N° 3313 - Rapport d'information de Mme Geneviève Gaillard déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, en conclusion des travaux d'une mission d'information relative aux enjeux et aux outils d'une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité




N° 3313

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 avril 2011

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION

relative aux enjeux et aux outils d'une politique intégrée

de conservation et de reconquête de la biodiversité

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Geneviève GAILLARD,

Députée.

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La mission d’information relative aux enjeux et aux outils d'une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité est composée de : Mme Chantal Berthelot, M. Stéphane Demilly, Mme Geneviève Gaillard, M. Serge Grouard, M. Pierre Lang et M. Martial Saddier.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 11

PREMIÈRE PARTIE : L’ÉCHEC DE LA POLITIQUE VISANT À ENRAYER L’ÉROSION DE LA BIODIVERSITÉ LIÉE À NOTRE APPRÉHENSION HISTORIQUE, SCIENTIFIQUE, CULTURELLE ET ÉCONOMIQUE DE LA BIODIVERSITÉ 17

I.— UN CONSTAT D’ÉCHEC UNANIMEMENT PARTAGÉ : L’INCAPACITÉ À STOPPER LA DÉGRADATION DE LA BIODIVERSITÉ ET À SATISFAIRE LES OBJECTIFS RETENUS 17

A.— UNE ÉROSION CONTINUE ET EN VOIE D’ACCÉLÉRATION 17

1. La conférence de Rio (1992) : la prise de conscience de l’érosion de la biodiversité 17

2. Le « Millenium ecosystem assessment » (2005) : la prise de conscience de la dégradation des écosystèmes et de l’urgence d’agir 19

B.— L’IMPUISSANCE RELATIVE DES POLITIQUES PUBLIQUES À STOPPER LA PERTE DE BIODIVERSITÉ 20

1. Un échec au plan mondial et reconnu par la Commission européenne 20

2. Un échec implicite sur le territoire national 21

C.— LE PARADOXE : LA CONNAISSANCE DE LA BIODIVERSITÉ RESTE PARCELLAIRE ET INACHEVÉE, OR IL FAUT LA RECONQUÉRIR AVANT MÊME D’EN AVOIR ACHEVÉ L’INVENTAIRE 25

1. La connaissance de la biodiversité semble paradoxalement reculer avec les progrès de la science 25

2. Cette situation est porteuse de nombreux défis, alors même que les outils nationaux de connaissance ne sont pas assez performants 26

II.— LA NÉCESSITÉ DE CHANGER D’APPROCHE ET D’ARTICULER PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ REMARQUABLE ET EMBLÉMATIQUE ET PROTECTION ET VALORISATION DE LA BIODIVERSITÉ DITE ORDINAIRE 29

A.— L’ÉVOLUTION ENGAGÉE DE LA CONSERVATION : DES ESPÈCES AUX MILIEUX ET L’ARTICULATION COMPLÉMENTAIRE DE LA SANCTUARISATION ET DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ ORIDINAIRE 29

1. La vision classique de la protection de la biodiversité remarquable 29

2. Une vision renouvelée, celle de la valorisation de la biodiversité dite ordinaire 31

B.— LA VALORISATION ÉCONOMIQUE DE LA BIODIVERSITÉ ET SES FONCTIONNALITÉS 35

DEUXIÈME PARTIE : LA STRUCTURATION DES OPÉRATEURS ET DES ACTEURS DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ ET SON OPTIMISATION 43

I.— LA POLITIQUE DE CONSERVATION ET DE RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ DISPOSE D’UN FOISONNEMENT D’OUTILS ET MOBILISE DE MULTIPLES ACTEURS 43

A.— LA MULTIPLICITÉ DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX ET EUROPÉENS 43

B.— LES AVANCÉES DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT 46

C.— LA DIVERSITÉ DES OPÉRATEURS PUBLICS 48

1. Un constat : un empilement d’organismes qui nuit à la lisibilité de leur action 48

2. De la « biodiversité » des statuts et des missions 51

3. Une situation rendue encore plus complexe par un zonage qui s’apparente à un véritable maquis 51

D.— LE RÔLE ESSENTIEL DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DES AUTRES ACTEURS DE TERRAIN 52

1. Les collectivités locales : des acteurs de terrain dont le rôle mériterait d’être mieux reconnu et valorisé 52

2. L’action des autres acteurs de terrain : agriculteurs, associations de protection de l’environnement, naturalistes bénévoles et entreprises 58

II.— POUR UNE OPTIMISATION STRUCTURELLE : L’INTERROGATION SUR LA MISE EN PLACE D’UNE AGENCE DE LA NATURE OU DE LA BIODIVERSITÉ 73

A.— L’EXEMPLE DE L’EAU : SA CAPACITÉ À METTRE EN ŒUVRE UNE POLITIQUE DE CONSERVATION INTÉGRÉE DE LA BIODIVERSITÉ AQUATIQUE ET SES LIMITES DE TRANSPOSITION À LA BIODIVERSITÉ TERRESTRE 73

1. La protection de la biodiversité aquatique, une constante totalement intégrée dans la gestion de l’eau et des milieux aquatiques 74

2. Les difficultés de transposition à la biodiversité terrestre 75

B.— LA CRÉATION D’UNE AGENCE DE LA NATURE : PISTES DE RÉFLEXION ET DIFFICULTÉS DE MISE EN œUVRE 78

1. Les travaux du Grenelle de l’environnement 78

2. Le rapport « sur l’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature » 79

3. Les auditions de la mission d’information 80

4. Le point de vue de votre Rapporteure 82

TROISIÈME PARTIE : LES PROPOSITIONS DE LA MISSION POUR UNE POLITIQUE AUDACIEUSE ET INTÉGRÉE DE CONSERVATION ET DE RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ 85

A.— GOUVERNANCE ET RÉGLEMENTATION 85

1. Afficher la conservation et la reconquête de la biodiversité comme une priorité nationale et créer la fonction de Délégué interministériel à la biodiversité 85

2. Faire de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2011-2015 et de ses déclinaisons locales et régionales le fil conducteur de l’action de l’État dans le domaine de la reconquête de la biodiversité 87

3. Accélérer la signature du protocole international sur l’accès et le partage des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques de la planète défini à la Conférence de Nagoya (18-29 octobre 2010) 88

4. Renforcer la lutte contre les espèces exotiques envahissantes notamment par la création d'un Observatoire national des espèces exotiques invasives 90

5. Lutter contre la surexploitation des espèces 92

6. Reconnaître profondément le rôle moteur des collectivités territoriales en matière de préservation et de reconquête de la biodiversité 92

7. Renforcer les plans nationaux en faveur des espèces végétales et animales menacées 93

8. Introduire dans notre droit positif la notion, soit de servitude conventionnelle, soit d’obligation matérielle de protection de l’environnement. 94

9. Sur la base du prochain rapport du Centre d’analyse stratégique, opérer un examen des politiques publiques visant à éliminer l’ensemble des dispositions fiscales néfastes à la conservation de la biodiversité et à favoriser les dispositifs vertueux 96

B.— AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 97

10. Fixer un objectif de réduction progressive de l’artificialisation des sols jusqu’à un gel total 97

11. La spatialisation des politiques publiques : prendre en compte les régions biogéographiques 101

12. Améliorer la connaissance de notre patrimoine naturel 102

13. Dans le cadre de projets d’aménagements, imposer la réalisation ex ante de mesures compensatoires, et instaurer un contrôle a posteriori des mesures de compensation prises 102

C.— RESTRUCTURATION DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE, DE LA COLLECTE ET DU PARTAGE DES CONNAISSANCES 104

14. Organiser une répartition claire des compétences entre les grandes structures de la recherche en matière de biodiversité ; encourager le développement des sciences naturalistes ; approfondir la recherche sur les écosystèmes 104

15. Réorienter la recherche agronomique vers la mise en œuvre d’un modèle agricole innovant, mais respectueux des équilibres écologiques et des ressources naturelles. 105

16. Approfondir l’étude des liens entre protection de la santé publique et conservation de la biodiversité 106

17. Dans un esprit « d’écologie citoyenne », développer la construction « collaborative » de la connaissance du vivant 107

18. Améliorer la sensibilisation des jeunes, des élus, des partenaires sociaux, des touristes aux enjeux de la biodiversité. Instituer un « module vert » de formation à la bioversité pour les étudiants 108

19. Mettre en place une structure nationale pérenne recensant les animations et initiatives disponibles sur le thème de la biodiversité 109

20. Promouvoir une vision globale de la biodiversité s’appliquant à l’ensemble des espèces et prenant en compte les éco-systèmes 110

21. Développer des actions relevant de la conservation de la biodiversité dans les programmes publics d’aide au développement et faciliter leur identification 111

22. Approfondir l’effort de connaissance des espèces et des écosystèmes ultramarins, qui représentent l’essentiel de la biodiversité française, tout en étant particulièrement fragiles 112

D.— ASPECTS ÉCONOMIQUES 113

23. Poursuivre résolument les efforts menés sur l’évaluation économique du vivant et encourager la formation d’un marché de la compensation en cas d’atteinte aux écosystèmes 113

24. En matière agricole, poursuivre vigoureusement les actions conduites avec les agriculteurs pour promouvoir une production agricole à caractère écologique ; améliorer résolument la formation à ces nouvelles pratiques culturales 114

25. Mener une réflexion sur les investissements nuisibles à la biodiversité en outre-mer 115

CONCLUSION 119

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION 121

ANNEXES 133

– CHRONOLOGIE SYNTHÉTIQUE 135

– LOI N° 76-629 DU 10 JUILLET 1976 RELATIVE À LA PROTECTION DE LA NATURE 141

– LOI N° 2009-967 DU 3 AOÛT 2009 DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA MISE EN œUVRE DU GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT (DITE LOI « GRENELLE I ») 143

– PRÉSENTATION DES OPÉRATEURS PUBLICS DANS LE DOMAINE DE LA BIODIVERSITÉ 147

– TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES NATURELS DE FRANCE 144

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 169

Le 7 juillet 2010, le bureau de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a décidé la création d’une mission d’information sur les enjeux et outils d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité, composée de :

– M. Serge Grouard, Président,

– Mme Geneviève Gaillard, Rapporteure,

– Mme Chantal Berthelot,

– M. Stéphane Demilly,

– M. Pierre Lang,

– M. Martial Saddier.

La mission d’information a tenu sa réunion constitutive le 20 octobre 2010. Elle a procédé à l’élection de son bureau, puis, après en avoir débattu, elle a prévu :

– de changer le titre de la mission en mission d’information « sur les enjeux et outils d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité »,

– d’écarter l’étude en tant que telle de la question de la déforestation, bien que ses membres en aient reconnu le lien avec la dégradation de la biodiversité,

– de restreindre ses travaux au seul territoire national, la dimension ultramarine étant essentielle,

– d’entendre la biodiversité comme l’étude de l’état, de l’organisation et de l’évolution des écosystèmes, définition qui est plus large que celle se limitant aux seules espèces faunistiques et floristiques,

– d’éviter de consacrer des travaux à des questions qui ont déjà été traitées dans le cadre des travaux préparatoires à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, notamment sur son titre IV « Biodiversité »,

– d’organiser sa réflexion autour d’un état des lieux de la biodiversité et des moyens de la mesurer, d’une étude des moyens de sa protection et de sa gestion, et de propositions pour organiser les acteurs de la biodiversité,

– dans un premier temps, de centrer ses travaux autour de la question des acteurs en France de la biodiversité, notamment en prévision de l’éventualité du dépôt d’un projet de loi portant création d’une « agence de la nature ou de la biodiversité »,

– de consacrer ses premières auditions aux acteurs associatifs et scientifiques,

– de déposer son rapport éventuellement dans le courant du mois d’avril 2011.

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 20 octobre 2010, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire décidait de créer en son sein une mission d’information relative aux enjeux et aux outils d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité. La constitution de cet organe de réflexion et de proposition répondait à une « double commande » immédiate :

– celle qu’avait formulée, dès 2007, le « groupe 2 du Grenelle de l’environnement - Préserver la biodiversité et les ressources naturelles », qui avait lui-même demandé la constitution « d’une mission parlementaire sur l’opportunité, la faisabilité, le périmètre, les missions, les moyens, la méthode et le calendrier d’une agence nationale de la nature, chargée de la coordination de la gestion des espèces sauvages, des espaces naturels et des crises écologiques ». La demande du « groupe 2 » se fondait sur la nécessité de coordonner l’action de multiples organismes nationaux incarnant l’intervention de l’État en matière de protection de la biodiversité ;

– celle ensuite du Bureau de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui décidait en juillet 2010 de mettre en place une mission d’information devant se pencher plus particulièrement sur la question des acteurs de la biodiversité.

Votre Rapporteure tentera de répondre, dans ce rapport, à ces importantes interrogations. Mais, elle examinera aussi la problématique du respect de la biodiversité dans son ensemble, tant les problèmes de la protection du vivant apparaissent interconnectés, tant l’urgence de cette protection semble avérée, tant ces questions pèsent sur l’avenir de l’humanité.

Les membres de la mission d’information ont entendu écarter, de leurs recherches et de leurs réflexions, l’étude en tant que telle de ce défi mondial que constitue la déforestation et concentrer, par ailleurs, leurs travaux sur le territoire national. Mais les analyses et les propositions contenues dans le présent rapport resteront larges et porteront sur les divers aspects d’une politique intégrée de conservation et de reconquête des ressources du vivant.

Votre Rapporteure a voulu éviter, dans ce travail, les risques réels de l’incantation comme du catastrophisme.

Elle observe que des résultats ont été obtenus dans le domaine de la protection du vivant et que les multiples manifestations organisées en 2010 « année internationale de la biodiversité » ont bien montré l’intérêt et l’engouement que ce thème peut susciter auprès de nos concitoyens.

Mais sa vision et ses suggestions demeureront plutôt alarmistes : la problématique de la protection du vivant a désormais clairement un caractère d’urgence ; elle exige que soit mené un combat ; elle nécessite que la conservation de la biodiversité soit profondément inscrite au cœur même des politiques et des projets. Ainsi que l’indiquait Madame Chantal Jouanno, alors Secrétaire d’État à l’écologie, le 12 octobre 2010, « la préservation de la biodiversité n’est pas un sujet de cadre de vie. Le drame, c’est de présenter la question de la protection de la biodiversité comme une question de qualité de vie. Or, c’est une question de survie … ».

La communauté scientifique nous le rappelle régulièrement : le rythme d’extinction des espèces végétales et animales est aujourd’hui 100 à 1 000 fois supérieur à celui qu’il était avant la révolution industrielle ; peuvent ainsi être considérés actuellement comme appartenant à des espèces menacées, un amphibien sur trois, un oiseau sur huit, un mammifère sur quatre, une forêt de conifères sur quatre. Et l’on peut se demander si 50 % des espèces actuellement connues n’auront pas disparu d’ici à la fin du XXIème siècle…. Comme l’indiquait le rapport du « groupe 2 du Grenelle de l’environnement–Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » : « La situation d’aucune espèce ne s’améliore. Des animaux aussi familiers que l’ours blanc, l’hippopotame et les gazelles du désert viennent grossir les rangs des espèces menacées d’extinction, en compagnie des requins océaniques, des poissons d’eau douce ou des plantes méditerranéennes. »

Quels facteurs expliquent ces menaces et ces destructions ? Ils semblent au nombre de cinq :

– la destruction et la fragmentation des habitats, dues à la déforestation ou à l’aménagement d’infrastructures de transport, qui isolent des populations ou les coupent de leurs lieux de nidification, d’hivernage, de nourrissage, de reproduction ;

– les pollutions, locales ou diffuses, des milieux aquatiques, telles que les « marées noires » ou la pollution au plomb qui frappe les oiseaux ou des zones terrestres, telles que les nitrates qui concernent les espèces végétales ;

– la surexploitation des espèces, au premier rang desquelles figurent les ressources halieutiques ou les bois tropicaux, cette surexploitation étant renforcée parfois par un commerce illégal ;

– le changement climatique, qui modifie les aires de répartition des espèces, alors qu’elles ne sont pas toutes capables de migrer ou de s’adapter et qui change également le fonctionnement des milieux de vie ;

– le développement d’espèces invasives végétales et animales le plus souvent exotiques qui entrent en concurrence avec les espèces allogènes ou perturbent les milieux.

*

Notre pays – et cela est essentiel –, a une situation et une responsabilité particulières en matière de protection de la biodiversité.

Notre territoire héberge, en effet, avec ses collectivités ultramarines, plus du tiers des espèces recensées au niveau mondial. La France est, par ailleurs, le seul État présent dans 5 des 25 « points chauds » de la biodiversité, ces espaces qui accueillent une combinaison d’écosystèmes à la fois riche et rare, la Méditerranée, les Caraïbes, l’Océan indien, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie. Une partie de son territoire – la Guyane – fait, par ailleurs, partie d’une des zones forestières majeures, l’Amazonie, considérée par la communauté scientifique comme le « poumon du monde ».

Avec 11 millions de km2, le domaine maritime français occupe la deuxième place mondiale. Au sein de ses collectivités ultramarines, notre pays abrite 55 000 km2 de récifs coralliens – soit 10 % du total mondial, ce qui le place à la quatrième position mondiale, mais aussi 20 % des atolls et 6 % des monts sous-marins, dont l’importance pour la biodiversité marine a récemment été découverte. Notre espace national renferme des écosystèmes particulièrement riches. Sur l’île de Rapa en Polynésie française vivent, sur un territoire représentant 40 % de celui de Paris intra-muros – environ 40 km2 – plus de 300 espèces endémiques, c’est-à-dire dont l’évolution est liée à un espace particulier. La richesse floristique et faunistique de la Nouvelle-Calédonie, sur un territoire d’une superficie de 16 360 km2, soit trois départements de taille moyenne est, de la même façon, comparable à celle de l’ensemble de l’Europe continentale.

« Par ailleurs, pour ce qui concerne le territoire uniquement, la France métropolitaine est un carrefour biologique pour l’Europe, avec quatre des huit principales zones biogéographiques (atlantique, continentale, méditerranéenne, alpine) », comme le souligne un récent rapport du Centre d’analyse stratégique (1).

*

Avant d’étudier les implications de cette responsabilité particulière que donne à la France le caractère unique de son patrimoine en matière de biodiversité, quelques définitions paraissent s’imposer.

Ÿ Le néologisme « biodiversité » tout d’abord est d’origine anglo-saxonne, puisqu’il résulte de la traduction des mots « biological diversity », et de création relativement récente. C’est, en effet, en 1985, qu’il a été créé par l’écologue W.G. Rosen, à l’occasion du National Forum on biodiversity, mis en place aux États-Unis par la Smithsonian Institution et la National Academy of science. Il a ensuite été utilisé et popularisé par l’entomologiste américain Edward O. Wilson (2), qui l’a défini comme « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » La définition donnée par l’Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN) deux années plus tard, lors de sa XVIIIe assemblée générale, précisait la notion de diversité biologique, en y incluant « la variabilité génétique à l’intérieur des espèces et de leurs populations, la variabilité des espèces et de leurs formes de vie, la diversité des complexes d’espèces associées et de leurs interactions et celle des processus écologiques qu’ils influencent ou dont ils sont les acteurs [dite diversité écosystémique] ».

Ces définitions englobent donc toutes les formes du vivant sur Terre, mais aussi et cela ne doit pas être négligé, l’ensemble des interactions qui peuvent exister entre ces formes.

La biodiversité peut être naturelle (on parle de la biodiversité sauvage, ou remarquable, des espaces naturels protégés), domestique (on parle alors de biodiversité domestique, générale ou banale) ou entièrement artificielle (biodiversité génétique), ces états de la biodiversité interagissant les uns sur les autres.

Certains interlocuteurs que la mission a auditionnés ont également proposé comme définition didactique de la biodiversité, aisément compréhensible par un public d’âge scolaire, le triptyque suivant : les plantes, les animaux, les paysages. Bien qu’instinctivement, cette définition nous renvoie aux sols, ces définitions comprennent toutes évidemment la biodiversité marine dont l’importance scientifique est majeure, d’abord parce qu’elle héberge la plupart des lignées évolutives, alors que beaucoup sont absentes des écosystèmes terrestres, ensuite, parce que les mers et les océans abritent des écosystèmes très différents des écosystèmes terrestres.

La biodiversité inclut ainsi des organismes vivants visibles à l’œil nu, mais également des micro-organismes tels que les bactéries. Le rythme de découverte de ces dernières s’accélère : 2 500 espèces en 1980, 7 300 en 2005. Comme le relevaient les sénateurs Pierre Laffitte et Claude Saunier dans leur rapport « La biodiversité : l’autre choc ? L’autre chance ? » (3), « on évalue le nombre de bactéries dans une fourchette comprise entre 600 000 et 6 milliards. Un seul prélèvement de 30 grammes de sol contient 2 000 types de communautés bactériennes et 50 000 génomes différents. »

Cette partie méconnue de la biodiversité se caractérise par un foisonnement, mais également par des propriétés riches de promesses avec le rôle écologique des bactéries dans la croissance des plantes, les capacités sanitaires des bactéries contenues dans le sol ou encore les possibilités industrielles liées à la substitution de processus biochimiques à des processus chimiques.

Ÿ Un écosystème peut être défini, quant à lui, comme un sous-ensemble de la biodiversité dont il incorpore une fraction de chacun des éléments. Les écosystèmes peuvent être quasiment intacts, comme les forêts primaires, ou placés sous le contrôle intensif de l’Homme et subissant à ce titre des pressions d’origine et de force diverses, comme les zones de très fortes densités urbaines en cœur de métropole. Rappelons que les écosystèmes fournissent à l’Homme un certain nombre de services essentiels à sa survie, qu’il est coutume de distinguer de la façon suivante :

– les services d’approvisionnement, ceux qui permettent à l’Homme d’exploiter directement les fruits de la biodiversité (nourriture et notamment ressources halieutiques, fibres, eau, mais aussi ressources génétiques),

– les services de régulation, qui protègent l’Homme contre les effets néfastes pour lui de certains phénomènes naturels (la lutte contre les inondations, la régulation du climat par les grandes zones forestières, la protection contre les épidémies),

– les services culturels ou récréatifs, qui augmentent le bien-être humain, grâce notamment aux paysages (loisirs, esthétisme, religion, développement cognitif),

– les services de soutien, qui constituent, en quelque sorte, les fondations de la biodiversité (cycle de l’eau, de l’oxygène atmosphérique, formation des sols, production de biomasse).

La biodiversité contemporaine et les écosystèmes au sein desquels elle évolue sont donc le résultat de milliards d’années d’évolution et de quelques siècles d’influence de l’Homme. Ils fournissent la plupart des services « supports » de la vie humaine, sans lesquels celle-ci ne serait plus possible, mais dont le caractère essentiel reste méconnu, parce qu’ils sont souvent invisibles à l’œil nu (la fourniture de l’air que nous respirons) ou tellement intégrés à notre environnement, qu’ils en deviennent « transparents » (les paysages que nous traversons).

Ces « services écosystémiques », comme le souligne le rapport du groupe de travail sur l’approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes présidé par M. Bernard Chevassus-au-Louis (4), « résultent des interactions entre organismes qui façonnent les milieux et leur fonctionnement au sein des écosystèmes. La purification de l’air ou de l’eau, le stockage du carbone, la fertilité des sols sont autant de services résultant non d’organismes, mais d’interactions. »

Les plus importants de ces services, également appelés parfois « services écologiques », sont la purification de l’air et de l’eau, la stabilisation du climat, la fourniture des aliments, les combustibles et les matériaux de construction, la modération des inondations et des sécheresses, la génération et le renouvellement des sols, le maintien des ressources génétiques qui contribuent à la variété des cultures, des animaux et des médicaments, mais aussi la contemplation et l’usage récréatif et culturel des paysages.

La biodiversité constitue donc, en quelque sorte, « l’assurance-vie de la vie elle-même ».

Le présent rapport, sans chercher quelque exhaustivité, se propose d’explorer précisément ce domaine tout à fait majeur et passionnant qu’est la protection de la biodiversité.

Votre Rapporteure remercie les nombreuses personnalités entendues par la mission d’information, qui ont éclairé ses analyses. Elle souhaite que les propositions contenues dans ce document inspirent la nouvelle « Stratégie nationale de la biodiversité », qui doit très prochainement rappeler les enjeux de la protection du vivant et exposer les choix publics en matière de biodiversité pour les années qui viennent. Ce rapport s’articulera en trois parties :

– une analyse de l’échec de la politique menée qui a visé à stopper l’érosion de la biodiversité ;

– un exposé de la structuration des opérateurs et des acteurs de la politique de conservation du vivant et une réflexion sur son optimisation ;

– l’énoncé des propositions de la mission d’information pour une politique audacieuse et intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité.

PREMIÈRE PARTIE

L’ÉCHEC DE LA POLITIQUE VISANT À ENRAYER L’ÉROSION DE LA BIODIVERSITÉ LIÉE À NOTRE APPRÉHENSION HISTORIQUE, SCIENTIFIQUE, CULTURELLE ET ÉCONOMIQUE DE LA BIODIVERSITÉ

I.— UN CONSTAT D’ÉCHEC UNANIMEMENT PARTAGÉ : L’INCAPACITÉ À STOPPER LA DÉGRADATION DE LA BIODIVERSITÉ ET À SATISFAIRE LES OBJECTIFS RETENUS

Comme l’indiquait M. Jean-Claude Lefeuvre, professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle, lors de son audition par la mission d’information, « le constat d’une dégradation permanente de la biodiversité, en France métropolitaine comme dans les collectivités d’outre-mer, s’impose comme une évidence ; la disparition d’espèces végétales (bleuet) ou animales (hamster d’Alsace, dont la population est passée de 10 M à moins de 400 individus, soit un niveau ne permettant plus le maintien de l’espèce) est un phénomène continu. » Contrairement au réchauffement climatique, phénomène dont la réalité a pu être dans un premier temps contestée par des représentants de la communauté scientifique avant l’établissement d’un constat partagé, l’érosion de la biodiversité ne fait, semble-t-il, pas débat.

Et cela d’autant plus, que certains scientifiques ont émis l’hypothèse que la Terre vivrait actuellement une sixième grande crise d’extinction d’espèces, dont la cause ne serait pas exogène, mais liée certainement et uniquement à l’activité humaine. Dans une étude publiée en 2001 dans la revue Science, Stephen R. Palumbi concluait déjà que « (…) l’humain est devenu la plus puissante force évolutive de la Nature. », ce que M. Jacques Vernier traduisait dans la formule suivante : « l’Homo sapiens sapiens ou Homo exterminator ». Redisons ainsi que le rythme d’extinction des espèces est aujourd’hui de 100 à 1 000 fois supérieur à ce qu’il était avant la révolution industrielle et que les scientifiques estiment que 50 % des espèces végétales et animales aujourd’hui connues pourraient avoir disparu d’ici à la fin du XXIème siècle.

A.— UNE ÉROSION CONTINUE ET EN VOIE D’ACCÉLÉRATION

1. La conférence de Rio (1992) : la prise de conscience de l’érosion de la biodiversité

La prise de conscience internationale de l’érosion de la biodiversité date incontestablement de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui se tint en juin 1992, à Rio de Janeiro, au Brésil. Connue sous le nom de Sommet « planète Terre », cette Conférence a fortement marqué les esprits, notamment parce que, pour la première fois, la question de la responsabilité des générations actuelles à l’égard des générations futures a été clairement posée. À la tribune, une jeune Canadienne âgée de 12 ans, Severn Cullis-Suzuki, dont la vie a fait l’objet d’un documentaire (5), interpelle les adultes sur le résultat de leur action : « (…) Je me bats pour mon futur. Perdre mon futur n’est pas pareil que perdre les élections ou quelques points à la Bourse. Je suis ici pour parler au nom de toutes les générations à venir. (…) S’il vous plaît, arrêtez-la casse ! Nous sommes vos propres enfants. C’est vous qui décidez dans quelle sorte de monde nous allons grandir. (…) »

Au-delà de cette interpellation fortement symbolique, la Conférence de Rio a inspiré la première convention internationale en matière de biodiversité, dite convention « CDB », ratifiée par 168 États (ils sont aujourd’hui 193, la France ayant ratifié la convention en 1994), à l’exception notable des États-Unis qui ont conservé un statut d’observateur. Cette Convention fondatrice disposait dans son préambule que les parties sont « conscientes de la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique (…) ». Elle comportait trois piliers : la conservation de la diversité biologique, son utilisation durable, le partage juste et équitable des avantages tirés des ressources génétiques.

Le dispositif de la Convention est resté pourtant peu contraignant et n’a imposé aux États signataires aucun objectif quantitatif ni aucun calendrier précis. Il a fallu patienter dix ans pour que cela soit le cas : les parties signataires de la Convention « CDB » ont accepté ainsi, lors du « Sommet de la Terre » à Johannesburg en 2002, de s’engager à « parvenir d’ici à 2010 à une réduction significative du rythme actuel d’appauvrissement de la biodiversité aux niveaux mondial, régional et national à titre de contribution à l’atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur Terre ». Ce premier engagement très clair, « stopper la dégradation préoccupante de la biodiversité » a été repris :

– dans un premier temps sur le plan national, puisque la France l’a intégré en 2004 dans sa « Stratégie nationale pour la biodiversité », elle-même composante de la Stratégie nationale du développement durable, qui se donnait comme but de « stopper l’érosion de la biodiversité d’ici à 2010 »,

– par l’Union européenne, à travers un plan d'action en faveur de la diversité biologique, lancé en 2006, dans le but, là aussi, d'enrayer la perte de biodiversité pour l’Union européenne à l'horizon 2010.

2. Le « Millenium ecosystem assessment » (2005) : la prise de conscience de la dégradation des écosystèmes et de l’urgence d’agir

Si la prise de conscience de l’érosion de la biodiversité date des années 1990 et a poussé les États à agir, la publication en 2005 des travaux, initiés en 2001, du Millenium Ecosystem Assessment (MEA) a agi comme un révélateur de l’urgence de la situation. Le MEA ou Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM) est né en 2000, à la demande du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, dans la ligne de son rapport à l’Assemblée générale « Nous les peuples : Rôle des Nations Unies au XXIe siècle ». Cette initiative, dont le secrétariat était coordonné par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUE) et dont la direction était assurée par un conseil d’administration composé de représentants d’institutions internationales, de Gouvernements, d’entreprises, d’organisations non gouvernementales et de populations autochtones, s’est donnée pour objectif d’évaluer les conséquences des changements des milieux de vie, des écosystèmes sur le bien-être humain. Elle devait également établir la base scientifique des actions nécessaires à l’amélioration de la conservation et de l’utilisation durable des écosystèmes.

Plus de 1 360 experts du monde entier provenant de 95 pays (6) ont participé à ce projet dont les conclusions, réunies en cinq volumes techniques et six rapports de synthèse, présentent une évaluation scientifique ultra-moderne de l’état des écosystèmes dans le monde et de leurs fonctions (fourniture d’eau potable, nourriture, produits forestiers, protection contre les crues), ainsi que les possibilités de restaurer, de conserver ou d’améliorer l’utilisation durable de ces écosystèmes.

Ces tendances, dégagées par une analyse scientifique sérieuse, pluraliste et détaillée se sont révélées plus qu’alarmantes et peuvent se résumer dans les constats précis suivants :

– au cours des 50 dernières années, l’Homme a généré des modifications au niveau des écosystèmes de manière plus rapide et plus extensive que sur aucune autre période comparable de l'histoire de l’humanité, en grande partie, pour satisfaire une demande à croissance rapide en matière de nourriture, d'eau douce, de bois de construction, de fibres et d’énergie. Ceci a eu pour conséquence une perte substantielle de la diversité biologique sur la Terre, dont une forte proportion de manière irréversible (20 % des récifs coralliens et 35 % des superficies de mangrove ont été détruits au cours du xxe siècle, 10 à 30 % des espèces de mammifères, oiseaux et amphibies sont menacées d’extinction, la diversité génétique est en déclin) ;

– les changements enregistrés au niveau des écosystèmes ont contribué à des gains nets substantiels sur le niveau du bien-être de l’Homme et le développement économique, mais ces gains ont été acquis de manière croissante au prix d’une dégradation de nombreux services d'origine écosystémique (60 %, soit 15 sur 24 des services écosystémiques sont ainsi en cours de dégradation ou d’exploitation non rationnelle, notamment l’eau douce, la pêche intensive et les parasites), au prix également de risques accrus de changements non-linéaires (c’est-à-dire brutaux, accélérés et potentiellement irréversibles) et de l'accentuation de la pauvreté pour certaines catégories de personnes ; ces divers problèmes amoindriront de manière substantielle les avantages que les générations futures pourraient tirer des écosystèmes ;

– la dégradation des services d'origine écosystémique, autrement dit la baisse persistante de la capacité d’un écosystème à procurer des services pourrait même s’accentuer de manière significative au cours de la première moitié de ce siècle, ce qui constitue un obstacle à la réalisation des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), arrêtés par la communauté internationale en septembre 2000 et qui comportaient des valeurs-cibles à atteindre d’ici 2015, dans le sens du bien-être de l’Homme ;

– le défi consistant à inverser la tendance à la dégradation des écosystèmes, tout en faisant face à une demande croissante des services qu’ils procurent peut pourtant être relevé partiellement dans le cas de quelques scénarii qui impliquent des changements d’ordre politique, institutionnel et dans les pratiques, mais ces changements se veulent profonds et n’ont pas cours actuellement. La perspective dans laquelle le MEA inscrit ces travaux est bien celle d’une érosion constante de la biodiversité, puisque son rapport précise que « même sous les scénarii dans lesquels une ou plusieurs catégories de services d’origine écosystémique est améliorée, la perte de biodiversité continue et il devient incertain ainsi que la durabilité des actions à long terme réduise la dégradation des services d’origine écosystémique ».

La communauté internationale a donc pris conscience de l’importance de la question de la biodiversité dès les années 1990 et a mis en place avec le MEA un outil efficace et légitime de mesure de la dégradation préoccupante des milieux de vie. Force est pourtant de constater que les politiques publiques mises en place n’ont pas en ce domaine eu l’efficacité escomptée.

B.— L’IMPUISSANCE RELATIVE DES POLITIQUES PUBLIQUES À STOPPER LA PERTE DE BIODIVERSITÉ

1. Un échec au plan mondial et reconnu par la Commission européenne

Comme le montre la troisième édition des « Perspectives mondiales de la diversité biologique », publiée en mai 2010 (7), les pressions exercées sur la biodiversité ne cessent de s’aggraver. La communauté internationale n’a pas réussi à atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé de diminuer significativement la perte de biodiversité dans le monde à l’horizon de 2010. Un important article publié au début de l’année 2010 dans la célèbre revue Science confirmait totalement ce diagnostic.

Peu de temps avant la 10ème Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique tenue à Nagoya, en octobre 2010, la Commission européenne, dans un rapport au Conseil et au Parlement européen (8) consacré à l’évaluation du plan d’action en faveur de la diversité biologique lancé en 2006 dans le but d’enrayer la perte de biodiversité dans l’Union européenne, reconnaissait que « l’objectif global qui avait été fixé pour 2010 dans l’Union européenne en matière de biodiversité n’a pas été atteint, pas plus que l’objectif fixé au niveau mondial ».

Le niveau de référence pour 2010 de l’Union a été fixé par l’Agence européenne de l’environnement (AEE). Le rapport de la Commission européenne, qui portait sur 150 actions différentes, insistait notamment sur les menaces pesant sur l’environnement, en les énumérant : « les changements d’affectation des sols, la pollution, les espèces invasives et le changement climatique ». Il indiquait, par ailleurs, très clairement, que les services écosystémiques en Europe « sont dans un état inégal ou dégradé, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus offrir la qualité et la quantité optimales de services de base, tels que la pollinisation des cultures et la propreté de l’air et de l’eau ».

Le Commissaire chargé de l’environnement déclarait à cette occasion : « Nous avons tiré quelques leçons très importantes et nous avons réussi à placer la biodiversité au premier plan de nos préoccupations politiques. Mais, il faut que tout le monde se sente concerné et pas seulement en Europe ». Tirant les enseignements de cet échec, que l’évaluation réalisée à mi-parcours permettait d’ailleurs de prévoir (9), la Commission européenne a adopté, en janvier 2010, une communication fixant de nouveaux objectifs engageant l’Union européenne à « enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l’Union européenne d’ici à 2020, assurer leur rétablissement dans la mesure du possible et renforcer la contribution de l’UE à la prévention de la perte de biodiversité ». Ces objectifs ont ensuite été approuvés par le Conseil européen en juin 2010.

2. Un échec implicite sur le territoire national

Sur le territoire national, tous les spécialistes s’accordent à dire que l’année 2010, année internationale de la biodiversité, n’a pas marqué d’arrêt brutal dans sa dégradation. Tel a été, d’ailleurs, le point de vue très clair de plusieurs personnalités auditionnées par la mission d’information. La reconnaissance implicite de l’échec à stabiliser cette dégradation s’exprime dans cet objectif assigné désormais aux politiques publiques en la matière, qui est de « stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique, restaurer et maintenir ses capacités d’évolution », comme le dispose l’article 23 de la loi n° 2009-967 de programmation relative au Grenelle de l’environnement dite « Grenelle I ».

Cet échec est d’abord celui de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2004-2010, dont l’objectif était précisément de mettre un terme, à l’horizon 2010, à l’érosion de la biodiversité. « La finalité globale de la stratégie est clairement de stopper la perte de biodiversité d’ici 2010, comme s’y sont engagés tous les pays de l’Union européenne. Cette finalité est déclinée pour chacune des composantes essentielles du vivant : les gènes, les espèces, les habitats, les écosystèmes et leur traduction dans une trame écologique (10) ».

Cette stratégie a été élaborée par des experts scientifiques, des représentants de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et par la commission nationale du développement durable. Ont été définies des thématiques sectorielles, dont chacune devait faire l’objet d’un plan d’action pris en charge par un département ministériel, les actions transversales devant être gérées, quant à elles, par une « cellule biodiversité » au sein du ministère chargé de l’environnement. Le quatrième rapport national de la France à la Convention sur la biodiversité biologique, en juin 2010, a dressé le bilan suivant de ces différentes actions : « sur les 391 actions programmées dans les neuf plans d’action adoptés en novembre 2005 et 2006, 125 sont achevées, 211 sont en cours de réalisation et 55 ne sont pas encore lancées. 86 % des actions sont réalisées ou en cours. » Le tableau suivant donne une vue détaillée de la réalisation de ces différentes actions.

Bilan des plans d’actions sectoriels conduits dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (2004-2010)

Plan d’action

Nombre total d’actions

Actions terminées

Actions engagées

Actions à lancer

patrimoine naturel

56

39 %

54 %

7 %

recherche

35

40 %

37 %

23 %

outre-mer

44

3 %

59 %

38 %

agriculture

52

52 %

44 %

4 %

forêt

37

8 %

73 %

19 %

infrastructures de transport

12

25 %

75 %

0

urbanisme

7

43 %

57 %

0

international

67

33 %

61 %

6 %

mer

81

20 %

75 %

5 %

Total

391

32 %

54 %

14 %

Source : « La stratégie nationale pour la biodiversité : bilan et perspectives », CGAAER n° 2076 et CGEDD n° 117100-01, juin 2010.

Ce bilan plutôt positif ne doit pas occulter le faible impact que semblent avoir eu lesdits plans d’action  sur les administrations centrales concernées : les actions en faveur de la biodiversité ont sans doute été considérées comme d’un intérêt secondaire, leur contenu recoupant celui de plans d’action qui auraient probablement été menés à bien, si la Stratégie nationale pour la biodiversité n’avait pas été mise en place. Le bilan annuel opéré par ces administrations centrales s’est donc bien souvent réduit à un exercice formel. « Le plan lui-même se réduit à un rapport annuel, qui consiste à remplir des cases », comme l’indiquent certains responsables de plans d’action lorsqu’ils sont interrogés (11).

Dans le rapport d’évaluation de la SNB établi pour le compte du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (12), il apparaît clairement que « l’actuelle SNB n’est ni stratégique ni nationale ». La Stratégie nationale pour la biodiversité a paru cumuler de fait plusieurs handicaps l’empêchant de remplir correctement l’objectif qui lui avait été assigné :

– l’insuffisance du « portage politique », dont le caractère interministériel n’a été qu’insuffisamment marqué,

– l’absence, au stade de la conception comme de la réalisation, des collectivités locales et des entreprises,

– l’absence de coordination du pilotage technique, qui s’est émietté en autant de plans d’actions dont certains ont purement et simplement été abandonnés (« gestion des territoires » animé par la DATAR), d’autres étant mis en place tardivement (« tourisme »),

– l’éparpillement des crédits relatifs à la protection et à la mise en valeur de la biodiversité au sein de plusieurs missions et programmes de la LOLF (13), qui a rendu malaisée l’appréciation de leur volume exact et de leur concours à la mise en œuvre de la SNB,

– une articulation insuffisante entre la SNB, la Stratégie nationale du développement durable (SNDD), qui l’englobe et les mesures issues du « Grenelle de l’environnement »,

– une prise en compte insuffisante des interactions de la SNB avec d’autres politiques publiques environnementales (la politique de l’eau, la politique de la mer et du littoral),

– l’absence de coordination avec l’action de l’État dans le domaine des modes d’occupation des sols (prévention des risques, infrastructures de transport...),

– la faiblesse de l’évaluation mise en place, car celle-ci ne portait que sur les résultats des plans d’action ministériels et non sur la réalisation de l’objectif général.

Cette analyse négative du bilan de la première SNB est corroborée par celle du Comité français de l’UICN (14), qui pointe également un autre élément, la mauvaise articulation avec le « Grenelle de l’environnement » et qui précise, qu’à son sens, « la dynamique de mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité a été très ralentie à partir de juillet 2007 jusqu’à la fin du premier semestre 2008. Cette démarche a stoppé le fonctionnement habituel de la Stratégie, notamment la régularité des réunions (comité de pilotage, comité interministériel, cellule biodiversité), ainsi que l’intérêt porté par les acteurs à celle-ci. »

L’incapacité à stopper la perte de biodiversité en France s’est trouvée confirmée en 2009, lorsqu’a été publiée la première évaluation de l’état de conservation des habitats et des espèces parmi les plus menacés en Europe (15). Portant sur la période 2001-2006, cette étude a révélé que la part des habitats et des espèces communautaires en bon état de conservation était faible sur le territoire national, qu’elle concernait ainsi un habitat sur six et une espèce sur cinq.

Votre Rapporteure estime que l’échec implicite de notre stratégie visant à stopper la dégradation de la biodiversité devrait être rendu explicite, en faisant peut-être de l’exposé des causes de cet échec autant d’exercices pédagogiques ; ce même échec devrait agir comme un aiguillon, comme une incitation à améliorer cette stratégie, car, comme le rappelait lors de son audition par la mission d’information M. Jacques Weber, économiste, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), il y urgence à agir, car « la dégradation de la biodiversité suit une progression non pas linéaire mais exponentielle, l’ensemble pouvant être comparé à un jeu de « Mikado », le retrait successif d’éléments pouvant, à un moment donné, amener à un écroulement de l’ensemble, sans qu’il soit possible d’effectuer des prévisions fiables relatives à la survenance d’un tel événement ».

Pourtant, au delà de ce bilan négatif, il semble que la première SNB ait eu un mérite, celui de sensibiliser l’administration à la problématique spécifique de la biodiversité dans une dynamique d’acculturation progressive et de meilleure prise en compte des enjeux. Auditionnés par la mission d’information, M. Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature, et Mme Odile Gauthier, directrice de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, ont partagé ce constat, en précisant qu’« en 10 ans, l’administration française en charge de l’environnement a changé de logique, en abandonnant la sémantique de la nature, au sens d’espaces naturels protégés, pour celle de la biodiversité, qui est infiniment plus riche, plus vaste et plus complexe, car prenant en compte les interactions entre différentes composantes des écosystèmes. Ce changement de terminologie est allé de pair avec une prise de conscience de la nécessité de préserver la variabilité du vivant, en agissant sur tous les leviers, y compris ceux liés au changement climatique. »

C.— LE PARADOXE : LA CONNAISSANCE DE LA BIODIVERSITÉ RESTE PARCELLAIRE ET INACHEVÉE, OR IL FAUT LA RECONQUÉRIR AVANT MÊME D’EN AVOIR ACHEVÉ L’INVENTAIRE

1. La connaissance de la biodiversité semble paradoxalement reculer avec les progrès de la science

Si la dégradation accélérée de la biodiversité fait désormais figure de constat partagé par tous les acteurs, sa connaissance scientifique reste parcellaire et inachevée.

Les premières tentatives de classification botanique et zoologique du monde vivant, que l’on n’appelle pas encore la taxonomie, remontent au XVIIIe siècle. En France une institution symbolise cette volonté du « Siècle des Lumières » de découvrir, décrire et répertorier le monde vivant, selon une méthode scientifique, le Muséum d’histoire naturelle, héritier du Jardin royal des plantes médicinales créé par édit royal de Louis XIII en 1635. Profondément marqué par l’action de Georges Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), le Muséum doit son existence à un décret de la Convention du 10 juin 1793, qui lui donne sa dénomination actuelle, répartit les enseignements en douze chaires professorales et confie l'administration de l'établissement à une assemblée de professeurs. Cette institution est sans doute restée, depuis lors, l’institution d’excellence en matière d’expertise scientifique du monde vivant, sous ses différentes formes.

Le premier inventaire du monde vivant, réalisé au XVIIIe siècle, a été progressivement enrichi par les naturalistes, au fur et à mesure des progrès de l’exploration de la planète, tout au long des XIXe et XXe siècles. Comme le soulignent les sénateurs Pierre Laffite et Claude Saunier dans leur rapport (16) effectué au nom de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, la progression quasiment linéaire de cet inventaire connaît pourtant un bouleversement dans les années 1970, lorsque la science prend conscience des progrès restant à accomplir en matière de connaissance de la biodiversité. MM. Laffite et Saunier précisent qu’une « rupture scientifique est intervenue à la fin des années 1970, lorsque le renouvellement des outils d’observation de la biodiversité a permis de s’apercevoir qu’un corpus de connaissance, qui était jugé presque définitif, était très incomplet : la diversité du vivant restait, pour l’essentiel, à découvrir. L’univers du vivant s’élargissait à l’infini. » Plusieurs facteurs ont, semble-t-il, permis cette rupture : les progrès de la biologie moléculaire, l’amélioration rapide des méthodes d’exploration, notamment sous-marines et l’émergence d’une nouvelle discipline, l’écologie.

La rupture observée s’est caractérisée par trois données essentielles :

– une réévaluation du nombre des espèces : si celui des vertébrés est relativement bien connu – 95 % de l’ensemble, grâce aux naturalistes du XIXe siècle –, comme celui des plantes, dont 350 000 auraient été répertoriées sur un total estimé à 450 000, celui des insectes l’est nettement moins (un million sur sept millions aurait été identifié), tout comme les champignons (une centaine de milliers sur un effectif estimé à près d’1,5 million d’espèces). De façon globale (mais cette approximation donne un ordre d’idée éclairant), on estime qu’avec 1,8 million d’espèces connues, 90 % d’entre elles restent à découvrir ;

– une augmentation du rythme de découverte des espèces, du fait notamment des grandes initiatives scientifiques internationales ; ainsi, le programme « Census of marine life » (Recensement de la vie marine), projet très ambitieux de réalisation d’un atlas de la biodiversité sous-marine, qui a associé, pendant 10 ans, 2 700 chercheurs et océanographes et dont la restitution a eu lieu en octobre 2010, a permis d’identifier près de 6 000 espèces inconnues, dont 1 200 ont déjà fait l’objet d’une description. L’IFREMER a par ailleurs participé à ce projet, en particulier par l’exploration et la découverte de la vie sur les marges continentales, dans les abysses et les écosystèmes chimiosynthétiques qui ont donné lieu entre autres à la découverte d’une galathée inconnue (kiwa hirsuta) ;

– une meilleure appréhension du monde bactérien : la biodiversité étant celle aussi des organismes non visibles à l’œil nu, les bactéries en font partie intégrante et, là encore, de nombreuses espèces restent à découvrir : près de 10 000 d’entre elles ont été identifiées, alors que leur nombre total se situe dans une fourchette comprise entre 600 000 et 6 milliards.

2. Cette situation est porteuse de nombreux défis, alors même que les outils nationaux de connaissance ne sont pas assez performants

Cette rupture impose une action d’autant plus vigoureuse en matière de recherche, que la connaissance de la biodiversité est aujourd’hui indispensable à la France, pour qu’elle puisse relever plusieurs défis.

Le premier d’entre eux est évidemment le défi de la crédibilité internationale, puisque, c’est bien à travers sa gestion de la connaissance en matière de biodiversité, que notre pays sera en mesure de remplir ses obligations internationales et européennes, s’agissant de l’évaluation de l’évolution de ses écosystèmes et qu’il apparaîtra comme un acteur crédible de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, vis-à-vis notamment des organisations non gouvernementales transnationales aussi bien que de l’opinion publique internationale.

Le second enjeu est un enjeu d’efficacité administrative : seule une connaissance validée et fine de la biodiversité permettra de concevoir et de mettre en œuvre des plans d’actions ministériels cohérents et efficaces dans la préservation des écosystèmes hexagonaux et ultramarins.

Un dernier enjeu est économique : c’est également par une gestion appropriée de la connaissance de sa biodiversité, que la France sera en mesure d’identifier les nouvelles filières économiques porteuses de la croissance « verte » de demain.

Au niveau national, il existe un outil de connaissance et de mutualisation, le Système d’information sur la nature et les paysages (SINP), créé par une circulaire du 11 juin 2007 (17). Ce système a pour particularité d’avoir été conçu de façon fédératrice et mutuelle, dans l’optique de favoriser la circulation des informations relatives à la biodiversité et aux paysages, sur la base de « portails » régionaux mis en place par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Le pilotage en est assuré par le ministère de l’écologie, sa coordination scientifique étant opérée par le Muséum national d’Histoire naturelle. L’objectif à terme est de permettre la production, à destination des élus, des entreprises, des gestionnaires et des citoyens, de données retraitées telles que des cartes, des indicateurs et des bilans. Le ministère a incité à l’adhésion au SINP en donnant accès aux organismes adhérents – comme les Agences de l’eau, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) – au SINP, ainsi qu’en leur offrant l’accès aux référentiels de l’Institut géographique national. Il a intensifié cette démarche de mutualisation des efforts financiers et techniques et des développements informatiques en créant un portail sur Internet consacré aux « outils naturalistes », assorti d’une « forge », espace de travail numérique sur Internet, tous deux gérés par l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN), Tela Botanica et le CEMAGREF.

Si cette démarche doit être saluée, elle est encore largement perfectible :

– du fait de l’insuffisance des moyens budgétaires qui lui sont alloués ; au cours de ses travaux, la mission d’information a appris que le ministère ne consacrait qu’un demi équivalent temps plein au SINP, ce qui est notoirement insuffisant et pourrait remettre en question son développement futur,

– en raison de l’absence d’articulation avec les projets de systèmes d’information relatifs à l’environnement mis en place au sein des collectivités territoriales (comme le Système d’information géographique et d’analyse de l’environnement du conseil régional du Nord Pas-de-Calais, ou le Système territorial d’études et de recherches naturalistes et écologiques ou STERNE du Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine).

Ce constat était d’ailleurs la conclusion d’un diagnostic commandé par le ministère de l’écologie au CEMAGREF au premier semestre 2010 (18). Ce rapport traduisait l’avis des différentes parties prenantes au SINP en concluant : « les difficultés exprimées pour la mise en place du SINP sont relativement unanimes : portage et lisibilité trop faibles, manque de moyens humains et difficultés techniques liées à l’utilisation de l’outil d’inventaire. »

L’une des critiques faites au système tel qu’il fonctionne actuellement, est aussi qu’il est conçu comme un outil de recensement des travaux menés sur le terrain et non pas, comme un instrument qui permettrait de dégager des priorités exploitables au sein de politiques publiques.

Il est souhaitable que ces « défauts de jeunesse » puissent rapidement être dépassés par la création de l’Observatoire national de la biodiversité (ONB), prévue par l’engagement n° 79 du Grenelle de l’environnement et traduite dans la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (« Grenelle I »), en son article 25, qui figure en annexe au présent rapport. Votre Rapporteure souligne l’urgence à accélérer sa mise en place, pour le moment une seule réunion de préfiguration ayant pu semble-t-il se tenir le 8 juin 2010.

En effet, cet observatoire s’appuiera notamment sur le SINP pour remplir sa mission, qui est d’organiser la concertation nationale, la traduction opérationnelle de la Stratégie nationale pour la biodiversité et la formulation de souhaits en matière de collecte et de gestion de la connaissance.

II.— LA NÉCESSITÉ DE CHANGER D’APPROCHE ET D’ARTICULER PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ REMARQUABLE ET EMBLÉMATIQUE ET PROTECTION ET VALORISATION
DE LA BIODIVERSITÉ DITE ORDINAIRE

A.— L’ÉVOLUTION ENGAGÉE DE LA CONSERVATION : DES ESPÈCES AUX MILIEUX ET L’ARTICULATION COMPLÉMENTAIRE DE LA SANCTUARISATION ET DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ ORIDINAIRE

1. La vision classique de la protection de la biodiversité remarquable

La première forme qu’a prise la protection de la nature a consisté à sanctuariser celle-ci avec la création, sur des sites exceptionnels, de parcs nationaux terrestres et maritimes. Actuellement au nombre de neuf situés essentiellement en zones de montagne, les parcs nationaux français participent de l’identité de notre pays, comme nos grands équipements culturels.

Après le parc de la Vanoise institué en 1963, ont été créés le parc de Port-Cros qui comporte un « volet » marin (1963), ceux des Pyrénées (1967), des Cévennes (1970), des Écrins (1973), du Mercantour (1979), de la Guadeloupe (1989), de La Réunion (2007) et le parc amazonien de la Guyane (2007).

Ces parcs nationaux, qui couvrent 49147 km2 représentant 8 % du territoire français, accueillent chaque année 7 millions de visiteurs et emploient 800 agents. La loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, actuellement applicable, a posé plusieurs exigences : un haut niveau de protection en cœur de parc, la recherche d’un développement durable en périmètre et une adhésion volontaire des communes, les élus étant associés à la gestion du parc lui-même.

Ainsi que l’indiquait devant la mission d’information M. Jean-Pierre Giran, président de Parcs nationaux de France, les « parcs nationaux permettent une observation fine, stable dans le temps depuis 1960 et naturelle – car non impactée par les activités anthropiques – de la biodiversité. », ce que nuançait Mme Céline Maurer, directrice adjointe du parc national de Port Cros, qui a estimé que « Les parcs nationaux disposent d’une organisation scientifique et technique pointue, ils ont accumulé des connaissances scientifiques précises sur les espèces présentes sur leur territoire et ont développé des champs d’expertise propres qui peuvent se révéler des mines d’informations scientifiques. En revanche, il n’existe pas de réelle collaboration avec les autres organismes scientifiques oeuvrant dans le champ de la biodiversité, en dehors du domaine de la sensibilisation du public. »

Il faut ajouter, que doit être prochainement mis en place un nouveau parc national, le parc national des Calanques. Son projet de charte vient d'être approuvé par le groupement d’intérêt public (GIP) des Calanques et est en cours d'examen au niveau des instances nationales compétentes, mais votre Rapporteure s'inquiète de ce que son ambition risque d'être revue à la baisse. Elle craint qu'une réduction non anodine de 13 % de la zone coeur de parc, avec notamment le retrait de l'archipel du Frioul, qu'une régression des mesures de protection en zone coeur marine qui ne comprendrait au final que 10 % de réserves de pêche, ne place pas ce nouveau parc en situation de répondre aux enjeux. Au niveau de la gouvernance, votre Rapporteure s'interroge sur le fait que la réglementation de la zone coeur de parc relèverait du Conseil d'Administration et non, comme toujours jusqu'ici, de la responsabilité du Directeur. Il est important que l'objectif d'augmentation des aires protégées affirmé à Nagoya et porté par le Grenelle ne coïncide pas avec une baisse d'exigence, c'est une mise en garde que votre Rapporteure entend ici lancer.

Le parc naturel marin d’Iroise a été créé, quant à lui, en France en 2008, le Grenelle de la mer ayant d’ailleurs fixé des objectifs ambitieux en matière de création de parcs naturels marins, huit autres parcs devant être créés d’ici à 2013. M. Thierry Canteri, directeur du parc naturel marin d’Iroise, a pu souligner devant la mission l’originalité de la gouvernance de cet établissement, qui associe, dans son conseil de gestion, toutes les parties prenantes dans la gestion de la protection de la mer.

Cette notion de parc naturel marin « à la française » a indiqué M. Jérôme Bignon, président de l’Agence des aires marines protégées, « est profondément novatrice, puisqu’elle allie la notion de préservation des espaces naturels concernés, ce qui est la dimension exclusive de ses homologues anglo-saxons, notamment nord-américains et la notion de développement d’activités économiques et touristiques. »

Si l’on ajoute aux parcs nationaux et au parc naturel marin d’Iroise, les 46 parcs naturels régionaux ainsi que les 164 réserves naturelles nationales, l’on perçoit que la préservation du vivant par la sanctuarisation d’espaces remarquables demeure un axe majeur de notre politique de protection de la biodiversité. Il nous faut mentionner également les onze conservatoires botaniques nationaux chargés de la mise en œuvre de différentes actions liées à la connaissance et la conservation des espèces de flore sauvage et des habitats naturels et semi-naturels.

Le Grenelle de l’environnement a prévu lui-même la création de nouvelles aires protégées, afin de placer au moins 2 % du territoire terrestre métropolitain sous protection forte d’ici à dix ans.

De la même façon, les États parties à la Convention de Rio ont retenu, sous l’impulsion de la France, à Nagoya en octobre 2010, un objectif, à horizon 2020, de 17 % de zones terrestres est de 10 % de zones maritimes et côtières devant faire l’objet d’une protection spécifique.

2. Une vision renouvelée, celle de la valorisation de la biodiversité dite ordinaire

Si elle n’est à juste titre pas remise en cause, la politique traditionnelle des aires protégées se complète par une nouvelle vision, celle d’une protection de la biodiversité « ordinaire ».

Lors de leur audition par la mission d’information, M. Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature et Mme Odile Gauthier, directrice de l’eau et de la biodiversité au Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ont clairement précisé ainsi : « En dix ans, l’administration française en charge de l’environnement a changé de logique, en abandonnant la sémantique de la nature, au sens d’espaces naturels protégés pour celle de la biodiversité, qui est infiniment plus riche, plus vaste et plus complexe, car prenant en compte les interactions entre différents composants d’écosystèmes. Ce changement de terminologie est allé de pair avec une prise de conscience de la nécessité de préserver la variabilité du vivant, en agissant sur tous les leviers, y compris ceux liés au changement climatique. »

Le rapport du « groupe 2 du Grenelle de l’environnement. Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » avait déjà analysé le changement de perspective de la politique de protection de la nature : « La nouveauté soulignée dans le préface de la réédition de 1992 de la Stratégie mondiale pour la conservation publiée sous l’égide de l’Union internationale pour la conservation de la nature et le Programme des Nations Unies pour l’environnement tient au fait que la conservation de la biodiversité ne se réduit plus à la protection des espèces sauvages dans les réserves naturelles, mais consiste aussi et principalement à sauvegarder les grands écosystèmes de la planète, appréhendés comme la base même et le support de notre développement. Il ne s’agit donc plus de geler une nature sauvage, maintenue dans son état primitif, à l’abri des interventions humaines. Au contraire, il faut préserver la capacité évolutive des processus écologiques. Cela implique d’harmoniser la préservation des réserves naturelles avec les zones exploitées par l’Homme dans une gestion variée du territoire. Cela suppose une gestion complexe d’espaces diversifiés. »

Et M. Florent Lamiot, chargé de mission Environnement au Conseil général du Nord-Pas-de-Calais estimait, de la même façon, devant la mission d’information que « le focus a été mis dans les années 80 sur les espaces et les espèces remarquables avec une lente inflexion dans les années 90 et une accélération dans les années 2000 de la prise en compte de la nature banale ou ordinaire, car chacun voit les hirondelles ou les abeilles disparaître … Il reste des pans entiers de la biodiversité méconnus et mal protégés (invertébrés du sol, plancton…), bien que fonctionnellement essentiels pour notre survie. »

Ces citations très explicites montrent clairement que c’est la biodiversité, c’est le vivant pris dans leur ensemble qui constituent désormais les références de toute politique visant à protéger la nature, car ce sont les espèces et les espaces, dans leur ensemble, qui constituent le support des services rendus par les écosystèmes.

Ce nouveau regard, qui consiste donc à ne plus seulement protéger des espèces et espaces remarquables, mais à chercher à conserver l’ensemble des ressources du vivant, en maintenant leurs capacités d’adaptation, a évidemment des implications fortes sur les espèces et sur les milieux de vie à prendre en compte, comme sur les politiques à conduire.

Les espèces à prendre en compte, dans une politique de conservation de la biodiversité en général, qui concerne donc aussi la biodiversité « ordinaire », seront certes, les espèces menacées, celles qui figurent sur la « liste rouge » établie et renouvelée chaque année par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la Nature (UICN) en lien avec le Muséum national d’Histoire naturelle, seront certes aussi les éléments de la biodiversité spectaculaire, tels que les baleines ou les pandas, mais aussi, par exemple :

– les espèces dites « banales » dont l’observation donne de précieuses indications sur l’état de la biodiversité, particulièrement en milieu urbain ;

– les espèces classées « nuisibles », telles que les mustélidés dont la réduction parfois très rapide des effectifs en fait paradoxalement des espèces à protéger.

Le nouveau regard sur la protection de la nature va concerner également les écosystèmes. Votre Rapporteure ne peut que citer à nouveau, sur ce point, les auteurs du rapport du « groupe 2 du Grenelle de l’environnement : « L’enjeu majeur auquel l’Humanité fait face est la sauvegarde des écosystèmes et de leurs services. Toute la biodiversité est concernée par cet enjeu, à commencer par la biodiversité ordinaire, celle de tous les jours, celle qui n’est pas nécessairement protégée. Les parcs et réserves, dont le rôle est essentiel, ne suffisent pas à cet objectif. Il faut aussi que les lieux de vie, d’activité, de transports restent viables pour la diversité biologique » ».

Les manifestations qu’a connues l’année 2010 « année de la biodiversité » ont bien montré, par exemple, la nécessité de conserver la diversité biologique dans un milieu précis, la ville. Celle-ci constitue désormais un écosystème essentiel pour de nombreuses espèces opportunistes, telles que les pipistrelles ou les faucons crécerellettes… Et le milieu urbain est confronté plus que d’autres à une problématique aiguë, celle de l’artificialisation des sols.

Rappelons que constitue une surface « artificialisée » toute surface retirée de son espace naturel (friche, zone humide …), forestier ou agricole, qu’elle soit bâtie ou non et revêtue (parking) ou non (jardin de pavillon). Le phénomène de l’artificialisation des sols constitue une entrave sérieuse au maintien de la biodiversité et votre Rapporteure proposera dans la partie III de ce document d’en réduire progressivement et résolument l’ampleur (point 10 des propositions de la mission d’information).

La prise en considération de l’ensemble des espèces et des milieux de vie constitutifs d’une « biodiversité ordinaire » suppose enfin la mobilisation de l’ensemble des politiques. La Stratégie nationale pour la biodiversité définie en 2004 et qui va connaître une nouvelle phase à compter de mai 2011 s’est incarnée ainsi, à compter de 2005, dans la conduite de dix plans d’action portant sur les divers secteurs d’activité (agriculture, transports, urbanisme, tourisme …). Ces différents plans d’action n’ont pas suffi à enrayer l’érosion de la biodiversité à l’horizon 2010, comme on l’a analysé précédemment. Mais ces différentes politiques publiques doivent impérativement connaître un nouvel élan et être conduites en cohérence. C’est le défi lancé à la nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité.

Les États parties à la Convention sur la diversité biologique de Rio ont bien fait ressortir ainsi, dans l’accord qu’ils ont formalisé à Nagoya en octobre 2010, la nécessité de conduire dans l’avenir des politiques cohérentes en matière de conservation des ressources du vivant. Il est particulièrement heureux, d’ailleurs, que l’on assiste, depuis plusieurs années, à une floraison de rapports et d’études publics consacrés aux politiques visant la biodiversité en général, le rapport de M. Chevassus-au-Louis sur « l’approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » (avril 2009), celui de MM. Michel Badré et Jean-Philippe Duranthon sur « L’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de l’environnement » (juillet 2010), en attendant celui que doit prochainement remettre M. Guillaume Sainteny sur « Les subventions publiques et les dépenses fiscales ayant un impact sur la biodiversité ».

On peut résumer l’ensemble de ce propos sur la prise en compte de la biodiversité ordinaire, en estimant que la nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité devra jouer sur tous les fronts, prévoir une meilleure gestion des activités, agricoles, forestières, de transport, touristiques… ayant un impact sur les écosystèmes et chercher profondément à atténuer les pressions que constituent le développement des villes et l’ensemble des aménagements.

La constitution d’une trame verte et bleue, élément clé de cette politique de la biodiversité ordinaire, est apparue comme une mesure essentielle du Grenelle de l’environnement, dont elle est devenue emblématique. Elle est profondément caractéristique de la nouvelle politique de préservation de la biodiversité.

La loi « Grenelle I » du 3 août 2009 l’a définie comme « un outil d’aménagement du territoire qui permettra de créer des continuités territoriales », cependant que la loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010, qui y consacre un chapitre dans son titre IV : Biodiversité, précise que « les trames verte et bleue ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines et notamment agricoles, en milieu rural ».

Le Grenelle de l’environnement a, de manière très constructive, cherché à créer un réseau écologique fortement connecté prenant en compte la destruction et la perturbation des habitats par des infrastructures, des usages agricoles intensifs et créant des corridors écologiques utiles à la biodiversité

La trame verte (grands ensembles naturels et corridors les reliant) et bleue (cours d’eau et masses d’eau) apparaît ainsi comme un instrument d’aménagement du territoire, qui prend en compte les besoins humains (en logements, en déplacements), mais aussi ceux des espèces animales et végétales et qui préserve un réseau écologique permettant la conservation de la biodiversité.

Cet instrument tient profondément compte des nouvelles exigences de protection de la biodiversité ordinaire, en permettant, par exemple, d’assurer la continuité des habitats pour les espèces animales donnant la possibilité à ces dernières de circuler.

La loi « Grenelle II » a prévu que l’État devait assurer la cohérence spatiale et méthodologique de l’ensemble, en animant la demande au niveau national et en assistant les collectivités locales, la mise en place du nouvel instrument devant s’opérer en concertation avec celles-ci et les acteurs de terrain.

A été retenu le principe de schémas régionaux de cohérence écologique co-élaborés par le préfet de région et le président du conseil régional. La réalisation de la trame verte et bleue s’appuie par ailleurs sur une concertation nationale et locale portée par un comité national et des comités régionaux de suivi rassemblant les acteurs concernés.

Il est essentiel de noter que la trame verte et bleue n’est pas opposable aux instruments d’aménagement qui doivent simplement la prendre en compte.

Le principe de la trame verte et bleue qui doit être mise en place en 2012 est donc significatif de ce souci nouveau de conservation de la biodiversité ordinaire.

Observons toutefois que sa mise en place soulève encore des incertitudes, qui conduisaient d’ailleurs M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF, à estimer, devant la mission d’information, que « des interrogations demeurent notamment sur l’absence d’expérimentation permettant de mener à bien sa réalisation et d’en mesurer les effets. Son impact, indiquait M. Genet, reste difficile à mesurer sur la biodiversité elle-même dans certains cas, elle peut conduire paradoxalement à sa dégradation, par exemple, en favorisant la circulation de prédateurs, ainsi que sur les activités économiques. »

Observons également que les collectivités territoriales elles-mêmes font souvent valoir qu’aucun moyen supplémentaire ne leur est accessible pour faire face aux engagements liés à la mise en place de ce nouvel instrument.

Observons enfin que les concertations conduites au titre des schémas régionaux de cohérence écologique sont certes en cours, mais l’objectif d’une finalisation intégrale d’ici à 2012 pourra-t-il être tenu ?

B.— LA VALORISATION ÉCONOMIQUE DE LA BIODIVERSITÉ ET SES FONCTIONNALITÉS

L’idée de donner une valeur économique aux services rendus par les écosystèmes, pour sauvegarder efficacement la richesse de la biodiversité semble s’être largement imposée au cours des dernières années.

En 1967 déjà, l’économiste américain John Krutilla faisait valoir l’intérêt d’un recours à des analyses et à des évaluations économiques, pour légitimer les actions de protection de la biodiversité. Il rappelait que les ressources naturelles n’étaient pas illimitées et que les services rendus par les écosystèmes seraient très difficiles à reproduire artificiellement.

En 1997, une étude conduite pour le compte du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) par un autre économiste américain Robert Costanza évaluait à 33 268 milliards de dollars la valeur annuelle des services rendus à l’Humanité par la nature.

Un rapport publié en 2009 par M. Jean-Michel Salles, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et M. Bernard Vaissière, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), a pu chiffrer, quant à lui, l’apport des insectes pollinisateurs à 153 milliards d’euros, un niveau qui correspond à 9,5 % de la valeur de la production alimentaire mondiale.

Et M. Bernard Chevassus-au-Louis, directeur de recherche à l’INRA et auteur du rapport du Centre d’analyse stratégique « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » publié en avril 2009 a souligné, devant la mission d’information, l’importance d’une mesure économique du vivant. Il a pu, en agrégeant les différents services rendus par les écosystèmes, évaluer ainsi, à titre d’exemple, à 970 euros par hectare et par an la valeur moyenne des services rendus par les forêts dans les régions tempérées du globe, avec une fourchette comprise entre 500 et 2 000 euros par hectare et par an, selon la fréquentation et le mode de gestion de l’écosystème. M. Chevassus-au-Louis évaluait, par ailleurs, à 600 euros par an la valeur de l’hectare de prairie permanente, du fait de son rôle dans le stockage de carbone. Le rapport de M. Chevassus-au-Louis a également étudié les coûts d’opérations de restauration, liés, par exemple, à une annulation pure et simple de l’ensemble des services écosystémiques dans un espace donné, par exemple, en cas de réalisation d’un parc de stationnement automobile. Les valeurs de référence étaient alors beaucoup plus élevées, de l’ordre de 32 000 euros par hectare dans le cas de zones forestières tempérées.

L’économiste indien Pavan Sukhdev, dans un rapport établi au terme de trois années de travaux, en préalable à la 10ème Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique tenue à Nagoya en octobre 2010, insistait, de la même façon, sur la nécessité d’évaluer le coût de l’érosion de la biodiversité « Cette nouvelle approche, indiquait-il, peut ouvrir une nouvelle ère, dans laquelle la valeur des services de la nature est rendue visible et devient une composante explicite du processus de décision dans le monde politique comme dans le monde des affaires. » Il évaluait, quant à lui, la valeur des services rendus par la nature à 23 500 milliards d’euros par an, soit la moitié du PIB de la planète.

Il est de fait, que le chiffre d’affaires de certains secteurs de l’économie est fortement lié à la biodiversité. C’est ainsi qu’aux États-Unis, près de 50 % des médicaments les plus commercialisés sont issus directement de la biodiversité. M. Guillaume Sainteny a pu estimer que, toujours aux États-Unis, la « pêche récréative représente 37 milliards de dollars et un million d’emplois. » M. Sainteny indiquait également que « la valeur d’usage des récifs coralliens dans l’Outre-mer français varie entre 5 000 et 10 000 euros par hectare et par an. »

Ces différentes études, que votre Rapporteure a souhaité énumérer montrent bien le double intérêt qui pourrait s’attacher à une mesure économique du vivant :

– alors qu’un trop grand nombre de décisions sont prises aujourd’hui en fonction de critères étroitement financiers, l’intégration des services rendus par la nature dans l’économie pourrait fonder, légitimer un nouveau type de décisions, s’appuyant sur des données économiques, beaucoup plus favorables à la conservation de la biodiversité ;

– la monétarisation des services rendus par les écosystèmes faciliterait la mise en œuvre d’actions de compensation, en cas d’atteinte impossible à éviter à la biodiversité. Lors de son audition par la mission d’information, M. Jean-Claude Lefeuvre, professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), estimait ainsi « Il faut évoluer vers un système où les utilisateurs de services rendus par les écosystèmes les paient à la collectivité, en ayant à l’esprit une philosophie générale de prise en compte des projets d’aménagement, quels qu’ils soient, qui se résume à trois verbes : éviter, réduire, compenser. »

Le fait de donner une valeur économique à la nature se heurte, il est vrai, à de très sérieuses limites.

Il ne peut être question, tout d’abord, de fixer un prix, pour chacune des espèces, de leur attribuer une valeur marchande ; dans les écosystèmes, toutes les espèces sont en interaction ; c’est ainsi, la prise en compte des services écosystémiques seule, qui peut donner éventuellement une valeur aux ressources du vivant.

Il est ensuite très difficile, par principe, de donner un prix à la nature. M. Michel Echaubard, secrétaire général de la Société nationale de la protection de la nature (SNPN) entendu par la mission d’information estimait ainsi que « L’approche économique de la biodiversité peut faire perdre de vue le caractère unique de chaque espèce, induisant l’impossibilité d’en fixer le prix, à l’instar des chefs d’œuvre de l’art ».

Mme Laure Fournier, responsable des programmes biodiversité de la Fondation Total, précisait, de la même façon, que « la monétarisation des services écosystémiques peut se révéler une démarche dangereuse, dans la mesure où elle peut donner à penser que tous ces services pris individuellement peuvent être évalués et, le cas échéant, remplacés par une compensation financière. Or, certains d’entre eux (la fourniture de l’air, de l’eau, du rayonnement solaire) sont tout simplement vitaux pour l’avenir de notre planète et ne peuvent, à ce titre, pas faire l’objet d’une évaluation économique. »

D’une façon générale, le fait d’aborder la biodiversité sous l’angle de services rendus peut parfois conduire à une sous-estimation de sa valeur profonde. En outre, de nombreux services, tels que ceux que rendent les forêts, ne peuvent être actuellement reproduits technologiquement ; d’autres services rendus par la nature sont encore inconnus ou méconnus et ne peuvent ainsi faire l’objet d’un chiffrage.

Votre Rapporteure mesure ainsi les limites, les écueils d’une monétarisation systématique des services rendus par la nature. Défendrons-nous vraiment et efficacement celle-ci avec des valeurs monétaires ? Une démarche plus modeste ne serait-elle pas plus réaliste, plus constructive ? La conclusion du rapport présentée en 2009 au Conseil d’analyse stratégique par M. Bernard Chevassus-au-Louis « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » ne doit-elle pas plutôt guider notre réflexion : « Renoncer à donner des valeurs, mais concevoir des méthodes de calcul des coûts de maintenance ou de restauration de la disponibilité des services écologiques » ?

Pour autant, votre Rapporteure estime qu’une évaluation économique des ressources du vivant demeure, selon des modalités à préciser, une voie de progrès essentielle. Comme l’indiquait Mme Chantal Jouanno, alors secrétaire d’État à l’écologie le 12 octobre 2010 : « La biodiversité est considérée comme un sujet annexe, une affaire de petites fleurs et d’oiseaux. Nous avons besoin d’évaluations économiques pour être pris au sérieux. Nous devons montrer que la perte de biodiversité met en péril le système économique et social dans son ensemble. Et, au-delà des intuitions, il faut pouvoir chiffrer cette assertion. C’est la mission qu’a relevée Pavan Sukhdev. L’objectif de cet économiste indien est d’évaluer les services rendus par la biodiversité. D’après ses premières analyses, les pertes en biodiversité, si elles ne sont pas enrayées, pourraient coûter 7 % du PIB mondial en 2050 ».

L’évaluation économique de la nature, avec donc les limites que l’on a rappelées, est essentielle surtout pour donner corps aux dispositions législatives organisant des compensations, en cas d’atteinte à l’environnement. Elle l’est tout simplement pour évaluer les coûts et les bénéfices d’un projet pouvant affecter la biodiversité.

Tel est le cas avec la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, qui dispose, dans son article 2, que les travaux et projets d’aménagement entrepris par une collectivité publique doivent respecter « les préoccupations d’environnement », et que ceux « susceptibles de porter atteinte au milieu naturel doivent faire l’objet « d’une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences », cette étude devant comporter entre autres « les mesures envisagées pour supprimer, réduire, et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement. (article 2) » Ces principes fondateurs ont connu une applicabilité assez faible, notamment en raison du fait que l’administration s’est concentrée sur les projets d’infrastructures les plus lourds, négligeant, sans doute faute de moyens, les projets de moindre importance – comme la mise en place de ronds-points ou d’aires de stationnement automobile – ne faisant pas l’objet d’une étude attentive et étant surtout dispensés d’études d’impact.

La loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, qui transposait la directive européenne 2004-35/CE a donné ensuite un nouvel élan à l’application de ces principes. Elle dispose en effet : « Les mesures de réparation des dommages affectant les eaux et les espèces et habitats mentionnés aux 2° et 3° du I de l'article L. 161-1 visent à rétablir ces ressources naturelles et leurs services écologiques dans leur état initial et à éliminer tout risque d'atteinte grave à la santé humaine. L'état initial désigne l'état des ressources naturelles et des services écologiques au moment du dommage, qui aurait existé si le dommage environnemental n'était pas survenu, estimé à l'aide des meilleures informations disponibles. La réparation primaire désigne toute mesure par laquelle les ressources naturelles et leurs services visés au premier alinéa retournent à leur état initial ou s'en approchent. La possibilité d'une réparation par régénération naturelle doit être envisagée.

« Lorsque la réparation primaire n'aboutit pas à ce retour à l'état initial ou à un état s'en approchant, des mesures de réparation complémentaire doivent être mises en œuvre, afin de fournir un niveau de ressources naturelles ou de services comparable à celui qui aurait été fourni si le site avait été rétabli dans son état initial. Elles peuvent être mises en œuvre sur un autre site, dont le choix doit tenir compte des intérêts des populations concernées par le dommage. Des mesures de réparation compensatoire doivent compenser les pertes intermédiaires de ressources naturelles ou de services survenant entre le dommage et la date à laquelle la réparation primaire ou complémentaire a produit son effet. Elles peuvent être mises en œuvre sur un autre site et ne peuvent se traduire par une compensation financière. »

Ces dispositions législatives ont donc privilégié la réparation – dite primaire – des dommages causés à la biodiversité, en vue de la restaurer dans son état initial, par rapport à la réparation dite « complémentaire », c’est-à-dire fournissant un niveau de services écosystémiques de substitution équivalents à ceux qui ont été détruits par le dommage, qui ne doit être mise en œuvre qu’à défaut. La loi du 1er août 2008 a introduit un élément supplémentaire, une réparation compensatoire, pouvant être mise en œuvre sur un autre site. Ceci a ouvert la voie à la naissance d’un véritable marché de la compensation, qui n’est en France, contrairement aux États-Unis par exemple, qu’à l’état embryonnaire.

En effet, seul un opérateur, la Caisse des dépôts et consignations, via sa filiale CDC Biodiversité, propose déjà des services en la matière. Lancée en février 2008 et gérée par la Société forestière, CDC Biodiversité a été dotée d’un capital de 15 millions d’euros qui lui permet de « produire » de la biodiversité – via des acquisitions foncières d’espaces naturels et notamment forestiers qu’elle gère ou fait gérer par des opérateurs agréés par l’État – et de la commercialiser auprès d’opérateurs contraints de compenser les pertes de biodiversité que leur activité a causées ou est susceptible de causer. L’unité de cette compensation est appelée « unité de biodiversité ». Ces unités constituent en réalité, comme l’indique le rapport précité du groupe de travail présidé par M. Bernard Chevassus-au-Louis (19) une conversion à la fois de l’espace et de la gestion considérés « en unités de comptes spatio-temporelles appelées « unités de biodiversité » (la gestion « écologique », pendant 30 ans de 100 hectares correspondant à l’habitat de telle espèce représentera, par exemple, 50 unités de biodiversité). » Sa première opération d’importance a été de racheter, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, sur le site de Cossure, un ancien verger industriel de 357 hectares situé au coeur de la Crau sèche, qui représentait un point de rupture dans la continuité de la Réserve Naturelle des Coussouls de Crau. Après les avoir acquis, en septembre 2008, CDC Biodiversité a engagé une opération de réhabilitation visant à restaurer une végétation steppique rase favorable à la présence, la nidification et l'hivernage d'espèces animales patrimoniales de la Crau sèche, à faciliter la reconstitution des cortèges végétaux composés d'espèces sauvages communes en Crau sèche, également à gérer la végétation restaurée par pâturage et, enfin, à réaliser un suivi scientifique régulier, en relation avec la réserve naturelle des Coussouls de Crau. L’analyse économique du site « Natura 2000 » (20) implanté dans cette zone, sur la base sur la comparaison coûts/avantages, a donné les résultats suivants :

Coûts

Bénéfices

Objet

Évaluation

(en €/ha/an)

Objet

Évaluation

(en €/ha/an)

financement du programme

36

bénéfices directs pour agriculteurs

25

pertes de revenus du fait de la restriction d’usage du site

24

bénéfices sociaux pour les riverains

66

   

bénéfices sociaux pour les autres communes

116

Total

60

 

207

Rapports coûts/avantages

 

147

 

L’analyse coût / avantages fait donc ressortir un bénéfice net positif de 147 euros par hectare et par an de la réalisation de l’espace « Natura 2000 » qui s’apparente à un investissement de la collectivité dans la préservation de la biodiversité qui répond à une demande sociale de nature.

Votre Rapporteure, qui a auditionné le Président de CDC Biodiversité, estime ce marché prometteur et les expériences menées sur le territoire national intéressantes.

Il paraît évidemment souhaitable que les efforts d’évaluation économique du vivant soient poursuivis, afin d’aboutir au calcul d’unités de compte pouvant faire l’objet de mécanismes d’échange et de compensation.

Avant que soit mis en place un marché dans ce domaine, votre Rapporteure estime qu’une évaluation économique de la biodiversité, en dépit de ses limites que l’on a rappelées, reste en toute hypothèse utile, car elle présente ce grand intérêt de permettre une meilleure prise en compte des réalités environnementales par les décideurs politiques et économiques.

Le communiqué conjoint diffusé en octobre 2010 avant la Conférence de Nagoya par plusieurs organismes regroupant des responsables d’entreprises, le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, l’Institut Inspire et l’association Orée pourrait résumer, d’une certaine façon, notre point de vue sur ce thème de la monétarisation des services rendus par les écosystèmes : « Si des instruments de marché peuvent aider à la protection du vivant, pourquoi s’en priver ? Si la préservation de la biodiversité et la restauration du capital naturel sont financièrement rentables, tant mieux. Mais, par nature et parce qu’il précède toute activité économique, le vivant a une valeur supérieure, une valeur pour ce qu’il est, en tant que tel, indépendamment de toute transaction ou plus-value potentielle. En clair et, pour tenter une formule simplificatrice, c’est le marché qu’il faut faire entrer dans le vivant et non le vivant qu’il faut faire entrer dans le marché ».

Pour votre Rapporteure, le fait que l’on procède à une évaluation monétaire de la nature ne signifie pas que l’on « marchandise » nécessairement celle-ci ; mais le risque existe que se crée un marché comportant de multiples dérives et phénomènes de spéculation, ce qui impose très clairement une régulation, un encadrement de ce phénomène.

Telles sont les quelques suggestions de la mission d’information sur ce thème de réflexion très actuel de la valorisation économique de la biodiversité.

DEUXIÈME PARTIE

LA STRUCTURATION DES OPÉRATEURS ET DES ACTEURS DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION
DE LA BIODIVERSITÉ ET SON OPTIMISATION

I.— LA POLITIQUE DE CONSERVATION ET DE RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ DISPOSE D’UN FOISONNEMENT D’OUTILS ET MOBILISE DE MULTIPLES ACTEURS

Votre Rapporteure souhaite rappeler les principaux cadres internationaux, communautaires, législatifs qui enserrent notre politique de préservation du vivant et présenter ensuite ces acteurs de la biodiversité que sont les multiples opérateurs publics ainsi que les différents acteurs de terrain.

A.— LA MULTIPLICITÉ DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX ET EUROPÉENS

— La politique de protection de la nature et de la biodiversité en France s’est construite notamment à travers notre adhésion à plusieurs grandes conventions multilatérales :

– la première Convention internationale portant sur la protection des espèces est sans doute celle qui a été consacrée aux oiseaux vivant à l’état sauvage, la Convention internationale sur la protection des oiseaux sauvages pendant leur reproduction et leur migration, conclue à Paris le 18 octobre 1950 et entrée en vigueur en 1963 ;

– la Convention de Ramsar signée en 1971 sous l’égide de l’UNESCO concernait les zones humides, où la diversité biologique est considérable ;

– la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (CITES), conclue à Washington le 3 mars 1973, applicable en France depuis le 11 mai 1978, a eu pour objectif de veiller, à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent. La convention CITES limite ainsi les mouvements internationaux, commerciaux ou non aux seuls spécimens accompagnés de documents certifiant que leur prélèvement est compatible avec la survie de l’espèce végétale ou animale concernée. La Convention CITES, qui comporte aujourd’hui 175 parties, confère une protection à 34 000 espèces sauvages (des plantes et des animaux vivants, mais aussi des produits dérivés, tels que des articles en cuir exotique, des objets en bois…).

Les États membres de l’Union européenne n’appliquent pas la Convention CITES en tant que telle, cette Convention n’étant qu’un cadre que chaque partie doit respecter, mais des règlements communautaires en harmonisent l’application sur l’ensemble du territoire de l’Union ;

– la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage signée en 1979 et à laquelle la France a adhéré en 1990 concerne la protection des populations ou parties de populations animales terrestres et aquatiques qui franchissent les frontières nationales cycliquement et de façon prévisible.

La Convention de Bonn distingue les espèces migratrices en danger d’extinction, pour lesquelles tout prélèvement est interdit et celles dont l’état de conservation est défavorable, pour lesquelles des mesures de gestion doivent être mises en œuvre ;

– la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe a été conclue sous l’égide du Conseil de l’Europe le 19 septembre 1979 et ratifiée par la France en 1990. Les pays signataires se sont engagés à conduire des politiques de conservation de la faune et de la flore sauvage ainsi que des habitats naturels : sont interdites la cueillette, la coupe de certaines plantes sauvages, dont la Convention donne une liste, ainsi que la capture ou la perturbation de la faune sauvage et la détérioration de ses sites de reproduction ou de ses aires de repos. Les États signataires doivent prendre les mesures législatives et réglementaires appropriées ;

– la Convention sur la diversité biologique (CDB) conclue à Rio de Janeiro en juin 1992 est la première convention internationale consacrée spécifiquement à la diversité biologique. Ratifiée par la France en 1994 et réunissant 193 États, elle a, pour la première fois, reconnu la valeur intrinsèque de la biodiversité, proclamant la nécessité de sa conservation, de son utilisation durable et d’un partage juste et équitable des avantages tirés des ressources génétiques.

Les États parties à la Convention de Rio se sont réunis en « Conférence des parties » (COP) ensuite toutes les deux années environ. C’est à l’occasion de la « COP 10 » tenue à Nagoya en octobre 2010, qu’ont été retenus 20 objectifs à l’horizon 2020 pour la protection de la biodiversité, touchant notamment la protection des zones naturelles, qu’a été conclu aussi le protocole sur l’accès aux ressources génétiques, qui vise un partage juste et équitable des avantages découlant de ces ressources dont votre Rapporteure suggère d’accélérer la signature par la France (cf. proposition n° 3). Ce protocole impose un consentement préalable des populations autochtones traditionnellement utilisatrices de ces ressources, qui font évidemment l’objet d’une exploitation souvent lucrative dans les pays développés.

Ajoutons à cela la création décidée le 21 décembre 2010 par l’Assemblée générale des Nations Unies de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) depuis longtemps réclamée par la France. Cette nouvelle instance doit, à l’instar du groupe intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) pour les questions du réchauffement du climat, constituer l’interface entre les connaissances scientifiques et les décisions politiques sur les enjeux de la biodiversité. Comme le rappelaient nos collègues Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier dans leur rapport sur la mise en application de la loi dite « Grenelle I » (21), cette création était l’aboutissement d’une négociation longue de cinq ans, suivie avec attention par toute la communauté scientifique : « Dès 2005, la France avait en effet soutenu ce projet de création d’un mécanisme international d’expertise scientifique mettant ses bases de données à la disposition des gouvernements et organisations multilatérales. Appuyé par l’Union européenne puis par l’Union africaine, le projet avait néanmoins été freiné par les réticences de plusieurs pays du Sud, qui craignaient de perdre leur libre arbitre en matière de gestion du patrimoine naturel au profit du Nord, et celles des États-Unis, dont l’administration a refusé pendant plusieurs années le principe même de la création d’une nouvelle institution onusienne. Il aura fallu trois rencontres intergouvernementales et la conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique à Nagoya (18-19 octobre 2010), pour que soit validé le projet de création de la plate-forme (22). ».

Les divers engagements internationaux, s’ils nécessitent très souvent l’intervention d’une réglementation nationale pour leur mise en œuvre concrète, structurent ainsi très largement notre politique de protection de la biodiversité.

— Il en va de même pour la politique européenne bâtie sur plusieurs grandes directives communautaires.

– la directive 79/409/CEE dite « directive Oiseaux » du 2 avril 1979 a tout d’abord pour objet de promouvoir la protection et la gestion des populations d’espèces d’oiseaux sauvages en Europe, qui subissent un grand nombre de menaces et de pressions diverses.

Elle prévoit la mise en place de zones de protections spéciale (ZPS). Avec les zones spéciales de conservation (ZSC) prévues par la directive « Habitats » que l’on examinera ci-dessous, ces sites forment le réseau écologique « Natura 2000 ».

Pour un certain nombre d’oiseaux visés par la directive, est interdite la destruction des individus, des œufs et des habitats.

Chaque État membre transmet tous les trois ans un rapport d’application à la Commission européenne, sur la base de l’état des lieux initial.

– la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de faune et de flore sauvages dite « directive Habitats » a pris place, quant à elle, dans le quatrième programme d’action communautaire en matière d’environnement (1987-1992). Elle a visé à promouvoir la protection et la gestion des espaces naturels et des espèces de faune et de flore à valeur patrimoniale présents dans les États membres.

La « directive Habitats » s’appuie sur un réseau cohérent de sites protégés, le réseau « Natura 2000 ».

La directive prévoit le recensement et la gestion de « sites d’intérêt communautaire », qui participent à la préservation d’habitats et d’une ou de plus plusieurs espèces de faune et de flore d’intérêt communautaire.

Ces sites sont réunis au sein du réseau « Natura 2000 », qui rassemble des zones spéciales de conservation ainsi que des zones de protection spéciale, définies par la directive 79/409/CEE « Oiseaux » précitée.

Les États membres ont la responsabilité d’empêcher, sur les zones spéciales de conservation, au moyen de mesures réglementaires ou contractuelles, la détérioration des habitats.

– la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (dite « directive cadre stratégie pour le milieu marin ») fixe enfin les principes communs sur la base desquels les États membres doivent élaborer leurs propres stratégies en collaboration avec les autres États et les États tiers, afin d’atteindre un « bon état écologique » dans les eaux marines dont ils sont responsables.

B.— LES AVANCÉES DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

Les membres de la mission d’information n’ont pas entendu procéder à un examen de thèmes et de questions liés à la biodiversité abordés, par ailleurs, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qui a su, en réunissant des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des associations, des syndicats et des entreprises, définir pour notre pays une sorte de « feuille de route » en matière de développement et d’aménagement durables.

Votre Rapporteure rappelle simplement que la préservation de la biodiversité a inspiré d’abord un rapport établi par un groupe de travail, présidé par le sénateur Jean-François Legrand et rassemblant 40 membres répartis en 5 collèges, le « Groupe 2 du Grenelle », auquel le présent rapport emprunte certaines de ses analyses et de ses conclusions.

Le Parlement s’est ensuite largement consacré au cours des dernières années à cette démarche novatrice du Grenelle de l’environnement, adoptant deux grands textes législatifs :

– la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, « de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement », la loi « Grenelle I » ;

– la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, « portant engagement national pour l’environnement », ou loi « Grenelle II », qui concrétisait les principes posés dans la loi précitée.

Les dispositions consacrées à la biodiversité par la loi « Grenelle I », dispositions qui ont marqué des avancées très importantes, figurent en annexe du présent rapport.

Votre Rapporteure rappellera ainsi très brièvement les principales de ces avancées, contenues dans les articles 23 à 26 du « Grenelle I » et dans le titre IV du « Grenelle II ». Ont été ainsi prévues principalement :

– la constitution, d’ici à 2012, d’une trame verte et bleue, permettant la préservation et la remise en bon état, des milieux nécessaires aux continuités écologiques, cette mise en place devant se faire en association avec les collectivités territoriales et en concertation avec les acteurs de terrain dans un cadre cohérent garanti par l’État ;

– la mise en œuvre de mesures de protection et de réparation des milieux et espaces naturels et éventuellement de compensation des dommages causés à ceux-ci ;

– la mise en œuvre d’une stratégie nationale de création d’aires protégées terrestres permettant de placer sous protection, d’ici à dix ans, 2 % au moins du territoire terrestre métropolitain, ainsi que la création d’aires marines protégées, afin de couvrir 10 % des eaux placées sous la souveraineté de l’État, d’ici à 2012 en métropole et à 2015 dans les départements d’outre-mer ;

– la mise en œuvre de plans de conservation ou de restauration pour 131 espèces végétales et animales en danger critique d’extinction en France métropolitaine et outre-mer et de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, terrestres et marines, afin de prévenir leur installation et leur extension ;

– des actions visant à rendre l’agriculture durable, en maîtrisant les produits phytosanitaires et en développant l’agriculture biologique, à mieux inventorier la biodiversité et à analyser son érosion, à acquérir des zones humides, à mettre en place un observatoire de la biodiversité, à soutenir la formation et la recherche en sciences de la nature et enfin à mieux évaluer et valoriser les services rendus par la biodiversité à la collectivité et aux acteurs socio-économiques.

Il a été prévu également que la part de financement de l’État pour la mise en œuvre de ces diverses orientations serait portée progressivement de 190 à 300 millions d’euros par an d’ici à 2013.

Si les axes retenus dans le Grenelle II n’ont pas toujours confirmé les principes novateurs posés dans le Grenelle I, le Grenelle de l’environnement aura marqué des avancées décisives, par les concertations et les décisions partagées qu’il a rendu possibles, par les mesures aussi, évidemment à confirmer, qu’il a su poser et qui, toutes, sont marquées de ce souci d’enrayer la perte de la biodiversité qui inspire aussi votre Rapporteure.

C.— LA DIVERSITÉ DES OPÉRATEURS PUBLICS

1. Un constat : un empilement d’organismes qui nuit à la lisibilité de leur action

Les organismes financés ou agréés par l’État, qui participent à la préservation de la biodiversité sont particulièrement nombreux : 45 (dont 21 établissements publics administratifs), auxquels il faut ajouter 45 parcs naturels régionaux, 164 réserves naturelles nationales, 160 réserves naturelles régionales, 21 conservatoires régionaux des espaces naturels et 8 conservatoires départementaux. La liste de ces organismes est d’ailleurs plus longue, puisqu’il faut ajouter tous ceux qui gèrent, pour le compte de l’État, les espaces naturels sensibles dans les départements, en bénéficiant du produit de la taxe départementale pour les espaces naturels sensibles (TDENS). Ce foisonnement, lié à l’histoire de notre pays, est une particularité française, puisque les études conduites sur la gouvernance de la biodiversité (23) montrent que, dans la plupart des pays industrialisés, en Europe ou sur d’autres continents, une ou deux agences au niveau national pilotent la politique de préservation de la biodiversité.

La diversité des régimes juridiques de ces organismes constitue un élément supplémentaire de complexité du pilotage de la politique de reconquête de la biodiversité. Abstraction faite des organismes gérant au plan départemental des espaces naturels sensibles, on dénombre, en effet, parmi ces organismes :

– 28 établissements publics, les établissements publics à caractère administratifs (au nombre de 21), étant largement majoritaires par rapport aux établissements publics scientifiques, culturels et professionnels (4) et aux établissements publics à caractère industriel et commercial (3),

– 9 personnes morales aux statuts très divers,

– 2 associations, qui, elles-mêmes, regroupent plusieurs associations,

– 2 groupements d’intérêt public (GIP),

– 2 réseaux d’experts qui ne disposent pas de la personnalité morale,

– un service du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEEDDTL), à savoir l’Institut de formation à l’environnement (IFORE), créé par un arrêté interministériel du 9 juillet 2001, qui intervient dans le champ de la formation,

– une fondation.

principaux organismes intervenant dans le domaine de la biodiversité (*)

Catégorie juridique

Dénomination

21 établissements publics administratifs dont 3 créés en 2006 et 1 en 2010

Ÿ 9 parcs nationaux

Ÿ 6 agences de l’eau

Ÿ Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

Ÿ Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)

Ÿ Inventaire forestier national

Ÿ Parcs nationaux de France (PNF)

Ÿ Agence pour les aires marines protégées (AAMP)

Ÿ Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA)

Ÿ Gestion de l’eau et de la biodiversité dans le Marais poitevin

9 personnes morales à statuts divers

Ÿ Conservatoires botaniques nationaux

3 établissements publics industriels et commerciaux

Ÿ Domaine national de Chambord

Ÿ Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)

Ÿ Office national des forêts (ONF)

1 service à compétence nationale

Ÿ Institut de formation de l’environnement

2 réseaux d’experts sans personnalité juridique

Ÿ Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens

Ÿ Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats

4 établissements publics scientifiques, culturels et professionnels

Ÿ Muséum national d’Histoire naturelle

Ÿ INRA

Ÿ CEMAGREF

Ÿ CNRS

2 groupements d’intérêt public

Ÿ Atelier technique des espaces naturels

Ÿ ECOFOR

1 fondation

Ÿ Fondation recherche pour la biodiversité

2 associations

Ÿ Réserve naturelle de France

Ÿ Fédération des conservatoires d’espaces naturels

(*) Source : Véronique Gervasoni « Gouvernance et biodiversité », étude comparative du comité français de l’UICN, Paris 2008 et Direction de l’eau et de la biodiversité du MEEDDM, actualisée par les auteurs du rapport de mission sur l’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature, juillet 2010 (n° 007182-01).

2. De la « biodiversité » des statuts et des missions

La diversité des statuts juridiques, des missions, du nombre de salariés (exprimés en équivalent temps-plein, ETP), permet de se rendre compte du véritable foisonnement – une véritable « biodiversité administrative » – des organismes. Du point de vue de la taille, cohabitent l’Office national des forêts, ONF, qui emploie près de 10 220 agents, et le groupement d’intérêt public (GIP) Atelier technique des espaces naturels (ATEN), qui n’en emploie que moins d’une trentaine…

Le statut des personnels est un important élément de différenciation. Si l’on ne prend en compte que les établissements publics placés sous la tutelle du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, 75 % des agents – soit 3 601 agents – bénéficient du statut de la fonction publique, 25 % étant des contractuels. Mais, cette proportion de fonctionnaires – qui appartiennent, dans leur grande majorité, à la fonction publique d’État, plus rarement aux fonctions publique territoriale ou hospitalière – est très variable en fonction des organismes : de 37 % dans le cas du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, qui emploie 116 agents, à 83 % dans le cas de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui emploie 1 619 agents. Pour les agents contractuels, un autre élément d’hétérogénéité est constitué par l’absence d’un cadre commun d’emploi, à l’exception de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et de l’ONCFS qui sont en voie d’adopter celui des agences de l’eau.

3. Une situation rendue encore plus complexe par un zonage qui s’apparente à un véritable maquis

En plus des organismes précités, certaines parties du territoire national constituent des zones protégées et sont gérées par d’autres opérateurs, également dans le giron de l’État : il s’agit des 575 sites du Conservatoire du littoral, des 670 zones sous arrêtés de conservation de biotope, des 2 600 sites inscrits, des 4 800 sites classés, des 1 700 zones Natura 2000, mais aussi des réserves biologiques intégrales, des réserves de chasse, des réserves de biosphère, des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF (24)), dont l’inventaire n’est d’ailleurs pas terminé et, il faut le préciser, a mobilisé des opérateurs non institutionnels, les associations, sans lesquelles une telle entreprise n'aurait jamais pu s'engager. Sur l’ensemble du territoire national, en effet, ont été identifiées pour l’instant près de 15 000 ZNIEFF, dont 1 921 de type II, regroupant les grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes, et 12 921 de type I, qui regroupent les secteurs de grand intérêt biologique ou écologique. Dans leur rapport sur la mise en application de la loi dite « Grenelle I » (25), nos collègues ont indiqué que la modernisation de l’inventaire des ZNIEFF, décidée en 1996 soit quatorze ans après la création du dispositif, semblait en bonne voie : « Les services du ministère chargé de l’écologie ont confirmé à vos rapporteurs que les exigences de la loi de programmation se trouvent satisfaites, la validation des ZNIEFF se faisant en continu depuis 2010. Ils leur ont également indiqué que les inventaires des ZNIEFF terrestres de 2e génération et des ZNIEFF marines se poursuivront jusqu’en 2012. » Une même portion de territoire peut faire partie de plusieurs de ces zones de protection, cette juxtaposition étant à elle seule un élément de complication supplémentaire. L’inventaire des différents espaces naturels et de leurs particularités figure en annexe au présent rapport.

La multiplicité des acteurs, comme celle des zones de protection qui souvent se superposent, rendent l’action de l’État insuffisamment lisible pour nos concitoyens et nuisent incontestablement à son efficacité.

D.— LE RÔLE ESSENTIEL DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DES AUTRES ACTEURS DE TERRAIN

1. Les collectivités locales : des acteurs de terrain dont le rôle mériterait d’être mieux reconnu et valorisé

– Des compétences qui se sont étoffées avec le temps

Les collectivités locales dont les compétences en matière de protection de la nature se sont étoffées avec le temps, jouent un rôle essentiel sur le terrain en matière de maîtrise foncière, de connaissance, mais aussi de gestion de la biodiversité.

Ainsi que le précise tout d’abord la Directive nationale d’orientation (DNO) pour les politiques de l’écologie et du développement durable du ministère de l’écologie, en date du 11 juillet 2006, « les régions constituent l’échelon le plus pertinent pour appréhender les enjeux environnementaux des territoires », qu’il s’agisse d’impulsion, de coordination de politique infra-régionale, mais aussi de mise en place opérationnelle. Les conseils régionaux peuvent prendre, en vue de mettre en valeur leurs grands espaces ruraux, l’initiative de créer des parcs naturels régionaux (PNR), dont ils assurent l’essentiel du financement et font adopter la charte par l’ensemble des collectivités et acteurs concernés. Les conseils régionaux peuvent également créer des réserves naturelles régionales (RNR). Enfin, ils sont parties prenantes dans la définition et la réalisation des contrats de projets État-régions, dont la préservation de l’environnement constitue une dimension essentielle. Les régions disposent également d’instances spécifiques dédiées à la préservation de la nature et notamment, les conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), qui peuvent réaliser, en liaison avec les départements concernés, des inventaires des patrimoines paysagers régionaux.

Les départements, quant à eux, disposent d’outils et de compétences spécifiques, au premier rang desquels se placent les Espaces naturels sensibles (ENS). Ils doivent, pour l’exercice de leurs autres compétences en matière de biodiversité, travailler en collaboration avec l’État, les régions et les communes.

Les communes ainsi que les intercommunalités – seules les communautés urbaines possèdent une compétence obligatoire en matière de « protection et de mise en valeur de l’environnement » – ont des compétences elles aussi importantes en matière de préservation de biodiversité. Les communes gèrent notamment les services publics de proximité, qui peuvent avoir un lien direct avec la préservation de la biodiversité. Elles prennent en compte la nécessité de cette préservation, en définissant le contenu des documents d’urbanisme, notamment les zonages dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), les projets d’aménagement et de développement durables (PADD) et l’évaluation environnementale des incidences. Les intercommunalités peuvent participer à l’élaboration des documents d’objectifs (DOCOB) « Natura 2000 », mais elles ont également la faculté de s’investir, par la voie de la contractualisation, dans la gestion d’espaces naturels protégés, de réserves nationales ou d’espaces naturels sensibles (ENS). « Les Agendas 21 » constituent les supports les plus répandus des politiques locales de préservation de la biodiversité, ces supports pouvant prendre des formes extrêmement diverses (chartes pour l’environnement et le développement durable, d’écologie urbaine, plans biodiversités, plan paysages trame verte, schémas directeurs verts).

Votre Rapporteure émet par ailleurs le souhait qu'en application d'un système d'évaluation des politiques communales de conservation de la biodiversité, un label distinctif puisse être décerné aux communes à l'action volontaire et exemplaire dans ce domaine. Ce label pourrait d'ailleurs être matérialisé par une signalétique sur les panneaux d’entrées et de sorties de ville, à l'instar du dispositif en vigueur pour les villes et villages fleuris.

Si chaque collectivité dispose d’outils différenciés en matière de lutte contre l’érosion de la biodiversité, ce sont essentiellement les outils fonciers qui font des collectivités territoriales « des acteurs essentiels du développement durable » (26).

– Des outils fonciers à la visibilité moindre que ceux de l’État, mais qui assurent un maillage dense du territoire en espaces naturels

Les collectivités locales ont mis au point des outils d’acquisition foncière et ce, à chaque échelon territorial, l’échelon départemental étant manifestement le plus adapté, en raison notamment d’un outil fiscal performant, la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS).

Au niveau régional, les acquisitions foncières sont généralement réalisées par les établissements publics fonciers (EPF) ou par les agences des espaces verts. Les établissements publics fonciers ont le statut d’établissements publics à caractère industriel et commercial.

Au niveau départemental, les conseils généraux disposent d’une compétence, qui leur a été attribuée par la loi n° 85-279 du 18 juillet 1985, d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de préservation et de valorisation des espaces naturels sensibles (ENS). Ces espaces représentent 170 000 hectares et le juge administratif les a définis comme devant « être constitués par des zones dont le caractère naturel est menacé et rendu vulnérable, actuellement ou potentiellement, soit en raison de la pression urbaine ou du développement des activités économiques et de loisirs, soit en raison d'un intérêt particulier, eu égard à la qualité du site ou aux caractéristiques des espèces animales ou végétales qui s'y trouvent » (27).

Cette politique passe par la définition de zones de préemption, au sein desquelles les conseils généraux disposent d’un droit de priorité sur toute vente volontaire de terrain. Peut être instituée – en réalité tous les départements s’en sont dotés – une taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS) perçue par les communes et dont le produit – de l’ordre de 135 millions d’euros par an – peut être utilisé pour l’acquisition, l’aménagement et l’entretien d’espaces naturels sensibles (ENS). Comme le rappelaient fort justement nos collègues Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier dans leur rapport sur la mise en application de la loi dite « Grenelle I » (28), les départements peuvent également désormais, en vertu des dispositions de l’article L. 371-5 du code de l’environnement, mobiliser le produit de la TDENS dans le cadre de la trame verte et bleue. En effet, cet article prévoit cette faculté pour tous les travaux contribuant à la remise en bon état des continuités écologiques sur la trame vert bleue d’un schéma régional de cohérence écologique adopté, dans le cadre de missions autres que celles d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Cette taxe, qui constitue une spécificité départementale, aucun autre niveau de collectivité ne disposant d’outil similaire, porte, au taux maximal de 2 % sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments et sur certains aménagements soumis au permis d'aménager ou à la déclaration préalable.

Les départements disposent également d’autres outils fonciers en vue de préserver des espaces : ils peuvent réaliser des acquisitions simples – comme l’a fait le conseil général du Val d’Oise pour acquérir des terrains boisés dans les années 1970 – en dehors du recours à l’outil de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles. Ils ont également la possibilité de créer des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, dans les conditions prévues par le décret n° 2006-821 du 7 juillet 2006. Ils peuvent, au sein de ces périmètres, exercer un droit de préemption sur des espaces menacés par l’artificialisation, les acquérir et élaborer un programme d’action précisant les aménagements et les orientations de gestion destinées à favoriser, entre autres, la préservation et la valorisation des espaces naturels et des paysages. Le département du Rhône a, par exemple, initié une démarche volontariste de protection des espaces naturels et agricoles périurbains, dite « PENAP », dans une zone géographique – les environs de l’agglomération lyonnaise – où se pose de façon très vive le problème de l’étalement urbain. Cette politique a pris comme point de départ un diagnostic départemental très alarmant (cf. encadré ci-après).

Diagnostic départemental Rhône 2005 – Chiffres clés

• Le département perd chaque année 10 km2 d’espaces naturels et agricoles et environ 250 exploitations agricoles.

• La surface agricole utile (SAU) a baissé de 8,4 % de 1988 à 2000 (-5 % en région, -2,6 % en national).

• La pression urbaine menace directement :

– les terres agricoles à forte valeur ajoutée (65 % des zones d’appellation d’origine contrôlée (AOC) viticoles, 53 % des terres d’aptitude culturale élevée et 76 % de terres de bonne aptitude, 97 % des surfaces irrigables) ;

– les espaces à forte biodiversité (68 % des espaces naturels sensibles, 50 % des zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF).

Sur la base du diagnostic stratégique élaboré par l’Agence d’urbanisme, une première phase de concertation menée en 2007 a permis de valider « l’enveloppe verte », non urbanisable au SCOT, et de faire émerger un consensus local sur la cartographie des secteurs agricoles et naturels justifiant la mise en place de périmètres de protection. L’année 2009 a été dédiée à l’élaboration des programmes d’actions et à la délimitation des périmètres de protection (travail en cours), déclinaisons opérationnelles des objectifs de valorisation arrêtés en 2008, en accord avec le SCOT. La concertation a pris place au sein des groupes territoriaux, sous la présidence du département. La procédure réglementaire d’adoption des programmes d’actions et des périmètres interviendra en 2010.

Source : Observatoire Départemental, Direction agriculture et environnement, novembre 2009.

Les communes, lorsqu’elles sont dotées d’un Plan local d’urbanisme (PLU) approuvé ont la faculté, par délibération, d’instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones d’urbanisation futures délimitées par ledit PLU, ainsi que sur tout ou partie de leur territoire compris dans un plan de sauvegarde et de mise en valeur. S’ils ont reçu des communes les composant une délégation de compétences, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peuvent faire de même. Les communes et les EPCI titulaires du droit de préemption urbain disposent également du droit de priorité sur tout projet de cession d’un immeuble ou d’une partie d’un immeuble appartenant à l’État et situé dans leur ressort en vue de réaliser, dans l’intérêt général, des actions ou opérations en faveur de la protection de la nature ou pour constituer des réserves foncières. Compte tenu cependant des moyens limités des petites communes, et comme le souligne le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans son étude « Biodiversité et collectivités » (29), il paraît important « que les collectivités d’échelon supérieur accompagnent les communes et intercommunalités dans la mise en place de stratégies foncières de protection du patrimoine naturel, ne se limitant pas à la mise en protection mais au contraire incitant à la valorisation de la ressource comme un atout du territoire. »

– Ces différents outils se doublent d’un investissement du champ de la connaissance de la biodiversité, sans lequel aucune politique nationale n’aurait de sens

La connaissance de la biodiversité serait forcément incomplète, si elle ne se faisait à partir de son observation sur le terrain, au plus près de la réalité. Pour cela, les observatoires de la biodiversité se sont affirmés comme les outils les plus efficaces, d’une part pour permettre la mutualisation et la mise en cohérence des connaissances propres à un espace géographique, d’autre part pour créer un réseau d’échanges pérenne entre acteurs concernés par la préservation et la reconquête de la biodiversité. Cette démarche a par ailleurs été reprise :

– au niveau communautaire par le Comité des Régions d’Europe qui a invité, lors de sa séance plénière du 18 juin 2009 (30), « à la mise en place d’un important « Observatoire de la Biodiversité » (…) alimenté par des observatoires à des échelles nationales, régionales et autres niveaux infranationaux »,

– au niveau national, puisque la création de l’Observatoire national de la biodiversité était inscrite à l’article 25 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 (31), qui prévoit que cet organisme mettra « à la disposition du public une information actualisée » ; cet organisme a notamment pour mission de fournir des indicateurs de biodiversité à l’échelon national, développés dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité.

Les observatoires régionaux de la biodiversité sont, pour certains de création relativement ancienne, puisque, dans la région Alsace, la mise en place de l’Office des données naturalistes d’Alsace (ODONAT) remonte à 1995. La création de cet organisme est due à une initiative commune d’Alsace Nature, du Conservatoire des sites alsaciens, de la LOP-Alsace et du groupe d’études pour la protection des mammifères d’Alsace. Cet exemple montre que, dès l’origine, des observatoires n’ont pu naître que grâce à un partenariat entre l’État, les collectivités territoriales et les associations de protection de l’environnement et que ce partenariat a pu prendre diverses formes. Il peut s’agir d’une émanation pure et simple des collectivités régionales elles-mêmes, comme c’est le cas en Bourgogne, en Poitou-Charentes, en Bourgogne ou en Île-de-France. Un observatoire peut avoir été créé grâce à l’initiative des services déconcentrés de l’État, qui en sont dans ce cas les « chefs de file ». Il peut également associer dans un même projet et une même réalisation à la fois un service déconcentré de l’État et une collectivité régionale. C’est le cas en Bretagne, où la création en 2007 de l’Observatoire régional du patrimoine naturel a réuni la DIREN et le conseil régional dans le groupement d’intérêt public (GIP) intitulé « Bretagne environnement ». Financièrement, les observatoires régionaux de la biodiversité sont soutenus à la fois par l’État et les collectivités locales associés dans les contrats de projets État-Régions pour la période 2007-2013.

Les observatoires départementaux de la biodiversité – qui servent parfois d’expérimentation pour les collectivités régionales – sont de création plus récente que les observatoires régionaux. Mais leur progression est rapide ; ils existent déjà en Isère, en Seine-et-Marne (où le département a innové en associant à sa démarche de création d’un atlas dynamique de la biodiversité, le laboratoire « Dynamiques sociales et recomposition des espaces ou LADYSS », qui est une UMR pluridisciplinaire sous la tutelle de Paris l’Université 10), en Haute-Savoie, en Gironde et en Seine-Saint-Denis.

Dans ce dernier département, l’Observatoire départemental de la biodiversité urbaine (ODBU) fonctionne depuis le 12 avril 2005 et associe un comité scientifique, présidé par le Professeur Robert Barbault, du Muséum national d’Histoire naturelle, qui regroupe 11 experts, un Comité de suivi technique, présidé par la vice-présidente du Conseil général, qui regroupe 80 membres, ouvert aux professionnels tels que les gestionnaires de sites, les associations naturalistes, les organismes scientifiques, les aménageurs et les opérateurs du territoire et enfin, une structure coordinatrice, gérée par le « Bureau recherches et développement » de la Direction des espaces verts du Conseil général de la Seine-Saint-Denis. Cet observatoire est à la fois un centre de ressources, un espace d’échanges d’expériences, un outil d’aide à la décision, en matière d’aménagement du territoire et un centre de valorisation. Il diffuse des synthèses d’études scientifiques, mais aussi des conseils de gestion, ainsi que des appels à observation, par exemple, sur la présence de l’écureuil roux. Ce mode participatif, faisant des citoyens non seulement des cibles de l’information relative à la biodiversité dans leur environnement quotidien, mais surtout des acteurs et des producteurs de cette information par nature locale, paraît prometteur.

L’échelon communal est sans doute l’échelon territorial stratégique en matière de connaissance de la biodiversité. Il a fait l’objet de deux initiatives distinctes :

– la plus récente est le lancement d’atlas communaux de la biodiversité, qui sont des inventaires naturalistes faunistiques et floristiques, mis en œuvre sur la base du volontariat par les municipalités, avec l'aide d'associations naturalistes ou de professionnels (botanistes, écologues, ornithologues, mycologues, entomologistes...), selon une méthode et un protocole définis par le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) et divers partenaires du ministère en charge de l'Écologie et du Développement durable dans un esprit de science citoyenne et de travail collaboratif. Votre Rapporteure y est particulièrement sensible et acquise du fait qu'elle avait proposé, sans succès, par voie d'amendements, d'intégrer à la loi Grenelle II une obligation d'inventaire communal de la biodiversité du territoire et des friches industrielles à partir d'un certain seuil de population ;

– antérieurement avait été mis au point, par l’ancien Observatoire de la biodiversité, le « Portrait de la Biodiversité dans les Communes » (ou « Portrait de la Biodiversité Communale »), document réalisé par ledit Observatoire pour chaque commune, regroupant les connaissances publiques disponibles et mobilisables à l'échelle nationale en matière de biodiversité (état, évolutions passées) ou ayant un impact sur la biodiversité (habitats, qualité des milieux naturels, espaces protégés, pressions, risques) concernant la commune.

La première est incontestablement la plus prometteuse, en ce qu’elle devrait servir d’appui à un mouvement de sensibilisation du grand public en général et du public d’âge scolaire en particulier. Elle pourrait s’avérer, en effet, être un outil idéal pour associer, de façon active et dynamique, les élèves de l’enseignement primaire et secondaire ainsi que leurs enseignants à la production d’informations faunistiques et floristiques, mais également sur l’état des sols et du sous-sol, ainsi que, plus généralement, sur la biodiversité au sein de laquelle vivent ces jeunes.

2. L’action des autres acteurs de terrain : agriculteurs, associations de protection de l’environnement, naturalistes bénévoles et entreprises

– Les agriculteurs : une mutation engagée vers un mode de production plus respectueux de la biodiversité, mais qui demande à être accélérée

L’agriculture intensive, telle qu’elle s’est imposée dans les années 1950 en France comme dans la plupart des pays occidentaux, a permis un formidable essor de la production agricole, à la hauteur de l’augmentation des besoins alimentaires due au « baby-boom », ainsi qu’une hausse très importante des rendements à l’hectare. La monoculture (blé, maïs) est devenue une norme, le corollaire en étant une utilisation massive de produits traitants, sur des parcelles à la surface de plus en plus grande et entre lesquelles les barrières naturelles (haies vives, pierriers) ont progressivement disparu.

Ce modèle agricole a depuis longtemps atteint ses limites. Comme l’indiquait M. Michel Griffon, directeur adjoint à l’Agence nationale de la recherche (ANR), lors de son audition par la mission d’information, « dans les pays développés, l’agriculture va également être confrontée à des phénomènes structurels remettant en cause son modèle intensif traditionnel : hausse des prix des engrais azotés, rareté des ressources de phosphate, acceptation de plus en plus difficile par l’opinion publique des molécules phytosanitaires ». Cette remise en cause s’accompagne, au plan mondial – les 9 milliards d’être humains qu’il faudra nourrir en 2050 – mais aussi, dans une moindre mesure, au plan national, compte tenu de la vitalité de notre démographie, d’un nouveau défi lié à l’accroissement démographique qui, précisait M. Griffon, « constitue le principal défi à l’horizon 2050, car seule l’agriculture est en mesure d’y répondre et que son intensification passe nécessairement par un appauvrissement de la biodiversité, notamment des sols, ce qui a des conséquences très négatives (baisse des capacités de minéralisation des sols, diminution des éléments nécessaires à la nourriture des plantes, raréfaction des espèces d’insectes). » Cette nouvelle donne impose donc la recherche de solutions permettant de conjuguer augmentation de la production et meilleur respect de l’environnement.

Cette recherche a déjà commencé au sein du monde agricole dans la ligne retenue notamment dans le « plan d’action agriculture » de la Stratégie nationale de la biodiversité retenu en 2005 et révisé en 2009.

L’agriculture biologique, tout d’abord, apparaît comme une voie d’avenir, mais ne représente qu’une petite partie de la surface agricole utile (SAU), puisque les surfaces cultivées en « bio » ne s'élevaient, fin 2009, qu’à 670 000 hectares, soit 2,6 % de cette surface (ce chiffre s’élevant à 6 % dans deux régions, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur). Tous secteurs confondus, on compte aujourd’hui 16 440 exploitants agricoles qui cultivent des parcelles « bio », soit 3,2 % des exploitations françaises. Lancé en 2007, le plan « Agriculture biologique : horizon 2012 » a visé à tripler les surfaces cultivées en « bio », pour les porter à 6 % de la surface agricole utile en 2012 ; repris dans le Grenelle de l'environnement, cet objectif semble pourtant par trop ambitieux.

La recherche d’une agriculture moins intensive passe aussi à la fois par des mesures incitatives, telles que les mesures agro-environnementales (MAO) de la Politique agricole commune (PAC), ou le plan « Ecophyto 2018 » retenu dans le Grenelle de l’environnement, qui vise à réduire de 50 % en dix ans le volume de produits phytosanitaires utilisés par le secteur ; elle passe aussi par de nouvelles pratiques comme la « jachère à vocation environnementale », les « parcelles-refuges » ou les « techniques sans labour ».

Cette exigence a été bien résumée par M. Xavier Leroux, directeur de la Fondation de la recherche pour la biodiversité qui estimait très clairement, devant la mission, « l’un des grands enjeux de la reconquête de la biodiversité reste la mutation de notre système de production agricole et, notamment, la baisse de l’intensification des cultures ».

Toutes ces mesures incitatives doivent s’accompagner d’une meilleure connaissance de la biodiversité en milieu agricole. Il est d’ailleurs paradoxal, que celle-ci souffre d’un déficit de connaissance, de la part du milieu scientifique, mais peut-être aussi, des professions agricoles elles-mêmes. Aussi, faut-il saluer les initiatives qui permettent d’associer les agriculteurs eux-mêmes à l’acquisition, dans une démarche « proactive », de connaissances sur la biodiversité agricole, où celle-ci n’est plus vue comme une intrusion dans un environnement quotidien, mais plutôt comme un moyen de valoriser le rôle de l’agriculteur, à la fois producteur et « vigie » de l’évolution de la biodiversité. L’on doit saluer ainsi les initiatives de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, qui s’est associée au Muséum national d’Histoire naturelle et au Ministère de l’agriculture dans un projet d’Observatoire de la biodiversité en milieu agricole. Après une étude de faisabilité conduite en 2009, une première action sur le terrain a été mise en place en 2010 – un inventaire des papillons, vers de terre et carabes –, cette action ayant été mise en œuvre par les agriculteurs de huit chambres départementales d’agriculture, pour un coût global de 75 000 euros.

La modification des pratiques culturales semble la voie la plus efficace à suivre pour orienter l’appareil productif vers un modèle agricole respectant la biodiversité, en premier lieu celle des sols. Or, il semble que cette évolution ne soit pas assez soutenue par la recherche et par l’enseignement agricole. Auditionné par la mission d’information, M. Joseph Ménard, membre de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Président de la Chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine, précisait que « cette évolution doit être favorisée par une réorientation de la recherche – et donc des activités de l’INRA – visant à réintégrer la parcelle dans l’écosystème dans lequel elle s’insère, ainsi qu’à proposer aux agriculteurs des solutions pratiques leur permettant d’améliorer l’impact environnemental de leur activité. » M. Ménard faisait également valoir que la formation des jeunes agriculteurs devait être repensée dans cette nouvelle optique et prônait une « réorientation de la formation initiale dans les lycées agricoles – qui se sont regroupés dans une initiative dénommée « BiodivEA », c’est-à-dire « biodiversité dans les exploitations agricoles » – notamment, encore trop marquée par le productivisme de l’agriculture des « trente glorieuses ». Les échanges entre BTS « production agricole » et « protection de l’environnement », lorsqu’ils sont mis en place, donnent lieu dans cette optique à un dialogue extrêmement fécond. »

Cette action en faveur de la formation initiale doit également s’accompagner d’une réflexion sur la politique foncière dans les espaces non urbanisés. Les dispositions de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche constituent incontestablement une avancée sur ce point. Comme l’indiquait M. Emmanuel de Guillebon, directeur-adjoint à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes : « s’agissant des pratiques agricoles, déterminantes pour la reconquête de la biodiversité, la mise au point des plans régionaux d’agriculture durable (PRAD) – qui pour la première fois ne seront pas de la responsabilité des chambres d’agriculture – constituera un moyen sans doute efficace de faire évoluer ces pratiques dans un sens plus respectueux de l’environnement. » Ces PRAD prévus à l’article 51 de la loi devront être des documents stratégiques définissant des orientations régionales dans des domaines très larges : pratiques et systèmes de culture, développement des filières de production, de transformation et de commercialisation, développement des productions bénéficiant d’un mode de valorisation de la qualité et de l’origine, modalités de protection et de mise en valeur des terres agricoles, gestion des ressources naturelles et développement des sources d’énergie d’origine agricole. La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche comporte également des dispositions spécifiquement foncières, relatives à la consommation d’espaces ruraux et agricoles, qui seront étudiées dans le cadre des propositions faites par la mission d’information (cf. infra, III).

La mutation vers un modèle agricole différent, plus respectueux de la biodiversité et moins intensif, passe aussi par la mise en place progressive d’une « écologie des paysages », qui implique une action volontariste (replantation des zones hautes, couverture des zones de réception des eaux pluviales) en matière d’aménagement. Comme l’indiquait M. Michel Griffon, directeur adjoint à l’Agence nationale de la recherche (ANR), cette action doit s’accompagner d’ « un effort de recherche, afin de mieux comprendre le fonctionnement de cette écologie (régulation de l’eau, séquestration du CO2, interactions entre espèces) ». La réorientation de la recherche semble bien être le corollaire nécessaire de l’accélération de la mutation en cours au sein du monde agricole.

Pour votre Rapporteure, la recherche ne s’est d’ailleurs probablement pas suffisamment penchée sur un modèle de développement agricole « écologiquement intensif », qui impliquerait notamment une utilisation du couvert végétal, afin de régénérer les sols et de la taxonomie, c'est-à-dire de la description et la classification des insectes permettant d’utiliser une espèce contre une autre. Ce modèle permettrait de passer d’une dégradation des écosystèmes à ce que les scientifiques nomment leur « aggradation », c’est-à-dire à un état caractérisé par le recouvrement de toutes leurs potentialités, notamment de résilience. Ce qui constitue sans doute une carence de la recherche scientifique a été relevé par plusieurs personnalités auditionnées par la mission d’information. Ainsi, M. Robert Barbault, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, membre du groupe de travail « Biodiversité » de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (Allenvi), affirmait que « l’une des faiblesses de la recherche dans le domaine de la biodiversité réside dans l’absence d’intégration des problématiques agricoles. En effet, aucune étude scientifique sérieuse n’a été consacrée aux pratiques culturales différentes de l’agriculture intensive, et, par exemple, aux effets en matière de rendement, de qualité des sols et du milieu environnant de l’agriculture « écologiquement intensive ». L’ouvrage publié par l’IRD sur « Les agricultures singulières » (32) illustre bien la diversité des pratiques agricoles humaines, que ce soit dans les déserts ou les marécages, sur les terres d’altitude ou au milieu des océans, ainsi que la capacité de l’homme à adapter ses pratiques agricoles aux terres les plus inhospitalières. »

Il faut ajouter enfin, comme l’indiquait M. Jean-Pierre Poly, directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), que « les moyens publics consacrés à la préservation de la biodiversité peuvent pâtir de l’absence de dialogue entre certains organismes de tutelle, notamment entre le ministère de l’agriculture et le ministère de l’écologie, le premier étant le seul à pouvoir faire évoluer les pratiques agricoles, et le second ayant la responsabilité des espèces et des espaces remarquables. »

– Les associations de protection de l’environnement

Si elles ont paru longtemps tenues à l’écart de la réflexion alimentant les politiques publiques, les associations de protection de l’environnement se sont progressivement imposées comme des interlocuteurs majeurs de l’État dans le domaine de la protection de l’environnement et donc de la conservation et de la reconquête de la biodiversité. Dans un récent rapport d’information « relatif à la gouvernance et au financement des associations et des fondations pour la protection de la nature et de l’environnement » (33), la commission du développement durable insistait sur le fait que le Grenelle de l’environnement a, là encore, constitué un véritable tournant. Ces associations et fondations de protection de la nature se sont, en effet, trouvées profondément intégrées au processus décisionnel public et notamment aux travaux préparatoires à la décision et sont devenues des acteurs majeurs du débat environnemental.

L’article 249 de la loi portant engagement national pour l’environnement  – devenu l’article L. 141-3 du code de l’environnement – établit ainsi la liste des organisations non gouvernementales qui peuvent être sollicitées dans le cadre d’une consultation préalable à la prise de décision : associations œuvrant exclusivement pour la protection de l’environnement, associations regroupant les usagers de la nature ou chargées par le législateur d’une mission de service public de gestion des ressources piscicoles, faunistiques, floristiques ou de protection des milieux naturels, associations œuvrant pour l’éducation à l’environnement ou encore fondations reconnues d’utilité publique ayant pour objet principal la protection de l’environnement ou l’éducation à l’environnement.

Même si cette intégration à la réflexion préalable à la décision publique est récente, l’État a depuis longtemps confié à des associations des missions de service public de gestion d’un milieu naturel ou d’une espèce. C’est le cas notamment de la Société nationale de protection de la nature (SNPN), dont les caractéristiques en font une véritable société savante, qui gère notamment la réserve nationale de Camargue ou de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui gère la réserve naturelle des Sept-Îles, dans le département des Côtes d’Armor. Cette mission de conservation de la biodiversité extraordinaire, au sein d’espaces naturels protégés, a conforté l’image responsable et positive de ces associations dans l’opinion et leur a permis de développer une compétence en matière de génie écologique au sein de ces espaces et qui devrait sans doute être mieux valorisée.

Les associations de protection de l’environnement jouent également un rôle important, en matière de préservation et de reconquête de la biodiversité, notamment dans le domaine de la sensibilisation du grand public, mais aussi des décideurs, des élus comme des syndicats. Elles contribuent de façon efficace à la prise en compte des différents enjeux de la biodiversité, grâce notamment à une bonne maîtrise des outils modernes de communication (les réseaux sociaux, Twitter…) et à une image valorisante, notamment auprès du grand public. Le caractère stratégique de cette action avait d’ailleurs été relevé, lors de son audition par la mission d’information, par M. Jacques Weber, économiste, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement CIRAD). Celui-ci affirmait notamment que « la sensibilisation des jeunes aux enjeux de la biodiversité, dans un cadre extra-scolaire, est un enjeu fondamental. À ce titre, l’action d’associations comme « Les petits débrouillards (34) » (220 salariés permanents, 22 représentations en région) est emblématique. »

Les associations de protection de la nature et de l'environnement amènent également, dans le cadre de partenariats et conventions, les entreprises à s'engager à un plus grand respect et une meilleure prise en compte de la biodiversité dans l'exercice de leurs activités. À cet égard, leur rôle de levier est tout à fait efficace.

– Les naturalistes bénévoles

Les travaux de la mission d’information l’ont amenée à constater que le système d’information sur la biodiversité repose, pour une très grande partie, sur l’action sur le terrain de naturalistes bénévoles. Ceux-ci, qui accomplissent cette tâche avec énergie et conviction et dont l’action est naturellement irremplaçable pour le suivi des populations d’oiseaux, de papillons, de chauves-souris, ont un statut – ou bien plutôt une absence de statut – qui n’est pas sans poser de réels problèmes. Comme l’indiquait M. Robert Barbault, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle devant la mission d’information, « dans une perspective où les enjeux liés à la biodiversité sont de mieux en mieux pris en compte, il est primordial que la société consente à une augmentation des moyens qui leur sont consacrés. Il n’est par exemple pas satisfaisant, que la collecte d’informations sur le terrain, notamment dans le cadre de la réalisation d’inventaires, repose pour l’essentiel sur l’action de naturalistes amateurs et bénévoles. »

Ce statut des naturalistes bénévoles semble poser, en effet, les problèmes suivants, qui constituent autant de handicaps dans la mise en œuvre d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité :

– les champs de la connaissance en matière de biodiversité sont inégalement couverts : la botanique – mais c’est également le cas de l’ornithologie – est incontestablement le domaine le plus exhaustivement couvert, grâce au réseau des Conservatoires botaniques nationaux (CBN), qui font l’objet d’un agrément par le ministère en charge de l’Écologie après avis de la Commission des Conservatoires botaniques nationaux et qui sont regroupés dans une fédération créée par arrêté du 7 juin 1999 ; en revanche, certains champs ne font l’objet d’aucune collecte ou que de collectes partielles et épisodiques : c’est le cas, par exemple, des champignons, dont on sait que seule une minorité d’espèces a pu être inventoriée ;

– certains naturalistes amateurs bénévoles qui oeuvrent sur un territoire donné pourraient avoir tendance à se considérer comme les « propriétaires » de leurs observations et se montrer réticents à les intégrer dans des ensembles plus importants (atlas communaux de la biodiversité, observatoires départementaux et régionaux de la biodiversité), mais on observe davantage le fait que les données collectées par les naturalistes ou associatifs sont publiés puis ensuite récupérés par des bureaux d'études qui les marchandent aux collectivités, ce qui d'un point de vue éthique est problématique ;

– les données collectées le sont parfois en fonction de logiques locales et se prêtent mal à une intégration dans un inventaire plus vaste, dont la responsabilité incombe au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) ; comme l’indiquait, lors de son audition par la mission, M. Michel Echaubard, secrétaire général de la Société nationale de protection de la nature (SNPN) : « se pose par ailleurs la question de l’exploitation des inventaires réalisés par les naturalistes, et des données collectées à l’occasion de ces inventaires. L’une des carences actuelles réside, en effet, dans l’absence d’homogénéité de ces données et leur compatibilité souvent incertaine avec les bases de données existantes (…) » ;

– bien souvent, les naturalistes bénévoles sont vus négativement, car ils exercent localement une « fonction tribunicienne » de défenseurs – parfois véhéments – de la nature auprès des différentes autorités locales – préfets, services de l’État, entreprises, élus – qui ont eu tendance à confondre le « sachant » et le « revendiquant » ; ils sont souvent encore les correspondants locaux des associations de protection de l’environnement, que certaines personnalités auditionnées par la mission ont pu critiquer. Ainsi, M. Emmanuel de Guillebon, directeur-adjoint à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes, a pu indiquer que « les représentants sur le terrain des associations nationales de protection de la nature ne constituent pas toujours des interlocuteurs d’une grande fiabilité ».

M. Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature et Mme Odile Gauthier, directrice de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, ont insisté devant la mission d’information sur ce dernier point et précisé que « l’un des freins à la diffusion des enjeux liés à la préservation de la biodiversité en France a souvent été la confusion entre deux fonctions (la connaissance des milieux naturels, et l’expression de revendications les concernant) dans la personne des naturalistes. Cette confusion a longtemps amené un rejet global de ces enjeux, en raison de l’amalgame souvent rencontré, sur le terrain, du naturaliste et de l’écologiste militant, du sachant et du contestant ».

Sans qu’il ne soit aucunement question ici, ni de remettre en cause le rôle sur le terrain des naturalistes amateurs bénévoles qui reste irremplaçable, cela a déjà été évoqué, notamment au sujet des inventaires ZNIEFF qui n'auraient jamais pu être menés à bien sans les naturalistes et associations, ni d’élargir outre mesure le champ d’intervention de la puissance publique, dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, il serait utile de réfléchir aux conditions dans lesquelles l’alimentation du système d’information sur la biodiversité pourrait être, au moins en partie, professionnalisée. Il ne paraît, en effet, pas souhaitable, compte tenu des enjeux liés à la préservation et à la reconquête de la biodiversité, que son observation sur le terrain repose uniquement sur le seul bénévolat et sur la bonne volonté de citoyens, si compétents et si diligents puissent-ils être. Cette particularité de notre politique en matière de biodiversité pourrait bien s’avérer être son « talon d’Achille », surtout si l’on compare cette situation avec celle prévalant dans le domaine de l’eau (cf. infra. II, A, 2). En revanche, votre Rapporteure souligne le formidable gisement de collectes et de données dont la recherche pourrait bénéficier en développant la science participative, il s'en suit qu'il est bon de reconnaître à sa juste valeur la collecte citoyenne de données et de connaissances et au-delà de l'encourager fortement, et même de l'intégrer plus encore au dispositif de collecte, d'accès et de partage des connaissances en matière de biodiversité.

– Les entreprises

Qu’elles appartiennent au secteur public ou au secteur privé, « les entreprises sont au cœur des enjeux environnementaux à la fois par leurs impacts et dépendances, et par leur capacité à contribuer à une solution globale ». Ce constat dressé par WWF France (35) est une évidence : aucune politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité ne peut faire l’économie d’une réflexion sur le rôle central joué par les entreprises.

Bien que celles-ci aient souvent perçu à l’origine la biodiversité comme une contrainte supplémentaire en matière de compétitivité, une prise de conscience a eu lieu sur les opportunités que représente la biodiversité, en termes financiers (accès à des fonds d’investissements réservant leur action à des entreprises respectueuses de la biodiversité), en termes de marchés (marchés élargis pour les produits certifiés, nouveaux produits et services issus, par exemple, de la substitution de processus biochimiques à des processus chimiques), en termes aussi d’image (amélioration, avantage comparatif par rapport aux autres marques), juridiques (obtention d’appels d’offres, de permis, de licences d’exploitation), ou encore opérationnels (baisse de l’impact environnemental de la production, amélioration de la productivité, bien-être du personnel). Comme M. Jacques Weber, économiste, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), le rappelait lors de son audition par la mission d’information, les entreprises du secteur chimique et pharmaceutique ont, par exemple, tout à gagner à une connaissance plus fine de la biodiversité, puisque celle-ci « comprend les micro-organismes (dont les 100 000 milliards de microbes), dont nous n’avons qu’une vision négative, alors qu’ils recèlent des potentialités énormes, dont un bon exemple nous est fourni par la fabrication par le plancton d’un exosquelette en verre parfait, à froid. ».

Cette vaste prise de conscience est incontestablement à mettre à l’actif du Grenelle de l’environnement. C’est ce que confirmaient lors de leur audition Mme Laurence Rouger-de Grivel, directrice-adjointe à la direction du développement durable du MEDEF et M. Christian Béranger, président du groupe de travail « Biodiversité » du MEDEF, en indiquant : « le MEDEF a identifié l’importance des enjeux portés par la biodiversité au moment du « Grenelle de l’environnement ». Il a, pour traiter cette question, créé au sein de sa commission « environnement » un groupe de travail dédié. Les travaux de ce groupe ont permis la publication en janvier 2010 d’un ouvrage intitulé « Entreprises et biodiversité, exemples de bonnes pratiques (36) », regroupant sous forme de fiches les initiatives exemplaires des entreprises membres du MEDEF en la matière ». L’un de ces exemples fait l’objet de l’encadré ci-après, concernant la section de l’autoroute A 89 à Thenon-Ussel, dans les départements de la Dordogne et de la Corrèze (cf. infra., encadré « Assurer le franchissement des autoroutes par la grande faune »).

Ce constat du rôle déclencheur du Grenelle de l’environnement paraît de fait assez largement partagé. Ainsi, lors de son audition par la mission d’information, M. Jacques Weber précisait également que « les entreprises commencent à prendre conscience de leurs responsabilités en matière de biodiversité, et de l’importance d’intégrer le coût pour la collectivité de l’impact de leur activité sur les écosystèmes, comme en témoigne la déclaration commune préalable à la conférence de Nagoya de l’institut INSPIRE (37), de l’association Orée (38) et du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (39). »

Cependant, même si cette prise de conscience est incontestable et mérite d’être saluée, une grande vigilance s’impose pour qu’elle soit suivie d’effets positifs pour la préservation et la reconquête de la biodiversité. Cette vigilance doit en effet s’exercer à l’égard de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et la nature de leur activité, et qu’elles appartiennent au secteur privé ou au secteur public. Dans ce dernier, des progrès restent manifestement à accomplir, notamment dans le domaine de l’évaluation de l’impact environnemental des activités concernées. Ainsi, dans le domaine spatial, la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales dispose, en son article 4, que « les autorisations de lancement, de maîtrise et de transfert de la maîtrise d'un objet spatial lancé et de retour sur Terre » sont délivrées par l’autorité administrative, après notamment vérification « de la conformité des systèmes et procédures qu'il (ndr : le demandeur) entend mettre en œuvre avec la réglementation technique édictée, notamment dans l'intérêt de la sécurité des personnes et des biens et de la protection de la santé publique et de l'environnement. » La vérification de cette conformité dans ces deux derniers domaines pourrait être se fonder sur une expertise environnementale indépendante, et non sur les simples déclarations de l’exploitant, le Centre national d’études spatiales (CNES), en l’occurrence. Elle permettrait de surcroît d’offrir une garantie supplémentaire à l’État dans sa prise de décision, sur un territoire – la Guyane – où la biodiversité revêt une importance particulière.

Il est à noter, que certaines entreprises ont fait le choix, en dehors de leur activité quotidienne, d’agir spécifiquement pour la préservation de la biodiversité au moyen de fondations d’entreprises. Ce type de structures agit nécessairement dans le bon sens, même s’il semble que les fondations d’entreprises n’aient, en France, pas investi massivement le champ de la biodiversité. À titre d’exemple, la Fondation d’entreprise Total pour la biodiversité a été créée en 1992, année du Sommet de Rio, en remplacement de la Fondation Total pour la musique, afin d’innover dans trois directions : le mécénat environnemental, la biodiversité et la mise en place de partenariats public-privé. Dès l’origine, dans le domaine de la biodiversité, la Fondation Total a conclu des partenariats, poursuivis jusqu’à aujourd’hui, avec le Conservatoire national du littoral et des rivages lacustres ainsi qu’avec le Parc national de Port-Cros. À partir de 1997, la Fondation Total a consacré ses activités exclusivement à la biodiversité marine et ouvert ses partenariats au domaine de la recherche, en concluant des accords avec l’IFREMER et le Muséum national d’Histoire naturelle, en privilégiant trois domaines : la protection des espèces peu ou mal connues, la connaissance des écosystèmes et l’impact du changement climatique.

Il faut relever que le statut même de ces fondations, régi par la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d’entreprises constitue une limitation, puisque « la fondation d’entreprise est créée pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à cinq ans. (…) À l’expiration de cette période, les fondateurs ou certains d’entre eux seulement peuvent décider la prorogation de la fondation pour une durée au moins égale à cinq ans (article 19-2). » Ce même article dispose que « lors de la prorogation, les fondateurs s’engagent sur un nouveau programme d’action pluriannuel ». L’ensemble des fondateurs d’une fondation d’entreprise dont le programme d’action originel était entièrement dédié à la biodiversité peut donc, au terme d’une première période de cinq ans, soit décider de sa dissolution, soit réorienter son programme d’action pluriannuel dans un tout autre domaine. De plus, il semble que, lorsque la biodiversité est incluse dans le champ d’activité d’une fondation d’entreprise, les moyens qui y sont consacrés restent modestes. Ainsi, Mme Laure Fournier, responsable des programmes biodiversité de la Fondation Total précisait, lors de son audition par la mission d’information, que « le budget de la Fondation Total, qui emploie 15 salariés, est de 50 millions d’euros pour 5 ans (2007-2012), répartis entre ses trois domaines d’intervention (culture, éducation et biodiversité). Sur cette enveloppe, 3,5 millions d’euros sont consacrés au financement visant à préserver et à mieux connaître la biodiversité marine. »

Au-delà de ces structures un peu particulières, il est à espérer que les entreprises se saisiront des dispositions de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite loi « Grenelle II », pour intégrer dans leur action une dimension visant à préserver et à reconquérir la biodiversité. Ces dispositions comprennent notamment des obligations nouvelles relatives au contenu du rapport annuel d’activité qui (…) « comprend également des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable » (article 225). Le même article impose un contrôle externe sur ces mêmes informations qui « font l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. Cette vérification donne lieu à un avis qui est transmis à l'assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d'administration ou du directoire. » Il est nécessaire que le seuil initialement prévu pour le respect de ces mêmes obligations – 500 salariés – soit respecté dans le décret en Conseil d’État prévu par la loi.

Source : Entreprises et biodiversité, Exemples de bonnes pratiques, MEDEF, janvier 2010.

II.— POUR UNE OPTIMISATION STRUCTURELLE : L’INTERROGATION SUR LA MISE EN PLACE D’UNE AGENCE
DE LA NATURE OU DE LA BIODIVERSITÉ

A.— L’EXEMPLE DE L’EAU : SA CAPACITÉ À METTRE EN ŒUVRE UNE POLITIQUE DE CONSERVATION INTÉGRÉE DE LA BIODIVERSITÉ AQUATIQUE ET SES LIMITES DE TRANSPOSITION À LA BIODIVERSITÉ TERRESTRE

Dans le cadre de sa réflexion autour d’une optimisation structurelle des moyens mis en œuvre par la collectivité publique qui pourrait être utile à la construction d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité, la mission d’information s’est penchée sur l’exemple de l’eau. Cette étude avait comme objectifs :

– d’une part, de mesurer de quelle façon et dans quelle mesure la gestion de l’eau en France a pleinement réussi à « dissoudre » la préservation de la biodiversité aquatique dans son organisation comme dans ses objectifs, dont elle fait partie intégrante,

– d’autre part, de réfléchir aux enseignements à tirer de ce système pour l’appliquer, le cas échéant, à la biodiversité terrestre.

– Une politique totalement intégrée

Comme l’indiquait lors de son audition par la mission d’information, M. Patrick Lavarde, directeur général de l’ONEMA, l’originalité du système de gestion de l’eau est à chercher dans le fait que « la politique de l’eau est en France l’une des plus intégrées au monde, ce qui constitue sans nul doute l’un de ses atouts et l’une des explications de son exemplarité au plan européen et international ». M. Lavarde rappelait que son organisation reposait sur quatre piliers : un système de gouvernance associant, via les comités de bassin, les usagers, des ressources provenant majoritairement des usagers, des opérateurs sur le terrain professionnels et enfin une action de l’ONEMA associant étroitement des tâches de contrôle et de police de l’eau, mais aussi d’incitation. Sans qu’il soit ici utile de revenir sur cette organisation originale, il paraît important d’identifier d’abord ce qui en constitue l’efficacité, du point de vue de la protection et de la reconquête de la biodiversité.

1. La protection de la biodiversité aquatique, une constante totalement intégrée dans la gestion de l’eau et des milieux aquatiques

– L’intégration de la protection de la biodiversité remarquable

Le système d’information sur l’eau (SIE), tout comme l’ONEMA, dans sa mission de production de données, intervient dans le champ des espèces et des espaces protégés. S’agissant des espèces, l’ONEMA et les agences de l’eau contribuent à la connaissance des espèces de migrateurs amphihalins (anguille, esturgeon, saumon, truite de mer, lamproie, alose feinte, grande alose). En partenariat avec des associations spécialisées, les populations de ces différentes espèces font l’objet de protocoles de suivi dont les résultats alimentent une banque de données nationale. En application d’un règlement européen, une évaluation du retour à la mer est effectuée pour les anguilles argentées à partir de l’observation de rivières de référence et de l’estimation de la mortalité due aux obstacles en dévalaison.

En ce qui concerne les espèces aquatiques inscrites sur la liste rouge et donc en danger critique d’extinction, quatre d’entre elles font l’objet de suivis locaux particuliers : l’esturgeon européen, l’anguille européenne, le chabot du Lez (cottus petiti) et l’apron du Rhône. D’autres espèces, qui sont en danger ou vulnérables, mais qui ne sont pas inscrites sur la liste rouge, bénéficient également de tels suivis (l’écrevisse à patte blanche ou la moule perlière).

Le système de gestion de l’eau assure également la préservation et la reconquête des espaces aquatiques remarquables. Ainsi, les zones de reproduction sont déterminées et suivies à partir des observations de terrain, des échantillonnages de poissons et de la connaissance de la morphologie des cours d’eau. L’ONEMA et les agences de l’eau participent également à la mise en œuvre du plan national d’action en faveur des zones humides et du plan national de restauration de la continuité écologique des cours d’eau.

– L’intégration de la protection de la biodiversité ordinaire

La biodiversité ordinaire est également au cœur de la politique intégrée de la gestion de l’eau en France, puisque celle-ci a pour objectif principal d’améliorer la qualité écologique des milieux aquatiques. Cette qualité est évaluée à partir d’éléments biologiques (phytoplancton, poissons), physico-chimiques (taux d’oxygène, température), chimiques (micro-polluants) ou hydromorphologiques (régime hydrologique). S’agissant de la biologie, les référentiels en matière de taxonomie, utilisés par les bio-indicateurs de la qualité écologique ont été élaborés en collaboration avec le Cemagref et le Muséum national d’Histoire naturelle. Les données relatives à la qualité écologique des milieux aquatiques peuvent être consultées en permanence dans plusieurs bases de données comme Hydro (mesure de l’hydrométrie des cours d’eau), Naïades (qualité des cours et des plans d’eau), Quadrige (qualité des eaux littorales) et enfin les banques de données des agences de l’eau auxquelles se substituera en 2013 une base unique gérée par l’ONEMA. Les données relatives aux pressions anthropiques sur les milieux aquatiques et leurs impacts sont saisies dans les bases de données susmentionnées et font l’objet d’un « rapportage » national tous les six ans.

Par ailleurs, d’autres actions de l’ONEMA et des agences de l’eau se rattachent à la protection de la biodiversité ordinaire et doivent également être mentionnées :

– le « suivi national de la pêche aux engins », recensant les moyens de pêche et les captures par les représentants de la pêche amateurs (les « taquineurs » du dimanche) et de la pêche professionnelle,

– les échantillonnages de poissons prélevés dans le cadre des programmes de surveillance au titre des espèces invasives, qui permettent entre autres de mesurer les effets de « cannibalisation » d’une espèce par une autre (exemple : la truite arc en ciel vis-à-vis de la truite fario), mais aussi l’observation des pathologies et de leur transmission,

– la réalisation d’un inventaire des obstacles à l’écoulement, dans le cadre de la trame verte et bleue, complété par un protocole permettant d’évaluer leur franchissabilité par les poissons et par les sédiments.

2. Les difficultés de transposition à la biodiversité terrestre

– La question des moyens

L’une des difficultés de transposition du système de gestion de l’eau à la protection de la biodiversité réside dans l’importance des moyens consacrés à cette gestion, en comparaison de ceux affectés par l’État à la protection de la biodiversité générale. En effet, comme le rappellent MM. Michel Badré et Jean-Philippe Duranthon dans leur rapport (40) relatif à l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature, « le dernier rapport (…) de la commission des comptes de l’économie de l’environnement indique que les dépenses de protection de la biodiversité et des paysages se sont élevées en 2007 à 1 543 M d’euros et celles consacrées à la gestion de la ressource en eau à 8 783 M d’euros, soit un total de 10 326 M d’euros ».

Cette disproportion, même si les dépenses allouées à la gestion de l’eau ne peuvent être intégralement assimilées à des dépenses visant uniquement à préserver la biodiversité aquatique, dans un rapport de un à six, joue naturellement en défaveur de la biodiversité terrestre. Elle donne la mesure des efforts financiers qui seraient nécessaires pour atteindre et maintenir sur la terre ferme le niveau de protection de la biodiversité aquatique.

L’une des particularités supplémentaires des moyens alimentant la politique de l’eau en France est son origine : le financement de tout le système est assuré par les usagers. Ce particularisme de première importance – outre qu’il associe aussi, à travers les comités de bassin, les usagers à la gouvernance – est d’évidence intransposable à la biodiversité terrestre, en raison du caractère relativement indéterminé de la ressource – il n’existe pas de « robinet à biodiversité » – et de l’absence de paiement des usagers directs. Seul le droit d’entrée versé par les visiteurs de certains espaces naturels protégés pourrait s’apparenter à ce type de financement, mais il est extrêmement partiel, puisqu’il ne constitue qu’une redevance d’usage d’une certaine forme de biodiversité dans un espace géographique restreint.

– Le réseau de surveillance et l’organisation mutualisée de la connaissance

La deuxième difficulté de transposition, qui n’est pas sans lien avec la première, réside dans le réseau de surveillance et de contrôle de la qualité de la ressource. Dans le domaine de l’eau, ce réseau est animé par les 2 800 agents employés dans les agences de l’eau, avec un budget annuel d’intervention de l’ordre de 2 milliards d’euros. Ces actions de contrôle et de surveillance alimentent un système d’information unique, pérenne et évolutif, le Système d’information sur l’eau, les milieux aquatiques, leurs usages et les services publics d’eau et d’assainissement (SIE), dont l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) assure la coordination technique, sous l’autorité de la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère en charge de l’écologie.

Cette coordination a de nombreuses implications organisationnelles, parmi lesquelles, le développement des méthodologies, la constitution d’un référentiel des données et d’un référentiel qualité pour la gestion des données, la mise en place d’outils partagés de gestion des données et l’interopérabilité avec d’autres systèmes d’information, notamment le Système d’information sur la nature et les paysages (SINP). L’une des particularités de l’organisation du réseau de surveillance réside dans le fait que les données sont produites par l’ensemble du réseau, c’est-à-dire à la fois par les agences de l’eau et par l’ONEMA, notamment au moyen de ses délégations interrégionales. Lors de son audition par la mission d’information, M. Patrick Lavarde, directeur général de l’ONEMA, insistait sur l’importance du SIE, « pleinement opérationnel, qui est alimenté par 1 874 sites équipés sur l’ensemble de du territoire national, et qui permet de fournir des informations au système européen WISE (Water information system in Europe). Le coût annuel de la surveillance du réseau est estimé à 60 millions d’euros. »

Là encore, les difficultés de transposition de cette organisation à la biodiversité terrestre paraissent évidentes : cette transposition impliquerait la présence sur le terrain d’opérateurs professionnels, alimentant un système d’information unique – ce que n’est ni le SINP ni les différentes bases de données gérées par le Muséum d’histoire naturelle – dont la coordination technique nationale serait assurée par un organisme clairement identifié, lui-même partie prenante dans la production de données, ce qui ne correspond à la mission d’aucun opérateur de l’État actuellement.

– L’existence d’une réelle procédure d’évaluation de l’état de la ressource

La troisième difficulté de transposition, qui est liée à celle du réseau de surveillance et de contrôle de la qualité, est celle de l’évaluation périodique de la ressource. La directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 dite « directive-cadre sur l’eau » (DCE) a fixé aux États membres l’objectif de « bon état écologique des eaux » en 2015, objectif que la France a adapté au moment du Grenelle de l’environnement, en fixant comme objectif 66 % – contre 49 % (41) actuellement – d’eaux de surface en « bon état écologique » à l’horizon 2015. Cet objectif national implique de maintenir à un niveau constant la biodiversité des milieux aquatiques (cours d’eau et annexes hydrauliques, corridor fluvial, zones humides, eaux côtières ou de transition), mais aussi de restaurer ceux dont la dégradation a été constatée.

L’évaluation de l’écart à l’objectif, ainsi que le compte rendu aux autorités nationales et communautaires s’opèrent principalement au moyen des programmes de surveillance des eaux, qui ont été définis en 2006 en application de la DCE et mis en place par les agences de l’eau. Ces programmes alimentent le système d’évaluation de l’état des eaux (SEEE), qui permet, tous les trois ans, d’évaluer l’état écologique des eaux et, tous les six ans, de rendre compte aux autorités communautaires qui mesurent ainsi l’écart par rapport à l’objectif et les progrès accomplis par la France.

Même si l’État a formalisé un objectif en matière de biodiversité terrestre – arrêter sa dégradation en 2020, faute d’avoir pu le faire en 2010 –, force est de constater que, contrairement au système en vigueur dans le domaine de l’eau, aucune procédure d’évaluation d’écart par rapport à l’objectif n’existe réellement. Aucun programme uniformisé de surveillance de la biodiversité terrestre, qui permette une juste évaluation de cet écart, n’a été à ce jour mis en place.

B.— LA CRÉATION D’UNE AGENCE DE LA NATURE : PISTES DE RÉFLEXION ET DIFFICULTÉS DE MISE EN œUVRE

1. Les travaux du Grenelle de l’environnement

Le présent rapport, comme votre Rapporteure l’indiquait en introduction, répond à une « commande » du « groupe 2 du Grenelle de l’environnement - Préserver la biodiversité et les ressources naturelles ». Ce groupe de travail présidé par le sénateur Jean-François Legrand demandait la constitution d’une « mission parlementaire sur l’opportunité, la faisabilité, le périmètre, les missions, les moyens, la méthode et le calendrier de création d’une agence de la nature, chargée de la coordination de la gestion des espèces sauvages, des espaces naturels et des crises écologiques ». Un « état des lieux des organismes existants » devait « être assuré pour les mettre en cohérence ». La mission parlementaire devait également « intégrer la structuration régionale de cette agence ».

Le « groupe 2 du Grenelle de l’environnement » faisait ressortir l’émiettement des interventions de l’État dans le domaine de la gestion des espaces naturels et des espèces sauvages, cette gestion étant le fait, comme le présent rapport l’indiquait, d’une « trentaine d’organismes nationaux, de nature juridique variée, sous tutelle exclusive ou sous cotutelle du ministère de l’environnement et du développement durable ».

« Cette multiplication des organisations compétentes par milieu ou par fonction, précisait le rapport, est remise en cause, dans l’optique de proposer une solution pour réduire l’éclatement des compétences, accroître la transversalité, la visibilité et la capacité programmatique par résultats et concentrer ses efforts sur des missions techniques stables. Par ailleurs, constituée en établissement doté d’un conseil d’administration, sa gouvernance pourrait rassembler tous les acteurs.

Le renforcement des capacités d’expertise, de médiation et d’accès à l’information est au cœur de cet enjeu, notamment pour les collectivités territoriales, les entreprises et les associations. »

L’idée qui présidait à ce projet du « groupe 2 du Grenelle de l’environnement » de créer une « agence nationale de la nature » était bien de mettre en place une organisation nationale et cohérente de la biodiversité, permettant, dans le même temps, un renforcement de la concertation.

« Le projet d’agence, était-il encore indiqué, a soulevé un grand intérêt de la part des participants, avec toutefois, des prises de positions contrastées ». C’est ainsi que :

– les représentants des syndicats avaient souligné l’importance d’une articulation de l’action de ce nouvel organisme avec celle des services déconcentrés de l’État et insisté sur la « nécessité de conserver les moyens financiers et humains et le statut des personnels » ;

– les associations voyaient dans les propositions de création d’une agence nationale de la nature, « un moyen de transparence, d’efficacité et de partenariat renforcés » ;

– les collectivités territoriales y voyaient « l’intérêt d’un guichet unique (ainsi que le « collège employeurs »), d’une expertise et d’une capacité gestionnaire renforcées » ;

– le collège État soulignait, quant à lui, « la difficulté des réformes institutionnelles sous-jacentes et les lourdeurs possibles d’une très grande agence de la nature ».

On voit ainsi que des objections étaient présentées par les différents « collèges » du Grenelle à cette suggestion d’ « agence de la nature », même si cette idée suscitait un réel intérêt de principe.

Notons que les deux lois adoptées par le Parlement, « Grenelle I » du 3 août 2009, puis « Grenelle II » du 12 juillet 2010 ne comportaient pas de dispositions consacrées à la mise en place d’une « agence nationale de la nature ».

2. Le rapport « sur l’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature »

Un rapport présenté par M. Michel Badré, auditionné par la mission d’information et par M. Jean-Philippe Duranthon et intitulé « L’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de l’environnement » établi en juillet 2010 pour le compte du Conseil général de l’environnement et du développement durable est venu poser la problématique de la création d’une agence de la nature et il a servi largement de base de réflexion et de discussion sur ce thème.

Cet intéressant rapport établissait d’abord un constat sévère : « même encadrée par des contrats d’objectifs signés avec l’État, la multiplicité des initiatives et des organismes ne permet plus d’atteindre les objectifs que s’est assignés la France. Ce dispositif ne permet pas d’assurer la cohérence des interventions publiques. Il ne met pas la France en mesure de respecter les obligations de résultats fixées par les directives européennes. Il maintient un déséquilibre dans les financements. Il n’assure ni l’efficacité de l’action répressive ni le développement des compétences et l’expertise nécessaires pour accompagner les opérateurs. »

Le « rapport Badré » préconisait une structuration des acteurs en réseau et la création d’une tête de réseau, en l’espèce l’agence de la nature, laquelle devait remplir cinq fonctions principales :

– la gestion de la connaissance, c’est-à-dire la façon dont sont gérés l’émission, la validation, le traitement et la communication au sens large des inventaires réalisés sur le terrain ;

– l’évaluation, autrement dit la mesure de l’efficacité des politiques publiques en matière de biodiversité et la mesure de leurs effets sur l’état réel des écosystèmes qu’elles visent à préserver et à restaurer, cela correspondant à deux missions : la tenue d’un répertoire des expertises existantes et la structuration des dispositifs d’évaluation existants ;

– la mutualisation de l’expertise, c’est-à-dire les moyens permettant de rendre l’expertise disponible mobilisable par l’ensemble des parties prenantes (administrations publiques, opérateurs, associations, collectivités) ;

– le pilotage de la performance des opérateurs de l’État ;

– la mutualisation enfin des fonctions de soutien, notamment dans le domaine de la gestion des personnels et des ressources humaines, mais aussi dans celui du suivi budgétaire et comptable et des systèmes d’information, dans une optique de professionnalisation de l’ensemble des acteurs concernés.

Le « rapport Badré » suggérait que l’agence de la nature soit créée par regroupement de deux instances, le Groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels (ATEN) et Parcs nationaux de France (PNF), l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l’Office national des forêts (ONF) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) devant être intégrés à terme dans ce nouvel ensemble.

3. Les auditions de la mission d’information

Plusieurs personnalités entendues par la mission d’information se sont elles aussi exprimées sur le projet d’agence de la nature, son contenu et ses missions. Votre Rapporteure souhaite présenter les principaux points de vue entendus :

– Sur l’appellation même que pourrait avoir cette agence :

Ÿ M. Yves Vérilhac, directeur de l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN) estimait « important que l’adjectif français ou française soit adjoint à l’acronyme retenu », que l’appellation « agence de la nature » aurait l’ « avantage de mettre en avant le milieu, l’écosystème et d’être immédiatement parlante pour le grand public » et enfin que l’appellation « agence du patrimoine naturel » pourrait être une « piste intéressante ».

Ÿ Les associations de protection de l’environnement (Ligue pour la protection des oiseaux, France nature environnement, Fondation Nicolas Hulot, Ligue ROC) optaient pour le vocable « agence de la biodiversité », afin « de ne pas réduire celle-ci à une nouvelle autorité administrative indépendante en charge des espaces naturels protégés ».

– Sur les missions confiées à une éventuelle « agence de la nature » :

Ÿ M. Michel Griffon, directeur adjoint à l’Agence nationale de la recherche, estimait qu’« une agence de la nature serait utile, si elle regroupait des fonctions de recherche, d’innovation, (aucun organisme n’ayant cette mission, qui pourrait se développer en lien avec les régions) et de diffusion ».

Ÿ M. Vincent Graffin, délégué à la conservation de la nature et au développement durable à la direction générale du Muséum national d’Histoire naturelle, estimait que l’agence pourrait se voir confier, non une mission d’expertise, celle-ci étant déjà assurée par le Muséum d’histoire naturelle, mais de « génie écologique », où elle constituerait un « pôle de compétences, qui comporterait notamment des délégations régionales, interlocuteurs naturels des collectivités territoriales ».

Ÿ M. François Letourneux, président du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a indiqué, quant à lui, qu’une agence de la nature pourrait « avoir pour mission de définir la stratégie nationale en matière d’espaces naturels et d’espaces protégés, en intégrant une réforme de leur gouvernance » ; « la mise en place de la nouvelle agence », indiquait-il, « pourrait être l’occasion de réformer également la police de l’environnement et la police de la nature ».

Ÿ M. Michel Echaubard, secrétaire général de la Société nationale de protection de la nature (SNPN), proposait que l’ « agence de la nature, si elle devait voir le jour, assure une fonction de définition de méthodologies propres à chaque inventaire d’espèces, de manière à rendre les projets d’inventaires compatibles avec les bases de données existantes », ainsi qu’une « fonction d’impulsion au plan national pour la réalisation d’observations et de collectes de données spécifiques, comme, par exemple, la mise à jour des données à fournir à l’Union européenne dans le cadre des directives " Oiseaux " et " Habitats " ».

– Sur la place de l’agence dans l’ensemble des structures en charge de la conservation de la biodiversité et sur son mode de gouvernance :

Ÿ M. Jean-Claude Lefeuvre, professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle, a estimé qu’une agence de la nature « devrait se positionner par rapport notamment aux services déconcentrés du ministère chargé de l’écologie et surtout, trouver une source de financement pérenne et extra-budgétaire, à l’instar de la taxe de francisation des navires pour le Conservatoire national du littoral ».

Ÿ M. François Letourneux, président du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), proposait que la future agence de la nature « prenne la forme d’une agence de mise en œuvre pouvant trouver son utilité dans deux types d’organisation :

– soit, sur le modèle de l’ADEME, une agence spécialisée disposant de relais locaux efficaces, interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l’État ;

– soit, sur le modèle du Conservatoire national du littoral et des rivages lacustres, un établissement public mobilisant les moyens de l’État dans le domaine de la biodiversité, notamment en vue de devenir un acteur foncier dans ce domaine ».

Ÿ Les associations de protection de la nature (Ligue ROC, Ligue pour la protection des oiseaux, France nature environnement, Fondation Nicolas Hulot) faisaient valoir que la future agence de la nature devrait « s’inspirer de l’héritage du Grenelle de l’environnement, s’agissant de sa gouvernance » et qu’il convenait de « réfléchir à un regroupement de deux entités dont l’action est directement liée à la biodiversité : l’Agence des aires marines protégées et l’Office national de la chasse, de la faune et de la flore sauvages, qui couvrent ensemble 30 % du territoire national ». Quant à WWF France, son représentant a estimé que « la gouvernance de l’agence devrait être nécessairement partagée, tout comme son financement, qui intégrera nécessairement les collectivités locales ». Par ailleurs, « la conception de l’agence devrait répondre au principe de subsidiarité, en ne laissant à la tête de réseau que les fonctions que les niveaux régionaux dont l’importance est déterminante ne seraient pas à même d’exercer ».

Ÿ M. Jacques Weber, directeur de recherche au CIRAD, anthropologue, considérait que « la principale fonction d’une agence de la nature serait de constituer l’interface entre la science – la Fondation pour la recherche sur la biodiversité étant responsable de la conception des bases de données, l’IFREMER et le MNHN de leur gestion – et la société ».

Ÿ Enfin, M. Christian Béranger, président du groupe de travail « biodiversité » du MEDEF, a estimé que « la création éventuelle d’une agence de la nature devrait être précédée d’un audit des plans et programmes de l’État visant à protéger et à reconquérir la biodiversité ».

4. Le point de vue de votre Rapporteure

Après avoir énuméré les analyses toutes constructives présentées par les personnalités entendues par la mission d’information, votre Rapporteure souhaite citer le propos de M. Jérôme Bignon, président du Conservatoire naturel du littoral et des rivages lacustres et de l’Agence des aires marines protégées, dont le point de vue lui paraît rendre bien compte de ce que nous avons à entreprendre sur cette question de la création d’une agence nationale de la nature : « La création d’une agence de la nature, disait M. Jérôme Bignon, demandera du temps, afin de bien aplanir, une à une, les différentes difficultés. Le plus efficace serait de raisonner en termes de missions que pourrait se voir confier cette nouvelle structure. La fusion d’établissements publics de l’État ne paraît pas la solution la plus pertinente ».

Votre Rapporteure constate que les difficultés accumulées en route par la réflexion sur les contours et missions de cette Agence de la Nature à créer, depuis son fondement du Grenelle, n'ont abouti qu'à se consolider autour d'une hypothèse nourrie de l'idée d'une optimisation. Volonté d’optimisation, qui, au fil du temps, a eu tendance à se réduire à une simple opération d'inspiration RGPP, ce qui à ses yeux ne peut être qu'un moyen et encore discutable, mais aucunement une finalité.

Ce sentiment semble partagé par certains professionnels que la mission d’information a pu auditionner. M. Pascal Viné, directeur général de l’Office national des forêts (ONF) et M. Jacques Le Héricy, directeur en charge de l’environnement et du développement durable précisaient ainsi que « s’agissant de l’agence de la nature, elle ne correspond pas aujourd’hui à un besoin des opérateurs qui, comme l’Office national des forêts avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ou le Muséum, ont noué des partenariats fructueux dans le domaine de la biodiversité. En revanche, il est nécessaire de progresser sur la voie de la mutualisation de l’action de ces opérateurs et d’étudier, sur chaque espace naturel à protéger, l’opérateur chef de file le mieux à même de mener une politique active de préservation de la biodiversité ».

Nous n’avons pas besoin nécessairement d’un nouvel outil de régulation des questions de biodiversité, mais plus sûrement d’un renforcement des concertations, des partenariats, de la mutualisation des moyens entre les organismes existants. Une fusion, un rapprochement accentué de ceux-ci pourraient susciter des problèmes touchant aux statuts des personnels et exigeraient des réformes institutionnelles qui ne se traduiraient pas nécessairement par une plus grande efficacité administrative.

L’on peut aller vers plus de transparence, plus de simplicité, plus de cohérence, plus de concertation, en amplifiant simplement les collaborations entre structures existantes, en matière, par exemple, de connaissance opérationnelle de la biodiversité, de gestion d’espèces ou d’espaces comme de gestion des personnels et des ressources humaines.

Pour votre Rapporteure, la lutte contre l’érosion de la biodiversité ne nécessite pas ainsi un nouvel outil, mais bien plutôt un nouvel état d’esprit. Ce nouvel état d’esprit devrait, comme avait su le faire le Grenelle de l’environnement, privilégier le dialogue entre tous les acteurs impliqués dans la préservation de la biodiversité. Votre Rapporteure est convaincue que cette dimension est essentielle et que sa continuation seule permettra de progresser vers la conception et la mise en place d’une politique véritablement intégrée de reconquête de la biodiversité, dont la création d’un nouvel opérateur ne fait pas nécessairement partie intégrante.

La création de l’agence de la nature ne pourrait être vue, dès lors, que comme l’éventuel point d’aboutissement d’une nouvelle politique du vivant. Aujourd’hui, il nous suffit de prendre appui sur l’existant en le rénovant.

Tel a été le point de vue exprimé par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement en clôture des États généraux de la chasse, le 16 février 2011. « Nous ne sommes pas prêts, indiquait Mme Kosciusko-Morizet, à créer une grande agence de la nature. Personne n’en serait satisfait. Mais travailler à une structure opérationnelle sur la gestion de la connaissance, à partir de l’existant, dans un délai relativement modeste, est possible. »

TROISIÈME PARTIE

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION
POUR UNE POLITIQUE AUDACIEUSE ET INTÉGRÉE
DE CONSERVATION ET DE RECONQUÊTE
DE LA BIODIVERSITÉ

A.— GOUVERNANCE ET RÉGLEMENTATION

1. Afficher la conservation et la reconquête de la biodiversité comme une priorité nationale et créer la fonction de Délégué interministériel à la biodiversité

La loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976 précisait, dans son article 1er, que « la protection des espaces naturels, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d’intérêt général. ».

C’est cet esprit que votre Rapporteure veut promouvoir aujourd’hui, s’agissant de la conservation et de la reconquête de la biodiversité, en en accentuant le degré d’urgence. La lutte pour la biodiversité doit devenir une priorité nationale, au même titre que la lutte contre le réchauffement climatique ou la promotion des énergies renouvelables. Comme l’indiquait justement le rapport du « Groupe 2 – Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » du Grenelle de l’environnement, « la vision et l’effort qui ont été placés dans l’exploration de l’espace sont aujourd’hui nécessaires pour explorer et comprendre la vie sur Terre. »

Cette priorité que doit avoir le combat pour la biodiversité se manifeste de plusieurs façons. Ainsi, la conservation et la reconquête de la biodiversité doivent :

– beaucoup plus que par le passé, figurer au cœur même des politiques publiques (politique agricole, de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, de l’aide au développement…) ;

– mobiliser tous les acteurs : l’État, les collectivités territoriales, les entreprises (en particulier les PME et l’artisanat dans un véritable maillage des territoires), les experts, les associations, les citoyens…

– inciter à explorer des démarches innovantes : la construction « collaborative » de la connaissance avec une intervention forte du public, la synergie des efforts dans des partenariats confiants entre établissements publics et entreprises, entre secteurs public et privé.

La biodiversité a longtemps souffert d’un déficit de notoriété et d’explication. Elle doit de plus en plus être un élément clé de la politique du développement durable, celui qui préserve les générations futures. La politique qui lui est consacrée doit être cohérente et donc intégrée et s’assigner des objectifs ambitieux : conserver les ressources du vivant, en maintenant leur capacité d’adaptation, mais aussi les reconquérir, quand cela est possible.

Il existe, aujourd’hui, au sein du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, deux types de structures traitant des questions relatives à la biodiversité :

– une direction de l’eau et de la biodiversité, qui compte cinq sous-directions chargées respectivement : des espaces naturels, de la protection et de la valorisation des espèces et de leurs milieux, de l'action territoriale et de la législation de l'eau et des matières premières, de la protection et de la gestion des ressources en eau et des ressources minérales et du littoral et des milieux marins,

– rattaché au Secrétariat général, un commissariat général au développement durable chargé de placer le développement durable au cœur de toutes les politiques publiques et d’en assurer la promotion auprès des acteurs socio-économiques, de préparer et de mettre en œuvre la Stratégie nationale de développement durable (SNDD), qui pilote l’observation, la recherche et la prospective du ministère. Le commissaire général cumule cette fonction avec celle tout à fait transversale et apparemment complémentaire de délégué interministériel au développement durable.

Il n’existe cependant pas de délégué interministériel à la biodiversité. La création d’une telle fonction permettrait de donner une réelle visibilité aux questions relatives à la diversité du vivant et également d’orienter dans un sens favorable à celle-ci l’action de l’administration. Un délégué interministériel serait appelé à siéger dans l’ensemble des structures interministérielles traitant de questions ayant une incidence sur la biodiversité, soit un champ assez large.

De plus, il pourrait utilement représenter, ès-qualité, l’État dans certaines instances dont le nombre et la nature seraient à déterminer précisément. Afin d’améliorer le portage politique de la biodiversité, on peut imaginer, qu’il soit directement rattaché au Premier ministre, ce qui aurait également l’avantage de mieux asseoir le caractère transversal et interministériel de sa mission. Il pourrait également constituer un interlocuteur de haut niveau à la fois pour les collectivités locales et pour les associations de protection de l’environnement.

Il pourrait enfin représenter la France dans toutes les négociations internationales relatives à la biodiversité.

2. Faire de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2011-2015 et de ses déclinaisons locales et régionales le fil conducteur de l’action de l’État dans le domaine de la reconquête de la biodiversité

Comme il a déjà été indiqué dans le présent rapport, une partie de l’échec collectif à stopper la dégradation de la biodiversité en 2010 est sans doute à imputer aux conditions d’élaboration ainsi qu’aux modalités de réalisation de la première Stratégie nationale pour la biodiversité (2004-2010). Afin de ne pas renouveler cette situation et de faire de la SNB une véritable stratégie nationale, en vue d’atteindre les nouveaux objectifs fixés au plan communautaire – « enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l’Union européenne d’ici à 2020, assurer leur rétablissement dans la mesure du possible et renforcer la contribution de l’Union européenne à la prévention de la perte de biodiversité », il semble nécessaire de réorienter son élaboration dans le sens suivant :

– mettre l’accent sur la recherche en biodiversité, plutôt que sur les sciences agronomiques ou la biologie moléculaire, en confiant à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité un rôle de « chef de file », dont l’une des valeurs ajoutées est d’intégrer également les sciences sociales (économie, sociologie...),

– s’attacher à la protection de la biodiversité dite « ordinaire », qui constitue un support essentiel aux services écosystémiques, même si elle est plus difficile à identifier par nos concitoyens, en la plaçant notamment au centre des politiques publiques visant à respecter et à protéger les services écosystémiques qu’elle prodigue ou dont elle est le support,

– mettre en œuvre la Trame verte et bleue (TVB) à laquelle l’article 23 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (dite « Grenelle 1 ») a donné naissance et fixer des objectifs annuels de constitution d’espaces intégrés à cette TVB,

– sur la méthode, passer, en matière d’évaluation, d’un bilan des résultats obtenus par chaque département ministériel dans la réalisation de son plan d’action à une véritable évaluation des progrès réalisés dans les objectifs intrinsèques de la SNB et qui mesurent eux réellement les progrès réalisés dans sa reconquête,

– définir des objectifs clairs dans le droit fil des engagements pris par la France dans le cadre communautaire, notamment le respect des directives « Habitats » et « Oiseaux », mais aussi de la directive-cadre européenne pour la stratégie du milieu marin (DC SMM),

– définir enfin un mode d’intégration à la mise en œuvre de la SNB des collectivités locales, qui constituent les principaux bailleurs de fonds de la protection de la biodiversité et qui avaient été les véritables oubliés de la première SNB (2004-2010), et les entreprises, qui se trouvent dans une situation similaire, alors même que leur action quotidienne a d’évidence un rôle majeur dans la pression exercée sur les écosystèmes.

Votre Rapporteure souhaite que la future SNB, qui doit prochainement être mise à jour, tienne compte de ces orientations et que son exécution soit suivie de façon attentive par la commission du développement durable, qui pourrait entendre annuellement le ministre chargé de l’écologie sur les résultats de l’année écoulée, sur la base de l’audit réalisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), si le principe de cet audit était maintenu.

Il aurait, d’ailleurs, été souhaitable que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire soit plus étroitement associée à l’élaboration de la SNB.

3. Accélérer la signature du protocole international sur l’accès et le partage des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques de la planète défini à la Conférence de Nagoya (18-29 octobre 2010)

Lors de la Conférence internationale qui a clos à Nagoya, au Japon, l’année de la biodiversité, les 193 États parties à la Convention sur la biodiversité biologique sont parvenus à un accord marquant d’importantes avancées, s’agissant de la protection de la biodiversité. En particulier, ils ont défini un Plan stratégique dit « Objectif d’Aïchi » leur fixant 20 nouveaux objectifs dont les principaux sont : la réduction de moitié, ou lorsque cela s’avère possible, à un niveau proche de zéro du taux de perte des habitats naturels, y compris les forêts, la protection de 17 % de zones naturelles terrestres et d’eaux continentales et de 10 % des zones marines et côtières, la restauration et la conservation de 15 % des zones dégradées et la baisse des pressions affectant les récifs coralliens. Ces objectifs ambitieux doivent faire l’objet, dans un délai de deux ans, de stratégies et de plan d’actions les déclinant au niveau des États. Un plan d’action sur la question des villes – en présence de 200 maires – et de la biodiversité a également été entériné.

Mais l’avancée la plus marquante demeure l’adoption du Protocole de Nagoya, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2012, sur l’accès aux ressources génétiques, qui vise un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces ressources, dit protocole « APA », le premier du genre en droit international. Ce protocole impose le consentement préalable et informé des populations autochtones traditionnellement utilisatrices de ces ressources génétiques, qui peuvent faire l’objet d’exploitations lucratives dans les pays développés, notamment dans l’industrie pharmaceutique. Il prévoit le cas où un tel consentement ne peut être recueilli – zones transfrontalières, théâtre de conflits – en instituant un mécanisme multilatéral mondial.

Afin de conforter la France dans sa position de pays de premier plan dans la défense de l’environnement et plus précisément, dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité, il conviendrait évidemment d’accélérer la signature du Protocole dans notre pays.

Interrogée à ce sujet le 9 novembre 2010 par Mme Chantal Berthelot, députée de la Guyane (42), la Secrétaire d’État à l’écologie, Mme Chantal Jouanno, indiquait que « Le protocole sur l'accès et le partage des ressources génétiques est très technique en apparence, mais il est extrêmement simple en réalité. Le principe est le suivant : lorsque l'on utilise des plantes pour faire des médicaments, des produits chimiques ou des cosmétiques, il n'est pas normal qu'une partie des bénéfices ne revienne pas à la protection de cette biodiversité. Cela faisait plus de vingt ans qu'on en parlait. Cela vient d'être décidé à Nagoya et, c'est historique. Le protocole n'est pas parfait, certes, mais nous partions de zéro. Il n'existait, en effet, aucun outil juridique pour lutter contre la bio-piraterie. Quant aux savoirs traditionnels, le protocole renvoie aux États la nécessité d'adopter une législation, mais c'est clairement mentionné dans le protocole. Nous allons adopter cette législation et confier le suivi du protocole au comité de suivi de la Stratégie nationale pour la biodiversité. Nous serons les premiers à signer le protocole dès le mois de février prochain à New York et à déposer les instruments de ratification. »

Au moment de conclure ce rapport, quatre États ont d’ores et déjà signé ledit protocole : la Colombie, le Yémen, l’Algérie et le Brésil. Des erreurs matérielles et de sens dans la traduction française du texte original du protocole ont empêché sa signature au mois de février par la France, qui pourrait signer ce protocole le 11 mai 2011 en même temps que la Commission européenne et l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

Même si ce léger retard ne semble pas rédhibitoire, il conviendra ensuite, une fois la signature acquise, d’accélérer ce processus, de façon que les études d’impact sur la législation européenne – menées par les services de la Commission à Bruxelles – et sur le droit national – menées par le ministère chargé de l’écologie – soient suivies avec diligence, ce processus pouvant s’étaler sur deux à quatre ans. Un projet de loi de ratification devrait être déposé ensuite sur le Bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat au plus tôt à la fin du premier semestre 2013.

Il sera nécessaire de veiller, par ailleurs, à enrichir ce travail d’appropriation des résultats de la Conférence de Nagoya des conclusions que ne manquera pas de tirer le Conseil économique, social et environnemental (CESE) de la saisine du Premier ministre, en date du 10 février 2011. Celui-ci lui a, en effet, demandé d’analyser les perspectives ouvertes par la Conférence « afin que la France reste aux avant-postes du combat pour la préservation de la biodiversité » et d’étudier les moyens à mettre en œuvre pour traduire les engagements pris par la France en la matière. Le CESE devra également se pencher sur « les modalités de contribution de la France à l’élaboration du programme de travail de la Plateforme Intergouvernementale sur la biodiversité et les services écologiques (IPBES) et sur les modalités d’évolution de l’aide publique au développement dédiée à la biodiversité ». Nul doute que l’avis du CESE, attendu pour le mois de juin 2011, apportera sa pierre à la réflexion sur la façon la plus rapide et la plus efficace de faire fructifier les acquis de la Conférence de Nagoya.

S’agissant d’engagements internationaux, votre Rapporteure souhaite rappeler également que la ratification et l’application effective de l’accord franco-brésilien de lutte contre l’exploitation aurifère signé en 2008 s’avèrent urgentes. Elle se réjouit donc qu’ait pu être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale du jeudi 7 avril 2011 l’examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial43.

De la même façon, il semble souhaitable qu’un accord international similaire à cet accord franco-brésilien puisse être signé avec le Surinam, qui sert de lieu de transit et d’approvisionnement aux orpailleurs, l’orpaillage illégal ayant, comme on le sait, un impact très sensible sur les écosystèmes.

4. Renforcer la lutte contre les espèces exotiques envahissantes notamment par la création d'un Observatoire national des espèces exotiques invasives

Les travaux menés par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en particulier outre-mer, ont bien révélé la responsabilité des espèces invasives, végétales aussi bien qu’animales, dans l’érosion de la biodiversité. Ces colonisateurs seraient impliqués ainsi dans la moitié des extinctions d’espèces observées au cours des quatre cents dernières années. Les conséquences de ces invasions sont lourdes, du fait de leurs impacts sur l'économie en général, sur l’agriculture et sur la pêche, en particulier, évidemment sur les habitats des espèces autochtones et même sur la santé humaine.

Le phénomène de l'introduction d'espèces est certes très ancien en Europe, mais il s'est rapidement développé dans des proportions gigantesques, voire incontrôlables ces dernières années avec l'accélération de la mondialisation. De plus, les changements climatiques affectent l'abondance et la propagation des espèces exotiques invasives et la vulnérabilité des écosystèmes face à ces invasions. Les espèces non indigènes invasives constituent désormais un défi majeur en matière de conservation de la diversité biologique en Europe.

Plusieurs espèces en voie d’extinction en Europe sont menacées par des espèces exotiques introduites.

Écrevisse américaine, écureuil gris, ibis sacré, ragondin, rat musqué, jussie, caulerpa taxifolia, tortue de Floride, grenouille californienne, perruche, frelon asiatique... cette énumération est loin d'être exhaustive, la liste complète serait cent fois plus longue ! Outre les dommages causés à la diversité biologique, ces espèces ont durement frappé l'économie européenne. Les organismes nuisibles et maladies introduits affectent l'agriculture et la sylviculture, notamment par le biais des parasites exotiques. Autre exemple : le rat musqué et le ragondin, tous deux introduits au siècle dernier par l’industrie européenne de la fourrure, en creusant et en endommageant les berges des rivières, ont augmenté le risque et la gravité des inondations.

La Convention sur la diversité biologique (CDB) a décidé d'inscrire le problème des espèces exotiques envahissantes au nombre de ses grandes « questions multisectorielles ». Ce traité mondial demande que chaque partie contractante, « dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra, empêche d'introduire, contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces » (Article 8(h)). En 2002, La Conférence des parties à la CDB a adopté une décision spécifique et des principes directeurs pour aider les parties à mettre en oeuvre cette disposition. La décision exhorte les parties, les autres gouvernements et les organisations intéressées à accorder la priorité à l'élaboration de stratégies et de lutter contre les espèces exotiques envahissantes aux niveaux nationaux et régionaux. Dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité, une réglementation a été mise en œuvre, afin de lutter contre les espèces invasives, en sanctionnant les introductions dans les milieux naturels qu’elles soient volontaires ou non, mais ce dispositif, quoique louable, ne suffit pas. Au-delà, il convient de dynamiser l'ensemble des acteurs tant en métropole qu'en outre-mer, en leur donnant un cadre commun de retour d'expériences, de recherche et d'actions : services de l'État, acteurs locaux, collectivités, établissements publics de recherche, collectionneurs particuliers capacitaires, professionnels de l'élevage et du commerce d'espèces sauvages.

Dans l'objectif de centraliser et d'optimiser la recherche et l'efficacité de la lutte contre les espèces invasives menaçant la biodiversité de l'ensemble du territoire, dans le contexte du réchauffement global, il semble opportun d'envisager la création d'un Observatoire National des Espèces Exotiques Invasives. Cet observatoire semble l'outil le plus apte à donner écho aux engagements 74 et 177 du Grenelle de l'Environnement, en collectant des données scientifiques, en réalisant des évaluations et des prospectives sur l'éthologie, sur les dynamiques d'adaptation et de colonisation, dans le contexte du réchauffement climatique, et les flux des espèces visées ainsi que sur les techniques de destructions écologiquement et économiquement soutenables.

5. Lutter contre la surexploitation des espèces

Cette proposition, articulée avec la précédente, concerne tout particulièrement la forêt tropicale et les océans. La déforestation (rappelons que 6 millions d’hectares disparaissent au plan mondial chaque année) répond aux besoins de l’agriculture et des populations en bois de chauffage. L’industrialisation de la pêche et de la chasse a d’autre part réduit les ressources en espèces de la planète (1/4 des stocks halieutiques se situent en dessous du niveau de sécurité), les trafics commerciaux d’animaux parfois pourtant protégés contribuant parfois à aggraver encore la situation.

Les outils d’une réaction appropriée existent : au plan communautaire avec la politique commune des pêches en voie de redéfinition et qui doit aider à la protection de la ressource, au plan international avec la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) conclue à Washington en 1973.

Votre Rapporteure demande que les opérateurs, les compagnies aériennes et les professionnels du tourisme soient plus volontaires en matière d'information de leurs clients et usagers dans le cadre des séjours qu'ils organisent.

Votre Rapporteure demande également une application plus rigoureuse des réglementations applicables.

6. Reconnaître profondément le rôle moteur des collectivités territoriales en matière de préservation et de reconquête de la biodiversité

Comme l’indiquait lors de son audition par la mission d’information M. François Letourneux, Président du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, « dans le domaine de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, les collectivités territoriales apportent une contribution deux fois supérieure à celle de l’État, mais elles sont peu représentées dans les instances oeuvrant dans ce domaine au plan national comme au plan local. La loi du 14 avril 2006 réformant le statut des parcs nationaux, qui datait de la loi du 22 juillet 1960, visait entre autres à améliorer l’association des élus à la gestion des parcs nationaux. Mais cette association reste insuffisante, ce qui explique le blocage de certains projets de parcs naturels, notamment en Camargue. »

Les avancées incontestables de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, en matière d’association des collectivités territoriales, au moyen notamment de la composition du conseil d’administration et du rôle rénové de la charte, ne doivent pas masquer, d’un point de vue plus général, la faiblesse de la représentation des collectivités territoriales dans les instances décisionnaires en matière de biodiversité.

Cette faiblesse contribue à faire de ces mêmes collectivités, en matière de gestion de la biodiversité, des « nains politiques » alors même (cf. rapport, II, i, D) que leur action sur le terrain reste déterminante. Il conviendrait que le rôle moteur des collectivités territoriales en matière de préservation et de reconquête de la biodiversité soit mieux reconnu et mieux valorisé.

À cette fin, il serait utile que la réflexion en cours au sein du Conseil économique, social et environnemental intègre cette dimension de reconnaissance de ce rôle, le Premier ministre lui ayant demandé, le 10 février 2011, d’analyser les perspectives ouvertes par la Conférence de Nagoya « afin que la France reste aux avant-postes du combat pour la préservation de la biodiversité ». Cette réflexion pourrait utilement :

– faire le point sur la gouvernance des principales instances de décision en matière de biodiversité et sur la représentation effective des collectivités territoriales en leur sein,

– suggérer des améliorations de cette représentation et de l’association des collectivités locales à une gouvernance rénovée de ces instances.

Les associations d’élus locaux devraient naturellement être associées à cette réflexion, qu’elles nourriraient sans aucun doute de propositions concrètes.

7. Renforcer les plans nationaux en faveur des espèces végétales et animales menacées

La France métropolitaine compte plus de 35 200 espèces végétales et animales sur les 1,8 million connues aujourd’hui dans le monde. 778 d’entre elles étaient considérées en 2009 comme menacées et inscrites sur la « liste rouge » mise en place en 2007 par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle.

L’outre-mer français rassemble, quant à lui, 3 350 espèces végétales et près de 240 animaux vertébrés uniques au monde.

La France occupe le 8ème rang mondial, s’agissant des espèces végétales et animales inscrites sur la « liste rouge » de l’UICN, 87 % de ces espèces se trouvant outre-mer.

Ces menaces sur les espèces, ces atteintes à la biodiversité résultent, comme on l’a déjà analysé, de la conjonction de plusieurs facteurs négatifs : le réchauffement climatique, la fragmentation et le cloisonnement des habitats, le développement d’espèces allogènes invasives, les pollutions de l’air, de l’eau, des sols et enfin la surexploitation des espèces.

55 plans nationaux d’action pour la restauration des espèces les plus menacées ont été mis en œuvre en 2009. Et le Grenelle de l’environnement est venu recommander l’élaboration de plans de conservation et de restauration pour 131 espèces de faune et de flore en danger critique d’extinction : 9 plans d’action en France métropolitaine et outre-mer ont été lancés en 2009 sur ces espèces.

Estimant que nous avons un devoir moral de protection envers chaque espèce, votre Rapporteure demande que les plans d’action soient poursuivis et renforcés, rappelant ces deux données essentielles : l’Homme ne sait pas recréer une espèce éteinte ; à chaque disparition correspond celle d’une quantité inconnue d’interactions avec d’autres espèces.

8. Introduire dans notre droit positif la notion, soit de servitude conventionnelle, soit d’obligation matérielle de protection de l’environnement.

Les sols constituent les parents pauvres de la politique en matière de biodiversité, notamment parce que leur biodiversité et leur rôle dans l’équilibre des écosystèmes demeurent mal connus. Cet oubli est imputable notamment au manque de sensibilité de l’opinion publique à cette question, ainsi qu’à l’échec des actions publiques – et notamment de la directive-cadre européenne sur la protection des sols de 2007 – qui ont visé à protéger et à reconnaître les sols comme des éléments essentiels de la biodiversité. Comme l’indiquait, lors de son audition par la mission d’information, M. Bernard Chevassus-au-Louis, inspecteur général honoraire de l’agriculture, directeur de recherche à l’INRA, auteur du rapport du Centre d’analyse stratégique intitulé « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes », cet échec doit être dépassé dans une réflexion active sur « une solution juridique permettant de reconnaître la dimension de « bien commun » de ces sols, ce qui constituerait une reconnaissance du rôle central joué par les agriculteurs dans la préservation de la biodiversité. » Cette solution juridique pourrait être la création dans notre droit positif de servitudes écologiques.

En effet, dans le domaine du droit privé des servitudes, notre droit positif offre des « possibilités extrêmement limitées (…) pour la préservation des espaces naturels ou de certains milieux », comme l’affirme l’un des spécialistes de cette question, le professeur Gilles-J. Martin (44). Or, comme l’indiquait lors de son audition par la mission M. Laurent Piermont, Président-directeur général de CDC-Biodiversité, « la notion de servitude écologique, qui n’existe pas en droit français, pourrait constituer une innovation juridique intéressante, qui trouverait naturellement sa place entre des espaces naturels créés par la loi, éventuellement en utilisant l’expropriation pour cause d’utilité publique, et le contrat, dont le caractère éphémère ne présente pas des garanties de pérennité indispensables à la préservation de la biodiversité. » Monsieur Piermont indiquait que CDC Biodiversité avait entamé à ce sujet une réflexion avec le Conseil supérieur du notariat, dont il est hautement souhaitable qu’elle soit poursuivie et qu’elle aboutisse à des propositions concrètes.

Celles-ci pourraient combler, en effet, une lacune de notre droit positif, notamment par rapport au droit anglo-saxon et en particulier nord-américain, où le « conservation easement » existe depuis les années 1960. Cette servitude offre la possibilité à un propriétaire foncier, par la conclusion – qui implique la signature et l’enregistrement légal – d’un acte juridique, durablement contraignant, avec un tiers, collectivité, établissement ou organisation de protection de la nature, de protéger son espace physique en tant que paysage ou habitat naturel en interdisant, pendant toute la durée de validité de l’acte, sa construction ou son artificialisation. Ce type de servitude est lié à un avantage fiscal, la déduction de l'impôt fédéral sur le revenu dans une proportion égale à la valeur de sa donation, si celle-ci est consentie en faveur d’une association de protection de l’environnement reconnue conformément aux dispositions du Code des impôts nord-américain (Internal Revenue Code).

En droit français, cette introduction, qui permettrait notamment de faire bénéficier d’une certaine protection, des espaces accueillant la biodiversité « générale » ou ordinaire, pourrait se faire de deux façons :

– soit par la création d’une servitude contractuelle de protection de l’environnement, dans la catégorie des « servitudes établies par le fait de l’homme » (art. 686 et suivants du Code civil) ; dans cette hypothèse, il faudrait déterminer, si l’on entend assigner à la servitude environnementale non seulement un objectif de préservation et de maintien des espaces considérés, ou si on lui ajoute les notions de restauration et/ou de gestion desdits espaces,

– soit par la création d’une obligation réelle, qui autoriserait le propriétaire d’un immeuble à créer sur cet immeuble une obligation intuitu rei durable et automatiquement transmissible à ses ayants cause ; dans cette hypothèse, cette création ne pourrait être consentie par ledit propriétaire qu’avec l’accord écrit et préalable du preneur si le fonds est loué.

Votre Rapporteure souhaite que le ministère de la justice approfondisse cette question et évalue les avantages et intérêts de ces deux possibilités, tout en associant à cette réflexion, d’une part le ministère chargé de l’écologie qui pourrait se voir confier la mission d’élaborer un projet de cahier des charges, pouvant s’appliquer dans l’une ou l’autre de ces deux options, d’autre part, le ministère de l’économie et des finances, qui aurait la charge de définir les avantages financiers et fiscaux pouvant être consentis, le cas échéant, aux propriétaires concernés, en dédommagement de leur consentement à ces servitudes d’un type nouveau.

9. Sur la base du prochain rapport du Centre d’analyse stratégique, opérer un examen des politiques publiques visant à éliminer l’ensemble des dispositions fiscales néfastes à la conservation de la biodiversité et à favoriser les dispositifs vertueux

D’un point de vue économique, la biodiversité souffre du fait que son utilisation ne se fait pas à l’heure actuelle à coût réel : les prélèvements sur la biodiversité – par exemple sur les ressources halieutiques – ne couvrent leurs coûts ni en termes de flux, c’est-à-dire les coûts de soustraction immédiate de ladite ressource, ni en termes de renouvellement de stocks, autrement dit en termes de coûts de reconstitution de la ressource dans son écosystème d’origine. Cette situation défavorable est due notamment à l’existence de subventions publiques entraînant des effets négatifs sur la biodiversité – comme les subventions à des industries d’extraction d’énergies fossiles – ainsi qu’à la persistance de dépenses fiscales négatives ; elle est due également au fait que les biens publics, les effets externes et le patrimoine naturel ne sont pas évalués de façon adéquate par les acteurs économiques privés.

Le phénomène est global et les études internationales montrent que les « subventions pernicieuses » – chiffrés par le chercheur à l’Université d’Oxford Norman Myers à 200 milliards de dollars par an – sont d’un montant bien supérieur, jusqu’à dix fois, à celui des dépenses directement liées à la conservation de la nature. Dans le domaine de la pêche, ce phénomène paraît particulièrement marqué. Dans un rapport sur la pêche durable (45), le sénateur Marcel-Pierre Cléach estime ainsi, qu’au niveau mondial, la « surpêche » et la mauvaise gestion des ressources halieutiques ont généré un manque à gagner de 2 200 milliards de dollars entre 1974 et 2004, certaines politiques publiques – notamment celles visant à la modernisation des flottes – ayant eu pour conséquence d’aggraver les pressions exercées sur les écosystèmes marins.

Il sera donc utile, sur la base notamment du rapport dont M. Guillaume Sainteny a été chargé, par lettre de mission en date du 4 octobre 2010 du directeur du Centre d’analyse stratégique, et qui porte sur « l’examen des subventions et aides d’origine fiscale ou non ayant un impact sur la biodiversité », ainsi que sur la formulation de pistes d’évolution, d’explorer toutes les pistes permettant :

– de dresser un véritable tableau de bord des politiques publiques néfastes à la biodiversité, dans chaque département ministériel ainsi que des dépenses fiscales elles aussi néfastes, une attention particulière devant être portée à celles ayant une incidence sur la biodiversité dans les territoires ultramarins,

– d’identifier les politiques publiques et les dépenses fiscales dont la disparition rapide est la plus souhaitable et d’établir un plan d’action à 3, 5, et 10 ans pour leur substitution, qui devra naturellement se faire à prélèvements constants,

– de demander au ministère de l’économie et des finances une étude concernant l’amélioration de l’imposition de l’immobilier non bâti, cette imposition étant actuellement l’une des causes principales des atteintes aux milieux naturels,

– de créer, le cas échéant sous la responsabilité du délégué interministériel à la biodiversité (voir proposition n° 1), un groupe de travail interministériel réunissant notamment les ministères de l’écologie, de l’agriculture, et de l’économie et des finances, sur l’amélioration du statut fiscal des espaces naturels.

B.— AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

10. Fixer un objectif de réduction progressive de l’artificialisation des sols jusqu’à un gel total

La Convention sur la diversité biologique (CDB) de 1992 a identifié la destruction et la fragmentation des habitats naturels comme la première cause de dégradation de la biodiversité ; elle dispose ainsi, dans son préambule, que « la conservation de la diversité biologique exige essentiellement la conservation in situ des écosystèmes et des habitats naturels ». La progression continue de l’urbanisation sur le territoire national – qui est la cause de la disparition annuelle d’environ 60 000 à 80 000 hectares de surfaces agricoles (dans une proportion de 80 %) et naturels et forestiers (dans une proportion de 20 %), soit l’équivalent de la surface d’un département tous les six ans – se fait au détriment d’espaces qui abritent la majeure partie de la biodiversité « ordinaire », et en particulier, pour ce qui concerne les espaces naturels, de zones humides.

Or la relative abondance de terres, qui est une caractéristique de la France par rapport à ses voisins de l’Union européenne, ne contribue pas à sensibiliser l’opinion publique à la nécessité d’économiser l’espace, qui est pourtant par nature fini et dont la consommation s’apparente à celle que l’on connaît, dans le domaine de l’énergie, avec les énergies fossiles. Or cette tendance à « l’artificialisation » semble s’accélérer. Comme l’indiquait la synthèse du « groupe 2 du Grenelle de l’environnement », les causes de cette diminution résident principalement dans « l’étalement urbain (330 m²/hab. en 2003 soit 18 % de plus qu'en 1992) et le changement d’agriculture (perte de 900 000 ha de prairies en 10 ans) (…) », notant qu’il restait « (…) 1 327 zones non fragmentées en France inférieures à 50 km2 et seulement 444 zones non fragmentées inférieures à 100 km2 (étude 2006 / DNP-MEDAD). »

Il est vrai que, même si l’opinion n’est que peu ou pas sensibilisée à ce problème, la puissance publique a, notamment grâce à la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, introduit dans notre droit positif des dispositions utiles en la matière. En effet, l’article 51 institue deux instances : au plan national tout d’abord, avec l'Observatoire de la consommation des espaces agricoles qui « élabore des outils pertinents pour mesurer le changement de destination des espaces agricoles et homologue des indicateurs d'évolution. » ; au plan local ensuite, la loi crée « dans chaque département, (…) une commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Cette commission, présidée par le préfet, associe des représentants des collectivités territoriales, de l'État, de la profession agricole, des propriétaires fonciers, des notaires et des associations agréées de protection de l'environnement. Elle peut être consultée sur toute question relative à la régression des surfaces agricoles et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de l'espace agricole. Elle émet notamment, dans les conditions définies par le code de l'urbanisme, un avis sur l'opportunité au regard de l'objectif de préservation des terres agricoles de certaines procédures ou autorisations d'urbanisme. Dans les départements d'outre-mer, elle émet un avis pour l'ensemble des zones territoriales, qu'elles soient ou non couvertes par un document d'urbanisme. »

On ne peut que souligner l’orientation favorable de ces dispositions, même si elles sont très récentes et qu’elles visent plus à mesurer, sur l’ensemble du territoire, le phénomène d’artificialisation qu’à doter l’État d’outils efficaces pour le combattre. Sur le plan départemental, le pouvoir de la commission départementale de consommation des espaces agricoles – qui n’a donc pas dans son champ de compétence les espaces naturels laissés à l’abandon – apparaît par trop restreint. Elle est présidée, en effet, par le préfet, qui, s’il le juge utile, a la possibilité de la consulter sur toute mesure aggravant l’artificialisation des espaces agricoles et sur toute mesure permettant de l’atténuer. L’avis qu’elle émettra sur l’opportunité au regard de l’objectif de lutte contre l’objectif d’artificialisation des mêmes espaces de certaines procédures ou autorisations d’urbanisme ne liera en aucune façon l’autorité décisionnaire, en général le maire, et ne constituera qu’un élément parmi d’autres d’appréciation par celle-ci du dossier.

Votre Rapporteure souhaite que ces deux instances, nationale et départementale, soit mises en place au plus vite et qu’une attention particulière soit portée à leur fonctionnement, afin qu’elle ne reste pas une simple « coquille vide. » Le renforcement de leurs pouvoirs, notamment au niveau local, constituerait par ailleurs une piste de réflexion intéressante.

Même si notre arsenal juridique s’est récemment vu doter des premières dispositions visant à lutter contre l’artificialisation des sols, les enjeux et les dangers de la diminution structurelle des espaces naturels, quelles qu’en soient les caractéristiques, restent mal perçus par nos concitoyens. Fixer un objectif de réduction de l’artificialisation des sols et à terme de gel de cette artificialisation aurait le mérite de les mettre clairement en valeur. L’Allemagne s’est d’ailleurs engagée dans la fixation de tels objectifs chiffrés. Comme le précisaient les sénateurs Pierre Laffite et Claude Saunier dans leur rapport « Les apports de la science et de la technologie au développement durable – Tome II – La biodiversité : l’autre choc ? l’autre chance ? »(46) « Les autorités allemandes, conscientes de ce phénomène, se sont fixé des objectifs très contraignants : réduire la minéralisation des territoires à 30 hectares par jour en 2020 et supprimer toute occupation supplémentaire du territoire en 2050. L’état du Bade Wurtenberg est même plus sévère (0 en 2020). » L’encadré ci-après décrit très précisément la politique suivie en la matière par le Gouvernement allemand, ainsi que par les différents Länder.

La lutte contre l’artificialisation des sols
en République fédérale d’Allemagne

La République fédérale d’Allemagne s’est lancée depuis plusieurs années dans une lutte ambitieuse contre l’artificialisation des sols. Elle a en effet mis en place, depuis 2002, une politique globale de développement durable (la « stratégie nationale pour le développement durable ») qui vise à concilier protection de l’environnement, préservation des acquis sociaux et défense des intérêts économiques et en particulier, préservation des surfaces agricoles. Cette politique est définie dans ces objectifs au niveau fédéral, mais sa mise en œuvre est déclinée de façon spécifique dans chacun des Länder. Les 35 objectifs concrets de cette stratégie sont évalués régulièrement au moyen d’indicateurs, parmi lesquels figure l’extension des surfaces de lotissement et de transport, mesurée en hectares et par jour. Cet indicateur s’est élevé à 104 hectares par jour en 2008 et l’objectif de la stratégie de développement durable est d’atteindre une valeur de 30 hectares par jour au maximum en 2020.

Le deuxième rapport d’évaluation de la stratégie nationale de développement durable a été publié en octobre 2008. Les institutions chargées d’évaluer cette stratégie sont le Comité des secrétaires d'état pour le développement durable (animé par M. Poffala, Ministre auprès de la Chancelière), le Conseil national du développement durable (une institution consultative du gouvernement fédéral) et le Parlement. Ce dernier a formulé de fortes critiques, en 2007, à l’égard de cette stratégie, dont de nombreux volets ont été jugés sans effet (protection de la biodiversité, faible réduction de la minéralisation des sols, développement de la mobilité durable, modeste progression de la qualité de l'air, impact du développement des biocarburants). En revanche, le volet de la lutte contre le réchauffement climatique a été jugé positif, notamment les aspects liés à la réduction des gaz à effet de serre (même si ce résultat est avant tout imputable à l'arrêt des activités industrielles en ex-RDA) et le développement des énergies renouvelables.

L’objectif de réduction de la minéralisation des sols n’a pas été atteint, comme le reconnaît le dernier rapport annuel du Ministère de l’environnement adressé au Bundestag (décembre 2010). Des progrès ont certes été constatés (la minéralisation des sols est passée de 129 ha/jour en 2000 à 104 ha/jour en 2008), mais la pente de réduction reste insuffisante pour atteindre l’objectif de 30 ha/jour en 2020. La Chancelière Angela Merkel a évoqué en décembre dernier devant l’assemblée générale d’une organisation agricole que, si des progrès avaient été enregistrés - elle cite le chiffre d’une perte de moins de 90 ha/jour - ils étaient encore insuffisants.

Dans le détail, les surfaces prises en compte par l’indice englobent les surfaces 1/« pour les bâtiments, des aires libres et des aires commerciales », 2/ « des espaces récréatifs et des cimetières » et 3/ « des espaces réservés à la circulation ». En 2000, ces trois composantes représentaient respectivement 66 %, 16 % et 18 % de l’indice. Cette ventilation s’est établie à 37 %, 41 % et 22 % en 2008, ce qui indique une forte baisse de la minéralisation des superficies utilisées pour la construction et les surfaces commerciales, au profit des surfaces dédiées aux espaces récréatifs et aux cimetières.

En termes de comparaison avec la France, l’Allemagne perd environ 31 000 ha de terres agricoles par an (0,2 % de la SAU) alors que la France en perd elle 70 000 ha (-0,25 % de la SAU). Toute comparaison entre ces deux chiffres doit intégrer le fait, d’une part, qu’il n’est pas certain que les données chiffrées puissent être fiables au point de permettre une réelle comparaison, mais également que l’Allemagne enregistre un recul démographique depuis 2002 (-250 000 habitants en 2009) alors que la France connaît une croissance démographique soutenue (+ 350 000 habitants en 2009) et que l’Allemagne connaît un modèle de développement urbain particulièrement lâche qui lui donne plus de marges de manoeuvre.

Source : Ambassade de France à Berlin, Mission économique, février 2011.

Fixer un objectif de baisse, puis, à un horizon temporel plus lointain, de gel de l’artificialisation des sols permettrait une prise de conscience de nos concitoyens sur l’urgence à agir, pour éviter une nouvelle dégradation de la biodiversité, en même temps qu’il orienterait l’action des pouvoirs publics vers une densification du tissu urbain et un arrêt progressif du grignotage péri-urbain d’espaces naturels, tendance lourde des pays industrialisés depuis 1945. Il pourrait s’accompagner de l’utilisation systématique des documents d’urbanisme qui permettent de protéger les espaces agricoles naturels et agricoles et, en particulier, des directives territoriales d’aménagement (DTA), avec comme le recommande le récent rapport « Protéger les espaces agricoles et naturels face à l’étalement urbain (47) », « un contenu plus précis et contraignant dans les zones où les espaces agricoles et naturels sont menacés, pour en limiter la disparition ». Les auteurs de ce rapport préconisent également que soient simplifiés et unifiés les droits de préemption spécifiques sur les espaces agricoles et naturels « qui font aujourd’hui l’objet d’une déclinaison beaucoup trop complexe ».

Cet objectif pourrait être fixé en prenant comme référence la baisse annuelle actuellement constatée d’espaces natures artificialisés, c’est-à-dire 66 000 hectares – chiffre qu’il sera utile de faire valider, car il pourrait en réalité être plus élevé de 20 000 hectares – pour lui imprimer une réduction progressive sur 5 tranches de 10 ans, avec les paliers suivants :

– 2 % de baisse pendant 10 ans (2012-2022), soit de 66 000 hectares par an, soit 52 848 hectares en fin de cycle,

– 5 % de baisse de baisse pendant 10 ans (2022-2032), soit de 52 848 hectares par an, soit 31 642 hectares en fin de cycle,

– 7 % de baisse de baisse pendant 10 ans (2032-2042), soit de 15 314 hectares par an soit 5 508 hectares en fin de cycle,

– 10 % de baisse de baisse pendant 10 ans (2042-2052), soit de 2 133 hectares par an soit 2 133 hectares en fin de cycle.

Un gel interviendrait en fin de cycle 5, c’est-à-dire au terme de cinq décennies de baisse progressive, ce qui aurait l’avantage d’être en phase avec les objectifs que s’est fixés la République fédérale d’Allemagne, ainsi qu’avec les institutions communautaires. En 2006, la Commission européenne a, en effet, publié un rapport au titre éloquent : « L’étalement urbain en Europe, la question ignorée ». Un gel de l’artificialisation aurait également comme vertu de faire de l’économie d’espace « non urbain », c’est-à-dire agricole, naturel et forestier, une cause nationale.

11. La spatialisation des politiques publiques : prendre en compte les régions biogéographiques

Votre Rapporteure souhaite qu’une réflexion soit menée sur les différentes régions biogéographiques au sein desquels s’insère le territoire national. Ce territoire est présent dans les régions biogéographiques suivantes : atlantique (dont Saint-Pierre-et-Miquelon), alpine (dont les Pyrénées), méditerranéenne, continentale, Antilles, Guyane, Mascareignes, Pacifique Sud, terres australes et antarctiques. Or, la région biogéographique constitue bien « le niveau de référence pour l’action et son évaluation » en matière de biodiversité, comme le relevait le groupe « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » du Grenelle de l’environnement. Certaines personnalités auditionnées, comme Mme Laure Fournier, responsable des programmes biodiversité de la Fondation Total, ont relevé la pertinence de ce nouvel espace géographique, puisqu’elle indiquait lors de son audition : « les outils de mesure de l’état de la biodiversité sont en constante évolution, et une des pistes de réflexion à prendre en compte serait de raisonner en termes de zones éco-géographiques, voire d’écosystèmes. En effet, la mise au point d’indicateurs à une simple échelle nationale peut s’avérer problématique, compte tenu de la diversité et des situations locales et des acteurs impliqués ».

Il pourrait être utile de réfléchir aux moyens permettant d’assurer une cohérence entre les régions, les bassins d’agences de l’eau et le découpage administratif, notamment « à travers l’élaboration de schémas et en favorisant la contractualisation », comme le préconisait le groupe 2 « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles »  du Grenelle de l’environnement. Cette élaboration devra se faire en gardant à l’esprit, que les composantes de la biodiversité – les animaux, les plantes, les paysages, pour reprendre une définition de l’introduction du présent rapport – ne connaissent aucune des subtilités de l’organisation des structures locales (collectivités locales, services déconcentrés, comités de bassin) de notre pays.

Le rapport commun au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (48) sur la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) suggérait également de créer « des comités de zones biogéographiques pour dépasser les contours administratifs et politiques », dans l’optique d’une territorialisation avancée de l’élaboration de la SNB. Le rôle de ces comités (quatre seraient situés en métropole, six à sept outre-mer) serait d’assurer la cohérence et la complémentarité des objectifs et des actions « définis par chaque comité territorial, sur la ou les zones biogéographiques qui les concernent. Ils seraient composés de représentants choisis dans les différents comités territoriaux ». L’intérêt de cette configuration serait de ne créer qu’un regroupement des échelons régionaux, pour traiter des questions de biodiversité relative à une zone biogéographique.

12. Améliorer la connaissance de notre patrimoine naturel

Nous connaissons bien notre patrimoine culturel national (nos monuments, nos villes, nos cathédrales, nos grandes œuvres littéraires, picturales, musicales…), mais il apparaît que nous n’avons parfois qu’une vision vague de ce qu’est notre patrimoine naturel.

Il est indispensable, par exemple, que soient mieux connues et comprises des experts comme de nos concitoyens l’extraordinaire richesse mais aussi l’extraordinaire fragilité de nos écosystèmes ultramarins (les mangroves, la forêt primaire guyanaise, les récifs coralliens…), comme il est indispensable que soient mieux évaluées les promesses que recèlent nos espaces maritimes en matière de biodiversité.

Il importe aussi, s’agissant de la connaissance du patrimoine, que l’État réalise des inventaires faunistiques et floristiques précis des zones dont il est propriétaire, en particulier les forêts domaniales, comme il importe, que soient beaucoup mieux connues les infrastructures routières et autoroutières de l’État. Certaines d’entre elles, comme le faisait remarquer à la mission d’information M. Jean-Claude Lefeuvre, professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle, apparaissent, en effet, comme de véritables « murailles écologiques » empêchant de manière tout à fait préjudiciable la circulation des espèces.

13. Dans le cadre de projets d’aménagements, imposer la réalisation ex ante de mesures compensatoires, et instaurer un contrôle a posteriori des mesures de compensation prises

Les travaux menés par la mission d’information ont conduit à relever de nombreuses imperfections dans le dispositif actuel de définition, de réalisation et de contrôle des mesures compensatoires proposées dans le cadre de projets d’aménagement. Ainsi, M. Emmanuel de Guillebon, directeur-adjoint à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Rhône-Alpes, indiquait-il, au cours de son audition que : « s’agissant de la composante relative à la compensation dans les projets d’infrastructures, il est primordial que l’État se donne les moyens, lorsqu’il accepte des mesures de compensation, de vérifier leur réalité et leur évolution, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cela donnerait une véritable crédibilité à son action en matière d’environnement. » Il paraît paradoxal de constater, que l’État n’est pas doté d’un outil performant de contrôle, d’une part, de la réalité des mesures compensatoires proposées dans le cadre de projets d’aménagements, d’autre part, de leur évolution. La raison d’être des mesures de compensation est d’aboutir a posteriori à un impact environnemental nul, au « net net loss » des anglo-saxons ; la réalisation de cet objectif dépend donc étroitement des modalités de mise en place et de contrôle de l’évolution des mesures compensatoires.

Ce contrôle, qui pourrait être confié aux services déconcentrés de l’État – les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et les directions départementales du territoire (DDT) – aurait pour avantage de prendre en compte leur éventuelle remise en cause, et d’exiger, dans ce cas, une restauration de ces mesures, une sorte de compensation de la compensation. Lors de son audition par la mission d’information, M. Florent Lamiot, chargé de mission à la direction Environnement du Conseil régional Nord Pas de Calais, a, par exemple, indiqué que : « dans certains cas, des mesures de compensation peuvent être remises en cause en raison d’événements imprévisibles, ce qui a été le cas en 2006 lors d’un des incendies du tunnel sous la Manche, à l’occasion duquel les mesures de sécurité ont endommagé la zone humide concernée, qui est située à Sangatte. Ultérieurement, aucune mesure de restauration de cette zone n’a été prise. » Ce type d’exemple tend à démontrer, que seul un suivi dans le temps permet de mesurer réellement l’impact environnemental de projets d’aménagement et que cet impact doit faire l’objet de contrôles réguliers par une autorité clairement identifiée.

L’autre aspect d’une réforme de l’usage de ces mesures compensatoires consisterait à en imposer la réalisation antérieurement à celle de l’aménagement en question. M. Emmanuel de Guillebon, directeur-adjoint à la DREAL Rhône-Alpes, lors de son audition, avait émis cette suggestion en indiquant : « L’État pourrait également exiger, dans les projets d’infrastructures, que les mesures de compensation soient mises en œuvre avant l’infrastructure elle-même. » Cette précaution aurait notamment comme avantage de faciliter la reconnaissance par la puissance publique de la réalité des mesures compensatoires ainsi que de leur conformité aux cahiers des charges.

Aussi la mission souhaite-t-elle, que les services compétents du ministère en charge de l’écologie puissent produire une évaluation des conséquences juridiques, économiques et, bien entendu, environnementales d’une telle suggestion.

C.— RESTRUCTURATION DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE, DE LA COLLECTE ET DU PARTAGE DES CONNAISSANCES

14. Organiser une répartition claire des compétences entre les grandes structures de la recherche en matière de biodiversité ; encourager le développement des sciences naturalistes ; approfondir la recherche sur les écosystèmes

Notre pays dispose traditionnellement de remarquables outils de recherche intervenant dans le domaine de la biodiversité : le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut pour la recherche et le développement (IRD), l’Institut national de la recherche agronomique, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), le CEMAGREF, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), l’Alliance nationale de la recherche pour l’environnement (ALLENVI), l’Agence nationale pour la recherche (ANR), le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN)…

Si ce dernier est ancien et apparaît comme l’institution d’excellence en matière d’expertise scientifique du vivant, la création de la FRB remonte à 2008 et celle de l’ALLENVI à 2010. M. Xavier Leroux, directeur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, a indiqué à la mission d’information que la FRB regroupe 5 à 6 000 entités ; cette institution originale permet notamment la rencontre entre grandes institutions de recherche et entreprises et privilégie les études multisectorielles, l’approche naturaliste des questions se complétant ainsi d’approches anthropologique, sociologique ou encore économique. M. Roger Genet, directeur du CEMAGREF et Président du l’ALLENVI, a pu préciser que celui-ci regroupe onze organismes publics ainsi que les universités représentées par la Conférence des Présidents.

Ces divers organismes sont fédérateurs d’énergie, mais il paraît nécessaire que toutes ces compétences en matière de recherche sur la biodiversité soient mieux organisées, mieux coordonnées. M. Graffin, délégué à la Conservation de la nature et au développement durable à la direction générale du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), indiquait ainsi à la mission d’information que la FRB était certes une institution utile, mais qu’une répartition claire de ses compétences, dont certaines sont communes avec le Muséum, doit être opérée.

La recherche en biodiversité souffre aussi du discrédit dans lequel se trouvent les sciences naturalistes depuis plusieurs décennies. Cette situation a été dénoncée par plusieurs intervenants ; elle explique les retards préoccupants que présente la recherche française, s’agissant de l’étude des invertébrés, notamment des insectes. Ainsi, M. Michel Echaubard, secrétaire général de la Société nationale de protection de la nature (SNPN), faisait remarquer que : « l’un des facteurs d’explication réside dans le fait que les étudiants chercheurs en biologie s’orientent, pour ne pas pénaliser leur carrière, plutôt vers la biologie moléculaire que vers le naturalisme. ». Et M. Robert Barbault, membre du groupe de travail « Biodiversité de l’ALLENVI » précisait que : « L’orientation du ministère de la recherche en faveur des actions de recherche dans le domaine médical au sens large constitue indéniablement un frein au développement d’études consacrées spécifiquement à la biodiversité et, plus particulièrement à l’écologie, dans une organisation au plan mondial où les communautés scientifiques sont en compétition les unes avec les autres. ».

La recherche sur la biodiversité doit s’atteler ensuite à l’étude prioritaire des écosystèmes. M. Gilles Bœuf, président du Muséum national d’Histoire naturelle, a insisté sur l’importance de l’étude prioritaire des habitats des milieux de vie. C’est cette dimension et elle seule qui doit permettre d’examiner les conditions de la conservation des diverses espèces. Enfin, les résultats de la recherche – et votre Rapporteure veut insister sur ce point –, doivent être mieux connus des experts comme du public. M. Michel Griffon, directeur adjoint à l’Agence nationale de la recherche (ANR) a pu mettre en exergue, lors de son audition par la mission d’information, les problèmes que suscite l’absence pour son organisme d’un véritable budget de communication.

15. Réorienter la recherche agronomique vers la mise en œuvre d’un modèle agricole innovant, mais respectueux des équilibres écologiques et des ressources naturelles

Lors de son audition par la mission, M. Xavier Leroux, directeur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité indiquait : « l’un des enjeux de la reconquête de la biodiversité reste la mutation de notre système de production agricole et notamment, la baisse de l’intensification des cultures. Cette mutation implique une réflexion sur l’aménagement du territoire, 50 % des questions de biodiversité trouvant une réponse dans cet aménagement ». Or cette mutation de notre système agricole vers des cultures moins intensives et moins « mono-produits » ne pourra s’opérer sans une réorientation de la recherche agronomique.

En effet, les nouvelles pratiques culturales, la reconstitution de haies vives ou la production végétale sans labour, doivent faire l’objet de programmes de recherche ambitieux permettant de mesurer exactement leur impact sur les rendements ainsi que leur viabilité. Ces programmes permettraient :

– de mesurer exactement l’impact de ces nouvelles pratiques sur la productivité des exploitations agricoles,

– d’offrir aux agriculteurs des bases sérieuses leur permettant de faire évoluer leurs exploitations, une des grandes caractéristiques du monde agricole étant précisément son adaptabilité,

– d’irriguer la formation initiale et continue du monde agricole, afin de permettre une différenciation des modèles de production.

Comme l’indiquait M. Robert Barbault, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), lors de son audition par la mission, cette réorientation de la recherche en agriculture constituerait une rupture avec des pratiques vieilles de plus de trente ans. Monsieur Barbault affirmait, en effet, que : « l’une des faiblesses de la recherche dans le domaine de la biodiversité réside dans l’absence d’intégration des problématiques agricoles. Aucune étude scientifique sérieuse n’a été consacrée aux pratiques culturales différentes de l’agriculture intensive et, par exemple, aux effets en matière de rendements, de qualité des sols et du milieu environnant, de l’agriculture « écologiquement intensive ».

L’Institut national pour la recherche agronomique (INRA) pourrait constituer le fer de lance de cette nouvelle orientation, que le monde agricole accepte, mais pour la mise en oeuvre de laquelle, il a besoin d’une aide scientifique et technique. Ainsi, M. Joseph Ménard, membre de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Président de la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, affirmait-il, lors de son audition par la mission, que cette évolution vers un nouveau modèle agricole plus respectueux de la biodiversité « (…) doit être favorisée par une réorientation de la recherche – et donc des activités de l’INRA – visant à réintégrer la parcelle dans l’écosystème dans lequel elle s’insère, ainsi qu’à proposer aux agriculteurs des solutions pratiques leur permettant d’améliorer l’impact environnemental de leur activité. »

Cette réorientation pourrait utilement s’enrichir d’un volet historique permettant de mieux connaître les pratiques culturales en vigueur en France depuis le XVIIIe siècle, ainsi que les enseignements qui peuvent être tirés de ces pratiques du point de vue de la préservation de la biodiversité. Lors de son audition par la mission d’information, M. Jean-Claude Lefeuvre, professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle, évoquait ainsi la question suivante : « le modèle ancestral de l’exploitation de taille moyenne, observé notamment en Bretagne avant 1945, d’une superficie de l’ordre de 8 hectares, associant polyculture et polyélevage, n’était-il pas l’un des plus à même de préserver la biodiversité, notamment celle des sols ? »

16. Approfondir l’étude des liens entre protection de la santé publique et conservation de la biodiversité

La nature nous offre la nourriture, l’énergie, les fibres textiles dont nous avons besoin ; elle est une source aussi de médicaments, la Terre apparaissant comme une vaste « pharmacothèque ». L’aspirine est produite à base d’écorce de saule et l’on sait l’intérêt de l’if dans la lutte contre le cancer, celui des pervenches roses de Madagascar contre les leucémies enfantines, comme du ginkgo biloba ou « arbre aux quarante écus » pour combattre les maladies vasculaires. L’on sait aussi, que plus de 20 000 plantes sont utilisées dans le cadre de la médecine traditionnelle, seule médecine disponible pour près de 80 % des humains et que plus de 50 % des médicaments auxquels recourent les habitants des pays du Nord sont issus des organismes vivants, de nouveaux médicaments étant découverts chaque année.

La conscience d’un lien singulier entre conservation de la biodiversité et santé publique a progressé dans le public, comme dans l’esprit des experts et des décideurs. M. Gilles Bœuf, Président du Muséum national d’Histoire naturelle, faisait ainsi allusion, devant la mission, à un article récemment publié par la revue Nature, qui « a montré que la perte de biodiversité pouvait occasionner une augmentation des pathologies et que la diversité biologique constituait un rempart solide, quoiqu’invisible, contre la propagation des épidémies ».

Le souci des générations à venir justifierait de ce point de vue l’intérêt particulier témoigné à la diversité du vivant. Lors de son audition par la mission d’information, M. Bernard Chevassus-au-Louis, directeur de recherche à l’INRA et auteur du rapport du Centre d’analyse stratégique « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » que l’on a analysé dans ce rapport, indiquait ainsi : « Au-delà de la simple préservation du vivant, il faut créer les conditions de création de nouvelles ressources de la biodiversité, capitales pour les générations futures ».

Et M. Jean-Yves Perrot, Président de l’IFREMER, rappelant les enjeux essentiels de la biodiversité sous-marine, faisait remarquer que : « le rôle économique des océans peut se révéler déterminant, car la biologie évolutive peut déboucher sur des découvertes exploitables dans de nombreux secteurs économiques, notamment, mais pas exclusivement, dans le domaine médical ».

L’intérêt profond de la santé publique commande ainsi, que soit sans cesse approfondi l’effort de connaissance du vivant, de la diversité biologique et tout particulièrement sans doute, dans cette « terra incognita » que constituent encore largement les fonds sous-marins.

Comme le rappelle la Ligue Roc, qui organisera une conférence sur ce thème en juin 2011, « protéger la biodiversité, c’est aussi protéger la santé ».

17. Dans un esprit « d’écologie citoyenne », développer la construction « collaborative » de la connaissance du vivant

Le recensement ainsi que la connaissance des espèces végétales et animales sont en France largement le fait de bénévoles souvent compétents et passionnés. Leur action doit certes faire l’objet d’une validation scientifique, mais une logique « d’écologie citoyenne » doit conduire, loin d’un esprit restrictif ou de défiance, à mobiliser largement les citoyens, pour contribuer à la connaissance du vivant. La biodiversité est bien, en effet, l’affaire de tous.

M. Florent Lamiot, chargé de mission à la direction Environnement du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, a justement indiqué ainsi à la mission d’information que : « La reconquête de la biodiversité passe entre autres par une évolution des modes de partage de la connaissance, dont la construction collaborative – qui n’exclut nullement des procédures de validation efficaces – devrait être la règle, comme c’est déjà le cas sur l’Internet, avec le site Wikipedia notamment. Cette construction permettrait notamment de mener à bien :

– les atlas de la biodiversité communale, auxquels des élèves de l’enseignement primaire et secondaire pourraient, sous l’autorité de leurs enseignants, être associés, le Muséum national d’Histoire naturelle en étant le maître d’ouvrage ;

– des inventaires spécialisés de la biodiversité, à l’instar de « Tela bonatica », portail d’échange pour les botanistes, en ce qui concerne la flore. »

Votre Rapporteure a fait sienne cette analyse, riche de promesses et moyen décisif d’impliquer profondément les citoyens, en particulier les plus jeunes, dans la conservation du vivant.

18. Améliorer la sensibilisation des jeunes, des élus, des partenaires sociaux, des touristes aux enjeux de la biodiversité. Instituer un « module vert » de formation à la bioversité pour les étudiants

Puisque la biodiversité est l’affaire de tous, la sensibilisation et la responsabilisation de tous sont essentielles. Elles le sont, en premier lieu, pour les enfants et les jeunes, qui doivent, dès leur plus jeune âge, être informés des enjeux de la biodiversité et habitués à un mode de pensée et de comportement concret, qui a fait ses preuves, par exemple, dans le domaine du tri sélectif des déchets. On a rappelé déjà les propos tenus devant la mission par M. Jacques Weber, économiste et directeur de recherche au CIRAD, qui voyait dans la sensibilisation des plus jeunes dans un cadre extra-scolaire, un « enjeu fondamental ». Mais M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF estimait également « souhaitable que le ministère de l’éducation nationale mène une réflexion sur la question de la biodiversité et la place que celle-ci pourrait occuper dans les activités scolaires et extra-scolaires ».

Les succès rencontrés en 2010 par les multiples manifestations tenues autour de « l’année de la biodiversité » ou par le film « Océans » axé sur la richesse du milieu maritime ont rappelé l’intérêt qu’éprouvent instinctivement les plus jeunes pour la nature et le monde vivant.

Pour votre Rapporteure, la sensibilisation des plus jeunes se doit d’être avant tout très concrète, de faire référence certes à la nécessaire protection d’espèces emblématiques (le tigre du Bengale, le gorille des montagnes, l’ours, le loup, le lynx…), mais d’insister aussi sur les bienfaits de la biodiversité (la nature source de médicaments, le rôle épurateur des zones humides, l’action des insectes pollinisateurs, l’importance des forêts en matière de stockage du carbone ou de lutte contre les inondations…).

Cette même sensibilisation doit impérativement s’exercer auprès des étudiants. Votre Rapporteure demande ainsi la mise en place d’une formule de « module vert », par exemple de six mois, réunissant, sur une base volontaire, des étudiants ayant achevé leur formation universitaire et qui s’appuierait sur le fait que la biodiversité est devenue un enjeu stratégique d’importance planétaire.

L’effort de sensibilisation, de formation doit s’exercer également en direction du grand public, des élus, des décideurs, des partenaires sociaux. Votre Rapporteure souhaite tout particulièrement que soit beaucoup mieux connue de l’opinion la grande richesse nationale que représente la biodiversité de nos régions d’outre-mer. Elle souhaite également que soient valorisés et beaucoup mieux portés à la connaissance du public les résultats de la recherche menée par les grandes structures compétentes en matière de diversité biologique : la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (la FRB), le Muséum national d’Histoire naturelle (le MNHN), l’Alliance pour l’environnement (l’ALLENVI)… Dans ce domaine, le « faire savoir » est évidemment essentiel.

La sensibilisation aux enjeux et aux risques de la biodiversité doit s’appliquer enfin aux professionnels du tourisme et aux touristes eux-mêmes. Ceux-ci sont en contact direct avec la nature et disposent de temps pour l’étudier et l’apprécier. Les succès que semblent avoir obtenus les actions de sensibilisation prévues par le « plan tourisme » mis en place en 2009 dans le cadre de la Stratégie nationale de la biodiversité (informations sur les espèces végétales et animales menacées comme sur les risques présentés par les multiples espèces exotiques envahissantes, en particulier outre-mer) sont à cet égard prometteurs.

19. Mettre en place une structure nationale pérenne recensant les animations et initiatives disponibles sur le thème de la biodiversité

La réussite qu’a constituée le portail Internet dédié « www.biodiversite2010.fr » lancé en janvier 2010 par le ministère chargé de l’écologie, où étaient utilement recensés les divers animations, colloques, « opérations portes ouvertes », expositions, actions pédagogiques, les programmes des chaînes de France Télévisions, de la radio, du web, les événements festifs locaux… portant sur le thème de la préservation de la biodiversité doit être prolongé.

Votre Rapporteure suggère que soit mise en place une structure nationale pérenne retraçant les initiatives disponibles et permettant l’information, la sensibilisation, la responsabilisation de ces acteurs essentiels de la biodiversité que sont les collectivités territoriales, les associations, le grand public. Un lien avec les réseaux sociaux permettrait ensuite de mieux diffuser ces informations et d’en optimiser l’utilisation.

20. Promouvoir une vision globale de la biodiversité s’appliquant à l’ensemble des espèces et prenant en compte les éco-systèmes

La politique de préservation des espèces végétales et animales menacées de disparition est évidemment un élément clé de la conservation de la biodiversité. L’on pense, par exemple, à ces espèces végétales et animales, que sont l’esturgeon ou les orchidées. Mais, il importe que cette protection soit affinée et enrichie par la prise en compte de la situation de l’ensemble des espèces. M. Michel Echaubard, secrétaire général de la Société nationale de protection de la nature (SNPN), a pu faire valoir ainsi le caractère excessivement rigide de la politique de protection aujourd’hui en vigueur, qui ne prend en considération que les espèces figurant sur la « liste rouge » de l’UICN. Cette politique, indiquait-il, se révèle inadaptée par exemple :

– à la protection d’espèces nouvellement découvertes, comme les nouvelles espèces de chauves-souris récemment inventoriées et dont la population mériterait des mesures rapides de sauvegarde ;

– à la protection d’espèces « dites banales » dont l’observation peut constituer un indicateur précieux de la biodiversité, notamment en milieu urbain ;

– à la protection d’ex-espèces nuisibles, dont l’évolution et l’effectif en font aujourd’hui des espèces à protéger, ce qui est le cas du grand hamster d’Alsace, dont la population était pléthorique dans les années 60 et dont seuls 600 individus subsistent aujourd’hui. »

L’on pense aussi aux insectes pollinisateurs, dont le rôle reste méconnu, alors qu’il apparaît essentiel. L’on sait ainsi qu’un tiers des récoltes est issu de l’action des pollinisateurs.

Les causes du déclin des colonies d’abeilles (une enquête conduite par le Centre national du développement agricole en 2007 révélait que les pertes pour la France atteignaient près de 30 %) ont été clairement analysées dans un rapport au Premier Ministre présenté en 2008 par notre collègue député de Haute-Savoie M. Martial Saddier et intitulé « Les abeilles et les pollinisateurs sauvages : pour une filière agricole durable » : appauvrissement des habitats, utilisation de pesticides notamment en arboriculture, présence de virus, invasions de frelons à pattes jaunes, dits aussi « frelons asiatiques » mangeurs d’abeilles…

Un plan d’urgence « abeilles » puis un plan national d’action en faveur des pollinisateurs sauvages ont été mis en place par les ministères chargés de l’agriculture et de l’écologie, prévoyant un large panel de mesures destinées à sauver la filière apicole. Un programme pluriannuel communautaire a, de la même façon, été retenu pour assurer la sauvegarde des abeilles sauvages en zones urbaines et périurbaines.

Votre Rapporteure insiste sur le caractère stratégique des actions en faveur des pollinisateurs, élément essentiel et hautement symbolique de la biodiversité. Ces actions passent par une connaissance sans cesse approfondie de ces espèces, de leurs habitats, de leur rôle au profit des végétaux et par un appui renforcé à l’ensemble de la filière apicole. Elle observe avec intérêt la création en octobre 2009 de l’Institut de l’abeille, qui a pour vocation de coordonner, au niveau national, les travaux de recherche et d’expérimentation menés en apiculture. Elle note également que, le 12 mars 2011, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) soulignait avec force le rôle de « sentinelles de l’environnement » que jouent les abeilles dans le monde, principalement en Amérique du Nord et en Europe. Il nous était rappelé ainsi que « des cent espèces végétales qui fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, plus de 70 sont fécondées grâce aux abeilles. »

La conservation de la biodiversité exige également que l’on s’attelle, au-delà des espèces, à la prise en compte des milieux de vie, des écosystèmes eux-mêmes. Il en va ainsi tout particulièrement des zones humides (marais, bordures d’étangs, prairies humides), qui sont parmi les milieux naturels les plus dégradés. Rappelons que 50 % des oiseaux en dépendent et que ces zones, qui couvrent 3 % du territoire métropolitain, jouent un rôle majeur en matière d’épuration des eaux et de régulation du débit des cours d’eau.

Le Grenelle de l’environnement a prévu des mesures fortes dans ce domaine : la mise en place de la « trame verte et bleue » et l’acquisition de 20 000 hectares de zones humides par le Conservatoire national du littoral et les Agences de l’eau. Des efforts permanents s’imposent néanmoins, notamment dans les zones péri-urbaines et en outre-mer (mangroves, forêts humides).

21. Développer des actions relevant de la conservation de la biodiversité dans les programmes publics d’aide au développement et faciliter leur identification

Comme le rappelait, devant la mission d’information, M. Guillaume Sainteny, ancien directeur des études économiques et de l’évaluation environnementale au ministère de l’écologie, les ressources en biodiversité sont essentiellement concentrées dans les pays en développement, la biodiversité étant parfois considérée comme « le PIB des pauvres », cependant que la recherche est menée surtout dans les pays du Nord. Or, il paraît très difficile, comme le remarquait M. Sainteny « de connaître les projets financés par l’Agence française de développement (AFD) ou par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE) qui ont une incidence sur la biodiversité. »

Il apparaît ainsi nécessaire, comme le « plan d’action international » de la Stratégie nationale pour la biodiversité l’envisageait déjà, au titre des priorités d’ici à la fin 2010, de faire figurer explicitement des objectifs de biodiversité dans les projets d’aide au développement.

Ce point précis doit être rapproché, d’ailleurs, du soutien apporté par la France au développement durable des pays en développement, qui demeure modeste. Le Fonds français pour l’environnement mondial qui œuvre en particulier pour la préservation de la biodiversité (protection des mangroves, création d’aires protégées permettant la reconstitution des ressources halieutiques) ne dispose ainsi, par exemple, que d’un budget annuel de 15 millions d’euros.

22. Approfondir l’effort de connaissance des espèces et des écosystèmes ultramarins, qui représentent l’essentiel de la biodiversité française, tout en étant particulièrement fragiles

La richesse et le caractère exceptionnel de la biodiversité ultramarine résultent de la conjugaison de trois facteurs : une situation en majorité en zone intertropicale, un caractère insulaire qui induit un haut niveau d’endémisme et une répartition dans des zones biogéographiques très diversifiées, correspondant généralement à des « points chauds de la biodiversité ». Souvent méconnue en métropole, notamment par le grand public, cette richesse a notamment été mise en lumière par plusieurs organismes internationaux d’étude et de conservation de la nature dans des analyses visant à déterminer les zones prioritaires pour la préservation de la biodiversité planétaire.

Mais cette richesse a pour corollaire une plus grande fragilité des écosystèmes, ainsi qu’une plus grande sensibilité aux pressions anthropiques et aux conséquences de l’introduction par l’Homme d’espèces invasives. Comme l’indique une étude (49) du Comité français de l’UICN, « on recense dans ces territoires 60 fois plus d’extinctions globales d’espèces qu’en métropole. »

Il importe donc, afin de mieux la protéger comme une composante essentielle du patrimoine naturel national, d’améliorer la connaissance de la biodiversité ultramarine. À cet effet, il paraît nécessaire de mettre en place les actions suivantes :

– la réalisation d’une cartographie des inventaires de la biodiversité déjà réalisés, afin d’améliorer la spatialisation des données et l’information des collectivités concernées ;

– la réalisation d’un atlas, à la fois faunistique, floristique et bactérien, de la biodiversité endémique insulaire (à titre d’exemple, la flore et la faune terrestres de la Polynésie française comptent près de 60 % d’espèces endémiques pour les végétaux, soit 900 espèces végétales indigènes dont 570 endémiques, cette proportion atteignant 70 % si l’on ne considère que les plantes à fleurs, et 100 % pour certains genres de mollusques et d’insectes) ;

– une identification des habitats et des espèces terrestres les plus menacés au sein des écosystèmes ultramarins ainsi que des espèces éteintes ;

– la mise en place de plans d’action visant à préserver ces habitats et ces espèces ;

– la mise en place d’un système d’échanges d’informations performant entre les collectivités ultramarines et le Muséum national d’Histoire naturelle ;

– la mise en place d’un site Internet recensant et permettant d’accéder à toutes les informations relatives à la biodiversité ultramarine, en multipliant les angles d’accès (par espèces / territoires / habitats) ; ce site permettrait également, pour ce qui concerne les écosystèmes aquatiques, d’accéder à la partie concernant l’outre-mer du tableau de bord des mers française actuellement en cours de réalisation par l’Agence des aires marines protégées (AAMP).

L’amélioration de la connaissance des écosystèmes ultramarins est d’autant plus importante, qu’elle sera nécessaire dans le cadre de la mise en application outre-mer des dispositions de la directive-cadre européenne (DCE) sur l’eau du 23 octobre 2000. Comme l’a indiqué l’ONEMA, « l’application de la DCE dans les DOM demande un travail important de connaissance de la biodiversité locale (coraux, poissons migrateurs, diatomées…) et des pressions qu’elle subit (pollution, état hydromorphologique…) ».

D.— ASPECTS ÉCONOMIQUES

23. Poursuivre résolument les efforts menés sur l’évaluation économique du vivant et encourager la formation d’un marché de la compensation en cas d’atteinte aux écosystèmes

L’évaluation économique du vivant et, plus précisément, des services écosystémiques, est une notion relativement nouvelle, dont le récent rapport du Centre d’Analyse stratégique (50) a montré la complexité, ainsi que les implications pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques.

Il apparaît que cet effort de recherche économique et économétrique doit être poursuivi, notamment, afin d’aboutir à la conception d’une unité de compte – une « unité biodiversité » – aussi indiscutable que la tonne de carbone pour le marché des émissions de gaz à effet de serre et qui puisse faire l’objet de mécanismes d’échange et de compensation. Il est à noter que « CDC Biodiversité », filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) utilise, sous la responsabilité et le contrôle de l’État, des « unités de compte spatio-temporelles » qui sont, en fait, des conversions combinées de gestion écologique d’espaces naturels protégés et de temps. Ainsi, la gestion durable de 50 hectares de forêts représentant l’habitat d’un nombre déterminé d’espèces pendant 15 ans peut représenter 25 unités de biodiversité.

Cette recherche devra être menée, en gardant à l’esprit, que la formation d’un marché de la compensation ne pourra voir le jour que dans la mesure où sont très nettement séparées :

– les fonctions régaliennes de l’État, qui seul peut autoriser ou interdire un projet, par exemple d’infrastructures et accepter ou refuser le programme de réparation proposé par l’exploitant responsable d’une atteinte environnementale,

– les fonctions de détermination des valeurs d’échange ou de compensation et de surveillance dudit marché.

Ces dernières fonctions s’apparentent à des fonctions de régulation, déjà inscrites en filigrane dans le droit communautaire (51) ; elles prévoient, qu’au cours de la procédure d’élaboration de la décision publique sur l’évaluation des impacts environnementaux d’un projet, une « autorité compétente en matière d’environnement » donne un avis, rendu public, sur les mesures envisagées pour éviter, atténuer, ou compenser lesdits impacts.

Au-delà de la mise en place d’un éventuel marché national de la régulation, qui ne pourra voir le jour qu’à moyen ou long terme, il apparaît d’ores et déjà utile, de mieux faire connaître l’évaluation économique de la biodiversité auprès des agents et services de l’État décisionnaires en matière d’aménagement, notamment auprès des services déconcentrés du ministère en charge de l’écologie.

24. En matière agricole, poursuivre vigoureusement les actions conduites avec les agriculteurs pour promouvoir une production agricole à caractère écologique ; améliorer résolument la formation à ces nouvelles pratiques culturales

L’agriculture joue un rôle central dans la perspective d’une politique réellement intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité. « L’agriculture dans son ensemble vit et produit de la biodiversité. Les méthodes culturales contribuent au développement et à la protection de la biodiversité. » C’est ce que confirmait, lors de son audition, M. Joseph Ménard, membre de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Président de la Chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine.

Votre Rapporteure propose que les efforts menés par les agriculteurs, pour promouvoir une production agricole à caractère écologique soient non seulement soutenus, mais encouragés par la puissance publique. En particulier, doivent être encouragées toutes les mesures :

– permettant d’atteindre les objectifs du plan « Agriculture biologique : horizon 2012 », qui a prévu un triplement des surfaces cultivées en « bio », pour les porter à 6 % de la surface agricole utile en 2012 ; ce plan prévoit également la réorientation des moyens de la recherche et du développement, pour décloisonner et renforcer la prise en compte de l’agriculture biologique dans les différents programmes, ce qui paraît particulièrement important ;

– favorisant le développement des mesures agro-environnementales (MAO), ce qui impliquera notamment de peser dans ce sens au cours des négociations sur la nouvelle Politique agricole commune (PAC) ;

– élargissant la participation des agriculteurs au plan « Ecophyto 2018 », qui vise à réduire de 50 % en dix ans le volume de produits phytosanitaires utilisés par le secteur ;

– permettant la diffusion de nouvelles pratiques comme la « jachère à vocation environnementale », les « parcelles-refuges », et les « techniques sans labour ».

Ce dernier point revêt une importance particulière et votre Rapporteure souhaite qu’une réflexion soit engagée, afin de l’intégrer dans la formation initiale et continue des agriculteurs. S’agissant de la formation initiale, elle souhaite, que les ministères de l’agriculture et de l’éducation nationale mènent de concert une réflexion sur le réaménagement du contenu de la formation dispensée dans les lycées agricoles, afin d’y introduire ces nouvelles pratiques culturales.

À cet égard, l’initiative « BiodivEA » (biodiversité dans les exploitations agricoles), qui réunit des lycées agricoles désireux d’intégrer cette nouvelle dimension dans les formations dispensées et qui a fait l’objet d’un récent appel à projets (52) de la part de la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’éducation nationale, paraît particulièrement pertinente. Il serait utile d’explorer toutes les possibilités de l’élargir et de la généraliser.

25. Mener une réflexion sur les investissements nuisibles à la biodiversité en outre-mer

« La protection de la biodiversité d’outre-mer reste à ce jour une priorité plus affichée que réellement effective. Malgré les engagements pris, le patrimoine naturel reste encore une préoccupation marginale des dispositifs de soutien à l’outre-mer, très loin d’un véritable axe stratégique ». Ce constat, dressé dans une étude (53) du Comité français de l’UICN en 2006, reste malheureusement en partie d’actualité. Malgré une biodiversité d’une richesse d’importance mondiale, dont les caractéristiques sont connues – situation en zone intertropicale, haut niveau d’endémisme, 8 espaces ultramarins situés dans un « point chaud » de la biodiversité – les écosystèmes ultramarins sont soumis à de fortes pressions, dus à la fois :

– à des contraintes naturelles (isolement, insularité, faible superficie, risques d’érosion accrus, forte exposition aux risques naturels de type cyclones ou éruptions volcaniques) ;

– à des contraintes anthropiques (pression démographique, difficultés économiques et sociales).

Force est de constater que les politiques publiques menées depuis 1945 n’ont pas contribué à desserrer l’étau de ces diverses contraintes, mais qu’elles ont au contraire contribué, notamment à renforcer les secondes, dans une perspective centrée uniquement sur les conditions de création d’une dynamique de croissance.

Le régime juridique des territoires a parfois joué également en défaveur de la préservation de la biodiversité ultramarine, comme c’est le cas des directives européennes « Oiseaux » et « Habitats », qui ne s’y appliquent pas. M. Guillaume Sainteny, lors de son audition par la mission d’information, relevait qu’ : « un paradoxe de la situation est que le principal gisement de biodiversité en France, les outre-mer, dispose d’un niveau de protection inférieur à celui de la France métropolitaine (non applicabilité des directives « habitats » et « oiseaux », absence de zones Natura 2000) ».

De plus, les aides fiscales aux investissements réalisés outre-mer, qui ont été mises en place en 1952 et revues à plusieurs reprises depuis, notamment dans la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986, dite « loi Pons », ont bénéficié majoritairement à trois secteurs – le transport, l’industrie et l’hôtellerie – dont le développement n’est pas a priori, en l’absence notamment de la prise en compte du triptyque « éviter, réduire, compenser », favorable à la préservation et à la reconquête de la biodiversité.

Il est donc particulièrement important, que soit menée une réflexion sur l’ensemble des politiques menées outre-mer, afin de déterminer celles qui sont réellement nuisibles à la biodiversité et de pouvoir y substituer des politiques conjuguant développement économique et protection de la biodiversité. Cette dernière est, en effet, particulièrement indispensable à l’outre-mer, notamment dans le domaine touristique et fait partie intégrante de sa richesse, notamment culturelle.

Cette réflexion doit naturellement s’accompagner d’une prise en compte du développement économique de ces territoires. Comme l’indiquait M. Guillaume Sainteny, lors de son audition : « certaines portions du territoire, comme l’île de Mayotte, démontrent la nécessité de conjuguer une politique de préservation de la biodiversité (création du parc naturel marin) et une politique d’aide au développement pertinente et efficace pour générer de la croissance ».

Il sera donc particulièrement intéressant d’enrichir cette réflexion à partir des conclusions qui figureront dans le rapport dont M. Guillaume Sainteny a, par ailleurs, été chargé, par lettre de mission en date du 4 octobre 2010 par le directeur du Centre d’analyse stratégique et qui porte sur « l’examen des subventions et aides d’origine fiscale ou non ayant un impact sur la biodiversité », ainsi que sur la formulation de pistes d’évolution. Cette commande faisait suite au courrier adressé à ce sujet, le 27 juillet 2010, par la Secrétaire d’État à l’écologie à la Secrétaire d’État en charge de la prospective et du développement de l’économie numérique. Elle est, par ailleurs, tout à fait conforme aux orientations de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, qui enjoignait, dès 1998, aux États d’identifier les incitations pernicieuses et de considérer les moyens de les éliminer ou d’en atténuer les effets négatifs sur la biodiversité.

CONCLUSION

Au terme de ses travaux, la mission d’information ne peut qu’insister sur le fait qu’une connaissance imparfaite – mais sera-t-elle parfaite un jour ? – de la biodiversité et des mécanismes de son évolution ne peut plus constituer une excuse pour ne rien faire, ou pour limiter la prise de conscience des enjeux et l’amélioration de l’efficacité des outils d'une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité à ceux de la protection de la nature dans des espaces naturels sensibles donc sanctuarisés.

Bien au contraire, cette connaissance imparfaite, ou cette ignorance partielle, devrait inciter à la plus grande circonspection en matière de biodiversité. Chaque espèce – végétale, animale, microbienne – représente en effet une valeur d’option importante ce qui signifie que sa disparition doit être ardemment évitée même si sa valeur ajoutée à l’écosystème dans lequel elle évolue n’apparaît pas de manière évidente, car sa disparition peut entraîner une dégradation brutale de cet écosystème et perturber durablement l’un des services écosystémiques les plus utiles à l’homme.

De plus, le caractère limité de la connaissance de la biodiversité ne doit pas inciter à l’inaction, car il existe un consensus – dans la communauté scientifique des naturalistes, mais aussi, de plus en plus, dans l’opinion publique – sur les moyens de réduire les pressions anthropiques qui menacent l’équilibre des écosystèmes au sein desquels nous vivons. Limiter l’artificialisation des espaces, leur fragmentation tant dommageable à la faune et à la flore, l’érosion des sols, les pollutions de toute nature autant que la surexploitation des ressources doivent impérativement guider l’action de tous pour une reconquête de la biodiversité.

Votre Rapporteure est pleinement consciente de l’intensité et de la sincérité de l’engagement des opérateurs et des acteurs de la conservation de la biodiversité, même si une restructuration et une augmentation des moyens s'imposent pour gagner en efficacité, car elle est aussi persuadée de l'urgence à obtenir des résultats.

Il faut faire de la conservation et de la reconquête de la biodiversité une obsession, une priorité nationale, un enjeu partagé, un point clef dans la mise en oeuvre des politiques publiques, un défi d'innovation pour les entreprises, un domaine approprié par tous, un objectif de la science participative, mais, pour y parvenir, une impulsion politique forte est impérative.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 6 avril 2011, la Commission a procédé à l’examen du rapport d’information de Mme Geneviève Gaillard sur les enjeux et les outils d'une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité.

M. Serge Grouard, président. Nous passons maintenant à l’examen du rapport d’information sur la biodiversité, sujet ô combien important sur lequel nous devrions être plus performants. Je vous rappelle que la création d’une mission a été décidée par le bureau de la commission le 7 juillet 2010. Celle-ci a tenu sa réunion constitutive le 21 octobre 2010 et a décidé de changer sa dénomination en « mission d’information relative aux enjeux et aux outils d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité ». Après plus d’une cinquantaine d’auditions, dont les dernières ont eu lieu la semaine dernière, elle a présenté ses conclusions le mercredi 30 mars dernier. Je veux adresser ici mes remerciements chaleureux et sincères à sa rapporteure, Geneviève Gaillard, qui a porté cette mission d’information avec l’énergie et la compétence qui la caractérisent.

Mme Geneviève Gaillard. Je suis très heureuse de vous présenter ce rapport et forme tous les vœux pour que la commission se saisisse de son contenu et que ce travail soit suivi d’effets. La commande initiale portait, à la suite du Grenelle de l’environnement et de la recommandation du groupe 2 – « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » - sur une mission parlementaire sur « l’opportunité, la faisabilité, le périmètre, les missions, les moyens, la méthode et le calendrier de création d’une agence de la nature, chargée de la coordination de la gestion des espèces sauvages, des espaces naturels et des crises écologiques ». Si ce point a naturellement fait l’objet d’une analyse détaillée dans le rapport, notre réflexion a été bien plus large. Elle est partie du constat préoccupant d’un échec global – au plan international, malgré les avancées des conférences de Rio, de Johannesburg et de Nagoya, européen et national – de la lutte contre la dégradation de la biodiversité. Quelles sont les causes de cet échec ? L’absence de cohérence des politiques publiques mises en œuvre en constitue la principale, et cet état de fait nous place dans l’obligation de passer à la vitesse supérieure, de « changer de braquet » pour employer une métaphore sportive. Le mépris dans lequel est tenue la biodiversité dite « ordinaire » doit également être incriminé, car celle-ci revêt une importance particulière dans l’équilibre global des écosystèmes.

Au-delà de ce constat et de son analyse, le rapport traite de la structuration des acteurs publics. Ceux-ci sont véritablement pléthore, mais la lisibilité de leur action laisse à désirer. Ils ont besoin d’opérer un réel effort de mutualisation, de mise en commun de leurs actions, et de rapprochement de leurs structures pour le plus grand bénéfice notamment de la connaissance de la biodiversité, à la fois sur terre et sur mer. Or, force est de constater que le ministère de la recherche ne favorise pas l’amélioration de cette connaissance, l’accent étant mis depuis des années sur les biotechnologies et l’étude des écosystèmes étant considérée comme consubstantiellement secondaire.

La dernière partie du rapport détaille les 25 propositions de la mission ; elles s’articulent autour de quatre thèmes : la gouvernance et la règlementation, l’aménagement du territoire, la restructuration de la recherche scientifique, de la collecte et du partage des connaissances, et enfin les aspects économiques.

S’agissant de la gouvernance et de la réglementation, la mission propose plusieurs mesures afin de placer la préservation de la biodiversité au cœur des politiques publiques : afficher cette préservation comme une priorité nationale, notamment en créant le poste de délégué interministériel pour la biodiversité, placé auprès du Premier ministre, faire de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et de ses déclinaisons locales le fil conducteur de ces politiques, tout en procédant au nettoyage des mesures, notamment fiscales, qui sont préjudiciables à la biodiversité. Le rapport du Centre d’analyse stratégique de M. Guillaume Sainteny, que la mission a auditionné, apportera très bientôt sur ce dernier point des éclairages utiles.

Cette nouvelle orientation stratégique implique également de mieux reconnaître le rôle déterminant des collectivités locales et de les associer à la définition et à la mise en œuvre de ces politiques. Elle nous force aussi à être exemplaires en matière de signature et de respect des accords internationaux, dont le protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des ressources génétiques, et les conventions visant à réprimer le commerce illégal d’espèces ou à lutter contre les espèces envahissantes. Cette exemplarité pourrait être prolongée en menant une réflexion sérieuse, grâce aux services de la Chancellerie, sur l’introduction dans notre droit positif de servitudes écologiques, outils prometteurs de préservation de la biodiversité dite « ordinaire ». Cette réorientation implique par ailleurs une action résolue en matière d’espèces exotiques invasives, un observatoire national pouvant jouer le rôle d’expertise et d’alerte qui manque aujourd’hui dans notre dispositif institutionnel. Un dialogue doit être noué sur ce dossier – dont l’importance a été révélée par exemple à l’occasion de l’invasion du frelon asiatique et de ses conséquences dramatiques sur les populations d’insectes pollinisateurs – entre les ministères de l’écologie et de l’agriculture.

En matière d’aménagement du territoire, la mission propose d’abord de fixer, comme l’a fait le Land de Bade-Wurtemberg en Allemagne, un objectif annuel de réduction progressive d’artificialisation des sols, conduisant, à horizon 2050, à un gel total. Elle souhaite également qu’une réflexion soit menée sur les régions biogéographiques, qui pourraient constituer l’espace géographique idoine pour mener des actions efficaces sur le terrain en matière de biodiversité. S’agissant des infrastructures de l’État, la mission propose qu’un inventaire précis des infrastructures routières soit réalisé par le ministère de l’écologie, du développement durable des transports et du logement. Elle propose aussi qu’un contrôle des mesures de compensation prises dans le cadre de la réalisation de grands aménagements soit réellement instauré, ex ante et a posteriori, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) semblant les services déconcentrés les plus à même d’effectuer ces contrôles.

S’agissant de la recherche scientifique et des connaissances en matière de biodiversité, la mission propose qu’une répartition claire des responsabilités des opérateurs publics soit opérée, que les sciences naturalistes bénéficient de fonds plus substantiels et qu’elles soient de nouveau mises à l’honneur dans les programmes scolaires de l’enseignement secondaire. La sensibilisation du grand public passe aussi par le développement d’une connaissance collaborative du vivant, par la création d’un outil mutualisé de recensement – qui peut permettre de découvrir des espèces non encore répertoriées – et de mise en valeur des nombreuses initiatives prises sur le terrain et visant à valoriser concrètement la biodiversité, ainsi que par la création de « modules verts » de six mois destinés aux étudiants non scientifiques en fin d’études. Les touristes doivent également faire l’objet d’actions pédagogiques spécifiques, en particulier lorsqu’ils choisissent des lieux de villégiature dans des « points chauds » de la biodiversité, comme les récifs coralliens.

La réorientation de la recherche doit par ailleurs bénéficier à la recherche agronomique, car l’agriculture a besoin d’un soutien technique qui lui permette d’évoluer vers un modèle moins intensif. Il faut résolument « booster » la recherche sur la biodiversité des sols, qui reste embryonnaire. Cette réorientation doit aussi bénéficier à la connaissance des écosystèmes ultramarins, qui constituent de véritables trésors de notre patrimoine naturel mais dont la fragilité reste ignorée.

Enfin, pour évoquer les aspects économiques, la mission propose que soient poursuivis les recherches visant à mieux évaluer les services écosystémiques dans notre pays, dans le prolongement du rapport de M. Chevassus-au-Louis. Il est néanmoins nécessaire de faire attention aux effets pervers de la financiarisation et de la marchandisation : nous devons certes avoir les moyens d’évaluer le coût de la compensation d’une destruction, mais aussi nous garder de la tentation d’agir de manière irréfléchie. Elle souhaite donc que des mesures visant à encourager la formation d’un marché de la compensation soient étudiées, mais dans l’optique de ne pas encourager des pratiques spéculatives défavorables à la préservation de la biodiversité. Nos différentes auditions ont montré sur ce sujet que le triptyque posé par la loi du 10 juillet 1976 – « éviter, réduire, compenser » – était bien souvent resté lettre morte, sauf pour de très rares grandes infrastructures de l’État, qui de surcroît s’est montré plus que négligent dans le contrôle de l’effectivité et de l’évolution dans le temps des mesures compensatoires. Seules quelques très grandes entreprises compensent parfois.

En matière agricole, la mission propose que les soutiens financiers aux agriculteurs souhaitant s’orienter vers une production à caractère écologique soient renforcés. Elle propose aussi que l’agriculture « écologiquement intensive » soit aidée par un dispositif de recherche, ce qui n’est pas le cas actuellement. Enfin, elle souhaite qu’une réflexion soit menée sur les investissements nuisibles à la biodiversité en outre-mer.

En conclusion, je voudrais revenir à notre point de départ, qui était la création éventuelle de l’agence de la nature. J’ai eu le sentiment qu’avec le Grenelle de l’environnement, une dynamique très mobilisatrice avait été enclenchée, mais qu’elle s’était ensuite enrayée, notamment parce que cette création a été perçue par les professionnels concernés comme un moyen de réduire, au moyen de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), les moyens consacrés par la collectivité à la préservation de la biodiversité. Les opérateurs ont besoin de temps, notamment pour améliorer la mutualisation de leurs efforts et de leur savoir-faire en matière de biodiversité, pour évoluer vers une structure commune qui ne peut être que l’aboutissement d’un processus de moyen terme.

Il faut également envisager la dimension internationale de la biodiversité. Nous aidons des pays en voie de développement, dont la biodiversité est importante et parfois menacée. Il faudrait que la préservation de celle-ci puisse être incluse dans nos programmes de coopération.

La dimension agricole reste fondamentale : nous connaissons tous de nombreux agriculteurs de plus en plus conscients de la nécessité de protéger la biodiversité. Il faut savoir les aider un peu plus, lorsqu’ils souhaitent abandonner les méthodes conventionnelles et passer à une agriculture écologiquement intensive.

L’outre-mer nous est également apparu comme très important, car il recèle l’essentiel de notre biodiversité.

Je soutiens donc l’adoption de mesures simples, de bon sens, de cohérence et de coordination. Si elles sont portées par une volonté politique forte, au niveau par exemple du Premier ministre, et relayées par un délégué interministériel à la biodiversité, alors je crois que nous pourrons faire mieux que nous avons fait jusqu’à présent. Et si nous ne faisons rien, je crains que les générations futures – et peut-être même la nôtre – ne souffrent grandement de cette inertie. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean-Paul Chanteguet. Je salue la qualité du travail réalisé par notre collègue Geneviève Gaillard. L’audition de près de cinquante-sept personnes représente un travail considérable.

On parle souvent du changement climatique comme d’un défi environnemental majeur, mais la perte de biodiversité ne l’est pas moins. Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, les différents acteurs – et notamment les responsables politiques – ne se sont pas encore appropriés ce défi essentiel. Il faut le regretter et les réflexions présentées dans le cadre de ce rapport ne peuvent qu’aller dans le sens d’une prise de conscience.

Il faudra bien un jour qu’on arrive à identifier les acteurs – collectivités territoriales, ONG, État –, les outils – le dispositif Natura 2000 est un instrument de préservation de la biodiversité – et les financements – la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS) constitue un moyen de financement mobilisable, qui représente 260 millions d’euros au plan national.

La réflexion sur les financements doit être poursuivie et je voudrais ici évoquer quelques pistes. Faut-il reproduire la TDENS au niveau régional ? Je crains que cela ne soit pas suffisant. D’autres pensent qu’il faut taxer l’artificialisation des sols, la construction des maisons et des infrastructures routières : pourquoi, par exemple, ne pas réfléchir à instaurer un prélèvement sur les autoroutes, qui viendrait alimenter un fonds national destiné à financer des actions en faveur de la biodiversité ? D’autres encore, toujours en lien avec l’artificialisation, soutiennent la création d’une taxe supplémentaire sur le foncier bâti.

La question de la mise en place d’une agence de la nature a été évoquée. J’ai le sentiment que le projet est mort-né. Faut-il le regretter ?

La proposition de créer un poste de délégué interministériel à la biodiversité me paraît intelligente et pertinente. Nous avons besoin, dans ce domaine, de transversalité et le rôle d’un tel délégué serait fondamental à ce titre.

Je regrette que rien ne soit fait aujourd’hui en matière de lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Cette lutte nécessite en effet non seulement des moyens humains, mais surtout des moyens financiers et techniques très importants.

Je suis également tout à fait favorable à l’institution de servitudes écologiques et je crois que des avancées législatives rapides seraient possibles dans ce domaine. Le groupe SRC, de son côté, y réfléchit actuellement.

M. Yanick Paternotte. Je salue le travail fouillé et très méthodique d’une rapporteure passionnée ! Il évoque en effet tous les secteurs et toutes les solutions, y compris dans les domaines les plus particuliers. Et je me félicite de ce que les deux lois « Grenelle » aient provoqué un électrochoc collectif, si tant est qu’une prise de conscience n’existait pas déjà – ce que je crois, pour ma part.

On ne peut qu’adhérer à plusieurs propositions, d’autant que nombre d’entre elles – au-delà de la question de la volonté politique et de la RGPP – relèvent plutôt de la conviction citoyenne et locale et que leur incidence financière est limitée, voire nulle. Dans un conseil général, il y a plusieurs années, j’ai soutenu la mise en œuvre de telles politiques soutenues par des taxes parafiscales presque indolores : de petites gouttes d’eau en grandes rivières, des sommes très importantes peuvent être mobilisées et permettre l’acquisition et l’entretien de zones à protéger. On peut ainsi lutter contre la disparition d’espèces pionnières animales ou végétales.

L’action citoyenne des élus locaux est également très importante. On a beaucoup parlé, à une époque, des « villages fleuris ». Leur définition actuelle est devenue transverse, couvrant tant l’aménagement que la biodiversité. Ils constituent un instrument intéressant, surtout si l’on sait s’appuyer sur l’éducation et la jeunesse.

Ayant vécu quelques années à la Réunion et en Martinique, j’ai le sentiment que la conscience de l’importance de la préservation de la biodiversité y est plus développée qu’on ne croit. L’économie de ces territoires est en effet extrêmement liée au tourisme. On mène aujourd’hui des missions d’étude dans leurs forêts primaires, où l’on découvre des espèces jamais inventoriées. Les expériences de classements – par exemple, à la Réunion – permettent de voir revenir la biodiversité et de reconquérir des fonds sous-marins et des récifs coralliens. Le progrès est certes limité, mais réel.

Au delà de la réflexion hexagonale, la biodiversité ne s’arrête pas aux limites de notre pays. Nous sommes dépendants et interdépendants, tant de nos voisins européens en métropole que de nos partenaires étrangers outre-mer – tout particulièrement, aux Caraïbes. Peut-être faudrait-il alors réussir à mieux sensibiliser l’Union européenne à ces enjeux environnementaux et de biodiversité.

M. Michel Havard. Ayant eu l’honneur de présider l’un des groupes de travail sur le plan national d’adaptation au réchauffement climatique, dont le champ de réflexion couvrait la question de la biodiversité, j’ai le plaisir de retrouver dans le remarquable rapport présenté par Geneviève Gaillard une synthèse d’un certain nombre de sujets, qu’il s’agisse de l’état de nos connaissances ou de notre organisation institutionnelle. De fait, l’empilement de structures nuit considérablement à la lisibilité et, en matière de recherche, priorité est effectivement plutôt donnée aux biotechnologies qu’à l’amélioration de l’état naturel.

La proposition présentée en matière de lutte contre l’artificialisation des sols et la destruction de la biodiversité me parait extrêmement intéressante. On arrive toujours à protéger, malgré les difficultés, la biodiversité extraordinaire. L’idée de la compensation des atteintes à la biodiversité ordinaire, dans les agglomérations, doit être approfondie. Il faut réussir à donner un prix à cette biodiversité et trouver les moyens de la compenser, par des taxes, un gel des opérations ou d’autres moyens encore.

Mme Catherine Quéré. Je salue un résultat remarquable, au terme d’un travail parfois ingrat. La quatrième proposition, celle de la création d’un Observatoire national des espèces exotiques invasives, me semble très intéressante. Mais pourquoi seulement exotiques ? On a bien parlé du frelon asiatique et chacun connaît la menace qu’il représente pour les abeilles, mais quid de la jussie ou des ragondins ?

Mme Geneviève Gaillard. Les ragondins sont venus d’Amérique et la jussie n’est pas une plante originaire de nos régions.

Plusieurs commissaires. Mais c’est le cas de nombreux fruits et légumes ! La pomme de terre, le maïs, la tomate, …

Mme Geneviève Gaillard. C’est exact, mais ces espèces ont été domestiquées !

Mme Catherine Quéré. Pour ce qui concerne l’agence de la nature, portée en son temps par Jean-Louis Borloo, pourquoi ne pas lui confier la confection d’un inventaire de notre patrimoine naturel ?

S’agissant de la protection de la biodiversité, je voudrais savoir si des réflexions ont été conduites sur la question de l’équilibre. Dans ma région, on a introduit des cigognes, on a beaucoup de hérons et d’aigrettes… en conséquence de quoi les grenouilles s’y font rares ! La protection de certains oiseaux menace donc la reproduction d’autres espèces.

M. Jérôme Bignon. Je souhaite en premier lieu présenter mes compliments sincères à la Rapporteure pour son excellent rapport qui constitue une solide base historique et documentaire sur le sujet. La protection de la biodiversité constitue un tout indissociable, que l’on parle de biodiversité extraordinaire ou ordinaire. Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a conduit de nombreuses études sur la question des servitudes écologiques, question qui pose de réels problèmes, puisque ce dispositif est privatif du droit de propriété et qu’il est exorbitant du droit commun. Les réflexions doivent pourtant être poursuivies, notamment parce que le recours à cette technique juridique, à laquelle je suis favorable, permettrait au Conservatoire du littoral de recourir moins souvent à des acquisitions foncières.

Le mécanisme de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles constitue, quant à lui, une très bonne piste d’action ; il serait peut-être utile d’en généraliser l’application à l’ensemble des départements, en prévoyant des taxes adaptées, plutôt que de prévoir la création de taxes supplémentaires. Une action sur le taux de cette taxe s’impose : certains départements ont des taux que je qualifierais « de complaisance » et seule une dizaine d’entre eux sont au maximum qui est de 2 %. Par ailleurs, la politique de la biodiversité est souvent négativement impactée par les dispositifs fiscaux. S’agissant enfin de la mise en place d’une agence de la nature qui constitue un vrai sujet, je suis heureux que la mission ait suivi ma proposition de bon sens, qui est d’avancer pas à pas, d’aplanir les difficultés, avant d’aboutir à la création de ce nouvel organisme.

M. Jean-Marie Sermier. Le rapport présenté par la mission d’information dont je salue la qualité met l’accent en matière agricole sur la nécessité d’atteindre les objectifs du plan « Agriculture biologique : horizon 2012 », qui a prévu de porter l’ensemble des terres cultivées en « bio » à 6 % de la surface agricole utile en 2012. Il ne faudrait pas oublier les autres surfaces agricoles et les autres modes de production, tels que l’« agriculture raisonnée », qui a fait un chemin considérable pour concilier développement de la production agricole et respect des milieux, c’est-à-dire à la fois productrice et protectrice. Il paraît utile de disposer ainsi de plusieurs agricultures.

M. Gérard Menuel. La biodiversité est aujourd’hui entrée dans les esprits dans le monde agricole, pour qui elle constitue désormais un souci permanent comme le montre, par exemple, l’intérêt que suscitent les techniques sans labour. Il eût peut-être été utile d’étudier les travaux menés en la matière par l’INRA.

Mme Martine Lignières-Cassou. Le rapport de la mission d’information insiste justement sur la nécessité d’une transversalité des politiques. La suggestion de se doter d’un délégué interministériel apparaît à cet égard comme prometteuse, car elle devrait permettre que les préoccupations de biodiversité irriguent l’ensemble de nos politiques, notamment la politique urbaine. Il faudrait insister, lorsqu’on traite de la biodiversité, non seulement sur ses contraintes, mais aussi sur les atouts qu’elle présente, afin de constituer un effet d’entraînement. De la même façon, l’action des acteurs locaux mériterait d’être mieux reconnue, et une politique de labels en matière de biodiversité devrait être ainsi développée.

M. Jean-Pierre Giran. Je souligne la qualité de ce rapport d’information. Il serait particulièrement intéressant de s’inspirer, s’agissant de la conservation de la biodiversité dans l’avenir, de l’esprit du Grenelle de l’environnement, qui avait su réunir les représentants des diverses parties prenantes. Pourquoi ne pas mettre en place un Haut Conseil à la biodiversité au niveau national, accompagné de comités locaux dans chaque région afin de maintenir en contact toutes ces parties prenantes ?

M. Philippe Tourtelier. Les propositions de la mission qui a accompli un excellent travail apparaissent très positives, en particulier la création d’un délégué interministériel à la biodiversité, la conduite d’une réflexion sur les servitudes écologiques, ou encore la réduction programmée de l’artificialisation des sols. L’accent devrait être mis de plus en plus dans l’avenir sur le développement d’une agriculture à haute valeur environnementale et sur les liens entre protection de la santé publique et conservation de la biodiversité, la prise en compte de ces liens constituant un motif puissant d’adhésion de l’opinion à la cause de la préservation du vivant.

M. Jacques Le Nay. Bravo pour ce rapport d’information très intéressant. La semaine dernière, nous avons constaté que les objectifs du Grenelle de l’environnement étaient parfois un peu trop ambitieux et il ne faudrait pas qu’il en soit de même pour la préservation de la biodiversité. Dans nos territoires ruraux, pour maintenir la population – je ne parle même pas de la faire progresser ! – dans une ville de 5 000 habitants, il faut construire 30 logements par an. Cela fait autant de terrain pris sur la biodiversité, mais comment l’éviter ? Je ne rejette pas l’idée d’un gel des sols voués à l’artificialisation mais il faut prévoir des compensations ou nos territoires vont mourir. Or des solutions existent : lorsque l’on déboise des espaces naturels pour construire une route, il est souvent possible de reboiser ailleurs. Il convient par conséquent de garder une approche équilibrée de ces questions.

Mme Chantal Berthelot. Je me suis efforcée d’être présente à nombre d’auditions de la mission mais je tiens à présenter mes excuses à la rapporteure pour n’avoir pas pu les suivre toutes. J’applique au domaine dont nous débattons une règle des « 3 C » : connaissance, coordination et cohérence. Connaissance, parce qu’il reste beaucoup à apprendre d’un champ de recherche aussi vaste que celui de la biodiversité ; coordination, tant il est nécessaire de faire dialoguer les différents acteurs que nous avons eu la chance d’auditionner, peut-être au travers de l’Agence de la nature ; cohérence, enfin, à rechercher dans la conduite des politiques publiques territoriales, à l’échelle des collectivités comme de la nation tout entière.

Par qui la stratégie nationale de la biodiversité a-t-elle été établie ? Que va-t-elle proposer ? Comment le rapport de notre collègue Geneviève Gaillard sera-t-il pris en compte dans le programme d’action du Gouvernement ? 

M. le président Serge Grouard. Même si la biodiversité reste très mal connue, tout le monde s’accorde sur le constat de son appauvrissement. Au cours des dernières années, nous avons cependant connu une petite révolution conceptuelle avec le passage de la préservation exclusive de quelques espaces et espèces extraordinaires à l’attention portée à la biodiversité « ordinaire », présente jusque dans cette salle de réunion !

Agir est toujours possible. Il y a des mesures simples, efficaces, peu coûteuses et de bon sens ; mais aussi des programmes plus lourds, qui, comme l’a dit Jacques Le Nay, doivent se concilier avec les enjeux d’aménagement du territoire, d’urbanisme, d’insertion des infrastructures et de juste compensation des efforts réalisés. En tant que maire, je sais qu’il est compliqué de traduire au plan juridique la volonté de préservation de la biodiversité, notamment dans les POS ou dans les PLU. Si quelqu’un sait comment protéger les jardins privés en ville – y compris lorsqu’ils ne possèdent pas d’espèces classées –, je suis preneur de ses conseils !

Je constate que la promotion d’une Agence de la nature est parfois suspectée de s’inscrire dans une démarche de RGPP mais je ne crois pas que ce reproche soit fondé. Je souscris aux propos de Jean-Pierre Giran sur un Haut conseil de la nature ; son idée d’instance informelle de dialogue pourrait concrétiser une première étape.

Si une bonne part de la biodiversité française se trouve outre-mer, cela ne nous dispense pas d’un effort particulier pour prendre en compte les enjeux de la biodiversité dans les projets de coopération, par exemple avec les pays africains, auxquels nous restons souvent très liés. Je pense notamment à la préservation des parcs naturels d’Afrique : les programmes d’action ne coûtent pas cher et ils sont très efficaces.

En application de l’article 145-8 du Règlement de l’Assemblée nationale, je proposerai, si vous en êtes d’accord, que le travail réalisé dans le cadre de cet excellent rapport d’information se prolonge par un débat ou une séance de questions dans l’hémicycle. (Assentiment)

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je remercie les différents orateurs pour leurs louanges et les administrateurs de la commission pour leur aide précieuse.

Oui, Martine Lignières-Cassou, la biodiversité est un atout pour accompagner notre vie sur Terre et il faut faire passer ce message. Ce devrait être le « b.a.-ba » de tout projet éducatif et l’éducation nationale ne saurait s’en désintéresser. Au reste, des progrès existent, même s’il faut « mettre le turbo » dans ce domaine.

Même s’il faut encore pousser la recherche, la connaissance de la biodiversité avance, via les différents inventaires – locaux, urbains, ruraux, … – et Serge Grouard a raison de dire que des mesures simples et de bon sens peuvent jouer un rôle essentiel.

Quant aux espèces nuisibles pourchassées, laissons-les vivre car le coût de leur éradication est à mettre en rapport avec le bénéfice que retireraient les agriculteurs de leur maintien. Une même recherche d’équilibre doit inspirer la préservation de certaines espèces : d’accord pour les hérons et les cormorans – si chers à Jean-Paul Chanteguet –, mais pas au prix de la disparition des batraciens ! Il est urgent de limiter leur prolifération.

Je souscris à l’idée de décerner un label aux collectivités les plus impliquées dans la protection de la biodiversité. À quand des villes arborant fièrement un logo à imaginer figurant sur un panonceau en entrée d’agglomération – même s’il ne faut pas surcharger nos entrées de ville, déjà enlaidies par des panneaux publicitaires ainsi que par une signalisation anarchique ?

Enfin, n’oublions pas les naturalistes bénévoles car leur rôle est essentiel !

Mes chers collègues, comme vous, j’attends avec impatience les conclusions du rapport Sainteny et je remercie Jean-Pierre Giran pour ses propos sur le haut conseil de la nature. Quant au délégué interministériel à la biodiversité, je ne l’imagine pas autrement que directement rattaché au Premier ministre. Toute autre forme d’organisation traduirait un manque de volonté politique.

M. le président Serge Grouard. Merci encore pour cet excellent travail. Nous allons réfléchir à la manière de lui donner l’audience qu’il mérite et de le prolonger par une séance dans l’hémicycle.

Interrogée sur la publication du rapport, la commission l’autorise à l’unanimité.

ANNEXES

– Chronologie synthétique ;

– Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;

– Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (dite loi « Grenelle I ») ;

– Présentation des opérateurs publics dans le domaine de la biodiversité ;

– Tableau comparatif des espaces naturels de France.

CHRONOLOGIE SYNTHÉTIQUE

1793 : un décret de la Convention (10 juin) crée le Muséum d’histoire naturelle, héritier du Jardin royal des plantes médicinales auquel un édit royal de 1635 donne naissance sous Louis XIII

1854 : création par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, titulaire de la chaire de zoologie des mammifères et des oiseaux au Muséum d’histoire naturelle, de la Société impériale zoologique d’acclimatation – ancêtre de la Société nationale de protection de la nature – qui est la première société savante dédiée à la conservation et à la protection de la nature

1859 : Charles Darwin publie L’origine des espèces, ouvrage dans lequel il met en valeur la diversification continue des espèces

1901 : réalisation de la description de l'okapi (Okapia johnstoni), symbole des espèces de grands mammifères découvertes seulement au XXe siècle

1908 : Elie Metchnikoff reçoit le prix de Nobel de médecine pour ses travaux sur des larves d’étoiles de mer qui ouvrent la voie, grâce à la découverte de la phagocytose, à la recherche en immunologie cellulaire et comparée

1912 : création de la Ligue de protection des oiseaux (LPO)

1918 : sur décision du président de la République Raymond Poincaré est créé l'Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes

4 mai 1930 : parution au Journal officiel de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque

1948 : création de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à laquelle participe le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN)

1959 : parution (27 juin) au Journal officiel du décret n° 59-768 du 26 juin 1959 donnant naissance au dispositif des « périmètres sensibles », dont l’objet est la protection des espaces boisés non soumis au régime forestier dans les départements côtiers du sud de la France

1960 : parution (23 juillet) au Journal officiel de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 relative à la création des parcs nationaux

1961 : création de la première réserve naturelle, celle du Lac Luitel (Isère) ; début des activités du Comité d'Exploitation des Océans (COMEXO)

1963 : création (6 juillet) du premier parc national, le parc national de la Vanoise et du parc naturel de Port-Cros (14 décembre)

1964 : création de l’Office national des forêts (ONF)

1967 : création du parc national des Pyrénées ; signature (1er mars) par le Général De Gaulle du décret portant création des Parcs naturels régionaux

1969 : création de la United States Environmental Protection Agency (ou EPA), agence fédérale américaine de l’environnement

1970 : création (2 septembre), création du parc national des Cévennes

1971 : création du ministère de la protection de la nature et de l’environnement, placé auprès du Premier ministre, et de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France ; signature de la Convention internationale sur les zones humides d’importance internationale, dans la ville iranienne de Ramsar

1972 : adoption de la « déclaration de Stockholm » par la Conférence des Nations Unies sur l’environnement

1973 : création (27 mars) du parc national des Ecrins ; création de WWF France

1975 : parution (11 juillet) au Journal officiel de la loi n° 75-602 du 10 juillet 1975 portant création du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; entrée en vigueur de la Convention de Ramsar, la France comptant 36 sites inscrits sur la liste des zones humides d'importance internationale établie par le secrétariat de la Convention, pour une superficie totale de 3 289 158 hectares

10 juillet 1976 : parution au Journal Officiel de la loi n° 76-629 relative à la protection de la nature

1977 : création de Greenpeace France

1979 : création (18 août) du parc national du Mercantour

1982 : création (20 février) du parc national de la Guadeloupe ; déclaration (28 juin) de Réserves Naturelles de France, association loi 1901 sous le nom de Conférence Permanente des réserves naturelles ; élaboration par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) d’une charte mondiale de la nature qui fait l’objet d’une proclamation officielle le 29 octobre par l’assemblée générale des Nations unies

1984 (5 juin) : parution au Journal officiel du décret n° 84-428 du 5 juin 1984 relatif à la création, à l'organisation et au fonctionnement de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, qui naît de la fusion du Centre National pour l’Exploitation des Océans (CNEXO) et l’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (ISTPM)

1985 : création par l’écologue W.G. Rosen, du mot « biodiversity » (contraction de biological diversity) à l’occasion du National Forum on biodiversity, mis en place aux États-Unis par la Smithsonian institution et la National Academy of science

1986 : Ratification par la France de la Convention internationale de Ramsar sur les zones humides d’importance internationale

1988 : création de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels (FCEN)

1992 : réunion, à Rio de Janeiro, en juin, de la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, qui adopte la Convention sur la diversité biologique (CDB)

1994 : ratification par la France (1er juillet) de la CDB, qui entre en vigueur le 29 septembre ; la Direction de la nature et des paysages (DNP) du ministère chargé de l’environnement publie La diversité biologique en France, programme d’action pour la faune et la flore sauvage

1997 : le traité d’Amsterdam instituant la Communauté européenne renforce le principe d’intégration des exigences environnementales dans les politiques sectorielles communautaires, car il constitue un facteur essentiel du développement durable (article 6) ; création de l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN)

1998 : adoption de la Stratégie européenne pour la biodiversité (SEB)

1999 : Lancement de l’Initiative Française sur les Récifs Coralliens (IFRECOR), action nationale en faveur des récifs coralliens des collectivités de l’outre-mer

2001 : parution (3 octobre) au Journal officiel du décret redéfinissant les missions, statuts et partenaires du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) ; sommet européen de Göteborg où l’Union européenne se fixe comme objectif d’arrêter le déclin de la biodiversité en Europe à l’horizon de 2010

2002 : au cours de la VIe Conférence des parties signataires de la CDB (avril), sont adoptées les « Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation » ; la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité impose (article 109) l’institution de « l'inventaire du patrimoine naturel (…) pour l'ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin. » La même loi crée « dans chaque région un conseil scientifique régional du patrimoine naturel. »

2003 : publication (décembre) du document Au nom du vivant, commun à l’UICN et au Conseil national du développement durable (CNDD)

2004 : adoption de la première Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), pour la période 2004-2010 ; 6 premiers sites reçoivent le label « Grand Site de France » : Pont du Gard, Aven d'Orgnac, Pointe du Raz et Sainte-Victoire

2005 : Adoption par le Parlement réuni en congrès, dans les conditions prévues par l’article 89, alinéa 3, de la Constitution, du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l’environnement, qui dispose notamment « que la diversité biologique (…) [est affectée] par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles »

2006 : parution (15 avril) au Journal officiel de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, qui crée l’Agence des aires marines protégées (article 18) ; parution (31 décembre) au Journal officiel de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques

2007 : création (février) du parc national de la Guyane, et du parc national (mars) de la Réunion ; signature (28 septembre) du décret du 28 septembre 2007 portant création du Parc naturel marin d’Iroise, définissant son périmètre, la composition de son conseil de gestion et ses dix orientations de gestion ; pour la première fois, la moitié de la population mondiale vit en ville (contre 1 habitant sur 10 en 1900, et 3 sur 10 en 1950)

2008 : installation (26 février) de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB)

2009 : parution (5 août) au Journal officiel de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (dite loi « Grenelle I ») ; lancement par l’Agence nationale de la recherche de l’appel à projet « 6ème extinction »

2010 : déclaration par les Nations Unies de 2011 comme « l’Année internationale de la biodiversité » ; signature (11 juin) de l’accord entre gouvernements pour la création d'une plateforme intergouvernementale scientifique et politique en matière de biodiversité et de services écosystémiques (IPBES) à Busan, en Corée du Sud ; parution (13 juillet) au Journal officiel de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement publiée (dite loi « Grenelle II ») ; adoption (13 octobre) par des chercheurs en sciences marines réunis à l’occasion de la conférence EurOCEAN 2010 de la « Déclaration d’Ostende » ; Conférence de Nagoya (18 au 18 octobre 2010), au cours de laquelle les 193 État parties à la Convention sur la biodiversité biologique adoptent un Plan stratégique dit « Objectif d’Aichi » fixant 20 nouveaux objectifs et le protocole sur l'accès aux ressources et le partage des avantages tirés de la biodiversité (dit « protocole APA ») ; création (20 décembre) par l’Assemblée générale des Nations-Unies à New-York de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique en matière de biodiversité et de services écosystémiques (Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES), dont la mise en place est déléguée au Programme des Nations – Unies pour le développement (PNUE)

2011 : (22 mai) Journée mondiale de la biodiversité ; adoption par la France de la nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB)

Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976
relative à la protection de la nature

Article 1er

La protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d’intérêt général.

Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel dans lequel il vit. Les activités publiques ou privées d’aménagement, d’équipement et de production doivent se conformer aux mêmes exigences.

La réalisation de ces objectifs doit également assurer l’équilibre harmonieux de la population résidant dans les milieux urbains et ruraux.

Article 2

Les travaux et projets d’aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation ainsi que les documents d’urbanisme doivent respecter les préoccupations d’environnement.

Les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences.

Un décret en Conseil d’État fixe notamment :

D’une part les conditions dans lesquelles les préoccupations d’environnement sont prises en compte dans les procédures réglementaires existantes ;

D’autre part :

Le contenu de l’étude d’impact qui comprend au minimum une analyse de l’état initial du site et de son environnement, l’étude des modifications que le projet y engendrerait et les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement ; (…)

Chapitre Ier

De la protection de la faune et de la flore

Article 3

Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique national justifient la conservation d’espèces animales ou végétales non cultivées, sont interdits :

La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;

La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces ou de leurs fructifications, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;

La destruction, l’altération ou la dégradation du milieu particulier à ces espèces animales ou végétales ;

La destruction des sites contenant des fossiles permettant d’étudier l’histoire du monde vivant ainsi que les premières activités humaines. (…)

Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement
(dite loi « Grenelle I »)

Chapitre Ier

STOPPER LA PERTE DE BIODIVERSITÉ SAUVAGE ET DOMESTIQUE,
RESTAURER ET MAINTENIR SES CAPACITÉS D’ÉVOLUTION

Article 23

Pour stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique, restaurer et maintenir ses capacités d'évolution, l'État se fixe comme objectifs :

― la constitution, d'ici à 2012, d'une trame verte et bleue, outil d'aménagement du territoire qui permettra de créer des continuités territoriales ;

― la mise en œuvre de mesures de protection, de valorisation, de réparation des milieux et espèces naturels et de compensation des dommages causés à ceux-ci, tenant compte des spécificités des territoires ruraux, insulaires et de montagne et s'articulant de manière cohérente avec les dispositifs existants de protection ; sans préjudice des dispositifs de compensation et d'évaluation en vigueur, lorsqu'il n'existe pas d'autre solution que la réalisation d'un projet ou d'un programme susceptible de nuire à la biodiversité, des mesures de compensation proportionnées aux atteintes portées aux continuités écologiques dans le cadre de la trame verte et bleue seront rendues obligatoires selon des modalités définies par le code de l'environnement en concertation avec les élus locaux et les acteurs de terrain ;

― le renforcement du rôle de la stratégie nationale de la biodiversité et l'élaboration, y compris outre-mer, de stratégies régionales et locales cohérentes dans le respect des compétences des collectivités territoriales et en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés ;

― la mise en œuvre d'une stratégie nationale de création d'aires protégées terrestres identifiant les lacunes du réseau actuel afin de placer sous protection forte, d'ici dix ans, 2 % au moins du territoire terrestre métropolitain : cet objectif implique notamment la création de trois nouveaux parcs nationaux et l'acquisition à des fins de lutte contre l'artificialisation des sols et de valorisation, notamment agricole, de 20 000 hectares de zones humides par les collectivités publiques, identifiées en concertation avec les acteurs de terrain, sur la base de données scientifiques ;

― la création d'aires marines protégées afin de couvrir, en incluant notamment le réseau Natura 2000 en mer et la création de parcs naturels marins, 10 % des eaux placées sous la souveraineté de l'État dans les limites de la mer territoriale, d'ici à 2012 en métropole, et d'ici à 2015 dans les départements d'outre-mer ; les collectivités d'outre-mer et les collectivités en Nouvelle-Calédonie volontaires seront aidées pour la mise en place et la gestion de ces aires ;

― la mise en place d'ici à 2013 de plans de conservation ou de restauration compatibles avec le maintien et le développement des activités humaines afin de protéger les espèces végétales et animales en danger critique d'extinction en France métropolitaine et outre-mer, dont 131 ont été recensées en 2007 ;

― la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, terrestres et marines, afin de prévenir leur installation et leur extension et réduire leurs impacts négatifs ;

― la réalisation des documents d'objectifs dans les sites Natura 2000 d'ici à 2013 ;

― le renforcement du soutien de la France à la création d'un groupe d'expertise scientifique internationale pour la biodiversité sur le modèle du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

Article 24

L'État se fixe comme objectif la création, d'ici à 2012, d'une trame verte constituée, sur la base de données scientifiques, des espaces protégés en application du droit de l'environnement et des territoires assurant leur connexion et le fonctionnement global de la biodiversité, et d'une trame bleue, son équivalent pour les eaux de surfaces continentales et leurs écosystèmes associés.

Leur élaboration associera l'État, les collectivités territoriales et les parties concernées sur une base contractuelle. L'élaboration de la trame bleue s'effectuera en cohérence avec les travaux menés par les commissions locales de l'eau.

Leur pilotage s'effectuera dans chaque région en association étroite avec les collectivités territoriales et en concertation avec les acteurs de terrain dans un cadre cohérent garanti par l'État.

Les modalités de leur prise en compte par les documents d'urbanisme, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les schémas d'infrastructures, la fiscalité locale et les concours financiers de l'État seront précisées à l'issue d'un audit qui aboutira avant fin 2009.

A cet effet, l'action des conservatoires d'espaces naturels sera confortée par une reconnaissance spécifique.

Article 25

L'efficacité des actions menées en faveur de la biodiversité implique une amélioration de sa connaissance et une mise en cohérence des dispositifs existants. Pour cela, l'État se fixe comme objectifs :

― la mise à jour d'ici à 2012 de l'inventaire des zones naturelles d'intérêt écologique, floristique et faunistique, marines et terrestres, et la révision, dans les mêmes délais, des listes d'espèces menacées ;

― la création d'un réseau de conservatoires botaniques nationaux pour la flore et les habitats ;

― l'étude, en concertation avec le comité visé à l'article 1er de la présente loi, des dispositifs permettant d'évaluer et de valoriser les services rendus par la biodiversité à la collectivité et aux acteurs socio-économiques ;

― l'augmentation et la diversification des moyens de la Fondation scientifique pour la biodiversité ;

― le soutien à la formation et à la recherche en sciences de la nature, notamment dans le domaine de la taxinomie ;

― la mise en place d'un observatoire national de la biodiversité mettant à la disposition du public une information actualisée ;

― le suivi et l'évaluation des mesures prises en application du présent chapitre.

Article 26

L'État contribuera au financement d'actions destinées à élaborer la trame verte et bleue, à mettre en place et gérer des aires protégées, à acquérir des zones humides, à sauvegarder les espèces menacées, à inventorier la biodiversité et à analyser son érosion.

Afin de mettre ces actions en œuvre, la part de financement de l'État pourra être portée progressivement de 190 à 300 millions d'euros par an d'ici à 2013. L'État engagera de plus une négociation pour développer des solutions nouvelles de financement pour la biodiversité. Il fera appel aux financements de la Communauté européenne. Il mettra à l'étude des propositions d'outils économiques à disposition des collectivités territoriales et des initiatives pour développer la contribution des entreprises.

Six mois après la publication de la présente loi, l'État, sur la base d'un audit, fera état des mesures fiscales défavorables à la biodiversité et proposera de nouveaux outils permettant un basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux nouveaux enjeux environnementaux.

PRÉSENTATION DES OPÉRATEURS PUBLICS DANS LE DOMAINE DE LA BIODIVERSITÉ

Organismes de recherche

Nom

Statut juridique, implantation du principal établissement, et date de création

Missions

Nombre d’employés (en ETP)

Budget annuel

Fondation pour la recherche sur la biodiversité

Fondation de coopération scientifique

(2008, Paris)

- collecte et analyse des informations sur la recherche française et internationale pour la biodiversité ainsi que sur ses outils et ses applications,

- coordination des acteurs nationaux de recherche entre eux, et avec leurs homologues européens et internationaux,

- diffusion et accompagnement de l’utilisation des résultats de la recherche et l’expertise scientifique, notamment auprès des acteurs économiques, des pouvoirs publics et des gestionnaires de la biodiversité,

- mise en œuvre d’un partenariat durable entre les organismes publics et les entreprises, les associations et les gestionnaires dans le domaine de la recherche en faveur de la biodiversité, de la conservation et de la gestion des ressources génétiques.

 

- dotation initiale : 2,72 M d’€ ;

- budget primitif 2009 : 2,9 M d’€,

- 2010 : 6,7 M d’€ (subventions des Ministères de la Recherche et de l'Écologie et fonds propres (études et partenariats)

Centre national de la recherche scientifique

Établissement public à caractère scientifique et technologique

(1939, Paris)

2 instituts traitant principalement des questions de biodiversité :

1°) l’Institut écologie et environnement (INEE)

- recherche fondamentale en écologie globale menée par un réseau d’unités de recherche dans les domaines de l’écologie et de l’environnement, incluant la biodiversité et les interactions hommes-milieux.

2°) Institut des sciences biologiques (INSB)

- recherche fondamentale en biologie (biologie intégrative animale et végétale, génétique, génomique et expression des gènes, structures biologiques, pharmacologie et enzymologie, neurosciences, biologie de la cellule, relation hôte-pathogène et immunologie).

5 200

5 905

112,8 M d’€

337,8 M d’€

Muséum national d’Histoire naturelle

établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel constitué sous la forme d'un grand établissement au sens de l'article L. 717-1 du code de l'éducation

(1793, Paris)

- recherche fondamentale et appliquée,
- conservation et enrichissement des collections issues du patrimoine naturel et culturel, l'enseignement,

- expertise, valorisation et diffusion des connaissances et l'action éducative et culturelle à l'intention de tous les publics.

1 900

75,46 M d’€

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)

établissement public à caractère industriel et commercial (1984, Issy-les- Moulineaux)

- connaissance des océans et de leurs ressources,

- surveillance du milieu marin et du littoral,

- développement durable des activités maritimes,

- conception et mise en œuvre des outils d'observation, d'expérimentation et de surveillance,

- gestion de la flotte océanographique française pour l'ensemble de la communauté scientifique.

954
(dont 375 salariés de l'armateur Genavir)

243 M d’€

Institut national de la recherche agronomique (INRA)

- établissement public à caractère scientifique et technologique (Paris, 1946),

- production et diffusion de connaissances scientifiques notamment en sciences de la vie,

- conception d’innovation et de savoir-faire, notamment dans le cadre agricole, alimentaire ou environnementale,

- expertise à destination des décideurs publics,

- formation à la recherche.

8 390

745,68 M d’€

CEMAGREF (Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement)

- établissement public (Antony, 1981)

- recherche agronomique spécialisée dans les domaines suivants : risques environnementaux, surveillance des milieux aquatiques, technologies propres, aménagement du territoire, économie et sociologie de l’environnement,

1 600

110 M d’€

Opérateurs de l’État spécialisés dans la gestion et/ou la police de l’environnement

Office national des forêts (ONF)

- établissement public à caractère industriel et commercial (Paris, 1964)

- gestion durable de la forêt publique (État, collectivités locales, soit 10 Mha dont 6 outre-mer),

- politique environnementale construite selon 5 axes thématiques majeurs : biodiversité, eau, sol, paysage et éco-responsabilité,

- accueil du public,

- exploitation de l'ensemble des bois issus des opérations sylvicoles d'amélioration et de régénération des forêts publiques, (40 % des bois mis en marché).

9 620
(dont 3 120 ouvriers forestiers)

508,4 M d’€

Office national de la chasse et de la faune sauvages (ONCFS)

- établissement public à caractère administratif (Paris, 1972)

- surveillance des territoires et police de l’environnement et de la chasse,

- réalisation d’études et de recherches sur la faune sauvage et ses habitats,

- appui technique et conseil aux administrations, collectivités territoriales, gestionnaires et aménageurs du territoire,

- mise au point de pratiques de gestion des territoires ruraux respectueuses de l’environnement,

- organisation de l’examen et délivrance du permis de chasser.

1 800

120 M d’€

Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA)

- établissement public à caractère administratif (Vincennes, 2007)

- recherche et développement dans le domaine de l’eau,

- expertise et formation,

- connaissance de l’eau, des milieux et de leurs usages,

- contrôle des usages,

- action territoriale,

- fonctions support.

907

133 M d’€

Agences de l’eau

- établissement public à caractère administratif (1964)

- planification et financement des politiques de l’eau au niveau d’un ou plusieurs bassins hydrographiques,

- secrétariat des comités de bassin,

- mise en œuvre de la politique de solidarité avec les communes rurales.

1 876

2,138 Mds d’€

Opérateurs fonciers de l’État

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CLRL)

- établissement public à caractère administratif (Rochefort, 1975)

- acquisition, pour le compte de l’État, de terrains fragiles ou menacés à l'amiable, par préemption, ou exception-nellement par expropriation,

- remise en état et aménagement desdits espaces, dont la gestion est le plus souvent confiée à des collectivités locales.

133

30 M d’€

Parcs nationaux

- établissements publics à caractère administratif (au nombre de neuf)

- conservation de la faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de l’atmosphère, des eaux et, en général, d’un milieu naturel présentant un intérêt spécial (54).

858

72,18 M d’€

Agence des aires marines protégées (AAMP)

- établissement public national à caractère administratif (Brest, 2006)

- appui aux politiques publiques pour la création d’aires marines protégées,

- animation du réseau des aires marines protégées,

- allocation de moyens aux Parcs naturels marins,

- participation à la mise en place de Natura 2000 en mer,

- renforcement du potentiel français dans les négociations internationales sur la mer.

123

21,69 M d’€

Organismes inter-réseaux

Atelier technique des espaces naturels (ATEN)

- groupement d’intérêt public (1997, Montpellier)

- formation professionnelle dans le domaine de la création, la gestion et l’évolution des espaces naturels,

- veille juridique,

- élaboration et diffusion d’outils informatiques spécifiques,

- actions de support pour les sites Natura 2000,

- production de guides méthodologiques.

30

4 M d’€

Fédérations d’organismes

Parcs nationaux de France (PNF)

- établissement public national à caractère administratif (Montpellier, 2006)

- concours technique et administratif aux établissements publics des parcs nationaux, notamment par la création de services communs,

- organisation et mise en œuvre politique commune de communication nationale et internationale,

- dépôt et administration, dans les conditions prévues aux articles L. 715-1 à L. 715-3 du code de la propriété intellectuelle, de sa marque collective spécifique,

- collecte des données concernant les parcs nationaux et l'activité des établissements publics des parcs nationaux.

43

4 M d’€

Réserves naturelles de France (RNF)

Association (Quetigny, 1982)

- coordination et animation du réseau des gestionnaires de réserves naturelles,

- constitution d’un centre de ressources, d’une plate-forme d’échanges d’expériences et de travail commun

- concertation entre gestionnaires de réserves naturelles.et puissance publique,

- promotion auprès du grand public.

20

1,1 M d’€

Fédération des parcs naturels régionaux de France (FPNRF)

Association (Paris, 1971)

- représentation des intérêts collectifs des Parcs naturels régionaux auprès des instances nationales et internationales,

- participation à la définition et à la mise en œuvre de la politique en faveur des espaces ruraux français,

- communication relative aux Parcs naturels régionaux, à leur éthique et à leurs actions, en France et à l’international.

23

3 M d’€

Fédération des conservatoires des espaces naturels

Association (Orléans, 1988)

- développement et renforcement du réseau des conservatoires existants, soutien à la création de nouveaux Conservatoires,

- contribution à l'élaboration de stratégies de protection nationale et régionale des espèces et des milieux naturels, en lien avec le ministère de l'écologie et les autres gestionnaires des milieux naturels,

- coordination des programmes de protection de certains espaces ou espèces à programmes conduits sur un secteur géographique (bassin versant de la Loire par exemple) ou sur l'ensemble du territoire national.

17

1,5 M d’€

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

CELRL

Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres

575 sites, 113 000 ha

État

1975

1986

1993

1995

2002

Collectivités ou groupements de collectivités, fondations, associations ou établissements publics

Littoral, bords de lacs, zones humides des départements côtiers, domaine public maritime depuis 2002

CEN

Conservatoire des Espaces Naturels

30 CEN 2100 sites 120 000 ha

Association

1988

CEN (associations)

Tous types de milieux

ENS

Espaces Naturels Sensibles

82 départements ont voté la TDENS,

3 050 espaces pour

70 000 ha

Conseil général

1985

1995

Conseil général ou personne publique ou privée qualifiée

Espaces naturels boisés ou non, sentiers, chemins

PNR

Parcs Naturels Régionaux

45 pour une surface de 7 millions d’ha

État sur proposition de la région

1967

2006

Syndicats mixtes (communes, région, département voire chambres consulaires)

Tous types, plutôt vastes (jusqu’à 400 000 ha)

PNM

Parcs naturels Marins

1 de 343 000 ha

État

2006

Agence des aires marines protégées et comité de gestion

Espaces marins très vastes pouvant aller au-delà des eaux territoriales jusqu’aux 200 miles, domaine public maritime

Source : Atelier technique des espaces naturels (ATEN).

NATURELS DE FRANCE

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

Réglementations locales suivant arrêtés municipaux ou préfectoraux

Foncier : acquisition et convention de gestion, plan de gestion pour les sites les plus importants

État

IV et V

X

X

 

X

X

Aucune réglementation propre

Acquisition foncière, gestion concertée et contractuelle

Divers surtout conseils régionaux et généraux

IV, V et VI

X

X

X

 

X

Aucune réglementation propre

Acquisition foncière (droit de préemption), aménagement, entretien et ouverture au public

Taxe départem. espaces nat. sens. (TDENS)

V

X

X

   

X

Pas de réglementation, les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec la charte et le plan du parc

Contractuel (charte pour 12 ans renouvelable,. marque déposée par l’État

État, régions, départements communes et Union européenne sur programme

V

X

X

 

X

X

Pas de réglementation propre mais superposition des réglementations sectorielles. Avis conforme nécessaire pour certaines activités

Plan de gestion. Concerté.

État

V et VI

X

X

X

X

X

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

 

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

 

SIC, ZSC, ZPS

Natura 2000

1 706 sites, 6,8 Mha

Europe

1979

1992

2005

Collectivités locales, organismes gestionnaires d’espaces naturels

Divers milieux, suivant présence d’habitats ou espèces d’intérêt communautaire

 

MAB

Réserves de biosphère

10 pour 539 000 ha

Initiative locale, portée par les États, désignation Unesco

1971

1995

PN, PNR, Association, Syndicat mixte

Écosystèmes et mosaïques d’écosystèmes terrestres ou marins

 

OGS

Opérations Grands Sites

47, dont 9 sont achevés, 23 en travaux, et 15 en étude

CT

 

CT, EPCI

Sites paysagers touristiques, obligatoirement classés

 

ASPIM, SMMM

Aire spécialement protégée d’intérêt méditerranéen, sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée

1 : Sanctuaire Pelagos : 8,75 Mha

État

1976

PN Port Cros

Domaine marin méditerranéen

 

NATURELS DE FRANCE (suite)

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

Pas de réglementation spécifique, sauf évaluation des Incidences pour projets et programmes soumis à étude d’impact

Document d’objectifs, adhésion contractuelle

Europe + État + CT

IV et V

X

X

X

X

X

Réseau mondial ayant un cadre statutaire international, pas de réglementation propre, mais les aires centrales s’appuient sur des statuts de protection (RN, APB, cœur de PN…)

Document de gestion spécifique ou suivant autre statut

Divers, de la région à l’UE

Non répertorié

X

X

X

X

X

Pas de réglementation propre, un GS étant obligatoirement un site classé, la réglementation afférente s’applique

Plan de gestion

Label

État + Divers

III (SC)

         

Aucune réglementation propre, engagement des parties signataires à la protection des mammifères marins par dispositions nationales

Plan de gestion

État

 

X

X

X

X

 

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

 

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

 

ZHII

Zone humide d’importance internationale. Convention de Ramsar

22

État

1971

1987

suivant autre statut de protection

milieux humides, principalement abritant population d’oiseaux d’eau

 

ZNIEFF

Zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique

14 836, 13,8 M d’ha

   

Aucun

tous milieux d’intérêt écologique

 

ZICO

Zone importante pour la conservation des oiseaux

285,

4,7 M d’ha

   

Aucun

tous milieux d’intérêt écologique

 

NATURELS DE FRANCE (suite)

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

Aucune réglementation propre, engagement des parties signataires à la protection des zones humides par dispositions nationales

suivant autre statut

État

 

X

 

X

X

 

aucune, ce ne sont que des inventaires = outil de connaissance (mais certaines jurisprudences assimilent ces zones à des espaces protégés)

Aucun

   

X

       

aucune, ce ne sont que des inventaires = outil de connaissance (mais certaines jurisprudences assimilent ces zones à des espaces protégés)

Aucun

   

X

       

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

PN

Parcs nationaux

9 et 2,44 millions d’ha en cœur, 4,87 M d’ha avec aire d’adhésion

État

1960

2006

Un établissement public administratif par parc

Écosystèmes pas ou peu habités en zone cœur (haute montagne, îles, forêts, espaces maritimes)

RNN

Réserves naturelles nationales

160, plus de 2,74 millions d’ha

État

1976

2002

Établissements publics, groupements d’intérêt public, associations de protection de la nature, fondations, propriétaires des terrains classés, collectivités territoriales ou leurs groupements

Espaces naturels terrestres et marins non habités. Protection d’un élément précis du patrimoine naturel

NATURELS DE FRANCE (suite)

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

Commune à tous les parcs : interdiction de la publicité, des travaux non autorisés et des activités industrielles et minières. Limitation ou interdiction de certaines activités selon la réglementation de chaque parc (chasse, pêche, activités agricoles, pastorales, forestières, commerciales, extraction de matériaux…), charte opposable aux PLU et SCOT en métropole

Réglementaire : décret de création, et concertation : charte

État essentiellement

I (réserve intégrale)

II (cœur)

IV (aire d’adhésion)

X

X

X

X

X

Spécifique, dans décret de création : limitation ou interdiction de certaines activités variant selon la nature de l’élément à protéger (chasse et pêche, activités agricoles, forestières et pastorales, industrielles, minières et commerciales, exécution de travaux publics ou privés, extraction de matériaux, utilisation des eaux, circulation du public, divagation des animaux domestiques et survol). Exception : la publicité est interdite dans toutes les réserves naturelles

Plans de gestion. Gestion concertée

Divers

IV

(III RN géologiques ou I réserves intégrales)

X

X

X

X

X

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

 

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

 

RNR et RNC

Réserves naturelles régionales et RN corses

160 RNR pour 21 000 ha et 5 RNC pour 83 500 ha

Conseil régional

Assemblée de Corse

2002

2005

Établissements publics, groupements d’intérêt public, associations de protection de la nature, fondations, propriétaires des terrains classés, collectivités territoriales ou leurs groupements

Espaces naturels terrestres et marins non habités. Protection d’un élément précis du patrimoine naturel. Anciennes réserves naturelles volontaires

 

SI et SC

Site inscrit et site classé

2 656 SC pour plus de 85 340 ha, 4 791 SI pour plus de 1,68 Mha

État (ministre)

1930

Aucun

Monuments naturels et sites de caractère artistique, scientifique, historique, légendaire ou pittoresque

 

APPB

Arrêté préfectoral de protection du biotope

672 APB, 324 000 ha

État (Préfet)

1976

Généralement aucun sauf si situé dans un autre espace naturel protégé

Biotopes nécessaires à l’alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie des espèces protégées et des habitats naturels. Toutes sortes de milieux naturels de petite superficie, y compris DPM

 

NATURELS DE FRANCE (suite)

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

Comme les réserves nationales sauf pour la réglementation ou l’interdiction de la pêche et de la chasse, de l’extraction de matériaux ou l’utilisation des eaux

Plan de gestion,

gestion concertée

Divers mais surtout CR

IV (III RN géologiques ou I réserves intégrales)

X

X

X

X

X

Autorisation (SC) ou déclaration (SI) de tous travaux susceptibles d’entraîner une modification de l’aspect et de l’état du site protégé. Compétence du Préfet ou du ministre pour les autorisations en SC. Répression des dégradations ou des destructions ou défaut d’autorisation

Opération Grand Site (OGS) ou document d’orientation de gestion (sans portée juridique)

Aucun

III

X

     

X

Spécifique à chaque site suivant habitats et espèces concernés et activités menaçantes. Très contraignante en général

Généralement pas

Aucun

IV

X

       

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

 

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

 

FP

Forêt de protection

115 000 ha

État

   

tous bois et forêts

 

ECB

Espace classé boisé

 

CT

   

tous bois et forêts, alignements d’arbres, haies

 

RBI

Réserve biologique intégrale

42 RBI dont 5 OM, 15 431 ha, plus 15 RB mixtes

État

1953

1981

1986

ONF

territoires relevant du régime forestier : forêts et milieux associés

 

RBD

Réserve biologique dirigée

161 RDB dont 7 OM, 31 590 ha

État

1953

1981

1986

ONF

territoires relevant du régime forestier : forêts et milieux associés

 
 

Cantonnement de pêche

 

État

1963

 

espaces marins côtiers

 

RCFS

Réserve de chasse et de faune sauvage

12 000 sites

2,5 Mha

préfet

2006

associations de chasse

terrains de toute nature abritant espèces gibiers

 

NATURELS DE FRANCE (suite)

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

défrichement interdit

plan d’aménagement, règlement d’exploitation

État

 

X

     

X

défrichement interdit, notion d’urbanisme contenues dans les PLU, déclassement possible à chaque PLU

mêmes dispositions que les autres bois ou forêts

   

X

   

X

 

Variable, propre à chaque réserve, en général activités interdites, sauf sécurisation d’itinéraires, régulation des ongulés, et actions contre espèces invasives si nécessaires

Plan de gestion (études, limitation et organisation des usages,…)

stat, ONF, CT

I

X

 

X

   

Variable, propre à chaque réserve, en général, limitation d’accès

Plan de gestion, gestion pour habitats et espèces en priorité

État, ONF, CT

IV

X

 

X

X

 

limitation voire interdiction de l’exercice de la pêche

aucune

   

X

 

X

X

 

chasse interdite sauf prélèvement scientifique ; réglementation ou interdiction : accès véhicules et piétons, introduction animaux domestiques, instruments sonores, prise images et son, écobuage, brûlages, broyages, etc.

 

chasseurs

 

X

   

X

 

TABLEAU COMPARATIF DES ESPACES

Acro-nyme

Dénomination

Quantité et surfaces couvertes

Créateur

Dates clés

Organismes de gestion

Territoires

RNCFS

Réserve nationale de chasse et de faune sauvage

9 RNCFS

36 772 ha

État

2006

ONCFS ou autre établissement public

études scientifiques ; espèces à effectifs en diminution ou à qualités remarquables ; étendue

 

Réserves de pêche

 

État (Préfet)

 

Associations de pêche et fédérations, ONEMA

cours d’eau, canaux et plans d’eau

NATURELS DE FRANCE (fin)

Réglementation

Mode de gestion

Financements

Équivalence UICN

Gestion habitats & espèces

Accueil public & sensibilisation

Recherche scientifique

Maintien ressources naturelles et exploitation

Préservation des paysages

chasse interdite sauf prélèvement scientifique ; réglementation ou interdiction : accès véhicules et piétons, introduction animaux domestiques, instruments sonores, prise images et son, écobuage, brûlages, broyages, etc.

Programme de gestion.

Comité directeur sous présidence du Préfet

gestionnaire

IV

X

X

X

X

 

interdiction de pêche

variable

pêcheurs

VI

X

   

X

 

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Associations de protection de l’environnement :

– Mme Dominique Aribert, responsable du pôle conservation, Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),

– M. Christophe Aubel, directeur, Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non chasseurs, pilote du réseau Nature, France Nature Environnement (FNE),

– Mme Sylvie Flatrès, coordinatrice de la veille parlementaire pour FNE, la Ligue ROC, la LPO et la Fondation Nicolas Hulot,

– M. Jean-Jacques Blanchon, coordinateur biodiversité, agriculture et territoires de la Fondation Nicolas Hulot (FNH),

– M. Bernard Cressens, conseiller, Direction générale, WWF France,

– M. François Letourneux, président du Comité français, Union internationale pour la conservation de la nature (UICN),

– M. Sébastien Moncorps, directeur du Comité français, UICN,

– Mme Florence Clap, chargée de programme « politiques de la biodiversité », Comité français de l’UICN,

– M. Michel Echaubard, secrétaire général de la Société nationale de protection de la nature (SNPN).

Experts scientifiques :

– M. Jacques Weber, anthropologue, économiste, directeur de recherche, Centre de coopération internationale en recherche dynamique pour le développement (Cirad),

– M. Bernard Chevassus-au-Louis, inspecteur général honoraire de l’agriculture, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), auteur du rapport du Centre d’analyse stratégique « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes »,

– M. Michel Griffon, directeur adjoint, Agence Nationale de la Recherche (ANR),

– M. Gilles Bœuf, président, Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN),

– M. Thomas Grenon, directeur général, MNHN,

– M. Jean-Claude Lefeuvre, professeur émérite, MNHN,

– M. Vincent Graffin, délégué à la Conservation de la nature et au développement durable, direction générale, MNHN,

– M. Guillaume Sainteny, maître de conférences à l'École polytechnique, ancien directeur des études économiques et de l’évaluation environnementale au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’aménagement du territoire,

– M. Xavier Leroux, directeur, Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB),

– Mme Claude-Anne Gauthier, FRB,

– M. Robert Barbault, directeur, département « écologie et gestion de la biodiversité » (MNHN), membre du groupe de travail « Biodiversité » de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (Allenvi),

– M. Yvon Le Maho, directeur de recherche, CNRS, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie de pharmacie, Président du conseil scientifique du patrimoine naturel (CSPN) et de la biodiversité, ministère de l'Ecologie,

– M. Gilles J. Martin, professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis, Professeur Associé à l'Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris, avocat au Barreau de Nice.

Entreprises

– M. Alain Bucaille, directeur de la recherche et de l’innovation, AREVA,

– M. Laurent Piermont, président-directeur général, CDC Biodiversité,

– Mme Laure Fournier, responsable des programmes biodiversité, Fondation Total,

– Mme Laurence Rouger-de Grivel, directrice-adjointe, direction du développement durable, Mouvement des entreprises de France (MEDEF),

– M. Christian Béranger, président du groupe de travail « Biodiversité », MEDEF,

Collectivités territoriales

– M. Florent Lamiot, chargé de mission à la direction Environnement du Conseil régional Nord Pas de Calais,

– M. Claude Duval, maire de Mellé, président de l’Association Notre village, Association des maires de France, (AMF),

– Mme Gwenola Stephan, chargée d’études développement durable (AMF),

– M. Alexandre Touzet, chargé de mission relations avec le Parlement, (AMF),

– M. Daniel Béguin, vice-président de la région Lorraine et vice-président de la commission du développement durable de l'Association des Régions de France.

Pouvoirs publics

– M. Michel Badré, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, co-auteur du rapport de mission sur l’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature, Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD),

– M. Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et de la mer,

– Mme Odile Gauthier, directrice de l’eau et de la biodiversité, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et de la mer,

 M. Emmanuel de Guillebon, directeur-adjoint, direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) Rhône-Alpes,

– M.Gérard Fallon, directeur général adjoint DREAL Poitou-Charentes.

Opérateurs publics

– M. Yves Vérilhac, directeur, Atelier technique des espaces naturels (ATEN),

– M. Jérôme Bignon, président, Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), Agence des aires marines protégées (AAMP),

– M. Olivier Laroussinie, directeur, Agence des aires marines protégées,

– M. Jean-Yves Perrot, président, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER),

– M. Philippe Goulletquer, responsable scientifique, IFREMER.

– M. Roger Genet, directeur général, Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement (Cemagref),

– M. Pierre-Yves Saint, secrétaire général, Cemagref,

– M. Marc Guérin, chef du département « territoires », Cemagref,

– M. Philip Roche, responsable de l’animation autour des systèmes écologiques terrestres, Cemagref,

– Mme Sylvane Casademont, responsable de la communication institutionnelle, Cemagref,

– M. Jean-Pierre Giran, président de Parcs nationaux de France (PNF),

– M. Jean-Pierre Poly, directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS),

– M. Patrick Lavarde, directeur général, Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA),

– M. Alexis Delaunay, directeur du contrôle des usages et de l'action territoriale, Office national de l’eau et des milieux aquatiques, ONEMA,

– M. Thierry Canteri, directeur du Parc naturel marin d’Iroise,

– Mme Céline Maurer, directrice adjointe, Parc national de Port-Cros,

– M. Pascal Viné, directeur général, Office national des forêts (ONF),

– M. Jacques Le Héricy, directeur en charge de l’environnement et du développement durable, ONF.

Organismes consulaires, organisations syndicales

– M. Joseph Ménard, membre, Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), président de la chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine,

– M. Guillaume Baugin, conseiller parlementaire, APCA,

– M. Francis Combrouze, secrétaire fédéral équipement-environnement, CGT,

– Mme Sophie Gaudeul, secrétaire confédérale en charge de la biodiversité, CFDT.

1 () « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes », mission présidée par Bernard Chevassus-au-Louis, n° 18, 2009.

2 () Biodiversity, Edward O. Wilson, D.C. ed. National Acadaemy Press, 1986.

3 () Rapport de l’OPECST sur les apports de la science et de la technologie au développement durable, tome II, 12 décembre 2007, n° 501 (Assemblée nationale) et 131 (Sénat).

4 () Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Centre d’analyse stratégique, avril 2009.

5 () Severn, la voix de nos enfants, réalisation Jean-Paul Jaud, © J+B Séquences, sortie en salles le 10 novembre 2010.

6 () Source : site officiel de l’Evaluation des Écosystèmes pour le Millénaire : http://www.maweb.org

7 () http://gbo3.int/

8 () « Évaluation 2010 de la mise en œuvre du plan d’action en faveur de la biodiversité biologique », COM (2010) 548 final, http://ec.europa.eu/environment/nature/biodiversity/comm2006/pdf/bap_2010/1_FR_ACT_part1_v1.pdf

9 () COM (2008) 864 final.

10 () « Stratégie française pour la biodiversité, enjeux, finalités, orientations », février 2007.

11 () « La stratégie nationale pour la biodiversité : bilan et perspectives », CGAAER n° 2076 et CGEDD n° 117100-01, juin 2010.

12 () « La stratégie nationale pour la biodiversité : bilan et perspectives », CGAAER n° 2076 et CGEDD n° 117100-01, juin 2010.

13 () En loi de finances pour 2011, les crédits ouverts au sein de l’action n° 113 « Paysage, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », au titre de la biodiversité et de l’eau s’élèvent à 46 millions d’euros.

14 () « Stratégie nationale pour la biodiversité –Bilan général 2008 du Comité français de l’UICN ».

15 () Résultats publiés dans « le point sur », n° 48, avril 2010, Commissariat général au développement durable.

16 () « La biodiversité : l’autre choc ? l’autre chance ? » Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques », n° 501 (Assemblée nationale) et n° 131 (Sénat).

17 () Circulaire du 11 juin 2007 relative à la publication et à la mise en œuvre du protocole du système d’information sur la nature et les paysages (SINP) – Bulletin officiel du ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.

18 () « Analyse de l’état d’avancement du SINP dans les régions et les établissements publics à couverture nationale », réalisé à la demande de la direction de l’eau et de la biodiversité du MEEDDM, CEMAGREF, UMR TETIS, 21 mai 2010.

19 () « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes », Rapports et documents, Centre d’analyse stratégique, avril 2009.

20 () « Évaluation économique et institutionnelle du programme Natura 2000 : étude de cas de la plaine de la Crau », Lettre évaluation de la Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale.

21 () Rapport d’information n° 3295, déposé le 30 mars 2010.

22 () Sur tous ces points, voir A. Geneste, « L’Assemblée générale de l’ONU crée un "GIEC" de la biodiversité », Le Monde, 22 déc. 2010, p. 4.

23 () Véronique Gervasoni. « Gouvernance et biodiversité, étude comparative : France, Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas », Comité français de l’UICN, Paris, 2008.

24 () Cet inventaire a été initié dès 1982 par le Muséum d’histoire naturelle en vue de constituer le recensement d’espaces naturels remarquables dans les 22 régions et les départements d’outre-mer, en vue notamment d’alimenter l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Cette démarche a connu avec la loi du 12 juillet 1982 dite loi Bouchardeau son fondement législatif.

25 () Rapport d’information n° 3295, déposé le 30 mars 2010.

26 () RGPP, 2e rapport au Président de la République, 13 mai 2009.

27 () TA Besançon, 31 décembre 1992, SAFER de Franche-Comté.

28 () Rapport d’information n° 3295, déposé le 30 mars 2010.

29 () « Biodiversité & collectivités, Panorama de l’implication des collectivités territoriales pour la préservation de la biodiversité en France métropolitaine » - Comité français de l’UICN, Paris, janvier 2010 (ISBN : 978-2-918105-04-6.

30 () « Un nouvel élan pour enrayer la diminution de biodiversité », avis du Comité des régions d’Europe, 80e session plénière 17 et 18 juin 2009, p.12.

31 () Cf. annexe.

32 () 2008 Ed.: IRD, Coll. : Hors collection, ISBN : 978-2-7099-1623-3.

33 () « Dix huit propositions pour des partenaires responsables, gouvernance et financement des associations et des fondations pour la protection de la nature », Rapport d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire », Mme Geneviève Gaillard et M. Jean-Marie Sermier, Rapporteurs, n° 3142, XIIIe législature, février 2011.

34 () http://www.lespetitsdebrouillards.org/

35 () « Les entreprises face à l’érosion de la biodiversité, comprendre ses interactions avec la biodiversité et agir pour la préserver », WWF France, 2010.

36 () « Entreprises et biodiversité, Exemples de bonnes pratiques, MEDEF », janvier 2010.

37 () www.inspire-institut.org

38 () www.oree.org

39 () www.jeunesdirigeants.fr

40 () « Mission sur l’évolution de l’organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature » – Conseil général de l’environnement et du développement rural – juillet 2010.

41 () Projet de loi de finances pour 2011, Projet annuel de performance « Écologie, développement et aménagement durables », programme n° 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité », p.239.

42 () Journal Officiel du 10 novembre 2010, p. 8231.

43 n° 2845, déposé le 6 octobre 2010, http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/bresil_exploitation_or.asp.

44 () « Pour l’introduction en droit français d’une servitude conventionnelle ou d’une obligation propter rem de protection de l’environnement » Gilles-J. Martin, professeur à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, RJ.E – n° spécial, 2008.

45 () Rapport de M. Marcel-Pierre Cléach, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 132 (2008-2009) - 11 décembre 2008

46 () Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques », n° 501 (Assemblée nationale) et n° 131 (Sénat »).

47 () Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux, Conseil général de l’environnement et du développement rural, mai 2009.

48 () « La stratégie nationale pour la biodiversité : bilan et perspectives », juin 2010, CGAAER n° 2076, CGEDD, n° 007100-01.

49 () « Biodiversité et conservation dans les collectivités françaises d’outre-mer », Comité français UICN, collection Planète nature, 2003.

50 () « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes », rapport du groupe de travail présidé par M. Bernard Chevassus-au-Louis, Centre d’analyse stratégique, avril 2009.

51 () Directives européennes 85/337 (« projets ») et 2001/42 (« plans et programmes »).

52 () BO n°27 du 8 juillet 2010, Note de service DGER/SDI/N2010-2090 du 06/07/2010 - Appel à projets BiodivEA " Mobiliser l’enseignement agricole sur la thématique de la Biodiversité ".

53 () « Financements publics et biodiversité d’outre-mer, quelle ambition pour le développement durable », Comité français pour l’UICN, Coll. Planète nature, 2006.

54 () Loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 (Journal officiel du 23 juillet 1960), article 1er.


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