Guyane France

Disciplines Taux Dont privé Taux

Médecine 1,57 30 % 2,10

Chirurgie 0,89 48 % 1,65

Gynéco - Obstétrique 0,65 35 % 0,38

Soins de suite 0,20 100 % 1,58

Psychiatrie (lits et places) 0,79 0 % 1,63

Soins de longue durée 0,39 0 % 1,70

Source : contribution de Mme Chantal Berthelot, députée de la Guyane

S'agissant de l'offre de soins de ville, les densités de professionnels sont inférieures aux moyennes des départements d'outre-mer et de l'hexagone (cf. tableau ci-dessous).

Densité des principales professions libérales pour 100 000 habitants

Guyane DOM Métropole

Médecins généralistes 39 178 112

Médecins spécialistes 22 99 88

Chirurgiens dentistes 19 88 62

Infirmiers 59 300 107

Masseurs kinésithérapeutes 55 148 80

Source : contribution de Mme Chantal Berthelot, députée de la Guyane

L’offre de soins hospitaliers et ambulatoires se concentre dans les villes. Pour les 20 % des Guyanais habitant les régions isolées existent 9 centres de santé et 12 postes de santé satellites, où exercent un infirmier ou un agent de santé sous la responsabilité du centre de santé référent. Ils sont dévolus aux activités uniquement curatives et accessibles uniquement par voies fluviale (parfois deux jours de pirogues) et/ou aérienne. Beaucoup seraient dans un état de délabrement avancé.

Des dispensaires de protection maternelle et infantile, situés sur le littoral, contribuent, avec les centres hospitaliers, à mettre en œuvre des actions de santé publique et de prévention.

 

Les cas de trois îles densément peuplées :
l'offre de soins en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion

La Guadeloupe, la Martinique comme la Réunion sont des îles densément peuplées : d’après les informations transmises à la mission par M. Louis-Joseph Manscours, député de la Martinique, ce département compte par exemple plus de 400 000 habitants pour 1 128 km² –soit 356 habitants / km².

Ces trois îles sont confrontées à des difficultés sociales qui engendrent des difficultés financières d’accès aux soins et posent des problèmes de santé spécifiques. Il ressort ainsi de la contribution adressée à la mission par Mme Gabrielle Louis-Carabin, députée de la Guadeloupe, que 40 % des patients guadeloupéens bénéficient de l’aide médicale de l’État (AME) ou de la couverture maladie universelle (CMU). De même, M. Didier Robert, député de la Réunion, a indiqué à la mission que pour une population d’environ 800 000 habitants, la Réunion comptait près de 300 000 bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire, et près de 110 000 bénéficiaires de la CMU de base. De plus, selon lui, les habitants qui ne bénéficient pas de la CMU se contentent souvent des complémentaires les moins coûteuses – qui offrent les couvertures les moins intéressantes – et ne pourraient pas tous faire face à une augmentation des cotisations.

En outre, ces difficultés risquent d’être aggravées par le vieillissement rapide de la population de ces îles : d’ici 2030, la part des personnes de plus de 60 ans est appelée à doubler en Martinique, et le nombre de Réunionnais de plus de 75 ans devrait tripler. Or ces îles manquent de capacités d’accueil pour les personnes âgées, notamment en aval des services hospitaliers de soins aigus, ce qui, selon Mme Gabrielle Louis-Carabin, crée des perturbations dans le fonctionnement de ces services.

Ces difficultés se traduisent par des problèmes de santé particuliers à ces îles, avec notamment une prévalence inquiétante de l’alcoolisme, des toxicomanies (on recense 2 000 usagers de crack en Martinique), du diabète (trois fois plus fréquent à la Réunion que dans l’hexagone) et des surcharges pondérales. Soulignant que le climat tropical expose les populations antillaises à des pathologies spécifiques, comme la dengue, Mme Gabrielle Louis-Carabin indique que les modalités de remboursement de certains tests de dépistage de cette maladie fréquente sont jugées insuffisantes par les patients guadeloupéens.

Or, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion sont relativement moins bien dotées que l’hexagone en offre de soins. Selon M. Didier Robert, la Réunion compte ainsi 10 généralistes, 5,4 autres spécialistes et 5,3 chirurgiens dentistes pour 10 000 habitants, contre respectivement 11,3, 8,8 et 6,3 pour l’hexagone. Mme Gabrielle Louis-Carabin indique que la Guadeloupe compte 350 médecins de ville, alors que son ARH estime qu’il en faudrait 500 pour une couverture sanitaire satisfaisante ; en outre, la moitié des communes de Guadeloupe sont classées comme déficitaires. En Martinique, les densités médicales et paramédicales sont inférieures de moitié aux moyennes nationales (sauf pour les sages-femmes et les infirmiers libéraux), ce déficit d’offre de soins de ville engendrant un volume particulièrement important de consultations externes dans le secteur hospitalier public.

Ces reports de charges sont particulièrement lourds aux horaires de la permanence des soins, car celle-ci n’est pas organisée de façon satisfaisante : en Guadeloupe par exemple, selon Mme Gabrielle Louis-Carabin, un tiers seulement des généralistes libéraux y participe. Il en résulte des lacunes dans les tableaux de garde, qui ne sont d’ailleurs par toujours fiables car certains médecins qui y sont inscrits n’effectuent pas les astreintes qui leur sont payées.

L’offre de soins dans les îles considérées est concentrée dans certaines zones : le centre de la Martinique et les zones côtières de la Réunion, où l’offre de soins est également déséquilibrée en faveur du sud et de l’ouest, au détriment du nord et du nord-est. Ces disparités sont particulièrement fortes en Guadeloupe car cet archipel regroupe huit îles différentes, ce qui crée des situations de « double insularité » compliquant notamment le transport des malades.

Mme Gabrielle Louis-Carabin et M. Didier Robert soulignent enfin que les universités guadeloupéennes et réunionnaises n’offrent pas de cursus complet de formation de médecins, de chirurgiens-dentistes et de masseurs-kinésithérapeutes. Pour ces professions, les étudiants réunionnais sont contraints de suivre une partie de leurs études à Bordeaux, et un certain nombre d’entre eux ne reviennent pas exercer dans leur département d’origine ou bien comme l’indique Mme Gabrielle Louis-Carabin, n’y reviennent qu’en fin de carrière.

Cette diversité de situations appelle des solutions adaptées aux réalités locales : renforcement des moyens de transport sanitaire dans certaines collectivités particulièrement vastes, actions de prévention et d’éducation à la santé renforcées pour les populations défavorisées de certaines collectivités, développement de centres de santé etc. Dans sa contribution, Mme Gabrielle Louis-Carabin souligne ainsi que l’installation récente d’un câble sous-marin reliant tous les établissements de santé et toutes les îles de la Guadeloupe a permis de compenser les handicaps liés à la « double insularité » (l’isolement des plus petites îles de l’archipel) en développant des vidéo-consultations.

2. Les difficultés et les inégalités dans l’accès aux soins de premier recours pourraient s’aggraver à court terme

Dans son avis précité, le HCAAM décrit les disparités territoriales dans la répartition des professionnels de santé comme « une constante regrettable de notre système de santé », mais il considère que si ces disparités ont peu posé de problème d’accès aux soins en période de croissance générale de la démographie des professions de santé, il n’en sera pas de même en période de baisse de leur densité.

a) Avec le vieillissement de la population et la forte prévalence des maladies chroniques, la demande de soins pourrait augmenter.

Pour la plupart des personnes rencontrées par la mission, la demande de soins est appelée à croître. Les évolutions rapides de la structure d’âge des populations, des modes de prise en charge et la hausse du niveau d’exigence des populations en matière sanitaire y contribuent.

Compte tenu de la vague démographique gériatrique annoncée, dont le rapport précité de M. Georges Colombier montre qu’elle se traduira nécessairement par une demande accrue de soins, le HCAAM (25) avance l’hypothèse d’une croissance du nombre de recours par personne aux médicaux libéraux de 10 à 20 %, selon l’évolution du comportement des assurés. Il suggère aussi que le niveau de couverture du risque maladie pourrait induire une part de la demande de soins.

En tout état de cause, la CNAMTS (26) montre que le vieillissement accroît la prévalence des affections de longue durée (ALD). Mme Annie Podeur souligne d’ailleurs (27) que pour la prise en charge des personnes âgées et des ALD, il existe un « hiatus » entre l’hôpital et le domicile : il manque selon elle de vrais services de soins de suite et de réadaptation (SSR).

b) Le potentiel démographique des professions de santé doit diminuer d’ici 2025, du fait de la mauvaise gestion des numerus clausus dans les années 1980 et 1990

Pour plusieurs professions de santé – notamment les médecins et les chirurgiens-dentistes –, la baisse des numerus clausus dans les années 1980, et leur maintien à un niveau bas dans les années 1990, ont eu pour effet un déséquilibre entre le nombre de praticiens formés dans ces années – qui entrent en activité aujourd’hui – et les effectifs de ceux qui partent à la retraite, formés à l’époque où ces quotas étaient moins restrictifs ou n’existaient pas.

Ÿ Le potentiel démographique des médecins commence à baisser.

Comme l’a souligné M. Jean-Marc Juilhard dans un rapport sur la démographie médicale (28), l’institution en 1971 d’un numerus clausus pour les études médicales, puis sa modulation, ont longtemps constitué le principal mécanisme d’action des pouvoirs publics sur le niveau de l’offre de soins. Il en résulte une perspective de pénurie de médecins liée à des variations d’effectifs imputables aux pouvoirs publics. M. Didier Tabuteau, directeur de la chaire « santé » de Sciences-Po, a rappelé à la mission (29) que les pouvoirs publics n’ont en effet pas toujours géré le numerus clausus de façon clairvoyante : jusqu’en 1997, tous les acteurs du système de santé dénonçaient une « pléthore médicale ».

Partant d’un niveau supérieur à 8 000 dans les années 1970, le numerus clausus a fortement baissé entre 1979 à 1993, atteignant 3 500, puis il n’est remonté qu’à partir de 2000-2001 pour atteindre aujourd’hui 7 300 (cf. graphique ci-dessous).

Évolution du numerus clausus des études médicales

Source : ONDPS, rapport 2006-2007, tome 2

Ainsi, le nombre de médecins entrant en activité, à peu près égal au numerus clausus avec un décalage d’une dizaine d’années, lié à la durée des études médicales, est actuellement à son niveau le plus bas. Dans le même temps, le nombre de cessations d’activité va croître rapidement, avec l’arrivée à l’âge de la retraite des générations de médecins les plus nombreuses.

La DREES a établi des projections sur l’effectif des médecins en exercice d’ici à 2025 (cf. graphique ci-dessous). Partant de l’hypothèse d’un numerus clausus fixé à 7 000 à partir de 2006, d’un âge moyen de départ à la retraite à 64 ans, et de choix de spécialités et de modes d’exercice inchangés, elle distingue trois phases :

– jusqu’en 2007, les entrées en activité suffisaient à équilibrer les départs ;

– de 2008 à 2015, ce solde est déficitaire, car la hausse du numerus clausus dans les années 2000 mettra une dizaine d’années à produire ses effets sur les effectifs en activité, du fait de la durée des études médicales ;

– de 2016 à 2025, le nombre des nouveaux médecins croîtra plus vite que celui des praticiens qui partent à la retraite, et l’équilibre sera atteint en 2025.

Évolution de l’effectif et de la densité de médecins en activité

Source : ONDPS, rapport 2004, tome 2

Ainsi, selon le scénario développé par la DREES, le nombre de médecins en activité passerait de 215 000 aujourd’hui à 186 000 en 2025, et la densité médicale de 340 à 283 médecins environ pour 100 000 habitants.

Encore faut-il noter, comme le souligne le rapport 2007 du HCAAM, que la densité médicale constitue un indicateur « très frustre » de l’offre de soins. Il faut aussi tenir compte des facteurs suivants :

– l’âge de départ des médecins à la retraite a tendance à baisser un peu ;

– l’âge de leur installation est de plus en plus tardif (39 ans) ;

– leur temps de travail, quoique difficile à mesurer, semble régresser.

De plus, selon le collège national des généralistes enseignants (CNGE) et le syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) (30), la démographie des généralistes libéraux est préoccupante. 20 à 40 % seulement des internes de médecine générale s’installant en libéral dans les dix ans qui suivent l’obtention de leur diplôme, le nombre d’installations – 600 aujourd’hui, 1 100 dans 6 ans – restera insuffisant pour compenser 2 500 départs à la retraite par an.

On explique parfois cette désaffection des jeunes médecins pour l’exercice omnipraticien en libéral par la féminisation du corps médical. Toutefois, son effet sur le niveau d’offre de soins reste très discuté. Les femmes médecins travaillent certes aujourd’hui moins longtemps qu’un homme, mais selon les futurs professionnels de santé en formation (31), la baisse du temps de travail constitue une exigence partagée par les hommes et les femmes dans les jeunes générations.

Ÿ Le potentiel démographique des chirurgiens-dentistes est en forte baisse.

Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS montre que le nombre de diplômés s’inscrivant à l’Ordre des chirurgiens-dentistes a fluctué avec la mise en place du numerus clausus en 1971 : partant de près de 2 000 en 1971, il a connu de fortes baisses entre 1977 et 1984 et continué à décroître jusqu’en 1992 pour atteindre 800, niveau auquel il a été maintenu jusqu’en 2002. De ce fait, parmi les professionnels de santé, les chirurgiens-dentistes sont ceux dont les effectifs ont le moins augmenté dans les quinze dernières années et les seuls dont la densité ait diminué. Le numerus clausus a été progressivement rehaussé depuis 2002 : il atteint désormais 1 047 et d’après M. Christian Couzinou, président du conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, il devrait être porté à 1 300 d’ici 2012. Ainsi, le nombre d’entrées en activité de chirurgiens-dentistes devrait croître fortement jusqu’en 2018, sans pour autant compenser le nombre de départs à la retraite avant 2028. En effet, l’ONDPS estime que ce nombre devrait croître jusqu’à 1 650 vers 2020, puis baisser pour s’établir à 1 300 vers 2028.

Impact sur la densité de chirurgiens-dentistes de différentes hypothèses
d’évolution du
numerus clausus

Source : ONDPS, rapport 2006-2007, tome 3.

La baisse du potentiel démographique des chirurgiens-dentistes ainsi envisagée est regrettable. Toutefois, l’Union des jeunes chirurgiens dentistes (UJCD), la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) (32) et le président du conseil de l’Ordre ont souligné devant la mission que les besoins de soins dentaires évoluent avec l’amélioration de l’état de santé bucco-dentaire en France. Grâce aux campagnes de prévention dans lesquelles les professionnels se sont engagés, le nombre de dents cariées, absentes ou obturées (« indice CAO ») à l’âge de 12 ans a chuté de 4,8 en 1980 à 1,8 aujourd’hui, d’après M. Christian Couzinou. Le volume des soins de premier recours (soins conservateurs et actes de prothèses dentaires) dans l’activité des chirurgiens-dentistes a donc tendance à diminuer.

Ÿ La baisse du potentiel démographique pourrait fragiliser le maillage territorial en officine pharmaceutique.

Selon M. Jean Parrot, président du conseil national de l’Ordre des pharmaciens (33), la démographie des pharmaciens d’officine présente un solde négatif de près de 600 professionnels par an car le numerus clausus est insuffisant pour remplacer les générations précédentes : il a été maintenu au niveau peu élevé de 2 250 jusqu’en 2003, avant de remonter pour atteindre aujourd’hui 3 090 places. Or il en faudrait selon lui 3 300 pour remplacer les 2 925 départs à la retraite, compte tenu du phénomène d’« évaporation des diplômés » : 15 à 20 % des diplômés travaillent en effet dans l’industrie, pour les sapeurs-pompiers (150 postes) à l’hôpital, qui en compte 4 000, y compris pour de nouveaux métiers d’hygiéniste, de spécialiste de la lutte contre les infections nosocomiales etc. Ainsi, alors que l’effectif global des pharmaciens a augmenté de 72 322 pharmaciens à 72 509 entre 2007 et 2008, le nombre des pharmaciens titulaires d’officine a commencé à décroître de 26 praticiens.

Parallèlement, les pharmaciens ont tendance à se regrouper : fin 2007, 33,7 % des officines regroupent trois diplômés et plus, contre 20,2 % seulement fin 1998, et 49,5 % des titulaires d’officine exerçaient en association, délaissant le schéma « historique » d’un titulaire pour une officine, comme le relève le conseil de l’Ordre (34).

Ces évolutions pourraient affecter le maillage pharmaceutique du territoire, d’autant que celui-ci est déjà mis à mal par des difficultés économiques : depuis 2000, 243 officines ont en effet disparu. Comme le note M. Jean-Pierre Door dans un récent rapport, « cette évolution traduit les difficultés croissantes de nombreuses officines à assumer les obligations légales d’ouverture et de service et à maintenir leur équilibre économique avec un chiffre d’affaires déclinant » (35). Pour l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, il est particulièrement à craindre que les pharmacies ferment dans les zones déficitaires en médecins.

L’Ordre (36) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (37) considèrent que le maillage pharmaceutique du territoire ne peut conserver une densité satisfaisante qu’à trois conditions cumulatives, qui constituent « trois piliers de la pharmacie française » :

– des règles géo-démographiques pertinentes de répartition des officines ;

– le monopole de dispensation des médicaments, « condition sine qua non » pour l’équilibre économique des pharmacies et donc pour la viabilité du maillage officinal du territoire ;

– la possession par les seuls pharmaciens du capital des officines. Des investisseurs extérieurs chercheraient à maximiser leur retour sur investissement, et faute de pouvoir le faire par la croissance du chiffre d’affaires des officines – très limitée dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé –, ils le feraient par des gains de productivité impliquant inévitablement une concentration du réseau pharmaceutique au détriment des implantations les moins rentables, notamment celles situées dans les zones isolées ou défavorisées. Aussi, le maillage officinal du territoire serait déstructuré si les grandes surfaces étaient autorisées à distribuer certains médicaments – comme certaines ont pu le souhaiter –, ou si le capital des pharmacies était ouvert à des investisseurs privés – comme la Commission européenne l’envisagerait.

c) Dans les zones déficitaires en offre de soins, les praticiens sont souvent âgés et leur remplacement n’est pas assuré.

Parmi les professions de santé, ce sont les médecins et les chirurgiens-dentistes qui ont les moyennes d’âge les plus élevées, avec respectivement 49,4 et 47,8 ans, et les plus forts taux de praticiens âgés de plus de 55 ans : 31,8 et 29 %. En effet, la réduction des numerus clausus des études médicales et odontologiques dans les années 1980 et 1990 a pour effet de déséquilibrer les pyramides des âges de ces professions.

Pyramide des âges des médecins en activité

Source : conseil national de l’Ordre des médecins, « Atlas de la démographie médicale », juin 2008.

Pyramide des âges des chirurgiens-dentistes en activité

Source : ONDPS, rapport 2006-2007, tome 3.

Le vieillissement de ces effectifs est particulièrement sensible dans les zones en difficulté recensées par l’assurance maladie en 2005, où la moyenne d’âge des généralistes était supérieure de trois ans à la moyenne nationale. Mme Annie Podeur, directrice d’hospitalisation et de l’organisation des soins a souligné devant la mission (38) que de nombreuses zones déficitaires sont en voie de « désertification médicale » dans les cinq ans à venir car les médecins en place vont prendre leur retraite et ne trouvent pas de remplaçant.

La mission a pu prendre la mesure de ce problème lors de ses déplacements dans la Nièvre et dans la Mayenne. Ainsi, sur 229 généralistes libéraux en Mayenne – soit une densité de 80 pour 100 000 habitants, inférieure de 29 % à la moyenne nationale –, 89 sont âgés de plus de 55 ans, et 152 de plus de 50 ans. L’âge des praticiens a d’ailleurs été pris en compte par la MRS dans la définition des zones déficitaires : pour le calcul de la densité médicale d’ici 2010, elle a choisi de poser l’hypothèse d’un non remplacement des médecins de plus de 60 ans. De même, les acteurs rencontrés par la mission à Corbigny (Nièvre) ont indiqué que 50 % des médecins du secteur prendront probablement leur retraite dans les dix ans à venir, et que déjà, les médecins qui cessent leur activité ont des difficultés à trouver un repreneur pour leur cabinet.

d) Les restructurations hospitalières ont pour effet de concentrer les plateaux techniques dans les centres urbains

Il ressort des travaux de la mission que les structures hospitalières constituent des points d’appui pour l’offre de soins de premier recours, qu’elles contribuent à structurer. En effet, les centres hospitaliers de proximité disposent de plateaux techniques, d’équipements de radiologie et de services de spécialité dont la présence sur un territoire de santé permet de sécuriser le travail des médecins libéraux et des autres professionnels de santé. Quant aux hôpitaux locaux, ils offrent aux médecins libéraux des possibilités de travail en équipe et d’échange d’expérience qui sont utiles pour rompre l’isolement professionnel. Un bon maillage hospitalier est donc nécessaire au maintien d’une offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire.

Or M. Guy Vallancien, secrétaire général du conseil national de la chirurgie, a rappelé à la mission (39) que près de 200 restructurations hospitalières ont été entreprises depuis 12 ans, souvent avec fermeture de plateaux chirurgicaux ou obstétricaux. Les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) se voient confier comme objectif de poursuivre la recomposition de l’offre hospitalière : il est notamment recommandé de reconvertir les sites de chirurgie ayant une activité annuelle inférieure à 2000 interventions avec anesthésie, « sauf si des raisons d’ordre géographique justifient leur maintien, après une évaluation rigoureuse des risques » (40). M. Guy Vallancien fait valoir que la concentration des plateaux techniques était de nature à optimiser l’utilisation de ressources médicales rares et de matériels coûteux, et allait dans le sens d’une plus grande qualité des soins considérant que le maintien des compétences chirurgicales était lié au volume de l’activité et au cadre dans lequel celle-ci est exercée.

Aussi nécessaire qu’elle puisse être, la concentration des plateaux techniques doit s’inscrire dans une stratégie d’organisation territoriale de l’offre de soins ambulatoires et hospitaliers. Il ressort en effet des travaux de la mission que pour s’ancrer dans un territoire, les libéraux ont besoin de la proximité d’un hôpital, même de petite capacité, qui sécurise leur travail. C’est pourquoi, selon la coordination nationale de défense des hôpitaux de proximité (41), la fermeture d’un service déstabilise l’ensemble de l’offre de soins sur un territoire, y compris libérale car elle a un effet répulsif envers les praticiens, comme envers les patients, qui n’ont plus confiance dans la sécurité des soins. En outre, l’éloignement des services d’urgences amène les libéraux à participer à la prise en charge des urgences vitales, ce qui fait peser sur eux une charge dissuasive pour les jeunes médecins. Un maillage dense d’hôpitaux de proximité permet aussi de maintenir des consultations de spécialistes dans les zones de carence de l’offre libérale.

L’impact des recompositions hospitalières sur l’accès aux soins dépend beaucoup de la situation géographique des hôpitaux de référence dans leur bassin d’attraction. MM. Jean Louis Bonnet et Christian Dubosq, représentants de la conférence des directeurs d’agences régionales de l’hospitalisation, ont ainsi estimé (42) que si la fermeture de cinq maternités et trois plateaux chirurgicaux dans la région Haute-Normandie n’a pas créé de trouble malgré une démographie libérale faible, c’est parce que le CHU de Rouen est aisément accessible. De ce point de vue, les situations de la Mayenne et de la Nièvre sont très différentes : dans le premier cas, le principal centre hospitalier (celui de Laval) est situé au centre du département et le maillage hospitalier du territoire est équilibré, avec deux autres hôpitaux (ceux de Château-Gontier et de Mayenne) situés l’un au nord, l’autre au sud du département, et quatre hôpitaux locaux complétant ce maillage ; dans le second cas, l’offre hospitalière se concentre en grande majorité dans la frange occidentale du département.

B. LES POUVOIRS PUBLICS NE DISPOSENT PAS D’OUTILS EFFICACES DE RÉGULATION DE L’OFFRE DE SOINS PRIMAIRES

Les déséquilibres constatés dans la répartition de l’offre de soins de premier recours sur le territoire national s’expliquent par le manque d’efficacité du pilotage de l’offre de soins, qui ne permet de maîtriser ni les flux de professionnels de santé formés ni leur répartition territoriale.

1. L’offre de soins de premier recours ne fait pas l’objet d’un pilotage cohérent

a) Il n’existe pas de définition juridique des soins de premier recours, ni de la médecine générale de premier recours

Ÿ Alors qu’elle commence à se structurer au plan académique, la médecine générale de premier recours n’a pas encore de définition positive.

La médecine générale est reconnue comme une spécialité depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (43) et organisée comme telle par un décret du 16 janvier 2004 (44). M. Christian Thuillez, président de la conférence des doyens de faculté de médecine a souligné devant la mission (45) le « travail considérable » accompli par les « pionniers » de l’enseignement de la médecine générale en France, qui ont structuré une discipline scientifique à part entière.

Au niveau international, les sociétés savantes de 80 pays réunies dans la World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians (WONCA) ont établi une définition internationale de la médecine générale de premier recours en onze points.

Définition de la médecine générale de premier recours par la WONCA

1. Premier contact avec le système de soins, permettant un accès ouvert et non limité aux usagers, prenant en charge tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toute autre caractéristique de la personne concernée ;

2. Utilisation efficiente des ressources du système de santé, à travers la coordination des soins et la gestion du recours aux autres spécialités ;

3. Approche centrée sur la personne, dans ses dimensions individuelle, familiale et communautaire ;

4. Mode de consultation personnalisée à travers une relation médecin-patient privilégiée ;

5. Responsabilité de la continuité des soins dans la durée, selon les besoins du patient ;

6. Démarche décisionnelle spécifique, déterminée par la prévalence et l’incidence des maladies dans le contexte des soins primaires ;

7. Prise en charge simultanée des problèmes de santé aigus ou chroniques de chaque patient.

8. Intervention au stade précoce et non différencié du développement des maladies, pouvant requérir une intervention rapide ;

9. Développement de la promotion et de l’éducation de la santé ;

10. Responsabilité spécifique en termes de santé publique ;

11. Réponse globale aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle.

Source : rapport de M. Pierre-Jean Lancry sur « Les conséquences de la réforme de janvier 2004 sur la médecine générale », février 2007.

En outre, en instituant le dispositif du médecin traitant, la loi du 13 août 2004 (46) fait du médecin généraliste le « pivot » du système de santé (cf. encadré ci-dessous). En effet, selon un récent rapport de M. Pierre-Jean Lancry, directeur de la santé à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA) (47), 99,5 % des assurés ont choisi un médecin généraliste comme médecin traitant, dont le préambule à la convention médicale de 2005 stipule qu’« il devient le spécialiste du premier recours ».

Les missions du médecin traitant

– Assurer le premier niveau de recours aux soins ;

– Orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés et informer tout médecin correspondant des délais de prise en charge compatibles avec l’état de santé du patient ;

– Assurer les soins de prévention (dépistage, etc.) et contribuer à la promotion de la santé ;

– Contribuer à la protocolisation des soins de longue durée ;

– Favoriser la coordination par la synthèse des informations transmises par les différents intervenants et l’intégration de cette synthèse dans le dossier médical personnel (DMP) ;

– Apporter au malade toutes informations permettant d’assurer une permanence d’accès aux soins aux heures de fermeture du cabinet.

Source : rapport précité de M. Pierre-Jean Lancry.

Pourtant, comme Mme Annie Podeur l’a fait observer devant la mission (48), le métier de médecin généraliste n’est aujourd’hui défini que par défaut. Les spécificités de la médecine générale de premier recours ne sont pas reconnues par le code de la santé publique, ce que beaucoup d’acteurs du système de santé ont regretté au cours des États généraux de l’organisation de la santé (EGOS).

Passant en revue les dispositions prises pour revaloriser la médecine générale de premier recours, le rapport 2006-2007 de l’ONDPS reconnaît qu’elles « constituent une avancée sur le terrain de la reconnaissance universitaire et qu’elles ouvrent une réelle possibilité d’affirmer un espace professionnel », mais les juge « inabouties, car elles portent davantage la marque de la définition d’un statut plutôt que celle d’un métier ».

Ÿ Les soins de premier recours font intervenir des praticiens de plusieurs disciplines, mais le partage des compétences entre eux, leur coopération et leur coordination ne font pas encore l’objet d’un cadre juridique satisfaisant.

Les soins de premier recours font intervenir des professionnels de plusieurs disciplines et de différents statuts libéral ou hospitalier.

Or, comme le note M. Christian Saout, président du collectif inter-associatif sur la santé (CISS) (49), c’est souvent le patient qui est amené à les coordonner lui-même. Dans un récent rapport, M. Gérard Larcher (50) estime lui aussi que « le système de santé français peine à organiser le parcours du patient, qu’il s’agisse de prises en charge successives (ville, court séjour, moyen séjour, médico social, domicile) ou de prises en charges simultanées », notamment pour les malades chroniques et les personnes âgées. Le rapport précité de M. Georges Colombier a d’ailleurs montré que pour ces dernières, le manque de coordination entre la ville, les urgences, l’hospitalisation et les structures médico-sociales engendrait de véritables pertes de chances.

Soulignant qu’il est légitime que les usagers du système de santé veuillent une meilleure coordination de leur prise en charge entre ces différents professionnels, Mme Annie Podeur a jugé devant la mission que les référentiels établis par la HAS pour la coopération ville / hôpital étaient trop complexes.

Elle a également expliqué que les textes qui définissent le périmètre des compétences de chaque profession de santé ne sont ni assez clairs, ni assez stables : c’est notamment le cas du décret de compétences des infirmières qui constitue, selon elle, « un inventaire à la Prévert ». Votre rapporteur observe qu’une redéfinition des compétences de chaque profession de santé constitue une demande largement partagée parmi les professionnels.

La répartition de ces compétences manque de souplesse, ce qui complique notamment le développement de programmes de santé publique. Dans un récent rapport (51), M. Yves Bur plaide en faveur d’un assouplissement des procédures administratives en la matière, dont la mise en place du dispositif de vaccination anti-grippale a montré les limites : il a fallu plus de deux ans, plusieurs négociations avec les représentants des professionnels de santé, diverses consultations administratives et, finalement, le vote d’une disposition législative (52) pour mettre en place un programme de vaccination relativement simple mais reposant en partie sur les infirmiers.

Ainsi, M. Michel Autès, président de la commission « santé » de l’association des régions de France (ARF) a estimé devant la mission (53) qu’il manque en France une véritable « politique des soins primaires », notamment parce que ceux-ci ne reposent que sur les médecins généralistes de premier recours, ce qui ne permet ni de dégager les moyens nécessaires pour développer les actions de prévention et de santé publique, ni de supporter la surcharge de travail liée à la prévalence croissante des affections de longue durée.

Une recommandation (54) établie par la HAS en collaboration avec l’ONDPS confirme d’ailleurs que les conditions actuelles d’exercice des professions de santé sont « peu propices à une évolution des pratiques ». Cela tiendrait d’abord à la formation initiale des professionnels de santé, qui crée une séparation entre les médecins et les personnels paramédicaux, mais aussi au cadre juridique de leur exercice, dont la HAS montre qu’il est construit en référence aux diplômes et à la notion de « monopole médical ». En outre, les modes de rémunération des professionnels de santé ne favorisent pas leur coopération : à l’hôpital public notamment, les rémunérations sont fixées en fonction des statuts plutôt que des missions des personnels. Faisant le bilan de l’expérimentation « Asalée », qui tend à adjoindre une infirmière de santé publique à des médecins généralistes pour le suivi des diabétiques, la HAS relève ainsi des problèmes d’équilibre économique liés au paiement à l’acte, « qui ne permet pas de valoriser une prise en charge pluridisciplinaire ». Notamment, elle souligne que les tarifs des actes cliniques en libéral n’étant pas proportionnels à leur complexité, les consultations les plus simples sont les plus « rentables » pour les médecins, qui de ce fait ne sont pas incités à en déléguer la réalisation à d’autres professionnels.

Ni la coordination des soins de premier recours, ni la coopération des professionnels de santé ne sont donc suffisamment organisées. C’est pourquoi le rapport 2006-2007 de l’ONDPS souligne « l’insuffisance de la définition du premier niveau de recours ».

b) Le pilotage de l’offre de soins de premier recours est cloisonné

Ÿ Pour une prise en charge globale de la santé des patients, les soins de premier recours doivent articuler des actions de santé publique, des soins curatifs et un suivi médico-social, qui relèvent actuellement de politiques pilotées « en tuyaux d’orgue ».

Dans un avis récent (55), la conférence nationale de santé souligne « la multiplicité des acteurs de soins primaires », qui impose des échanges entre professionnels via la coordination des soins, les réseaux et filières, et des collaborations entre secteur social, médico-social et sanitaire. Pour elle, le médecin traitant doit être « un pivot » en étroite relation avec les autres professionnels de santé de proximité, mais aussi avec le secteur hospitalier. Elle souligne également l’importance que les actions de santé publique et d’éducation à la santé doivent tenir dans les soins primaires.

Au contraire, comme l’a souligné le rapport précité de M. Yves Bur, la prévention, les soins curatifs et le secteur médico-social sont pilotés de façon compartimentée, « en tuyaux d’orgue », par des institutions différentes, avec des outils de planification et des donneurs d’ordres distincts (cf. schéma ci-après) :

– les professionnels de santé libéraux ont pour correspondants l’URCAM et les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) ;

– les actions de santé publique sont planifiées par un groupement régional de santé publique (GRSP) contrôlé par l’État et dirigé le plus souvent par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS) ;

– le pilotage du secteur médico-social, très complexe, fait intervenir notamment les conseils généraux.

Présentation schématique de l’organisation « en tuyaux d’orgue »
du pilotage du système de santé

secteur

soins
hospitaliers

soins de ville

santé
publique

secteur médico-social

planification territoriale

SROS

PRAM

zonage des zones déficitaires

PRSP


PRIAC

schémas départementaux et régionaux d’organisation sociale et médico-sociale

organe de concertation :

conférences sanitaires de territoire + CROS

conseil de l’URCAM

conseil régional du FIQCS

CRS

CROSMS

responsable territorial

ARH

URCAM

MRS

GRSP

Département, DDASS

correspondant national

DHOS

UNCAM

UNCAM

DHOS

DGS

DGAS + CNSA

Légende : PRAM : programme régional de gestion du risque commun à l’ensemble des organismes d’assurance maladie ; PRSP : plan régional de santé publique ; PRIAC : programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie ; CROS : comité régional de l’organisation sanitaire ; CROSMS : comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale ; FIQCS : fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins ; CRS : conférence régionale de santé ; UNCAM : union nationale des caisses d’assurance maladie ; DGS : direction générale de la santé ; DGAS : direction générale de l’action sociale ; CNSA : caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Source : rapport d’information n° 697 présenté par M. Yves Bur sur les agences régionales de santé, février 2008.

M. Yves Bur estime que ce cloisonnement ne permet pas de structurer efficacement une prise en charge globale du patient. Notamment, l’hiatus entre la prévention et les soins curatifs déséquilibre notre politique de santé publique au profit de la prévention « primaire », qui repose sur des actions d’information générale de la population, et au détriment de la prévention « secondaire » et « tertiaire » (56), qui nécessitent l’implication des professionnels de santé dans des démarches de « prévention médicalisée » dont la société française de santé publique (57) souligne l’importance. M. Jean-Marie Rolland relève lui aussi dans un récent rapport (58) que « ce cloisonnement n’a pas de pertinence par rapport au champ professionnel cohérent que forment les activités concernées ».

Ÿ Les soins ambulatoires et les soins hospitaliers sont pilotés séparément.

Comme cela a été souligné devant la mission (59), il n’existe pas d’outils permettant de structurer l’offre de soins de premier recours comme les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) organisent l’offre hospitalière. Le code de la santé publique prévoit certes que les SROS prennent en compte l’offre ambulatoire et médico-sociale, mais leurs dispositions en la matière ne sont pas opposables, contrairement à celles qui concernent l’hôpital. Tout au plus certains SROS développent-ils la coordination ville / hôpital dans le cadre de volets « permanence des soins » et « urgences ».

Il ressort des EGOS que le rôle du médecin traitant reste mal compris, et que la notion même de « médecin de famille » est mal perçue par les malades comme par les médecins. Aussi, faute de structure claire et visible de la médecine de premier recours, les patients se dirigent vers l’hôpital, ce qui accentue l’« hospitalo-centrisme » du système.

Votre rapporteur relève que le cloisonnement entre l’organisation des soins ambulatoires et le pilotage des soins hospitaliers est jugé sévèrement par l’ensemble des acteurs de la santé : M. Christian Saout a ainsi déclaré à la mission (60) qu’il n’avait pas sa place dans un système de santé au financement socialisé. Dans son rapport précité, M. Georges Colombier estime également que les difficultés de prise en charge des urgences médicales sont dues en partie au cloisonnement des structures : « un véritable effort de mutualisation des moyens et des objectifs est donc nécessaire » entre la ville et l’hôpital, concernant notamment les médecins de garde et les plateformes téléphoniques (centres 15, centre de traitement des appels au 18, plateformes libérales de régulation des appels de permanence des soins ou de SOS médecins etc.).

Ÿ La « revalorisation » annoncée de la médecine générale n’a pas été menée à son terme.

Selon les représentants de la société française de santé publique (SFSP), MM. François Bourdillon et Marc Brodin (61), la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité a suscité un vif enthousiasme parmi les enseignants et les étudiants, que les pouvoirs publics ont ensuite contrarié par une série de mesures contradictoires avec leur volonté affichée de « revaloriser » la médecine générale, comme notamment leur refus de titulariser des enseignants de médecine générale et d’aligner le tarif conventionnel des consultations de généralistes (associé à la lettre-clé « C ») sur celui des consultations de spécialistes (« CS »).

2. La liberté d’installation de certains professionnels de santé libéraux complique la régulation de leur répartition territoriale, compte tenu de l’évolution de leurs modes d’exercice

Une large part des jeunes médecins ne souhaite pas exercer la médecine générale de premier recours, surtout pas en zone rurale ou en zone urbaine sensible. Or leur régime de liberté d’installation ne permet pas aux pouvoirs publics de corriger efficacement les disparités territoriales qui en résultent.

a) Certaines professions de santé bénéficient d’un régime de liberté d’installation, ce qui nuit à l’équilibre de leur répartition géographique

Ÿ La liberté d’installation est reconnue, notamment, aux médecins et aux chirurgiens-dentistes.

L’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale dispose que « dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d’installation du médecin ».

D’après l’avis précité du HCAAM, la réticence du corps médical à toute contrainte en matière de lieu d’installation « plonge ses racines dans l’histoire de la médecine libérale ».

Bien sûr, la liberté d’installation complique considérablement l’aménagement d’une répartition harmonieuse de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire. Elle défavorise en effet les zones qui sont moins attractives que d’autres en fonction de déterminants complexes – climat, insécurité, capacités de scolarisation des enfants, possibilités de carrière du conjoint etc. – que les aides financières ou la mise à disposition de locaux ne suffisent pas à compenser, comme l’a constaté devant la mission M. Didier Houssin (62), directeur général de la santé. Vu le peu d’effet des mesures seulement incitatives visant à corriger ces disparités territoriales, certains, comme M. Emmanuel Vigneron, professeur de géographie et d’aménagement des territoires à l’université Montpellier III, doutent qu’elles puissent être résorbées sans que la liberté d’installation des médecins et des chirurgiens dentistes ne soit encadrée, à l’instar de celle des pharmaciens.

Ÿ Les règles de répartition géo-démographique des pharmacies assurent un bon maillage officinal du territoire.

Depuis 1941, la création, le transfert et le regroupement d’officines pharmaceutiques sont soumis à des règles géo-démographiques qui garantissent un maillage très dense du territoire en officines. L’article L. 5125-3 du code de la santé publique dispose ainsi que « les créations, les transferts et les regroupements d’officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d’accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s’ils n’ont pas pour effet de compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d’origine ». Les articles L. 5125-11 à L. 5125-15 fixent les règles géo-démographiques (y compris les seuils quantifiés) précisent ces dispositions.

D’après les statistiques du conseil national de l’Ordre des pharmaciens (63), on compte au 1er janvier 2008 22 256 officines pharmaceutiques en métropole et 609 dans les départements d’outre-mer, soit en moyenne une officine pour 2 696 habitants, avec de faibles écarts entre les départements. La France dispose d’ailleurs d’une densité d’officines par rapport à la population légèrement supérieure à la moyenne des pays européens.

Selon le conseil de l’Ordre, ce maillage présente deux qualités principales :

– la proximité : chacun est assuré de trouver une officine à courte distance ;

– la qualité : ce maillage garantit la présence sur le territoire « d’un professionnel de santé de niveau élevé, facilement accessible ».

Ÿ Il est envisagé de réguler la répartition territoriale des infirmiers.

Dans un protocole d’accord signé le 22 juin 2007 avec l’UNCAM, les organisations représentatives des infirmiers libéraux ont accepté le principe de mesures de régulation de leur répartition territoriale. L’article 46 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 avait modifié l’article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale pour permettre à la convention « infirmiers » de prévoir de telles mesures et l’avenant n° 1 à la convention nationale des infirmiers libéraux, signé le 4 septembre 2008, a ainsi institué un dispositif conventionnel de régulation de la démographie infirmière libérale.

Ce texte prévoit que dans les bassins de vie où la densité d’infirmiers est forte, seuls les départs ouvriront l’accès à de nouveaux conventionnements. Parallèlement, l’assurance maladie proposera aux infirmiers exerçant dans les bassins de vie où la densité est inférieure aux besoins de soins de la population, ou souhaitant s’y installer, d’adhérer à une option conventionnelle (le « contrat santé solidarité ») qui ouvrira droit à une participation aux équipements et aux frais de fonctionnement en lien direct avec l’exercice professionnel, ainsi qu’à une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales.

b) Les attentes des jeunes praticiens sont de moins en moins compatibles avec le mode d’exercice traditionnel de la médecine générale dans les zones sous-denses

Il ressort d’une étude commandée en 2006 par l’Ordre des médecins (64) que les jeunes praticiens voient dans le généraliste libéral exerçant en cabinet individuel dans une zone rurale une « référence identitaire forte » dont ils entendent s’écarter, marquant ainsi « prise de distance par rapport à « l’éthos professionnel » classique de la profession médicale ». Les étudiants rencontrés par la mission (65) ont d’ailleurs souhaité que l’exercice des professions de santé soit réformé en profondeur pour « répondre aux aspirations de la nouvelle génération de professionnels qui introduit un bouleversement dans la conception de l’exercice professionnel », évoquant un véritable « choc des générations ».

Ÿ Les jeunes professionnels de santé veulent un mode d’exercice plus collectif, plus varié et plus compatible avec leur épanouissement personnel.

Dans le cadre d’un sondage effectué en 2007 pour le conseil de l’Ordre sur les déterminants de leur choix de mode et de lieu d’exercice, 81 % des jeunes ou futurs médecins interrogés citent l’équilibre entre leur épanouissement personnel et leur vie professionnelle. Cela exclut le temps de travail « submergeant et débordant tous les autres temps sociaux » lié, selon l’étude précitée publiée par l’Ordre, à « un dévouement inconditionnel aux patients, une disponibilité permanente par les astreintes et les gardes ». D’ailleurs, les jeunes médecins ne tiendraient plus la disponibilité auprès des patients pour un critère de qualité des soins, mais au contraire comme un facteur de risque. Contrariant « un besoin d’équilibre essentiel à la bonne réalisation du travail » et engendrant une fatigue excessive, elle « pourrait conduire à une moindre attention et à des accidents, voire à des fautes professionnelles pouvant aller jusqu’au procès ».

Cette étude montre aussi qu’en raison du fort taux d’activité des femmes parmi les jeunes générations, la question de la compatibilité des carrières dans le couple se pose avec plus d’acuité. Dans le cadre du sondage précité, 58 % des jeunes médecins déclarent choisir leur lieu d’exercice de façon à ce qu’il soit compatible avec la profession ou les attentes de leur conjoint.

Ils sont 55 % à citer les conditions d’exercice de leur profession parmi les déterminants de leurs choix, renvoyant notamment à la proximité d’autres professionnels de santé et d’un plateau technique complet. Les résultats du sondage font apparaître une certaine aversion des jeunes médecins pour l’exercice en cabinet individuel. Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS constate lui aussi que « l’exercice isolé, qui domine aujourd’hui largement la médecine générale, n’apparaît plus comme un modèle privilégié », et que le regroupement des médecins, et plus largement des professionnels de santé, pourrait devenir « une figure d’avenir de l’offre de soins ».

En revanche, le niveau de revenu et l’utilité sociale de la profession ne sont mis en avant que par 16 et 14 % des jeunes gens interrogés.

Les jeunes professionnels de santé aspirent à une carrière qui ne les enferme pas dans un mode d’exercice, mais leur permette d’alterner ou de cumuler plusieurs activités et différents statuts. L’étude commandée en 2006 par l’Ordre des médecins confirme cette aspiration à des carrières « modulables » : que ce soit par « peur de la routine » ou par crainte de « ne pas tenir le rythme », les jeunes professionnels veillent à éviter l’hyper-spécialisation, c’est pourquoi ils acquièrent des qualifications complémentaires. Même installés, les médecins libéraux aspirent à des carrières évolutives et variées : « un spécialiste libéral multiplie les lieux d’exercice (activité en cabinet, en clinique et vacation hospitalière), une pédiatre libérale fait des interventions en crèche …, une médecin généraliste en milieu semi-rural fait des vacations en maison de retraite, dans la perspective d’un poste à mi-temps ou à temps plein ».

Ÿ Les aspirations des jeunes professionnels de santé ne correspondent pas au cadre d’exercice offert aujourd’hui dans les zones sous-denses.

S’agissant des zones urbaines sensibles, les médecins sondés pour le compte du conseil de l’Ordre imaginent « une barrière culturelle », voire linguistique, et craignent l’isolement professionnel face à « une population en grande difficulté sociale » dans « un environnement peu sécurisant », ce qui rejoint les raisons évoquées par les interlocuteurs de la mission à Clichy-sous-Bois pour expliquer le manque d’attractivité de la ville.

L’image de l’exercice en zone rurale n’est pas meilleure : s’ils pensent que leur utilité sociale y serait reconnue, que les revenus des médecins y sont élevés et que les relations avec la patientèle et le voisinage y sont plus faciles qu’en ville, ils craignent une charge de travail « surdimensionnée » qui grève leur épanouissement personnel, entrevoient des difficultés liées au travail de leur conjoint et ne veulent pas travailler avec « un plateau technique insuffisant qui limite la possibilité d’exercer le mieux possible sa discipline ».

C’est pourquoi ce sondage conclut que les attentes des nouvelles générations de médecins sont « largement incompatibles » avec les avantages et les inconvénients prêtés aux zones rurales et aux zones urbaines sous-denses en offre de soins.

c) Une large part des diplômés de médecine générale n’exerce pas la médecine générale de premier recours

Ÿ Près de 40 % des généralistes libéraux n’exercent pas la médecine générale de premier recours.

Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS indique que sur près de 107 000 généralistes diplômés recensés par l’Ordre des médecins au 1er janvier 2007, seuls 56 750 exerceraient effectivement la médecine générale de premier recours. Le conseil de l’Ordre assortit cependant ces statistiques d’une réserve : il lui est difficile d’apprécier avec précision la nature de l’activité d’un médecin généraliste. L’effectif des généralistes de premier recours n’est donc qu’une estimation.

L’ONDPS note quant à lui que 14 et 18 % des généralistes sont titulaires d’une « compétence » (titre que l’Ordre pouvait attribuer jusqu’en 2005 aux praticiens formés avant 1982), au titre de laquelle ils ont un exercice spécialisé, par exemple en gynécologie médicale, en allergologie ou en médecine légale. De plus, près de 3 200 généralistes exercent en établissement public de santé, sous divers statuts : praticien hospitalier à plein temps ou à temps partiel, contractuel (pour trois ans au maximum), assistant généraliste (pour une durée d’engagement de six ans au maximum) ou praticien attaché. Enfin, environ 6 200 médecins déclarent à l’Ordre un mode d’exercice particulier (MEP), c’est-à-dire une orientation qui les éloigne des soins primaires, comme l’acupuncture ou l’homéopathie.

Ÿ Un foisonnement de formations complémentaires accessibles aux internes et diplômés de médecine générale.

L’important effectif de diplômés de médecine générale qui ne participent pas aux soins de premier recours s’explique par les multiples possibilités de formation complémentaire ouvertes aux diplômés de médecine générale, qui leur permettent de se spécialiser en dehors des soins primaires. Le rapport précité de l’ONDPS énumère ainsi les formations et qualifications accessibles après l’internat de médecine générale et souligne « leur foisonnement ». On citera notamment :

– l’internat « à titre européen », ouvert pour 49 postes en 2007 aux titulaires d’un diplôme européen ayant exercé trois ans au moins, qui leur permet d’obtenir un diplôme d’études spécialisées (DES) d’une autre spécialité ;

– les concours de médecine du travail, ouverts dans les mêmes conditions pour 65 postes en 2007, et de médecine scolaire ;

– certains « diplômes d’études spécialisées complémentaires » (DESC) accessibles après un DES de médecine générale, qui sanctionnent deux ou trois années de spécialisation en gériatrie, médecine d’urgence, nutrition, médecine légale et expertises médicales, douleur et soins palliatifs etc. Selon les estimations citées par l’ONDPS, 188 internes de médecine générale seraient inscrits dans un DESC en 2008, dont 123 dans un DESC de médecine d’urgence ;

– les 14 « capacités » accessibles aux généralistes ayant soutenu leur thèse, qui sanctionnent des formations d’un ou deux ans, par exemple, en toxicomanie et alcoologie, pratiques médico-judiciaires, médecine pénitentiaire, gérontologie, allergologie, évaluation et traitement de la douleur etc. ;

– des « diplômes universitaires » (DU) ou « inter-universitaires » (DIU) accessibles aux internes et aux diplômés de médecine générale : DIU de mésothérapie, d’acupuncture, d’ostéopathie, d’accueil des urgences pédiatriques, de dermatologie esthétique, de tabacologie, d’assistant généraliste en psychiatrie, DU de sexologie, etc.

Ÿ Un facteur de détérioration de l’offre de soins de premier recours.

Les orientations et les activités alternatives à la médecine générale de premier recours semblent attirer un nombre croissant d’internes et de diplômés de médecine générale. D’après M. Frédéric van Roekeghem (66), directeur général de la CNAMTS, le nombre de MEP croît de 9 à 10 % par an, à tel point que si l’effectif global des omnipraticiens a augmenté de 6,9 % entre 1995 et 2005, celui des médecins généralistes de premier recours a stagné (+ 0,1 % en dix ans). L’ONDPS souligne donc que la médecine générale de premier recours, « qui constitue dorénavant le « pivot » du parcours de soins, pourrait être confrontée à un tarissement du renouvellement de ses effectifs du fait de la diminution de la part des diplômés de médecine générale qui se consacre à la médecine de premier recours ».

Pour illustrer la faible attractivité de la médecine générale de premier recours auprès des étudiants en médecine, votre rapporteur relève que les représentants des généralistes enseignants ont indiqué à la mission (67) qu’une large majorité des internes de médecine générale s’enquièrent dès le début de leur internat des possibilités de spécialisation qui leur sont accessibles.

L’ONDPS montre que les généralistes dont l’exercice ne relève pas des soins de premier recours sont très inégalement répartis sur le territoire et que leur présence peut « ponctuellement se traduire par une détérioration de la situation de la médecine généraliste de premier recours ». C’est par exemple le cas à Paris et dans les départements de la Gironde, des Pyrénées-Atlantiques, des Pyrénées-Orientales et des Alpes-de-Haute-Provence, où plus de 15 % des omnipraticiens libéraux déclarent un exercice particulier, ce qui crée un décalage entre les fortes densités de généralistes libéraux que l’on y mesure et leur niveau réel d’offre de soins de premier recours, moins abondants qu’il n’y paraît.

Votre rapporteur ajoute qu’il ressort des travaux de la mission que les médecins ayant un mode d’exercice particulier participent rarement à la permanence des soins, dont la charge est de ce fait concentrée sur 60 % seulement des médecins généralistes libéraux.

d) L’encadrement relativement faible de l’accès au secteur 2 favorise la concentration des médecins dans certaines zones du territoire

Peuvent pratiquer des honoraires libres les anciens praticiens, chefs de clinique et assistants des hôpitaux qui s’installent pour la première fois en exercice libéral (68).

Selon l’IGAS, le caractère automatique de ce droit a contribué à freiner une répartition plus équilibrée des médecins sur le territoire. Le paiement à l’acte aurait pour effet d’inciter les médecins à s’installer là où les besoins de soins sont les plus importants, mais l’existence d’un système d’honoraires libres permet, notamment à des spécialistes, de s’installer dans des zones « déjà très médicalisées et riches », où même s’ils effectuent moins d’actes, « la possibilité de pratiquer des dépassements leur permet d’adapter leur revenu » : ils peuvent ainsi s’établir dans la zone géographique de leur choix sans incidence sur leurs revenus. L’ONDPS estime qu’une part élevée de praticiens en secteur 2 « concourt généralement à une moindre disponibilité du praticien à dispenser des soins de premier recours ».

Pour autant, l’IGAS constate que la corrélation entre droit à dépassement et qualité des pratiques n’est pas avérée. De même, M. Daniel Lenoir (69), directeur général de la Mutualité française, estime qu’il existe aujourd’hui des indicateurs plus pertinents pour évaluer la qualité des soins, ce qui n’était pas le cas quand ces critères de notoriété ont été institués.

3. Les formations médicales et paramédicales ne sont pas organisées en fonction des besoins de santé

La formation des professionnels de santé n’est pas organisée en fonction des besoins de santé. Notamment celle des médecins (cf. schéma ci-dessous) ne permet pas aux pouvoirs publics de maîtriser l’effectif des praticiens qui exercent la médecine générale de premier recours.

Déroulement des études médicales

Source : rapport précité de M. Pierre-Jean Lancry.

a) Le numerus clausus des études médicales n’est pas suffisamment modulé en fonction des besoins de santé

Il faut saluer les efforts accomplis par le ministère de la santé pour privilégier les inter-régions sous-dotées en offre de soins dans la répartition des places de numerus clausus supplémentaires créées chaque année.

Cependant, d’après M. Charles Mazeaud, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) (70), le numerus clausus reste calculé à partir du nombre de bacheliers de chaque académie et des structures de formation existantes. Cela aurait pour effet de continuer à privilégier les zones les mieux dotées.

Ainsi, le numerus clausus et sa répartition ne sont pas fixés pour l’heure en fonction d’une évaluation préalable des besoins de santé de chaque territoire, et les acteurs locaux du système de santé (collectivités territoriales, observatoires régionaux de santé etc.) ne sont pas consultés systématiquement sur ces questions.

b) Les étudiants ne sont pas amenés à découvrir l’exercice omnipraticien libéral avant de choisir leur spécialité, ce qui empêche de susciter des vocations pour la médecine générale

À juste titre, les représentants de l’intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-MG) ont fait valoir à la mission (71), que l’on ne peut pas attendre des étudiants qu’ils choisissent la médecine générale s’ils ne la connaissent pas. Or de l’avis unanime des interlocuteurs de la mission, leur formation en centre hospitalier universitaire (CHU) a pour inconvénient de ne leur faire connaître qu’un mode d’exercice spécialisé, encadré et marqué par une grande technicité, très loin de l’exercice de terrain de la médecine générale de premier recours. Ainsi se perpétue ce que M. Bernard Thuillez, président de la conférence nationale des doyens de faculté de médecine, a appelé devant la mission (72) « l’élitisme hospitalo-universitaire ».

Un cours de sensibilisation à la médecine générale est bien dispensé dans le cours du deuxième cycle des études médicales, mais selon les représentants des généralistes enseignants (73), les étudiants le prennent très peu au sérieux. Au cours du même cycle, un module consacré au dépistage, à la prévention et à l’éducation à la santé est proposé aux étudiants, mais seul un sur deux le suit.

Aussi, pour favoriser la découverte précoce de la médecine générale et susciter des vocations, un « stage d’initiation à la médecine générale » a été institué au cours du deuxième cycle (74) (cf. encadré ci-dessous), mais sa mise en œuvre est particulièrement difficile. Son organisation – notamment le financement de la formation des maîtres de stage – n’a été précisée qu’en novembre 2006 (75), et comme l’a confirmé à la mission (76) le président de la conférence nationale des doyens de facultés de médecine, ce stage, pourtant obligatoire, n’est toujours pas mis en place dans toutes les universités. Le CNGE et le SNEMG(77) expliquent ce retard par des difficultés à trouver des maîtres de stages : le statut du maître de stage serait encore imprécis et l’obtention des crédits destinés à assurer leur formation serait compliquée.

Les objectifs du stage d’initiation à la médecine général au cours du deuxième cycle des études médicales

– Appréhender les conditions de l’exercice de la médecine générale en cabinet et la prise en charge globale du patient en liaison avec l’ensemble des professionnels ;

– Appréhender la relation médecin-patient en médecine générale ambulatoire, la place du médecin généraliste au sein du système de santé ;

– Se familiariser avec la démarche clinique en médecine générale libérale : interrogatoire du patient, analyse des informations recueillies, examen clinique médical, détermination d’un diagnostic, prescription et suivi d’une mise en œuvre d’une thérapeutique ;

– Se familiariser avec la démarche de prévention et les enjeux de santé publique ;

– Appréhender les notions d’éthique, de droit et de responsabilité médicale en médecine générale libérale ;

– Comprendre les modalités de gestion d’un cabinet.

Source : arrêté du 23 novembre 2006 pris en application de l’article 8 de l’arrêté du 4 mars 1997 modifié relatif à la deuxième partie du deuxième cycle des études médicales.

Votre rapporteur regrette cette situation, car faute d’un tel stage, les étudiants qui se préparent à choisir une spécialité sont privés de « modèle d’identification » dans le champ de la médecine générale, alors que selon M. Bernard Thuillez, les étudiants font souvent leurs choix d’orientation en fonction d’une identification.

c) Le mode de répartition des étudiants entre les différentes spécialités ne permet pas aux pouvoirs publics de maîtriser la répartition du flux d’internes de médecine générale ni leur répartition géographique.

Le mode de répartition des internes entre les différentes spécialités repose sur des « épreuves classantes nationales » (ECN) qui se sont substituées au « concours de l’internat ». Un rang de classement est attribué à chaque candidat et c’est dans cet ordre que chacun à son tour choisit une affectation, c’est-à-dire un lieu de formation (une « subdivision ») et une spécialité. Censé « redonner sa place à la médecine générale » (78), ce mode de répartition des postes d’internat ne permet en pratique ni de maîtriser l’effectif d’internes de médecine générale, ni d’optimiser leur répartition géographique, car un nombre important de postes restent non pourvus.

Ÿ Un système qui ne permet pas de maîtriser l’effectif de généralistes formés.

En 2004 et 2005, dans la plupart des régions, le nombre de postes d’internat proposés était supérieur à celui des étudiants inscrits aux épreuves classantes nationales. Un rapport de la Cour des comptes (79) évaluait cette marge de manœuvre dans une fourchette de 10 à 15 % des postes et notait que cet écart donnait de la souplesse aux internes mais empêchait toute régulation fine de leurs effectifs par région et par spécialité. Dans son rapport précité, M. Yves Bur observe que ce taux d’inadéquation atteignait 20 % dans certaines régions, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur et relève dans le rapport 2005 précité de l’ONDPS une vive critique de ce système : « la répartition des internes par filière et par région ne s’appuie pas de façon évidente sur des critères qui tiennent compte à la fois des besoins de santé et des données démographiques », mais « elle est plus une réponse aux lobbies ».

En 2006 et en 2007, ce taux d’inadéquation a été corrigé puisque le nombre de postes ouverts était inférieur au nombre de candidats inscrits aux ECN. Pourtant, on recense encore 330 postes restés vacants en 2006 (soit 6,9 % des postes ouverts) et 461 en 2007 (soit 8,6 % des postes proposés). En effet, certains étudiants sont absents aux ECN (3,2 %), ne valident pas leur deuxième cycle (8,6 %), démissionnent (0,6 %) et s’abstiennent de formuler un choix de poste (0,5 %).

Il semble qu’un certain nombre d’étudiants, pour éviter la spécialité de médecine générale, n’hésitent pas à utiliser toutes les voies de contournement que leur permet le système actuel de répartition des postes d’internat. C’est notamment ce que déplore l’Académie nationale de médecine dans un avis récent (80: « l’internat de médecine générale n’a pas jusqu’ici tenu ses promesses. Un nombre considérable d’étudiants refusent une affectation pourtant basée sur leurs résultats à l’examen classant national (ECN). Ces étudiants ne rejoignent pas leur poste (c’est le cas pour plusieurs centaines de postes de médecine générale) – sans soucis des graves dysfonctionnements que leur défection entraîne dans les services hospitaliers où ils ont été affectés - et ils préfèrent redoubler dans l’espoir d’avoir accès à une spécialité et/ou à une affectation géographique plus conforme à leurs vœux ». L’ONDPS relève ainsi que parmi les candidats aux ECN 2007, un étudiant sur 8 avait déjà passé les ECN en 2006. Il s’agit notamment d’étudiants en première année d’internat qui souhaitent se réorienter ; l’ONDPS constate que plus des trois quarts d’entre eux avaient été affectés en 2006 en médecine générale et que les autres occupaient pour la plupart des postes en santé publique, en médecine du travail ou en psychiatrie. Une étude de la DREES (81) sur les ECN 2006 avait de la même façon noté que c’est parfois volontairement que les étudiants ne remplissent pas les conditions requises pour participer à la procédure d’affectation, préférant redoubler la dernière année du deuxième cycle dans l’espoir d’être mieux classés l’année suivante.

Les postes non-pourvus sont très majoritairement des postes de médecine générale : 323 sur 330 en 2006 et 452 sur 461 en 2007. Il en résulte d’ailleurs un écart important entre le nombre de postes d’internat de médecine générale ouverts et le nombre d’internes effectivement formés : 13,7 % en 2006 et 15,7 % en 2007 (cf. tableau ci-dessous).

Ainsi, en quatre ans, le nombre de médecins généralistes formés a été inférieur de près de 2 500 à ce qui était prévu lors de l’ouverture des postes.

Répartition des postes ouverts et pourvus par discipline de 2004 à 2007

Nombre de postes ouverts

2004

2005

2006

2007

Libellé discipline

Ouverts

Pourvus

Écart

Ouverts

Pourvus

Écart

Ouverts

Pourvus

Écart

Ouvert

Pourvus

Écart

Médecine générale

1 841

1 232

609

2 400

1 419

981

2 353

2 030

323

2 866

2 414

452

Ensemble des disciplines hors médecine générale

2 147

2 136

11

2 403

2 403

0

2 407

2 400

7

2 500

2 491

9

Ensemble des disciplines

3 988

3 368

620

4 803

3 822

981

4 760

4 430

330

5 366

4 905

461

Source : ONDPS, rapport 2006-2007, tome II.

Ÿ Un système qui ne permet pas de maîtriser la répartition des internes de médecine générale entre les régions.

Comme le montre le rapport 2006-2007 de l’ONDPS, les postes d’internat de médecine générale ouverts sont répartis entre les différentes subdivisions de façon à corriger, en positif ou en négatif, la démographie des médecins généralistes dans les régions où elles ont leur siège. On considère en effet, comme l’a souligné M. Didier Houssin (82), directeur général de la santé, que les étudiants exercent le plus souvent dans leur région de formation car ils finissent par s’y attacher, même si ce n’était ni leur région d’origine ni la région de leur choix. L’ONDPS relève ainsi dans son rapport 2006-2007 que parmi les cinq régions qui présentent une densité supérieure à la moyenne nationale, quatre se voient affecter, en 2007, un nombre de postes en médecine générale inférieur à la moyenne nationale (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, Aquitaine et Midi-Pyrénées).

Or la répartition des postes d’internat de médecine générale non pourvus défavorise particulièrement les régions les moins bien dotées en offre de soins, contribuant ainsi à accentuer leurs difficultés.

Avant l’instauration de l’internat de médecine générale et des ECN, les étudiants qui n’étaient pas reçus au concours de l’internat devenaient automatiquement résidents en médecine générale dans leur faculté d’origine, alors que dans le nouveau système, les étudiants qui optent pour la médecine générale peuvent choisir de changer de subdivision. M. Emmanuel Vigneron, professeur de géographie et d’aménagement du territoire à l’université Montpellier III, a ainsi fait observer à la mission (83) qu’il était arrivé qu’à l’issue des ECN, le premier poste d’internat ouvert à Nancy soit pourvu après le dernier poste ouvert à Nice, y compris en médecine générale.

Ainsi, l’ONDPS juge que « pour la médecine générale, l’ouverture plus importante des postes dans les régions à densité médicale la plus faible ne donne pas toujours les résultats escomptés en raison des postes non pourvus », dont la proportion est particulièrement forte dans les régions Centre, Picardie, Basse-Normandie et Champagne-Ardennes (cf. graphique ci-dessous).

Nombre de postes d’interne de médecine générale pour 10 000 habitants après l’ECN 2007

Source : ONDPS, rapport 2006-2007

La répartition des postes de chef de clinique-assistant des hôpitaux et d’assistant hospitalo-universitaire accessibles après l’internat (« post-internat ») défavorise encore les zones sous-dotées en offre de soins : selon le président de la conférence nationale des doyens de facultés de médecine, l’offre de post-internat dans l’inter-région Nord-Ouest couvre 38 % des besoins, contre 144 % en Île-de-France. Or, comme le souligne l’ONDPS, l’offre de post-internat constitue un facteur important d’attractivité des régions concernées pour les étudiants, « qui influe tant le choix d’une discipline que celui du territoire d’exercice ». Le post-internat assure notamment une fonction de préparation à l’exercice et d’offre de soins qui est particulièrement importante pour la médecine générale. À cet égard, votre rapporteur relève d’ailleurs que la première chef de clinique de médecine générale du CHU d’Angers n’a pas hésité à exercer dans une zone sous-dense de la Mayenne.

d) La filière universitaire de médecine générale est encore trop peu structurée

Au nom du CNGE et du SNEMG, MM. Pierre-Louis Druais, et Vincent Renard, ont regretté devant la mission (84) que les enseignants de médecine générale n’aient pas le statut de professeur des universités titulaires.

La loi n° 2008-112 du 8 février 2008 relative aux personnels enseignants de médecine générale permet certes la titularisation de ces personnels, mais, en attendant sa mise en œuvre, ils restent régis par le décret n° 91-966 du 20 septembre 1991 relatif aux personnels associés des centres hospitaliers et universitaires dans les disciplines médicales et ondotologiques, qui leur attribuent un statut de contractuels exerçant à mi-temps, recrutés pour trois ans et rémunérés (au mieux) deux fois moins que des professeurs titulaires.

Pour le CNGE et le SNEMG, il s’agit d’un « statut de repli » choisi en raison d’un véritable vide statutaire, qui ne leur offre que des « strapontins éjectables ». Alors que l’on compte près de 5 600 professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH), il n’y a que 131 postes d’enseignants de médecine générale (72 professeurs associés et 59 maîtres de conférence associés) et ces personnels ne sont habilités ni à diriger des thèses de doctorat ni à siéger dans les jurys de thèse. Ces difficultés statutaires découragent les enseignants de médecine générale – 10 d’entre eux démissionnent à la rentrée 2008 – et ne permet pas de structurer activement la filière universitaire de médecine générale, ce que reconnaît d’ailleurs la conférence des doyens de facultés de médecine (85).

Le CNGE et le SNEMG considèrent également que l’avenir de la filière universitaire de médecine générale passe par le déploiement de postes de chef de clinique. Or le statut des chefs de clinique en médecine générale est selon eux trop précaire pour être attractif :

– les postes sont ouverts au dernier moment et aucune garantie n’est donnée à ceux qui les choisissent quant à leur emploi jusqu’au jour de leur prise de fonction – il arrive même qu’ils ne signent leur contrat qu’après avoir commencé à exercer ;

– aucune garantie de revenus n’est apportée à ces personnels ; leurs fonctions universitaires sont certes salariées, mais ils doivent en parallèle exercer en secteur libéral, alors que leurs charges universitaires ne leur en laissent guère le temps aux heures ouvrables.

Ils regrettent surtout la mauvaise organisation des recrutements, qui ne privilégient pas les départements de médecine générale les plus actifs. C’est pourquoi sur 20 postes ouverts à la rentrée 2007, 4 n’ont pas pu être pourvus.

e) Des observations semblables peuvent être faites à propos d’autres cursus d’études menant à des professions de santé.

Ÿ La formation des infirmiers fait peu de place à la pratique libérale.

Pour la fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) (86), la désaffection des infirmiers pour l’exercice libéral est « alarmante » : seulement 13,5 % de ces professionnels exercent à titre libéral, et ce taux tombe à 4 % pour les infirmiers diplômés depuis moins de quatre ans. Cette situation trouverait son origine dans le peu de place accordée à l’exercice libéral dans la formation des infirmiers :

– elle ne comprend aucun cours théorique sur les spécificités de l’exercice libéral, les conditions d’installation et d’exercice qui l’encadrent ou les tâches administratives qu’il engendre ;

– les stages auprès de professionnels libéraux sont optionnels et les terrains de stage sont peu nombreux.

La FNESI souligne que sans initiation pratique ou théorique à l’exercice libéral, les étudiants ne sont pas en mesure de s’en faire une juste représentation.

Ÿ L’organisation de la formation des masseurs-kinésithérapeutes ne favorise pas leur répartition sur l’ensemble du territoire.

La fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (FNEK) (87) juge insuffisant l’effectif global de la profession et explique cette situation de pénurie par des quotas de formation globalement insuffisants.

De plus, compte tenu de la propension des masseurs-kinésithérapeutes à s’installer dans leur région de formation, la FNEK considère que la mauvaise répartition territoriale des instituts de formation des masseurs-kinésithérapeutes et de leurs capacités de formation contribue aux fortes disparités interrégionales constatées dans la répartition territoriale des professionnels : la région Île-de-France, par exemple, concentre un quart des instituts de formation et un tiers des quotas de formation nationaux.

Enfin, les futurs masseurs-kinésithérapeutes indiquent que les spécificités de l’exercice libéral occupent 2 % de leur temps de formation, alors que 80 % des masseurs-kinésithérapeutes exercent leur profession à titre libéral.

Ÿ Les étudiants en chirurgie dentaire ne sont pas assez incités à découvrir l’exercice en zone sous-dense.

Devant la mission (88), l’union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) a souligné que pour le « stage actif » qu’ils doivent effectuer au cours de leur sixième année de formation, les futurs chirurgiens-dentistes ont tendance à choisir des terrains de stage dans leur ville de formation.

Par ailleurs, les étudiants doivent effectuer des stages d’initiation au cours des 4e et 5e année dans les centres de soins dentaires de leurs universités, mais ces centres souffriraient selon l’UNECD d’une « surpopulation de stagiaires » et d’un manque de moyens important.

Aussi, cette concentration des stagiaires aurait un effet négatif sur la qualité de leur formation et ne permettrait pas de leur faire découvrir d’autres zones d’exercice que les environs immédiats des 16 facultés de chirurgie dentaire.

4. Les mesures incitatives prises jusqu’à présent pour réguler la démographie médicale ne suffisent pas à éviter l’aggravation des inégalités d’accès aux soins

a) Des mesures complexes, consistant surtout en diverses incitations financières

Le recensement des mesures prises pour inciter les médecins et les autres professionnels de santé à exercer dans les zones déficitaires en offre de soins, les zones rurales ou les zones « blanches » éloignées des structures des urgences montre la complexité de ce dispositif (cf. encadré ci-dessous). Votre rapporteur souligne que ces dispositifs reposent surtout sur des aides financières incitatives.

Mesures prises pour inciter les médecins et les autres professionnels de santé
à exercer dans les zones sous-denses

1- Diverses incitations financières

• L’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale (issu de l’article 49 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie) permet aux conventions organisant les rapports entre les organismes d’assurance maladie et les différentes professions de santé de prévoir des dispositifs d’aides visant à faciliter l’installation des professionnels de santé libéraux ou des centres de santé dans les zones déficitaires en matière d’offre de soins délimitées par les MRS. Il peut s’agir d’une rémunération forfaitaire annuelle, éventuellement modulée en fonction de leur niveau d’activité et de leurs modalités d’exercice ou d’organisation, notamment pour favoriser l’exercice regroupé.

En application de ces dispositions, l’avenant n° 20 du 7 février 2007 à la convention médicale du 12 janvier 2005 fixe le régime d’une « option conventionnelle destinée à favoriser l’installation et le maintien des médecins généralistes en zones déficitaires », dans le cadre de laquelle les honoraires des médecins exerçant en groupe dans ces zones peuvent être majorés de 20 %, à condition qu’ils exercent en groupe et restent dans la même zone déficitaire pendant trois ans.

• De plus, selon l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales (issu de l’article 108 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux), les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides visant à financer des structures participant à la permanence des soins, notamment des maisons médicales, ainsi que des aides visant à favoriser l’installation ou le maintien des médecins et des centres de santé en zones déficitaires. L’article R. 1511-44 du même code précise que ces dernières aides « peuvent consister dans :

1° La prise en charge, en tout ou en partie, des frais d’investissement ou de fonctionnement liés à l’activité de soins ;

2° La mise à disposition de locaux destinés à cette activité ;

3° La mise à disposition d’un logement ;

4° Le versement d’une prime d’installation ;

5° Le versement, aux professionnels exerçant à titre libéral, d’une prime d’exercice forfaitaire ».

L’article R. 1511-45 du même code ajoute cependant qu’en contrepartie de ces aides, leurs bénéficiaires s’engagent à rester en exercice dans la même zone pendant trois ans. Leurs engagements sont prévus par une convention tripartite passée entre la collectivité territoriale qui attribue l’aide, l’assurance maladie et le professionnel de santé.

• L’article L. 1511-8 permet également aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’accorder des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale qui effectuent leurs stages en zones déficitaires et s’engagent à y exercer pendant cinq ans au moins. Les indemnités de déplacement doivent être fixées sur une base kilométrique par la collectivité territoriale, et les indemnités de

logement sont plafonnées à 20 % du montant des émoluments forfaitaires de 3ème année d’internat.

Le même article dispose aussi qu’une indemnité d’étude et de projet professionnel peut être attribuée par les mêmes collectivités à tout étudiant, titulaire du concours de médecine, inscrit en faculté de médecine ou de chirurgie dentaire, s’il s’engage à exercer au moins cinq années en zones déficitaires. L’article D. 1511-54 du même code précise que le montant annuel de cette indemnité ne peut excéder les émoluments annuels de troisième année d’internat.

• L’article 109 de la loi du 23 février 2005 précitée prévoit en outre que la rémunération perçue par les médecins installés dans ces zones au titre de la permanence des soins est exonérée de l’impôt sur le revenu à hauteur de soixante jours de permanence par an.

• Par ailleurs, le II. de l’article 1465 A du code général des impôts définit des zones de revitalisation rurale (ZRR) dans lesquelles les médecins qui s’installent bénéficient d’une exonération de l’impôt sur le revenu, totale pendant cinq ans puis dégressive pendant les neuf années suivantes, en application des dispositions de l’article 7 de la loi du 23 février 2005 précitée (article 44 sexies du code général des impôts).

• L’article 2 de la même loi a par ailleurs étendu aux professions libérales le bénéfice des dispositions de l’article 1465 A précité relatives à l’exonération de la taxe professionnelle pour cinq ans à laquelle ouvre droit, sauf délibération contraire des collectivités territoriales intéressées ou de leurs groupements, l’installation de certaines activités en ZRR. Même dans les communes en ZRR où ces dispositions ne sont pas applicables, ainsi que dans toutes les communes de moins de 2000 habitants, les médecins peuvent être exonérés de la taxe professionnelle, pour une durée comprise entre deux et cinq ans, par une délibération des collectivités territoriales et de leurs groupements prise sur le fondement de l’article 1464 D du même code.

• On rappellera aussi que l’embauche d’un salarié dans un cabinet médical installé en ZRR ouvre droit à l’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale prévue pour 12 mois par l’article L. 322-13 du code du travail.

• Par ailleurs, le médecin généraliste qui exerce dans un cabinet éloigné de plus de 20 minutes d’un service d’urgence et situé dans un canton dont la densité de médecins généralistes est inférieure à 3 pour 5000 peut bénéficier d’un complément de rémunération égal à 300 € par jour pendant lequel il est remplacé, dans la limite de 10 jours par an, en adhérant au « contrat de bonne pratique relatif aux spécificités de l’exercice de la médecine générale en milieu rural » annexé à la convention médicale du 12 janvier 2005 précitée en application des dispositions de l’article L. 162-12-18 du code de la sécurité sociale, (voir sur ce point la fiche du site internet de l’assurance maladie : ameli.fr).

• De même, l’adhésion au « contrat de bonnes pratiques relatif à l’exercice du médecin généraliste en zones franches urbaines » ouvre droit pour les médecins généralistes qui exercent dans ces zones à un complément de rémunération égal à 300 € par jour pendant lequel il est remplacé, dans la limite de 18 jours par an, ainsi qu’à un forfait de 240 € par demi-journée de vacation consacrée à des actions de prévention et éducation à la santé et/ou de coordination médico-sociale, dans la limite de 12 vacations par an.

• En outre, le médecin généraliste qui s’installe dans une station de sports d’hiver et s’engage à y exercer trois ans au moins est éligible à une rémunération forfaitaire de 2 000 € par an en adhérant à un « contrat de bonnes pratiques relatif à l’exercice du médecin généraliste dans les stations de sports d’hiver ».

• On notera aussi que, d’une manière générale, les médecins libéraux, placés sous le régime des bénéfices non commerciaux pour le paiement de l’impôt sur le revenu, peuvent, lors de la détermination du résultat dans le cadre de la déclaration contrôlée, déduire du bénéfice certaines dépenses nécessitées par l’exercice de la profession, notamment les frais exposés lors de l’installation : frais d’acquisition de divers éléments d’actifs professionnels, frais de premier établissement et frais de constitution de société. Sont également déductibles, sous certaines conditions, les achats, frais de personnel, impôts à caractère professionnel, travaux, déplacements, frais de gestion et charges financières. Il est aussi à noter que les éléments d’actifs affectés à l’exercice de la profession qui se déprécient avec l’usage ou le temps (locaux, matériel...) donnent aussi lieu à amortissement. Quant aux médecins conventionnés, ils peuvent bénéficier d’un régime spécial donnant droit à divers abattements pour frais professionnels.

• On signalera enfin qu’en application des dispositions des articles L. 643-6 et D. 643-10 du code de la sécurité sociale, les médecins libéraux peuvent prolonger leur activité en cumulant une pension de retraite et des revenus d’activité n’excédant pas 130 % du plafond de la sécurité sociale (fixé à 32 184 € pour 2007), les revenus tirés de la participation à la permanence des soins n’étant pas pris en compte dans ce calcul.

2- Des dérogations aux règles d’exercice

• L’article R. 4127-85 du code de la santé publique (article 85 du code de déontologie médicale) prévoit par ailleurs que lorsqu’il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins, un médecin peut exercer son activité sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle. Il doit obtenir à cette fin une autorisation du conseil départemental de l’ordre des médecins, laquelle est réputée acquise si le conseil ne se prononce pas sous trois mois.

• Il ressort en outre des dispositions des articles L. 162-5-4 et D. 162-1-8 du code de la sécurité sociale que les consultations assurées ou prescrites par un médecin généraliste qui s’installe pour la première fois en exercice libéral ou qui exerce dans un centre de santé nouvellement agréé en zone déficitaire sont exonérées pendant cinq ans des pénalités qui s’appliquent au patient hors du parcours de soins.

3- Des outils d’information à destination des professionnels de santé

Les URCAM ont développé des outils informatiques visant à faire connaître aux professionnels de santé les conditions d’exercice dans différentes zones :

– CartoS@nté et CartoS@nté Pro fournissent des données socio-économiques et de consommation médicale à l’échelle d’un canton, d’une commune ou d’une zone d’achalandage ;

– LégiS@nté offre un service de veille juridique ;

– RechercheSanté est un moteur de recherche documentaire sur la santé publique ;

– Inst@LSanté permet aux professionnels de santé d’avoir accès à diverses informations relatives à leurs conditions d’installation.

b) Des mesures qui reposent sur des zonages instables et parfois peu pertinents

Ÿ Le zonage actuel des aides financières n’est pas toujours satisfaisant.

Les responsables du réseau de santé du pays Nivernais-Morvan rencontrés par la mission dans la Nièvre (89) ont estimé que les critères sur lesquels ont été délimitées les « zones déficitaires » où s’appliquent les principales aides à l’installation ou au maintien de professionnels de santé sont restrictifs. Selon eux, ce zonage a été établi de façon très ciblée par la MRS afin d’éviter tout « saupoudrage » de ressources limitées. Il engendre ainsi des effets de frontière entre des cantons voisins – pourtant confrontés à des difficultés comparables – et des discriminations entre les médecins.

Ces effets de frontière et l’articulation de plusieurs zonages peuvent compliquer les démarches locales d’organisation de l’offre de soins. C’est par exemple le cas dans le sud-ouest mayennais, où les professionnels de santé ont choisi de se regrouper en créant un « pôle santé » (cf. infra) à l’échelle de deux communautés de commune avec pour pivot les deux sites d’un hôpital local, à Craon et à Renazé. Or certaines des communes concernées sont classées en « zone déficitaire » (comme Craon) et d’autres non (comme Renazé). Ainsi, les médecins engagés dans une même démarche d’organisation de l’offre de soins ne sont pas tous éligibles aux mêmes aides, ce que les acteurs locaux du système de santé rencontrés par la mission ont jugé incohérent.

Ÿ Les nouveaux critères de zonage des aides suscitent des interrogations sur le terrain.

Pour harmoniser les critères de zonage des aides, jusqu’ici choisis par les MRS avec une certaine marge de manœuvre, une circulaire du 14 avril 2008 (90) en a fixé deux : la densité des généralistes et leur activité (mesurée par leurs honoraires). Comme l’a souligné devant la mission (91) la ministre de la santé, le zonage qui en résulte peut être modulé par les MRS, dans la limite d’un accroissement de 20 % du nombre d’habitants compris dans ce zonage.

Toutefois, la mission a pu constater sur le terrain que ces critères sont critiqués : la densité médicale ne tient pas compte des écarts de temps de travail ni des modes d’exercice particuliers, et pour les médecins salariés à temps partiel, le montant des honoraires perçus ne donne pas une idée juste de leur charge de travail, comme l’a fait observer à la mission le représentant de l’association départementale pour l’organisation de la permanence des soins des médecins libéraux de la Mayenne (ADOPS-53).

Les critères de densité et d’activité sont également jugés insuffisants pour refléter fidèlement la capacité de l’offre de soins de premier recours à satisfaire la demande au sein d’un territoire. Des critères complémentaires devraient être pris en compte (cf. infra).

Surtout, l’attention de la mission a été appelée sur le caractère statique de l’approche proposée par la circulaire : les critères proposés ne tiennent pas compte de l’âge des médecins en place, qui constitue pourtant un facteur de fragilité majeur pour les zones où les médecins ont du mal à trouver un successeur quand ils partent à la retraite. Le directeur de l’URCAM de Bourgogne a cité en exemple le cas de Lormes, qui passerait du statut de zone déficitaire à celui de « zone sur-dotée », alors que sur 5 médecins généralistes dans cette zone, deux ont plus de 60 ans, et un est âgé de plus de 70 ans.

Enfin, le zonage des aides issu de l’application stricte des critères fixés par la circulaire du 14 avril 2008 ne coïncide pas avec le zonage actuel (cf. carte ci-dessous), en partie parce qu’ils reposent sur des unités territoriales de base différentes : le canton pour les MRS, le bassin de vie et le pseudo-canton pour la circulaire. Ainsi, la perte du statut de zone déficitaire risque dans certains cas de freiner la mise en œuvre de projets de maisons de santé.

Mise en regard du recensement des zones déficitaires par la MRS de Bourgogne
et du zonage proposé par le ministère de la santé


Source : URCAM de Bourgogne.

c) Des mesures peu connues, utilisées par peu de professionnels et avec de forts soupçons d’effet d’aubaine

Le rapport précité de M. Jean-Marc Juilhard souligne que la complexité des dispositifs d’aide à l’installation de professionnels de santé en zone sous-dense « exigerait de conduire une politique d’information plus complète en direction des étudiants et des jeunes médecins ». Or aucune politique coordonnée n’a été mise en place en ce domaine, ce qui laisse place à des initiatives non coordonnées de la part de certaines collectivités territoriales – celles qui ont institué le plus d’aides.

Ce constat a été largement confirmé devant la mission (92) par les représentants des internes de médecine générale qui dénoncent « l’absence totale d’information sur les aides existantes ». Cela contribue selon eux à la désaffection des jeunes médecins pour les zones déficitaires. Ils ajoutent d’ailleurs que « si elles sont indispensables, les mesures financières ne pourront compenser un manque général de médecins sur le territoire » car il s’agit surtout d’aides financières individuelles, ce qui ne répond pas aux attentes des jeunes professionnels, plus soucieux de la qualité de leur cadre d’exercice et de vie que de maximiser leurs revenus personnels. « Elles ne peuvent donc être que le préalable et le complément de mesures beaucoup plus larges et dynamiques ».

L’association nationale des étudiants en médecine de France (93) considère quant à elle que les aides financières engendrent plus d’effets d’aubaine qu’elles ne déclenchent de décisions d’installation. Ce serait notamment le cas de l’option conventionnelle ouverte par l’avenant n° 20 précité à la convention médicale, qui offre aux généralistes des zones déficitaires une majoration de 20 % de leurs honoraires à condition qu’ils exercent en groupe et s’engagent à exercer dans la même zone pendant trois ans. M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la CNAMTS, a précisé à la mission (94) que sur les 1 583 médecins éligibles au bénéfice de cette mesure, on recense 580 adhésions dont seulement 49 primo-installations, parmi lesquelles il évalue à une vingtaine les cas pour lesquels la majoration a eu un effet déclencheur – en moyenne, les adhérents à cette option conventionnelle reçoivent 14 800 € par an, et les 10 % d’entre eux qui en bénéficient le plus reçoivent en moyenne 25 000 €. On peut suspecter un fort effet d’aubaine, qui sera estimé lors de l’évaluation de ce dispositif prévue pour 2009.

Lors du déplacement de la mission dans la Nièvre, le directeur de l’URCAM de Bourgogne, a jugé encourageantes les premières évaluations de l’avenant n° 20, soulignant que ce dispositif vient utilement en complément d’autres mesures, notamment la création de maisons de santé.

II.- PROPOSITIONS POUR UNE STRATÉGIE D’AMÉNAGEMENT DE L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Il ressort des expériences étrangères présentées à la mission qu’il n’existe pas de « mesures miracle » pour réduire les inégalités dans la répartition territoriale de l’offre de soins. Il faut donc à la fois renforcer le pilotage de l’offre de soins de premier recours, structurer l’offre de soins et en adapter les formations médicales et paramédicales aux besoins de santé des territoires.

A. RENFORCER LES OUTILS DE PILOTAGE DE L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS ET ASSURER LEUR COHÉRENCE

Le renforcement du pilotage de l’offre de soins de premier recours est indispensable et la création d’agences régionales de santé (ARS) peut en offrir l’occasion, sous réserve de leur assigner des objectifs clairs et de leur donner des outils efficaces.

1. Édicter des normes quantifiées d’accès aux soins

Si nul ne conteste la légitimité des pouvoirs publics à garantir aux patients un égal accès aux soins, votre rapporteur observe que cette notion n’a pas le même sens pour tous les acteurs du système de santé ; la ministre de la santé a d’ailleurs souligné devant la mission (95) qu’il ne faut pas confondre l’égalité d’accès aux soins et la proximité de toutes les structures de production de soins. Pour garantir efficacement l’égal accès aux soins, il faut donc commencer par donner à cette notion un contenu concret et précis.

a) Aujourd’hui, l’accès aux soins ne se définit qu’en termes relatifs

Comme M. Frédéric van Roekeghem (96) l’a fait observer à la mission, la France n’a jamais défini en termes objectifs un niveau souhaitable d’offre de soins, contrairement à d’autres pays. C’est notamment le cas de la Grande-Bretagne, où les difficultés étaient telles que les pouvoirs publics ont dû fixer des normes quantifiées d’accès aux soins : ils garantissent par exemple un délai maximal de 48 heures pour l’accès à un généraliste, hors cas d’urgence.

Faute de référentiels quantifiés permettant d’identifier objectivement les problèmes d’accès aux soins, puis de fixer un cap aux politiques visant à les corriger, ce n’est qu’en termes relatifs que l’on peut juger si une zone est sur-dotée ou sous-dotée en offre de soins. Par exemple, selon le directeur général de la CNAMTS (97)si le nombre d’opérations de la cataracte semble plus élevé dans le Sud que dans le Nord, cela s’explique en partie par l’abondance relative de l’offre de soins dans le Sud, qui permet aux patients d’être opérés plus tôt, mais on ne saurait pour autant en déduire une sur-consommation de soins car aucun référentiel ne définit le moment optimal pour l’opération de la cataracte.

De plus, citant un sondage récent qui montre que la crainte d’une pénurie de médecins est plus forte en France qu’en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Suède alors que la densité médicale y est aussi élevée – voire plus –, M. Frédéric van Roekeghem a estimé que l’inquiétude des Français était motivée par l’évolution de la densité médicale (plus favorable en Grande Bretagne qu’en France) plutôt que par son niveau absolu (qui reste plus élevé en France qu’en Grande-Bretagne), excédant ainsi la mesure objective du problème. De ce point de vue, il serait donc rassurant pour la population que les pouvoirs publics fixent expressément le niveau minimal de services de santé qu’ils entendent garantir.

b) Fixer des objectifs quantifiés d’accès aux soins

De nombreux interlocuteurs de la mission ont souhaité que soient définies des normes quantifiées d’accessibilité des soins, exprimées en temps maximal d’accès aux soins au sein d’un territoire de santé, en tenant compte des distances physiques, du relief, du climat etc. Ainsi, pour M. Didier Tabuteau (98),directeur de la chaire « santé » de Sciences-Po, la loi devrait encadrer plus strictement les conventions réglant les rapports entre l’assurance maladie et les professionnels de santé en fixant des garanties minimales en matière d’offre de soins et de prévention. De même, selon M. Emmanuel Vigneron (99), professeur de géographie et d’aménagement du territoire à l’université de Montpellier III, la loi pourrait fixer de telles normes pour différentes pathologies, en renvoyant au pouvoir réglementaire pour en fixer le niveau exact sur avis des sociétés savantes, voire d’une « agence des territoires de santé », qui pourrait réunir des moyens d’expertise indépendants et les mettre au service du gouvernement ou des élus locaux et des directeurs d’ARS.

En effet, il existe déjà certaines normes de ce type : la loi prévoit par exemple que les règles d’accessibilité au réseau de La Poste « ne peuvent autoriser que plus de 10 % de la population d’un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste » (100). De même, les SROS ont souvent repris comme objectif des normes faisant l’objet de consensus scientifiques : 45 minutes au plus pour l’accès à une maternité, 30 minutes pour les urgences. D’ailleurs, les décrets « périnatalité » de 1998 (101) prévoient une dérogation au seuil de 300 actes par an requis pour l’autorisation d’obstétrique « lorsque l’éloignement des établissements pratiquant l’obstétrique impose des temps de trajet excessifs à une partie significative de la population ». De même, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, a indiqué à la mission (102) qu’elle avait pour objectif de porter de 80 à 90 % la part de la population vivant à moins de 20 minutes d’une structure des urgences – qu’il s’agisse d’un service d’urgence ou d’un SMUR. Devant la mission, M. Gérard Larcher (103) a aussi souhaité que tout patient victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’un accident cardiaque puisse être pris en charge en moins de trois heures, délai dans lequel il faut faire parvenir un SMUR jusqu’à lui, diagnostiquer sa pathologie et le transporter vers un site hospitalier approprié.

Pour ce qui est des soins de premier recours, M. Emmanuel Vigneron estime que le temps d’accès maximal à un médecin généraliste mériterait d’être fixé à un niveau compris entre 30 minutes – un délai inférieur ne lui semble pas réaliste – et une heure, un délai supérieur induisant probablement une sous-consommation de soins.

Certes, comme l’ont montré à la mission (104) MM. Jean Louis Bonnet et Christian Dubosq, au nom de l’Association des directeurs d’ARH, des normes trop rigides risqueraient de manquer de souplesse et d’engendrer rapidement un volume important de contentieux. En revanche, votre rapporteur considère que des normes quantifiées d’accès aux soins pourraient être fixées par la loi, par exemple en matière d’accès aux maternités ou aux SMUR, tout en permettant aux ARS d’y apporter des dérogations pour des motifs d’intérêt général ou pour des cas d’impossibilité objective – par exemple, lorsqu’il s’avère impossible de recruter un professionnel de santé.

Proposition n° 1 : Édicter des normes quantifiées d’accès aux soins fixant des objectifs clairs aux politiques d’aménagement de l’offre de soins que mèneront les ARS, pour donner à l’ensemble des Français des garanties en matière d’accès aux soins.

2. Rendre plus pertinente la territorialisation des politiques d’aménagement de l’offre de soins de premier recours

Comme la ministre de la santé l’a souligné devant la mission (105), bien qu’il n’existe pas de zonage « parfait » des difficultés d’accès aux soins, le ciblage territorial des aides à l’installation mérite d’être amélioré : il doit permettre d’anticiper les difficultés sans attendre qu’elles deviennent aiguës et, plus largement, être mis au service de politiques volontaristes d’aménagement de l’offre de soins de premier recours dans chaque territoire.

a) Réviser le zonage des aides à l’installation et au maintien des professionnels de santé

Le zonage des aides existantes doit être adapté aux spécificités de chaque territoire et permettre de prévenir l’aggravation des difficultés d’accès aux soins autant que de les traiter.

Ÿ Diversifier les critères d’analyse de l’offre de soins au vu desquels est établi le zonage des aides

Les critères de densité et d’activité des praticiens proposés par la circulaire du 14 avril 2008 précitée paraissent insuffisants pour apprécier l’adéquation de l’offre de soins à la demande au niveau d’un territoire. Dans le cadre de la concertation engagée à ce sujet par la MRS de Bourgogne, les responsables du réseau de santé du pays Nivernais-Morvan ont proposé de tenir également compte :

– de l’éloignement des centres hospitaliers ;

– de la part des médecins qui exercent dans des structures collectives ;

– de la part des patients âgés de plus de 75 ans ;

– de l’engagement des médecins dans un projet de maison de santé, signe d’une politique locale active d’organisation des soins.

Ces critères devraient aussi prendre en compte les difficultés des zones globalement sur-dotées mais où les praticiens en secteur 1 sont rares, comme à Paris. Pour le directeur de la sécurité sociale (106), ils doivent varier selon les professions et les spécialités médicales. Il faut aussi distinguer entre les médecins généralistes de premier recours et les médecins à exercice particulier.

Votre rapporteur considère en tout état de cause que les situations de rupture dans l’égal accès aux soins sont trop complexes pour que les critères de densité et d’activité envisagés suffisent à en donner une image fidèle, ce qui est d’autant plus important que les aides qui dépendent d’un classement en zone sous-dotée sont significatives.

Selon M. Étienne Déséhu, rapporteur des EGOS (107), les critères proposés par le ministère de la santé progressent peu à peu en pertinence. Devant la mission (108), la ministre de la santé a rappelé que le zonage issu de la circulaire du 14 avril 2008 n’était pas contraignant : elle a d’ailleurs souligné l’importance d’une concertation élargie à l’échelon régional, qui doit permettre d’adapter le zonage des aides publiques aux dynamiques existant sur le terrain.

Pour votre rapporteur, il faut aller plus loin dans l’adaptation du zonage des aides publiques aux réalités du terrain. Dans ce but, il ne faut pas délimiter les zones sous-dotées à partir de seuils statistiques fixés à l’échelon national, mais à partir d’analyses territorialisées de l’adéquation entre l’offre et la demande de soins. Cela suppose néanmoins un renforcement des capacités de connaissance de l’offre de soins et des besoins de santé à l’échelon local.

Or, selon M. Michel Autès (109), vice-président de l’Association des régions de France (ARF), on manque d’indicateurs de santé territorialisés : les données des URCAM ne suffisent pas à identifier les zones sous-dotées de façon assez fine, et les observatoires régionaux de santé (ORS) ont des moyens trop hétérogènes. Indiquant que ces moyens varient de 115 000 euros et 3 équivalents temps plein (ETP) en Limousin, à 1 715 000 euros et 22,3 ETP en Provence-Alpes-Côte d’Azur, un récent rapport (110) de M. Jean-Marie Rolland conclut que « les capacités de connaissance de la santé à l’échelle régionale, notamment là où les ORS sont les moins bien dotés, méritent donc d’être renforcées, notamment par un partage accru des moyens d’observation existant en région » : ceux des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des caisses d’allocations familiales (CAF), des conseils généraux pour la protection maternelle et infantile, des hôpitaux pour le PMSI, et des correspondants de l’InVS. Le rapport précité de M. Yves Bur rappelle aussi que pour établir des projets territoriaux de santé, il faut connaître l’offre de soins ambulatoires comme hospitaliers, ce que ne permettent pas « le foisonnement et le cloisonnement qui caractérisent l’offre de systèmes d’information en santé ». Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS confirme ce diagnostic et juge indispensable un « développement des niveaux régionaux et infrarégionaux d’observation et d’analyse ».

Ÿ Élargir le zonage de certaines aides afin que les pouvoirs publics puissent les mobiliser en prévention de difficultés à venir, sans attendre que les difficultés d’accès aux soins se soient aggravées.

Les acteurs rencontrés par la mission lors de son déplacement dans la Nièvre ont estimé que le remplacement d’un médecin devrait être traité avant son départ à la retraite, ce qui suppose de pouvoir mobiliser des aides à l’installation avant que les médecins ne cessent effectivement leur activité, c’est-à-dire avant que les statistiques n’enregistrent une baisse de la densité médicale pourtant prévisible.

Aménager ainsi une période de « passage de relais » entre un praticien et son successeur permettrait aussi au nouveau praticien d’acquérir progressivement le cabinet de son prédécesseur. Ainsi, pour les chirurgiens-dentistes, dont le plateau technique a un coût élevé, l’UJCD et la CNSD ont souhaité (111) que la cessation d’activité et la reprise de son cabinet par un successeur puissent être organisées de façon progressive.

C’est pourquoi le directeur général de la CNAMTS a déclaré à la mission (112) que pour limiter les effets de seuil, et pouvoir mobiliser des aides sans attendre que les difficultés d’une zone fragile soient devenues aiguës, il faut développer des aides graduées, ciblées sur des zonages concentriques : l’intensité des aides devrait varier selon les zones, afin de cibler les plus coûteuses sur les zones les plus en difficulté, tout en dispensant largement les aides moins coûteuses.

Il faut ainsi approfondir la démarche entreprise en ce sens par les MRS, qui ont complété le recensement des « zones déficitaires » par un recensement des « zones à risque » ou « zones fragiles » (cf. ci-dessous, le cas de la Mayenne), dans lesquelles le nombre de médecins généralistes installés, sans tomber au-dessous du seuil de densité considéré comme critique, reste préoccupant à court ou moyen terme et justifie certaines aides, notamment des collectivités territoriales.






Source : Mission régionale de santé des pays de la Loire, « les aides à l’installation et au maintien des médecins généralistes dans les pays de la Loire », juin 2007.

En effet, comme l’indique le rapport 2007 du comité de suivi de la démarche départementale en faveur de la démographie médicale en Mayenne, compte tenu des évolutions prévisibles des effectifs médicaux dans les cinq ou dix ans à venir, « il apparaîtrait peu prudent de ne pas anticiper et de se focaliser sur les seules zones déficitaires ».

b) Articuler différents échelons territoriaux dans les politiques d’organisation de l’offre de soins

Les règles d’élaboration des SROS (113) distinguent jusqu’à cinq échelons territoriaux différents :

– le niveau « de proximité », auquel une offre complète de soins de premier recours peut se constituer – en lien avec les hôpitaux locaux – et la permanence des soins être organisée ;

– le niveau « intermédiaire », premier niveau d’hospitalisation et de plateau technique, structuré autour de la médecine polyvalente, des urgences, de la chirurgie viscérale et orthopédique, de l’obstétrique et de l’imagerie conventionnelle ;

– le niveau « de recours », échelon de référence pour l’organisation de l’offre hospitalière et la répartition des objectifs quantifiés d’offre de soins (OQOS) par le SROS, organisé autour d’un hôpital pivot dispensant des soins spécialisés et disposant d’importants plateaux techniques ;

– le niveau « régional », duquel relèvent les prestations spécialisées qui ne sont pas assurées par les autres niveaux (chirurgie spécialisée, recherche etc.) ;

– le niveau « inter-régional » réservé à certaines activités de pointe (prise en charge des grands brûlés, greffe, neurochirurgie etc.).

Votre rapporteur souligne l’importance d’une bonne articulation de ces niveaux territoriaux, qui ne doivent pas être confondus.

Ÿ Retenir le bassin de vie (et non le canton) comme territoire de santé de proximité, à l’échelle duquel il faut organiser l’offre de soins de premier recours.

La circulaire du 14 avril 2008 précitée substitue le bassin de vie au canton comme unité territoriale de base pour l’analyse de la réponse aux besoins de santé. Devant la mission, Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, a expliqué qu’à la différence du canton, entité administrative, le bassin de vie correspond à une réalité socio-démographique : défini par l’INSEE, le bassin de vie rassemble 10 000 à 15 000 habitants en milieu rural et constitue le plus petit échelon territorial dans le cadre duquel la population a accès à la fois aux services et à l’emploi.

La mission a d’ailleurs pu constater lors de son déplacement en Mayenne l’importance du choix d’un niveau territorial pertinent d’aménagement de l’offre de soins de premier recours.

À Craon, elle a remarqué la dynamique qui rassemble les professionnels de santé et les conduit à envisager une organisation très structurée de l’offre de soins de premier recours. D’après eux, cette dynamique est née à l’issue de la « grève des gardes » des années 2000-2002, à l’occasion de la réorganisation de la permanence des soins. Les secteurs de garde ont alors été élargis – passant de plus de 30 à 16 –, et la permanence des soins est désormais organisée en 8 territoires de garde qui comprennent chacun deux secteurs de garde, et au sein desquels un seul praticien assure l’astreinte médicale, le second n’intervenant qu’au cas où le premier est déjà mobilisé.

Ces territoires constituent des bassins de vie cohérents : d’après la directrice de l’hôpital local du sud-ouest mayennais, celui du sud-ouest de la Mayenne s’étend sur trois cantons constituant le pays de Craon, soit à peu près trois communautés de communes. Pour Craon comme pour les autres territoires de garde, cela correspond aux zones d’intervention des médecins généralistes comme au ressort des hôpitaux locaux, des antennes locales des caisses d’assurance maladie et des structures médico-sociales – centres locaux d’information et de coordination (CLIC), services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), etc. C’est en effet à ce niveau que l’effectif des professionnels de santé – près d’une cinquantaine pour le cas de Craon – est suffisant pour qu’ils constituent une offre de soins cohérente, et assez resserré pour qu’ils se connaissent tous et que naisse une dynamique collective. Selon la responsable de l’hôpital local, ce territoire d’immédiate proximité constitue l’échelle optimale pour organiser une prise en charge globale des patients âgés, tant sanitaire que médico-sociale ; l’hôpital local y participe, puisqu’il dispose de lits de médecine et de SSR, fait intervenir des médecins libéraux, et gère un EHPAD. En outre, c’est à l’échelle du territoire d’immédiate proximité que des mutualisations sont possibles entre structures médico-sociales, pour recruter certains personnels spécialisés (diététicien etc.) ou organiser la continuité des soins. De telles synergies seraient beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre à l’échelle des territoires « intermédiaires » ou « de recours », qui sont polarisés par les plateaux techniques.

La directrice des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de la Mayenne, a confirmé ce diagnostic en soulignant que ces territoires de garde (cf. carte ci-dessous) avaient acquis un caractère « très structurant », au point de constituer aujourd’hui l’échelon territorial de référence pour l’organisation de l’offre de soins de premier recours en général.

Les territoires de santé d’immédiate proximité en Mayenne

Source : DDASS de la Mayenne / CPAM de Laval, rapport 2007 du groupe de suivi de la démarche départementale en faveur de la démographie médicale, décembre 2007.

Dans la même logique, dans la région Pays de la Loire, la MRS a délimité 46 « territoires d’immédiate proximité » pour l’accès aux soins de premier recours, qui correspondent au « niveau de proximité » défini par la circulaire du 5 mars 2004 précitée relative aux SROS. Ces territoires ont un périmètre plus restreint que ceux des 15 « territoires de santé de proximité » des Pays de la Loire – qui correspondent au « niveau intermédiaire » de la même circulaire – et des 7 « territoires de santé de référence » – « niveau de recours » au sens de cette circulaire.

Proposition n° 2 : Réviser la carte des zones sous-dotées en offre de soins, à partir d’une évaluation concertée et prospective des besoins de santé de chaque bassin de vie, pour identifier de façon plus fidèle et plus cohérente qu’aujourd’hui les cas de tension dans l’offre de soins de premier recours.

Ÿ Retenir l’échelle plus large du « territoire de recours » des SROS, pour la mutualisation des moyens hospitaliers dans le cadre des futures communautés hospitalières de territoire.

Le rapport précité de M. Gérard Larcher sur les missions de l’hôpital préconise des rapprochements entre hôpitaux publics au sein de « communautés hospitalières de territoire », pour développer la mutualisation des moyens et le partage de stratégies de développement entre hôpitaux publics (cf. infra). Selon ce rapport, il est crucial que ces communautés aient un périmètre pertinent, non basé sur les territoires des intercommunalités.

En effet, pour procéder aux mutualisations attendues, il faut que ces communautés atteignent un périmètre critique permettant des économies d’échelle.

Pour votre rapporteur, le « territoire de recours », unité territoriale de référence pour la planification hospitalière, semble donc plus désigné que le « territoire de proximité » pour servir d’échelle de référence aux futures communautés hospitalières de territoire, car il est plus étendu. Les professionnels rencontrés à Craon ont mis en garde la mission contre un découpage trop étroit du périmètre de ces communautés : les seules économies d’échelles possibles consisteraient alors à transférer les lits de médecine des hôpitaux locaux aux petits centres hospitaliers – risque également souligné par le président de l’Association nationale des hôpitaux locaux (ANHL) (114). Pour votre rapporteur, une telle situation serait regrettable, car l’hôpital local peut jouer un rôle structurant dans l’organisation de l’offre de soins de premier recours sur un territoire d’immédiate proximité : celui du sud-ouest mayennais abrite ainsi une maison médicale de garde et se prépare à accueillir une maison de santé pluridisciplinaire (cf. infra).

c) Compléter les dispositifs d’aide reposant sur un zonage par des aides visant à structurer un maillage.

Plusieurs des interlocuteurs de la mission ont souligné les limites inhérentes au principe même d’un zonage. Selon M. Frédéric van Roekeghem (115), tout zonage crée notamment des « effets de seuil » : il peut susciter chez les médecins d’une zone déficitaire des réticences à voir s’installer des praticiens supplémentaires lorsque ce renfort aurait pour effet de porter la zone à une densité médicale telle, qu’ils perdraient le bénéfice de certaines aides. Il ajoute qu’inévitablement, les pouvoirs publics sont confrontés à des demandes d’extension du zonage des aides, d’où un risque « d’inflation ».

Un zonage engendre aussi des « effets d’aubaine » : selon les représentants de la MSA, c’est notamment le cas de la majoration de 20 % applicable aux honoraires des médecins généralistes exerçant en groupe dans une zone déficitaire, qui bénéficie surtout aux médecins déjà installés en zone déficitaire avant l’instauration de ce dispositif.

Par des « effets de frontière », le zonage crée aussi de nettes différences de traitement entre zones voisines, et peut motiver des délocalisations d’activité vers les communes classées en zone déficitaire depuis les communes voisines – les représentants de l’Association nationale des villes pour le développement de la santé publique en ont évoqué certains cas devant la mission (116).

C’est pourquoi votre rapporteur considère que les aides à l’installation et au maintien des professionnels de santé ne doivent pas reposer seulement sur des zonages, mais procéder aussi d’une démarche de maillage du territoire. Pour la MSA (117), il vaut mieux structurer des réseaux de prise en charge – notamment en développant des réseaux de santé, des cabinets secondaires et des moyens de transport des patients – que concentrer des moyens publics dans des zones rurales parfois peu attractives.

Selon l’ARF (118), plutôt qu’implanter des maisons de santé pluridisciplinaires dans les zones déficitaires, mieux vaut les déployer de façon à consolider le maillage existant de l’offre de soins et permettre aux professionnels de rayonner vers ces zones. On pourrait notamment souhaiter que les investissements immobiliers réalisés en vue de l’installation de professionnels de santé par les communes ou leurs groupements en dehors des zones déficitaires soient éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Proposition n° 3 : Mobiliser des aides publiques pour renforcer le maillage territorial de l’offre de soins, même en dehors des zones classées déficitaires, afin d’atténuer les effets de seuil, de frontière, voire d’aubaine inhérents au principe même du zonage.

3. Renforcer la cohérence et l’efficacité du pilotage territorial de l’offre de soins de premier recours

Aujourd’hui éclaté entre l’État, l’assurance maladie et les collectivités territoriales, cloisonné entre les soins ambulatoires, l’hôpital, la santé publique et les services médico-sociaux, le pilotage de l’offre de soins de premier recours doit être simplifié et rendu plus cohérent.

a) Piloter conjointement les soins ambulatoires, l’offre hospitalière et les structures médico-sociales

La ministre de la santé a confirmé à la mission (119) que les futures ARS seraient compétentes à la fois en matière de santé publique, de soins de ville, d’offre hospitalière et d’offre médico-sociale financée par l’assurance maladie. Leur création suscite donc de fortes attentes parmi les acteurs du système de santé.

Ainsi, soulignant le cloisonnement entre le pilotage du secteur médico-social, celui des soins ambulatoires et celui de l’hospitalisation, les représentants du syndicat national des établissements et résidences pour personnes âgées (SYNERPA) ont souhaité devant la mission (120) une plus grande fongibilité des enveloppes, qui permette aux établissements médico-sociaux de participer plus activement à la gestion de la santé de leurs résidents. De même, M. Yves Bur relève dans son rapport précité que la prise en charge des personnes âgées est au cœur des évolutions nécessaires de l’offre de soins, ce qui justifie de traiter ensemble les services de soins de suite et de réadaptation (SSR), les unités de soins de longue durée (USLD) et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il évoque aussi certaines complémentarités exploitables entre les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, par exemple en mutualisant les gardes et astreintes médicales.

Surtout, les ARS pourront résoudre le cloisonnement de l’offre de soins entre la ville et l’hôpital, unanimement dénoncé. M. Yves Bur estime ainsi que « compétentes pour organiser conjointement l’offre de soins ambulatoires et hospitaliers, les ARS pourront contribuer à rééquilibrer l’offre de soins au profit des soins ambulatoires et à résoudre la « crise des soins primaires », c’est-à-dire la perte relative de sens du métier de généraliste », liée selon lui au consumérisme croissant de certains patients, à l’influence des industriels du médicament et à la tendance générale actuelle à la réduction du temps de travail. Dans un avis récent (121), la Conférence nationale de santé considère elle aussi qu’il faudra juger les ARS à leur « capacité à promouvoir les soins de santé primaire » et plaide en faveur d’un « recentrage » des activités de soins, qui consisterait à « passer d’un système hospitalo-centré à un système ambulo-centré, véritablement organisé ».

b) Mobiliser les collectivités territoriales en veillant à garantir la cohérence et l’équité des interventions publiques en faveur de l’offre de soins de premier recours

Dans les politiques d’aménagement de l’offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire, les collectivités territoriales ont toute leur place, pourvu qu’un cadre commun assure la lisibilité de l’action des pouvoirs publics, la simplicité des dispositifs d’aides ainsi mis en place et l’équité de traitement entre les différents territoires.

Ÿ Mobiliser les collectivités territoriales.

La territorialisation des politiques de santé passe par une implication des collectivités territoriales, même si la santé ne relève pas de leur champ de compétences propre.

Selon l’Association nationale des villes pour le développement de la santé publique, les communes peuvent notamment développer leurs propres centres de santé en cas de carence de l’offre libérale. Son président a d’ailleurs estimé devant la mission que même si de telles dépenses pouvaient être perçues comme des transferts de charges aux collectivités territoriales, elles étaient appelées à se généraliser. Ainsi, les représentants de l’ARF (122) estiment que les collectivités doivent prendre l’initiative de créer des maisons de santé pluridisciplinaires, car les praticiens ont du mal à s’organiser par eux-mêmes et parce que le porteur du projet doit être suffisamment proche du terrain pour « faire du sur-mesure ». L’ARF recommande aussi aux régions de recruter des animateurs territoriaux afin de mobiliser les professionnels autour de tels projets.

Ses représentants soulignent également que les élus ont su apporter aux MRS un éclairage de terrain qui s’est avéré très utile dans la délimitation des zones déficitaires, et qu’ils doivent continuer à le faire avec les futures ARS. Selon eux, l’implication des élus et, plus largement, la « démocratie sanitaire » met parfois en lumière des préoccupations locales inattendues : par exemple, à Marmande (Lot-et-Garonne), la prévention du suicide des jeunes est apparue comme une des priorités de la population. D’après la ministre de la santé (123), l’association des élus à l’élaboration des plans d’action des ARS en matière de soins ambulatoires devrait permettre d’affiner le ciblage territorial des aides publiques en prenant en compte les spécificités locales.

L’ARF regrette cependant que la collaboration entre les collectivités territoriales et l’assurance maladie se heurte à certains obstacles techniques ou juridiques. Pour la favoriser, il faudrait assouplir le cadre juridique de leurs interventions respectives et développer des guides méthodologiques ou des règlements d’intervention communs.

L’Union des jeunes chirurgiens-dentistes (UJCD) suggère en outre que les collectivités territoriales tiennent au sein des lieux de formation des professionnels de santé des « forums de l’installation » où elles pourraient faire valoir leurs atouts aux étudiants.

Votre rapporteur considère que les collectivités territoriales sont les mieux placées pour offrir aux professionnels susceptibles de s’installer sur leur territoire un accompagnement personnalisé. Il faut en effet agir sur tous les déterminants de l’installation des professionnels de santé, y compris par des aides à la recherche d’un emploi pour leur conjoint ou de possibilités de scolarisation pour leurs enfants, comme le suggère Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins.

Ÿ Créer un guichet unique pour les professionnels de santé qui souhaitent exercer dans un territoire, afin de simplifier leurs démarches et mobiliser toutes les aides, y compris celles des collectivités territoriales.

Il ressort des travaux de la mission que ni les professionnels de santé, ni les étudiants ne comprennent les dispositifs d’aides au maintien ou à l’installation auxquels ils sont éligibles dans les zones déficitaires. La création d’un guichet unique pour les aides et les procédures d’installation fait ainsi partie des demandes exprimées par certains syndicats médicaux – notamment par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) (124) – comme par les représentants des étudiants reçus par la mission (125).

La ministre de la santé a elle-même déclaré à la mission (126) qu’avec la multiplication des dispositifs d’aide de l’État, de l’assurance maladie et des collectivités territoriales, nos politiques d’aménagement de l’offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire en sont arrivées au même état de désorganisation et d’incohérence que les politiques d’aménagement du territoire dans les années 1980.

Votre rapporteur se félicite qu’elle se soit déclarée favorable à la création d’un guichet unique pour toutes les aides à l’installation. Les ARS pourraient être chargées de mettre en place et de gérer un tel guichet. Comme le suggère Mme Annie Podeur, il serait utile d’y associer aussi les organes représentatifs des professionnels de santé, et de ce point de vue, il pourrait être utile que l’ensemble des libéraux dispose en région d’un organe unique de représentation et de concertation, à l’image de ce que fait au niveau national l’Union nationale des professions de santé (UNPS) ou de ce que font pour les médecins les Unions régionales des médecins libéraux (URML).

Ÿ Assurer la cohérence des différentes aides et leur offrir une visibilité pluriannuelle en les intégrant dans un document de planification sanitaire établi par les ARS.

Pour renforcer la coordination des aides de l’État, de l’assurance maladie et des collectivités territoriales, il faudrait également que tous ces dispositifs d’aides soient organisés par un schéma régional d’organisation des soins ambulatoires (« SROS ambulatoire »), équivalent du SROS pour les soins de ville, comme l’a envisagé la ministre de la santé.

Une telle disposition assurerait la cohérence des différents dispositifs et leur donnerait une visibilité pluriannuelle. En effet, les acteurs de la santé sont nombreux à regretter le manque de pérennité de ces aides souvent financées à titre expérimental. Ainsi, les maisons de santé pluridisciplinaires devraient avoir une visibilité pluriannuelle de leur financement, ce qui a manqué aux réseaux de santé, comme M. Étienne Déséhu, rapporteur des EGOS, l’a souligné (127). De même, l’Association nationale des villes pour le développement de la santé publique (128) souhaite que les actions de prévention auxquelles participent notamment les centres de santé soient financées de façon pluriannuelle, et non sur la base des appels à projets annuels des GRSP.

Pour la ministre, faire du « SROS ambulatoire » le document de référence pour toutes les aides publiques, y compris celles des collectivités territoriales (contrats d’engagement assortis à des bourses d’études, mise à disposition de locaux, prise en charge des frais de logement et de transport des stagiaires, etc.), justifierait que les élus territoriaux soient associés à l’élaboration de ce document, ainsi qu’à la gouvernance des ARS.

Que le « SROS ambulatoire » intègre obligatoirement ou pas l’ensemble des aides des collectivités territoriales, votre rapporteur souligne qu’en tout état de cause, l’association des élus aux travaux des ARS est très souhaitable, et qu’elle correspond d’ailleurs à une attente de la majorité des acteurs du système de santé.

Ainsi par exemple, même s’il n’envisage pas que ces collectivités aient des pouvoirs étendus en matière de planification hospitalière, M. Claude Évin (129), président de la Fédération hospitalière de France, a jugé « indispensable » le dialogue avec les élus. Les représentants des collectivités territoriales souhaitent quant à eux prendre une part active au fonctionnement des ARS : l’ARF estime ainsi que les conseils régionaux méritaient plus qu’un siège sur 35 au sein d’un conseil de surveillance présidé par le préfet de région comme le ministère de la santé l’envisagerait. En effet, les élus représentent non seulement leur collectivité, mais aussi les malades et, plus largement, les contribuables : le système de santé n’étant plus financé exclusivement par des cotisations sociales, mais aussi par l’impôt, le principe suivant lequel « qui paie, décide » ne justifie plus une gestion strictement paritaire des dépenses d’assurance maladie.

Proposition n° 4 : Charger les ARS de mettre en cohérence les aides publiques à l’installation ou au maintien des professionnels de santé et de les rendre plus lisibles, en les intégrant toutes – y compris celles des collectivités territoriales – dans un même outil de planification et en créant un guichet unique pour leur promotion auprès des professionnels de santé.

Ÿ Encadrer les aides des collectivités territoriales pour éviter qu’elles ne se livrent à une surenchère en la matière.

Votre rapporteur observe que les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à prendre des mesures visant à inciter les professionnels de santé à s’installer sur leur territoire. Outre que la cohérence de ces aides entre elles n’est pas évidente et que certains projets – pourtant coûteux, notamment en matière immobilière – s’avèrent inefficaces, la concurrence qui s’instaure entre les collectivités territoriales est critiquable à deux égards :

– elle conduit à une surenchère dont l’effet inflationniste est d’autant moins justifiable qu’elle bénéficie surtout à des médecins, lesquels ont des revenus déjà élevés quand ils exercent dans les zones déficitaires qui leur procurent un niveau d’activité supérieur à la moyenne ;

– les collectivités susceptibles d’offrir le plus d’aides sont nécessairement celles dont le potentiel fiscal est le plus fort, comme l’a fait observer à la mission M. Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois. Or, d’après M. Pierre Dartout (130), délégué interministériel à l’aménagement et la compétitivité des territoires (DIACT) les régions, les départements, les intercommunalités ou les communes les plus riches ne sont pas toujours celles qui manquent le plus de professionnels de santé ; au contraire, on sait que pour les soins peu remboursés par l’assurance maladie, comme les soins dentaires ou les actes en secteur 2, les praticiens ont tendance à s’installer auprès des populations les plus aisées.

Faute de coordination entre les collectivités, ces aides créent des effets de frontière, avec un risque d’éviction au détriment des collectivités les moins riches. Les difficultés de certaines zones à attirer des professionnels de santé s’expliquent d’ailleurs par un manque d’attractivité général, que ces mêmes difficultés contribuent à accentuer, par un effet de cercle vicieux.

Votre rapporteur souligne que parmi les élus consultés par la mission, un grand nombre souhaite un encadrement des aides des collectivités territoriales. Ainsi, M. René-Paul Savary (131), représentant de l’Assemblée des départements de France, juge que la concurrence entre collectivités territoriales en la matière est vaine, puisque leurs aides en viendront à se neutraliser au terme d’une surenchère qui peut être très coûteuse.

C’est pourquoi votre rapporteur juge utile de réguler l’intervention des collectivités territoriales en matière d’aides à l’installation. Les modalités envisageables pour une telle régulation – plafonnement des aides, harmonisation des dispositifs à l’échelon régional, co-financement par l’assurance maladie modulé en fonction de la situation de la collectivité, etc. – méritent d’être étudiés, en lien avec les collectivités territoriales.

Proposition n° 5 : Encadrer, par la loi, les aides des collectivités territoriales à l’installation et au maintien des professionnels de santé et prévoir un cofinancement modulable par l’assurance maladie, afin d’éviter une surenchère à la fois coûteuse et inéquitable entre collectivités.

4. Encadrer les dépassements d’honoraires

Comme le HCAAM, qui considère dans son rapport 2007 « qu’il convient de stopper la dérive des dépassements », M. Daniel Lenoir (132), président de la Mutualité française, a estimé que le montant et la fréquence des dépassements d’honoraires sont trop excessifs pour que cette situation soit tenable. Votre rapporteur partage pleinement ce point de vue.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (133) a renforcé l’information des patients sur les dépassements d’honoraires, en faisant obligation aux professionnels de santé libéraux d’établir un devis écrit avant tout acte dont le montant dépasse un seuil qui doit être fixé par un arrêté ministériel. La ministre de la santé a indiqué à la mission (134) qu’elle envisageait de fixer ce seuil à 80 euros.

Elle a aussi indiqué qu’elle préparait deux décrets, visant pour l’un à renforcer les moyens dont disposent les caisses d’assurance maladie pour infliger des sanctions administratives aux médecins qui manquent à certaines de leurs obligations, et pour l’autre à définir « le tact et la mesure » avec lesquels les médecins sont censés fixer leurs honoraires (article 53 précité du code de déontologie médicale).

Le gouvernement envisage en outre d’imposer aux établissements d’hospitalisation privés à but lucratif en position de monopole dans un territoire de santé d’appliquer les tarifs conventionnels pour une part de leur activité.

Ces avancées méritent d’être saluées, mais votre rapporteur relève que les textes en vigueur permettent d’aller plus loin pour résorber les inégalités financières dans l’accès aux soins. L’article L. 162-5-13 du code de la sécurité sociale permet par exemple à la convention médicale de fixer soit un plafond de dépassement d’honoraires par acte, soit un plafond annuel pour les dépassements perçus par un praticien pour l’ensemble de son activité. Ces dispositions pourraient utilement être mises en application.

Proposition n° 6 : Encadrer, par la convention médicale, les dépassements d’honoraires des professionnels de santé, pour corriger les inégalités financières dans l’accès aux soins.

5. Encadrer la liberté d’installation des professionnels de santé libéraux par des mesures « désincitatives », voire contraignantes

Certains interlocuteurs de la mission considèrent qu’il n’est pas possible de corriger les inégalités croissantes dans la répartition des professionnels de santé, notamment des médecins, par des mesures purement incitatives, comme cela a été tenté depuis quelques années.

Ainsi, pour M. Gérard Larcher (135), sénateur chargé d’une mission sur l’avenir de l’hôpital public, comme pour une large part des acteurs du système de santé rencontrés par la mission, la « socialisation » d’une large part des dépenses de santé ôte à la médecine de ville une partie de son caractère « libéral », et justifierait que les pouvoirs publics prennent des mesures visant à concilier la liberté d’installation des médecins et l’organisation d’une réponse satisfaisante aux besoins de santé des territoires.

Votre rapporteur constate que l’idée d’un encadrement de la liberté d’installation des médecins progresse. Récemment, l’Académie nationale de médecine a ainsi envisagé de recourir à des mesures contraignantes en matière de liberté d’installation pour le cas où l’orientation des étudiants ne suffirait pas à améliorer la situation (136). De même, le rapport 2007 du HCAAM juge nécessaire de dépasser la politique de « moindre contrainte » et dans son rapport précité, M. Jean-Jacques Juilhard rappelle les déclarations tenues le 18 septembre 2007 (137) par le Président de la République, suivant lesquelles « en matière de démographie médicale, il faut au minimum s’inspirer des négociations entre l’assurance maladie et les infirmières ».

On peut en effet envisager des mesures plus ou moins contraignantes pour encadrer la liberté d’installation des médecins :

– des mesures « désincitatives » pourraient être prises pour dissuader les médecins de s’installer dans les zones déjà sur-dotées en offre de soins ;

– plus contraignant, un dispositif de « conventionnement sélectif » pourrait être mis en place, consistant à limiter le nombre de nouveaux conventionnements accordés aux médecins s’installant dans les zones sur-dotées, à l’image de ce qui est prévu pour les infirmiers par le protocole d’accord précité ;

– pour aller plus loin, des règles géo-démographiques d’installation des cabinets médicaux, maisons médicales et centres de santé pourraient être instituées, à l’image de ce qui existe pour les pharmacies.

Ces différents types de mesures peuvent être envisagés dans le cadre d’une réponse graduée aux problèmes de désertification médicale. Il faut noter que plusieurs principes fondamentaux de l’exercice traditionnel de la médecine libérale française ont déjà connu des aménagements :

– la liberté de choix du médecin par le patient est aujourd’hui encadrée par le dispositif du médecin traitant ;

– la liberté de fixer ses honoraires est limitée par les tarifs conventionnels ;

– la liberté de prescription n’empêche pas les caisses d’assurance maladie de mener des actions de maîtrise médicalisée des dépenses de médicament.

Il ressort, il est vrai, des auditions de la mission que certaines mesures contraignantes en matière de liberté d’installation n’auraient pas l’effet escompté sur la répartition territoriale des médecins généralistes de premier recours. En effet, les médecins pourraient contourner de telles mesures, par exemple en choisissant un mode d’exercice particulier. En outre, d’après le syndicat des médecins libéraux (138), un dispositif de « conventionnement sélectif » ou des mesures « désincitatives » n’attireraient pas les médecins dans les zones sous-dotées : ils s’installeraient plutôt dans les villes moyennes (pour préserver leur vie familiale) ou se concentreraient en périphérie des grandes villes sur-dotées, à l’image de ce que font les médecins français autour de Monaco, où ils n’ont pas le droit de s’installer.

Pourtant, votre rapporteur juge indispensable que des freins soient mis à l’installation de professionnels de santé toujours plus nombreux dans les zones sur-dotées, alors que se développent de véritables « déserts médicaux ».

Quelles que soient les mesures qui pourraient être prises, elles ne devront concerner ni les médecins déjà installés, ni les futurs médecins qui ont déjà entamé leur internat. Elles doivent en outre être présentées comme la contrepartie des efforts consentis par les pouvoirs publics pour améliorer la formation et les conditions d’exercice des professionnels de santé. Parmi ces efforts, on peut citer notamment l’augmentation continue des numerus clausus des différentes filières médicales et paramédicales.

Dans un premier temps, il pourrait s’agir de mesures « désincitatives », ne remettant pas en cause le principe même de la liberté d’installation des médecins libéraux. Par exemple, le niveau de la prise en charge des cotisations sociales des médecins par l’assurance maladie pourrait être modulé en fonction de la zone où ils s’installent, de façon à désavantager ceux qui viennent exercer dans une zone déjà sur-dotée. Comme le directeur général de la CNAMTS l’a souligné devant la mission (139), une telle mesure permettrait au moins, dans un premier temps, de marquer une différence de traitement entre ces médecins et ceux qui vont exercer dans les zones où ils sont le plus nécessaires.

Des mesures du même type devraient être prises aussi pour les autres professionnels de santé et si de telles mesures ne suffisaient pas à corriger certains déséquilibres dans la répartition de l’offre de soins, il faudrait alors en venir à des mesures plus contraignantes.

Proposition n° 7 : Sans remettre en cause le principe de la liberté d’installation des médecins libéraux, mettre des freins à l’installation de professionnels de santé dans les zones déjà sur-dotées en offre de soins, dans un premier temps par des mesures « désincitatives » comme, par exemple, une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie.

B. STRUCTURER L’OFFRE DE SOINS DE PREMIER RECOURS POUR LES RENDRE PLUS EFFICACES, PLUS EFFICIENTS ET PLUS ATTRACTIFS POUR LES PROFESSIONNELS

1. Établir une définition législative des soins de premier recours

a) Le code de la santé publique devrait reconnaître la spécificité de l’offre de soins de premier recours

Il ressort des travaux des EGOS que les professionnels impliqués dans l’offre de soins de premier recours, – notamment les médecins généralistes de premier recours – souhaitent vivement que leur statut juridique tienne compte des spécificités de leur activité, dont l’avis précité de la conférence nationale de santé en esquisse une description (cf. encadré ci-dessous).

Les « soins de premier recours », ou « soins primaires »

Les disciplines de soins primaires présentent les caractéristiques suivantes : premier accès avec le système de santé, accès ouvert, discipline centrée sur la personne, discipline orientée vers l’individu, la famille et la communauté, relation personnalisée dans le temps, utilisation efficiente des ressources, développement de la promotion et de l’éducation de la santé, action en santé publique. La multiplicité des acteurs de soins primaires, médicaux et paramédicaux et des acteurs du social, ainsi que des représentants des malades et autres acteurs associatifs, impose des échanges entre professionnels via la coordination des soins, les réseaux et filières, et des collaborations entre secteur social, médico-social et sanitaire, quel que soit le mode de gestion, des échanges avec la famille et l’entourage des patients, des échanges liés aux activités non soignantes dans les cabinets médicaux ou paramédicaux et dans la communauté. Il s’agit aussi d’améliorer la communication médecin-malade.

En résumé, les soins primaires c’est la proximité, l’accès de premier recours au système de santé, une approche globale des patients et la porte d’entrée privilégiée vers les soins de santé secondaires et tertiaires.

Source : Conférence nationale de santé, avis du 22 mars 2007, « Les voies d’amélioration du système de santé français ».

Dans son rapport sur la médecine générale, M. Pierre-Jean Lancry souligne lui aussi la spécificité des soins de premier recours : il définit le médecin généraliste de premier recours comme un praticien « qui coordonne les soins nécessaires au patient, assure la synthèse, permet la continuité des soins par un suivi au long cours et développe une démarche de santé publique ». Selon lui, c’est cette approche que le législateur a entendu valoriser en reconnaissant la médecine générale comme spécialité médicale.

À l’issue de la première journée de restitution des EGOS, la ministre de la santé a aussi jugé nécessaire de définir la médecine générale de premier recours : « À mon sens, le médecin généraliste de premier recours doit notamment :

– assurer la prise en charge médicale de premier recours, organisée sur ce territoire, y compris dans les hôpitaux locaux et dans les structures d’hospitalisation à domicile.

– il doit également orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés en fonction de son besoin de soins, faire de la prévention et participer à la permanence des soins du territoire de santé » (140). La ministre ajoute qu’il lui paraît essentiel que cette définition soit inscrite dans le code de la santé publique.

Aussi, comme Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, l’a indiqué à la mission (141), il est envisagé d’inscrire dans le code de la santé publique une définition des soins de premier recours selon laquelle le système de santé garantit à tous les malades et usagers, à proximité de leur lieu de vie ou de travail, dans la continuité, l’accès à des soins de premier recours. Ces soins comprendraient la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement des maladies et des affections courantes, la dispensation de médicaments, produits et dispositifs médicaux, l’orientation dans le système de soins et l’éducation pour la santé.

Votre rapporteur considère qu’une telle reconnaissance des soins de premier secours dans le code de la santé publique est indispensable pour développer de véritables politiques d’aménagement de cette offre de soins.

b) Une définition législative des soins de premier recours constituerait le fondement d’une véritable politique d’aménagement des soins primaires et redonnerait du sens à la médecine générale

Quelle que soit la définition des soins de premier recours proposée par le futur projet de loi sur les patients, la santé et les territoires, celle-ci devra mettre en avant le caractère interdisciplinaire des soins de premier recours et les missions de santé publique qu’ils comprennent.

Ÿ Reconnaître le caractère interdisciplinaire de l’offre de soins de premier recours, préalable à toute politique d’aménagement des soins de premier recours.

Comme l’a indiqué M. Michel Autès (142), vice-président de l’Association des régions de France, il manque une véritable politique d’aménagement des soins de premier recours car ces activités ne reposent que sur les médecins généralistes, alors que dans les autres pays, les paramédicaux y tiennent une place plus importante, notamment dans les actions de santé publique. M. Didier Tabuteau, directeur de la chaire « santé » de Sciences-Po, a précisé à la mission (143) que le « tout médecin » constituait une spécificité française se manifestant notamment par une certaine méfiance du corps médical envers l’État, un ratio infirmières / médecins plus faible que dans les autres pays et très peu de délégations de tâches.

Cette faible gradation des fonctions dans le système de santé ne permet de développer ni la santé publique – parent pauvre du système – ni des modes de prise en charge innovants, dépassant le paiement à l’acte, notamment pour les ALD. En Belgique par exemple, chaque patient est inscrit auprès d’une maison de santé, à laquelle l’assurance maladie verse un montant forfaitisé pour sa prise en charge : par des délégations de tâches, un suivi adapté aux malades chroniques et des actions de prévention, ces maisons économisent en moyenne 30 % de ces forfaits, ce qui leur permet de financer notamment des actions de santé publique.

L’élaboration d’une véritable politique d’aménagement des soins de premier recours passe donc par une meilleure coopération entre les professionnels de santé, laquelle doit trouver son fondement dans la définition même des soins de premier recours.

Ÿ Redonner du sens à l’exercice médical en passant d’une logique de distribution de soins à une logique de prise en charge globale de la santé d’une population.

La société française de santé publique (SFSP) constate que les généralistes français traversent une vraie crise, qui contribue à expliquer la faible attractivité de la médecine générale de premier recours pour les jeunes médecins diplômés. S’ils aiment leur métier, leur surcharge de travail est telle – on parle communément d’un burn out –, qu’ils ont l’impression de rendre au patient un service de moindre qualité ; leur exercice professionnel perd ainsi de son sens.

M. Didier Houssin, directeur général de la santé, partage ce point de vue (144) : selon lui, les généralistes souffrent aujourd’hui d’un manque d’estime de soi parce qu’ils ont l’impression de ne pas apporter un service à la population, mais de répondre aux demandes de patients de plus en plus « consommateurs », sous la pression croissante des industriels. La médecine générale a perdu de son sens depuis qu’elle n’est plus perçue comme une vocation « sacrificielle », mais comme un métier comme un autre.

Pour la SFSP, cette situation appelle une « rupture » dans l’organisation de la médecine générale de premier recours, qui consisterait à introduire dans l’activité des généralistes une forte part d’actions de santé publique, notamment de prévention (cf. encadré ci-dessous), pour lesquelles des délégations de tâches devraient permettre de dégager le temps médical nécessaire.

Les « pratiques cliniques préventives » évoquées par la société française de santé publique

Le médecin généraliste est bien placé pour effectuer différentes actions de prévention :

– des actions de prévention médicalisée : vaccination, repérage précoce et intervention brève (alcool, cannabis etc.), dépistage opportuniste (i.e. en présence de facteurs de risques cardiovasculaires) ou organisé (notamment pour le cancer du sein), consultation de synthèse annuelle pour certaines maladies (à l’image de ce qui est prévu à l’hôpital pour le VIH), traitements visant à réduire l’apparition de complications ou des rechutes, etc. ;

– des actions d’information et de conseil des patients sur des risques très divers : tabagisme, nutrition, hygiène, risques sportifs ou au travail, etc. ;

– des actions d’éducation pour la santé qui, au-delà d’un simple conseil, visent à permettre au patient de faire des choix éclairés concernant leur santé : contraception etc. ;

– des actions d’éducation thérapeutique du patient : visant à aider les malades, notamment chroniques, à adopter de nouveaux comportements.

Source : Société française de santé publique, « Des missions de santé publique pour les médecins généralistes », note de 23 juin 2008.

Il s’agit pour la SFSP de faire évoluer le métier de médecin généraliste d’une fonction de production d’actes pour une clientèle, à une fonction de gestion globale de la santé d’une patientèle. Cela suppose d’articuler deux approches dans les missions de santé publique des médecins :

– une approche individuelle, dans le cadre du colloque singulier du patient avec son médecin, qui permet de personnaliser les actions de prévention ;

– une approche collective, épidémiologique, dans laquelle le médecin aurait la charge d’une patientèle, c’est-à-dire des patients qui l’ont choisi comme médecin traitant. Il serait ainsi responsable de la diffusion des actions de prévention parmi l’ensemble de ses patients – c’est-à-dire en veillant à un bon taux de couverture vaccinale.

En confiant aux médecins généralistes de premier recours la charge de suivre de façon globale et continue la santé d’une population, un tel système valorise leur spécificité par rapport aux autres spécialistes. La SFSP recommande donc d’intégrer leurs missions de santé publique dans la loi, « seul moyen de permettre aux médecins généralistes de s’investir dans ce champ ». Ainsi, une définition des compétences du médecin généraliste de premier recours pourrait inclure notamment les missions suivantes :

– contribuer à l’offre de soins ambulatoires sur un territoire donné, en assurant la prise en charge médicale de premier recours, y compris dans les hôpitaux locaux et dans les structures d’hospitalisation à domicile ;

– orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés en fonction de son besoin de soins ;

– assurer ou organiser le dépistage et la prévention des risques évitables, le suivi et l’éducation des patients dont il est le médecin traitant et participer à des actions de prévention et dépistage ;

– veiller à l’application des protocoles concernant les soins de longue durée et contribuer au suivi des maladies chroniques, en coopération avec les autres intervenants participant à la prise en charge du patient ;

– assurer la synthèse des informations médicales transmises par les différents intervenants et la tenir à leur disposition ;

– participer à la permanence des soins du territoire de santé.

Votre rapporteur considère que cette définition pourrait utilement inspirer le projet de loi annoncé sur les patients, la santé et les territoires.

Proposition n° 8 : Établir une définition législative des soins de premier recours tenant compte de leur dimension pluridisciplinaire et de la place de la santé publique en leur sein, afin de promouvoir une logique de prise en charge globale de la santé d’une population plutôt qu’une logique de distribution de soins.

2. Valoriser les missions de santé publique des médecins par des mandats de santé publique rémunérés au forfait

a) Confier aux professionnels de véritables mandats de santé publique

Les missions de santé publique confiées aux médecins généralistes de premier recours doivent être définies avec précision, adaptées aux conditions d’exercice de chaque praticien et rendues très visibles pour la population.

Ÿ Il faut individualiser les missions de santé publique confiées aux médecins généralistes de premier recours.

Les missions de santé publique confiées à chaque généraliste doivent tenir compte notamment des priorités régionales ou locales de santé publique. On observe en effet d’importantes disparités régionales dans l’état de santé de la population : par exemple, la proportion d’enfants de 5 à 6 ans souffrant d’obésité est presque deux fois plus élevée en Ile-de-France (4,8 %) que dans les Pays de la Loire (2,5 %) (145), et le taux de participation au programme de dépistage organisé du cancer du sein varie de 36 % en Corse à 63,4 % dans les Pays de la Loire (146). C’est pourquoi dans son rapport précité, M. Jean-Marie Rolland estime que la territorialisation des actions de santé publique doit être privilégiée. Pour votre rapporteur, il en va de même des missions confiées aux médecins généralistes de premier recours. Elles pourraient d’ailleurs tenir compte des programmes de prévention mis en place par les communes, par exemple dans le cadre des « ateliers santé-ville » dont l’Association nationale des villes pour le développement de la santé publique souligne l’intérêt (147).

Il faut également tenir compte des spécificités liées au lieu et au mode d’exercice de chaque médecin généraliste de premier recours. Comme la mission a pu l’observer dans la Nièvre, la population n’en attend pas le même service selon qu’il exerce dans une zone urbaine à proximité d’un centre hospitalier – même petit, comme celui de Decize – ou dans une zone éloignée des structures des urgences, où la prise en charge des urgences vitales repose sur lui. Pour les zones sur-dotées en offre de soins, on peut retenir l’idée évoquée par Mme Annie Podeur de proposer à leurs médecins des « contrats santé-solidarité » par lesquels ils s’engageraient à couvrir certains besoins de santé des zones sous-dotées (permanence des soins, consultations en cabinet secondaire, vacations dans une structure hospitalière ou médico-sociale, etc.).

Ÿ Les missions de santé publique de chaque médecin généraliste de premier recours méritent d’être formalisées dans un véritable mandat.

Pour votre rapporteur, de tels « mandats de santé publique » offriraient aux missions spécifiques des médecins généralistes de premier recours une reconnaissance officielle qui serait de nature à les conforter en leur offrant davantage de considération publique.

Comme l’a d’ailleurs rappelé M. Frédéric van Roekeghem, des « mandats sanitaires » sont déjà proposés aux vétérinaires libéraux pour des missions de police sanitaire, de prophylaxie collective et de veille sanitaire. Ce dispositif semble enrichir le métier des vétérinaires et leur offrir une reconnaissance de leur rôle social.

Plus encore, le « mandat de santé publique » peut constituer un outil de gestion de l’offre de soins et d’amélioration des pratiques médicales. Le directeur général de la CNAMTS fait en effet valoir que dans le cadre de contrats individuels de ce type, il serait plus facile de sanctionner les médecins qui manquent à certaines de leurs obligations, par exemple en matière de permanence des soins, que dans le cadre réglementaire actuel, qui ne donne pas toujours aux pouvoirs publics assez d’outils de sanction.

b) Rémunérer les actions de santé publique au forfait

De l’avis unanime des interlocuteurs de la mission, la rémunération des professionnels de santé libéraux doit évoluer pour intégrer une part forfaitaire, car le paiement à l’acte n’est pas adapté aux actions de santé publique et au suivi des malades chroniques.

Ÿ Modifier la rémunération des professionnels libéraux et individualiser leurs relations avec l’assurance maladie.

Traditionnellement, les médecins libéraux sont rémunérés essentiellement à l’acte. Comme l’indique M. André Flajolet dans son rapport précité, « dans les années 1920 et 1960, les principes qui ont fondé puis conforté l’organisation de la médecine en France reposaient sur la prise en charge séquentielle de maladies aiguës. Le paiement à l’acte avait donc comme justification logique la réparation d’une dégradation momentanée de la santé qui avait conduit à consulter ». Les médecins libéraux ne sont éligibles qu’à peu de rémunérations forfaitaires : la principale est constituée par les astreintes de permanence des soins, qui ne représentent qu’un peu plus de 1 % des honoraires médicaux selon l’avis précité du HCAAM.

Aujourd’hui, le principe d’une rémunération exclusivement à l’acte paraît de moins en moins pertinent : selon la MSA, il a un biais inflationniste – dans un système au financement socialisé, il peut inciter les médecins à générer de la demande de soins – et, surtout, il n’est pas adapté au suivi des maladies chroniques et ne favorise pas la prévention. Pour le régime social des indépendants (RSI), le système du paiement à l’acte est « à bout de souffle » (148).

Comme le relève M. Guy Vallancien dans un récent rapport (149), les médecins ont participé à l’évolution récente des techniques de soins et de prise en charge, mais n’ont pas modifié en conséquence leurs comportements et l’organisation de leur travail : « le médecin est resté un artisan dans un monde de la santé qui s’industrialise ». Étudiant en particulier le cas de la chirurgie, il considère que l’organisation des soins et les modes de rémunération actuels « ne correspondent plus aux impératifs d’une pratique chirurgicale de qualité accessible à tous sur le territoire ». Il propose donc un « contrat d’exercice global de la chirurgie » offrant un mode de rémunération unique aux chirurgiens, tant dans le secteur public que dans la pratique libérale, comprenant :

– une part majoritaire à l’activité ;

– une part forfaitaire qui financerait notamment la permanence des soins, l’évaluation des pratiques professionnelles, la formation continue, les tâches administratives, l’enseignement et la recherche.

Selon M. Guy Vallancien, un contrat d’exercice global de la médecine devrait être élaboré sur le même modèle (150). Votre rapporteur observe que la grande majorité des acteurs rencontrés par la mission souhaite une telle évolution.

Si M. Michel Chassang a jugé au nom de la CSMF (151) qu’il faudrait veiller à ce que la part des forfaits dans la rémunération des généralistes ne remette pas en cause les principes fondamentaux de l’exercice libéral, la mission a pu constater que la nouvelle génération de professionnels de santé n’est plus autant attachée au principe du paiement exclusif à l’acte : les représentants des internes de médecine générale ont ainsi déclaré à la mission (152) que le mode de rémunération des généralistes devait évoluer vers un mode de rémunération mixte qui, sans aller jusqu’au salariat, serait plus adapté au suivi des affections de longue durée, aux actions de santé publique et aux tâches de coordination. Il ressort des EGOS que les mêmes aspirations s’observent parmi toutes les professions de santé.

Tous les acteurs semblent donc souhaiter que les missions découlant de « mandats de santé publique » soient rémunérées au forfait.

La société française de santé publique propose qu’une telle rémunération soit modulée suivant la performance du médecin, mesurée par rapport à sa capacité à atteindre les objectifs de santé publique fixés par son mandat. Ainsi, les ARS ou l’assurance maladie pourraient individualiser leurs liens avec les médecins généralistes de premier recours, comme M. Didier Tabuteau l’a proposé devant la mission (153). Dans son rapport précité, M. André Flajolet recommande quant à lui d’intégrer dans ces mandats de santé publique des engagements en matière de permanence des soins, de veille sanitaire, d’exercice en secteur 1, de tiers payant et de couverture des besoins de santé des zones déficitaires les plus proches. Pour « casser la logique de distribution de soins », il se prononce pour une « rémunération au forfait avec une part liée au résultat », notamment pour éviter des consultations inutiles dans le suivi des ALD.

Dans le même esprit, de nombreux pays ont institué un mode de rémunération mixte pour les médecins généralistes de premier recours. En Grande-Bretagne, par exemple, où les omnipraticiens sont rémunérés en partie par un système de forfaits capitaires, dont le montant est modulé en fonction de leur performance. Ce dispositif donnerait satisfaction aux patients comme aux praticiens, auxquels il procure des revenus deux fois supérieurs à ceux des généralistes français. Le dispositif britannique a été mis en place progressivement avec des critères de performance d’abord modestes, puis de plus en plus ambitieux, afin de susciter l’adhésion des médecins à ces dispositifs. La SFSP recommande de procéder de la même manière en France, en prévoyant une montée en charge « modulable et progressive » du système.

L’article L. 162-12-21 du code de la sécurité sociale, issu de l’article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, donne déjà la possibilité aux CPAM de proposer aux médecins conventionnés de leur ressort d’adhérer à un contrat comportant des engagements individualisés en matière de prescription et de santé publique – participation à des actions de dépistage et de prévention, à des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, à la permanence des soins, au contrôle médical et, de manière générale, à toute action permettant d’améliorer leurs pratiques, leur formation et leur information (154). L’article L. 162-12-21 précise que les médecins bénéficieront de contreparties financières, liées à l’atteinte des objectifs par le professionnel. D’après les représentants la MSA, le canevas d’un tel accord serait en préparation.

De plus, l’article 44 de la même loi a ouvert la possibilité de mener des expérimentations « portant sur de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé ou de financement des centres de santé » et dérogeant au principe du paiement à l’acte.

Votre rapporteur souhaite que ces dispositions puisent être mises en application rapidement pour développer les missions de santé publique des généralistes et certains centres de santé.

Proposition n° 9 : Confier aux professionnels de santé de premier recours, aux maisons de santé ou aux centres de santé des « mandats de santé publique » ouvrant droit à des rémunérations forfaitaires, plus adaptées que le paiement à l’acte pour valoriser leurs actions de santé publique et le suivi des malades chroniques.

Ÿ Valoriser les actions de santé publique des centres de santé.

Au nombre de 1 700 selon le rapport 2006-2007 de l’ONDPS, les centres de santé sont des structures agréées qui assurent une activité de soins, de prévention, d’éducation pour la santé, de dépistage et d’accompagnement social. Comme M. David Houri, président du Comité national de liaison des centres de santé (CNLCS), l’a rappelé à la mission (155), il s’agit de structures créées à partir de 1936, le plus souvent par des municipalités, des associations caritatives ou des mutuelles, pour beaucoup dans des zones péri-urbaines défavorisées. Ces centres ont un profil d’activité très variable : certains sont polyvalents, d’autres axés sur la médecine, d’autres sur les soins dentaires etc.

D’après le CNLCS, ces centres mènent de par leur vocation des actions de santé publique très développées, mais peu valorisées par leur mode de financement : leur activité est rémunérée à l’acte, en secteur 1. Selon la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP) (156), les SSIAD rencontraient les mêmes difficultés.

Un récent rapport de Mme Dominique Acker sur les centres de santé (157) montre qu’ils assurent une « prise en charge globale » de la santé des patients à trois titres :

– ce sont des structures de proximité, des « lieux de premier recours » coopérant avec leur environnement sanitaire et médico-social (réseaux de santé, hôpitaux, services sociaux, etc.) ;

– ils ont un fonctionnement pluridisciplinaire qui facilite la prise en charge des malades chroniques et des personnes en difficulté sociale ;

– ils mènent pour la plupart des actions de prévention et de santé publique.

Pourtant, selon le président du CNCLS, les centres de santé ne sont pas éligibles à certains dispositifs censés favoriser une prise en charge globale de la santé des patients, notamment :

– le forfait annuel de 40 € versé au médecin traitant pour certains patients atteints d’une affection de longue durée (ALD) ;

– la prise en charge de certains actes de prévention bucco-dentaire ;

– les financements spécifiquement prévus, par exemple pour le dépistage organisé du cancer colo-rectal ;

– l’astreinte versée au titre de la permanence des soins.

Il regrette en effet que souvent, la loi prévoit de rendre les centres de santé éligibles aux dispositifs de ce type mais renvoie pour leur mise en application à des mesures conventionnelles que l’Union nationale des caisses d’assurance maladie ne prend pas.

Le CNCLS fait également valoir que l’obligation faite aux centres de santé par l’article L. 162-32 du code de la sécurité sociale d’offrir un système de tiers payant fait peser sur eux d’importants coûts de traitement de la facturation des actes et, parfois, de rejet. Surtout, le financement de leurs actions de lutte contre la précarité, de prévention et d’éducation thérapeutique paraît insuffisant. Alors qu’il était prévu jusqu’en 2007 sur une ligne spécifique du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires (FNPEIS), pour 2 millions d’euros, il n’est plus assuré : désormais, les centres de santé doivent répondre aux appels à projets annuels des GRSP, au même titre que les autres porteurs de projets. Dans son rapport, Mme Dominique Acker émet un avis très critique sur ce dispositif, relevant un manque de visibilité financière à moyen terme, qui complique le recrutement de personnels compétents et compromet l’engagement des centres de santé dans la prévention.

Votre rapporteur juge très regrettable qu’une telle différence de traitement soit faite entre les centres de santé et les praticiens libéraux pour les actions de prévention.

Proposition n° 10 : Appliquer les mêmes règles d’attribution et de rémunération des mandats de santé publique aux médecins libéraux, aux maisons de santé et aux centres de santé.

3. Organiser la permanence des soins de façon plus efficiente, plus claire pour les patients et plus attractive pour les praticiens

Vu les difficultés d’organisation de la permanence des soins, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de revenir sur le principe du volontariat. Mais pour des raisons tenant à l’attractivité des zones déficitaires, il paraît toutefois préférable de ne pas la rendre obligatoire, mais plutôt de l’aménager de la façon la plus attractive possible pour les professionnels.

a) Revenir sur le caractère facultatif de la permanence des soins risquerait de rendre l’exercice libéral de la médecine générale encore moins attractif, notamment dans les zones déficitaires

Constatant les insuffisances du dispositif actuel de permanence des soins de ville, certains interlocuteurs de la mission ont jugé nécessaire de revenir sur le caractère facultatif qui lui a été reconnu, à titre individuel, en 2003 (158). C’est par exemple le cas de M. Guy Vallancien, qui souligne que les gardes ne feront pas peser une trop lourde charge sur les généralistes si ceux-ci se regroupent. C’est également le cas de M. Claude Évin (159), qui, au nom de la Fédération hospitalière de France (FHF), fait valoir que les carences de la permanence des soins se traduisent par un report de charges sur les urgences – d’où parfois leur engorgement. Il considère que certains spécialistes, comme les radiologues, devraient eux aussi participer à la permanence des soins, laquelle repose aujourd’hui sur l’hôpital public et alourdit ses charges, alors même qu’il est en concurrence avec le secteur privé.

Votre rapporteur partage en partie leur point de vue : comme les acteurs rencontrés par la mission en Mayenne le lui ont fait observer, les patients comprennent difficilement qu’une permanence soit organisée par les vétérinaires mais pas par les médecins... Mais faut-il pour autant en revenir à un dispositif obligatoire ?

Une part importante des acteurs de terrain rencontrés par la mission considère qu’il faut avant tout veiller à ce que la permanence des soins n’ait pas un effet répulsif pour les médecins susceptibles de s’installer en libéral, particulièrement dans les zones déficitaires.

Ainsi, selon M. Martial Olivier-Koehret, président de MG-France (160), la permanence des soins, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, contribue au manque d’attractivité de la médecine générale de premier recours, parce qu’elle est perçue « comme une punition », notamment pour les médecins qui sont réquisitionnés sous le contrôle des gendarmes. C’est pourquoi, selon M. Jean-Yves Grall (161), le rétablissement des gardes obligatoires pour tous les praticiens aurait un effet répulsif pour les jeunes médecins, notamment les femmes, et les inciterait à ne pas exercer la médecine générale de premier recours ou, au mieux, à ne s’installer que dans les zones couvertes par des associations du type SOS Médecins.

L’effet répulsif d’une permanence des soins mal organisée touche surtout les zones à faible densité médicale : les gardes y reposent sur un nombre de praticiens restreint, pour lesquels les tours d’astreinte sont fréquents et peuvent être pesants. Ainsi, a été évoqué lors de la table ronde qu’a tenue la mission à Corbigny (Nièvre) le cas d’un secteur de garde comptant seulement trois médecins qui sont chacun d’astreinte une nuit et un week-end sur trois. Une telle charge paraît de nature à décourager les jeunes médecins susceptibles de s’installer dans le secteur, d’autant que souvent ils n’envisagent d’exercer en zone rurale qu’à condition de pouvoir résider en ville, comme l’ont indiqué à la mission les représentants du Syndicat des médecins libéraux (SML) (162).

Pour ces raisons – que les évolutions en cours de la démographie médicale ne feront qu’aggraver dans les années à venir – il ne paraît pas opportun à votre rapporteur de rétablir le caractère obligatoire de la participation à la permanence des soins, pourvu qu’une organisation fondée sur le volontariat permette de répondre effectivement aux demandes de soins non programmés.

En revanche, si cette voie contractuelle ne suffisait pas, il faudrait prendre des mesures plus contraignantes. Dans une telle hypothèse, on peut retenir l’idée, évoquée par M. Jean-Yves Grall, de rendre les gardes obligatoires pendant les dix premières années d’exercice (163).

b) Une permanence des soins bien organisée constitue un élément d’attractivité pour un territoire

Selon les représentants de la Fédération des médecins de France (FMF) (164), les jeunes médecins ne sont pas hostiles aux gardes, même après minuit, pourvu qu’elles soient bien indemnisées et organisées de façon rationnelle. De l’avis unanime des représentants des médecins libéraux entendus par la mission, il faut mutualiser les moyens des quatre systèmes de permanence des soins qui cohabitent sur les mêmes territoires :

– le SAMU, avec son centre de réception et de régulation des appels (CRRA, ou « centre 15 ») et les SMUR ;

– le service départemental d’incendie et de secours (SDIS), avec ses postes de sapeurs-pompiers et son centre de traitement des appels adressés au 18 ;

– la garde ambulancière ;

– le dispositif de permanence des soins assuré par les généralistes libéraux, tant ceux qui effectuent les consultations et les visites (les « effecteurs ») que ceux qui régulent les appels des patients, soit au sein du centre 15, soit sur un plateau téléphonique indépendant (les « régulateurs »).

Pour faciliter la mutualisation de ces moyens, les ARS devront disposer d’enveloppes fongibles. Dans un récent rapport de mission relative à la permanence des soins (165), M. Jean-Yves Grall partage ces orientations : constatant que le dispositif actuel est « à bout de souffle », il en préconise une refonte complète – et non un simple « replâtrage » – suivant les cinq principes suivants :

– remettre le patient au cœur du dispositif en lui proposant un seul dispositif d’aide médicale permanente ;

– économiser le temps médical en mutualisant les moyens aujourd’hui utilisés « en colonnes étanches » ;

– adapter le dispositif aux spécificités territoriales en laissant des marges de manœuvre aux acteurs de terrain ;

– veiller à l’efficience du dispositif et à la maîtrise de son coût ;

– veiller à ce que le dispositif puisse rester viable malgré les tensions démographiques à venir.

Il s’agit ainsi d’unifier les dispositifs de « permanence des soins » (de ville) et d’« aide médicale urgente » (à l’hôpital) avec un schéma unique d’« aide médicale permanente à la population » élaboré, mis en œuvre et financé par les ARS en mutualisant les moyens consacrés à ces dispositifs. Après une régulation téléphonique obligatoire, opérée avec un seul numéro d’appel, cette organisation pourrait traiter ces demandes par un conseil téléphonique, en adressant le patient à un généraliste de garde, par une visite à domicile du médecin de garde, en dépêchant un SMUR ou en orientant le patient vers une structure des urgences. M. Jean-Yves Grall prône ainsi un dispositif contractuel et adapté aux spécificités locales, dans lequel l’aide médicale permanente serait soit déléguée au SDIS (en zone rurale) ou à SOS Médecins (en zone urbaine), soit assurée par des médecins libéraux dans le cadre de contrats individuels de volontariat.

Les ARS devraient être en mesure de contrôler la bonne exécution de ces contrats et de les rompre si nécessaire, sur avis des conseils régionaux de l’Ordre des médecins, qui devront y être parties et participer à leur suivi en prenant, le cas échéant, des sanctions disciplinaires. Elles disposeraient ainsi d’une gamme élargie d’outils contractuels leur permettant de gérer le dispositif sur le mode managerial.

Pour les cas de carence du volontariat, le préfet ou le directeur de l’ARS devrait disposer d’une gamme complète de leviers. Si des réquisitions peuvent être envisagées, elles ne peuvent être que ponctuelles et en aucun cas constituer un mode opératoire constant. Dans un récent rapport sur la prise en charge des urgences médicales (166), M. Georges Colombier relève d’ailleurs que la réquisition est très difficile à mettre en œuvre car elle crée des tensions très difficiles à gérer.

Pour votre rapporteur, il est primordial que naisse une véritable dynamique parmi les praticiens autour de la permanence des soins. La mission a pu le constater lors de son déplacement dans la Mayenne : alors que les praticiens du département avaient été à l’initiative de la « grève des gardes » des années 2000-2002, aujourd’hui, ils se sont organisés au sein d’une association départementale d’organisation de la permanence des soins (ADOPS-53) et seuls deux généralistes (sur les 209 du département) ne se sont pas portés volontaires pour y participer. Il serait donc souhaitable que la permanence des soins constitue un volet obligatoire des « projets médicaux de territoire » autour desquels les professionnels de santé sont appelés à se mobiliser. De même, elle doit faire partie des missions assignées aux structures d’exercice regroupé des professions de santé, comme les maisons de santé pluridisciplinaires ou les « pôles de santé » (cf. infra).

L’expérience de la Mayenne montre que la permanence des soins doit être organisée de façon aussi attractive que possible pour les libéraux. Ainsi, dans ce département, les médecins d’astreinte qui effectuent les consultations et les visites n’interviennent qu’après une régulation téléphonique et ont le choix d’effectuer les consultations à leur cabinet ou dans une maison médicale de garde. De même, les généralistes peuvent pratiquer la régulation depuis leur domicile ou leur cabinet.

Devant la mission, M. René-Paul Savary (167) a déclaré au nom de l’Assemblée des départements de France qu’une dynamique locale, fondée sur une bonne entente entre les médecins organisés dans une association, faisait beaucoup pour l’organisation de la permanence des soins. En outre, selon lui, une telle dynamique contribue davantage que des aides financières à l’attractivité d’un territoire pour les jeunes médecins, en permettant une répartition de la charge des gardes compatible avec l’attention que portent les jeunes médecins à leur vie familiale et en facilitant également la coopération entre professionnels de santé, en réponse à leur appréhension de l’exercice isolé.

Proposition n° 11 : Sous l’égide des ARS, mutualiser dans un cadre contractuel les dispositifs existants de permanence des soins, et garantir l’effectivité du service rendu à la population en faisant de cette permanence un volet obligatoire des projets médicaux de territoire.

c) Densifier le maillage du territoire en structures des urgences

La mobilisation des médecins libéraux pour assurer la prise en charge des urgences médicales dans les zones situées à plus de 30 minutes de trajet d’une structure des urgences mérite d’être saluée.

Néanmoins, il ressort des travaux de la mission que les jeunes médecins généralistes craignent particulièrement d’avoir eux-mêmes à prendre en charge des cas d’urgences vitales s’ils s’installent dans une de ces zones ; au nom de l’Assemblée des départements de France, M. René-Paul Savary a ainsi souligné le caractère « anxiogène » de l’exercice omnipraticien libéral dans les zones éloignées des hôpitaux.

C’est pourquoi les efforts annoncés à la mission (168) par la ministre de la santé pour développer le maillage du territoire en structures des urgences sont particulièrement utiles. Votre rapporteur estime en effet, tout comme M. Georges Colombier dans son rapport précité, que « la résorption des zones « blanches » des SMUR donne corps au principe d’égalité d’accès aux soins ».

Proposition n° 12 : Résorber les « zones blanches des SMUR » pour assurer l’égal accès de tous les Français aux soins d’urgence vitale.

4. Développer des statuts d’exercice de la médecine alternatifs à l’installation

Il ressort des travaux de la mission que les nouvelles générations de professionnels de santé ne veulent pas s’enfermer dans un mode d’exercice exclusif, ce qui leur paraît incompatible avec l’installation traditionnelle en cabinet libéral. Or, votre rapporteur souligne que les aides publiques visant à corriger les écarts de densité médicale favorisent le plus souvent l’installation, alors que d’autres modes d’exercice permettent également de couvrir les besoins de santé de la population et peuvent s’avérer plus attractifs pour les jeunes praticiens.

a) Favoriser le recours aux statuts existants qui permettent un exercice professionnel diversifié

Depuis plusieurs années, divers statuts d’exercice alternatifs à l’installation en libéral ont été élaborés, mais peu de médecins y ont encore recours, car ils restent peu connus.

Ÿ Les statuts permettant un exercice mixte ville / hôpital.

M. Yvon Berland, président de l’ONDPS, a déclaré à la mission (169) qu’il fallait développer l’exercice mixte ville / hôpital, qui attire de plus en plus les jeunes médecins. Selon la CNSD (170), la même attirance se retrouve parmi les jeunes chirurgiens-dentistes.

Plusieurs statuts permettent d’ores et déjà à certains professionnels de santé libéraux – médecins et chirurgiens-dentistes notamment – d’exercer à temps partiel à l’hôpital (cf. tableau ci-dessous).

Statuts permettant un exercice mixte ville / hôpital

Source : ONDPS, rapport 2006-2007, tome I.

Ÿ Le statut de salarié en centre de santé ou en hospitalisation privée.

Le rapport précité de Mme Dominique Acker souligne l’attractivité des centres de santé pour les praticiens. Outre le fait qu’en général, l’exercice collectif et pluridisciplinaire attire les jeunes professionnels, habitués à travailler en équipe après leur formation à l’hôpital, les centres de santé présentent des avantages spécifiques :

– un statut de salarié ;

– une décharge totale des démarches et charges administratives ;

– un projet de soins qui inscrit la médecine dans une vision globale de la santé, intégrant des activités de prévention, d’éducation et de nature sociale, voire une orientation particulière, par exemple en faveur des personnes handicapées comme c’est le cas du centre de santé que la mission a visité à Montreuil ;

– un intérêt intellectuel lié aux pathologies rencontrées et aux protocoles d’évaluation des bonnes pratiques ;

– une maîtrise du temps de travail et une souplesse certaine dans l’emploi du temps, convenant particulièrement aux femmes, mais aussi à tous ceux qui souhaitent pouvoir diversifier leur activité.

M. David Houri (171), président du comité national de liaison des centres de santé (CNLCS), a indiqué à la mission que malgré la faible attractivité des zones périurbaines dans lesquelles la plupart des centres de santé sont implantés, ils ne rencontrent pas de graves problèmes de recrutement de médecins généralistes et de dentistes. Par ailleurs, il note que la vocation sociale des centres de santé attire certains praticiens en fin de carrière ou ayant cessé leur activité libérale.

Ainsi, l’exercice en centre de santé permet de couvrir les besoins de santé des zones urbaines sensibles, souvent déficitaires en offre de soins libéraux, tout en offrant une certaine variété de pratiques qui peut répondre au souhait des jeunes praticiens libéraux de ne pas s’enfermer dans un mode d’exercice. Il serait donc utile d’assurer une meilleure information des jeunes praticiens sur ces possibilités.

Ÿ Le statut de collaborateur libéral.

L’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a autorisé les médecins à exercer avec le statut de « collaborateur associé libéral ». Cette faculté était jusque-là réservée aux avocats et aux chirurgiens-dentistes. Le médecin collaborateur libéral est rémunéré à l’acte et peut se constituer une patientèle propre.

Évoquant cette « véritable révolution culturelle », le conseil national de l’Ordre des médecins constate que « depuis son entrée en scène, la collaboration libérale suscite un intérêt réel, aussi bien de la part des médecins installés (et débordés) que des futurs médecins » (172). Pour l’Ordre, ce statut doit déboucher sur « un véritable compagnonnage » favorisant la transmission des acquis. Il doit aussi rendre la pratique de ville plus attractive, faciliter l’entrée en activité libérale des jeunes médecins et, ainsi, permettre de « gagner du temps médical, devenu si précieux ».

Le recours à ce statut mérite d’être encouragé, notamment pour faciliter la transition entre un médecin et son futur successeur. Il peut aussi permettre une sorte d’association « à l’essai ».

Ÿ L’exercice médical en cabinet secondaire.

Le décret n° 2005-481 du 17 mai 2005 modifiant le code de déontologie médicale a assoupli la procédure d’autorisation d’ouverture d’un cabinet médical secondaire (article R. 4127-85 du code de la santé publique).

Désormais, un médecin peut exercer son activité sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle, lorsqu’il existe une carence de l’offre de soins dans le secteur géographique considéré, sur autorisation du conseil départemental de l’Ordre. Cette autorisation est réputée acquise si le conseil ne se prononce pas sous trois mois.

Pour votre rapporteur, il faut donc favoriser le développement de l’exercice en cabinet secondaire qui peut permettre de couvrir les besoins de santé d’un certain nombre de zones déficitaires, tout en permettant aux praticiens de s’installer à titre principal dans une zone urbaine.

Ÿ Le statut de collaborateur salarié.

Le décret n° 2006-1585 du 13 décembre 2006 relatif au médecin collaborateur libéral et au médecin salarié a supprimé l’interdiction qui était faite au médecin de salarier un confrère. Cette disposition n’est entrée en vigueur que le 14 juin 2007. Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS précise que les conditions pratiques et les modalités conventionnelles de sa mise en œuvre doivent être définies prochainement par l’UNCAM et les partenaires conventionnels. En l’absence de disposition législative permettant aux médecins salariés d’adhérer à la convention médicale – qui, selon l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, ne concerne que les médecins « d’exercice libéral » –, il reste notamment à fixer les conditions dans lesquelles le salarié pourrait exercer sous couvert du conventionnement de son employeur.

Le conseil de l’Ordre relève toutefois certains problèmes :

– le médecin employeur serait redevable des pénalités infligées par le directeur d’une caisse primaire pour des faits imputables au médecin salarié ;

– les honoraires dus pour l’activité du médecin salarié pourraient être fixés dans les conditions du secteur 2, dès lors que le médecin employeur en relève, même si le médecin salarié ne peut pas se prévaloir des titres requis pour exercer en secteur 2.

Devant la mission, la MSA a, quant à elle, souligné l’intérêt de ce statut, faisant valoir qu’il est largement utilisé par d’autres professions libérales. Votre rapporteur considère qu’il mérite d’être promu parmi les professionnels de santé.

b) Aller plus loin dans l’assouplissement des statuts d’exercice de la médecine en vue de favoriser la pluriactivité des praticiens

Plusieurs mesures méritent d’être étudiées pour assouplir encore les possibilités d’exercice de la médecine générale de premier recours.

Ÿ Favoriser la poursuite de l’activité au-delà de l’âge de 65 ans.

Un médecin ne peut cumuler une pension de retraite avec des revenus d’activité libérale que dans la limite d’un plafond de revenus qui s’élève à 43 250 euros environ pour les médecins ayant pris leur retraite après leur 65ème anniversaire, et à 33 250 euros pour ceux qui l’ont prise avant. Ces plafonds ne sont applicables ni aux revenus tirés de la permanence des soins, ni aux salaires.

Au nom de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) (173), M. Michel Chassang a jugé ce dispositif restrictif, soulignant notamment que les revenus perçus par ces libéraux en complément de leur retraite sont soumis aux cotisations sociales habituelles, mais que leurs droits à la retraite étant considérés comme liquidés à titre définitif, ces cotisations ne donnent pas lieu à attribution de points de retraite et de trimestres d’assurance supplémentaires.

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a informé la mission des travaux en cours visant à faciliter le cumul de la retraite et d’une activité libérale pour les médecins. Le ministère de la santé envisagerait également de modifier le système de prélèvement des cotisations et des charges, de façon à ne pas pénaliser les médecins dont le niveau de revenu décroît.

Si l’on peut émettre des réserves de principe sur le cumul de la retraite et d’un revenu d’exercice qui peut être très substantiel, votre rapporteur juge que les difficultés liées à la baisse prochaine des effectifs médicaux commandent d’être pragmatique. De ce point de vue, une telle initiative serait utile, que ce soit pour inciter les médecins à poursuivre une activité réduite après la liquidation de leurs droits à la retraite, ou pour aider ceux dont l’activité décroît à la suite du recrutement d’un collaborateur libéral destiné à prendre leur succession. Il faut donc faire connaître les dispositifs existants et évaluer leur efficacité.

Ÿ Favoriser le maintien en activité des médecins âgés.

Votre rapporteur constate qu’un certain nombre de médecins ferment leur cabinet à partir de l’âge de 60 ans pour exercer à temps partiel comme remplaçants, souvent pour préparer leur retraite dans le Sud de la France. Or la pyramide des âges des médecins généralistes libéraux montre que de tels comportements pourraient, dans les années à venir, priver la population d’une très large part des praticiens aujourd’hui en exercice, alors même que leur remplacement n’est pas assuré par les générations « creuses » de médecins formés à l’époque où le numerus clausus était fixé à un niveau très bas. Ce risque est particulièrement préoccupant dans les zones déficitaires, où les médecins sont d’autant plus susceptibles de vouloir cesser leur activité qu’ils doivent faire face à une charge de travail largement supérieure à la moyenne.

Aussi, pour inciter les généralistes de zones déficitaires à rester en activité dans le même territoire jusqu’à l’âge de la retraite, voire au-delà, votre rapporteur propose qu’ils soient autorisés à pratiquer des honoraires différents des tarifs conventionnels.

Ÿ Favoriser le retour en activité des médecins qui ont cessé d’exercer.

D’après les statistiques présentées à la mission par le conseil national de l’Ordre des médecins (174), 10 % des diplômés de médecine ne sont pas inscrits au tableau de l’Ordre. Il s’agirait notamment de femmes qui n’exercent pas la médecine au motif qu’elles veulent aménager leur temps de travail, au moins pour une partie de leur vie correspondant souvent à l’éducation de leurs enfants.

Pour ramener ces diplômés à l’exercice, l’Ordre organise des modules de mise à jour des connaissances. Votre rapporteur juge cette initiative très utile et considère qu’elle mérite d’être relayée par l’ensemble des facultés de médecine et des organismes de formation continue, pour favoriser les reprises d’activité.

Ÿ Favoriser l’exercice médical à temps partiel.

Il ressort des travaux de la mission qu’un nombre substantiel de médecins choisissent d’occuper des fonctions médico-administratives salariées, souvent éloignées des soins de premier recours, par souci d’équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle – par exemple pour permettre à des mères de famille de ne pas travailler le mercredi. Si les conditions d’exercice de la médecine générale étaient plus conciliables avec une vie familiale, certains seraient susceptibles de reprendre cet exercice.

Or rien ne favorise l’exercice de la médecine libérale à temps partiel : en effet, une large part des frais professionnels liés à l’exercice libéral sont fixes : notamment, la cotisation du régime de base qui est calculée de façon forfaitaire.

Votre rapporteur juge donc utile d’étudier les modalités d’une éventuelle modulation des frais fixes pour favoriser le retour de ces médecins à l’activité libérale.

Ÿ Autoriser la médecine ambulante.

Si le décret du 17 mai 2005 précité a assoupli dans une large mesure la procédure par laquelle un médecin libéral peut ouvrir un ou plusieurs cabinets secondaires, il n’a pas pour autant permis d’exercer la médecine de façon itinérante (dite « médecine foraine »).

Pourtant, la possibilité d’effectuer des consultations dans de multiples lieux pourrait contribuer à une meilleure couverture des besoins de santé des zones sous-denses, notamment des communes dépourvues de médecin.

C’est pourquoi le SML (175) propose de permettre à des médecins libéraux « volants », ne possédant pas de cabinet, d’exercer dans diverses structures (cabinets, hôpitaux locaux etc.), tout en disposant de leurs propres feuilles de soins et en étant associés aux démarches de maîtrise médicalisée des dépenses, contrairement aux remplaçants.

De même, M. Guy Vallancien, secrétaire général du conseil national de la chirurgie, a envisagé de développer la « médecine foraine », en permettant à des médecins d’effectuer des consultations au moyen de camions équipés pour des examens légers et reliés par une connexion wifi à une maison de santé ou un établissement de santé (176).

M. Jacques Levoyer, vice-président de l’UJCD, a aussi proposé (177) que soit élaboré un statut de « chirurgien-dentiste itinérant » pour des professionnels qui pourraient exercer :

– soit sur différents plateaux techniques ne leur appartenant pas, situés par exemple dans des maisons de santé pluridisciplinaires ;

– soit dans une unité mobile, comme cela se fait à titre expérimental à Paris pour prendre en charge certaines personnes âgées.

Votre rapporteur relève que l’Ordre des médecins est récemment revenu sur son opposition traditionnelle à toute forme de « médecine foraine » dans une note de position commune avec des syndicats d’étudiants, d’internes et de médecins (178). Comme l’explique son Bulletin (179), le conseil de l’Ordre y voit une « piste pour sauver la liberté d’installation ». Votre rapporteur estime qu’un tel assouplissement est bienvenu.

Ÿ Vers un statut unique pour les médecins ?

Lors de son audition par la mission (180), M. Didier Tabuteau, directeur de la chaire « santé » de Sciences-Po, a estimé qu’il faudrait créer un statut social et fiscal unique pour les médecins, afin de favoriser leur pluriactivité. En effet, l’exercice partagé entre différents statuts est actuellement freiné par la lourdeur des tâches administratives qui en résulte.

Au contraire, il apparaît que lorsque leurs moyens administratifs permettent de surmonter ces obstacles, les médecins libéraux consacrent volontiers une part de leur activité à l’hôpital, notamment à Paris. Ils apprécient en effet une certaine variété dans leur exercice, et tirent une certaine considération publique de leur qualité d’attaché des hôpitaux. Le développement d’une activité partagée entre la ville et l’hôpital pourrait ainsi redonner du sens à l’exercice de la médecine générale, et contribuer à décloisonner ces secteurs, dans l’intérêt des patients.

Votre rapporteur ajoute que de nombreux médecins généralistes libéraux interviennent dans les hôpitaux locaux pour des raisons similaires. Ceux que la mission a rencontrés lors de son déplacement à Craon ont indiqué que cette pluriactivité leur permettait d’assurer un suivi plus continu des patients, ce qui contribue à améliorer la prise en charge des malades et accroît l’intérêt de leur pratique professionnelle.

La simplification du cadre réglementaire de la pluriactivité serait de nature à favoriser l’intervention de médecins libéraux non seulement à l’hôpital, mais aussi dans les structures médico-sociales ou dans d’autres structures qui relèvent d’un exercice salarié. Cela irait d’ailleurs dans le sens des propositions de M. Guy Vallancien tendant à instaurer un mode de rémunération unique pour les chirurgiens et pour les médecins.

En conséquence, votre rapporteur considère que l’idée d’un statut unifié pour l’exercice de la médecine mérite au moins d’être mise à l’étude.

Proposition n° 13 : Plutôt que de focaliser les politiques d’aménagement de l’offre de soins sur l’installation des médecins en libéral, favoriser l’exercice médical sous des statuts alternatifs, susceptibles de rendre plus attractive la pratique des soins de premier recours en zone sous-dotée et d’inciter les médecins à rester le plus longtemps possible en activité.

Promouvoir ainsi l’exercice mixte ville / hôpital, l’exercice salarié en centre de santé ou en clinique, le statut de collaborateur libéral, l’exercice en cabinet secondaire et le statut de collaborateur salarié.

Développer aussi des formes d’exercice et de rémunération qui favorisent le retour en activité des médecins qui ont cessé d’exercer, le cumul exercice / retraite et le maintien en activité des praticiens âgés, par exemple en autorisant les généralistes exerçant à plus de 60 ans en zone sous-dotée à pratiquer des honoraires différents des tarifs conventionnels.

5. Approfondir la coopération entre les professionnels de santé

La plupart des interlocuteurs de la mission considèrent que l’exercice libéral isolé de la médecine générale ne répond plus ni aux attentes des professionnels de santé, ni aux besoins des patients qui souhaitent une prise en charge mieux coordonnée. Surtout, comme le souligne le président du conseil national de l’Ordre des médecins dans un récent article (181), « il est indispensable de dégager du temps médical à travers la délégation de tâches. Bien des tâches médicales et administratives peuvent être effectuées par des personnels formés spécifiquement. Nous n’avons plus le choix : nous devons changer sans tarder ».

a) Décharger les médecins d’une part de leurs tâches administratives

Selon l’Ordre des médecins (182), le principal gisement de temps médical, et le moins difficile à exploiter, réside dans les tâches administratives des médecins.

Ÿ Une part importante du temps médical est gaspillée en tâches administratives, faute de moyens administratifs suffisants.

Les représentants d’Espace généraliste ont estimé devant la mission que les tâches administratives représentent 30 à 40 % du temps de travail des généralistes. Le SML conteste ces chiffres, faisant valoir qu’une part des tâches qu’ils englobent est consacrée à l’orientation du patient dans le système de soins, qui ne peut relever que du médecin. En tout état de cause, comme le note le rapport 2006-2007 de l’ONDPS, les généralistes libéraux portent un jugement très négatif sur ces tâches, et citent souvent l’exemple des dossiers relatifs aux ALD, qu’ils jugent à la fois chronophages, complexes et inutiles.

M. François Simon, membre du conseil de l’Ordre, y voit une tendance lourde de ces trente dernières années : les médecins généralistes sont de plus en plus accaparés par des tâches administratives (secrétariat, correspondance avec les caisses d’assurance maladie, comptabilité, etc.), ce qui leur laisse de moins en moins de temps à consacrer aux patients, d’où une baisse de la qualité du service rendu. Par exemple, l’usage de la carte Vitale ferait perdre deux à trois minutes par patient.

De la même façon, M. Étienne Déséhu, rapporteur des EGOS, a expliqué à la mission qu’avec 0,3 emploi salarié en équivalent temps plein (ETP) par médecin, contre 0,6 ETP en moyenne européenne, il est difficile aux praticiens français de se recentrer comme ils le souhaitent sur leur cœur de métier.

Ÿ Envisager des aides au recrutement de secrétaires.

Espace généraliste considère que les omnipraticiens ne pourront pas se recentrer sur leurs tâches médicales avec moins d’un ETP par médecin. Si cet objectif paraît très ambitieux, le conseil de l’Ordre plaide en faveur d’aides au recrutement de secrétaires – ou de tout autre professionnel qui déchargerait les médecins de leurs tâches administratives.

Certes, les médecins peuvent librement recruter des salariés pour ces tâches. Mais l’Ordre observe que les médecins ne le font pas spontanément, en raison notamment des surcharges administratives liées à leurs obligations d’employeur. Aussi, plutôt que de revaloriser les tarifs des actes des généralistes, il serait utile de prévoir une allocation représentative de frais de secrétariat.

Pour éviter que de telles aides aient un coût trop important, votre rapporteur propose de les cibler sur les zones déficitaires et sur les maisons médicales pluridisciplinaires.

b) Promouvoir de nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé afin d’accroître l’efficience et la fluidité du parcours de soins

Votre rapporteur considère que, pour utile qu’il soit, le recrutement de secrétaires ne saurait dispenser d’une réflexion d’ensemble sur le rôle et la place du médecin généraliste parmi l’ensemble des professionnels de santé participant aux soins de premier recours.

Ÿ Dégager du temps médical par de nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé.

La recommandation HAS/ONDPS déjà évoquée rappelle les différents enjeux du développement de nouvelles formes de coopération :

– améliorer la qualité des soins, grâce au développement de certaines activités de prévention, d’éducation et de suivi des malades chroniques ;

– accroître l’efficience du système de santé ;

– renforcer l’attractivité des professions de santé, en enrichissant l’activité des professions non médicales et en permettant aux médecins de se concentrer sur leur cœur de métier.

Surtout, elle souligne que « ce qui se joue dans le développement des nouvelles formes de coopération, c’est aussi la capacité du système de santé et des professionnels concourant à la prise en charge des patients à s’adapter à un environnement médical, social, économique et culturel en mutation ».

Il ressort en effet des travaux de la mission qu’une meilleure répartition des tâches entre les professions de santé pourrait permettre de dégager un volume important de temps médical. Le code de la santé publique distingue trois catégories de professions :

– les « professions médicales » : les médecins, les sages-femmes et les odontologistes ;

– les « professions de la pharmacie ;

– les « professions d’auxiliaires médicaux », notamment d’infirmier et de masseur-kinésithérapeute.

M. Didier Tabuteau, directeur de la chaire « santé » de Sciences-Po, a souligné devant la mission (183) qu’à l’étranger, la coopération entre ces catégories de professionnels est plus développée qu’en France, avec des statuts plus diversifiés. L’exemple de la Grande-Bretagne, où les infirmières assurent de nombreuses formalités (les questionnaires médicaux, la prise de tension, etc.) montre que de telles délégations permettent au médecin de se concentrer sur les tâches médicales et sur la relation avec le patient. Elles permettent aussi une micro-spécialisation des auxiliaires médicaux qui va dans le sens d’une meilleure qualité de la prise en charge – c’est par exemple le cas des infirmières cliniciennes chargées du suivi des patients chroniques.

La HAS précise qu’elle emploie l’expression de « coopération » entre professionnels de santé pour éviter les expressions de « délégation de tâche » et de « transfert de compétence », source de confusion car leur définition juridique n’est pas assez précise en ce qui concerne les règles de responsabilité médicale.

Définition des termes de « délégation » et de « transfert » de tâches

La HAS constate que différents termes sont associés à la notion de coopération : délégation, transfert, compétence, tâches, ... sans définition précise et stabilisée.

Elle propose donc de définir la délégation de tâche comme l’action par laquelle le médecin confie à un autre professionnel la réalisation d’un acte de soin ou d’une tâche. La délégation comprend l’idée de supervision. La responsabilité du délégant (le médecin) reste engagée du fait de la décision de déléguer, la responsabilité du délégataire (le professionnel non médical) est engagée dans la réalisation de l’acte.

Le transfert de tâche est défini comme l’action de déplacer l’acte de soin, d’un corps professionnel à un autre : les activités sont confiées dans leur totalité, y compris en termes de responsabilité, à une autre profession. Dans ce cadre, les professionnels non médicaux sont donc autonomes.

La délégation et le transfert peuvent se faire à destination de corps professionnels existants mais il est également possible d’envisager, lorsque cela est pertinent, la création de nouveaux métiers.

Source : HAS, en collaboration avec l’ONDPS, « Délégation, transfert, nouveaux métiers… conditions des nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé », janvier 2007.

En tout état de cause, il faut redéfinir les missions de chaque profession de santé, favoriser la coopération entre elles par des rémunérations, des formations et des règles de responsabilité adaptées, et envisager de transférer certaines compétences des médecins à d’autres professionnels.

Ÿ Redéfinir les champs de compétences de chaque profession de santé avec souplesse et clarté.

Selon Mme Annie Podeur, la rénovation du cadre juridique de la coopération entre professionnels de santé suppose avant tout de clarifier le périmètre des compétences de chaque profession de santé, ce qui rejoint une demande exprimée devant la mission par la plupart des professionnels de santé.

Comme l’explique l’étude précitée de la HAS, la répartition des tâches dans notre système de santé est fondée sur le principe d’un « monopole médical » : les interventions des auxiliaires médicaux sont « conçues comme des dérogations à ce monopole » énumérées par des « décrets d’actes ». C’est donc de façon limitative que sont fixés les actes qu’un médecin peut déléguer à un personnel paramédical (soit sur prescription, soit sous son contrôle direct), ainsi que ceux qui relèvent du « rôle propre » reconnu aux infirmiers par l’article R. 4311-3 du code de la santé publique.

Aujourd’hui, pour développer au cas par cas de nouvelles formes de coopération, il est possible de modifier ces listes d’actes à la marge. La HAS tire d’ailleurs un bilan positif de plusieurs délégations d’actes ainsi mises en œuvre à titre expérimental depuis 2003. Mais du fait de sa lourdeur et de son caractère ponctuel, cette procédure « est nécessairement limitée à des ajustements ponctuels et sa généralisation en routine nécessiterait de mettre en place un système complexe ».

Aussi, la HAS propose-t-elle de dépasser l’approche nécessairement restrictive d’une liste d’actes autorisés par profession pour évoluer vers une logique mixte, définissant également les professions de santé par les missions qui leur sont confiées, suivant « une logique mission / limites ». Renvoyant à l’idée d’un but à atteindre, la notion de « mission » serait en effet moins restrictive que celle d’« acte », plus technique.

Dans le même sens, Mme Annie Podeur a jugé qu’il fallait redéfinir les périmètres de compétence des professions de santé avec souplesse et clarté, par des textes réglementaires simples et stables renvoyant à des arrêtés ou à des recommandations de la HAS pour en préciser le contenu.

Ÿ Favoriser l’engagement des professionnels de santé dans de nouvelles formes de coopération en leur proposant des formations adéquates, des rémunérations attractives et des règles de responsabilité claires.

Selon M. Didier Tabuteau, de nombreux infirmiers en seconde partie de carrière sont réticents à se voir déléguer certaines tâches parce qu’ils jugent leur formation insuffisante. De même, les représentants des élèves-infirmiers ont estimé devant la mission (184) que leur formation initiale n’était pas suffisante pour qu’ils puissent effectuer de nouvelles tâches sans formation complémentaire. Pourtant, la délégation de nouvelles tâches aux infirmiers expérimentés pourrait rendre plus attractif l’exercice de leur profession en seconde partie de carrière, ce qui est particulièrement nécessaire, car la durée moyenne d’exercice des infirmiers est très courte : les représentants de la FEHAP ont indiqué à la mission qu’elle excédait à peine dix ans à l’hôpital, en raison, notamment des faibles possibilités d’évolution de carrière.

Aussi, comme le souligne la HAS, les coopérations peuvent contribuer à revaloriser certaines professions si les formations correspondantes offrent à leurs bénéficiaires des qualifications reconnues (par un DU ou par validation des acquis de l’expérience), permettant des évolutions de carrière.

Par ailleurs, la coopération entre professionnels de santé doit être encouragée par des rémunérations attractives, tant pour ceux qui délèguent (ou transfèrent) certaines tâches que pour leurs délégataires. En effet, la HAS souligne que la garantie de leur niveau de revenus est indispensable pour que des médecins acceptent de nouvelles formes de coopération, impliquent un nouveau partage des activités, comme dans le cadre d’un transfert de tâches expérimental entre ophtalmologue et orthoptiste. Pour pallier cette difficulté, le point 4.1.1.4 de la convention médicale du 12 janvier 2005 prévoit la possibilité pour un médecin de facturer les actes effectués par un auxiliaire médical qu’il salarie ; cependant, il est peu probable qu’un généraliste puisse dégager, à partir des coopérations, suffisamment d’activité et de bénéfices pour financer le salaire d’un collaborateur. Pour la HAS, les nouvelles formes de coopération seront favorisées par un cadre d’exercice regroupé et des rémunérations forfaitaires.

Les délégataires devront eux aussi trouver un intérêt financier substantiel à adopter de nouvelles pratiques, comme M. Didier Tabuteau l’a expliqué à la mission au sujet des infirmiers. Les représentantes des élèves sages-femmes entendues par la mission ont jugé inéquitable qu’une sage-femme soit moins rémunérée qu’un médecin pour le même acte.

Enfin, il faut fixer clairement les règles de responsabilité s’appliquant pour chaque délégation ou transfert d’acte. Pour garantir la sécurité des soins, ces règles doivent inciter les professionnels à savoir « passer la main » quand ils arrivent aux limites de leurs capacités, comme MM. Gérard Ropert et Bruno Fantino (185) l’ont souligné devant la mission. La HAS propose que les règles déontologiques leur fassent obligation d’évaluer ces limites et de ne pas effectuer d’actes ou formuler de prescriptions dans les domaines qui les dépassent. De même, les médecins doivent eux aussi être tenus d’évaluer les limites des compétences des professionnels auxquels ils choisissent de confier certaines tâches.

Ÿ Envisager de nouveaux transferts de compétences afin d’améliorer la fluidité du parcours de soins, notamment en évitant des consultations que seul motive le besoin d’une ordonnance.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a déjà réorganisé l’activité des orthoptistes en prévoyant qu’ils peuvent exercer sur prescription médicale « ou, dans le cadre notamment du cabinet d’un médecin ophtalmologiste, sous la responsabilité d’un médecin » (186). Elle a aussi prévu la possibilité pour les opticiens-lunetiers d’adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs datant de moins de trois ans, sauf opposition du médecin (187). De même, un arrêté du 9 janvier 2006 a fixé la liste des dispositifs médicaux que les masseurs-kinésithérapeutes sont autorisés à prescrire.

D’autres transferts de compétences ont été suggérés à la mission, visant le plus souvent à éviter des consultations médicales qui ne sont motivées que par la nécessité d’obtenir une prescription relevant du médecin.

C’est par exemple le cas pour certains actes courants de radiologie, dont les masseurs-kinésithérapeutes ont besoin, sans pour autant avoir le droit de les prescrire ; le patient est donc conduit à consulter un médecin sans avoir véritablement besoin d’un acte clinique. C’est pourquoi les représentants des élèves masseurs-kinésithérapeutes ont souhaité devant la mission (188) que la profession se voie reconnaître un droit de prescription pour ces examens.

Surtout, compte tenu des perspectives de « désertification médicale » évoquées plus haut, votre rapporteur estime qu’une politique pragmatique d’aménagement de l’offre de soins de premier recours doit s’appuyer sur le réseau de professionnels de santé le plus dense : celui des pharmacies. Comme l’association des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) (189) le souligne, les compétences acquises par les pharmaciens au cours de leurs longues études scientifiques ne sont pas utilisées aujourd’hui à leur maximum.

Lors de son audition par la mission, M. Philippe Gaertner, président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France a fait en ce sens plusieurs propositions.

Ainsi, il n’est pas rare que lors d’une consultation, un médecin établisse un diagnostic, puis prescrive des analyses biologiques, et soit conduit à effectuer une deuxième consultation à la seule fin d’établir une prescription au vu des résultats d’analyse. Pour éviter la seconde consultation, les pharmaciens pourraient être chargés d’adapter la posologie d’un traitement prescrit, sauf opposition expresse de la part du médecin et, éventuellement, dans des limites fixées par lui. Un tel dispositif, qui supposerait des protocoles de la HAS et des formations complémentaires pour les pharmaciens, permettrait d’économiser un temps médical précieux, particulièrement en zone sous-dense.

Les pharmaciens pourraient également être chargés du renouvellement de certaines ordonnances en l’absence de complication clinique – par exemple pour des contraceptifs oraux. Le livre blanc précité sur la pharmacie d’officine (190) rappelle d’ailleurs que « le pharmacien d’officine est aujourd’hui prescripteur, ou conseiller du patient, pour des médicaments qui n’exigent pas une prescription médicale » et M. Jean Parrot, président du conseil national de l’Ordre des pharmaciens, a fait savoir à la mission que la délivrance d’un médicament réservé à la prescription sans présentation d’une ordonnance n’était pas une situation totalement inconnue, dans certains cas d’urgence où le pharmacien estime qu’une telle décision doit être prise dans l’intérêt du patient et, in fine, de la collectivité. Toutefois, si les pharmaciens en assument la responsabilité, la situation juridique de ces actes n’est pas toujours totalement claire.

M. Philippe Gaertner propose également que les pharmaciens soient chargés de prendre la tension des patients qui nécessitent un suivi régulier.

À l’appui du « dossier pharmaceutique » qui leur permet de suivre la consommation de médicaments des assurés sociaux, les pharmaciens seraient aussi mieux placés que les médecins pour assurer le suivi vaccinal de la population. Ils pourraient alerter les patients de l’arrivée d’une échéance vaccinale, prescrire et délivrer le vaccin.

En outre, les pharmaciens pourraient voir leur rôle renforcé dans la prévention et le dépistage des maladies. Ils le font de façon informelle – par exemple à l’occasion de la vente de substituts nicotiniques – ou expérimentale : un tiers environ des pharmaciens de Bourgogne a ainsi participé entre 2000 et 2002, puis en 2006 et 2007, à des campagnes de prévention du diabète.

Par ailleurs, le président du conseil de l’Ordre a estimé que forts de leur maillage territorial et du « dossier pharmaceutique », les pharmaciens pourraient constituer un relais d’alerte susceptible d’éviter des pertes de chances aux patients, notamment en repérant chez les patients âgés les premiers signes de dépendance. Pour les mêmes raisons, il souhaite aussi que les pharmaciens puissent participer activement aux services de maintien à domicile des personnes dépendantes.

Pour le conseil de l’Ordre, toutes ces mesures iraient dans le sens d’un meilleur service rendu au patient et permettraient d’économiser du temps médical. Toutefois, elles supposent une meilleure articulation entre les pharmacies et les autres professionnels de santé, ce qui est difficile car les médecins se montrent actuellement plus enclins à coopérer avec les auxiliaires médicaux qu’avec les pharmaciens. Aussi, il propose de formaliser le rôle de chacun dans des « accords locaux de permanence des soins », élaborés sur le terrain au sein de « cercles de qualité », à partir d’une évaluation des pratiques actuelles. Il propose aussi que les formations complémentaires indispensables à l’évolution des pratiques soient organisées en commun entre plusieurs professions.

Proposition n° 14 : Favoriser la coopération entre les professionnels de santé en leur offrant des formations et des rémunérations attractives et en redéfinissant de façon souple leurs champs de compétence, afin de décharger les médecins de certaines tâches, notamment administratives, qui ne relèvent pas de leur cœur de métier et d’éviter certaines consultations inutiles.

c) Développer les structures dont le mode de fonctionnement favorise la coopération entre les professionnels.

Il ressort des travaux de la mission que certains cadres d’exercice sont particulièrement propices à la coopération entre professionnels. Comme Mme Élisabeth Hubert, présidente de la fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), l’a souligné devant la mission (191), l’hospitalisation à domicile (HAD) peut prendre en charge toutes les pathologies, y compris les plus lourdes, dans les mêmes conditions de sécurité que les autres établissements, dont ses structures partagent d’ailleurs le régime juridique. Mais plus que les autres formes de prise en charge, la HAD présente surtout l’avantage de mettre le patient au cœur du dispositif de soins et favorise la coordination des intervenants, avec des équipes pluridisciplinaires intégrant des hospitaliers et des libéraux.

En zone rurale notamment, les établissements de HAD doivent être organisés « sur mesure » et ne peuvent fonctionner qu’en lien étroit entre les centres hospitaliers, les hôpitaux locaux et les professionnels libéraux – notamment les infirmiers. Dans ces zones, il leur est en effet parfois difficile d’atteindre la taille critique – 30 places et 10 000 journées – permettant de salarier des médecins et infirmiers coordonnateurs et de financer les systèmes d’information et de télémédecine nécessaires ; la longueur des temps de trajet complique aussi leur fonctionnement.

Selon Mme Élisabeth Hubert, la HAD offre ainsi un cadre d’exercice attractif pour les jeunes professionnels de santé, car elle présente un caractère collectif, pluridisciplinaire et coordonné. De plus, l’exercice en HAD est marqué par une grande technicité, à laquelle les professionnels de santé sont habitués du fait de leur formation hospitalière, et l’on y observe un certain estompement de la hiérarchie. Le fonctionnement de la HAD repose d’ailleurs sur un décloisonnement ville / hôpital rare dans notre système de santé ; il contribue ainsi à valoriser l’exercice généraliste ou paramédical en libéral.

De même, le fonctionnement des réseaux de santé fait une large place à la coopération entre différentes professions de santé et différents secteurs d’activité. Comme M. Philippe Chossegros, président de la coordination nationale des réseaux de santé l’a expliqué à la mission (192), les réseaux ont été créés eux aussi afin de mettre le patient au cœur du dispositif de prise en charge, en traitant des malades plutôt que des maladies. L’organisation des réseaux viserait ainsi à regrouper l’ensemble des acteurs à même d’agir sur les principaux déterminants de santé, parmi lesquels les conditions sociales ont on rôle important : logement décent, estime de soi, sentiment d’appartenance à un groupe etc., conditionnent par exemple l’observance des traitements.

Les réseaux ont donc un large champ d’action sanitaire et médico-social. Cela suppose de faire coopérer des intervenants qui n’en ont pas l’habitude. Si un récent rapport de l’IGAS a été très critique sur l’efficience des réseaux, Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, a estimé devant la mission qu’ils peuvent constituer d’utiles interfaces entre la ville et l’hôpital.

M. Philippe Chossegros a également observé que les EGOS ont réhabilité les réseaux, parce qu’ils permettent de remobiliser les professionnels de santé, qui connaissent aujourd’hui selon lui une crise éthique, humaine et économique que révèlent les difficultés de recrutement des hôpitaux, la désaffection des médecins libéraux pour la médecine générale et la faible durée d’activité des infirmiers.

Proposition n° 15 : Promouvoir l’engagement des libéraux dans les réseaux de santé et l’hospitalisation à domicile (HAD), qui favorisent la coopération ville / hôpital et enrichissent leurs pratiques.

d) Développer la télémédecine et les systèmes d’information en santé

Pour votre rapporteur, la télémédecine constitue une technique d’avenir, particulièrement intéressante pour prendre en charge les patients dans des conditions alliant une certaine proximité et une grande sécurité.

Les techniques modernes de télédiagnostic permettent par exemple d’effectuer des actes d’imagerie médicale dans une structure de proximité qui ne dispose pas de radiologue (ou pas 24 heures sur 24) : ainsi, des radiologues du CHU de Dijon contribuent à interpréter des scanners effectués au centre hospitalier Decize, dans la Nièvre. De même, la transmission du dossier d’un patient entre un établissement de proximité et un centre hospitalier de référence permet d’obtenir l’avis d’un spécialiste sans avoir à déplacer le patient.

La télémédecine est donc particulièrement utile dans trois domaines :

– pour la prise en charge des urgences médicales, elle permet de renforcer les capacités des hôpitaux de proximité ;

– pour la prise en charge des personnes âgées ou handicapées, elle permet d’éviter des déplacements souvent pénibles, surtout si les établissements médico-sociaux partagent des dossiers patients avec les centres hospitaliers ;

– pour la prise en charge des malades chroniques (ALD), elle permet d’éviter des déplacements coûteux, car fréquents.

D’après M. Alain Lassus, maire de Decize, les économies faites sur le transport des malades ont suffi à financer 50 % des coûts d’investissements liés à l’installation d’un scanner au centre hospitalier de Decize.

Néanmoins, comme M. Gérard Larcher l’a souligné devant la mission, de telles coopérations supposent des systèmes d’information en santé plus développés et mieux interconnectés que les nôtres. Dans son rapport précité, M. Yves Bur montre qu’avec 7 000 systèmes différents, dont l’interopérabilité n’est pas garantie, « l’offre de systèmes d’information en santé est marquée par son foisonnement et par son cloisonnement », ce qui complique la prise en charge des urgences, le fonctionnement des réseaux et de la HAD, et engendre des pertes d’efficience importantes. Dans un récent rapport (193), M. Jean-Pierre Door replace ainsi les dysfonctionnements du dossier médical personnel (DMP) dans le cadre général du processus « long et complexe » d’informatisation des dossiers médicaux en France.

Proposition n° 16 : Développer les techniques de télémédecine et les systèmes d’information en santé, qui favorisent la coopération entre professionnels de santé et permettent de prendre en charge les patients dans des conditions alliant proximité et qualité des soins.

6. Développer de nouvelles structures d’exercice : promouvoir des « pôles de santé » pour aménager l’offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire

Comme M. Didier Houssin, directeur général de la santé, l’a déploré devant la mission (194), l’offre de soins primaires est aujourd’hui « atomisée » et parfois marquée par un « individualisme forcené », qui ne permet ni de répondre de façon globale aux besoins de santé d’une population vieillissante, ni d’attirer les jeunes générations de professionnels de santé, que leur formation à l’hôpital sensibilise plutôt au travail en équipe.

Il ressort des travaux de la mission que les professionnels de santé, notamment les jeunes médecins, souhaitent d’autres structures d’exercice que le cadre traditionnel de l’exercice libéral en cabinet individuel. Cela explique leur attrait pour l’exercice groupé, et l’intérêt qu’ils portent en particulier aux groupements pluridisciplinaires. Cette tendance doit être favorisée et encadrée par une véritable politique d’aménagement de l’offre de soins de premier recours sur l’ensemble du territoire.

a) Tenir compte de l’attrait croissant des professionnels de santé, notamment des jeunes générations, pour l’exercice groupé

Si les structures d’exercice groupé de la médecine générale sont plus rares aujourd’hui en France que dans certains pays comparables, les études menées ces dernières années sur la médecine générale s’accordent à considérer que ce mode d’exercice progresse, avec l’appui des pouvoirs publics.

Ÿ Un développement récent de l’exercice groupé.

Ainsi, la DREES évalue entre 33 et 45 % la part des médecins généralistes exerçant en groupe (195), soit moins que la moyenne des médecins (40 à 47 %). En effet, les taux les plus élevés d’exercice en groupe s’observent parmi les spécialités effectuant le plus d’actes techniques (notamment les radiologues). Le taux d’exercice groupé de la médecine générale présente en outre d’importantes disparités régionales : il s’établit entre 20 et 30 % dans le sud-ouest, le bassin parisien, le nord et autour de la Méditerranée, tandis qu’il dépasse 50 % en région parisienne, dans l’ouest et le centre-est.

S’agissant des auxiliaires médicaux, le rapport précité de M. Jean-Marc Juilhard indique que le taux d’infirmiers et de masseurs-kinésithérapeutes (professions qui rassemblent 80 % des auxiliaires médicaux ayant un exercice libéral) exerçant en groupe est respectivement de 37 % et 36 %, soit à peine inférieur à celui des médecins généralistes.

La DREES observe cependant que ces taux progressent : le nombre des médecins libéraux exerçant en société ou en cabinet de groupe a augmenté de 18 % entre 2000 et 2003, alors que celui des médecins exerçant dans un cadre individuel a diminué.

Ÿ Un mode d’organisation privilégié par les jeunes médecins.

La DREES explique la progression de l’exercice groupé par l’attrait de ce mode d’exercice chez les jeunes générations de médecins (cf. graphique ci-dessous) : 48 % des médecins installés dans l’activité libérale après 1990 exercent en groupe, contre 36 % de ceux installés avant 1981 ; les médecins exerçant en groupe sont donc en moyenne plus jeunes (48 ans) que les autres (plus de 50 ans).

Répartition des médecins par tranche d’âge selon l’exercice en groupe

Source : DREES, « L’exercice en groupe des médecins libéraux », Études et résultats n° 314, juin 2004.

Les travaux de la mission ont permis de confirmer ces différences générationnelles dans les attentes des médecins. D’un côté, les représentants de la CSMF (196) ont souligné le fait que l’exercice groupé ne résout pas en soi la pénurie de médecins, et qu’au contraire, l’offre de soins peut y perdre en proximité ; ils se disent attentifs à ce que le regroupement des professionnels de santé et les rémunérations forfaitaires ne remettent pas en cause les principes fondamentaux de l’exercice libéral. De l’autre côté, les représentants des internes de médecine générale (197) estiment au contraire qu’il faut « réorganiser pour sauvegarder une médecine générale de proximité » et que « l’exercice résolument isolé, où qu’il soit, constitue un mode d’exercice voué à disparaître », pour laisser la place à l’exercice en cabinet de groupe ou en maison de santé pluridisciplinaire, « solutions d’avenir » qui permettent non seulement la mutualisation des moyens humains et techniques, mais aussi la rupture de l’isolement intellectuel du généraliste grâce au travail en équipe (198).

b) Privilégier les différentes structures d’exercice regroupé, notamment celles qui favorisent le plus la coopération entre professionnels et qui procèdent d’une démarche territoriale d’organisation globale de l’offre de soins

Ÿ L’organisation regroupée des professionnels de santé permet de consolider l’offre de soins de premier recours.

Le regroupement offre d’abord la possibilité de mutualiser entre plusieurs praticiens certains moyens nécessaires à leur activité, comme les équipements informatiques ou les personnels administratifs. La DREES montre ainsi que 82 % des médecins généralistes exerçant en groupe ont des employés, contre 44 % seulement pour les omnipraticiens exerçant seuls.

Pour M. Guy Vallancien (199), le regroupement de médecins permet aussi d’optimiser la production de soins quand les structures d’exercice atteignent une taille critique – qu’il évalue à huit ou dix praticiens –, autorisant une spécialisation légère des praticiens, par exemple en gériatrie.

Le regroupement des médecins facilite aussi la permanence des soins. En effet, selon M. Jean-Yves Grall (200), la permanence des soins gagne en lisibilité quand elle est organisée dans des structures bien identifiées par les patients : de ce point de vue, un cabinet de groupe ou une maison médicale constituent des repères plus clairs que des cabinets individuels dispersés sur le territoire et mal connus des patients. En outre, les interlocuteurs de la mission ont souvent fait valoir le fait que la présence de plusieurs praticiens simplifie la gestion des emplois du temps et permet notamment d’assurer la prise en charge des patients pendant les vacances de leur médecin traitant, ce qui va dans le sens d’une meilleure conciliation des contraintes professionnelles et privées des médecins généralistes.

De plus, votre rapporteur souligne que les généralistes rencontrés par la mission en Mayenne ont indiqué qu’il leur devenait presque impossible de trouver un repreneur pour leur cabinet s’ils n’exercent pas en groupe, ce qui incite fortement les plus âgés d’entre eux à participer à un projet de regroupement.

Enfin, pour les jeunes médecins, exercer en groupe permet de retrouver dans l’exercice libéral un moyen de confronter leurs pratiques professionnelles, comme leur formation à l’hôpital, centrée sur l’exercice collectif et technique, les y a habitués. L’exercice en groupe peut donc avoir un effet « sécurisant » pour les jeunes praticiens, qui craignent d’être seuls face à des cas difficiles, et faciliter les échanges de pratiques avec les médecins plus expérimentés.

Ÿ Le regroupement des professionnels de santé libéraux peut prendre différentes formes, certaines favorisant plus que d’autres la coopération entre les professionnels de santé.

Parmi les structures d’exercice regroupé créées le plus souvent à l’initiative des professionnels de santé soucieux d’améliorer leurs pratiques et leurs conditions de travail, ou des collectivités territoriales confrontées aux risques de désertification médicale, on peut distinguer plusieurs catégories de structures :

– la « maison médicale », ou « cabinet de groupe », constitue la forme traditionnelle d’exercice collectif de la médecine libérale. L’article 93 du code de déontologie des médecins (article R. 4127-93 du code de la santé publique) ne l’évoque que pour rappeler que chaque praticien y garde son indépendance professionnelle ;

– la « maison médicale de garde » est un lieu fixe de prestations de médecine générale, qui fonctionne uniquement aux heures de la permanence des soins, assure une activité de consultation médicale non programmée, et répond à un cahier des charges fixé par une récente circulaire (201) ;

– la « maison de santé » définie par le code de la santé publique (202), ou « maison de santé pluridisciplinaire », est constituée entre différents professionnels de santé et peut associer des personnels médico-sociaux ; elle assure des activités de soins sans hébergement et peut participer à des actions de santé publique ;

– le « pôle de santé », sans définition juridique pour l’heure, constitue le modèle le plus abouti d’organisation de l’offre de soins de premier recours. Il vise à organiser la couverture des besoins de santé d’un bassin de vie entier en faisant coopérer l’ensemble des acteurs – professionnels libéraux, hôpitaux locaux, structures médico-sociales etc. – dans une structure souple. Il rassemble ainsi une ou plusieurs maisons de santé pluridisciplinaires, des cabinets isolés et divers établissements hospitaliers ou médico-sociaux. La mission a pu étudier en Mayenne un projet particulièrement complet de « pôle de santé du sud-ouest mayennais » (cf. encadré ci-dessous).

Le pôle de santé du sud-ouest mayennais

Le projet de « pôle de santé du sud-ouest mayennais », adossé à l’hôpital local du sud-ouest mayennais repose sur :

1. Une démarche pluridisciplinaire, qui associe l’ensemble des professionnels de santé (notamment les médecins, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes).

2. Un projet de soins, décliné en huit thèmes :

– travailler en équipe, c’est-à-dire développer la coopération et le travail de soins en équipe (par exemple, pour des soins de petite chirurgie à l’hôpital local) entre professionnels de différentes disciplines et différents statuts (libéral, hospitalier et médico-social) ;

– soigner, c’est-à-dire organiser des consultations avancées de spécialistes, mutualiser les astreintes de permanence des soins entre la ville et l’hôpital local, assurer le remplacement des professionnels en congés, et développer des « dossiers patients » partagés ;

– communiquer, avec un système informatique d’échange de « dossiers patients », et, à l’avenir, des outils de télémédecine permettant d’obtenir des avis spécialisés pour les patients des EHPAD ;

– se coordonner, grâce aux outils informatiques précités et à des échanges réguliers au sein du pôle, pour mieux coordonner les soins autour de chaque patient ;

– prévenir, en menant des actions de santé publique qu’un médecin seul n’a pas les moyens de mettre en place ;

– s’évaluer : la coopération facilitera l’évaluation des pratiques professionnelles et la certification de l’hôpital local ;

– se former, l’organisation regroupée facilitant la gestion des absences pendant les journées de formation, et l’organisation de formations collectives ;

– accueillir de nouveaux professionnels, en recrutant des stagiaires et en offrant des conditions de travail attractives : logement, possibilité d’exercice à temps partiel, statut d’assistant ou de collaborateur, possibilité d’exercice mixte ville / hôpital, ainsi que le confort lié à une organisation efficace de la permanence des soins et des tâches administratives.

3. Une approche territoriale, visant à couvrir les besoins de santé d’un territoire de santé de proximité par une organisation rationnelle des lieux de consultations et par la mise en réseau de tous les acteurs de santé du territoire : libéraux, hôpitaux locaux, CLIC, SSIAD, etc.

Ainsi, les professionnels et les établissements adhèrent à un groupement de coopération sanitaire (GCS) et à une charte d’engagement. Deux maisons de santé pluridisciplinaires sont construites avec le soutien des communautés de communes, chacune dans l’enceinte d’un site de l’hôpital local (à Craon et à Renazé). Deux cabinets resteront isolés, en « satellites », dans des communes où existent des pharmacies et des maisons de retraite, mais fonctionneront en réseau au sein du GCS.

c) Accompagner le regroupement des professionnels sans imposer de modèle unique

Votre rapporteur estime que les politiques publiques doivent inciter les professionnels de santé à se regrouper. Il faut cependant éviter que les aides publiques ne conduisent à imposer un modèle unique de regroupement, qui, faute de répondre aux spécificités locales, risque de mettre en péril les structures mises en place. Au contraire, il faut privilégier l’adaptation des projets de regroupement aux conditions locales, tout en visant à les inclure dans une véritable politique d’aménagement de l’offre de soins de premier recours sur le territoire.

Ÿ Favoriser le regroupement des professionnels par des aides pérennes et simples à mobiliser.

Comme l’indique M. Jean-Marc Juilhard dans son rapport précité, un cabinet de groupe présente un coût de fonctionnement incontestablement supérieur à celui d’un cabinet isolé, notamment à cause des coûts des locaux et du secrétariat. Cela justifie que les pouvoirs publics favorisent leur développement, au moyen d’aides financières. Plusieurs dispositifs de cette nature existent déjà :

– l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité, « pour favoriser l’exercice regroupé » des généralistes dans les zones déficitaires, d’une « rémunération forfaitaire annuelle qui peut être modulée en fonction de leur niveau d’activité et de leurs modalités d’exercice ». C’est sur ce fondement que l’avenant n° 20 précité a institué une option conventionnelle qui prévoit une majoration de 20 % de leurs honoraires, à condition qu’ils exercent en groupe ;

– les regroupements de professionnels sont éligibles aux aides octroyées par le fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) en vue de financer « le développement de nouveaux modes d’exercice », « des actions ou des structures concourant à l’amélioration de la permanence des soins », ainsi que « des structures visant au maintien de l’activité et à l’installation de professionnels de santé pour favoriser un égal accès aux soins sur le territoire ». Par exemple, l’URCAM de Bourgogne a indiqué à la mission qu’elle avait ainsi financé 19 maisons de santé depuis 2001, dont 11 en cours de financement, pour un montant annuel dépassant 2,1 millions d’euros.

Votre rapporteur souligne l’importance de l’engagement des collectivités territoriales dans ces projets. Le plus souvent, elles participent à l’acquisition des locaux, même si en principe, leurs investissements en la matière ne sont éligibles au fonds de compensation de la TVA que si ces projets concernent des zones classées « déficitaires ». Ainsi, le conseil régional de Bourgogne a contribué pour 75 000 à 175 000 euros aux projets de maisons de santé et finance (jusqu’à 10 000 euros par an) le transport des patients vers les maisons de santé. L’association des régions de France (ARF) (203) juge d’ailleurs utile que les conseils régionaux rémunèrent des animateurs territoriaux chargés de mobiliser les professionnels à ces projets, ce que leur charge de travail ne leur permet pas toujours de faire spontanément.

Il ressort cependant des travaux de la mission que les aides accordées au titre du FIQCS ne présentent pas toutes les garanties de pérennité que les acteurs pourraient souhaiter. En effet, l’assurance maladie peut participer au financement d’études de faisabilité et des investissements immobiliers et informatiques, mais s’agissant des frais de fonctionnement, elle ne peut verser qu’une aide au démarrage, limitée dans le temps et dégressive. Ainsi, la maison de santé pluridisciplinaire de Moulins-Engilbert, visitée par la mission au cours de son déplacement dans la Nièvre, bénéficie d’un financement de 2008 à 2010. De même, la majoration de 20 % appliquée aux actes des généralistes exerçant en groupe en zone déficitaire n’est applicable que pour la durée de validité de la convention médicale du 12 janvier 2005, c’est-à-dire jusqu’en 2010.

Quant aux collectivités territoriales, elles financent surtout des dépenses d’investissement. Devant la mission (204), M. Étienne Déséhu, rapporteur des EGOS, a donc souhaité que les maisons de santé pluridisciplinaires disposent d’un financement pluriannuel, et les représentants d’Espace généraliste (205) ont jugé nécessaire que ces aides soient pérennes, indiquant qu’au Canada par exemple, il n’est pas rare de voir des maisons de santé fermer à l’échéance de leur plan de financement public.

Votre rapporteur rappelle que l’article L. 6323-3 du code de la santé publique prévoit la possibilité pour les maisons de santé de se substituer aux praticiens pour conclure avec l’assurance maladie des accords de bon usage des soins et des contrats de bonne pratique, lesquels peuvent ouvrir droit à des rémunérations forfaitaires. Il faut donc que cette possibilité soit mise en œuvre, voire aller plus loin en dotant ces maisons de santé de rémunérations forfaitaires spécifiques pour des actions de santé publique et pour le suivi des malades chroniques. Les représentants du RSI ont estimé que sans de telles rémunérations, ces maisons ne serviront qu’à mutualiser un secrétariat et quelques frais généraux, alors qu’elles pourraient favoriser une évolution profonde des pratiques de soins, notamment par des délégations de tâches.

Votre rapporteur souligne aussi que les porteurs de projets sont souvent des professionnels de santé qui n’ont pas été formés à l’ingénierie administrative, ou des collectivités territoriales ne disposant pas de services administratifs très étoffés. Aussi faut-il veiller à ce que la procédure d’instruction des dossiers de demande de financement ne soit pas trop lourde.

Ÿ Ne pas imposer de modèle uniforme de maison de santé pluridisciplinaire.

La ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a annoncé à la mission (206) que le gouvernement soutiendrait la création de 100 maisons de santé pluridisciplinaires en 2008 et autant en 2009, par une aide de 50 000 euros par projet. Devant la mission (207), M. Guy Vallancien, secrétaire général du conseil national de la chirurgie, a quant à lui esquissé une organisation de l’offre de soins primaires reposant sur 2 000 maisons de santé pluridisciplinaires rassemblant 8 ou 10 médecins, installées en périphérie des agglomérations, près des infrastructures de communication. Il suggère qu’elles soient dotées d’outils basiques de scanner et échographie 3D ne nécessitant pas l’intervention d’un radiologue – sauf, éventuellement, par télémédecine.

Votre rapporteur souligne que cette approche volontariste est basée sur une conception cohérente et ambitieuse des soins de premier recours. Pourtant, comme l’ont souligné devant la mission les représentants de l’association des régions de France (208), les projets de maisons de santé doivent être calibrés « sur-mesure ». De nombreux acteurs, à l’image du président du CISS, estiment qu’il ne faut pas fixer d’objectifs quantifiés de nombre de maisons de santé créées, mais partir des besoins exprimés dans le cadre d’un projet médical de territoire, en évitant tout effet d’éviction au détriment des médecins en place. De même, les représentants de la conférence des directeurs d’ARH (209) ont déclaré à la mission que l’offre de soins de premier recours ne devrait pas être organisée suivant un modèle unique : maisons de santé – pluridisciplinaires ou non, adossées à des hôpitaux locaux ou non –, cabinets de groupe, centres de santé etc. peuvent coexister.

Notamment, le regroupement physique des professionnels de santé dans un site unique – ce que le vocable de « maison » de santé paraît privilégier – n’est pas une nécessité dans tous les projets. En effet, la concentration de l’offre de soins dans la commune pivot d’un bassin de vie risque d’éloigner les professionnels de santé de certains de leurs patients : les soins de premier recours y perdraient en proximité. De plus, les pharmaciens rencontrés par la mission dans la Nièvre lui ont fait valoir qu’une telle concentration des médecins à l’échelle d’un bassin de 10 000 à 20 000 habitants mettrait à mal l’équilibre économique des pharmacies, qui sont réparties de façon à ce que leur ressort ne dépasse pas 3 000 habitants. En effet, les patients ayant tendance à se faire délivrer leurs médicaments à la sortie du cabinet du médecin qui les leur a prescrits, les pharmacies proches des maisons de santé bénéficieraient du regroupement de médecins, au détriment des pharmacies des zones éloignées. Or 85 % du chiffre d’affaires des officines provient de la délivrance des médicaments, le plus souvent sur prescription médicale : aussi, le regroupement des médecins risque de fragiliser économiquement le maillage pharmaceutique du territoire.

C’est pourquoi, comme M. Michel Autès l’a estimé devant la mission au nom de l’ARF, mieux vaut parfois que les professionnels restent dispersés sur le territoire et qu’une maison-mère organise leur coopération (notamment par des systèmes d’information) et établisse des liens avec les professionnels du même territoire qui ne souhaitent pas y adhérer. Votre rapporteur considère en effet que des systèmes d’information en santé et une organisation administrative commune suffisent à faire fonctionner en réseau des cabinets médicaux et des maisons de santé pluridisciplinaires répartis sur l’ensemble d’un bassin de vie ; ce mode de fonctionnement est d’ailleurs le propre des « pôles de santé » précités.

C’est pourquoi la ministre de la santé a indiqué à la mission qu’il ne fallait pas évoquer seulement des « maisons » de santé, mais aussi des « pôles » de santé. Pour les mêmes raisons, M. Didier Tabuteau a proposé à la mission (210) de promouvoir l’idée de « plateaux de santé » plutôt que de « maisons » de santé, terme qui selon lui évoque un bâtiment unique, alors que les plateaux de santé doivent pouvoir être virtuels, dotés d’une infrastructure informatique, et permettre ainsi la mutualisation des moyens de la ville et de l’hôpital.

d) Favoriser les formes les plus abouties de structuration de l’offre de soins de premier recours, notamment les « pôles de santé »

Votre rapporteur considère que s’il faut laisser une grande souplesse aux acteurs locaux pour adapter les formes de regroupement des professionnels de santé aux spécificités locales, il n’en faut pas moins éviter les projets qui ne reposent pas sur une véritable dynamique professionnelle, et promouvoir les formes les plus abouties de structuration de l’offre de soins de premier recours.

Ÿ Doter les maisons de santé pluridisciplinaires d’un cahier des charges afin d’éviter des projets trop fragiles.

La ministre de la santé a signalé à la mission certains cas de maisons de santé qui ne fonctionnent pas, faute de professionnels de santé, ce qui est très regrettable compte tenu des investissements importants consentis notamment par les collectivités territoriales. Votre rapporteur considère qu’un cahier des charges national pourrait fixer certaines règles minimales visant à éviter que de tels cas ne se reproduisent. Comme l’a noté M. Étienne Déséhu devant la mission, un tel document permettrait aussi de partager les expériences tirées des projets de maisons de santé déjà abouties, afin de ne pas « réinventer la roue » à chaque projet. M. Christian Saout souligne aussi qu’un cadre national est indispensable pour garantir aux maisons de santé le fonctionnement partenarial, les financements pérennes et les dispositifs d’évaluation qui ont manqué aux réseaux de santé.

Comme l’indique le rapport précité de M. Jean-Marc Juilhard, les URCAM ont déjà élaboré des critères d’examen des dossiers de demande de financement de maisons de santé au titre du FIQCS. Il en ressort qu’elles privilégient les projets pluridisciplinaires, situés en zone déficitaire, susceptibles de rassembler un nombre « significatif » de professionnels et comportant des engagements en matière de permanence des soins. Elles favoriseraient en outre les projets de participation à des actions de santé publique locales et à des possibilités de délégation de tâches. Elles veilleraient aussi à la coordination du projet avec l’offre de soins existante.

Il faut aller plus loin que ces centres régionaux. Votre rapporteur considère notamment que ces structures seront d’autant mieux à même de faire évoluer les pratiques de soins de premier recours qu’elles bénéficieront de l’appui de la HAS dont le président, M. Laurent Degos, a d’ailleurs proposé devant la mission (211) que soit instituée une procédure de certification des maisons de santé pluridisciplinaires et des centres de santé par la haute autorité.

Ÿ Favoriser les projets reposant sur un véritable projet médical pour le territoire dans lequel ils s’inscrivent.

Pour votre rapporteur, les regroupements de professionnels peuvent procéder de deux logiques qu’il convient de distinguer :

– souvent, ils visent simplement à mettre en commun divers moyens ;

– parfois, ils reposent sur un véritable projet professionnel collectif, autour d’une organisation des soins et de la prise en charge des patients.

L’ONDPS (212) souligne d’ailleurs que si la première formule tend à rationaliser le travail des professionnels, permettant de ce fait de répondre à certaines contraintes comme celles de la permanence des soins, « elle ne coïncide pas, ou pas forcément, avec une pratique professionnelle différente de celle classiquement développée par un médecin qui exerce de façon isolée ».

Sans qu’il soit question de limiter le recours à des formes moins approfondies de regroupement des professionnels de santé, votre rapporteur juge utile que les politiques d’aménagement de l’offre de soins de premier recours s’attachent à promouvoir la constitution de véritables « pôles de santé » reposant à la fois sur un projet de soins et sur une démarche d’aménagement d’un territoire de santé de proximité.

Pour cela, il faut privilégier les structures pluridisciplinaires, qui permettent de mettre à la disposition de la population une offre de soins complète : médecins généralistes, infirmiers, médecins spécialistes, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, diététiciens, psychologues, ergothérapeutes etc., le cas échéant par un système de consultations assurées au sein d’une maison de santé – par des professionnels exerçant à titre principal ailleurs. Surtout, la pluridisciplinarité est susceptible de faciliter la coopération entre professionnels de santé, ce qui contribuerait à rendre la production de soins plus efficiente et l’exercice des professions concernées plus attrayant. Comme l’indique le rapport précité de M. Jean-Marc Juilhard, des structures pluridisciplinaires peuvent aussi mener des actions de santé publique ou des actions sociales et médico-sociales. Certaines accueillent ainsi en leur sein des acteurs sociaux, en lien avec les communes et les conseils généraux. Cela va dans le sens d’une prise en charge globale de la santé des personnes.

Ensuite, votre rapporteur estime que les maisons de santé gagnent à être adossées à des structures hospitalières, qu’il s’agisse de centres hospitaliers ou d’hôpitaux locaux, ou à des structures médico-sociales. Cela contribue en effet à donner à la maison de santé une plus grande visibilité, ce dont M. Étienne Déséhu a souligné l’importance devant la mission. La proximité des structures libérales et hospitalières ou médico-sociales va surtout dans le sens du décloisonnement des secteurs : elle favorise le tissage de liens étroits entre les professionnels concernés, ce qui peut permettre une prise en charge plus fluide des patients.

Une telle proximité facilite également l’organisation de la permanence des soins, car elle offre un cadre sécurisé aux effecteurs libéraux, et peut permettre de mutualiser les moyens mis au service de la permanence des soins en médecine ambulatoire, à l’hôpital local et dans les structures médico-sociales. La mission a ainsi pu constater que les généralistes libéraux exerçant à Laval avaient d’abord souhaité créer une maison médicale de garde en dehors de l’enceinte du centre hospitalier, et qu’ils ont pris la décision de l’installer à l’intérieur de cette enceinte pour des raisons de sécurité, de visibilité et d’affinité avec les personnels hospitaliers, notamment ceux du centre 15.

On signalera aussi que dans son rapport sur les missions de l’hôpital, M. Gérard Larcher souligne le « rôle moteur » que les hôpitaux locaux, forts de leur qualité d’établissement de santé, peuvent jouer dans les projets visant à structurer l’offre de soins de proximité.

Par ailleurs, la création d’une maison de santé doit toujours reposer sur un véritable projet de soins, porté par les professionnels de santé, et non sur la volonté de certaines collectivités territoriales. Les représentants de la MSA ont déclaré à la mission que l’expérience qu’ils retirent de la création de « maisons de santé rurales » pluridisciplinaires les conduit à penser qu’il ne faut créer de maisons de santé pluridisciplinaires que sous certaines conditions :

– qu’elles répondent à une évaluation locale des besoins ;

– qu’elles reposent sur un projet de soins partagé par les médecins, et non sur la seule volonté de certaines communes ;

– que les praticiens recrutés aient un projet de vie cohérent avec l’implantation en zone rurale pour plusieurs années.

De plus, les structures pluridisciplinaires d’exercice groupé (qu’il s’agisse de maisons de santé ou, plus largement, de pôles de santé) devraient intégrer une dimension de santé publique – notamment en matière de prévention ou de suivi des malades chroniques – ou une dimension médico-sociale, par exemple axée sur la protection maternelle et infantile ou les addictions. L’importance de ces dimensions a été soulignée devant la mission, notamment par M. Michel Autès (213) ainsi que par MM. Gérard Ropert et Bruno Fantino (214), selon lesquels les projets de soins qui sous-tendent ces maisons doivent même être « irrigués » par la santé publique, faute de quoi elles n’apporteraient pas plus qu’un simple cabinet médical de groupe.

Enfin, votre rapporteur plaide en faveur d’une véritable politique territorialisée d’aménagement de l’offre de soins de premier recours. C’est au niveau de chaque bassin de vie que l’offre de soins doit être organisée au mieux pour répondre aux besoins de santé de la population. Les SROS ambulatoires, dont la création a été annoncée à la mission par la ministre de la santé, doivent constituer les principaux instruments de cette politique, en fixant les orientations du développement de l’offre de soins de premier recours. Pour que les projets de regroupement des professionnels de santé soient conformes à ces orientations, il conviendrait alors :

– soit que les projets de maisons de santé correspondent aux orientations fixées par les SROS ambulatoires ;

– soit que les professionnels s’approprient la démarche d’organisation territoriale de l’offre de soins du SROS et proposent un véritable projet de pôle de santé répondant globalement aux besoins de santé d’un bassin de vie.

La ministre de la santé a annoncé à la mission (215) que s’ils ne répondent pas aux critères fixés par les SROS ambulatoires, les projets de maison de santé ne pourront pas bénéficier des aides de l’État et de l’assurance maladie.

Proposition n° 17 : Structurer l’offre de soins de premier recours en « pôles de santé », en invitant l’ensemble des acteurs des soins de premier recours d’un même bassin de vie – professionnels libéraux, hôpitaux locaux, structures médico-sociales etc. – à élaborer un véritable projet médical de territoire consistant à :

– structurer le maillage de l’offre de soins sur leur bassin de vie en se regroupant au sein d’une ou plusieurs maisons de santé pluridisciplinaires, notamment autour des structures hospitalières ou médico-sociales, tout en maintenant si nécessaire des cabinets « satellites » pour répondre aux besoins de santé des patients éloignés du centre du territoire ;

– organiser leur coopération afin d’assurer de façon permanente la couverture des soins de santé du bassin de vie, notamment en assurant les remplacements nécessaires et en partageant des outils informatiques ;

– attirer de nouveaux professionnels, en offrant des statuts d’exercice variés et en accueillant des stagiaires.

Ÿ Dans les zones déficitaires, il est envisageable de financer le développement de centres de santé.

L’article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité de dispositifs d’aide visant à faciliter l’installation des centres de santé dans les zones déficitaires, « ainsi que les conditions dans lesquelles ces centres bénéficient, en contrepartie, d’une rémunération forfaitaire annuelle qui peut être modulée en fonction de leur niveau d’activité et leurs modalités d’exercice ou d’organisation, notamment pour les conduire à intégrer dans leurs équipes des professionnels de santé exerçant des activités numériquement déficitaires dans ces zones ».

Votre rapporteur juge utile de mettre en œuvre de tels dispositifs d’aide dans les zones déficitaires connaissant des problèmes d’attractivité, afin de garantir à la population un accès aux soins que l’offre libérale ne suffit pas à assurer. C’est dans ce sens que le rapport de M. Gérard Larcher prône « une réflexion renouvelée sur les centres et maisons de santé ». Comme les représentants du comité de liaison des centres de santé l’ont déclaré à la mission (216), il est peu probable que des projets de maison de santé voient le jour dans les zones périurbaines sensibles, où les centres de santé constituent souvent la seule offre de soins.

7. Consolider le maillage hospitalier du territoire et y adosser l’offre de soins de premier recours

Il ressort des travaux de la mission qu’une politique d’aménagement de l’offre de soins de premier recours est indissociable d’une réflexion sur le maillage hospitalier du territoire. L’offre hospitalière peut en effet constituer l’ossature d’une organisation globale de l’offre de soins.

a) Consolider le maillage hospitalier du territoire en exploitant des complémentarités entre les établissements dans le cadre de communautés hospitalières de territoire

Ÿ Coordonner les établissements et mutualiser leurs moyens au sein de communautés hospitalières de territoire.

La ministre de la santé a annoncé à la mission que la création de communautés hospitalières de territoire visant à mutualiser les moyens hospitaliers entre établissements d’un même territoire de santé, serait « au cœur » du projet de loi annoncé relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Ce projet reprend les grandes lignes des recommandations formulées par M. Gérard Larcher dans son rapport sur l’avenir de l’hôpital, lequel propose notamment d’« accompagner les rapprochements d’hôpitaux publics par la création de communautés hospitalières de territoire fondées sur un projet d’activités médicales commun et dotées de compétences stratégiques ». Du point de vue de l’organisation de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, ces communautés peuvent présenter plusieurs avantages :

– mettre un terme aux relations de concurrence entre hôpitaux et de développer des stratégies de groupe ;

– consolider le maillage territorial de l’offre hospitalière par une organisation graduée de l’offre de soins, dans laquelle les hôpitaux locaux et les établissements de proximité pourront avoir leur place ;

– consolider l’offre de soins médicaux dans les hôpitaux de proximité en mutualisant leurs moyens avec ceux des établissements de référence.

M. Gérard Larcher condamne en effet les « concurrences délétères » entre hôpitaux publics. La mission a d’ailleurs pu constater que parfois, les hôpitaux publics ont moins de mal à coopérer avec les cliniques privées qu’entre établissements publics : c’est par exemple le cas du centre hospitalier de Decize (Nièvre), dont les responsables ont indiqué à la mission qu’il leur avait été plus facile de mutualiser certains médecins spécialistes (notamment des chirurgiens) avec la polyclinique de Nevers qu’avec le centre hospitalier de la même ville. La création des communautés hospitalières de territoire doit donc fournir un cadre institutionnel qui porterait les hôpitaux publics à dépasser ces rivalités en élaborant des stratégies de groupe.

Comme la directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins l’a indiqué à la mission (217), ces stratégies devront intégrer les principes d’organisation graduée de l’offre hospitalière fixés par les SROS. Sur chaque territoire de santé, une offre complète doit ainsi être organisée autour d’un établissement « pivot », doté de services de grande spécialité et de plateaux techniques, qui fonctionnerait en réseau avec des hôpitaux de proximité offrant notamment des services de médecine, de SSR et de gériatrie. Selon Mme Annie Podeur, une telle organisation garantit en effet la qualité des soins, qui suppose une continuité des services et des équipes incompatible avec la dispersion des ressources médicales. Elle doit permettre aussi de remédier au « hiatus » qui existe entre les services de soins aigus et le domicile, en convertissant des lits de soins aigus en lits de SSR.

Votre rapporteur souligne que dans ces communautés, tous les établissements peuvent avoir leur rôle à jouer. Ainsi, M. Jean-Mathieu Defour, président de l’association nationale des hôpitaux locaux (ANHL), a souligné devant la mission (218) que même les hôpitaux locaux pourront avoir un rôle de chefs de file au sein de ces communautés, par exemple en matière de gériatrie, comme ils commencent à le faire quand le centre hospitalier le plus proche n’a pas de service de gériatrie.

Enfin, d’après la ministre de la santé, les communautés hospitalières de territoire pourraient contribuer à « remédicaliser » des hôpitaux de proximité qui connaissent des difficultés de recrutement. Le rapport Larcher suggère en effet que les établissements délèguent à ces communautés certaines compétences « dans une optique de mutualisation », notamment la gestion des personnels médicaux. Selon M. Claude Évin (219), une telle organisation peut favoriser par exemple le développement de la chirurgie ambulatoire dans les hôpitaux de proximité, dont un certain nombre de plateaux techniques sont menacés de fermeture du fait de difficultés à recruter des personnels soignants. Si M. Guy Vallancien a exprimé des réserves sur ce système, estimant qu’il ne pourrait concerner que des actes techniques simples, pour lesquels les patients refusent rarement de se déplacer jusqu’à un centre hospitalier plus important, il a en revanche indiqué qu’une telle organisation permettrait aux spécialistes de ces centres hospitaliers de venir régulièrement assurer des consultations au sein des hôpitaux de proximité.

Ÿ Préserver l’autonomie des établissements dans le cadre des communautés hospitalières de territoire.

Pour votre rapporteur, il y a deux façons de concevoir les communautés hospitalières de territoire :

– une méthode très volontariste consisterait à rendre obligatoire la fusion des établissements dans un « hôpital multisites », avec une direction et un budget uniques. Cette démarche a été défendue devant la mission par M. Guy Vallancien, qui fait valoir qu’elle permettrait de faire converger très rapidement les intérêts des différents hôpitaux en vue des restructurations rendues nécessaires par la tarification à l’activité (T2A) : des antennes de proximité assureraient les soins légers, tandis que les prises en charges lourdes et les actes techniques seraient concentrés dans les hôpitaux de référence ;

– suivant une démarche plus respectueuse de l’autonomie des établissements, l’adhésion à une communauté pourrait dans un premier temps être favorisée par des incitations fortes, de façon à ce que les hôpitaux s’engagent dans une coopération choisie, et non imposée. Un tel mécanisme aurait pour effet de corriger les déséquilibres dans les rapports entre petits et grands hôpitaux, qui ne pourraient pas imposer leur stratégie de développement aux petits hôpitaux.

Devant la mission, la ministre de la santé a déclaré sa préférence pour la deuxième de ces formules. Ainsi, chaque établissement conserverait au sein des communautés hospitalières de territoire son entité juridique et, s’il le souhaite, sa direction propre. Comme M. Gérard Larcher le souligne aussi dans son rapport, « les procédures de création de communautés de communes et de communautés d’agglomérations pourraient utilement inspirer les modalités de création des communautés hospitalières de territoire ». Par souci d’efficacité, votre rapporteur juge nécessaire que les ARS puissent prendre des mesures pour que ces communautés connaissent un développement plus rapide que les formes existantes de coopération inter-hospitalière ; il considère néanmoins que les membres d’une communauté hospitalière de territoire ne pourront s’approprier pleinement sa stratégie de groupe que s’ils se sont engagés activement dans son élaboration. Aussi les ARS devront-elles rechercher systématiquement l’adhésion volontaire des hôpitaux aux projets de communautés hospitalières de territoire, dont les compétences et la gouvernance doivent être définies au cas par cas. La ministre a d’ailleurs proposé devant la mission que certaines des compétences des communautés soient obligatoires – notamment les systèmes d’information, la stratégie médicale et la gestion des personnels –, et d’autres, facultatives.

Proposition n° 18 : Consolider le maillage des hôpitaux de proximité et des hôpitaux locaux en mutualisant les moyens des établissements publics de santé au sein de « communautés hospitalières de territoire » dans lesquelles l’autonomie des établissements soit préservée.

b) Tenir compte des contraintes géographiques dans la planification sanitaire et le financement des établissements

Comme la mission a pu le constater lors de ses déplacements, l’implantation de l’offre hospitalière ne forme pas un maillage régulier sur tous les territoires de santé – c’est par exemple le cas en Mayenne, mais pas dans la Nièvre – et la géographie de certaines zones complique l’accès aux soins. Dans ces zones, l’activité des services hospitaliers n’atteint pas toujours les seuils d’activité fixés pour obtenir le renouvellement de leur autorisation d’exercice – par exemple : 300 accouchements par an pour une maternité. Faut-il pour autant fermer systématiquement les services concernés ?

Les représentants de la coordination nationale de défense des hôpitaux de proximité entendus par la mission (220) ont fait valoir que la fermeture d’un service déstabilise l’ensemble de l’offre de soins (y compris libérale) sur un territoire, car elle a un effet répulsif envers les praticiens, qui préfèrent s’installer dans des territoires « polarisés » par un hôpital, même petit, offrant des services de médecins, de chirurgie et d’obstétrique (MCO). Ils soulignent également que les hôpitaux de proximité permettent aussi de maintenir des consultations de spécialistes dans les zones de carence de l’offre libérale.

Ils font aussi observer que la concentration des services hospitaliers peut avoir pour effet d’augmenter la durée des transports sanitaires au-delà de ce que les sociétés savantes jugent prudent – par exemple en mettant la maternité la plus proche à plus de 45 minutes de certaines zones. De plus, elle engendre un afflux vers les hôpitaux « de recours » qui n’y sont pas toujours préparés, d’où une augmentation des délais de prise en charge.

Les autorisations d’activité sont délivrées en fonction, notamment, de seuils d’activité (le nombre d’actes effectués par an), la qualité d’une pratique étant supposée être fonction croissante de sa fréquence. La ministre de la santé a estimé devant la mission (221) que les seuils retenus avaient été fixés à des niveaux très faibles : pour une maternité sûre, les sociétés savantes recommandent 900 accouchements par an, et non 300. Or pour mesurer ces niveaux d’activité, les ARH retiennent le nombre d’actes effectués par service, et non par praticien. M. Alain Lassus, maire de Decize (Nièvre), a indiqué à la mission qu’il peut y avoir un décalage important entre ces deux mesures, notamment quand les praticiens intervenant dans un hôpital effectuent une part de leur activité dans un autre établissement, comme c’est le cas des chirurgiens du centre hospitalier de Decize, qui exercent aussi à la polyclinique de Nevers. De même, d’après lui, chaque sage-femme de Clamecy prise individuellement pratiquait plus d’accouchements que ses homologues du CHU de Dijon. Pour M. Alain Lassus, comme pour la coordination nationale de défense des hôpitaux de proximité, le nombre d’actes par praticien constitue un indicateur plus pertinent que le nombre d’actes par service pour apprécier la qualité des soins. M. Alain Lassus ajoute que ces seuils devraient être pondérés en fonction de l’expérience des praticiens.

D’après lui, l’idée répandue selon laquelle les hôpitaux de proximité ne seraient pas aussi sûrs que les grands centres hospitaliers, et les menaces que ce discours fait peser sur ces hôpitaux, contribuent à développer un « état d’esprit d’hôpital sur la sellette » qui nuit à leur fonctionnement. Cet état d’esprit touche autant les patients, ainsi incités à préférer d’autres hôpitaux pour leurs soins programmés, que les personnels – d’où des difficultés de recrutement.

Selon M. Emmanuel Vigneron (222), les difficultés d’accès aux soins liées à la géographie de certaines zones justifient le maintien de services hospitaliers au titre de la continuité territoriale même s’ils n’atteignent pas les seuils d’activité précités. Il précise que ce nombre de cas « d’exception géographique » est limité, s’établissant entre 30 et 40. Pour les autres zones, il faudra accepter les restructurations nécessaires.

Or, la plupart du temps, les services concernés n’atteignent pas non plus le niveau d’activité nécessaire pour que les recettes de T2A qu’ils génèrent permettent d’équilibrer leurs coûts de fonctionnement. Il faut donc compenser pour les hôpitaux concernés les charges liées à cette exception territoriale, comme les indemnités représentatives de missions d’intérêt général et les aides à la contractualisation (MIGAC) le permettent pour d’autres missions. C’est pourquoi M. Claude Évin a plaidé devant la mission (223) en faveur de l’institution de « MIGAC de continuité territoriale ». Dans son rapport, M. Gérard Larcher appelle aussi à « poursuivre les travaux relatifs aux critères de financement relatifs aux missions d’intérêt général ».

Votre rapporteur considère que des « MIGAC de continuité territoriale » doivent être institués, et qu’il faut laisser les ARS les gérer, afin de compenser de la façon la plus juste possible les charges liées à la situation géographique particulière d’un service, quand celle-ci justifie son maintien.

Proposition n° 19 : Déroger aux seuils d’activité exigés pour l’autorisation des services hospitaliers, et compenser par des « MIGAC de continuité territoriale » les charges résultant pour eux d’une activité faible, lorsqu’une situation d’« exception géographique » rend indispensable le maintien d’un tel service.

c) Mieux intégrer l’hospitalisation privée dans la structuration de l’offre de soins

Le rapport de M. Gérard Larcher invite le gouvernement à « repenser les relations entre les cliniques et l’autorité de régulation (ARH/ARS) », afin de leur proposer de participer à certaines missions relevant service public hospitalier, dans le cadre d’instruments contractuels souples.

Reprenant les conclusions de ce rapport, la ministre de la santé a indiqué à la mission que lorsqu’une clinique serait en situation de monopole au sein d’un territoire de santé, le contrat qui la lie à l’ARH et permet la prise en charge de ses prestations par l’assurance maladie pourrait être assorti de clauses garantissant l’accueil des plus démunis, leur imposant d’appliquer les tarifs opposables pour une part de leur activité et organisant leur participation à la permanence des soins. M. Claude Évin a jugé une telle participation particulièrement souhaitable pour les radiologues du secteur privé.

Comme les représentants de la fédération de l’hospitalisation privée (FHMP) l’ont estimé devant la mission, il faudrait doter les cliniques des moyens d’actions suffisants pour garantir que leurs praticiens, qui interviennent souvent en libéral, appliquent ces conventions.

d) Approfondir la coordination des soins entre la ville et l’hôpital

Le rapport de M. Gérard Larcher souligne aussi la nécessité de « structurer la coordination des prises en charge » entre la ville et l’hôpital par des mesures tendant à développer la fonction de coordination des soins. À l’hôpital, un coordonnateur des soins pourrait être désigné dans chaque service ou chaque pôle, par exemple parmi les infirmiers. Il serait chargé d’approfondir les liens entre l’hôpital et les professionnels de santé ou les structures médico-sociales susceptibles d’intervenir en aval de l’hospitalisation et de mobiliser les aides au retour à domicile qui existent. Pour développer cette fonction en ville, le rapport Larcher suggère d’étudier l’intégration d’un honoraire de coordination dans la nomenclature des actes infirmiers.

Il recommande aussi de développer les « plateformes transversales » d’information du patient, comme les centres locaux d’information et de coordination (CLIC), et les filières de prise en charge, notamment en matière de gériatrie.

En outre, la coordination des soins pourrait être prise en compte dans l’évaluation des pratiques professionnelles et dans l’organisation interne de l’hôpital, notamment dans les contrats de pôles et les schémas directeurs des systèmes d’information.

Surtout, les personnels soignants doivent être directement joignables par les médecins traitants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, comme le rapport précité de M. Gérard Colombier l’a montré. Il faut pour cela des lignes téléphoniques dédiées aux médecins de ville dans les services hospitaliers, et des dispositifs de messagerie électronique partagée entre la ville et l’hôpital.

Les recommandations de M. Gérard Larcher rejoignent les souhaits exprimés par les différents interlocuteurs de la mission, notamment les représentants du CISS. Mme Annie Podeur a sur ce point précisé (224) que le médecin généraliste devait rester le pivot de la coordination des soins : c’est notamment à lui de suivre l’exécution du « plan de soins coordonné » que le CISS recommande de remettre aux patients à leur sortie de l’hôpital. Elle appelle pour cela à une simplification des référentiels de la HAS définissant la coordination des soins entre la ville et l’hôpital dans le cadre des réseaux de santé et de la HAD.

C. ADAPTER LES FORMATIONS MÉDICALES ET PARAMÉDICALES AUX BESOINS DE SANTÉ DES TERRITOIRES

Comme le souligne le rapport 2005 de l’ONDPS, « il n’est pas surprenant que l’aboutissement des réflexions relatives à la démographie des professionnels de santé ramène à leur formation. Aux choix de numerus clausus ou de quotas bien sûr, parce qu’ils conditionnent strictement les évolutions d’effectifs. Mais bien plus largement aux stratégies éducatives, aux modalités d’organisation des parcours de formation, à l’existence ou non de passerelles permettant d’ajuster un choix initial ». En effet, l’aménagement de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire passe par une meilleure adaptation des capacités de formation aux besoins de santé des territoires.

1. Organiser les formations médicales et paramédicales de façon à attacher les étudiants aux territoires qui ont besoin d’eux

Comme M. Didier Houssin, directeur général de la santé, l’a indiqué à la mission (225), une large part des étudiants en médecine formés dans une région finit par s’y attacher et s’y installer, même si ce n’est pas leur région d’origine. D’après les représentants des étudiants entendus par la mission, il en va de même des autres professionnels de santé. Aussi, pour les inciter à exercer dans les zones sous-denses, il faut les former au plus près de ces zones.

a) Dans la répartition des capacités de formation supplémentaires ouvertes à l’occasion des hausses des numerus clausus, privilégier les facultés des régions sous-dotées en offre de soins

Rappelant que depuis 2002, les capacités de formation supplémentaires ouvertes grâce à la hausse du numerus clausus des études de médecine bénéficient déjà en priorité aux facultés situées dans les régions sous-denses en offre de soins, la ministre de la santé a fait part à la mission (226) de son intention de poursuivre cette politique de rééquilibrage dans la répartition des 200 nouvelles places qui seront ouvertes chaque année jusqu’en 2012. Cela va dans le sens des vœux de la conférence nationale de santé, qui recommande de « moduler plus fortement le numerus clausus des professions de santé d’un point de vue géographique, au niveau régional mais aussi infrarégional » (227).

La ministre a d’ailleurs précisé qu’elle envisageait d’instituer, par le projet de loi annoncé sur les patients, la santé et les territoires, un principe de répartition territoriale des capacités de formation de médecins en fonction des besoins de santé de la population. Cela concerne non seulement la répartition du numerus clausus entre les facultés, et autres quotas de formation de professionnels de santé, mais aussi celle des postes d’internat entre les différentes spécialités.

Votre rapporteur souligne la pertinence de cette démarche et considère qu’elle doit être poursuivie à tous les niveaux de la formation des médecins : il serait en effet regrettable qu’un étudiant qui commence sa formation dans une faculté située dans une région sous-dense ne puisse pas effectuer un internat de médecine générale, voire un post-internat, dans la même région. Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS souligne ainsi que les possibilités de post-internat constituent « un des facteurs qui favorise le maintien des diplômés dans la région des études ».

M. Bernard Thuillez, président de la conférence nationale des doyens de facultés de médecine, a par ailleurs indiqué à la mission (228) que dans certaines facultés, les effectifs de personnels enseignants (professeurs, maîtres de conférence et chefs de clinique) n’étaient pas suffisants pour encadrer des promotions d’étudiants de plus en plus nombreuses du fait de la hausse du numerus clausus. Les représentants de la CNSD ont fait à la mission (229) les mêmes observations s’agissant de la formation des chirurgiens-dentistes, et le rapport 2006-2007 de l’ONDPS montre que l’augmentation du numerus clausus des études odontologiques est limité actuellement par les capacités d’encadrement des étudiants.

Aussi serait-il utile d’instituer, comme cela a été proposé dans le cadre des EGOS, un « post-internat de médecine générale » consistant à salarier pendant trois ans des médecins généralistes diplômés pour qu’ils exercent en zone sous-dotée.

Pour votre rapporteur, il faut donc continuer à privilégier les facultés des régions sous-denses dans la répartition des capacités de formation supplémentaires dégagées grâce à la hausse des numerus clausus, tout en veillant à ce que la répartition des postes d’enseignants ainsi que des places d’internat et de post-internat soit cohérente avec cette politique.

Proposition n° 20 : Privilégier les facultés et les centres de formation proches des zones sous-dotées en offre de soins dans la répartition des capacités de formation supplémentaires ouvertes par la hausse des numerus clausus et autres quotas de formation de professionnels de santé, afin de mettre à profit la tendance de ces derniers à exercer à proximité de leur lieu de formation.

b) Associer les conseils régionaux et les ARS à l’organisation des formations aux professions de santé

Lors des travaux de la mission, l’idée de « régionaliser » la formation des professionnels de santé a été évoquée à plusieurs reprises.

D’ores et déjà, les régions sont compétentes pour organiser les formations paramédicales (230) (article L. 4311-7 du code de la santé publique) dans la limite de quotas de formation fixés par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) sur la base d’un numerus clausus national (article L. 4382-2 du même code). S’agissant des études de médecine et d’odontologie, les numerus clausus sont fixés pour chaque faculté par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé.

S’il ne fait pas de doute que les collectivités territoriales, les ARS et les conférences régionales de santé doivent être associées plus étroitement à l’organisation de la formation des médecins, il paraît difficile de déléguer à l’échelon régional la fixation des numerus clausus des études médicales.

Ÿ Les conseils régionaux et les conférences régionales de santé doivent être associés à l’évaluation des besoins de santé et à l’organisation des formations aux professions de santé.

Pour pouvoir adapter les numerus clausus aux besoins de santé locaux, encore faut-il évaluer correctement ces derniers. Selon M. Didier Tabuteau (231), directeur de la chaire « santé » de Sciences-Po, les collectivités territoriales et les conférences régionales de santé pourraient évaluer ces besoins et de les faire connaître de façon solennelle.

S’agissant particulièrement des formations paramédicales, le rapport précité de M. Yves Bur propose de transférer aux ARS les compétences des DRASS pour fixer les quotas de formation, « sur l’avis du conseil régional » et en s’appuyant sur une évaluation des besoins menée par l’observatoire régional de la santé (ORS) avec le comité régional de l’observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). Selon lui, « cela irait dans le sens d’une meilleure adéquation des quotas de formation avec les besoins constatés ».

Mais comme M. Didier Tabuteau l’a estimé devant la mission, il paraît difficile de transférer aux conseils régionaux la compétence pour fixer les numerus clausus eux-mêmes, car ces décisions relèvent par nature du niveau national, dès lors que le bouclage financier du système de santé y est assuré.

Votre rapporteur souligne néanmoins que certains conseils régionaux peuvent utilement participer à la création de postes de praticiens hospitaliers supplémentaires en prenant à leur charge une part de leur rémunération, comme le fait notamment le conseil régional du Nord-Pas de Calais, selon M. Michel Autès (232).

Ÿ La déconcentration de la fixation des numerus clausus des études médicales et de l’examen classant national (ECN) n’est pas nécessaire.

Certains interlocuteurs de la mission ont exprimé le souhait que le numerus clausus des études de médecine soit fixé par les ARS. Mais comme la ministre de la santé l’a fait observer, un tel système est inutile car l’arrêté des ministres de l’enseignement supérieur et de la santé qui définit chaque année les numerus clausus des études médicales et pharmaceutiques les ventile déjà faculté par faculté.

De même, certains acteurs du système de santé préconisent une déconcentration de l’examen classant national (ECN) donnant accès à l’internat. C’est notamment le cas de M. Yvon Berland : dans le rapport 2004 de l’ONDPS, il juge « urgent de transformer les épreuves classantes nationales en épreuves classantes interrégionales » pour maîtriser la répartition géographique des internes. La FHF a repris cette proposition en 2007 (233), et devant la mission (234), M. Jean-Yves Grall a estimé que la nature professionnalisante de l’internat justifiait son pilotage par les ARS, à la différence des deux premiers cycles des études de médecine, dont le caractère académique les désignerait plutôt pour être organisés par l’université.

Cependant, il n’est pas certain qu’un tel système produise les résultats escomptés. En effet, comme l’ont fait observer à la mission les représentants des étudiants en médecine (235), il pourrait avoir pour effet de limiter la mobilité des étudiants à l’issue du deuxième cycle, alors qu’aujourd’hui, organiser les épreuves de classement pour l’entrée à l’internat à l’échelle nationale permet un brassage plus large des étudiants. Votre rapporteur considère d’ailleurs que si certains postes d’internat ne sont pas pourvus dans les facultés des régions sous-dotées, cela tient moins à l’échelle nationale du recrutement des internes qu’au fait que le nombre de postes d’interne offerts excède parfois le nombre d’étudiants qui les briguent (cf. infra).

Ÿ Les ARS pourraient être chargées de répartir des quotas régionaux de formation entre les facultés et les centres de formation d’une même région.

Le rapport précité de M. Yves Bur propose qu’en matière de formation des auxiliaires médicaux, les compétences des DRASS – évoquées plus haut – soient transférées aux ARS.

Votre rapporteur partage ce point de vue, car les ARS pourraient ainsi répartir les quotas assignés à chaque région de façon à favoriser les centres de formation situés près des territoires sous-dotés qu’elles auront définis.

Pour aller plus loin, les ARS pourraient également être chargées de répartir le numerus clausus des études médicales entre les CHU de chaque région – pour celles qui en comptent plusieurs – et de ventiler les postes d’internat entre les différents terrains de stage.

Proposition n° 21 : Régionaliser la formation des professionnels de santé pour adapter les capacités de formation aux besoins régionaux, en chargeant les ARS d’évaluer les besoins de formation, en fixant les numerus clausus et autres quotas de formation par région et en confiant aux ARS leur répartition entre les facultés et les centres de formation.

c) Développer des lieux de formation au plus près des besoins de santé

Comme votre rapporteur l’a exposé plus haut, la formation des médecins est organisée autour des CHU, dont le nombre est restreint. De même, pour la plupart des autres professions de santé, les centres de formation sont concentrés dans quelques grandes villes. Aussi, pour attacher les étudiants à des territoires dont les besoins de santé ne sont pas couverts, il faut développer des lieux de formation nouveaux.

Ÿ Développer les internats « périphériques ».

Au cours de l’internat, les futurs médecins effectuent plusieurs stages, le plus souvent au sein des seuls CHU. Avant la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité médicale, les futurs généralistes passaient une partie de leur résidanat en stage dans les hôpitaux généraux ; de même, jusqu’à une époque récente, beaucoup d’internes effectuaient certains de leurs stages d’internat dans ces hôpitaux communément qualifiés de « périphériques » – d’où l’expression d’« internat périphérique ».

Constatant une « méconnaissance de la pratique des soins hors CHU » chez les jeunes médecins, le rapport 2004 de l’ONDPS propose de développer les stages en hôpital périphérique pour les internes, notamment en médecine générale ; cela rejoint le souhait exprimé devant la mission (236) par les représentants des étudiants en médecine. L’ONDPS cite une expérience menée en Bourgogne, où « améliorer l’accueil des internes de médecine générale dans les hôpitaux généraux apparaît comme une voie pour parvenir à de futures installations mieux disséminées sur le territoire » : pour favoriser les stages dans les hôpitaux généraux, les internes ne peuvent choisir le CHU de Dijon comme terrain de stage qu’une seule fois au cours de leur internat.

Le développement des stages en hôpital périphérique pour certains internes, notamment de médecine générale, permettrait par ailleurs de désengorger les terrains de stage en CHU, parmi lesquels le rapport 2006-2007 de l’ONDPS constate des cas de « saturation ».

Ÿ Mieux répartir les centres de formation des professionnels de santé.

Rappelant la tendance des professionnels de santé à s’installer près de leur lieu de formation, les représentants des étudiants entendus par la mission proposent que soient créés, à proximité des zones sous-denses, de nouveaux centres de formation, notamment d’orthophonistes, de masseurs kinésithérapeutes et de chirurgiens-dentistes.

Votre rapporteur signale la démarche originale entreprise dans cet esprit par les chirurgiens-dentistes, pour lesquels l’offre de formation est concentrée en 15 facultés de soins dentaires. Afin d’améliorer la répartition des effectifs et de faire connaître les régions sous-dotées aux futurs chirurgiens-dentistes, il est envisagé de créer des services de soins dentaires dans les CHU des régions qui sont dépourvues de faculté capable d’accueillir des stagiaires. Un tel service a déjà été créé à Dijon, et jugeant son bilan positif, les représentants de l’UJCD ont souhaité devant la mission (237) qu’il en soit créé aussi en Basse-Normandie, en Haute-Normandie et en Picardie, régions sous-dotées et dépourvues de faculté de soins dentaires.

d) Attacher les jeunes professionnels aux territoires qui ont besoin d’eux par des bourses d’études assorties d’engagements d’exercice.

Sur le fondement de la législation existante, de nombreuses collectivités territoriales ont proposé des bourses d’études aux internes, avec pour contrepartie un engagement d’exercice de quelques années en zone déficitaire. Comme M. René-Paul Savary l’a indiqué à la mission (238) au nom de l’assemblée des départements de France (ADF), ces dispositifs ont connu peu de succès.

Selon l’ANEMF (239), cet échec relatif s’explique par le fait que les facteurs financiers ne sont pas dominants dans les motivations des jeunes médecins. Pour les représentants de l’union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD), ces dispositifs se suscitent pas l’adhésion des étudiants parce qu’ils sont trop complexes, mais s’ils étaient plus lisibles, des systèmes de bourses ou de prêts bonifiés pourraient être efficaces, car les étudiants ont à supporter des frais importants – notamment pour acheter leur matériel. M. René-Paul Savary estime en outre que ces aides ne sont pas ciblées sur les étudiants dont elles sont le plus susceptibles d’infléchir les choix professionnels : en effet, parvenus au stade de l’internat, les étudiants ont déjà effectué des choix déterminants pour leur carrière.

Aussi, il vaudrait mieux selon lui cibler ces bourses sur les étudiants de second cycle. M. Emmanuel Vigneron a même évoqué l’idée de les offrir par ordre de mérite aux étudiants admis à passer en deuxième année du premier cycle, à l’image des bourses accordées dans le cadre des instituts de préparation à l’enseignement du second degré (IPES) qui, dans les années 1970, versaient des aides à des étudiants qui s’engageaient à travailler plusieurs années dans l’enseignement secondaire.

Les directeurs généraux de la CNAMTS et du RSI (240) ont ajouté que ces bourses devaient atteindre un montant « déclencheur » pour être efficaces ; ils ont avancé l’idée que l’assurance maladie participe à leur financement.

Proposition n° 22 : Développer les dispositifs proposant aux étudiants des bourses d’études assorties d’engagements d’exercice dans des zones sous-dotées, et les élargir aux étudiants en début de formation.

2. Faire découvrir aux étudiants la pratique des soins de premier recours par des stages échelonnés tout au long de leur formation

Les interlocuteurs de la mission considèrent de façon consensuelle que les étudiants ne peuvent pas choisir un mode d’exercice ou une zone d’installation qu’ils n’ont pas appris à connaître. C’est pourquoi il paraît indispensable de faire découvrir l’exercice en zone sous-dense et la pratique de la médecine hors des CHU. Votre rapporteur juge donc particulièrement important que les futurs médecins effectuent systématiquement un stage en zone sous-dense.

a) Généraliser, au cours des formations médicales et paramédicales, les stages dans les zones sous-denses en offre de soins

Dans la formation des professionnels de santé (notamment des médecins), on distingue deux types de stages, méritant d’être développés :

– en début de cursus d’études, des stages de découverte et d’observation visant à sensibiliser l’étudiant à diverses pratiques ;

– en fin de cursus, des stages de préparation à l’exercice mettant l’étudiant en position active, afin de le préparer à exercer.

Ÿ Développer les stages de découverte précoce des différents modes et lieux d’exercice des professions de santé.

Les stages organisés au début des cursus d’études menant aux professions de santé peuvent contribuer à une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé de premier recours à deux titres :

– ils permettent aux étudiants de découvrir l’exercice libéral ;

– ils peuvent leur faire découvrir des territoires qu’ils ne connaissent pas.

L’enjeu de ces stages est particulièrement fort pour les étudiants en médecine, qui sont censés en effectuer auprès d’un médecin généraliste au cours du deuxième cycle de leurs études ; or c’est au terme de ce cycle qu’ils doivent choisir une spécialité : ces stages peuvent utilement susciter des vocations pour la spécialité de médecine générale.

Il ressort en outre de l’audition par la mission des représentants des maires (241), comme du déplacement effectué par la mission à Clichy-sous-Bois (242), que les étudiants ont une image très dégradée et souvent inexacte des zones sous-denses, qu’il s’agisse de zones rurales ou de zones urbaines sensibles.

Votre rapporteur juge donc nécessaire de généraliser ces stages de découverte pour toutes les filières de formation, et d’imposer aux étudiants d’en effectuer une part dans les zones déficitaires.

Pour les étudiants en médecine, la ministre de la santé a indiqué à la mission (243) qu’elle entendait généraliser les stages d’externat auprès d’un généraliste et encourager les étudiants à les effectuer en zone déficitaire en aménageant leurs obligations universitaires pour tenir compte de l’éloignement éventuel de ces terrains de stages. Selon Mme Annie Podeur (244), les collectivités territoriales pourraient en outre offrir des aides à ces stagiaires, notamment pour leur logement. Dans son rapport précité, l’académie nationale de médecine considère en tout cas que ces stages doivent être « mieux définis et mieux évalués », et précise que chaque faculté devrait définir, en fonction de son contexte géographique, « la proportion de terrains de stage impérativement choisis en médecine rurale ». Pourvu que les stagiaires bénéficient d’un bon encadrement, l’ANEMF considère que ce stage d’externat pourrait durer un mois et demi à temps plein, ou trois mois à temps partiel.

Ÿ Développer les stages actifs en fin de formation, et augmenter leur part dans l’internat de médecine générale.

Dans les stages organisés en fin de cursus, les étudiants sont le plus souvent mis en position « active », c’est-à-dire en situation d’exercice professionnel. Ces stages contribuent à les professionnaliser, pour faciliter leur entrée en activité. Devant la mission, la ministre de la santé a souligné l’intérêt de ces stages qui permettent aussi d’apprendre la gestion d’un cabinet libéral et la coopération entre les différents professionnels de santé intervenant dans les soins de premier recours.

Ces stages actifs doivent préparer les futurs professionnels de santé à exercer rapidement en secteur ambulatoire. Or, d’après le collège national des généralistes enseignants (CNGE) (245), sur les six semestres de stages qui constituent l’internat de médecine générale, les internes n’en passent qu’un ou deux en secteur ambulatoire. Il semble donc raisonnable d’augmenter la part des stages ambulatoires dans l’internat de médecine générale, pour la porter par exemple à deux semestres au minimum, comme le propose le CNGE.

Votre rapporteur estime aussi qu’une part de ces stages actifs devrait obligatoirement être organisée en zone déficitaire. Certaines facultés de médecine ont d’ailleurs adopté de tels dispositifs : ainsi, les généralistes rencontrés par la mission dans la Nièvre ont indiqué que le stage obligatoire de leurs internes de médecine générale était systématiquement partagé entre trois cabinets, dont un en zone rurale. Le rapport 2006-2007 de l’ONDPS recommande une « augmentation significative » des horaires du stage actif effectué dans un cabinet libéral par les étudiants en dernière année de chirurgie dentaire ; la CNSD et l’UJCD proposent d’en porter la durée à six mois à temps plein, ou un an à temps partiel (246). L’observatoire préconise aussi que ces stages aient lieu prioritairement dans les zones déficitaires, soulignant l’intérêt que les étudiants pourraient trouver à mieux utiliser les aides des collectivités territoriales.

Pour cela, Mme Annie Podeur a indiqué à la mission qu’il serait utile de développer le système de l’internat « sac à dos », consistant à rendre le financement de l’internat « portable » par l’étudiant, afin d’en faire bénéficier les hôpitaux, cliniques ou cabinets libéraux auprès desquels il peut effectuer des stages d’internat. Selon le rapport 2006-2007 de l’ONDPS, « la mise en place de cette souplesse s’opère progressivement », concernant 483 étudiants en 2007 avec de fortes disparités régionales – la proportion de budgets « sacs à dos » dans les effectifs régionaux d’internes varie de 0,25 % en Franche-Comté à 6,11 % dans le Nord-Pas-de-Calais.

Proposition n° 23 : Généraliser, au cours des formations médicales et paramédicales, les stages dans les zones sous-denses, en y rendant obligatoires des stages de découverte en début d’études, ainsi que des stages actifs en fin de cursus, afin de faire connaître ces zones aux étudiants.

b) Privilégier les terrains de stage participant à l’organisation structurée des soins de premier recours

Si l’on considère que l’exercice groupé et pluridisciplinaire constitue un modèle d’avenir pour l’organisation de l’offre de soins de premier recours, il faut orienter les stagiaires vers des structures d’exercice collectif plutôt que vers des cabinets individuels.

En effet, pour la société française de santé publique (SFSP) (247), les stages doivent fournir aux étudiants des « référentiels d’identification » ; or le médecin généraliste, exerçant à titre libéral en cabinet individuel, ne constitue plus un référentiel attractif car son mode d’exercice n’est plus en phase avec les besoins de la société et les attentes fondamentales des jeunes générations de professionnels de santé. Les représentants des enseignants de médecine générale (248) évoquent aussi le risque qu’un maître de stage peu motivant devienne un « contre-modèle » qui risquerait de détourner un étudiant de la médecine générale. C’est pourquoi la SFSP recommande d’orienter les stagiaires vers des structures d’exercice collectif. Il ressort d’ailleurs des travaux de la mission que le développement des stages au sein de structures qui favorisent la coopération entre professionnels correspond également à une demande des étudiants des formations paramédicales (249). Au cours des travaux de la mission, il a ainsi été suggéré d’utiliser différentes structures comme terrains de stage :

– les hôpitaux locaux : Mme Annie Podeur a estimé devant la mission que les stagiaires y apprendraient parfois plus que dans les centres hospitaliers, où ils servent souvent de « petites mains ». Votre rapporteur souligne aussi qu’en hôpital local, les futurs médecins pourraient découvrir un cadre d’exercice peu connu dans les grandes villes hospitalo-universitaires, mais attractif car collectif, encadré et coordonné avec la médecine de ville et le secteur médico-social ;

– les maisons de santé pluridisciplinaires et les futurs « pôles de santé » : à l’image de la SFSP, un grand nombre d’interlocuteurs de la mission a jugé que de telles structures pouvaient contribuer à rendre la médecine générale de premier recours plus attractive pour les jeunes médecins. En outre, dans les zones sous-denses, où l’isolement professionnel peut être plus contraignant qu’ailleurs, il est peu probable que des étudiants viennent effectuer des stages ailleurs que dans ces maisons ou ces pôles, compte tenu de leur aversion pour l’exercice isolé ;

– les réseaux de santé et la HAD : Mme Élisabeth Hubert, présidente de la fédération nationale des établissements de HAD, a jugé devant la mission que les établissements de HAD pourraient utilement accueillir des stagiaires, y compris pour des stages de découverte en début de cursus d’études. De même, M. Philippe Chossegros, président de la coordination nationale des réseaux de santé, et les représentants de la MSA (250) ont estimé qu’il fallait faire connaître aux étudiants le travail au sein de réseaux de santé, en favorisant les stages auprès des médecins libéraux ou au sein des établissements impliqués dans ces réseaux ;

– l’hospitalisation privée : le rapport 2006-2007 de l’ONDPS estime que « l’ouverture de stages ambulatoires et dans les structures privées doit faire l’objet d’un examen pour toutes les professions ». Comme le fait valoir la FHP (251), cela permettrait de sensibiliser les futurs médecins à l’exercice libéral sans pour autant les priver trop rapidement de l’environnement sécurisant qu’offre un établissement de santé, et de compenser la diminution des capacités d’accueil dans les hôpitaux, liée aux restructurations hospitalières et à la hausse des numerus clausus, qui augmente les besoins ;

– les centres de santé : d’après les responsables du centre de santé associatif Media que la mission a visité à Montreuil (Seine-Saint-Denis), la réglementation actuelle ne leur permet pas d’accueillir des stagiaires, alors qu’ils offrent un cadre d’exercice susceptible de rendre la médecine générale de premier recours plus attractive pour la nouvelle génération de médecins.

Votre rapporteur considère que toutes ces possibilités doivent être exploitées : comme l’ONDPS le soulignait déjà en 2005, « que ce soit pour faire connaissance avec une spécialité ou avec un environnement professionnel, la diversité des lieux de stage est un élément clé ».

Proposition n° 24 : Privilégier les terrains de stage qui participent à l’organisation structurée des soins de premier recours et présentent un mode d’exercice collectif et pluridisciplinaire, pour faire découvrir aux étudiants des modes d’exercice correspondant à leurs attentes.

c) Promouvoir les fonctions de maître de stage

Selon le syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) (252), le retard pris dans le développement des stages ambulatoires s’explique notamment par un manque de médecins libéraux volontaires pour accueillir des stagiaires.

Certains acteurs jugent qu’il n’est pas pour autant indispensable que les fonctions de maître de stage soient rémunérées : la fédération de l’hospitalisation privée (FHP) (253) fait ainsi valoir qu’il n’existe pas de dispositif de cette sorte pour certaines professions dans lesquelles l’apprentissage est pourtant développé, comme l’artisanat. Elle souligne également que l’accueil d’un stagiaire présente certains avantages pour un praticien : il peut ainsi confronter ses pratiques à ce qui est enseigné en faculté, et accueillir des stagiaires peut lui permettre de trouver un repreneur pour son cabinet ; c’est selon la FHP un « juste échange » entre les jeunes praticiens et leurs aînés.

C’est pour ces raisons que le plan départemental en faveur de la démographie médicale en Mayenne comprend un volet tendant à « engager une politique active en faveur de l’accueil de stagiaires » (aussi bien des externes que des internes), notamment en incitant les médecins à accueillir des stagiaires, bien que leur charge de travail soit déjà très lourde, comme pour tous les médecins des zones déficitaires. Ainsi, 15 % des médecins mayennais participent à l’accueil de stagiaires, ce qui est très supérieur à la moyenne nationale, d’après la directrice départementale des affaires sanitaires et sociales de la Mayenne.

Néanmoins, en complément de ce type de démarches, il ne faut pas exclure de promouvoir les fonctions de maître de stage par des aides financières ciblées sur les zones déficitaires, où le remplacement des praticiens qui prennent leur retraite pose le plus de difficultés.

Proposition n° 25 : Inciter les professionnels de santé à accueillir des stagiaires, au besoin par des mesures financières pour ceux des zones sous-denses, qui ont le plus de difficultés à dégager le temps nécessaire du fait de leur charge de travail.

3. Accélérer la structuration de la filière universitaire de médecine générale

Votre rapporteur a souligné plus haut que malgré la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité médicale à part entière, la filière de formation des médecins généralistes manque encore d’attractivité et que son organisation ne permet pas de maîtriser le flux de médecins généralistes formés. Pour corriger ces défauts, il faut rendre la filière universitaire de médecine générale à la fois plus attractive pour les étudiants, en accélérant sa structuration, et moins facile à éviter pour ceux qui y sont affectés, en réduisant le taux d’inadéquation entre le nombre de postes d’internes offerts et le nombre d’étudiants entrant en internat.

Votre rapporteur considère en effet que sans une filière universitaire structurée et produisant des travaux de recherche de qualité, les facultés continueront de former de très nombreux diplômés de médecine générale mais, in fine, trop peu de véritables médecins généralistes de premier recours. L’ONDPS montre en effet dans son rapport 2006-2007 que « pour cela, une véritable filière universitaire spécialisée bien individualisée d’une durée de quatre ans doit être favorisée ».

a) Constituer un corps d’enseignants-chercheurs titulaires en médecine générale, comme dans toutes les autres spécialités

Devant la mission (254), la ministre de la santé a souhaité que la filière universitaire de médecine générale puisse se développer rapidement, soulignant que la structuration de cette filière peut contribuer à rendre la médecine générale plus attractive pour les étudiants. Cela suppose notamment de titulariser un certain nombre d’enseignants de médecine générale, comme le permet la loi précitée du 8 février 2008 ; votre rapporteur observe qu’un consensus paraît se dégager parmi les acteurs du système de santé autour de ce principe.

La ministre a toutefois précisé que dans un contexte budgétaire contraint, de telles titularisations supposent des arbitrages complexes.

Les représentants du collège national des généralistes enseignants (CNGE) et du syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) ont souligné devant la mission l’urgence de la situation. Selon eux, l’espoir et la mobilisation suscités parmi les généralistes par la reconnaissance du statut de spécialité à la médecine générale sont en voie de retomber, faute d’aboutissement dans la construction de la filière universitaire de médecine générale, d’où des démissions d’enseignants. Pour stabiliser cette filière, ils jugent nécessaire :

– de titulariser un enseignant de médecine générale par faculté et par an pendant quatre ans, de façon à disposer en 2012 d’un corps d’environ 100 professeurs et maîtres de conférence titulaires permettant de structurer la filière et de développer la recherche. Comparé aux 5 500 postes existants dans les autres disciplines, cet effectif resterait modeste ;

– de doubler en trois ans le nombre des enseignants de médecine générale associés, pour le porter à 250, ce qui est nécessaire pour animer les départements de médecine générale et les rendre plus attractifs pour les étudiants ;

– de continuer à nommer des chefs de clinique en médecine générale ;

– d’enseigner les soins de premier recours dès le second cycle et de sanctionner ces cours par des épreuves d’examen ;

– de garantir aux chefs de clinique un niveau minimal de revenus au titre de leur exercice libéral : contraints de compenser leur sous-effectif par une activité universitaire intense, ils ont moins de temps que prévu à consacrer à leurs consultations, et en tirent de ce fait des revenus faibles ;

– à moyen terme, de porter à quatre ans la durée de l’internat de médecine générale, en raccourcissant d’un an les deux premiers cycles, afin de consacrer l’année supplémentaire d’internat à des stages en zone déficitaire.

Cependant, comme M. Bernard Thuillez l’a fait valoir à la mission (255) au nom de la conférence nationale des doyens de facultés de médecine, il paraît difficile que les augmentations d’effectifs revendiquées par les enseignants de médecine générale soient compensées par des diminutions d’effectifs dans les autres disciplines, au moment même où elles manquent d’enseignants pour encadrer des promotions d’étudiants de plus en plus nombreuses, du fait de la hausse récente du numerus clausus. Sous cette réserve, il a jugé légitime de nommer sans plus attendre un enseignant de médecine générale titulaire dans chaque faculté, ainsi que d’augmenter le nombre d’enseignants associés et des chefs de clinique, faisant valoir que de telles mesures n’auraient pas un coût excessif : en effet, comme tous les enseignants en faculté de médecine, les enseignants de médecine générale tirent une part de leur revenu de leur activité de soins, mais à la différence des autres enseignants, cette activité n’est pas rémunérée par les CHU car ils l’exercent en secteur ambulatoire.

Le décret n° 2008-744 du 28 juillet 2008 portant dispositions relatives aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale a fixé les modalités d’application de la loi précitée du 8 février 2008. Selon M. Pierre-Louis Fagniez, conseiller auprès de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la parution de ce décret permet désormais de titulariser rapidement des professeurs et maîtres de conférence en médecine générale. Il a aussi fait savoir à la mission que le gouvernement entendait porter de 15 à 35 le nombre de chefs de clinique en médecine générale.

Votre rapporteur souligne que la médecine générale constitue la seule discipline médicale dans laquelle des postes seront créés en 2008-2009 ; les initiatives du gouvernement en la matière méritent donc d’être saluées. Reste à procéder sans tarder aux premières titularisations d’enseignants, comme le législateur l’a souhaité en adoptant la proposition de loi établissant un statut pour les enseignants de médecine générale.

Proposition n° 26 : Titulariser des enseignants de médecine générale pour structurer la filière universitaire de médecine générale et renforcer l’attractivité de cette discipline.

b) Réduire le taux d’inadéquation entre le nombre d’étudiants qui se présentent aux épreuves classantes nationales et le nombre de postes d’internat offerts

Les travaux de la mission ont mis en lumière un consensus parmi les acteurs du système de santé pour regretter que l’organisation de la formation des médecins ne permette pas de maîtriser le nombre de médecins généralistes effectivement formés.

Pour y remédier, certains interlocuteurs de la mission, comme M. Yvon Berland, proposent l’institution d’un DESC de médecine générale de premier recours.

Si cette solution mérite d’être étudiée, votre rapporteur considère qu’avant tout, il faut éviter qu’un nombre important de postes d’internat en médecine générale ne soit pas pourvu, comme cela advient chaque année. Pour cela, il faut adapter le nombre de postes d’internat offerts au nombre prévisible d’étudiants qui prendront un poste. Il faut aussi étudier les usages que font les étudiants des possibilités qui leur sont laissées de redoubler leur sixième année ou de se représenter aux ECN après une première année d’internat : de telles possibilités devraient être aménagées de façon à ce qu’elles ne servent pas à éviter la médecine générale.

Proposition n° 27 : Réduire le « taux d’inadéquation » entre le nombre de postes d’internat offerts et le nombre de candidats aux épreuves classantes nationales (ECN), afin de limiter le nombre de postes non pourvus, le plus souvent au détriment de la spécialité de médecine générale et des facultés des régions déjà sous-dotées.

4. Enrichir la formation des professionnels de santé assurant les soins de premier recours

Il ressort des travaux de la mission que la formation des professionnels de santé ne fait pas encore assez de place à certaines des spécificités des soins de premier recours, notamment leur caractère pluridisciplinaire.

a) Apprendre aux étudiants la coopération interdisciplinaire

Pour approfondir la coopération entre professionnels de santé dans les activités de soins de premier recours, il faut que leur formation les prépare à coopérer, ce qu’elle ne fait pas encore assez : les formations aux professions de santé restent organisées « en tuyaux d’orgue ».

Ÿ Organiser des cours pratiques communs à plusieurs filières de formation aux professions de santé.

Devant la mission (256), les représentants des étudiants ont regretté que leurs formations ne les préparent pas assez à la coopération interprofessionnelle. Pour aller plus loin dans ce sens que les simples cours magistraux, peu dynamiques, qui y sont consacrés aujourd’hui, ils souhaitent :

– des cours dispensés par des professionnels aux étudiants se destinant à une autre profession : par exemple, des kinésithérapeutes pourraient être chargés de sensibiliser les étudiants en médecine sur leur champ de compétence ;

– des échanges d’étudiants entre différentes filières, par exemple pour une semaine de cours ;

– des enseignements mutualisés entre plusieurs filières, avec des journées de réflexion consacrées à l’intervention coordonnée de plusieurs professions autour d’une pathologie.

Ÿ Créer des passerelles entre les différentes filières de formations.

Le rapport 2005 de l’ONDPS présente les possibilités de passerelles entre les formations « comme un impératif, tant pour faciliter les évolutions de carrière individuelles que pour offrir des souplesses dans la gestion des effectifs, en permettant d’organiser d’éventuelles reconversions ». Or on constate un cloisonnement entre les formations et une absence de transversalité entre les métiers médicaux, qu’aggrave la tendance des praticiens à l’hyperspécialisation.

Pour aménager des transversalités entre les formations des professionnels de santé, deux mécanismes sont envisageables :

– créer des troncs communs entre les formations, à l’image de la première année d’études de médecine, qui est commune aux futurs médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et, dans les deux tiers des facultés, masseurs-kinésithérapeutes ;

– créer des procédures d’équivalences et de validation des acquis de l’expérience, dont le rapport 2005 de l’ONDPS regrette qu’elles soient très peu développées pour les métiers de la santé.

Devant la mission, les étudiants ont ainsi plaidé en faveur de nouveaux troncs communs : ainsi, la fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (FNEK) souhaite que soit rendu systématique le recrutement des masseurs-kinésithérapeutes à l’issue de la première année de médecine. De même, selon la fédération nationale des syndicats d’internes en pharmacie (FNSIP), l’expérience de la formation des biologistes – un internat de quatre ans commun à des étudiants de médecine et de pharmacie – montre qu’il peut être enrichissant de former ensemble des étudiants issus de différentes filières.

Sur ce point, votre rapporteur relève qu’une éventuelle réorganisation des formations de santé sur le modèle LMD (licence, mastère, doctorat) faciliterait la création de telles passerelles, et que la formation continue peut être organisée pour une part de façon commune à plusieurs professions de santé.

M. Pierre-Louis Fagniez, conseiller auprès de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué à la mission (257) que le gouvernement entendait développer des passerelles entre les études médicales et les autres cursus, paramédicaux ou scientifiques, dans le cadre d’une réorganisation des formations médicales et paramédicales suivant le modèle LMD. Il s’agirait à la fois de favoriser la réorientation des étudiants de médecine qui échouent en première année vers d’autres cursus, paramédicaux ou scientifiques, et d’ouvrir les études médicales aux étudiants de ces cursus :

– en transformant la première année des études de médecine (PCEM 1) en première année de licence (L 1) commune aux futurs médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens ;

– en permettant aux étudiants de cette année L 1 de se réorienter en licence de sciences à l’issue du premier semestre en cas de difficultés ;

– en permettant à des sages-femmes ou à des infirmiers (notamment ceux qui auront acquis un mastère) d’intégrer la deuxième ou la troisième année de licence de médecine (L 2 ou L 3) après quelques années d’exercice ;

– en permettant à certains étudiants des facultés de sciences d’intégrer eux aussi les études de médecine à partir de l’année L 2.

Pour votre rapporteur, ce projet mérite d’être mis en œuvre rapidement.

Proposition n° 28 : dans le cadre d’études médicales et de formations paramédicales réorganisées sur le modèle « LMD » (licence, mastère, doctorat), créer des passerelles permettant à la fois :

– aux étudiants qui échouent en première année d’études médicales, de se réorienter dans des formations paramédicales ou des études scientifiques ;

– aux professionnels paramédicaux et à certains étudiants en science, d’intégrer par une voie parallèle les études de médecine.

b) Former les étudiants aux questions éthiques, médico-économiques et épidémiologiques pour les préparer aux relations avec les patients et à leurs missions de santé publique

Le rapport précité de M. André Flajolet sur les disparités territoriales des politiques de prévention sanitaire explique que « pour promouvoir la médecine de premier recours, recentrée sur la « prévention globale », il est indispensable d’y former tous les étudiants précocement et préalablement à leur spécialisation ». Or, comme M. André Flajolet l’a précisé devant la mission (258), les études de médecine sont focalisées sur la dimension technique du soin, favorisent l’hyperspécialisation des praticiens et n’habituent les étudiants à prendre des décisions que dans un cadre très rassurant, à l’appui de multiples examens complémentaires. C’est pourquoi il faut selon lui renforcer l’étude des sciences humaines (y compris la philosophie) dès la première année, puis « familiariser, très tôt dans leur cursus, les étudiants au rôle de professionnel de premier recours et à la psychologie, sans laquelle la médecine est réductrice ».

Un récent rapport du conseil national de l’Ordre des médecins sur le contenu du métier de médecin (259) fait d’ailleurs une large part au triple aspect philosophique, psychologique et philanthropique du rôle du médecin. Il en ressort que celui-ci doit, pour répondre aux attentes de la société, faire preuve d’un certain « savoir être » basé sur « l’écoute, la parole, l’empathie, la compassion raisonnable, le respect de l’autonomie et de la dignité de « l’autre » en faisant comprendre à celui qui souffre que, tout comme le malade, il est lui aussi un homme, avec ses forces et ses faiblesses, son pouvoir et ses limites ».

MM. Gérard Ropert et Bruno Fantino ont d’ailleurs souhaité devant la mission (260) que les étudiants soient formés au dialogue avec le patient et sa famille, pour mieux traiter des malades de plus en plus vulnérables – du fait, notamment, de la prévalence croissante des affections de longue durée et des maladies neuro-dégénératives – et prendre en charge des pathologies liées à la précarité socio-économique, comme l’obésité.

Ils ajoutent que la place croissance des actions de maîtrise médicalisée des dépenses de santé dans les pratiques médicales justifierait que les étudiants soient sensibilisés aux questions médico-économiques dès leur formation initiale.

Pour votre rapporteur, de telles mesures pourraient utilement enrichir la formation des professionnels en contribuant à l’adapter aux spécificités des activités de soins de premier recours.

Proposition n° 29 : Enrichir la formation des professionnels de santé de façon à mieux les préparer à la coopération entre professionnels, à la relation et au dialogue avec les patients et leur entourage, ainsi qu’aux missions de santé publique qu’ils auront à exercer pour leur patientèle.

c) Construire des évolutions de carrière attractives pour les médecins généralistes, par des formations tout au long de leur carrière

M. Pierre-Louis Fagniez a indiqué à la mission que sept ou huit ans après s’être installés en libéral, la plupart des médecins généralistes se plaignaient d’une certaine lassitude, liée selon eux au caractère répétitif de leur exercice. Certains changent ainsi de mode d’exercice, s’éloignant souvent de la médecine générale de premier recours. Selon lui, la crainte de la « routine » contribue aussi au manque d’attractivité de la médecine générale.

Pour y remédier, il propose de développer des formations courtes, qui pourraient être proposées aux médecins généralistes tout au long de leur carrière. Ces formations pourraient leur permettre de se spécialiser légèrement dans un secteur – gériatrie, actions de santé publique, souffrance des adolescents etc. – sans qu’ils cessent pour autant d’exercer la médecine générale de premier recours. Comme pour les autres formations complémentaires, le choix des thèmes, des programmes et des maquettes de ces formations pourrait être laissé pour une très large part aux facultés de médecine, afin de favoriser les initiatives prises par les personnels hospitalo-universitaires.

Pour votre rapporteur, de telles formations permettraient notamment :

– de rapprocher les médecins généralistes libéraux et les praticiens hospitaliers, ce qui favoriserait l’engagement des médecins de ville dans les réseaux de santé et l’hospitalisation à domicile ;

– d’enrichir la pratique de la médecine générale de premier recours, et de sensibiliser les médecins en exercice aux progrès rapides de cette discipline universitaire nouvelle ;

– de développer la formation continue des médecins libéraux, souvent jugée insuffisante.

Par ailleurs, comme M. Guy Vallancien l’a souligné (261), ce type de micro-spécialisation des professionnels de santé – notamment des médecins généralistes – est cohérent avec le regroupement des praticiens dans des structures d’exercice pluridisciplinaires.

Aussi, votre rapporteur juge-t-il utile de développer pour les médecins généralistes et les autres professionnels de santé ce type de formation. Elles enrichiront d’autant plus leur exercice qu’elles pourront déboucher sur l’engagement des professionnels dans des réseaux de santé, des établissements de HAD ou des programmes de santé publique.

Proposition n° 30 : Après cinq ans d’exercice de la médecine générale de premier recours, organiser des évolutions de carrière attractives pour les médecins, par des formations tout au long de leur carrière leur permettant d’enrichir leurs pratiques et d’éviter la lassitude qui éloigne certains d’entre eux des soins de premier recours.

PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

1. Édicter des normes quantifiées d’accès aux soins fixant des objectifs clairs aux politiques d’aménagement de l’offre de soins que mèneront les ARS, pour donner à l’ensemble des Français des garanties en matière d’accès aux soins.

2. Réviser la carte des zones sous-dotées en offre de soins, à partir d’une évaluation concertée et prospective des besoins de santé de chaque bassin de vie, pour identifier de façon plus fidèle et plus cohérente qu’aujourd’hui les cas de tension dans l’offre de soins de premier recours.

3. Mobiliser des aides publiques pour renforcer le maillage territorial de l’offre de soins, même en dehors des zones classées déficitaires, afin d’atténuer les effets de seuil, de frontière, voire d’aubaine inhérents au principe même du zonage.

4. Charger les ARS de mettre en cohérence les aides publiques à l’installation ou au maintien des professionnels de santé et de les rendre plus lisibles, en les intégrant toutes – y compris celles des collectivités territoriales – dans un même outil de planification et en créant un guichet unique pour leur promotion auprès des professionnels de santé.

5. Encadrer, par la loi, les aides des collectivités territoriales à l’installation et au maintien des professionnels de santé et prévoir un cofinancement modulable par l’assurance maladie, afin d’éviter une surenchère à la fois coûteuse et inéquitable entre collectivités.

6. Encadrer, par la convention médicale, les dépassements d’honoraires des professionnels de santé, pour corriger les inégalités financières dans l’accès aux soins.

7. Sans remettre en cause le principe de la liberté d’installation des médecins libéraux, mettre des freins à l’installation de professionnels de santé dans les zones déjà sur-dotées en offre de soins, dans un premier temps par des mesures « désincitatives » comme, par exemple, une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie.

8. Établir une définition législative des soins de premier recours tenant compte de leur dimension pluridisciplinaire et de la place de la santé publique en leur sein, afin de promouvoir une logique de prise en charge globale de la santé d’une population plutôt qu’une logique de distribution de soins.

9. Confier aux professionnels de santé de premier recours, aux maisons de santé ou aux centres de santé des « mandats de santé publique » ouvrant droit à des rémunérations forfaitaires, plus adaptées que le paiement à l’acte pour valoriser leurs actions de santé publique et le suivi des malades chroniques.

10. Appliquer les mêmes règles d’attribution et de rémunération des mandats de santé publique aux médecins libéraux, aux maisons de santé et aux centres de santé.

11. Sous l’égide des ARS, mutualiser dans un cadre contractuel les dispositifs existants de permanence des soins, et garantir l’effectivité du service rendu à la population en faisant de cette permanence un volet obligatoire des projets médicaux de territoire.

12. Résorber les « zones blanches des SMUR » pour assurer l’égal accès de tous les Français aux soins d’urgence vitale.

13. Plutôt que de focaliser les politiques d’aménagement de l’offre de soins sur l’installation des médecins en libéral, favoriser l’exercice médical sous des statuts alternatifs, susceptibles de rendre plus attractive la pratique des soins de premier recours en zone sous-dotée et d’inciter les médecins à rester le plus longtemps possible en activité.

Promouvoir ainsi l’exercice mixte ville / hôpital, l’exercice salarié en centre de santé ou en clinique, le statut de collaborateur libéral, l’exercice en cabinet secondaire et le statut de collaborateur salarié.

Développer aussi des formes d’exercice et de rémunération qui favorisent le retour en activité des médecins qui ont cessé d’exercer, le cumul exercice / retraite et le maintien en activité des praticiens âgés, par exemple en autorisant les généralistes exerçant à plus de 60 ans en zone sous-dotée à pratiquer des honoraires différents des tarifs conventionnels.

14. Favoriser la coopération entre les professionnels de santé en leur offrant des formations et des rémunérations attractives et en redéfinissant de façon souple leurs champs de compétence, afin de décharger les médecins de certaines tâches, notamment administratives, qui ne relèvent pas de leur cœur de métier et d’éviter certaines consultations inutiles.

15. Promouvoir l’engagement des libéraux dans les réseaux de santé et l’hospitalisation à domicile (HAD), qui favorisent la coopération ville / hôpital et enrichissent leurs pratiques.

16. Développer les techniques de télémédecine et les systèmes d’information en santé, qui favorisent la coopération entre professionnels de santé et permettent de prendre en charge les patients dans des conditions alliant proximité et qualité des soins.

17. Structurer l’offre de soins de premier recours en « pôles de santé », en invitant l’ensemble des acteurs des soins de premier recours d’un même bassin de vie – professionnels libéraux, hôpitaux locaux, structures médico-sociales etc. – à élaborer un véritable projet médical de territoire consistant à :

– structurer le maillage de l’offre de soins sur leur bassin de vie en se regroupant au sein d’une ou plusieurs maisons de santé pluridisciplinaires, notamment autour des structures hospitalières ou médico-sociales, tout en maintenant, si nécessaire, des cabinets « satellites » pour répondre aux besoins de santé des patients éloignés du centre du territoire ;

– organiser leur coopération afin d’assurer de façon permanente la couverture des soins de santé du bassin de vie, notamment en assurant les remplacements nécessaires et en partageant des outils informatiques ;

– attirer de nouveaux professionnels, en offrant des statuts d’exercice variés et en accueillant des stagiaires.

18. Consolider le maillage des hôpitaux de proximité et des hôpitaux locaux en mutualisant les moyens des établissements publics de santé au sein de « communautés hospitalières de territoire » dans lesquelles l’autonomie des établissements soit préservée.

19. Déroger aux seuils d’activité exigés pour l’autorisation des services hospitaliers, et compenser par des « MIGAC de continuité territoriale » les charges résultant pour eux d’une activité faible, lorsqu’une situation d’« exception géographique » rend indispensable le maintien d’un tel service.

20. Privilégier les facultés et les centres de formation proches des zones sous-dotées en offre de soins dans la répartition des capacités de formation supplémentaires ouvertes par la hausse des numerus clausus et autres quotas de formation de professionnels de santé, afin de mettre à profit la tendance de ces derniers à exercer à proximité de leur lieu de formation.

21. Régionaliser la formation des professionnels de santé pour adapter les capacités de formation aux besoins régionaux, en chargeant les ARS d’évaluer les besoins de formation, en fixant les numerus clausus et autres quotas de formation par région et en confiant aux ARS leur répartition entre les facultés et les centres de formation.

22. Développer les dispositifs proposant aux étudiants des bourses d’études assorties d’engagements d’exercice dans des zones sous-dotées, et les élargir aux étudiants en début de formation.

23. Généraliser, au cours des formations médicales et paramédicales, les stages dans les zones sous-denses, en y rendant obligatoires des stages de découverte en début d’études, ainsi que des stages actifs en fin de cursus, afin de faire connaître ces zones aux étudiants.

24. Privilégier les terrains de stage qui participent à l’organisation structurée des soins de premier recours et présentent un mode d’exercice collectif et pluridisciplinaire, pour faire découvrir aux étudiants des modes d’exercice correspondant à leurs attentes.

25. Inciter les professionnels de santé à accueillir des stagiaires, au besoin par des mesures financières pour ceux des zones sous-denses, qui ont le plus de difficultés à dégager le temps nécessaire du fait de leur charge de travail.

26. Titulariser des enseignants de médecine générale pour structurer la filière universitaire de médecine générale et renforcer l’attractivité de cette discipline.

27. Réduire le « taux d’inadéquation » entre le nombre de postes d’internat offerts et le nombre de candidats aux épreuves classantes nationales (ECN), afin de limiter le nombre de postes non pourvus, le plus souvent au détriment de la spécialité de médecine générale et des facultés des régions déjà sous-dotées.

28. Dans le cadre d’études médicales et de formations paramédicales réorganisées sur le modèle « LMD » (licence, mastère, doctorat), créer des passerelles permettant à la fois :

– aux étudiants qui échouent en première année d’études médicales, de se réorienter dans des formations paramédicales ou des études scientifiques ;

– aux professionnels paramédicaux et à certains étudiants en science, d’intégrer par une voie parallèle les études de médecine.

29. Enrichir la formation des professionnels de santé de façon à mieux les préparer à la coopération entre professionnels, à la relation et au dialogue avec les patients et leur entourage, ainsi qu’aux missions de santé publique qu’ils auront à exercer pour leur patientèle.

30. Après cinq ans d’exercice de la médecine générale de premier recours, organiser des évolutions de carrière attractives pour les médecins, par des formations tout au long de leur carrière leur permettant d’enrichir leurs pratiques et d’éviter la lassitude qui éloigne certains d’entre eux des soins de premier recours.

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La mission d’information a adopté le présent rapport à l’unanimité lors de sa réunion du mardi 16 septembre 2008.

CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA MISSION

CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE :

Notre système de santé, longtemps glorifié comme l’un des meilleurs du monde, présente aujourd’hui de redoutables symptômes : un financement fragilisé, un pilotage contesté et éclaté, et surtout, c’est l’objet de cette mission, la multiplication des inégalités d’accès aux soins.

Le système craque. Derrière l’image d’Epinal d’un système protecteur et bienveillant, il y a les réalités de la France du XXIème siècle : les inégalités très profondes d’accès à des soins de qualité foulent aux pieds manifestement le droit à la santé, principe reconnu par la constitution de notre République et exigence éthique essentielle.

Les progrès scientifiques et technologiques ont rendu la médecine plus fiable, mais les impasses de la prévention, de l’organisation des soins et de la démographie médicale privent un grand nombre de Français du bénéfice réel de ces performances. Derrière la crise budgétaire bien réelle, est apparue la fracture sanitaire.

Le désert médical, urbain et rural, s’est installé. Ses conséquences, encore mal mesurées, sont très diverses : territoires oubliés ou relégués, délais d’accès en cas d’urgence (obstétricales ou psychiatriques, pédiatriques ou gériatriques…) incompatibles avec l’efficacité minimale, permanence des soins approximative, et ses origines forcément complexes : médecine générale méprisée, spécialités désertées, prévention notoirement insuffisante, disparition locale du secteur I, etc.

Dans le domaine de la santé plus encore que dans d’autres en matière d’action publique, les fruits se récoltent à moyen et long terme. Ainsi, les choix politiques à faire aujourd’hui ne trouveront-ils leur plein impact que dans un délai de deux à quatre ans (par exemple pour un programme de maisons de santé ou un nouveau modèle de rémunération des missions de santé publique) ; pour beaucoup d’entre eux, à plus de 10 ans (pilotage prévisionnel des effectifs de praticiens à former par discipline). Il est donc plus que temps de décider et d’agir. Trop de retards s’accumulent, qui font perdurer l’irresponsabilité, l’impuissance publique et découragent les acteurs réellement engagés sur le terrain.

Après avoir obtenu la création de cette mission au sein de la commission des Affaires sociales, et pour qu’un débat parlementaire exigeant et constructif puisse s’engager sans tarder davantage, les députés du Groupe SRC ont fait le choix d’adopter ce rapport.

Ce n’est pas une mission de plus : un diagnostic partagé et sans complaisances, des propositions courageuses, improbables au Parlement il y a seulement trois ans, en font pour tous une base incontournable pour le travail législatif qui s’annonce.

Pour la première fois en effet, une mission parlementaire répond, de manière très complète, au risque majeur du désert médical, qui affecte les villes comme les campagnes dans de nombreux départements. Elle diagnostique lucidement le manque chronique de pilotage, les inégalités territoriales et sociales qui s’additionnent, les dégâts du laisser-faire qui règne pour les installations des professionnels de santé. Elle dénonce l’imprévision qui prévaut dans l’organisation des formations universitaires, coupées des besoins réels de la population française. Enfin, la mission constate sans ambiguïté l’insuffisance des mesures purement incitatives et financières, pour réguler la démographie médicale.

Néanmoins, les députés socialistes membres de la mission regrettent l’imprécision de certaines propositions et souhaitent qu’un volontarisme plus affirmé préside aux décisions nécessaires. Par ailleurs, ils appellent à un changement profond dans la prise en compte des besoins sanitaires, qui passe à la fois par la refonte de l’organisation du système de soins et par la reconnaissance de nouveaux droits des malades.

1. L’aggravation des inégalités d’accès aux soins a, depuis longtemps, dépassé les seuils tolérables. Il y a urgence, et les décisions tardent.

L’accessibilité aux soins dans l’espace s’est dégradée. La distance géographique en temps de transport pour accéder à un généraliste, ou la file d’attente en semaine ou en mois pour les spécialistes se sont accentuées.

L’accessibilité aux soins dans le temps, le soir, la nuit ou le week-end a été déstabilisée en 2003 par l’abandon de l’obligation de participer à la permanence des soins, sans contrepartie ou système alternatif fiable pour les gardes.

L’accessibilité financière aux soins, malgré les progrès liés à la CMU, se heurte aux déremboursements, aux franchises, aux coûts de transports et plus encore à l’effet des dépassements d’honoraires et à l’absence, dans certains territoires, de recours possibles à un médecin du secteur I.

Les conditions brutales et souvent anarchiques dans lesquelles sont conduites depuis un an les restructurations hospitalières ont également un impact fort sur l’accès aux soins. Elles désorientent les patients, et démotivent les professionnels. La coordination des soins entre la ville et l’hôpital s’en trouve désorganisée, elle est pourtant primordiale. En effet, les hôpitaux de proximité constituent un renfort indispensable pour les médecins généralistes. Les urgences et les SMUR évitent de faire peser sur les seuls praticiens de ville ou de campagne la responsabilité des situations graves. Pour de nombreuses spécialités (gynécologie, radiologie…), l’hôpital proche est un point d’appui, qui renforce l’attractivité et la sécurité des territoires.

L'une des décisions indispensables sera de fixer des normes d’accès, pour les soins de premier recours et pour la prise en charge hospitalière d'urgence:

– en délai d’accès, en fonction de la géographie réelle.

30 minutes pour un service d’urgence (et un SAMU ou SMUR), 45 minutes pour une maternité apparaissent des objectifs nationaux responsables pour la planification hospitalière.

– en délais d’attente pour l’accès aux spécialistes. Il n’est pas acceptable d’opposer un délai de six mois pour la consultation psychiatrique d’un adolescent (témoignage en Seine-Saint-Denis), ou de près d’un an pour un ophtalmologiste dans la Nièvre.

– en réduisant les obstacles financiers par le plafonnement (conventionnel et légal) des dépassements d’honoraires. L’information des patients (devis préalable…), nécessaire, n’est pas suffisante. Préserver l'accès pour tous aux praticiens du secteur I nécessite qu'une politique de quotas soit appliquée au secteur II.

Ces normes volontaristes sont dictées par les impératifs de la lutte contre le désert médical.

2. Une action volontaire contre les déserts médicaux réussira seulement si elle s’appuie sur un « deal global » avec les professionnels.

La convention médicale de 2005, les mesures isolées, les vœux pieux ont fait long feu. Les augmentations d'honoraires sans contrepartie de santé publique ou de présence sur les territoires illustrent cette politique sans vision. Annoncer des mesures coercitives dans le PLFSS pour 2008 sans un « contrat de confiance », forcément délicat à construire, avec les professionnels relève du plus pur colbertisme sanitaire… La lutte contre les déserts médicaux réclame une méthode de concertation, mais aussi du courage : La loi Hôpital, patients, santé et territoires, dans son avant-projet, ne parait clairement pas à la hauteur des enjeux.

Ce « deal global » doit privilégier une mutation en profondeur des conditions concrètes d’exercice des professions médicales.

La prévention et les missions de santé publique doivent prendre toute leur place : il est urgent de « changer le logiciel », trop exclusivement polarisé sur le curatif.

L’énergie réformatrice s’est longtemps concentrée sur les maîtrises comptables… Pour l’avenir, il faut placer la santé avant les soins ! C’est en particulier le rôle du médecin traitant qui ne saurait se borner à rester un « distributeur de soins ».

Les regroupements qui s’opèrent entre professionnels de santé ne sont pas un effet de mode, mais une nécessité pratique et humaine. Maisons de santé (262) dotées d'un vrai projet médical, centres de santé, réseaux, sont les modèles innovants de l’organisation professionnelle, dans les quartiers comme dans le monde rural, pour rompre l’isolement et partager mieux les tâches.

Cet objectif de coopération entre les professionnels doit être encouragé vigoureusement par les pouvoirs publics, comme le font depuis longtemps de nombreux pays étrangers.

Un nouveau métier, fondant un nouveau statut, doit être négocié et défini pour le médecin généraliste (et étendu à d’autres disciplines). En améliorant ainsi les conditions d’exercice cela favorisera sans nul doute l’installation. Ce statut doit comporter plusieurs volets :

– Une définition de la médecine de premier recours, avec « un mandat de santé publique » au profit de la population d’un territoire, de prévention, de suivi des maladies chroniques, de permanence des soins ;

– Une double rémunération, distinguant une partie forfaitaire liée à ces missions et le paiement des actes, dans un cadre fiscal et social unique et simplifié, lui permettant d’être à la fois libéral, salarié, vacataire, contractuel dans plusieurs lieux s’il le souhaite ;

– Un transfert massif de tâches des médecins vers les autres professions de santé est nécessaire pour redonner du temps médical réel pour les praticiens, aujourd’hui en « surchauffe ». Cet appui est à trouver par du secrétariat partagé, et la délégation de tâches auprès d'autres professionnels (pharmaciens, infirmiers…), en particulier pour les maladies chroniques ;

– De la formation continue, obligatoire et soutenue financièrement, pour permettre l’actualisation des connaissances mais aussi l’évolution des carrières.

Nous insistons sur les améliorations – la révolution des méthodes et des mentalités – à opérer à l’université pour former autrement la future génération de médecins:

– gestion des effectifs globaux, par discipline et par régions, en fonction des besoins ;

– déroulement des cursus et des stages permettant en temps utile la connaissance de la médecine générale, y compris rurale ;

– ouverture réelle, pour les étudiants aux disciplines non hospitalières, l’affirmation de la filière de médecine générale, tragiquement sous-dotée en postes universitaires titulaires. Sa réhabilitation aux yeux des nouvelles générations d’étudiants est une priorité absolue.

3. La responsabilité est collective, la liberté d’installation n’est plus un tabou.

Il ne suffit pas de rappeler que les dépenses de santé sont socialisées, et que la majorité des revenus des professionnels provient de l’argent – public – de l’Assurance maladie. Il importe d’associer l’ensemble des professionnels et les organisations qui les représentent à la résorption des inégalités territoriales. Dans de nombreux départements, cette réflexion a cheminé : regroupements pluridisciplinaires, réseaux, régulation – libérale – de la permanence des soins, voire participation à l’urgence vitale.

Mais l’extrême disparité et le déséquilibre géographique des installations depuis des décennies ne sont désormais plus acceptés par la société française. C’est une cause nationale : l’État comme l’Assurance maladie ne sauraient laisser la réponse au désert médical à la seule initiative des professionnels les plus motivés ou à la charge des collectivités locales.

Les incitations financières doivent être évaluées, encadrées pour éviter la concurrence des territoires (« on répond au désert par la jungle ») et mieux ciblées (accorder des bourses d’études cofinancées par l’Assurance maladie assorties de l’engagement d’exercer cinq ans en zones sous-denses, ou bien demander leur remboursement…).

Mais devant l’insuffisante efficacité des seules incitations financières, et dans le cadre des améliorations concrètes et durables évoquées précédemment, il est devenu nécessaire de se préparer à freiner les installations dans les zones excédentaires.

Sans drame, les infirmier(e)s ont montré l’exemple, dans une démarche conventionnelle, en subordonnant les installations aux départs dans les zones trop denses.

Nous soutenons une démarche de « réponse graduée, mais ferme ». Elle conjuguerait des mesures désincitatives (sur les charges sociales), un conventionnement plus sélectif (quotas d’installations nouvelles). Dans un avenir proche de 2 à 3 ans, si le déséquilibre actuel n’est pas endigué, des plafonds d’installation pour une période de dix ans pourraient être instaurés dans les zones excédentaires.

Pour mieux coller au terrain, les critères pour établir ces zonages (excédent/déficit) doivent être revus et discutés.

4. Un remaillage offensif des territoires.

Ce sera l’une des missions clés des Agences régionales de santé. Nous en approuvons le principe, pour une unité d’action et pour remédier à l’émiettement de l’État dans le domaine sanitaire. Le cloisonnement, le corporatisme, les concurrences excessives entre établissements de santé figurent également parmi les raisons du désordre actuel

Une démocratie sanitaire participative est à inventer avec les élus, les associations d’usagers et de patients. Il s’agit en premier lieu de mettre en œuvre la seconde étape de la loi du 1er mars 2002 relative aux droits des malades. C’est une garantie pour que les choix répondent aux besoins, et pour prévenir les excès du centralisme, fût-il régional, qui gomme les inégalités territoriales. C’est pourquoi le mode de gouvernance des ARS ne saurait signifier une « étatisation », même rationalisée, ni se réduire à une simple redistribution des rôles entre l’État et les partenaires de l’Assurance maladie. La prise en compte de la géographie concrète, l’aménagement sanitaire infrarégional, la sécurité et l’accès réel aux soins nécessitent une participation accrue des élus et des représentants des territoires.

L’offre de soins de premier recours doit être élaborée en « pôles de santé », où les acteurs bâtissent ensemble un « projet médical de territoire ».

Ce travail d’animation territoriale doit s’appliquer à la médecine de premier recours, pour la réhabiliter vigoureusement dans la noblesse et la diversité de ses missions.

C’est vrai également pour la modernisation négociée du réseau hospitalier. Il importe en effet de préserver l’autonomie des établissements au sein de « communautés » mutualisant les personnels et les moyens. Les ARS devront être garantes de cette coopération hospitalière, entre grands centres hospitaliers et hôpitaux de proximité, en évitant le « cannibalisme hospitalier ». Des « MIGAC de continuité territoriale » doivent permettre de gérer les quelques dizaines d’exceptions géographiques, nécessitant le maintien de services en-dessous des seuils habituels.

Les outre-mer, en raison de l’insularité ou des distances extrêmes (Guyane, Polynésie…), mais aussi de situations de souffrances sociales de masse ont expérimenté, bien avant d’autres, la désertification médicale. Beaucoup des propositions du rapport y trouveront leur plein effet. Comme le rapport le demande, nous jugeons indispensable qu’une mission d’information ad hoc permette de traiter les difficultés spécifiques des populations d’outre-mer, et surtout d’identifier les bonnes réponses, à la mesure de ces défis sanitaires dramatiques.

Ces propositions visent à construire pour la France une offre de soins de premier recours moderne, efficace et responsable, et à rappeler l’engagement urgent de l’État et l’Assurance maladie pour lutter contre les inégalités qui progressent. Nous soumettons cette contribution au débat public, aux citoyens et aux professionnels. Nous agirons au Parlement pour qu’elles soient discutées prochainement.

PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA PERMANENCE DES SOINS PAR PHILIPPE BOËNNEC, DÉPUTÉ DE LOIRE-ATLANTIQUE

Le rapport assez innovant du docteur Jean-Yves Grall de 2007 ayant fait l’objet d’un certain consensus au sein des professionnels de santé, il n’est pas proposé de remettre en cause ses grandes orientations. Il importe également d’utiliser l’opportunité offerte par la mise en place prochaine des agences régionales de santé pour remettre à plat l’organisation de la permanence des soins en France, en mettant fin à la double dichotomie financeur (assurance maladie)/organisateur (représentant de l’État dans le département) et médecine ambulatoire/hôpital.

1. Unifier et simplifier le pilotage de la PDS sous l’égide de l’ARS

Au lieu et place d’un pilotage départemental éclaté, il est proposé de confier au directeur de l’ARS la responsabilité d’arrêter à la fois les modalités d’organisation et de financement du service public de la PDS. Les différents acteurs du système de soins doivent être associés à la gouvernance au sein d’une instance régionale de concertation animée par le Préfet de Région et associant les acteurs régionaux et départementaux (SAMU, SDIS…) ; les conseils départementaux de l’ordre des médecins, qui seront recentrés sur leur rôle déontologique, y seront naturellement représentés.

À côté des deux schémas prévus pour les offres de soins hospitalière et ambulatoire, l’ARS définira un schéma régional unique consacré à l’organisation de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins – la frontière entre ces deux notions n’étant pas toujours très précise et lisible, en particulier pour l’usager, et la mutualisation des ressources étant recherchée et parfois déjà effective (relais des services d’urgences en nuit profonde) –, schéma qui sera ensuite décliné à l’échelon départemental pour prendre en compte les moyens et les spécificités territoriales.

Pour mettre en œuvre ce schéma, le directeur de l’ARS doit pouvoir disposer de deux grands moyens d’actions : une enveloppe financière régionale et la contractualisation.

Tout d’abord, compte tenu de la souplesse nécessaire dans un contexte de volontariat des médecins libéraux et de l’exigence d’adaptation à des situations locales très diverses, ce directeur doit pouvoir disposer d’une enveloppe financière régionale permettant de rendre fongibles les différentes sources de financement, qu’elles soient de nature conventionnelle ou non, de l’AMU et de la PDS. À cet égard, il est indispensable de publier au plus vite le décret d’application de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 devant permettre l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération de la PDS grâce à une globalisation des financements. Ces expérimentations doivent être réalisées prioritairement dans les régions affectées par des problèmes d’organisation de la PDS puis généralisées en cas de succès.

En second lieu, au lieu et place de tableaux d’astreinte parfois aléatoires ou incomplets, la contractualisation de l’ARS et des différents intervenants (médecins ou association de médecins généralistes, maisons médicales de gardes, établissements hospitaliers publics mais aussi privés, CHU siège du SAMU, SDIS, transporteurs, spécialistes …) doit permettre de fiabiliser le service public d’accès aux soins pendant les heures de fermeture des cabinets médicaux. Dans l’hypothèse où cette contractualisation resterait problématique dans certaines régions, il pourrait être envisagé d’imposer aux médecins s’installant dans des zones sur-dotées (souvent urbaines et déjà couvertes par SOS Médecins et les urgences) de réaliser un certain nombre d’astreintes dans les zones déficitaires les plus proches ou de participer un certain nombre de nuits à la régulation médicale en contrepartie de leur installation. Le basculement sur les services d’urgence à certaines périodes, réalisé aujourd’hui de façon parfois empirique, fera notamment systématiquement l’objet d’une convention. Les contrats avec les médecins volontaires seront assortis de mesures incitatives pour être attractifs (baisses de cotisations ou points de retraites supplémentaires…).

2. Favoriser la mutualisation des ressources et la collaboration entre professions de santé

Au-delà des nouvelles modalités de financement (enveloppe régionale) et de la possibilité de sortir, au besoin, du paiement à l’acte, il convient de lever les obstacles (problèmes statutaires, assurantiels, de cotisations..) à la mobilisation de nouveaux gisements de médecins ou anciens médecins pour la PDS ambulatoire, après formation et évaluation des pratiques professionnelles : médecins thésés mais non installés, médecins salariés (centres de santé, médecine du travail), bénéficiaires du MICA et jeunes retraités, internes en médecine générale, praticiens hospitaliers en dehors de leur travail habituel, médecins miniers…

Les différentes périodes de la permanence des soins doivent être dissociées, pour mieux adapter les réponses aux besoins de la population. En nuit profonde, le recours au secteur hospitalier d’urgence semble le plus pertinent, compte tenu du nombre très réduit d’actes ; les quelques sorties incompressibles liées aux actes médico-administratifs ou en EHPAD pourraient être effectuées par des internes en voiture sur des secteurs élargis, avec des temps de trajet ne dépassant pas cependant quarante minutes par exemple. Au-delà de cette durée, d’autres solutions devraient être mises en place : maison médicale de garde avec médecin mobile, système organisé autour de l’hôpital local… Pour les autres périodes, les maisons médicales de garde constituent un des outils de la PDS, qui doit se fonder sur un projet préalable des professionnels et être conçu en articulation avec les structures existantes (hôpitaux locaux, MMG voisines…). Des médecins correspondants de SOS Médecins, par le biais d’une contractualisation, pourraient être mis en place dans des zones périubaines ou semi-rurales et compléter ce dispositif.

La sectorisation devra être faite en liaison avec celle des gardes pharmaciennes, ambulancières, des dentistes si elles existent, et des secteurs SMUR. Le cas échéant, une mise à disposition de la maison médicale de garde de médicaments de première nécessité devrait pouvoir être envisagée.

Un renforcement de la coopération entre les différentes professions de santé doit être recherché, notamment en étudiant les possibilités de délégations de tâche au profit des pharmaciens ou des infirmières.

À défaut de mise en place du dossier médical personnel, il serait aussi souhaitable de rendre accessible aux médecins régulateurs ainsi qu’aux médecins effecteurs le dossier pharmaceutique, en voie de généralisation sur l’ensemble du territoire, afin de leur permettre de connaître l’historique des médicaments délivrés.

3. Renforcer la régulation médicale, clé de voûte du système

L’association d’une régulation libérale à une régulation hospitalière dans des locaux contigus, qui permet un meilleur partage des données qu’une simple interconnexion entre deux centres différents, doit continuer à être expérimentée en vue d’une généralisation progressive. Il semble souhaitable de s’orienter vers un numéro d’appel unique, le 15 ou s’il venait à changer le 112 européen, et identique sur l’ensemble du territoire. Les actes générés par des appels directs à d’autres numéros ou non régulés ne doivent pas donner lieu à des majorations au titre de la PDS ni faire l’objet de la même prise en charge pour le patient.

L’expérimentation de la mise en place de plates-formes communes 15-18 doit se poursuivre et être encouragée.

Tous les centres 15 ne sont pas dimensionnés à la hauteur des besoins : il faut poursuivre le plan de remise à niveau engagé. Le métier de Permanencier Auxiliaire de Régulation Médicale, collaborateur indispensable des médecins régulateurs hospitaliers et libéraux, doit faire l’objet d’une véritable reconnaissance à travers la définition d’un profil de formation et d’un statut.

Un meilleur suivi des appels de la population doit être organisé, qui rendra plus facile une évaluation ex post du système : mise en place du rappel systématique du patient une heure après par le PARM en cas de conseil médical (comme dans les centres anti-poison), modification de la législation pour autoriser les communications d’informations et croisements de fichiers entre centres 15, services d’urgence et MMG. La prescription téléphonique, qui se développe avec le recours au conseil médical, doit être sécurisée, sur la base de bonnes pratiques définies par la Haute Autorité de Santé (le Code de Santé publique ne l’autorise aujourd’hui que dans le cadre de l’urgence), et les liaisons avec les pharmacies de garde améliorées.

4. Agir sur la formation : rassurer et mieux préparer les étudiants à la médecine de premier recours et à l’exercice de la permanence des soins

Il est nécessaire de mettre en place dans toutes les facultés le stage de médecine générale en deuxième cycle d’études médicales, pourtant obligatoire depuis 2006. Le développement de nouveaux terrains de stages hors des villes de CHU doit être favorisé. Au cours du troisième cycle d’études médicales, une formation théorique sur l’organisation de la PDS, actuellement inexistante dans l’ensemble du cursus, devrait être délivrée aux internes en médecine générale ce qui n’est pas le cas actuellement. De même, il serait souhaitable d’organiser une formation théorique et pratique à la régulation médicale pour les internes en médecine générale. Des structures comme SOS Médecins doivent pouvoir être agréées comme terrain de stage pour le SASPAS. Enfin, il semble nécessaire de prévoir la possibilité de gardes ambulatoires pour les internes en médecine générale, qui n’effectuent pour l’instant que des gardes hospitalières.

Pour permettre une meilleure adéquation des postes pourvus aux besoins en médecine de premiers recours, il serait souhaitable que la proportion de postes proposés en médecine générale dépasse les 50 % et surtout que les résultats de l’examen classant national soient proclamés après la validation des stages de second cycle. Afin de favoriser une meilleure répartition sur le territoire des jeunes médecins et d’éviter les surenchères entre régions, l’État doit pouvoir attribuer des bourses d’études en contrepartie de l’installation dans des zones déficitaires. La mise en place de la nouvelle filière universitaire de médecine générale (création d’une section « médecine générale » au sein du conseil national des universités, adaptation du statut de PUPH à l’exercice d’une activité libérale et titularisation de généralistes…) doit aussi être une priorité pour attirer de nouveaux étudiants. La médecine de premier recours mérite reconnaissance et valorisation.

5. Renforcer l’information et l’évaluation

Une fois le dispositif fiabilisé, il convient de renforcer la communication à l’égard de la population, qui devra faire évoluer ses habitudes avec le développement de points fixes de gardes et du conseil médical, ainsi qu’à l’égard de l’ensemble des professionnels de santé (pharmaciens, etc…).

Il convient également de renforcer les outils statistiques de la PDS, qui sont aujourd’hui centrés sur les seuls éléments donnant lieu à paiement par l’assurance maladie (astreintes, majorations…) et sont dépourvus d’indicateurs sur les délais d’accès ou d’attente de la population par exemple. Un observatoire pourrait être mis en place pour centraliser ces données et évaluer l’adéquation du dispositif aux besoins.

CONTRIBUTION DE JEAN-LUC PRÉEL, NOUVEAU CENTRE

Nous devons avoir pour objectif d’assurer l’accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire.

Cet objectif est ambitieux et actuellement très éloigné.

En effet, il existe de grandes inégalités de répartition des professionnels de santé sur le territoire avec des zones notamment sous dotées. Dans certains secteurs, l’accès à des médecins de secteur 1 est très réduit, les dépassements d’honoraires deviennent un réel problème.

En outre, la permanence des soins n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire de manière satisfaisante.

Quant à la qualité, de grands progrès sont nécessaires au niveau de la formation initiale, de la formation continue, de la mise en œuvre des « bonnes pratiques » et de l’évaluation.

La démographie des professionnels de santé : malgré de nombreux rapports, de grandes incertitudes demeurent quant au temps médical de premier recours, c’est-à-dire la disponibilité médicale des médecins généralistes.

En effet, les rapports font état du nombre de médecins sans tenir compte, le plus souvent, des médecins à exercice particulier ou des remplaçants non installés.

Les mentalités ont changé, les pratiques également. Chacun souhaite, à juste titre, bénéficier d’une vie familiale, de repos… Le médecin généraliste n’est plus disponible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 : ce critère essentiel doit être pris en compte, d’autant que nous assistons à une féminisation de la profession.

La première mesure doit être la régionalisation de la formation des professionnels, prenant en compte les besoins des prochaines années, puisqu’il faut dix ans pour former un médecin. Il est indispensable d’anticiper.

Sans revenir sur les raisons étonnantes invoquées par les responsables des années 1990 qui voulaient diminuer le nombre de médecins pour diminuer les dépenses avec mise en place du MICA et l’abaissement du numerus clausus, force est de constater que dans la fixation du numerus clausus, il n’a jamais été tenu compte du temps médical effectif et des pratiques, mais du seul nombre de médecins à former et pour les postes, notamment de spécialistes, beaucoup plus des besoins hospitaliers et des doyens plutôt que des besoins du pays.

Aussi, nous allons manquer de néphrologues, de pédiatres, de chirurgiens digestifs etc.

Il est nécessaire, pour obtenir une bonne adéquation de la formation avec les besoins, de régionaliser la formation de toutes les professions de santé, de faire évaluer les besoins de chaque profession, de chaque spécialité, par les observatoires régionaux de santé et de confier les décisions aux ARS après avis des conseils régionaux de santé.

85 % des médecins formés dans une région y demeurent.

La deuxième mesure, très consensuelle, consiste à renforcer les mesures incitatives : bourses, contrats, aides à l’investissement, aides fiscales à la condition qu’elles soient pérennes. La mise en place effective du stage de médecine générale devrait être une priorité, ainsi que le développement de la filière universitaire de médecine générale.

Les maisons de santé « cantonales » et en zones urbaines sont essentielles. Les médecins ne veulent plus exercer de manière isolée. Ces maisons, sur un territoire adapté aux besoins, toutes les communes ne pourront pas en bénéficier, doivent regrouper médecins, infirmières, kinésithérapeutes, dentistes, pédicures, diététiciens… avec un secrétariat commun. Ces maisons de santé ne constituent pas la panacée. Elles doivent correspondre à un projet médical porté par les professionnels sinon l’échec est probable. Elles devront s’intégrer dans les schémas d’organisation des soins prévus par la prochaine loi « santé-territoire ».

Une mesure intéressante pourrait être de s’engager rapidement vers le transfert de tâches pour gagner du temps médical. Il s’agit notamment de confier à des infirmières cliniciennes le suivi des maladies chroniques : diabète, obésité, asthme, voire de leur confier la réalisation d’actes techniques.

Les pharmaciens doivent devenir de réels acteurs de la santé, participer à l’observance thérapeutique, au suivi des maladies chroniques, à la prévention.

À la condition de mettre en place de vrais espaces de confidentialité et de faire évoluer les rémunérations.

Une autre mesure consiste à moduler la rémunération en plus ou en moins selon la zone d’installation.

Actuellement, le dispositif est un échec car il prévoit une augmentation sur des territoires très limités, réservés aux cabinets de groupe. Ce dispositif a été peu utilisé et a surtout constitué un effet d’aubaine pour des médecins installés.

Les mesures coercitives concernant l’installation constituent une fausse bonne idée. Elles sont rejetées par les étudiants, elles peuvent constituer une démotivation supplémentaire envers la médecine générale dite de premier recours.

Il sera intéressant d’évaluer l’avenant infirmier. Comment sera appliquée cette limitation de l’installation ? Par région, par département, par territoire de santé, par commune ? Qui pourra s’installer lorsqu’une infirmière cessera son activité ? Y aura-t-il des listes d’attente ? Par région, par département, par commune ? Y aura-t-il des prioritaires : rapprochement de couple par exemple ?

La permanence des soins et la prise en charge des urgences est un réel souci. Il n’est que temps de mettre en œuvre l’excellent rapport du Docteur Grall.

Les hôpitaux de proximité sont confrontés au problème de la démographie médicale, de la compétence des professionnels et de la sécurité. Ils doivent être le siège de maisons de santé et accueillir les spécialistes hospitaliers et libéraux permettant d’apporter les soins attendus par la population. La loi santé-territoire avec les communautés hospitalières de territoire devrait apporter des solutions.

La répartition des professionnels sur le territoire n’est pas simple, mais il est indispensable qu’elle s’accompagne de tarifs remboursables par l’assurance maladie et de la qualité.

Le secteur optionnel est peut-être une solution à la condition qu’il soit généralisé. Les dépassements d’honoraires, sauf circonstances particulières, devraient devenir exceptionnels. La solution consiste en des accords prévoyant une juste rémunération des professionnels. Il n’est pas sain, par ailleurs, que l’assurance maladie prenne en charge partiellement la protection sociale des professionnels de santé. Celle-ci devrait être financée par les professionnels grâce à une rémunération adaptée.

Enfin, la qualité des soins doit être notre priorité. C’est pourquoi il est urgent de revoir le mode de sélection des étudiants, la formation initiale, de mettre en place enfin une réelle formation continue obligatoire, financée et évaluée.

Les référentiels de bonnes pratiques, les logiciels d’aide à la prescription doivent se généraliser rapidement.

Dès lors, demain, nous pourrons peut-être obtenir un égal accès de tous, sur l’ensemble du territoire, à des soins de qualité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission s’est réunie, le mardi 30 septembre 2008 à 15 heures sous la présidence de M. Pierre Méhaignerie, président, pour examiner le rapport de M. Marc Bernier, député.

M. le président Pierre Méhaignerie : Nous allons maintenant examiner le rapport de la mission d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

M. Christian Paul, président de la mission d’information : Notre mission a travaillé sous la pression des difficultés d’accès aux soins que rencontrent aujourd’hui les Français, car les très profondes inégalités sur le territoire menacent sérieusement leur droit à la santé. Les trente propositions de notre mission sont en quelque sorte une riposte au désert médical. À la fois urbain et rural, il se caractérise par des délais d’accès aux soins – en particulier en cas d’urgence obstétricale, pédiatrique, psychiatrique, gériatrique – qui ne permettent pas de prendre en charge efficacement les patients, et par une permanence des soins approximative. Le problème ne se résume donc pas au nombre de médecins généralistes, certes de moins en moins nombreux dans les territoires ruraux et dans le nord de la France. Le phénomène, beaucoup plus vaste, concerne l’ensemble de la médecine de premier recours, et les statistiques actuelles sont relativement impuissantes à le cerner.

Je me réjouis de la qualité du travail collectif qui a été mené ; il ne s’agit pas d’une mission de plus. Nous faisons des propositions concrètes, courageuses, qu’il aurait été impensable de soutenir collectivement il y a trois ou quatre ans. Mais le désert médical s’est installé et les Français ne supportent plus des inégalités excessives d’accès aux soins, qu’elles soient géographiques ou financières. Il y a urgence à agir. La liberté d’installation des médecins n’est plus un tabou, mais nous avons la conviction qu’il y a beaucoup à faire avant de s’y attaquer. Ainsi, dans le cadre d’un contrat global qui couvrira à la fois les conditions de formation, d’installation – la tendance est au regroupement des professionnels de santé – et de rémunération des praticiens, par le biais d’un « mandat de santé publique » et non plus d’un paiement exclusivement à l’acte, s’amorcera une mutation profonde du système de santé, condition nécessaire pour faire reculer le désert médical.

Les onze parlementaires qui ont participé à cette mission d’information ont adopté les conclusions du rapport à l’unanimité.

M. Marc Bernier, rapporteur de la mission d’information : Monsieur le président Pierre Méhaignerie, mes chers collègues, je salue moi aussi le climat de travail constructif et consensuel qui a régné tout au long des travaux de notre mission, dépassant les clivages politiques : l’égalité d’accès aux soins, ce n’est ni de gauche, ni de droite.

Au cours de ces travaux, entamés en avril dernier, nous avons procédé à près de cinquante auditions et tables rondes, ainsi qu’à trois déplacements dans des territoires très différents – dans la Nièvre, la Mayenne et la Seine-Saint-Denis. Ainsi, nous avons pu prendre la mesure de la gravité et de la diversité des difficultés d’accès aux soins auxquelles sont confrontés nos concitoyens.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui dresse dans sa première partie un état des lieux de ces inégalités et de ces difficultés d’accès aux soins, puis expose dans sa seconde partie les trente propositions que je fais pour y remédier. Ce rapport arrive au bon moment, juste après les états généraux de l’organisation de la santé et juste avant l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».

Tout le monde est d’accord sur le constat suivant : il est de plus en plus difficile de trouver un médecin, un dentiste ou une infirmière en zone rurale ou en zone urbaine sensible, notamment la nuit et le week-end ; même en ville, les dépassements d’honoraires peuvent créer des difficultés d’accès aux soins. La baisse des numerus clausus dans les années 1980 et 1990 va engendrer dans les années à venir une véritable pénurie de médecins et de dentistes. De près de 10 000 médecins et dentistes formés par an en France jusque dans les années 1980, on est passé brutalement à 3 500 médecins et 800 dentistes.

De ce constat ressortent deux points importants.

D’une part, les pouvoirs publics mesurent mal les difficultés d’accès aux soins. D’après les statistiques officielles, en moyenne, les Français seraient à quatre minutes d’un cabinet médical et il n’y aurait que cinq cantons où ce temps d’accès dépasserait vingt minutes. Notre expérience quotidienne, sur le terrain, permet d’en douter.

D’autre part, en attendant les agences régionales de santé (ARS), les pouvoirs publics manquent de leviers d’action pour maîtriser le niveau et la répartition des professionnels de santé. À partir de 2003, nous avons mis en place des incitations financières diverses pour attirer les médecins dans les zones qui en manquent, mais elles n’ont pas produit l’effet escompté.

Alors, que faire ? Dans la perspective de la discussion du projet de loi annoncé sur l’hôpital, les patients, la santé et les territoires, je fais trente propositions, que je formule sans tabou car il est urgent d’agir.

Avant tout, je crois indispensable de renforcer les outils de pilotage de l’offre de soins. Aujourd’hui, nos multiples aides à l’installation des professionnels de santé sont ciblées sur des zonages délimités de façon variable et souvent contestable – avec des frontières qui méconnaissent la réalité des bassins de vie. C’est pourquoi je propose d’instituer dans la loi des normes quantifiées d’accès aux soins (proposition n° 1) et de réviser sur cette base la situation de chaque bassin de vie, qui est l’unité géographique la plus pertinente pour cela (proposition n° 2). Ainsi, on fixera un cap clair aux futures ARS, ce qui, bien sûr, n’interdit pas de leur laisser des marges de manœuvre. Elles devront en effet mener un vrai travail de terrain pour renforcer le maillage territorial de l’offre de soins même en dehors des zones classées déficitaires, afin à la fois d’atténuer les effets de seuil, de frontière, voire d’aubaine inhérents au principe même du zonage (proposition n° 3) et d’anticiper les difficultés à venir, liées au départ à la retraite d’un nombre important de médecins : ainsi, en Mayenne, 40 % d’entre eux ont plus de 55 ans.

Ensuite, des aides publiques sont distribuées par l’État, l’assurance maladie et les collectivités territoriales, qui ont chacun leurs propres dispositifs. Résultat : le système est incompréhensible pour les professionnels, et les collectivités territoriales se livrent à une surenchère coûteuse et inéquitable. Celles qui ont le plus de moyens à y consacrer, par exemple en investissant massivement dans l’immobilier médical, ne sont pas toujours celles qui ont le plus besoin de médecins. Comme on nous l’a souvent dit, on répond aux déserts médicaux par la loi de la jungle. C’est pourquoi je propose d’encadrer ces aides (proposition n° 5) et de les organiser autour d’un schéma et d’un guichet unique (proposition n° 4).

Pour corriger les inégalités financières dans l’accès aux soins, un encadrement des dépassements d’honoraires des professionnels de santé doit être envisagé (proposition n° 6).

Enfin, on voit bien sur le terrain que les incitations financières mises en place depuis déjà plusieurs années ne suffisent pas à attirer des professionnels de santé là où ils manquent. Aussi est-il désormais nécessaire de mettre des freins à leur installation dans les zones déjà suréquipées, dans le cadre d’une réponse graduée à ce problème. Il est proposé d’envisager, dans un premier temps, des mesures « désincitatives », comme une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie (proposition n° 7). Dans un deuxième temps, si de telles mesures ne suffisent pas, des mesures plus contraignantes seraient à prévoir, à l’image du dispositif de conventionnement sélectif que les infirmiers libéraux viennent d’accepter. Enfin, en cas de grave accentuation des difficultés actuelles, les pouvoirs publics ne devront pas s’interdire de prendre des mesures plus contraignantes encore, du type des règles géo-démographiques en vigueur pour les pharmaciens. Il en va de la sécurité de nos concitoyens. Ces mesures permettront un pilotage plus efficace de l’offre de soins.

Encore faut-il qu’il y ait assez de professionnels de santé et qu’ils exercent effectivement leur métier. Ce n’est pas toujours le cas. Près de 40 % des diplômés de médecine générale, soit près de 40 000 médecins, n’exercent pas la médecine générale de premier recours, préférant s’installer comme homéopathe, acupuncteur et autres, afin notamment de contourner la permanence des soins. Jusqu’en 2005, les généralistes pouvaient, sans être spécialistes, opter pour un exercice spécialisé, comme la gynécologie médicale ou l’allergologie. Désormais, les diplômés de médecine générale sont des spécialistes. Pour utiliser au mieux le temps de travail des professionnels de santé et redonner de l’attractivité à leur métier, il convient de structurer l’offre de soins de premier recours, c’est-à-dire l’ensemble des soins curatifs et préventifs du quotidien, dispensés notamment par le médecin généraliste, le dentiste, l’infirmier libéral et certains spécialistes, comme l’ophtalmologue ou le gynécologue.

Il me semble indispensable de revaloriser les soins de premier recours, en reconnaissant leur spécificité dans la loi (proposition n° 8) et en confiant aux professionnels qui les dispensent des « mandats de santé publique » (proposition n° 9) ouvrant droit à des rémunérations forfaitaires, plus adaptées que le paiement à l’acte pour valoriser leurs actions de santé publique et leur coordination. De façon inattendue, les futurs médecins semblent d’ailleurs moins attachés au paiement à l’acte que leurs prédécesseurs. Contrairement à ce qui se passe trop souvent, il ne faut pas exclure de cette démarche les centres de santé (proposition n° 10), qui peuvent utilement pallier le déficit de l’offre libérale dans bien des territoires.

Dans certains départements, la permanence des soins est encore organisée de façon coûteuse et peu fiable, compliquant l’accès aux soins la nuit et le week-end. Le rapport recommande donc de mutualiser, dans un cadre contractuel, les moyens qui y sont consacrés de façon cloisonnée (proposition n° 11) et de résorber en parallèle les « zones blanches des services mobiles d’urgence et de réanimation » (proposition n° 12). L’encombrement des urgences est la conséquence directe de la mauvaise organisation de la permanence des soins. L’expérience de la Mayenne, où 207 des 209 médecins généralistes participent à la permanence des soins, montre qu’il est possible de l’organiser de façon attractive pour les praticiens.

M. le président Pierre Méhaignerie : Pour que la permanence des soins soit effective, il est plus utile de susciter une dynamique parmi les médecins, comme dans le cas évoqué par le rapporteur, que de construire des maisons médicales de garde.

M. le rapporteur : Nos politiques sont focalisées sur l’installation des médecins en libéral, méconnaissant d’autres formes d’exercice plus adaptées aux motivations des jeunes praticiens, notamment des femmes. C’est pourquoi je recommande de favoriser l’« exercice », et non l’installation, en développant des statuts alternatifs : exercice mixte ville-hôpital, salarié en centre de santé ou en clinique, collaborateur libéral, exercice en cabinet secondaire, médecine ambulante, collaborateur salarié, cumul exercice-retraite, etc (proposition n° 13).

En outre, pour pallier la pénurie de médecins, qui est appelée à s’aggraver dans les années à venir, il faut économiser du temps médical, en approfondissant la coopération entre les professionnels de santé (proposition n° 14). Cela suppose de décharger les médecins de certaines tâches administratives, ce qui passe par une redéfinition des champs de compétences des différentes professions de santé, et par le développement des structures tels les réseaux de santé ou l’hospitalisation à domicile (proposition n° 15) et des outils informatiques (proposition n° 16) qui leur permettent de travailler ensemble. Nous proposons d’approfondir la coopération entre les professionnels plutôt que les simples délégations de tâches qui reposent sur un lien de subordination très strict entre le médecin prescripteur et le professionnel paramédical délégataire.

Pour cela, on construit des « maisons de santé pluridisciplinaires », ce qui me paraît utile, pourvu qu’un véritable projet médical, porté et partagé par les professionnels, nous assure qu’il ne s’agit pas simplement d’opérations d’immobilier médical. C’est pourquoi il faut développer ce que nous appelons des « pôles de santé », qui réunissent tous les acteurs – médecins, infirmiers, hôpitaux locaux, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – autour d’un projet médical de territoire. Ces pôles présentent trois avantages principaux : d’abord, ils permettent de structurer un vrai maillage de l’offre de soins, sur un bassin de vie entier, avec une ou plusieurs maisons de santé situées de préférence autour des hôpitaux et des cabinets « satellites » dans les villages éloignés des chefs-lieux de cantons ; ensuite, ils favorisent la coopération entre les professionnels, notamment pour la permanence des soins ; enfin, ils peuvent attirer de nouveaux professionnels en offrant des statuts d’exercice variés, des possibilités de travail en équipe, et en accueillant des stagiaires (proposition n° 17).

Les structures hospitalières jouent un rôle important dans le maillage territorial de l’offre de soins de premier recours parce qu’elles constituent des points d’appui pour l’ensemble des professionnels : là où l’hôpital ferme, le médecin hésitera à s’installer. Il faut donc consolider le maillage du territoire en hôpitaux, quitte à déroger dans certains cas aux seuils d’activité appliqués par les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) (proposition n° 18) et à trouver des modalités de financement tenant compte de ces exceptions géographiques, par exemple par des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) dédiées à la continuité territoriale (proposition n° 19).

Enfin, les cursus de formation des professionnels de santé ne sont pas organisés de façon à favoriser une bonne répartition des effectifs sur l’ensemble du territoire. En effet, 80 % des étudiants s’installent dans la région où ils ont été formés. Il faut en tenir compte dans l’organisation des formations qui devront être régionalisées (propositions n°s 20 et 21). Il me paraît aussi utile de proposer aux étudiants, dès le début de leurs études, des bourses assorties d’engagements d’exercice dans des zones sous-dotées (proposition n° 22).

On s’aperçoit aussi que les étudiants n’ont guère l’occasion de découvrir ces zones : il serait donc judicieux d’y rendre obligatoires des stages de découverte en début d’études et des stages actifs en fin de cursus (proposition n° 23), de préférence dans des maisons de santé pluridisciplinaires (proposition n° 24).

Par ailleurs, la médecine générale a été reconnue comme une spécialité, mais cette filière universitaire peine encore à se mettre en place. Les enseignants manquent et il faudrait en titulariser pour structurer la filière (proposition n° 26) et mieux calibrer le nombre de postes d’internat ouverts, afin d’éviter qu’il reste des postes non pourvus en médecine générale à l’issue des épreuves classantes nationales donnant accès à l’internat, comme c’est souvent le cas (proposition n° 27).

Dans le cadre de la réorganisation des études médicales sur le schéma « licence, mastère, doctorat » (LMD), il serait aussi utile d’aménager des passerelles entre les études de médecine, certains cursus paramédicaux et des filières scientifiques de l’université (proposition n° 28). De telles passerelles peuvent attirer des étudiants vraiment motivés par la médecine générale de premier recours, notamment par le dialogue avec le patient et les missions de santé publique, auxquels leur formation doit d’ailleurs mieux les préparer (proposition n° 29), tandis que les étudiants de la filière classique s’en détournent. Il faut favoriser la médecine de premier recours et donner aux généralistes les mêmes droits qu’aux spécialistes.

Enfin, il serait regrettable que la collectivité consente de tels efforts de revalorisation de la médecine générale si une large part des diplômés de cette filière, par lassitude, s’en détournent. C’est pourquoi je recommande d’organiser pour eux des évolutions de carrière attractives, par des formations complémentaires accessibles seulement après cinq ans d’exercice de la médecine générale de premier recours et non plus immédiatement après le diplôme (proposition n° 30).

Nos propositions sont audacieuses, pour répondre aux vives attentes qui se sont exprimées au cours de nos auditions. Elles font consensus et nous les exprimerons au cours de l’examen du projet de loi qui nous sera bientôt soumis.

M. Georges Colombier : Je remercie à mon tour le président et le rapporteur de la mission pour leur travail, auquel je souscris entièrement. Il vient à la suite de la mission d’information sur la prise en charge des urgences médicales dont j’ai été rapporteur à la fin de la dernière législature. Il serait vraiment dommage qu’il reste lettre morte. Le président Pierre Méhaignerie a raison de vouloir discuter les propositions qui ont été faites dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la prochaine loi sur l’organisation du système de santé, afin de sortir de l’ornière. Il ne faudrait pas que les ARS deviennent un « machin » de plus. Un remaillage intensif des territoires en offre de soins est indispensable pour interrompre les difficultés croissantes de certaines régions.

M. Alain Marc : Je souligne également la qualité du rapport. Nombre de propositions qu’il contient méritent d’être reprises dans le cadre de la loi, en particulier celle qui prévoit des dérogations aux seuils d’activité prévus pour les hôpitaux de proximité. Pour garantir à tous les patients un accès équitable aux soins, on ne peut pas appliquer les mêmes règles à tous les territoires. La tarification à l’activité (T2A) n’est pas toujours compatible avec la continuité de l’offre de soins.

La compétence des médecins des hôpitaux de proximité serait mieux assurée s’ils pouvaient exercer régulièrement dans des CHU de proximité, grâce à des conventionnements.

M. Patrick Lebreton : Je salue à mon tour la qualité du rapport de la mission d’information. Je suis maire d’une ville de 34 000 habitants, dans un bassin de vie de 50 000 habitants, à la Réunion. L’hôpital a fermé en 1998 et depuis, la prise en charge des urgences est mal organisée, du fait des contraintes qui pèsent sur l’offre de soins de ville.

Quelques pages du rapport sont consacrées aux outre-mers, qui sont multiples. Ce travail gagnerait à être complété par une mission spécifique. Les chiffres fournis pour la métropole n’ont guère de sens là-bas.

Mme Bérengère Poletti : Je félicite moi aussi nos collègues pour leur rapport et j’ai tenu à être présente à sa présentation, compte tenu de l’importance de l’enjeu pour la santé publique.

Nous sommes en train de payer très cher la politique, portée par tous, visant à réduire les dépenses de santé en diminuant l’offre de soins. Nous nous sommes tous trompés. En plus, certains médecins ont été incités à anticiper leur départ à la retraite et la conception du métier de médecin a changé, sans doute sous l’effet de la féminisation de la profession. De même, comme dans les couples l’homme et la femme travaillent, il leur faut trouver deux emplois là où il en fallait un seul auparavant, ce qui est plus facile dans les centres urbains que dans les zones rurales qui manquent de médecins.

Il faut en effet adapter les numerus clausus aux besoins des régions. La sacro-sainte liberté d’installation va être remise en question, mais il aurait bien mieux valu le faire plus tôt, car il est difficile de changer les règles du jeu en cours de route alors que les études de médecine sont longues. La télémédecine ouvre une piste intéressante, à condition qu’il y ait une structure hospitalière à proximité, tout comme les maisons médicales car, en effet, les médecins isolés ne trouvent personne pour les remplacer, que ce soit pour leurs vacances ou au moment de leur retraite. Dans les zones sous-dotées en offre de soins, la charge de travail des généralistes est dissuasive, d’autant qu’ils sont privés de l’appui que pourraient leur procurer des spécialistes alentour. Les propositions du rapport vont dans le bon sens et elles devraient être reprises dans le texte « hôpital, patients, santé, territoires » que nous allons examiner, quitte à l’amender.

Le découpage des territoires de santé par les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) est incompréhensible. Apparemment, les élus n’ont pas été consultés.

Mme Dominique Orliac : Bravo au président et au rapporteur de la mission d’information pour leur travail, qui est très instructif.

Dans le Lot, la présence de l’hôpital à Gourdon est indispensable au maintien des médecins alentour. Il faut à tout prix revaloriser la médecine générale, qui ne doit pas être choisie par défaut ; c’est un métier noble et passionnant, il faut éviter que les étudiants ne la fuient, notamment en repassant l’internat pour avoir un meilleur classement. Pour cela, il faut commencer par titulariser des enseignants de médecine générale.

Je m’étonne que dans le Lot la carte des zones déficitaires soit immuable alors que, sur le terrain, les choses évoluent très vite. Apparemment, les directions départementales de l’action sanitaire et sociale (DDASS) ne sont pas assez réactives. Le nombre de secteurs de garde a été réduit, ce qui permet aux médecins d’être moins souvent de garde. Mais est-ce conforme à l’intérêt des patients qui doivent faire quarante minutes de voiture pour aller chez un médecin de garde, dont les permanences ne sont pas couplées avec celles des pharmaciens, d’où un autre trajet qui peut être long lui aussi ? Avec les maisons pluridisciplinaires, ce sont les patients qui devront se déplacer. Il faudra adapter les financements de la permanence des soins en conséquence. L’organisation des secteurs de garde selon le seul critère du nombre de médecins par habitant a conduit à augmenter le nombre de secteurs en milieu urbain, alors que le besoin n’existait pas, et à le réduire considérablement en milieu rural, ce qui n’est pas forcément positif. Les gardes continueront-elles à se faire sur la base du volontariat ?

La liberté d’installation est la règle, et elle ne doit pas changer en cours de route. Les étudiants doivent savoir à quoi s’attendre.

La télémédecine existe dans le Lot, et elle rend des services, mais elle mériterait d’être davantage institutionnalisée et organisée. Une étude du conseil régional de l’Ordre des médecins de Midi-Pyrénées a montré que beaucoup de généralistes n’exerçaient pas la médecine générale et qu’ils étaient nombreux à temps partiel. C’est un problème sérieux.

Mme Claude Greff : Dans le rapport remarquablement constructif de Marc Bernier, plusieurs points méritent attention, en particulier la volonté de s’orienter vers la prise en charge globale du patient, au lieu de la distribution de soins. Notre système de santé ferait alors un grand pas. Il faut inciter les étudiants à faire des stages auprès des médecins ruraux qui ont une pratique beaucoup plus complète qu’en ville. Octroyer des bourses d’études pourrait favoriser l’installation de jeunes médecins en milieu rural.

La coopération entre professionnels de santé est bien préférable à la délégation de tâches car il s’agit de trouver un équilibre pour un meilleur suivi du patient. Les professions paramédicales ont un vrai travail de prévention et de traitement des maladies chroniques à mener et ces personnels en sont parfaitement capables. Ils pourraient aussi parfaitement renouveler les ordonnances de pilule.

S’agissant de la formation des infirmiers, la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins aurait tendance à minimiser leur rôle et envisagerait une diminution de la durée de leur formation pour parvenir à une harmonisation européenne. Leur formation risquerait, et ce serait tout à fait regrettable, de ne pas correspondre au schéma LMD.

Mme Marie-Odile Bouillé : La mission à laquelle j’ai eu la chance de participer s’est révélée tout à fait passionnante pour la professionnelle de santé en milieu urbain que je suis. Les propositions, extrêmement concrètes, méritent pleinement de figurer dans la prochaine loi sur la santé. Il serait vraiment dommage qu’elles n’aboutissent pas, d’autant que plusieurs d’entre elles feront consensus.

Les ARS auront demain un rôle majeur, car elles seront compétentes pour la médecine de ville. Ainsi, les territoires de santé pourront être organisés de façon plus rigoureuse et plus pertinente. Contre les déserts médicaux, c’est la loi de la jungle car, en mettant en place des dispositifs tels que des bourses ou des maisons médicales, les régions qui en ont les moyens aggravent encore le déséquilibre entre les territoires. C’est donc à la loi et à l’État qu’il revient d’organiser l’offre de soins sur l’ensemble du territoire national.

La féminisation de la profession médicale n’est pas en cause. Le problème est que les jeunes générations n’ont pas envie de travailler comme les généralistes d’hier, plus de quinze heures par jour.

La liberté d’installation, qui relevait du dogme, ne permet plus au système de fonctionner. Les jeunes y sont moins attachés que leurs aînés, à condition que les règles ne changent pas au milieu de leurs études. Les choses doivent bouger et j’espère que la future loi reprendra un grand nombre des propositions faites dans le rapport.

M. Pierre Morange : La commission des affaires sociales loue unanimement l’excellent rapport de M. Marc Bernier et du président Christian Paul. Il a l’avantage de tomber à pic. Pour une fois que le travail de fond a été effectué – je vous renvoie aussi aux rapports de M. Yves Bur, Mme Valérie Boyer, M. Gérard Larcher –, il va être possible de revisiter le dispositif sanitaire de façon crédible et approfondie dans le sens que nous jugerons souhaitable, au besoin en déposant des amendements.

M. Philippe Boënnec : Je ne voudrais pas risquer de me singulariser en ne m’associant pas aux louanges générales ! Et je le fais d’autant plus sincèrement que j’ai été accueilli à bras ouverts au sein de la mission d’information pour travailler pour le compte de la délégation à l’aménagement du territoire sur la permanence des soins.

Le déficit d’offre de soins de premier recours touche non seulement le milieu rural, mais aussi les banlieues. Il faut le reconnaître, le métier de médecin généraliste est peu attractif et il est plutôt anxiogène de se retrouver seul, sans grands moyens, devant un patient.

La France forme chaque année 7 000 médecins – en pourcentage, c’est un des taux les plus élevés d’Europe – et 70 % d’entre eux sont des femmes. On doit en tenir compte. Je vous mets en garde tout de même contre l’usage de la contrainte s’agissant d’un métier déjà peu attractif. Si vous réquisitionnez le week-end quelqu’un qui travaille déjà de 60 à 70 heures par semaine, il ne tardera pas à changer de métier.

En revanche, il me semble tout à fait intéressant de vouloir rapprocher le milieu hospitalier et la médecine ambulatoire, et chacun doit faire du chemin. Il est vrai que les jeunes générations ne sont plus aussi attachées que les précédentes au paiement à l’acte. Alors, pourquoi ne pas réfléchir à des forfaits pour rémunérer la prévention et le dépistage ? De même, un schéma régional d’organisation des soins ambulatoires devrait permettre de régler le problème de la permanence des soins ambulatoires et de l’aide médicale urgente hospitalière. Il faudrait aussi autoriser la fongibilité des enveloppes pour récupérer d’un côté ce qu’on perd de l’autre.

S’agissant de la permanence des soins, une contractualisation au forfait pourrait être organisée avec les acteurs concernés. Après tout, il n’y a pas que les médecins de premier recours qui pourraient y prendre part. D’autres, comme les praticiens hospitaliers, ou même des médecins du travail ayant suivi une formation adaptée, pourraient être intéressés. Ensuite, ne faudrait-il pas distinguer la tranche horaire avant minuit de celle après minuit ? Pourquoi laisser des médecins de garde alors que l’on dénombre un acte pour 100 000 habitants après minuit ? Même si c’est impossible aujourd’hui, il suffirait de laisser une voiture à un interne d’un service d’urgence pour qu’il aille accomplir l’acte médico-administratif nécessaire. Il y a des solutions simples.

La France est le seul pays où le médecin soit à ce point le pivot du système. Sa présence n’est pourtant pas toujours nécessaire. Il faut vraiment travailler à la délégation de tâches et à la coopération avec les autres professionnels.

Nous devrions aussi éduquer les patients, qui ont plutôt une attitude de consommateur. Il faut aussi mettre en place un observatoire de la santé, partagé par tous les acteurs.

La proposition – discutée mais adoptée à l’unanimité – de faire des soins de premier recours un passage obligé pendant cinq ans pour tous les jeunes médecins me semble une bonne idée. Cela permettrait de créer des vocations.

Mme Monique Iborra : Je voudrais surtout insister sur l’audace des propositions qui sont faites. Il aurait été impensable de les écrire il y a encore peu de temps. Pourront-elles être inscrites dans la loi et appliquées concrètement sur le terrain ?

Je me demande si ce qui est prévu s’agissant de la prévention, du maintien des hôpitaux de proximité et de la formation continue des médecins libéraux est compatible avec la maîtrise des coûts de la santé. Avez-vous procédé ne serait-ce qu’à une estimation ? La prévention coûte de l’argent, surtout si elle est prise en charge par les médecins libéraux.

M. le président Pierre Méhaignerie : Il serait bon de hiérarchiser les sept ou huit mesures d’ordre législatif, pour les transmettre à qui de droit. Par ailleurs, la prise en charge des maisons pluridisciplinaires par les collectivités territoriales atteint parfois 70 %, ce qui n’est pas sain dans la mesure où nous avons affaire à des professions libérales. Elles doivent payer une partie de leur loyer. Il faudrait donc des directives pour éviter les surenchères.

Enfin, tout le monde se retrouve sur l’adage : « On n’opère bien que ce qu’on opère souvent, et à plusieurs. » Comment le concilier avec le maintien des hôpitaux périphériques ? L’un de vous a suggéré d’affecter dans ces établissements la T2A d’un coefficient spécifique parce qu’on y procède moins souvent à des opérations. Faut-il obliger les CHU à travailler avec les établissements périphériques ? Et quid de la qualité des soins ? Comment assurer à la fois sécurité et proximité ?

Nous avons du pain sur la planche !

M. le rapporteur : Monsieur Colombier, les ARS, grâce aux schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) ambulatoires, devraient permettre de mieux organiser les soins, d’autant que les élus seront associés à la réflexion. On pourra parler de maillage territorial, du rôle pivot des hôpitaux, des maisons de santé pluridisciplinaires, de l’âge des médecins, et ainsi de suite.

Monsieur Lebreton, la mission d’information n’avait ni le temps ni les moyens d’étudier le cas de l’outre-mer, même s’il le mérite.

L’exception géographique nous concerne tous, plus ou moins. Pour assurer l’égalité des soins, les conventions entre les CHU et les hôpitaux de proximité sont un bon instrument.

M. Alain Marc : À Saint-Affrique dans l’Aveyron, on dénombre 250 accouchements par an. Pour maintenir la maternité, il faut forcément un service de chirurgie viscérale qui assure les soins ambulatoires. Les chirurgiens vont une ou deux fois par semaine à Montpellier, où ils opèrent toute la journée, pour garder leur compétence, ce qui offre un recours à la maternité. Millau étant parfois à plus d’une heure de route, certains territoires seraient en déshérence complète si l’on supprimait l’hôpital de Saint-Affrique, qui ne peut absolument pas fonctionner avec la T2A.

M. le rapporteur : La Mayenne revient de loin. Elle a connu des grèves de médecins dures. Puis, grâce à l’organisation mise en place pour la permanence des soins, elle a fait école. Cela étant, chaque bassin de vie a ses particularités. Le numerus clausus régional serait logique et cela fait longtemps qu’on en parle. Quant à la liberté d’installation, il est question non pas de coercition, mais de « désincitation », ce qui signifie qu’il faudrait, si des mesures « désincitatives » ne suffisent pas à freiner les installations de professionnels en zone sur-dotée, passer à des choses plus sérieuses. Il n’est pas question d’imposer quoi que ce soit aux internes, mais les étudiants qui n’en sont pas encore là pourront se voir appliquer ces mesures. En contrepartie, ils recevront des offres de formation. C’est du donnant-donnant. La télémédecine, c’est l’avenir de l’aménagement du territoire. Les zonages devront être revus pour tenir compte des réalités de terrain, afin d’éviter les effets de seuil tant au sein des départements qu’entre eux.

C’est vrai, Madame Orliac, il faut revaloriser la médecine générale. En 2006, 330 postes sont restés vacants et 461 en 2007, ce qui prouve bien que le métier n’est guère attractif. Le problème récurrent vient de ce que la médecine générale est devenue une spécialité, sans en avoir les avantages. S’agissant de la permanence des soins, le volontariat ne marchant pas, il faudra bien en venir à une forme d’obligation, quitte à accorder des contreparties. Paradoxalement, on n’a jamais eu autant de médecins en France et on ne cesse de parler de désert médical ! Cela va bien finir par arriver pour de bon avec les départs massifs à la retraite, y compris de certains qui ont moins de soixante ans. La féminisation n’est pas en cause, mais on observe que 10 % des diplômés de médecine générale n’exercent jamais la médecine. Ne pourrait-on pas faire quelque chose ? Il y a aussi les femmes qui arrêtent leur activité pendant une dizaine d’années et qui veulent la reprendre ensuite. Il faut les aider à mettre leur formation à jour.

Madame Greff, nous sommes d’accord sur l’importance de la prise en charge globale du patient et des stages obligatoires, au début et à la fin des études, chez les médecins ruraux. On apprend beaucoup plus auprès d’un médecin âgé, et cela l’aide à trouver un successeur – le problème est là.

Je préfère parler de coopération entre professionnels de santé, plutôt que de délégation de tâches.

Il faudra prendre contact avec la direction de l’hospitalisation et des soins à propos de la réforme LMD.

Madame Bouillé, la féminisation n’explique rien, mais c’est un constat. Les femmes réussissent mieux aux concours et, même si elles ne représentent pas encore 70 % des médecins en exercice, cela va changer très vite puisque 75 % des diplômés sont des femmes. C’est pour cette raison qu’il faut favoriser l’exercice, et non l’installation, faciliter l’exercice à temps partiel.

J’ai été très sensible aux compliments de Pierre Morange, qui connaît admirablement le sujet. Christian Paul et moi-même nous félicitons du consensus qui entoure ce rapport. Ce n’est pas si fréquent. Nous nous réjouirions de pouvoir présenter des amendements en commun au nom de la commission des affaires sociales. Cela aurait de l’allure !

Il est difficile, j’en conviens, d’imposer la permanence des soins à des généralistes qui exercent un métier dévalorisé. Il faut agir en amont pour le rendre plus attractif, en leur donnant des mandats de santé publique. Les médecins généralistes ne veulent pas se contenter de rédiger des ordonnances toute la journée. Les contrats hospitalo-ambulatoires sont une proposition importante, tout comme la « forfaitisation », d’une part de leur rémunération au titre de leurs missions de santé publique.

Quant à la maîtrise des coûts, nous n’avons pas fait d’estimation de l’incidence financière de nos recommandations, mais la coopération entre les professions de santé devrait se traduire par un transfert vers des actes moins cotés. La prévention coûte cher, c’est vrai, mais pas l’éducation. Avec les mandats de santé publique, définis en fonction des objectifs, nous devrions obtenir des résultats, comme avec les vétérinaires qui, en cas d’épizootie, sont payés par l’État pour faire de la prophylaxie.

Mme Monique Iborra : Ils sont bien payés par l’État !

M. Pierre Morange : Il existe de vrais gisements d’économies dans la coordination, la rationalisation et le décloisonnement entre le secteur de la santé et le médico-social. Les économies générées serviront à libérer les lignes budgétaires et les moyens humains dont nous aurons besoin. Il s’agit seulement d’utiliser au mieux l’argent des Français pour ce qui leur tient le plus à cœur, c’est-à-dire leur santé.

M. le rapporteur : Pour répondre au président de la commission, je considère que la priorité va au mandat de santé publique. Viennent ensuite l’éducation à la santé, la prévention et l’information qui vont de pair. Il faut aussi revaloriser le métier de généraliste pour le rendre attractif. Autre élément important : la « désincitation », puisque les mesures incitatives n’ont pas donné de résultat. Elle va mettre un frein à la libre installation des médecins.

Je terminerai en soulignant l’intérêt de l’exercice groupé dans des pôles de santé, avec un projet médical en amont, de façon à assurer la permanence des soins et à éviter l’encombrement des urgences. On ne peut pas admettre que les généralistes formés ne participent pas aux gardes.

M. le président de la mission d’information : Pour illustrer l’ampleur et la gravité du sujet, je vous donnerai un seul chiffre : au cours des dix-huit derniers mois, 600 médecins roumains se sont installés en France. Quel pillage des ressources humaines d’un pays voisin ! Et un tiers des pédiatres qui viennent de s’inscrire à l’Ordre sont d’origine roumaine. Des cabinets de chasseurs de tête vont démarcher les médecins. Et les Roumains ne sont pas les seuls concernés. La situation est devenue intenable.

Pour opérer la migration du système de soins du curatif au préventif, ce qui prendra du temps, les politiques ont le choix entre les solutions de court terme, qui s’apparentent à du bricolage, et des mesures dont le résultat ne sera pas immédiat, mais qui est à notre portée. J’ai en tête l’audition de Philippe Séguin il y a quelques semaines, où régnait un climat d’impuissance collective face au déficit de l’assurance maladie. Si l’on continue à privilégier le court terme, on n’arrivera pas à faire disparaître ce déficit. Il y a un investissement à faire dans tous les domaines de la prévention, qui reste le parent pauvre du système de santé. C’est le prix à payer pour réduire les déficits.

Patrick Lebreton a eu raison de saisir la perche que constituait le rapport. Pour avoir arpenté la Réunion, la Guyane et Mayotte, je peux témoigner que le désert médical existait outre-mer bien avant de toucher l’hexagone. L’Assemblée hésite parfois à organiser des missions sur place, mais une bonne partie de l’information peut être collectée par nos collègues de ces collectivités. Là-bas, certains territoires sont frappés de relégation en matière de santé, et une mission d’information se justifierait.

M. Georges Colombier : Pour m’être rendu à Mayotte et à la Réunion à l’occasion de l’épidémie de chikungunya, je confirme ce qui vient d’être dit. L’outre-mer, c’est aussi la France.

M. le président de la mission d’information : Par ailleurs, on part d’un très mauvais pied en menant une restructuration brutale, et même anarchique, des hôpitaux de proximité. Sans négociation parallèle, le risque est grand de déstabiliser gravement les territoires de santé. La fermeture d’un service d’urgence ou d’un bloc chirurgical, en détruisant l’attractivité d’un hôpital, déclenche une onde de choc : la radiologie est menacée très vite et la médecine de premier recours aussi. Le rapport a évité toute surenchère et prôné un maillage offensif du territoire en se fondant sur des normes législatives fixant des délais d’accès maximum. Tous les actes chirurgicaux ne sont pas en cause, mais, en ce qui concerne les urgences et la maternité, la proximité est une condition nécessaire, sinon suffisante, de la sécurité.

Puisque nous sommes tous obsédés par la question des moyens, j’ajoute que le nombre des hôpitaux concernés en France ne dépasse pas quelques dizaines. Ils mériteraient que nous fassions un travail sur mesure. Des dotations de continuité territoriale permettraient de passer des conventions avec les centres hospitaliers voisins – c’est le moins que l’on puisse attendre de la solidarité départementale – et de corriger les effets de la T2A, qui ne tient absolument pas compte des données géographiques.

Avant de revenir sur la liberté d’installation, nous considérons qu’il y a beaucoup de mesures à prendre pour rendre plus attractifs non seulement la médecine générale, mais aussi des territoires abandonnés des médecins. Une de nos anciennes collègues, membre du Rassemblement pour la République (RPR) à l’époque, nous a indiqué avoir mis un an à obtenir une consultation en ophtalmologie dans la Nièvre ! La médecine de premier recours doit être rendue plus attractive. Si la liberté d’installation n’est plus taboue, il faut commencer par freiner l’installation dans les zones excédentaires. Commencer par là rendrait service au pays.

M. le rapporteur : Je remercie le président Pierre Méhaignerie de nous avoir confié cette mission. Le président Christian Paul et moi-même avons apporté la preuve que, même si nous n’étions pas d’accord sur tout, nous pouvions coopérer pour faire des propositions constructives.

M. Pierre Morange : Ayant souligné combien la méthode et la chronologie étaient excellentes, je me demande si le même souci de mener un travail de fond pourrait inspirer nos travaux à venir.

M. le président Pierre Méhaignerie : Nous allons examiner un rapport sur la formation professionnelle et, d’ici à l’examen du PLFSS pour 2010, je voudrais que nous réfléchissions à la performance sociale. La France étant devenue le premier État providence par le montant qu’elle y consacre, il nous faut rechercher l’efficacité.

*

La commission a décidé, en application de l’article 145 du règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXES

ANNEXE 1 

COMPOSITION DE LA MISSION

 

Groupe politique

M. Christian Paul, président

SRC

M. Marc Bernier, rapporteur

UMP

M. Philippe Boënnec

UMP

Mme Marie-Odile Bouillé (263)

SRC

M. Georges Colombier

UMP

M. Vincent Descoeur

UMP

Mme Catherine Génisson (264)

SRC

M. Maxime Gremetz

GDR

M. Jean-Claude Mathis

UMP

Mme Bérengère Poletti

UMP

M. Jean-Luc Préel

NC

Mme Marisol Touraine

SRC

ANNEXE 2

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) – Mme Annie Podeur, directrice

Ø Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) – M. Yvon Berland, président

Ø Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) – Mme Anne-Marie Brocas, directrice

Ø Fédération hospitalière de France (FHF) – M. Claude Évin, président, M. Gérard Vincent, délégué général, et Mme Andrée Barreteau, responsable du pôle « offre de soins »

Ø Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) – M. Jean-Loup Durousset, président, Mme Mélanie Belsky, chargée des relations institutionnelles, et M. Alain Poret, président de la commission médecine, chirurgie, obstétrique (MCO)

Ø Haute autorité de santé (HAS) – M. le professeur Laurent Degos, président, et M. François Romaneix, directeur

Ø Direction de la sécurité sociale (DSS) du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Dominique Libault, directeur, M. Laurent Habert, adjoint au directeur, et Mme Marine Jeantet, adjointe au sous-directeur de la première sous-direction

Ø Collectif interassociatif sur la santé (CISS) – M. Christian Saout, président, et M. Nicolas Brun, président d’honneur

Ø Académie nationale de médecine – Pr Guy Vallancien, membre correspondant

Ø Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) – Mme Élisabeth Hubert, ancien ministre de la Santé et de l’Assurance maladie, présidente, et M. François Bérard, délégué national

Ø Direction générale de la santé (DGS) du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Didier Houssin, directeur général

Ø Mutualité sociale agricole (MSA) – M. Gérard Pelhate, président, M. Yves Humez, directeur général, M. Pierre-Jean Lancry, directeur de la santé, et Mme Marie-Christine Bille Mérieau, chargée des relations parlementaires

Ø Coordination nationale des réseaux de santé – M. Philippe Chossegros, président

Ø Régime social des indépendants (RSI) – M. Dominique Liger, directeur général, M. Philippe Ulmann, directeur de la politique de santé et gestion du risque, et Mme Stéphanie Deschaume, directrice-adjointe de la politique de santé et de gestion du risque

Ø Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – M. Frédéric van Roekeghem, directeur général, et Mme Sophie Thuot-Tavernier, chargée des relations avec le Parlement

Ø Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) – M. Jean Parrot, président

Ø Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés (FEHAP) – M. Yves-Jean Dupuis, directeur général

Ø Coordination nationale de défense des hôpitaux de proximité – M. Michel Antony, président, Mme Françoise Nay, secrétaire, M. Pierre Chevallier, membre du bureau, Mme Michelle Faure, membre du conseil d’administration, et M. Simon Clavurier, trésorier

Ø Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale – M. Emmanuel Vigneron, directeur scientifique du groupe prospective santé

Ø Association des régions de France – M. Michel Autès, vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais et président de la commission des affaires sociales, et Mme Claire Bernard, directrice des études

Ø Conférence des directeurs d’agences régionales de l’hospitalisation (ARH) – M. Jean-Louis Bonnet, directeur de l’ARH de la région Rhône-Alpes, président, et M. Christian Dubosq, directeur de l’ARH de la région Haute-Normandie

Ø Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative – Dr Étienne Dusehu, conseiller général

Ø M. Jean-Yves Grall, directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) de la région Lorraine et chargé de plusieurs missions sur la permanence des soins pour le compte de la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Ø Association nationale des hôpitaux locaux (ANHL) – M. Jean-Mathieu Defour, président

Ø Association des maires de grandes villes de France – M. André Rossinot, secrétaire général, et Mme Cécile Porot, chargée des relations institutionnelles

Ø Association des maires ruraux de France – M. Vanik Berberian, président départemental de l’Indre

Ø Association des petites villes de France – M. Martin Malvy, président

Ø Fédération des maires des villes moyennes – M. Bruno Bourg-Broc, président, et Mme Nicole Gibourdel, déléguée générale

Ø Association des maires de France – M. Michel Vernier, responsable de la commission des territoires ruraux

Ø Syndicat des médecins libéraux (SML) – Dr Dinorino Cabrera, président, et Dr Roger Rua, secrétaire général

Ø Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) – Dr Michel Chassang

Ø MG France – Dr Martial Olivier-Koehret, président

Ø Fédération des médecins de France (FMF) – Dr Jean-Paul Hamon, vice-président

Ø Espace généraliste – M. Claude Bronner, président

Ø Science Po – M. Didier Tabuteau, directeur de la chaire santé

Ø Fondation Caisses d’Épargne pour la solidarité – M. Jérôme Voiturier, conseiller auprès du directeur général

Ø Confédération générale du travail (CGT Santé) – Mme Nadine Prigent, secrétaire générale, et M. Christophe Prudhomme, membre de la direction fédérale

Ø Force ouvrière (FO) – M. Bernard Euzet, administrateur national à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), et M. David Ollivier-Lannuzel, secrétaire national

Ø Confédération française de l’encadrement – confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale du pôle protection sociale, Mme Monique Weber, déléguée nationale au pôle protection sociale en charge du dossier santé, et Mme Valérie Dauna, conseiller technique au sein du secteur santé

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – Mme Annie Le Franc, conseiller CNAM

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales, et M. Jean-Louis Jamet, vice-président, trésorier

Ø Union professionnelle artisane (UPA) – Mme Houria Sandal, conseiller technique chargée des questions sociales, et Mme Caroline Duc, conseiller technique chargée des relations avec le Parlement

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Jean-René Buisson, président de la commission protection sociale, Mme Muriel Carroll, chef du service « assurance maladie », et M. Guillaume Ressot, chargé des relations avec le Parlement

Ø MM. Gérard Ropert et Bruno Fantino, auteurs de « Le système de santé en France : diagnostic et propositions », Dunod, 2008

Ø Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) –Dr. Yann Bourgueil, spécialiste en santé publique, directeur de recherches, et M. Julien Mousquès, maître de recherche

Ø Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) – Mme Bérengère Crochemore, vice-présidente, et Mme Annabelle Sanselme, trésorière-adjointe

Ø Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) – M. Charles Mazeaud, président, et Mme Anne-Laure Lepori, future présidente

Ø Union nationale des étudiants en chirurgie-dentaire (UNECD) – M. Julien Ventura, président, et M. Renaud de Saint-Martin, vice-président

Ø Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) – Mme Livia Laine, présidente, et Anne-Laure Colas, vice-présidente chargée des études

Ø Association des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) – M. Benoît Séguy, président, et M. Aurélien Droux, vice-président en charge des réformes

Ø Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF) – Mme Myriam Kheniche, présidente, et Mme Anaïs Bouillet, représentante

Ø Fédération nationale des étudiants en orthophonie (FNEO) – Mme Laurie Maitre, présidente, et Mme Samia Mrani-Alaoui, vice-présidente chargée de la démographie

Ø Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (FNEK) – M. Philippe Loup, président

Ø Fédération nationale des syndicats d’internes en pharmacie (FNSIP) – M. Lawrence Zehner, président

Ø Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) – Dr Rachel Bocher, présidente

Ø Coordination médicale hospitalière – Dr François Aubart, président

Ø Union des jeunes chirurgiens dentistes (UJCD) – M. Jacques Levoyer, vice-président

Ø Confédération nationale des syndicats dentaires – Dr Jean-Claude Michel, président

Ø Société française de santé publique (SFSP) – M. François Bourdillon, président, et M. Marc Brodin, ancien président

Ø Collège national des généralistes enseignants (CNGE) – Pr.Pierre-Louis Druais, président

Ø Syndicat national des enseignants en médecine générale (SNEMG) – Dr Vincent Renard, président

Ø Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports

Ø Cabinet de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports – M. Pierre Bachelot, conseiller parlementaire, M. Philippe Sauvage, directeur-adjoint, Mme Sarah Gaubert, attachée parlementaire, Mme Véronique Billot, conseillère, et M. Norbert Nabet, conseiller

Ø Conférence des doyens de faculté de médecine – M. Christian Thuillez, président

Ø Assemblée des départements de France – M. René-Paul Savary, président du conseil général de la Marne, et Mme Marylène Jouvien, chargée des relations parlementaires

Ø Fédération des syndicats pharmaceutiques de France – M. Philippe Gaertner, président

Ø Délégation interminstérielle à l’aménagement et la compétitivité des territoires (DIACT) – M. Pierre Dartout, délégué interministériel, M. Marc Gastambide, conseiller chargé des dynamiques territoriales, Mme Pascale Echard-Bezault, chargée de la mission « politiques de santé », et Mme Amélie Durozoy, chargée des relations parlementaires

Ø M. André Flajolet, député

Ø Mutualité française – M. Daniel Lenoir, directeur général, et M. Vincent Figureau, chargé des relations avec le Parlement

Ø Conseil national des chirurgiens-dentistes – M. Christian Couzinou, président

Ø Syndicat national des établissements et des résidences privées pour personnes âgées (SYNERPA) – M. Yves Journel, président, et Mme Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale

Ø Conseil de l’ordre des médecins (CNOM) – Dr François Simon, membre titulaire et président du conseil départemental de l’ordre des médecins du Finistère, et Mme Gwénaëlle Lebreton-Lerouvillios, géographe de la santé

Ø Comité national de liaison des centres de santé – Dr David Houri, président, Dr Pierre Brodard, secrétaire général, Dr Richard Lopez, secrétaire général-adjoint, M. Claude Chavrot, vice-président, et M. Alain Lesiour, membre du bureau

Ø Élus, santé publique et territoire (ESPT) – Dr Laurent El Ghozi, adjoint au maire de Nanterre, président, Mme Marie-Odile Dufour, adjointe au maire de Champigny-sur-Marne, première vice-présidente, Mme Fanny Younsi, adjointe au maire de Pierrefitte, membre du conseil d’administration, et Mme Virginie Le Torrec, adjointe au maire de Saint-Denis, membre du conseil d’administration

Ø M. Pierre-Louis Fagniez, conseiller auprès de Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ø M. Gérard Larcher, ancien ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, sénateur, et M. Guy Collet, conseiller

À Corbigny dans la Nièvre, le jeudi 12 juin 2008 :

Ø Table ronde à l’abbaye de Corbigny 

– Réseau de santé du pays Nivernais-Morvan – Mme Brigitte Legrand, Mme Sophie Pommier, Mme Rosemarie Jeantot et M. Stéphane Casset, représentants

– Pays Nivernais-Morvan – M. Jean-Sébastien Hallier, chef de projet, et Mme Élodie Veyssier, animatrice

– M. Jean-Paul Magnon, marie de Corbigny et vice-président du conseil général chargé de la solidarité

– M. Janny Siméon, maire de La Chapelle Saint-André

– Mme Sylvie Billard, médecin

– Mme Isabelle Adenot, pharmacienne

– M. Armand Point, pharmacien

– M. Maurice Badoux, président du conseil départemental de l’ordre des médecins

– M. le Lieutenant-colonel Franck Dabignon, directeur du service départemental d’incendie et de secours (SDIS)

– M. Lionel Thénault, médecin

– Centre hospitalier de Clamecy – M. Michel Filidori, médecin gynécologue, Mme Jacqueline Bousquet, médecin anesthésite-réanimatrice, et M. Abdallah Cherkaoui, médecin cardiologue

Ø Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) Bourgogne – M. Olivier Boyer, directeur

Ø Union régionale URCAM de Bourgogne – M. Pierre Routhier, directeur

Ø Conseil régional de Bourgogne – Mme Françoise Tenenbaum

Ø M. Jacques Guillemain, maire de Moulins-Engilbert

Ø Table ronde à l’hôpital de Decize :

– Centre hospitalier de Decize – M. Philippe Collange, directeur, Mme Isabelle Guénot, chef du service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et du service des urgences, et M. Patrick Schere, président de la commission médicale d’établissement

– M. Alain Lassus, maire de Decize, conseiller général et médecin

– Mme Simone Rignault, conseillère régionale

À Craon dans la Mayenne, le jeudi 19 juin 2008 :

Ø Table ronde à l’hôpital local du sud-ouest mayennais :

– Hôpital local du sud-ouest mayennais – Mme Annie Ravaillault, directrice, Mme Céline Bertrand, directrice-adjointe, Mme Martine Chastel, cadre de santé, Mme Lucile Hureau, infirmière, Mme Jocelyne Rouger, infirmière, M. Pascal Gendry, médecin généraliste et président de la commission médicale d’établissement,

– Mme Ségolène Chappellon, directrice de la DDASS

– M. Paul Chaineau, maire de Craon

– M. Patrick Gaultier, maire de Renazé

– M. Dominique Hainault, médecin généraliste

– M. François Morin, médecin

– M. Jean-Michel Monnier, médecin

– M. Jean-Luc Facilly, cadre de santé

– M. Patrice Boudet, médecin généraliste

– M. Philippe Guiard, président de la communauté de communes du pays craonnais

– M. Luc Duquesnel, président de l’association départementale d’organisation de la permanence des soins

– M. Philippe Trotabas, directeur de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Laval.

À Laval dans la Mayenne, le jeudi 19 juin 2008 :

Ø M. Philippe Morin, directeur du Centre hospitalier

Ø Mme Fabienne Buccio, préfète

À Montreuil en Seine-Saint-Denis, le mercredi 16 juillet 2008 :

Ø Table ronde au centre de santé Média :

– Centre de santé Média – M. David Houri, président du conseil d’administration, M. Willy Taieb, vice-président, Dr Lis Aproh, radiologue, Dr Valérie Azcarate, chirurgien-dentiste, Dr Stéphane Gaillard, chirurgien-dentiste, Dr Philippe Eruimy, ophtalmologue

– Comité matériel de liaison des centres de santé (CNLCS) – Mme Nathalie Gruer, directrice

À Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, le mercredi 16 juillet 2008 :

Ø Table ronde à la mairie de Clichy-sous-bois :

– CHI Le Raincy-Montfermeil – Mlle Marie-Dominique Naël, directeur-adjoint du service « qualité-clientèle », Mme Odile Le Saint, responsable du service social

– M. Claude Dilain, maire et médecin pédiatre

– Mme Laure Gontard, pédopsychiatre

– M. Daniel Sulinger, président du conseil de l’ordre départemental des masseurs-kinésithérapeutes

– M. Abdessatak Bensliman, chirurgien dentiste

– M. Hervé Le Clésiau, directeur du centre d’examens de santé de Seine-Saint-Denis

– Mme Karima Soufi, infirmière de santé publique

– M. Joël Dutertre, médecin « santé jeunes » en mission locale de la Dhuys

– M. Jean-Pierre Masaregli, coordinateur

– Mme Marie Chaux, pédopsychiatre

– Mme Muriel Prudhomme, chef de service à la protection maternelle et infantile

– Mme Flavrier, puéricultrice responsable d’un centre de protection maternelle et infantile

– Mme Annick Houngbo, médecin

ANNEXE 3

GLOSSAIRE

ADF Assemblée des départements de France

ADIRASS Association des directeurs départementaux et régionaux des affaires sanitaires et sociales

AIS Acte infirmier de soins

ALD Affection de longue durée

AMF Association des maires de France

AMGVF Association des maires de grandes villes de France

AMI Acte médical d’infirmier

AMRF Association des maires ruraux de France

ANEMF Association nationale des étudiants en médecine de France

ANEPF Association nationale des étudiants en pharmacie de France

ANESF Association nationale des étudiants sages-femmes

ANHL : Association nationale des hôpitaux locaux

APVF Association des petites villes de France

ARF Association des régions de France

ARH Agence régionale de l’hospitalisation

ARS Agence régionale de santé

AVC Accident vasculaire cérébral

CFDT Confédération française démocratique du travail

CFE-CGC Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres

CFTC Confédération française des travailleurs chrétiens

CGES Conseil général des établissements de santé

CGPME Confédération générale des petites et moyennes entreprises

CGT Confédération générale du travail

CHU Centre hospitalier universitaire

CISS Collectif interassociatif sur la santé

CMH Coordination médicale hospitalière

CNAMTS Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés

CNGE Collège national des généralistes enseignants

CNLCS Comité national de liaison des centres de santé

CNOM Conseil national de l’ordre des médecins

CNOP Conseil national de l’ordre des pharmaciens

CNSD Conseil national des syndicats dentaires

CPAM Caisse primaire d’assurance maladie

CRAM Caisse régionale d’assurance maladie

CRAMIF Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France

CRS Conférence régionale de santé

CS Consultation de spécialiste

CSMF Confédération des syndicats médicaux français

DES Diplôme d’études spécialisées

DESC Diplôme d’études spécialisées complémentaires

DGS Direction générale de la santé

DHOS Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins

DIACT Délégation interministérielle à l’aménagement et la compétitivité des territoires

DIU Diplôme interuniversitaire

DMP Dossier médical personnel

DRASS Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

DSS Direction de la sécurité sociale

DU Diplôme universitaire

ECN Épreuves classantes nationales

EGOS États généraux de l’organisation de la santé

EHPAD Établissement hébergeant des personnes âgées et dépendantes

ETP Équivalent temps plein

FCES Fondation Caisses d’Épargne pour la solidarité

FCTVA Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée

FEHAP Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés

FHF Fédération hospitalière de France

FHP Fédération de l’hospitalisation privée

FMF Fédération des médecins de France

FMVM Fédération des maires des villes moyennes

FNEHAD Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile

FNEK Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie

FNEO Fédération nationale des étudiants en orthophonie

FNESI Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers

FNSIP Fédération nationale des syndicats d’internes en pharmacie

FO Force ouvrière

FSPF Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

GRSP Groupement régional de santé publique

HAD Hospitalisation à domicile

HAS Haute autorité de santé

HCAAM Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie

IGAS Inspection générale des affaires sociales

INPH Intersyndicat national des praticiens hospitaliers

IRDES Institut de recherche et documentation en économie de la santé

ISNAR IMG Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale

LMD Licence, mastère, doctorat

MCO Médecine, chirurgie, obstétrique

MEDEF Mouvement des entreprises de France

MEP Mode d’exercice particulier

MICA Mécanisme d’incitation à la cessation d’activité

MIGAC Mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation

MSA Mutualité sociale agricole

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

ONDC Ordre national des chirurgiens-dentistes

ONDAM Objectif national des dépenses d'assurance maladie

ONDPS Observatoire national de la démographie des professions de santé

ORS Organisation régionale de santé

PDS Permanence des soins

PLFSS Projet de loi de financement de la sécurité sociale

PQE Programme qualité et d’efficience

RSI Régime social des indépendants

SASPAS Stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisé

SDIS Service départemental d’incendie et de secours

SFSP Société française de santé publique

SML Syndicats des médecins libéraux

SMUR Service mobile d’urgence et de réanimation

SNAM-HP Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics

SNEMG Syndicat national des enseignants en médecine générale

SROS Schéma régional d’organisation des soins

SSR Soins de suite et de réadaptation

SYNERPA Syndicat national des établissements et des résidences privées pour personnes âgées

T2A Tarification à l’activité

UJCD Union des jeunes chirurgiens dentistes

UNCAM Union nationale des caisses d’assurance maladie

UNPS Union nationale des professions de santé

UPA Union professionnelle artisane

URCAM Union régionale des caisses d'assurance maladie

URLM Union régionale des médecins libéraux

USLD Unités de soins de longue durée

1 ()  Cf. Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), « Médecine de groupe en soins primaires dans six pays européens, en Ontario et au Québec : quels enseignements pour la France ? » in Questions d’économie de la santé n° 127, novembre 2007.

2 ()  « Répartition territoriale des professions de santé et égalité des citoyens devant l’offre médicale », rapport fait par M. Marc Bernier, député de la Mayenne, au nom du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur les professions de santé, juillet 2003.

3 () Statistiques fournies par les représentants du conseil de l’ordre entendus le 8 juillet 2008 par la mission.

4 () Caisse nationale d’assurance maladie, « Démographie et honoraires des médecins libéraux en 2006 », point d’information du 5 juin 2008.

5 () Audition du 8 avril 2008.

6 () Audition du 21 mai 2008.

7 () Cf. direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Les chirurgiens-dentistes en France », Études et résultats n° 594, septembre 2007.

8 ()  Audition du 1er juillet 2008.

9 () Audition du 17 juin 2008.

10 ()  IGAS, « Analyse et modalités de régulation de l’offre globale en soins infirmiers », note de synthèse des travaux du groupe de travail présentée par Mme Emmanuèle Jeandet-Mengual et M. Jacques-Bertrand de Reboul, note RM2008-017P, février 2008.

11 () Audition du 13 mai 2008.

12 () Circulaire n° DHOS/DSS/DREES/UNCAM/2008/130 du 14 avril 2008 relative aux nouvelles modalités opérationnelles de définition des zones géographiques de répartition des médecins généralistes.

13 () Guy Vallancien, « L’évaluation de la sécurité, de la qualité et de la continuité des soins chirurgicaux dans les petits hôpitaux publics en France », avril 2006.

14 () Audition du 21 mai 2008.

15 () Jean-Yves Grall, « Mission de médiation et propositions d’adaptation de la permanence des soins », rapport remis à Madame Roselyne Bachelot-Narquin, août 2007.

16 () Audition du 27 mai 2008.

17 () Rapport d’information n° 3672 présenté par M. Georges Colombier au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale sur la prise en charge des urgences médicales, février 2007.

18 () Conseil national de l’Ordre des médecins, « État des lieux de la permanence des soins en janvier 2008 ».

19 () Audition du 8 avril 2008.

20 () Audition du 29 avril 2008.

21 () Audition du 1er juillet 2008.

22 () CNAMTS, « Démographie et honoraires des médecins libéraux en 2006 », Point d’information, juin 2008.

23 () DREES, « Les contrats les plus souscrits auprès des organismes complémentaires santé en 2006 », Études et résultats n° 635, mai 2008.

24 () IGAS, « Les dépassements d’honoraires médicaux », rapport RM 2007-054P, présenté par Pierre Aballea, Fabienne Bartoli, Laurence Eslous et Isabelle Yeni, avril 2007.

25 () HCAAM, « Avis sur les conditions d’exercice et de revenu des médecins libéraux », 24 mai 2007.

26 () CNAMTS, « Les bénéficiaires d’ALD au 31 décembre 2006 », Points de repère n° 9, septembre 2007.

27 () Audition du 8 avril 2008.

28 () Rapport d’information de M. Jean-Marc Juilhard au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la démographie médicale, octobre 2007.

29 () Audition du 4 juin 2008.

30 () Audition commune du 18 juin 2008.

31 () Table ronde du 10 juin 2008.

32 () Table ronde du 17 juin 2008.

33 () Audition du 13 mai 2008.

34 () « Démographie pharmaceutique : la « relève » en passe de ne plus compenser les départs », in Les nouvelles pharmaceutiques n° 363, 4 juillet 2008.

35 () Rapport n° 295 fait par M. Jean-Pierre Door au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 relatives à l’assurance maladie et aux accidents du travail, tome II.

36 () Cf. Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, « La pharmacie d’officine en France – bilan et perspectives », Livre blanc, mars 2008.

37 () Audition du 24 juin 2008.

38 () Audition du 8 avril 2008.

39 () Audition du 22avril 2008.

40 () Cf. circulaire du 5 mars 2004 relative à l’élaboration des SROS de troisième génération.

41 () Audition du 20 mai 2008.

42 () Audition du 27 mai 2008.

43 () Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, articles 60 et 66.

44 () Décret n° 2004-67 du 16 janvier 2004 fixant l’organisation du troisième cycle des études médicales.

45 () Audition du 24 juin 2008.

46 () Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, article 7.

47 () « Les conséquences de la réforme de janvier 2004 sur la médecine générale », rapport de mission remis à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, par M. Pierre-Jean Lancry, directeur de la santé à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA), février 2007.

48 () Audition du 8 avril 2008.

49 () Audition du 22 avril 2008.

50 () Rapport de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital présidée par M. Gérard Larcher, avril 2008.

51 () Rapport d’information n° 697 présenté par M. Yves Bur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale sur les agences régionales de santé, février 2008.

52 () Article L. 4311-1 du code de la santé publique, modifié par l’article 40 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

53 () Audition du 27 mai 2008.

54 () « Délégation, transferts, nouveaux métiers… Comment favoriser des formes nouvelles de coopération entre professionnels de santé ? », recommandation de la HAS en collaboration avec l’ONDPS, avril 2008.

55 () Conférence nationale de santé, avis du 22 mars 2007, « Les voies d’amélioration du système de santé français ».

56 () Le rapport précité de M. Yves Bur explique que Selon une typologie établie en 1950 par l’OMS, on distingue trois domaines dans la politique de prévention :

– la « prévention primaire » : ensemble d’actes destinés à diminuer l’incidence d’une maladie, c’est-à-dire à réduire l’apparition des nouveaux cas ;

– la « prévention secondaire » : ensemble d’actes destinés à diminuer la gravité et la prévalence d’une maladie, notamment par son dépistage et son traitement précoce ;

– la « prévention tertiaire » : ensemble d’actes destinés à diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives à la suite d’une maladie, y compris par des actions de rééducation et de réinsertion.

57 () Audition du 18 juin 2008.

58 () Avis présenté par M. Jean-Marie Rolland au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008 – avis Santé Tome VIII.

59 () Cf. Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), audition du 8 avril 2008.

60 () Audition du 22 mai 2008.

61 () Audition du 18 juin 2008.

62 () Audition du 9 octobre 2007.

63 () Cf. Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, « La pharmacie d’officine en France – bilan et perspectives », Livre blanc, mars 2008.

64 () Magali Robelet, Nathalie Lapeyre, Emmanuelle Zolesio, « Les pratiques professionnelles des jeunes générations de médecins – Genre, carrière et gestion des temps sociaux » Le cas des médecins âgés de 30 à 35 ans, note de synthèse pour le conseil national de l’Ordre des médecins.

65 () Table ronde du 10 juin 2008.

66 () Audition du 13 mai 2008.

67 () Audition du 18 juin 2008.

68 () Point 4.3 d) de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes du 12 janvier 2005.

69 () Statistiques issues du rapport n° 2004-044 de l’IGAS « Étude des actions à mener pour favoriser le regroupement des professionnels de santé exerçant en libéral », avril 2004.

70 () Table ronde du 10 juin 2008.

71 () Table ronde du 10 juin 2008.

72 () Audition du 24 juin 2008.

73 () Audition du 18 juin 2008.

74 () Cf. arrêté du 4 mars 1997 relatif à la deuxième partie du deuxième cycle des études médicales, article 8.

75 () Cf. arrêté du 23 novembre 2006 pris en application de l’article 8 de l’arrêté du 4 mars 1997 modifié relatif à la deuxième partie du deuxième cycle des études médicales.

76 () Audition du 24 juin 2008.

77 () Audition du 18 juin 2008.

78 () Cf. exposé des motifs de l’article 17 du projet de loi de modernisation sociale, n° 2415.

79 () Cour des Comptes, « Les personnels des établissements publics de santé », rapport public thématique, mai 2006.

80 () « Comment corriger l’inégalité de l’offre de soins en médecine générale sur le territoire national ? », rapport du groupe de travail dirigé par le professeur Pierre Ambroise-Thomas, Académie nationale de médecine, avril 2007.

81 () DREES, « Les affectations des étudiants en médecine à l’issue des épreuves classantes nationales en 2006 », Etudes et résultats n° 571, avril 2007.

82 () Audition du 29 avril 2008.

83 () Audition du 21 mai 2008.

84 () Audition du 18 juin 2008.

85 () Audition du 24 juin 2008.

86 () Table ronde du 10 juin 2008.

87 () Table ronde du 10 juin 2008.

88 () Table ronde du 10 juin 2008.

89 () Table ronde du 10 juin 2008.

90 () Circulaire précitée du 14 avril 2008 relative aux nouvelles modalités opérationnelles de définition des zones géographiques de répartition des médecins généralistes.

91 () Audition du 24 juin 2008.

92 () Table ronde du 10 juin 2008.

93 () Table ronde du 10 juin 2008.

94 () Table ronde du 13 mai 2008.

95 () Audition du 24 juin 2008.

96 () Audition du 13 mai 2008.

97 () Audition du 13 mai 2008.

98 () Audition du 4 juin 2008.

99 () Audition du 21 mai 2008.

100 () Article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.

101 () Décrets n° 98-899 et n° 98-900 du 9 octobre 1998 relatifs aux établissements de santé publics et privés pratiquant l’obstétrique, la néonatologie ou la réanimation néonatale.

102 () Audition du 24 juin 2008.

103 () Sénateur, président d’une commission de réflexion sur l’avenir de l’hôpital public.

104 () Audition du 27 mai 2008.

105 () Audition du 24 juin 2008.

106 () Avis présenté par M. Jean-Marie Rolland au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008 – avis Santé Tome VIII.

107 () Audition du 27 mai 2008.

108 () Audition du 24 juin 2008.

109 () Audition du 27 mai 2008.

110 () Avis présenté par M. Jean-Marie Rolland au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008 – avis Santé Tome VIII.

111 () Audition du 17 juin 2008.

112 () Audition du 13 mai 2008.

113 () Circulaire n° 101/DHOS/O/2004 du 5 mars 2004 relative à l’élaboration des SROS de troisième génération et son annexe I fixant les principes d’une organisation graduée de l’offre de soins.

114 () Audition du 27 mais 2008.

115 () Audition du 13 mai 2008.

116 () Audition du 8 juillet 2008.

117 () Audition du 29 avril 2008.

118 () Audition du 27 mai 2008.

119 () Audition du 24 juin 2008.

120 () Audition du 8 juillet 2008.

121 () Conférence nationale de santé, avis du 22 mars 2007 sur « Les voies d’amélioration du système de santé français ».

122 () Audition du 27 mai 2008.

123 () Audition du 24 juin 2008.

124 () Table ronde du 3 juin 2008.

125 () Table ronde du 10 juin 2008.

126 () Audition du 24 juin 2008.

127 () Audition du 27 mai 2008.

128 () Audition du 8 juillet 2008.

129 () Audition du 8 avril 2008.

130 () Audition du 1er juillet 2008.

131 () Audition du 24 juin 2008.

132 () Audition du 1er juillet 2008.

133 () Article L. 1111-3 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l’article 39 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

134 () Audition du 24 juin 2008.

135 () Audition du 22 juillet 2008.

136 () « Comment corriger l’inégalité de l’offre de soins en médecine générale sur le territoire national ? », rapport du groupe de travail dirigé par le professeur Pierre Ambroise-Thomas, Académie nationale de médecine, avril 2007.

137 () Discours prononcé à l’occasion du 40ème anniversaire de l’association des journalistes de l’information sociale.

138 () Table ronde du 3 juin 2008.

139 () Audition du 13 mai 2008.

140 () Première synthèse nationale des États généraux de l’organisation de la santé (EGOS), discours de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Paris, 8 février 2008.

141 () Audition du 8 avril 2008.

142 () Audition du 27 mai 2008.

143 () Audition du 4 juin 2008.

144 () Audition du 29 avril 2008.

145 () Source : DREES, « Disparités régionales de santé à partir des indicateurs associés à la loi relative à la politique de santé publique », décembre 2006.

146 () Source : Institut national de veille sanitaire (InVS), point de presse du 7 avril 2008.

147 () Audition du 8 juillet 2008.

148 () Audition du 13 juin 2008.

149 () Guy Vallancien et. al. « Quels modes de rémunération pour les chirurgiens », mars 2008.

150 () Audition du 22 avril 2008.

151 () Table ronde du 3 juin 2008.

152 () Table ronde du 10 juin 2008.

153 () Audition du 4 juin 2008.

154 () Voir le rapport n° 295 fait par M. Jean-Pierre Door sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 relatives à l’assurance maladie et aux accidents du travail, tome II.

155 () Audition du 8 juillet 2008.

156 () Audition du 13 mai 2008.

157 () Rapport sur les centres de santé présenté par Mme Dominique Acker, conseillère générale des établissements de santé, juin 2007.

158 () Décret n° 2003-880 du 15 septembre 2003 relatif aux modalités d’organisation de la permanence des soins (article R. 6315-4 du code de la santé publique).

159 () Audition du 8 avril 2008.

160 () Table ronde du 3 juin 2008.

161 () Audition du 27 mai 2008.

162 () Table ronde du 3 juin 2008.

163 () Audition du 27 mai 2008.

164 () Table ronde du 3 juin 2008.

165 () Rapport de mission et propositions d’adaptation de la permanence des soins, remis à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, par M. Jean-Yves Grall, conseiller général des établissements de santé, août 2007.

166 () Rapport d’information n° 3672 présenté par M. Georges Colombier sur la prise en charge des urgences médicales, février 2007.

167 () Audition du 24 juin 2008.

168 () Audition du 24 juin 2008.

169 () Audition du 8 avril 2008.

170 () Audition du 17 juin 2008.

171 () Audition du 8 juillet 2008.

172 () Zeiger Gérard, vice-président du conseil national de l’Ordre des médecins, « La collaboration libérale en médecine est une véritable révolution culturelle », in Bulletin de l’Ordre des médecins n° 5, mai 2006.

173 () Table ronde du 3 juin 2008.

174 () Table ronde du 3 juin 2008.

175 () Table ronde du 3 juin 2008.

176 () Audition du 27 mai 2008.

177 () Audition du 17 juin 2008.

178 () Cf. « La liberté d’installation des médecins – propositions du conseil national de l’Ordre des médecins, et des syndicats d’étudiants en médecine, d’internes et de médecins », 7 février 2008.

179 () « Des pistes pour sauver la liberté d’installation », in Bulletin de l’Ordre des médecins n° 2008-003, mars 2008.

180 () Audition du 4 juin 2008.

181 () Legmann Michel, « Il faut introduire de la souplesse dans notre système, trop rigide », in Bulletin de l’Ordre des médecins n° 2008-003, mars 2008.

182 () Audition du 8 juillet 2008.

183 () Audition du 4 juin 2008.

184 () Table ronde du 10 juin 2008.

185 () Audition du 10 juin 2008.

186 () Article L. 4342-1 du code de la santé publique, modifié par l’article 54 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

187 () Article L. 4362-10 du code de la santé publique, modifié par l’article 54 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

188 () Table ronde du 10 juin 2008.

189 () Table ronde du 10 juin 2008.

190 () Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, « Livre blanc sur la pharmacie d’officine : bilan et perspectives », décembre 2007.

191 () Audition du 22 avril 2008.

192 () IGAS, rapport n° 2006 022, « Contrôle et évaluation du fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et de la dotation nationale des réseaux (DNDR) », mai 2006.

193 () Rapport d’information n° 659 présenté par M. Jean-Pierre Door au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale sur le dossier médical personnel (DMP), janvier 2008.

194 () Audition du 29 avril 2008.

195 () DREES, « l’exercice en groupe des médecins libéraux », Études et résultats n° 314, juin 2004.

196 () Table ronde du 3 juin 2008.

197 () Table ronde du 10 juin 2008.

198 () Cf. la contribution de l’ISNAR-IMG au rapport 2006-2007 de l’ONDPS.

199 () Audition du 22 avril 2008.

200 () Audition du 27 mai 2008.

201 () Circulaire DHOS/DSS/CNAMTS/O1/1B n° 2007-137 du 23 mars 2007 relative aux maisons médicales de garde et au dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire.

202 () Article L. 6323-3 du code de la santé publique, inséré par l’article 44 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

203 () Audition du 27 mai 2008.

204 () Audition du 27 mai 2008.

205 () Table ronde du 3 juin 2008.

206 () Audition du 24 juin 2008.

207 () Audition du 22 avril 2008.

208 () Audition du 27 mai 2008.

209 () Audition du 27 mai 2008.

210 () Audition du 4 juin 2008.

211 () Audition du 4 juin 2008.

212 () ONDPS, rapport 2006-2007, tome I.

213 () Audition du 27 mai 2008.

214 () Audition du 10 juin 2008.

215 () Audition du 24 juin 2008.

216 () Audition du 8 juillet 2008.

217 () Audition du 8 avril 2008.

218 () Audition du 27 mai 2008.

219 () Audition du 8 avril 2008.

220 () Audition du 8 avril 2008.

221 () Audition du 24 juin 2008.

222 () Audition du 21 mai 2008.

223 () Audition du 8 avril 2008.

224 () Audition du 8 avril 2008.

225 () Audition du 28 mai 2008.

226 () Audition du 24 juin 2008.

227 () Conférence nationale de santé, avis du 22 mars 2007.

228 () Audition du 24 juin 2008.

229 () Audition du 17 juin 2008.

230 () Les professions concernées sont celles de sage-femme, d’infirmier, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue, d’ergothérapeute, de psychomotricien, d’orthophoniste, d’orthoptiste, d’audioprothésiste, d’opticien-lunetier, de diététicien, de préparateur en pharmacie hospitalière, d’aide soignant, d’auxiliaire de puéricultrice, d’ambulancier, de technicien de laboratoire d’analyses de biologie médicale.

231 () Audition du 4 juin 2008.

232 () Audition du 27 mai 2008.

233 () Cf. Fédération hospitalière de France (FHF), « L’heure H – 65 propositions pour l’avenir du service public hospitalier », proposition n° 37, 2007.

234 () Audition du 27 mai 2008.

235 () Table ronde du 3 juin 2008.

236 () Table ronde du 3 juin 2008.

237 () Audition du 17 juin 2008.

238 () Audition du 24 juin 2008.

239 () Table ronde du 3 juin 2008.

240 () Auditions du 13 mai 2008.

241 () Audition du 3 juin 2008.

242 () Déplacement du 16 juillet 2008.

243 () Audition du 24 juin 2008.

244 () Audition du 8 avril 2008.

245 () Audition du 18 juin 2008.

246 () Audition du 17 juin 2008.

247 () Audition du 18 juin 2008.

248 () Audition du 18 juin 2008.

249 () Table ronde du 3 juin 2008.

250 () Auditions du 29 avril 2008.

251 () Audition du 15 avril 2008.

252 () Audition du 18 juin 2008.

253 () Audition du 15 avril 2008.

254 () Audition du 24 juin 2008.

255 () Audition du 24 juin 2008.

256 () Audition du 3 juin 2008.

257 () Audition du 22 juillet 2008.

258 () Audition du 8 juillet 2008.

259 () Conseil national de l’Ordre des médecins, « Le contenu du métier – aspects scientifiques et techniques », 30 juin 2007.

260 () Audition du 10 juin 2008.

261 () Audition du 22 avril 2008.

262 () Nous déposerons un amendement à la loi de finances pour 2009 afin que les collectivités locales qui construisent des maisons de santé puissent bénéficier de la récupération de la TVA…

263 () à partir du 5 mai 2008

264 () démissionnaire le 21 avril 2008


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