N° 3322 - Rapport de Mme Catherine Vautrin et M. Jean Gaubert déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie




N° 3322

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 avril 2011

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008
de
modernisation de l’économie,

et présenté

PAR MME Catherine VAUTRIN et M. Jean GAUBERT,

Députés.

——

INTRODUCTION 5

I.— UNE AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE PROPRE À ASSURER UN PAYSAGE ÉCONOMIQUE PACIFIÉ 11

A.— L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE : UNE INNOVATION MAJEURE
DE LA LME
11

B.— UNE AUTORITÉ CONSIDÉRABLEMENT RENFORCÉE 14

1. Des missions au périmètre étendu 14

2. Des moyens de fonctionnement conséquents 16

C.— UNE INSTITUTION RESPECTÉE EN RAISON DES GARANTIES AFFÉRENTES À SES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT 18

II.— LES « SOLDES FLOTTANTS » : UNE FAUSSE BONNE IDÉE ? 20

A.— UN DISPOSITIF QUI SE VOULAIT FAVORABLE AUX CONSOMMATEURS 20

B.— UNE SOURCE DE CONFUSION QUI DOIT ENCORE PROUVER SON EFFICACITÉ 21

III.— DES RELATIONS COMMERCIALES COMPLEXIFIÉES 24

A.— QUEL AVENIR POUR LES DÉLAIS DE PAIEMENT ? 24

1. Une réussite indéniable de la LME : la baisse effective des délais de paiement 24

2. Le développement de pratiques propres à contourner les exigences législatives en matière de délais de paiement 29

3. Les délais de paiement soumis à une double incertitude 31

B.— DES RELATIONS COMMERCIALES MARQUÉES PAR UNE DÉFIANCE ET UNE TENSION CROISSANTES 35

1. Des négociations commerciales complexifiées depuis l’entrée en vigueur de la LME 35

a) Libre négociabilité et capacité à discriminer 35

b) Les problématiques inhérentes à l’application de la convention unique 37

c) La nécessaire réaffirmation de l’importance des clauses générales de vente 39

2. La nécessité de mettre un frein aux exigences unilatérales de certains distributeurs 40

a) La multiplication des comportements répréhensibles au regard des exigences de la loyauté commerciale 40

b) La réaffirmation du rôle que peuvent tenir les pouvoirs publics dans le jeu des négociations commerciales 44

16 RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE APPLICATION DE LA LME 49

EXAMEN EN COMMISSION 51

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 71

ANNEXE 2 : LISTE DES CONTENTIEUX EN COURS DEPUIS L’ADOPTION
DE LA LME
79

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) fait incontestablement partie des lois les plus importantes adoptées par le Parlement sous la XIIIème Législature.

Tout d’abord en raison des ambitions qu’elle affichait (l’orientation générale du projet de loi présenté le 28 avril 2008 par Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, précisant en effet que ce texte visait rien moins qu’à « stimuler la croissance et les énergies, en levant les blocages structurels et réglementaires que connaît l’économie de notre pays ») et qui, dans un contexte encore épargné par les crises bancaire puis économique que le monde a connues à compter de l’automne 2008, avait l’intention de fortement relancer l’ensemble des facteurs propres à dynamiser la croissance française.

Ensuite du fait de la multiplicité des sujets abordés. Appréhendant de la manière la plus large et la plus complète possible les différentes causes de blocage de l’économie, le projet de loi de modernisation de l’économie a en effet souhaité encourager les entrepreneurs tout au long de leur parcours, relancer la concurrence, renforcer l’attractivité du territoire et améliorer le financement de l’économie. Autant de buts qui ont justifié que cette loi s’attachât notamment à réformer profondément les relations commerciales, à généraliser la distribution du Livret A, à créer une Autorité de la concurrence forte et dotée de pouvoirs importants, à clarifier les règles applicables à l’urbanisme commercial ou à renforcer Ubifrance…

Enfin, et vos deux rapporteurs peuvent en témoigner, en raison du temps consacré à son examen au sein de chacune des deux assemblées et de la ferveur des discussions qu’elle a pu susciter tant en commission qu’en séance publique. Notons par exemple que, lors des débats à l’Assemblée nationale, 1 576 amendements ont été déposés en première lecture, suscitant ensuite plus
de 65 heures de débats étalées sur dix-neuf séances !

Un premier bilan de l’application de la LME a été effectué au Sénat dès le mois de décembre 2009, par un groupe de travail conduit par Mme Élisabeth Lamure, sénatrice, qui avait été un des trois rapporteurs (avec MM. Laurent Béteille et Philippe Marini) de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi devant la Haute Assemblée. Ce « premier bilan contrasté » (1) avait pointé, alors même que la LME n’avait pas tout à fait un an de mise en œuvre, son impact positif concernant la réforme des délais de paiement, son impact en revanche plus limité sur les relations commerciales. Il avait ensuite examiné les premiers effets de la réforme de l’auto-entrepreneur (la LME ayant effectivement permis une importante simplification du régime social et fiscal de la micro-entreprise) et de l’urbanisme commercial.

De façon presque concomitante, c’était au tour de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, sous la houlette de notre collègue et ami Jean-Paul Charié, auquel vos rapporteurs tiennent encore une fois à rendre hommage tant le travail qu’il a accompli au fil de ce marathon législatif s’est avéré décisif, d’apprécier les premiers effets de la LME (2). Après avoir établi de manière générale un bilan nuancé sur sa mise en œuvre, ce rapport a ensuite examiné de manière détaillée la réforme relative à la procédure d’autorisation des équipements commerciaux avant d’évaluer l’impact de la loi sur les délais de paiement et, enfin, de donner certaines indications sur les effets que la loi avait pu avoir sur plusieurs points relatifs aux négociations commerciales.

Qu’il s’agisse du rapport du Sénat ou de celui de l’Assemblée nationale, le constat effectué était donc globalement le même : la LME a eu un impact positif sur l’économie nationale mais le texte continue de souffrir de certaines imperfections qui, avec le recul, ont parfois pu être gommées par la pratique suivie par les acteurs en présence. Le présent rapport, tout en s’inscrivant naturellement dans la suite des deux précédents, bénéficie de davantage de recul (la LME ayant maintenant été votée voilà près de deux ans et demi) et s’attachera donc à mettre en perspective certains de ses aspects avec plus d’acuité.

Compte tenu de la multiplicité des sujets abordés par la LME, vos rapporteurs devaient faire un choix : c’est la raison pour laquelle certains thèmes ont logiquement été écartés.

Tel est le cas, en premier lieu, de la réforme de l’urbanisme commercial à laquelle vos rapporteurs attachent une très grande importance mais qui fait désormais l’objet d’une proposition de loi à part entière, déposée à l’initiative de M. Patrick Ollier, alors président de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Examinée en commission au début du mois de juin 2010 puis en séance publique quelques jours plus tard, cette proposition a eu comme principal objectif de transférer toutes les mesures relatives à l’urbanisme commercial dans le code général de l’urbanisme, donnant ainsi aux élus (et, tout spécialement aux maires) la pleine responsabilité de l’aménagement commercial de leur commune. Ce texte a ensuite été transmis au Sénat qui l’a examiné en commission au mois de décembre 2010, la Haute assemblée l’ayant ensuite étudié en séance publique le 31 mars 2011, il y a quelques jours à peine…

Tel est également le cas de la réforme du Livret A. La LME a en effet profondément réformé les modalités de financement du logement social dans notre pays en décidant d’étendre la distribution du Livret A à tout établissement bancaire, la Banque postale se voyant par ailleurs imposer une mission spécifique de contribution à l’accessibilité bancaire par le Livret A. En outre, il a été décidé de mettre fin à la dichotomie des taux de centralisation selon que l’on prenait en considération le Livret A ou le LDD (livret de développement durable), cette différence pouvant jouer sur les masses épargnées de façon artificielle en cas de hausse ou de baisse des taux. Le taux de centralisation, après avoir fait l’objet de débats approfondis notamment entre la Caisse des dépôts et consignations, les établissements bancaires et le Gouvernement, a finalement été fixé à 65 % alors que l’objectif initial du Gouvernement était de le porter à 70 % (3). Bien que ce sujet intéresse également notre commission, eu égard à ses implications sur la structure et la pérennité du financement du logement social en France, vos rapporteurs estiment que l’évaluation du dispositif en question relève en premier lieu de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et, en second lieu, que cette évaluation doit attendre que les règles nouvellement établies aient pu s’appliquer de manière un tant soit peu durable.

Tel est également le cas de la réforme et du considérable renforcement d’Ubifrance, établissement public national à caractère industriel et commercial créé en 2003 (4), qui a pour ambition de favoriser le développement international des entreprises françaises par le biais de différentes actions d’information, de promotion ou de coopération. Dans un contexte économique et commercial marqué par une mondialisation croissante et prégnante à la fois, cette action en faveur d’une plus grande compétitivité des entreprises nationales s’avère particulièrement cruciale ; mais, là aussi, certaines évaluations ayant déjà été effectuées, vos rapporteurs ont préféré ne pas y consacrer de développement particulier.

On pourrait également citer le régime de l’auto-entrepreneur qui a, lui aussi, fait l’objet d’un premier bilan, thème parmi tant d’autres abordé par une loi foisonnante qui, partie de 44 articles, en a finalement compté 175 !

Autant de raisons pour lesquelles vos rapporteurs ont donc souhaité insister, dans le cadre du présent rapport, sur trois sujets en particulier. Tout d’abord, nous nous attacherons à effectuer un bilan de l’activité et des modalités de fonctionnement de l’Autorité de la concurrence qui a été créée par le chapitre III de la LME (articles 95 et suivants, actuellement codifiés aux articles L. 461-1 et suivants du code de commerce) et dont l’importance n’est plus à démontrer pour, notamment, vérifier que les conditions propres à assurer une parfaite concurrence sont bel et bien réunies.

Ensuite, vos rapporteurs souhaitent aborder le sujet des « soldes flottants », dispositif créé par l’article 98 de la LME (qui figure désormais à l’article L. 310-3 du code de commerce) pour, d’une part, étudier un dispositif qui suscite certaines controverses depuis plusieurs mois et, d’autre part, pour rappeler que la LME ne doit pas seulement être appréhendée au travers du prisme agro-alimentaire mais qu’il s’agit bien d’un texte qui concerne l’ensemble de l’activité économique de notre pays.

Enfin, vos rapporteurs établiront un état des lieux aussi complet que possible des relations et des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Après avoir notamment insisté sur les implications de la négociabilité, vos rapporteurs étudieront l’évolution des délais de paiement depuis le vote de la LME sur lesquels, dans la double perspective d’une prochaine réglementation harmonisée au niveau communautaire et de la fin des accords dérogatoires au 31 décembre 2011, pèsent aujourd’hui à un certain nombre d’incertitudes. Quant au sujet ô combien crucial des relations tissées au quotidien entre fournisseurs et distributeurs, vos rapporteurs tiennent dès à présent à préciser que, dans ce rapport, il ne s’agira en aucun cas de jeter l’anathème sur qui que ce soit, ni de désigner un éventuel coupable : il importe avant tout de jeter un regard lucide et objectif sur les pratiques commerciales telles qu’elles existent aujourd’hui. Plusieurs exemples montreront d’ailleurs que les comportements répréhensibles, méconnaissant aussi bien la lettre que l’esprit de la LME, peuvent être attribués aussi bien à des fournisseurs qu’à des distributeurs. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre du présent rapport, vos rapporteurs ont avant tout souhaité porter à votre connaissance un certain nombre de faits sans pour autant en faire porter la pleine et entière responsabilité sur une catégorie d’acteurs en particulier.

Enfin, vos rapporteurs tiennent à insister sur un dernier aspect : ce rapport n’a aucunement l’intention de conduire au dépôt d’un nouveau texte. Au-delà de la diversité des points de vue exprimés lors des différentes auditions menées en vue de ce rapport, il existe un véritable consensus pour ne pas modifier la LME qui, par ailleurs, a dès à présent subi un certain nombre de modifications législatives… La stabilité juridique est un facteur absolument essentiel pour l’activité économique de notre pays, chacun devant pouvoir compter sur une réglementation qui ne change pas au gré des difficultés rencontrées. Vos rapporteurs partagent totalement ce point de vue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à une ou deux exceptions près, ils formuleront des propositions d’amélioration de la LME qui peuvent passer par des changements de comportements ou l’adoption de codes de bonne conduite et qui, de ce fait, ne nécessiteront pas de nouveau débat législatif.

Plus que jamais, et les débats relatifs à l’application de la LME le prouvent amplement, il convient donc avant tout de dresser un état de la situation qui soit aussi complet et précis que possible afin de ne pas se précipiter inutilement dans une énième réforme qui ne ferait qu’apporter davantage de confusion.

Plus que jamais, il convient donc d’observer sagement les préceptes dictés par François Rabelais selon lesquels « Le temps mûrit toutes choses ; par le temps toutes choses viennent en évidence ; le temps est père de la vérité » (5).

I.— UNE AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE PROPRE À ASSURER UN PAYSAGE ÉCONOMIQUE PACIFIÉ

A.— L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE : UNE INNOVATION MAJEURE DE LA LME

A priori, on pouvait penser que la création d’une Autorité de la concurrence n’allait pas compter parmi les priorités du Législateur dans le cadre des débats relatifs à la LME.

Pourtant, et bien que celles-ci n’aient pas été présentées dans un ordre quelconque de priorité, elle figurait en bonne place parmi les 316 propositions de « réformes majeures » figurant dans le premier rapport rendu en janvier 2008 par la Commission pour la Libération de la Croissance Française (CLCF). Ainsi, celui-ci précise que « certaines de ces réformes prendront des années à livrer leur plein effet sur la croissance, comme (…) la création d’une Autorité de la concurrence » (6). Par la suite, le rapport développe au fil de quatre propositions (n° 187 à 190) la nécessité de « créer une Autorité de la concurrence unique et indépendante » qui assure le contrôle concurrentiel des opérations de concentrations, qui puisse accroître son efficacité dans ses procédures d’investigation antitrust en réintégrant en son sein les activités d’enquête sur le terrain et d’instruction des dossiers, en lui donnant la faculté de rendre de sa propre initiative des avis sur les effets potentiels de mesures législatives ou administratives dans le domaine concurrentiel et en lui permettant de se concentrer sur les dossiers les plus importants au regard des atteintes présumées à la concurrence, bénéficiant ainsi d’un véritable pouvoir d’opportunité dans les poursuites à mener. L’importance accordée à la création d’une telle institution ne peut se comprendre que dans un cadre plus général car, comme le souligne par ailleurs le rapport, « une concurrence efficace est le meilleur moyen pour assurer la mobilité économique. Elle a donc un rôle clé dans la stratégie de libération de la croissance » (7).

Dans le même ordre d’idées, et ce seulement quelques semaines plus tard, le Conseil de modernisation des politiques publiques réclamait lui aussi, dans le cadre de la mise en place d’un « État plus moderne », la « création d’une haute autorité de la concurrence issue de la clarification des compétences entre le Conseil de la concurrence et la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes » (8). Au cours de cette même séance, dans la droite file d’une « Modernisation du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi », le Conseil devenait beaucoup plus précis : « Par ailleurs, une plus grande clarification sur le rôle du Ministère de l’économie en matière de statistiques et de concurrence sera apportée. Dans le cadre du projet de loi portant sur la modernisation de l’économie qui sera déposé au Parlement dans le courant du mois d’avril, il sera proposé la création (…) d’une haute autorité de la concurrence, fondée sur la base du Conseil de la concurrence, qui fera l’objet d’une clarification de ses compétences avec la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ».

Une fois l’annonce faite de manière officielle, c’est donc sans surprise que le projet de loi de la LME a explicitement prévu la création d’une Autorité de la concurrence, élément parmi d’autres devant permettre de relancer la concurrence, deuxième des quatre volets du projet de loi qui poursuivait « deux objectifs essentiels : plus d’entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets : plus de croissance, plus d’emplois et plus de pouvoir d’achat » (9). Or, loin de faire consensus, cet article 23 a, au contraire, suscité une certaine incompréhension en autorisant seulement le Gouvernement à créer cette autorité par voie d’ordonnance, le Parlement n’ayant donc pas eu tout le loisir de discuter des compétences précises qui seraient dévolues à la nouvelle autorité projetée (10). Au-delà du choix de la procédure qui a donc pu faire débat, les députés et sénateurs se sont généralement retrouvés autour de la nécessité de créer une Autorité de la concurrence qui soit dotée de pouvoirs conséquents (les dispositions finales ayant repris la plupart des préconisations du rapport de la Commission pour la Libération de la Croissance Française), celle-ci étant par ailleurs considérée comme la « pierre angulaire de la réforme au regard de l’importance d’une régulation renforcée » (11).

Figurant finalement aux articles 95 à 97 de la LME, les dispositions relatives à l’Autorité de la concurrence ont ensuite été codifiées aux articles L. 461-1 et suivants du code de commerce, constituant ainsi le sixième titre du Livre IV « De la liberté des prix et de la concurrence ».

L’Autorité de la concurrence a vu son statut d’autorité administrative indépendante expressément confirmé par la loi (article L. 461-1-I du code de commerce) à l’initiative des parlementaires, ce qui constitue un gage de la confiance qu’ils ont mise d’emblée dans cette institution, et marque un choix clair en faveur d’une régulation par une autorité spécialisée.

Dirigée par un président nommé pour cinq ans par décret du Président de la République après avis des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière de concurrence (12), l’Autorité de la concurrence est dirigée par un collège de dix-sept membres (13) : le Président, quatre vice-présidents et douze membres non permanents, tous nommés par décret du Président de la République sur le rapport du ministre en charge de l’économie. Six d’entre eux sont nommés parmi les membres ou anciens membres des trois plus hautes juridictions françaises (Conseil d’État, Cour de cassation et Cour des comptes) ou au sein d’autres juridictions administratives ou judiciaires, cinq le sont en raison de leurs compétences particulières en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation (c’est la raison pour laquelle y siègent actuellement des professeurs de droit ou d’économie) et, enfin, cinq membres (et non plus quatre comme antérieurement) sont nommés en leur qualité de personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l’artisanat, des services ou des professions libérales (à ce titre, siègent actuellement au collège de l’Autorité de la concurrence notamment un administrateur de société, un avocat à la Cour et la présidente d’une association de consommateurs).

Cet aréopage de personnalités permet ainsi à l’Autorité de la concurrence de bénéficier de profils, de compétences et d’expériences extrêmement variés, propres à renforcer son autorité et le respect de ses décisions.

L’Autorité de la concurrence se caractérise en outre par une organisation séparant les fonctions d’instruction, dévolues à un ensemble de services, et les fonctions de décision qui, elles, relèvent du seul collège. Cette séparation a été parachevée par le législateur à l’occasion de la réforme et validée depuis par la Cour de cassation.

D’une part, elle comporte plusieurs services d’instruction, placés sous l’autorité du rapporteur général : 5 « services concurrence » (c’est-à-dire de services dédiés à l’instruction des pratiques anticoncurrentielles et à l’examen des demandes d’avis adressées à l’Autorité), d’un service investigations, d’un service concentrations et d’un service économique (ces deux derniers étant en vérité des « services spécialisés » mais, dans la pratique, ils sont rattachés aux services d’instruction).

D’autre part, l’Autorité de la concurrence comporte un certain nombre de services administratifs, placés sous l’autorité d’un secrétaire général, propres à assurer le fonctionnement quotidien de l’institution : il s’agit respectivement du bureau de la procédure, du bureau des ressources humaines, du bureau du budget, du bureau de l’informatique, du bureau de la documentation et du bureau de la logistique.

B.— UNE AUTORITÉ CONSIDÉRABLEMENT RENFORCÉE

L’Autorité de la concurrence a été une création exemplaire de la loi de modernisation de l’économie dans la mesure où le Gouvernement, et le Législateur avec lui, ont souhaité instaurer une institution capable de parfaitement « définir le terrain de jeu sur lequel vont pouvoir jouer les différents acteurs économiques » (14). À cet égard, l’Autorité de la concurrence ne revêt pas le caractère d’une coquille vide mais se voit au contraire dotée d’une force indéniable.

1. Des missions au périmètre étendu

L’Autorité de la concurrence doit assurer une véritable régulation concurrentielle, qui est transversale puisqu’elle s’applique à toute l’économie à la différence des régulations sectorielles. C’est aussi la raison pour laquelle son intervention, qu’elle fasse suite à des plaintes ou qu’elle soit pro-active, vise à vérifier (et au besoin à rétablir) le respect des règles de concurrence par les acteurs et non à « créer » la concurrence comme le ferait un régulateur sectoriel.

En quelques mots génériques, la LME a explicitement décrit les principales missions dévolues à l’Autorité de la concurrence ; ainsi, aux termes de l’article L. 461-1-I du code de commerce, celle-ci se voit confier la tâche de « veille[r] au libre jeu de la concurrence [et d’] apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international », ses fonctions à l’échelon européen découlant des dispositions du règlement n° 1/2003 du Conseil de l’Union européenne en date du 16 décembre 2002. À ce titre, l’Autorité de la concurrence participe pleinement au réseau européen de la concurrence qui, rassemblant la Commission européenne et les différentes autorités de concurrence des États membres, permet à ces différentes entités de travailler ensemble pour veiller à une application effective des règles de concurrence communautaires au sein de l’Union.

L’Autorité de la concurrence bénéficie en premier lieu d’une compétence particulière pour contrôler les concentrations (article L. 430-3 du code de commerce), tâche qui était auparavant dévolue au ministre de l’Économie et des finances. À ce titre, les entreprises doivent nécessairement lui notifier leurs projets de fusion-acquisition. Désormais, à l’image du système adopté par de nombreux autres États de l’Union européenne (les Pays-Bas, le Portugal, la Belgique, l’Espagne, l’Italie…), il existe une claire séparation entre l’autorité indépendante en charge du contrôle des concentrations et l’autorité politique qui, si l’intérêt public le justifie, peut de son côté évoquer les aspects non concurrentiels de l’opération. Cette clarification du partage des rôles entre l’autorité spécialisée et l’autorité politique est de nature à mieux respecter l’intérêt général.

Elle présente également l’avantage de renforcer l’influence de la France au sein du réseau européen de concurrence. Sur ce sujet, vos rapporteurs souhaitent préciser que, depuis l’entrée en vigueur des nouvelles compétences de l’Autorité dans le domaine des concentrations, celle-ci a traité 4 opérations sur renvoi de la Commission européenne, ce qui n’avait pas été fait depuis 2002.

La deuxième grande fonction confiée à l’Autorité de la concurrence est relative au contrôle des pratiques anticoncurrentielles, qu’il s’agisse du pouvoir d’enquêter sur d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles (article L. 450-1 du code de commerce), de la capacité à traiter des abus liés à une opération de concentration ou à l’exploitation abusive d’une position dominante (article L. 430-9 du code de commerce). Quelle que soit la situation ou la nature juridique de l’opérateur considéré, l’Autorité de la concurrence a la capacité d’intervenir dès que la concurrence est faussée sur un marché ou risque de l’être (mesures conservatoires, négociation d’engagements), soit de sa propre initiative, soit sur saisine d’un plaignant. Une fois qu’elle a instruit l’affaire, l’Autorité peut prononcer diverses mesures qui peuvent être aussi bien des mesures d’urgence que des sanctions pécuniaires ou des injonctions, ses décisions étant ensuite susceptibles d’appel devant la Cour d’appel de Paris. Il convient également de préciser que le président de l’Autorité de la concurrence dispose de la capacité à se pourvoir en cassation contre les arrêts de la Cour d’appel de Paris qui auraient réformé ou annulé une décision prise par l’Autorité (article L. 464-8 du code de commerce).

Vos rapporteurs souhaitent à ce stade insister sur deux aspects relatifs au fonctionnement de la Cour d’appel de Paris, organe de contrôle en appel des décisions rendues par l’Autorité de la concurrence. On constate un allongement des procédures en matière concurrentielle qui s’avère extrêmement préjudiciable tant pour le juge qui, à la suite de plusieurs allées et venues entre la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation, ne peut qu’éprouver des difficultés à définir une véritable jurisprudence en la matière, et un manque de moyens humains dans le monde judiciaire des affaires. À ce titre, vos rapporteurs ne peuvent que souscrire avec intérêt à certaines préconisations qui figuraient dans un rapport rédigé par le premier président de la Cour de cassation Guy Canivet, qui rappelait notamment : « La technicité des procédures en cause impose une amélioration des aptitudes des juridictions et suppose qu’elles soient traitées par des juges formés à appréhender avec pertinence les relations entre industrie et commerce. Une spécialisation des juridictions dans le domaine des pratiques restrictives de concurrence est indispensable à la restauration de l’efficacité du dispositif légal et pourrait être envisagé » (15).

Proposition : vos rapporteurs insistent pour que la formation des magistrats en matière économique soit renforcée, notamment s’ils ont vocation à connaître du contentieux de la régulation économique.

L’Autorité de la concurrence est également dotée d’un rôle consultatif important, actuellement défini aux articles L. 462-1 s. du code de commerce. Elle peut ainsi rendre des avis de sa propre initiative, à la demande du Gouvernement (même si l’on peut s’étonner qu’il n’y ait eu qu’une seule saisine contentieuse de la part du ministre de l’Économie au cours de l’année 2010), du Parlement, d’autres autorités administratives indépendantes (qui, en retour, peuvent lui apporter des affaires comme ce fut le cas de la part de la CRE, Commission de régulation de l’énergie) ou d’organisations professionnelles ou de consommateurs. En outre, l’Autorité de la concurrence peut être investie, en certaines hypothèses, d’une fonction consultative obligatoire : tel est par exemple le cas lorsque certains secteurs ont demandé à bénéficier de dérogations en matière de délais de paiement.

Enfin, il importe de signaler que l’intégration des activités d’enquête et d’instruction résultant de la LME a permis à l’Autorité de la concurrence de prendre davantage d’initiatives d’auto-saisines, que ce soit dans ses fonctions consultatives (nouvel article L. 462-4 du code de commerce) avec 3 auto-saisines en 2010 (contre 2 en 2009) ou dans ses fonctions contentieuses avec 13 auto-saisines contentieuses en 2010 (contre 9 en 2009).

L’activité de l’Autorité ne cesse de se développer puisque l’on constate avec satisfaction une baisse régulière du nombre d’affaires en stock : alors que celles-ci étaient de 417 en 2000, on n’en comptait plus que 167 en 2009 et, même, 153 au 31 décembre 2010.

2. Des moyens de fonctionnement conséquents

Dans l’esprit tant du Gouvernement que du Parlement, l’institution d’une Autorité de la concurrence efficace passait en premier lieu par un renforcement de ses moyens.

L’Autorité de la concurrence bénéficie pourtant de moyens humains qui sont loin d’être extravagants. Celle-ci compte actuellement 175 ETPT (équivalent temps plein travaillé) pour un plafond fixé à 187. L’Autorité de la concurrence a cette caractéristique d’être une petite institution où les personnels, qui ont presque tous la qualité d’employés contractuels, ne peuvent faire de longue carrière : en générale, ils y restent pendant quelques années avant de travailler ensuite à l’extérieur. Si l’on compare les effectifs de l’Autorité de la concurrence avec ceux de ses homologues européens, en prenant en considération le même périmètre d’activité qui est celui de l’« application du droit de la concurrence », on s’aperçoit que celle-ci compte 2,8 agents / million d’habitants contre 4,1 en Espagne, 4,4 en Italie, 8,5 au Portugal et même 13,1 en Suède. Si l’Autorité peut par ailleurs faire appel à des collaborateurs extérieurs, cela ne peut se faire que de manière ponctuelle en raison des coûts afférents.

L’Autorité de la concurrence dispose également de moyens financiers (actuellement détaillés au sein de l’action n° 15 du programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » de la Mission « Économie ») qui ont augmenté progressivement lors des derniers exercices du fait du renforcement significatif de ses compétences par la LME :

(En euros)

 

Montant global des dotations

Titre 2

(dépenses de personnel)

Titre 3

(dépenses de fonctionnement)

Part dans les dotations totales de la Mission « Économie »

PLF pour 2008 (16)

12 810 439

9 710 439 (AE = CP)

3 100 000 (AE = CP)

 

PLF pour 2009

20 138 751

13 938 751 (AE = CP)

6 200 000 (AE = CP)

1,88 %

PLF pour 2010

20 403 654

15 003 654(AE = CP)

5 400 000(AE = CP)

1,8 %

PLF pour 2011

20 400 975

15 299 992(AE = CP)

5 100 983(AE = CP)

1,93 %

Les moyens budgétaires de l’Autorité de la concurrence sont globalement équivalents à ceux d’autres institutions comparables (qu’il s’agisse de l’ARCEP ou de la CRE) à la différence que ses effectifs sont moindres. Il convient enfin de préciser que les crédits de fonctionnement de l’Autorité se répartissent de la manière suivante pour ce qui est du dernier exercice budgétaire : 2,5 millions d’euros consacrés à l’immobilier, des dépenses liées au poste informatique, le paiement des honoraires des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et, enfin, des frais de déplacement et de missions.

C.— UNE INSTITUTION RESPECTÉE EN RAISON DES GARANTIES AFFÉRENTES À SES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT

L’Autorité de la concurrence fonctionne sur un principe cardinal qui consiste à clairement distinguer les fonctions d’instruction et celles de décision. Cette dichotomie, issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques, a évidemment contribué à renforcer le Conseil puis l’Autorité de la concurrence qui voient désormais ses décisions auréolées d’un nombre de garanties plus important que par le passé.

Une autre garantie fondamentale, en matière de pratiques anticoncurrentielles, et non des moindres, réside, d’une part, dans le développement de la procédure contradictoire (17) qui s’observe à trois stades de la procédure, la ou les entreprises plaignantes pouvant toujours faire valoir leur point de vue et fournir à l’Autorité de la concurrence toute pièce qu’elles estimeraient utile de verser au dossier non seulement aux services d’instruction, mais également à un collège qui peut porter un regard nouveau sur l’affaire et, d’autre part, par la possibilité de recourir à des procédures négociées (engagements, pour les infractions autres que les ententes ; non contestation des griefs pour les ententes et les abus de position dominante).

Enfin, l’autorité attachée aux décisions de l’Autorité de la concurrence devrait être considérablement renforcée à la suite de la profonde réflexion que celle-ci a engagée sur le prononcé de ses sanctions. Celle-ci a débuté avec le fameux arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010 dans l’affaire du « cartel de l’acier » (une affaire d’entente entre onze entreprises de la sidérurgie) où l’amende initialement prononcée par ce qui était encore le Conseil de la concurrence a été très fortement réduite, passant en effet de 575,45 millions d’euros à seulement 74,179 millions d’euros en raison, en particulier, de la situation de crise économique générale que traversait le secteur concerné.

Alors qu’il en avait la capacité, le Gouvernement a choisi de ne pas se pourvoir en cassation, ajoutant à l’émoi déjà suscité par ce qui avait été présenté comme une remise en cause de la politique de sanction du Conseil de la concurrence. La position prise par la Cour d’appel dans l’affaire de l’acier a depuis lors été clairement invalidée, dans une autre affaire, par la Cour de cassation. En effet, dans un arrêt du 29 mars 2011, elle a jugé que « seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises peuvent être prises en compte dans le calcul de la sanction » au titre de l’individualisation de celle-ci, à la différence des difficultés économiques que traverse un secteur de façon générale, et qu’il revient aux entreprises d’apporter la « preuve de leurs difficultés contributives ».

À la suite de cette affaire, la ministre de l’Économie a commandé un rapport pour déterminer quelle devait être la politique à suivre à l’égard des sanctions en matière de pratiques anticoncurrentielles (18). Afin d’apporter davantage de sécurité juridique, le rapport préconisait notamment de fixer comme plafond de référence de l’amende un pourcentage compris entre 5 et 15 % des ventes des produits concernés par les pratiques sanctionnées, cette somme pouvant ensuite être pondérée par des « circonstances graves ou atténuantes ». Souhaitant introduire davantage de débat contradictoire dans la fixation de la sanction, le rapport souhaite notamment que soit exploré plus avant l’intérêt de mettre en place une commission des sanctions séparée du collège de l’Autorité de la concurrence comme cela existe dès à présent pour l’Autorité des marchés financiers. Dans le même temps, le rapport incitait l’Autorité de la concurrence à développer, si besoin était, les sanctions individuelles : « il appartient à l’Autorité de la concurrence de dénoncer au Parquet les comportements individuels ainsi mis en évidence, et ce sans compromettre la politique de clémence qui se développe » (page 36). Dans la suite de cette première réflexion, l’Autorité de la concurrence a lancé, le 17 janvier 2011, une importante consultation publique sur les sanctions en vue de recueillir les observations de l’ensemble des acteurs intéressés (associations de consommateurs, entreprises, cabinets spécialisés, universitaires, mais aussi autorités européennes de concurrence). Vos rapporteurs ne peuvent que saluer cette initiative et souhaitent que le Parlement suive avec attention les enseignements qui en seront tirés.

II.— LES « SOLDES FLOTTANTS » : UNE FAUSSE BONNE IDÉE ?

A.— UN DISPOSITIF QUI SE VOULAIT FAVORABLE AUX CONSOMMATEURS

Le système des soldes flottants a été mis en place par l’article 98 de la LME (initialement, il s’agissait de l’article 24 du projet de loi), qui a notamment introduit un 2° au I de l’article L. 310-3 du code de commerce prévoyant que des soldes, outre les deux périodes traditionnelles qui interviennent en cours d’année (généralement au début du mois de janvier et à la fin du mois de juin), peuvent également se dérouler pendant une « période d’une durée maximale de deux semaines ou deux périodes d’une durée maximale d’une semaine, dont les dates sont librement choisies par le commerçant ». Il s’agit des « soldes flottants ».

Cette mesure avait été préconisée par des études antérieures au dépôt du projet de loi (19), qui soulignaient notamment combien les soldes pouvaient avoir un effet positif sur le budget des ménages : il y était notamment précisé que cette mesure avait pour premier objectif « de multiplier les occasions pour les consommateurs de pouvoir accéder à des offres à prix compétitifs » (page 4).

Le système des soldes flottants instauré par la LME bénéficie dans son principe d’une très grande souplesse de mise en œuvre puisque les commerçants décident librement de la période à laquelle ils souhaitent instaurer cette période de soldes supplémentaires (25 % d’entre eux ayant par exemple accolé ces soldes flottants aux semaines de soldes traditionnels (20)), la seule contrainte consistant à les terminer au moins un mois avant le début des soldes organisés à l’échelle nationale. Précisons par ailleurs que la LME a réduit d’une semaine la durée des soldes traditionnels (désormais limités à deux périodes de cinq semaines et non plus de six comme auparavant, la durée annuelle des soldes en restant donc à douze semaines) dont la date de début est dorénavant fixée par décret au niveau national, ce qui est une excellente chose, le dispositif ayant conservé le principe de dérogations pour les départements frontaliers d’autres États de l’Union européenne.

Fortement soutenu par le Gouvernement dans un contexte de crise économique aiguë et de faible progression du pouvoir d’achat, le mécanisme des soldes flottants a néanmoins rapidement fait l’objet d’une large évaluation à la demande de M. Hervé Novelli, Secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme et des Services, alerté par différents acteurs sur les inconvénients de ce nouveau système (21).

B.— UNE SOURCE DE CONFUSION QUI DOIT ENCORE PROUVER SON EFFICACITÉ

En France, le marché de l’habillement a pour première caractéristique d’être très fortement atomisé puisque les 25 premières enseignes implantées sur le territoire national ne réalisent que 50 % du marché (le groupe BHV – Galeries Lafayette, numéro un du marché, n’en représente pourtant que 6 % avec un chiffre d’affaires d’environ 3,5 milliards d’euros par an). La part du nombre d’indépendants et de petites enseignes s’avère donc beaucoup plus importante que chez la plupart de nos voisins.

Depuis plusieurs années, la deuxième grande caractéristique de ce marché consiste en sa tendance très nettement déflationniste. En dépit de la hausse des salaires pratiqués en dehors de nos frontières, y compris d’ailleurs dans les pays qui se caractérisent traditionnellement par des coûts de production extrêmement compétitifs, le prix moyen des vêtements a baissé de 15 % sur les quatorze dernières années. Dans ce contexte, la proportion de vêtements vendus à prix barrés (c’est-à-dire tant sous forme de soldes que de promotions) n’a cessé d’augmenter pour correspondre aujourd’hui à environ un tiers des ventes réalisées.

Compte tenu de ces deux caractères, l’instauration des soldes flottants a eu un impact extrêmement ambivalent.

Ses partisans mettent principalement en avant le fait que 71 % des Français les plébisciteraient. Sans nier la portée de cette adhésion, vos rapporteurs demeurent néanmoins très dubitatifs sur le chiffre avancé : le Gouvernement ne leur ayant donné aucune indication sur la manière dont ce pourcentage avait été obtenu, vos rapporteurs sont bien obligés de s’interroger sur les 29 % restant. S’agit-il de consommateurs indépendants des contingences économiques, qui sont prêts à payer des produits au prix fort alors qu’ils auraient par ailleurs l’opportunité de les acheter en période de soldes ? S’agit-il également de personnes qui, eu égard à ses caractères, ne souhaitent pas faire les soldes ? S’agit-il de consommateurs qui préfèrent bénéficier de promotions dans leurs lieux de vente habituels ou sur Internet plutôt que de « faire les soldes » lorsque celles-ci se présentent ? Autant de questions qui, faute de données très précises, demeurent aujourd’hui partiellement sans réponse. En outre, et cela relativise quelque peu le chiffre de 71 % susmentionné, on ne pouvait que s’attendre à un certain engouement pour les soldes flottants puisque, comme le précisait déjà le rapport relatif aux mécanismes de réduction des prix, il apparaît que « 28 % des personnes interrogées estiment que la multiplication des périodes de soldes durant l’année peut avoir un effet positif sur le pouvoir d’achat » (22).

Si certains soutiennent le dispositif des soldes flottants, qui a d’ailleurs été reconduit pour une année supplémentaire par la Gouvernement, force est de constater que vos rapporteurs ont surtout rencontré des opposants à ce régime. Il semblerait en effet que leur institution ne soit favorable ni au consommateur, ni à l’industrie de l’habillement.

Entre autres critiques, il est fréquemment reproché aux soldes flottants de brouiller la vision du consommateur en ne lui permettant plus de déterminer le juste prix d’un produit. En effet, si un même bien voit son prix varier de manière trop fréquente en raison notamment d’une multiplication des périodes de soldes, il apparaît de plus en plus difficile d’estimer ce bien de manière exacte. Paradoxalement, le rapport rendu par Mme Valérie Expert et M. Philippe Moati, tout en préconisant l’instauration de périodes de soldes supplémentaires, regrettait que, dans « ce nouveau contexte (…) les consommateurs ne [soient] pas toujours à même d’appréhender correctement les prix » (23). L’objectif consistant à donner au consommateur davantage de repères et de stabilité pour pouvoir effectuer ses achats en toute connaissance de cause, dans un contexte économique nécessitant encore une fois de maîtriser chacune de ses dépenses, semble donc en grande partie manqué.

De plus, les soldes flottants ont, du fait de leur plus grande fréquence, banalisé le dispositif même des soldes, faisant perdre à ces dernières leur caractère à la fois festif et exceptionnel. Là encore, vos rapporteurs ne peuvent que pointer la contradiction qui existe en pratique entre les effets concrets des soldes flottants et la volonté « d’offrir aux consommateurs de nouvelles opportunités d’achat à prix réduits tout en préservant le caractère exceptionnel des périodes réglementaires de soldes » (24). Même si, incontestablement, les achats effectués en période de soldes obéissent aujourd’hui davantage à des impératifs budgétaires qu’à des motifs tirés de la simple distraction ou opportunité, ces dernières n’attirent plus le consommateur autant que par le passé. En outre, cet état de soldes permanents est de nature à décourager l’achat impulsif, ce qui joue au surplus en défaveur du commerce de proximité. Aussi, dans un environnement où la vente traditionnelle est fortement concurrencée par la vente à distance, notamment via Internet, support sur lequel les ventes privées et opérations commerciales de toute nature sont quotidiennes, où la versatilité naturelle du consommateur est amplement satisfaite par l’offre démesurée que permettent ces nouveaux circuits de distribution, les soldes flottants ne peuvent qu’avoir une influence restreinte sur notre économie.

En effet, et même si l’analyse mérite d’être affinée eu égard à l’absence de chiffres définitifs pour l’année 2010, les soldes flottants n’ont eu, pour leur première année de mise en œuvre, qu’un faible impact économique sur l’industrie de l’habillement (25). Les soldes flottants n’ont apparemment guère fait progresser le chiffre d’affaires du secteur puisqu’ils ont seulement représenté 0,2 % du chiffre d’affaires global sur la période entre juillet 2009 et juin 2010 (26). Enfin, et cela va à l’encontre de la volonté de favoriser la concurrence dans notre pays, ce dispositif est incontestablement de nature à favoriser les grands magasins qui, entraînés dans cet état de soldes permanents, peuvent aisément changer de modèles de vêtements grâce à des linéaires beaucoup plus étendus que ceux dont dispose un simple détaillant.

Au final, vos rapporteurs se demandent s’il ne serait donc pas plus opportun de s’interroger sur les principes propres à davantage encadrer les soldes et opérations promotionnelles sur Internet qui, plus que jamais, apparaît comme le principal marché en vigueur aujourd’hui. Même si certaines personnes auditionnées ont pu qualifier la polémique relative aux soldes flottants de « tempête dans un verre d’eau », vos rapporteurs ne peuvent que constater un quasi-consensus en faveur d’une suppression des soldes flottants.

Proposition : même s’il n’est pas question, pour le moment, de supprimer le système des soldes flottants, vos rapporteurs souhaitent que le dispositif soit analysé par les acteurs de la filière et les autorités compétentes tant d’un point de vue sociologique qu’économique afin de déterminer s’il convient de les maintenir dans les prochaines années.

Proposition : vos rapporteurs souhaitent par ailleurs qu’une analyse globale des soldes soit effectuée, quelle que soit la modalité retenue (soldes effectuées chez un détaillant, sur Internet…).

III.— DES RELATIONS COMMERCIALES COMPLEXIFIÉES

A.— QUEL AVENIR POUR LES DÉLAIS DE PAIEMENT ?

1. Une réussite indéniable de la LME : la baisse effective des délais de paiement

Thème récurrent dans les relations entre entreprises, les délais de paiement et, surtout, l’impérieuse nécessité d’en abaisser la durée, figuraient parmi les objectifs poursuivis par la LME.

Au moment où cette loi allait être discutée, la France se caractérisait en effet par des délais de paiement plus longs que ceux qui existaient dans la majeure partie des pays de l’Espace économique européen. Avec des délais moyens de 66 jours, elle se situait certes devant l’Italie ou les pays de la péninsule ibérique (82 jours en Espagne par exemple) mais loin derrière la Grande-Bretagne (52 jours), l’Allemagne (47 jours) ou, plus encore, la Norvège (26 jours), la moyenne européenne s’élevant quant à elle à 57 jours. Or, cette tendance lourde avait pour effet d’accroître le poids des dettes fournisseurs dans le bilan des entreprises et d’obérer ainsi leurs capacités d’investissement. Bien que la loi n° 2001-420
du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (loi NRE) ait instauré certaines dispositions de nature à lutter contre des délais de paiement trop longs, ceux-ci n’avaient pas diminué de façon significative au début de l’année 2008. C’est la raison pour laquelle le premier rapport rendu en janvier 2008 par la Commission pour la Libération de la Croissance Française (CLCF) avait expressément mentionné ce problème, insistant, au nombre de ses « décisions fondamentales », sur la nécessité de « réduire les délais de paiement des PME par l’État et par les grandes entreprises » 
(
27). Un peu plus loin, le même rapport, prenant acte néanmoins des dispositions insérées dans le droit français par la loi NRE, estimait même qu’il ne fallait pas hésiter à réfléchir à l’opportunité d’« imposer (par la loi et si nécessaire par ordonnance) le paiement aux PME à moins de 30 jours à compter de la date de livraison » (28).

L’objectif poursuivi par le Gouvernement dans le cadre de la LME consistait donc à faire baisser de façon drastique les délais de paiement de manière à améliorer la trésorerie des entreprises en leur permettant d’être payées plus rapidement pour les biens qu’elles avaient pu fabriquer ou livrer à un distributeur donné.

La LME n’a pas fait table rase du passé. Ainsi, le principe posé par le huitième alinéa de l’article L. 441-6 (introduit dans le code de commerce par la loi NRE), dispose toujours que « sauf dispositions contraires figurant aux conditions générales de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée » : il s’agit là du délai de droit commun. Or la pratique était, comme on le sait, beaucoup plus contrastée que cette disposition ne pouvait le laisser croire puisque, outre quelques dispositions légales prévoyant un régime plus restrictif (tel est par exemple le cas en vertu de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports (29)), la plupart des acteurs économiques concluaient par voie conventionnelle des dispositions permettant de bénéficier de délais de paiement plus longs, autant de manque à gagner dans la trésorerie des entreprises, notamment des PME.

C’est la raison pour laquelle il a été décidé, dans l’article 21 de la LME (codifié à l’article L. 441-6, alinéa 9, du code de commerce), d’instituer, en sus de ce délai de droit commun de 30 jours, le principe d’un délai de paiement conventionnel de 60 jours « à compter de la date d’émission de la facture »
(ou 45 jours fin de mois) applicable à compter du 1er janvier 2009. Dans le même temps, il a été décidé d’alourdir les sanctions en cas de non-respect de cette règle, le taux plancher des pénalités de retard passant à compter du 1er janvier 2009 de 1,5 fois le taux d’intérêt légal à 3 fois.

Indéniablement, cette nouvelle réglementation a eu un impact extrêmement positif sur la situation financière des fournisseurs (30) qui, dans un contexte marqué à la fois par une forte crise économique et par une raréfaction du crédit bancaire (phénomène de « credit crunch »), ont pu gagner entre 15 et 40 jours de trésorerie en moyenne. Entre 2008 et 2009, on a ainsi constaté une baisse des créances et des dettes de 10 à 12 % sur un échantillon d’environ 160 000 entreprises, ce qui mérite naturellement d’être salué. Cette performance globale a, en effet, parfois nécessité de très importants efforts financiers : c’est ainsi que le groupe des Galeries Lafayette a dépensé plus de 85 millions d’euros pour mettre en place les différentes implications de la LME, au premier rang desquelles figurent les nouvelles exigences en termes de délais de paiement, la fin des accords dérogatoires dans le secteur de l’habillement devant a priori leur coûter entre 15 et 20 millions d’euros. Vos rapporteurs tiennent également à souligner l’action décisive aussi bien de la Médiation du crédit au niveau national que, au plan local, des Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, autant d’acteurs qui ont permis aux entreprises de bénéficier de financements suffisants pour mener à bien leur activité.

Néanmoins, preuve de souplesse et de pragmatisme à la fois du nouveau dispositif ainsi déterminé par la loi, l’article 21 – III de la LME a également prévu la possibilité pour certains secteurs particuliers (qui, au total, représentent environ 20 % de l’économie nationale) de déroger de manière temporaire à cette règle de principe. Un décret peut ainsi autoriser un accord interprofessionnel (sous réserve qu’il soit conclu « avant le 1er mars 2009 ») à différer l’application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à condition que des « raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur » justifient un tel report mais sous deux principales réserves :

- d’une part, compte tenu des incontestables avantages que peuvent procurer des délais de paiement plus favorables pour certaines entreprises et, de fait, des distorsions de concurrence qui peuvent s’en suivre, la loi a expressément prévu que de tels accords devaient, préalablement à leur entrée en vigueur, être soumis par le Ministère de l’Économie à l’Autorité de la concurrence pour avis ;

- d’autre part, il a été prévu que ces accords devaient prévoir « la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l’application d’intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans » ces accords.

Cette formule a connu un véritable succès puisque trente-neuf accords dérogatoires (ayant donné lieu à trente-quatre décrets d’homologation) ont ainsi été conclus dans des secteurs aussi divers que ceux de l’horlogerie, la bijouterie, la joaillerie et l’orfèvrerie (avis 09-A-04 de l’Autorité de la concurrence), des deux roues (avis 09-A-14), du nautisme (avis 09-A-16), des compléments alimentaires (avis 09-A-27) ou du cuir (avis 09-A-29).

LISTE DES ACCORDS DÉROGATOIRES ÉTABLIS EN MATIÈRE DE
DÉLAIS DE PAIEMENT 
:

Secteur concerné

Durée moyenne des délais de paiement constatée dans ce secteur

Référence du décret portant dérogation

Référence de l’avis de l’Autorité de la concurrence

Bricolage

109 à 119 jours

décret n° 2009-490 du 29 avril 2009

Avis 09-A-02 du 20 février 2009

Jouet

78 à 84 jours

décret n° 2009-491 du 29 avril 2009

Avis 09-A-03 du 20 février 2009

Horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie

80 à 100 jours

décret n° 2009-492 du 29 avril 2009

Avis 09-A-04 du 20 février 2009

Fournisseurs de bois, de matériaux, de produits et de services pour le bâtiment et les travaux publics

75 à 110 jours

décret n° 2009-488 du 29 avril 2009

Avis 09-A-06 du 19 mars 2009

Sanitaire, chauffage et matériel électrique

63 à 71 jours

décret n° 2009-489 du 29 avril 2009

Avis 09-A-07 du 19 mars 2009

Livre

75 à 85 jours

décret n° 2009-595 du 29 avril 2009

Avis 09-A-08 du 9 avril 2009

Papeterie, fourniture et bureautique

70 à 100 jours

décret n° 2009-1014 du 25 août 2009

Avis 09-A-10 du 14 mai 2009

Conserve alimentaire

75 jours

décret n° 2009-858 du 8 juillet 2009

Avis 09-A-11 du 14 mai 2009

Pneumatiques

76 jours

décret n° 2009-859 du 8 juillet 2009

Avis 09-A-12 du 14 mai 2009

Animaux de compagnie

60 à 120 jours

décret n° 2009-860 du 8 juillet 2009

Avis 09-A-13 du 14 mai 2009

Secteur des deux roues

90 à 120 jours

décret n° 2009-912 du 27 juillet 2009

Avis 09-A-14 du 14 mai 2009

Professionnels du jardin amateur

75 à 104 jours

décret n° 2009-1017 du 25 août 2009

Avis 09-A-15 du 2 juin 2009

Nautisme

74 jours

décret n° 2009-1335 du 28 octobre 2009

Avis 09-A-16 du 2 juin 2009

Industrie graphique

70 à 74 jours

 

Avis 09-A-17 du 2 juin 2009

Véhicules de loisirs

60 à 150 jours

décret n° 2009-1332 et 2009-1333 du 28 octobre 2009

Avis 09-A-18 du 2 juin 2009

Activités manuelles artistiques

60 à 90 jours

décret n° 2009-1331 du 28 octobre 2009

Avis 09-A-19 du 8 juin 2009

Produits aciers

70 à 80 jours

décret n° 2009-1174 du 2 octobre 2009

Avis 09-A-20 du 9 juin 2009

Agroéquipements

120 à 270 jours

décret n° 2009-1015 du 25 août 2009

Avis 09-A-22 du 24 juin 2009

Armes et munitions pour la chasse

58 à 112 jours

décret n° 2009-1016 du 25 août 2009

Avis 09-A-23 du 25 juin 2009

Quincaillerie industrielle

90 à 120 jours

décret n° 2009-1241 et 2009-1242 du 15 octobre 2009

Avis 09-A-24 du 25 juin 2009

Fabricants de peintures, encres, couleurs et produits assimilés

90 jours

décret n° 2009-1172 du 1er octobre 2009

Avis 09-A-25 du 25 juin 2009

Tonnellerie

91 jours

décret n° 2009-1171 du 1er octobre 2009

Avis 09-A-26 du 25 juin 2009

Compléments alimentaires

60 à 115 jours

décret n° 2009-1169 du 1er octobre 2009

Avis 09-A-27 du 25 juin 2009

Disque

60 à 66 jours

décret n° 2010-96 du 25 janvier 2010

Avis 09-A-28 du 25 juin 2009

Cuir

64 jours

décret n° 2009-1134 du 28 octobre 2009

Avis 09-A-29 du 26 juin 2009

Textile, habillement

53 à 90 jours

décret n° 2009-1100 du 7 septembre 2009

Avis 09-A-30 du 8 juillet 2009

Pisciculture continentale et marine

60 à 120 jours

décret n° 2009-1299 du 26 octobre 2009

Avis 09-A-31 du 26 juin 2009

Optique, lunetterie

72 à 80 jours

décret n° 2009-1278 du 22 octobre 2009

Avis 09-A-32 du 26 juin 2009

Commerce de gros de l’outillage automobile

55 à 68 jours

décret n° 2009-992 du 20 août 2009

Avis 09-A-34 du 26 juin 2009

Médicaments non remboursables

75 à 90 jours

décret n° 2009-1144 du 22 septembre 2009

Avis 09-A-36 du 26 juin 2009

Agrofourniture

90 à 200 jours

décret n° 2009-1170 du 1er octobre 2009

Avis 09-A-37 du 26 juin 2009

Pêche de loisirs

60 à 120 jours

décret n° 2009-1240 du 15 octobre 2009

Avis 09-A-38 du 26 juin 2009

Secteur des bois ronds façonnés et des bois sur pied vendus à la mesure

63 à 90 jours

décret n° 2009-1424 du 19 novembre 2009

Avis 09-A-39 du 26 juin 2009

Articles de sport

82 à 100 jours

décret n° 2009-1266 du 20 octobre 2009

Avis 09-A-40 du 26 juin 2009

2. Le développement de pratiques propres à contourner les exigences législatives en matière de délais de paiement

Le bilan de la LME sur ce point pouvait donc être très légitimement salué : c’est d’ailleurs ce qu’ont fait les deux premiers rapports parlementaires relatifs à l’application de cette loi (31), même si celui rendu par l’Assemblée nationale s’est montré un peu plus critique sur le sujet. En effet, dès le début de l’année 2010, on constatait le développement de pratiques dont l’objet inavoué était sans nul doute de s’affranchir des dispositions contraignantes existant en matière de délais de paiement.

Vos rapporteurs constatent malheureusement que ces pratiques ont perduré et qu’elles se sont même développées.

On a tout d’abord assisté au développement de la pratique dite des « stocks déportés » (également appelée des « stocks avancés ») qui consiste, pour un distributeur, à proposer à un fournisseur de livrer ses marchandises sur des plates-formes logistiques ou dans des entrepôts, et non directement dans ses points de vente. Cette technique, qui a pour effet de réduire le poids financier que représente la gestion des stocks, pose un certain nombre de difficultés dans les rapports déjà très complexes qui existent entre fournisseurs et distributeurs. Les deux principales sont les suivantes :

– d’une part, les distributeurs imposent fréquemment aux fournisseurs des demandes excessives (surveillance des stocks, mise en jeu de leur responsabilité en cas de dommage…) qui modifient l’équilibre du contrat. Sur ce sujet, les règles sont pourtant claires. À la question de savoir s’il était « légal que certains distributeurs demandent à leurs fournisseurs de gérer des stocks déportés dans leurs entrepôts avec par voie de conséquence une prise en charge du coût logistique et d’entreposage par le fournisseur et des rotations plus lentes ? », un avis (32) rendu par la CEPC a très précisément répondu que « non si c’est sans contrepartie d’équilibre. On ne peut obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». Malheureusement, les rapports du faible au fort sont tels que cette règle s’avère bien souvent ignorée dans les faits ;

– d’autre part, cette pratique viole de manière incontestable l’esprit et la lettre de la LME en ce qui concerne l’application des délais de paiement : en effet, tant que les marchandises sont entreposées, elles ne cessent d’appartenir au fournisseur. En d’autres termes, le fournisseur doit, pour être effectivement payé, attendre que la marchandise sorte de l’entrepôt pour être enfin livrée à son point de vente. Outre l’impact extrêmement négatif sur sa trésorerie, le fournisseur est donc parfois conduit à financer une partie du stockage des marchandises au bénéfice du distributeur, celui-ci pouvant aller de quelques heures pour les produits frais à plusieurs semaines (notamment pour le textile et l’habillement), la durée moyenne de stockage étant, tous produits confondus, d’une vingtaine de jours.

Vos rapporteurs ont également entendu certaines personnes auditionnées mentionner la pratique qui consiste, pour des fournisseurs, à retourner au distributeur une facture sans que l’ensemble des pièces justificatives soit fourni avec celle-ci. Le temps que le distributeur retourne la facture à l’industriel et que celui-ci la renvoie avec, cette fois-ci, les pièces afférentes, permet évidemment à ce dernier de gagner plusieurs jours de délais de paiement au détriment de son partenaire commercial. De même, les fournisseurs sont, semble-t-il, victimes d’un nombre croissant de chèques impayés de la part de distributeurs, soit que ceux-ci ne disposent pas des fonds leur permettant d’acquitter régulièrement leurs factures, soit qu’ils le fassent sciemment de manière à gagner là aussi un délai supplémentaire. Quelle que soit l’hypothèse retenue, les exigences de la LME en matière de délais de paiement ne sont en tout état de cause pas respectées.

Enfin, dernier exemple pouvant être mentionné à cet égard, vos rapporteurs ont eu connaissance d’une pratique qui consiste, pour certains distributeurs, à continuer d’effectuer un décompte du délai de « 45 jours fin de mois » non à compter de l’émission de la facture mais à compter de la date de livraison de la marchandise, c’est-à-dire à compter du changement effectif de propriété. Cette façon de faire, outre qu’elle s’avère totalement contraire à la lettre et à l’esprit de la LME, a semble-t-il posé des problèmes spécifiques à l’égard des marchandises destinées à être livrées dans les départements ou collectivités d’outre-mer.

Certains distributeurs ou fournisseurs ont justifié leur attitude en arguant le fait que des délais de paiement trop contraignants avaient pour effet de conduire certaines entreprises à acheter des produits à des fournisseurs étrangers qui, n’obéissant à aucune réglementation contraignante, offraient davantage de souplesse. En d’autres termes, le respect de délais de paiement trop stricts aurait pour effet de favoriser l’importation. Dans les faits, il apparaît que ce risque relève davantage d’une crainte que d’une quelconque réalité économique ; plusieurs États de l’Union européenne connaissent des délais de paiement plus courts que ceux qui prévalent en France, sans pour autant connaître de déficit commercial significatif. En tout état de cause, quand bien même cette crainte serait confirmée par des études économiques solides, cela ne peut en aucun cas servir d’alibi pour contourner les dispositions de la LME relative à la diminution des délais de paiement.

Vos rapporteurs ne peuvent donc que déplorer l’existence de telles pratiques qui, émanant tant de distributeurs que de fournisseurs, traduisent fréquemment une évidente mauvaise foi. Ils ne peuvent également que regretter de constater que l’État et, de manière générale, les personnes morales de droit public (établissements hospitaliers, collectivités territoriales…), figurent très fréquemment, aux côtés des grandes entreprises (notamment celles qui figurent dans le « CAC 40 »), parmi les plus mauvais payeurs, parmi les entités les moins respectueuses des délais de paiement auxquels elles sont évidemment soumises. Des exemples ont été cités, particulièrement celui illustrant de manière dramatique comment une entreprise qui, il est vrai, se trouvait par ailleurs dans une situation économique dégradée, a été liquidée par un tribunal de commerce alors que, si elle avait été payée en temps et en heure par l’administration débitrice, son issue aurait pu être différente…

Surtout, vos rapporteurs s’inquiètent d’une double incertitude qui pèse aujourd’hui sur les délais de paiement et qui pose très clairement la question de leur avenir.

3. Les délais de paiement soumis à une double incertitude

La première incertitude concerne la fin programmée des accords dérogatoires qui doivent maintenant prendre fin dans quelques mois.

Hormis le secteur du livre qui bénéficie, en raison de ses caractères propres, de dispositions spécifiques (33), il est en effet prévu que ces différents accords dérogatoires se terminent au plus tard le 1er janvier 2012, date à laquelle les secteurs concernés devront adopter les règles qui s’appliquent dans le droit commun en matière de délais de paiement. Bien que chaque secteur ayant bénéficié d’un accord dérogatoire ait, dès sa signature, prévu un échéancier lui permettant de s’aligner sur les délais applicables prévus par la LME, ce basculement dans le régime de droit commun va fréquemment s’avérer complexe à mettre en œuvre dans certains secteurs (d’autres estimant au contraire que le passage aux délais de droit commun devrait se faire sans aucune difficulté).

Tel est tout d’abord le cas du secteur du bricolage qui, après avoir connu pendant plusieurs années une croissance de 3 à 4 % par an, croît actuellement de 0,2 % environ. Cette branche connaît deux particularités qui sont d’une part la rotation extrêmement lente des stocks (140 jours en moyenne, ce chiffre pouvant même s’élever à 170 jours voire 200 jours chez les indépendants) et, d’autre part, des délais de paiement fort élevés puisqu’ils sont d’environ 110 jours. Face aux difficultés qui s’annonçaient pour permettre au secteur de parvenir à atteindre le délai de paiement de 45 jours fin de mois (ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture), celui-ci a obtenu un accord dérogatoire permettant de passer progressivement de 75 jours au 1er janvier 2009 à 45 jours au 1er janvier 2012 (34). Or, cela a, dans un premier temps, logiquement conduit les distributeurs à diminuer le volume de leurs achats de 10 à 15 % : en effet, compte tenu de la faible vitesse de rotation des stocks, le maintien d’une quantité donnée de produits achetés les aurait immanquablement conduit à voir croître leur stock de produits invendus. Cette démarche s’étant avérée insuffisante pour réduire de manière significative les délais de paiement applicables dans le secteur, les distributeurs ont ensuite été conduits à diminuer leurs linéaires et à multiplier les commandes sur de faibles volumes, occasionnant ainsi un nombre important de ruptures de stocks dans les magasins ainsi qu’un accroissement des allers et retours avec les fournisseurs qui, pour une enseigne comme Leroy-Merlin, sont à 70 % composées de PME.

Tel est également le cas des secteurs qui sont soumis à une forte saisonnalité comme, par exemple, le secteur du jardinage ou du jouet. Comme on pouvait s’en douter, le jardinage est une activité florissante au printemps et, dans une moindre mesure, à l’automne. Avant la LME, les délais de paiement s’échelonnaient entre 75 et 104 jours en moyenne alors qu’ils ont été considérablement réduits pour atteindre aujourd’hui 60 jours. De nombreux articles sont à rotation lente : une des menaces qui existe à l’heure actuelle consiste à diminuer le nombre de références, ce qui est de nature à mettre en danger le marché français faute de choix et d’attractivité suffisants. Il existe un véritable danger d’appauvrissement de l’offre. Dans le secteur du jouet, particulièrement dynamique (en croissance de 2 % par an si l’on met à part le jouet électronique), la saisonnalité est également très importante puisqu’on estime que 60 % des ventes sont réalisées entre les mois d’octobre et de décembre, les deux mois de novembre et décembre représentant à eux seuls près de 50 % du volume des ventes sur une année. Un accord dérogatoire a été signé mais il apparaît dès à présent très compliqué de parvenir à atteindre le délai de 45 jours fin de mois à l’horizon du 1er janvier 2012 compte tenu des contraintes logistiques qui pèsent, au niveau international, sur les entreprises du secteur.

De plus, cette difficulté proprement nationale se trouve aujourd’hui doublée par plusieurs évolutions attendues au plan communautaire.

Le contexte européen a effectivement considérablement changé puisqu’un projet de directive communautaire sur l’harmonisation des délais de paiement à l’échelle de l’Union européenne est actuellement en cours de discussion. Une première directive communautaire relative aux délais de paiement avait été adoptée le 29 juin 2000 puis transposée dans notre droit interne par la loi NRE du 15 mai 2001. Or, depuis cette date, le contexte économique a foncièrement évolué. Dans une situation économique marquée par une crise sans précédent et par un « credit crunch » important, il apparaît plus que jamais fondamental que les entreprises évoluant au sein de l’Union européenne, et notamment les PME, puissent bénéficier d’un financement effectif. Le Small Business Act (35) établi par la Commission européenne avait ainsi explicitement prévu, parmi les dix principes devant guider la mise en œuvre des politiques à l’égard des PME, celui selon lequel il était convenait de « faciliter l’accès des PME au financement et mettre en place un environnement juridique et commercial favorisant la ponctualité des paiements lors des transactions commerciales » (Principe VI) afin de lutter contre « la culture de paiement tardif qui règne en Europe » (36). Par ailleurs, quelques semaines après seulement, le Plan européen pour la relance économique (37)insistait également sur la nécessité pour les différents acteurs économiques de bénéficier d’investissements suffisants, que ce soit par le biais des banques dont c’est « le cœur de métier » ou par celui du crédit interentreprises correspondant aux justes contreparties de leur activité. C’est dans ce contexte global qu’il a été décidé de réviser la directive de juin 2000 dans le sens d’une meilleure harmonisation des règles relatives à la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales. La Commission européenne a fait une proposition (38) de refonte de cette directive qui, après avoir fait l’objet d’un avis du Comité économique et social européen, a ensuite été discutée au sein de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen pour finalement être définitivement adoptée le 16 février 2011 (39).

À la lecture de la directive, vos rapporteurs ne peuvent qu’être interpellés par son article 3 – 5. qui dispose :

« Les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas soixante jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7 [de ladite directive] ».

Incontestablement, la LME a été en avance sur la directive communautaire en prévoyant, bien avant elle, l’introduction d’un délai de paiement de 60 jours à compter de l’émission de la facture. Or, sous pression notamment communautaire, la France a surtout souhaité, dans le cadre de la LME, raccourcir les délais de paiement : or, si les parties peuvent, ce que semble autoriser la lecture de la directive communautaire, convenir de délais supérieurs à 60 jours (« à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat »), on peut se demander si cela ne va pas à l’encontre des objectifs poursuivis au plan national.

Connaissant les relations très fréquemment asymétriques entre acteurs économiques, vos rapporteurs sont plus que dubitatifs sur la capacité qu’aurait un petit fournisseur de s’opposer à une dérogation en matière de délais de paiement imposée par un distributeur, au risque de se voir déréférencer ou de se voir préférer un concurrent plus conciliant.

Enfin, vos rapporteurs s’interrogent sur un dernier point : si la directive communautaire offre davantage de souplesse en matière de délais de paiement, quelle logique y a-t-il à obliger divers secteurs à mettre fin à leurs accords dérogatoires au 1er janvier 2012 ? Ne conviendrait-il pas d’autoriser la poursuite des accords dérogatoires jusqu’à ce que le Parlement transpose la directive communautaire concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales pour étudier, à cette occasion, la meilleure manière dont il convient de traiter ce sujet si crucial pour le bon fonctionnement de l’économie.

Sur l’ensemble de ces questions, vos rapporteurs ne peuvent que regretter que M. Jean-Hervé Lorenzi, président de l’Observatoire des délais de paiement, n’ait pas pu se libérer pour être entendu alors qu’il doit remettre au Gouvernement des propositions sur ce sujet. De même, vos rapporteurs trouvent extrêmement dommageable que, faute de réponse, le Gouvernement n’ait visiblement pas encore réfléchi à l’impact de cette harmonisation communautaire au plan national alors que se profile la fin prochaine des accords dérogatoires.

B.— DES RELATIONS COMMERCIALES MARQUÉES PAR UNE DÉFIANCE ET UNE TENSION CROISSANTES

1. Des négociations commerciales complexifiées depuis l’entrée en vigueur de la LME

Même si les différentes auditions menées par vos rapporteurs conduisent à dresser un bilan plutôt négatif sur les effets de la LME dans les négociations commerciales, il convient d’insister sur quelques préalables.

La LME a incontestablement apporté des avantages au secteur du commerce. Comme l’avait souhaité le Gouvernement lorsqu’il avait présenté le projet de loi au Parlement, la LME a conduit à un développement important de la concurrence entre enseignes, suscitant de ce fait une certaine émulation, certains secteurs ou enseignes en ayant profité pour accroître leurs efforts en matière de recherche et développement. Comme on a pu le voir précédemment, la situation financière des entreprises, notamment sous l’effet de la diminution des délais de paiement, s’est par ailleurs globalement améliorée, les grandes marques ayant tendance à mieux se porter que ce n’était le cas avant le vote de la loi. Quant à la baisse des prix, on a effectivement constaté, toutes choses égales par ailleurs, une certaine maîtrise des prix à la consommation au bénéfice du consommateur, objectif qui figurait au premier rang de ceux poursuivis par la LME.

a) Libre négociabilité et capacité à discriminer

De manière générale, il est incontestable que les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ont été fortement affectées par la LME.

À ce titre, il convient d’insister sur le fait que la négociabilité a été l’un des apports de cette loi, qui a notamment supprimé l’interdiction des pratiques discriminatoires. Là encore, il s’agit d’une disposition issue des propositions effectuées par la Commission de libération de la croissance française qui souhaitait notamment « instaurer le principe de liberté tarifaire dans la distribution et le commerce de détail, en levant les interdictions dites de ‘‘revente à perte’’ et de discrimination tarifaire ». À cet effet, celle-ci préconisait « afin de permettre au consommateur et à l’économie de bénéficier pleinement des effets de cette réforme, (…) d’instaurer la liberté des négociations commerciales entre distributeurs et fournisseurs » (40). En d’autres termes, il était proposé d’« abroger les dispositifs du code du commerce qui font obstacle à la libre négociation de conditions commerciales entre fournisseurs et distributeurs » (proposition n° 204).

Le Gouvernement, et le Parlement avec lui, ont pleinement adhéré à cette idée puisque la LME a souhaité permettre aux fournisseurs de vendre leur production à des prix différents à chaque distributeur, ce dernier gagnant en retour le droit de discuter librement le tarif ainsi proposé. Il existe donc une véritable articulation entre les deux, l’un étant le pendant de l’autre, la LME ayant cherché à favoriser chacune des parties en présence. Or, ce faisant, la LME a créé une importante difficulté juridique qui n’a pas été sans conséquence sur le bon déroulement des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

L’ancien article L. 442-6-I-2° du code de commerce prohibait le fait « d’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d’achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ». Rarement utilisé, cet article a été fortement modifié, l’actuel article L. 442-6-I-2° interdisant pour sa part « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (41). Pendant les presque deux années qui ont suivi le vote de la LME, cette disposition a été sujette à caution, son sens juridique faisant en effet l’objet de plusieurs controverses juridiques ayant mobilisé deux des plus importantes juridictions françaises. Au mois de novembre 2009, M. Hervé Novelli, alors secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, avait assigné neuf grandes enseignes de la distribution devant différents tribunaux de commerce afin que ceux-ci se prononcent sur d’éventuelles pratiques abusives exercées par des distributeurs à l’égard de producteurs. À la suite de la procédure ainsi engagée devant le tribunal de commerce de Bobigny, les établissements Darty (bientôt rejoints par quatre grandes enseignes de la distribution : Casino, Auchan, Leclerc et Systèmes U) ont posé une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 (42) de la Constitution pour que le Conseil constitutionnel, auquel la Cour de cassation avait régulièrement renvoyé la question le 15 octobre 2010 (43), détermine si la notion de « déséquilibre significatif » était ou non conforme à la Constitution. Les contestations portaient notamment sur le manque de précision de la notion de « déséquilibre significatif », qui pouvait éventuellement contrevenir au principe de légalité des délits et des peines : ainsi, fallait-il prendre en considération le prix pour déterminer l’existence d’un déséquilibre ? Par ailleurs, à quel moment le déséquilibre significatif doit-il être apprécié (à la date de conclusion du contrat, au moment où s’applique telle ou telle clause contractuelle, au moment où le juge est éventuellement appelé à se prononcer…) ? Les questions et les doutes n’ont pas manqué : le Conseil a cependant jugé la disposition litigieuse conforme à la Constitution dans une décision rendue au cours du mois de janvier 2011 (44), donnant ainsi son plein effet aux nouvelles dispositions qui étaient résultées de la LME.

Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter de voir cette disposition validée par le Conseil constitutionnel ; ils souhaitent désormais que les procédures engagées à l’automne 2009 se poursuivent de manière à ce que la notion de « déséquilibre significatif » soit parfaitement cernée et illustrée par le juge, gage de clarté et de sécurité juridiques pour l’ensemble des acteurs en présence.

En outre, la complexification juridique afférente à la notion fondamentale de « déséquilibre significatif » s’est également doublée de plusieurs difficultés liées au texte même de la LME qui, derrière un louable souci de clarification, a, en réalité conduit à de nouvelles incertitudes.

b) Les problématiques inhérentes à l’application de la convention unique

Vos rapporteurs tiennent à insister sur certaines implications de l’article L. 441-7 du code de commerce, relatif à la convention unique (également appelé « contrat-cadre annuel »).

Soulignons dès à présent que la convention unique, explicitement consacrée par le droit en vigueur, ne doit pas être confondue avec le « plan d’affaires » (bien que les deux termes soient parfois abusivement utilisés l’un pour l’autre), qui n’est qu’une traduction littérale du « business plan » anglo-saxon et qui est étranger aux relations entre fournisseurs et distributeurs. En effet, celui-ci désigne plutôt une stratégie d’entreprise visant à définir les actions et moyens mis en œuvre par un acteur économique pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. Document prospectif autant qu’outil de communication, il s’agit donc principalement d’un outil de management autant que d’investissement qui va notamment s’adresser aux investisseurs potentiels et aux banquiers, le plan d’affaires concrétisant la solidité d’un projet d’entreprise et permettant ainsi aux banques de juger s’il est prudent ou rentable pour elles de lui accorder des crédits. Au contraire, la convention unique, définie par le premier alinéa de l’article L. 441-7, désigne un document conclu entre le fournisseur et le distributeur qui indique à quelles obligations se sont engagées chacune des parties « en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale ». Vos rapporteurs ont constaté que la convention unique s’est notablement enrichie au fil du temps, comportant un nombre d’indications et de paramètres toujours plus important, de nature à faciliter les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Pourtant, une disposition de ce même article pose un certain nombre de difficultés en prévoyant explicitement que la convention unique doit, en principe, être signée avant le 1er mars de chaque année.

Pour nombre de filières, la date du 1er mars ne revêt en effet aucune signification. Ainsi, pose-t-elle au contraire de réels soucis au secteur de l’habillement qui ne peut connaître son véritable chiffre d’affaires qu’après la fin des soldes, celles-ci se terminant vers la mi-février. Dans ces conditions, il est évidemment complexe voire hasardeux de discuter et de signer une convention unique qui puisse s’appliquer dès le 1er mars. Vos rapporteurs se sont donc demandé s’il convenait de fixer une autre date butoir, qui pourrait par exemple coïncider avec l’année civile, la convention unique devant alors être conclue au plus tard le 31 décembre. Mais, là aussi, certaines difficultés pratiques se font jour : certaines entreprises sont, à la fin du mois de décembre, en pleine activité et négocier au même moment leur convention unique les obligerait à recruter du personnel pour mener de front l’ensemble de ces activités, sans compter que la fin du mois de décembre peut parfois correspondre à une part non négligeable de leur chiffre d’affaires. Tel est évidemment le cas de l’industrie du jouet. Retenir
le 31 décembre reviendrait alors à complètement fausser la vision de l’activité et du bilan de l’entreprise sur l’ensemble de l’année.

Naturellement, vos rapporteurs comprennent parfaitement ce qu’avait souhaité le Législateur en fixant une date limite pour la négociation de la convention unique. Comme l’avait alors très justement écrit M. Michel Raison, « l’intérêt d’une date limite réside dans l’incitation aux opérateurs à faire aboutir la négociation commerciale le plut tôt possible » (45) et interdire ainsi à cette dernière de se poursuivre tout au long de l’année. C’est ainsi que l’article 2 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a inscrit le principe selon lequel « la convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars. Si la relation commerciale est établie en cours d’année, cette convention ou ce contrat est signé dans les deux mois qui suivent la passation de la première commande » (cette disposition ayant été codifiée à l’article L. 441-7 du code de commerce). Lors des débats sur la LME, le Législateur a conservé le principe d’une signature devant intervenir au plus tard le 1er mars pour les mêmes raisons que celles précédemment exprimées. Or, il en est rapidement résulté une difficulté d’application qui avait trait à la nature du régime juridique qu’il convenait d’appliquer entre le 1er janvier et le 28 février, certains distributeurs ayant en effet fait pression et obtenu que des dispositions favorables figurant dans la nouvelle convention unique soient appliquées rétroactivement durant les deux premiers mois de l’année. À ce titre, vos rapporteurs insistent sur le fait qu’une convention unique est nécessairement conclue pour une période de douze mois glissants et qu’elle ne peut recevoir d’application rétroactive, au surplus à la demande d’un des signataires de ladite convention.

Faute de nouvel accord conclu au 1er mars, il arrive que le fournisseur et le distributeur travaillent sur la base des accords qu’ils avaient anciennement conclus, en attendant d’aboutir à leur reconduction ou à l’achèvement de leur nouveau processus de négociations. Dans ce contexte, il importe que les fournisseurs envoient leurs conditions générales de vente (cf c/) suffisamment à l’avance aux distributeurs afin de bénéficier d’un délai suffisant pour entamer de véritables négociations, propres à s’achever avant la date butoir ainsi fixée. Contrairement à ce que certains veulent bien avancer, ceci est tout à fait possible et cela existe. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, les CGV appliquées dans le secteur des produits laitiers sont généralement envoyées dès le mois de septembre, ce qui permet par la suite une formalisation des tarifs au cours du mois de décembre, laissant ensuite suffisamment de temps pour achever les négociations commerciales avant le 1er mars. Cette pratique, tout à fait intéressante, permet ainsi d’offrir des conditions de négociations idéales tout en respectant la lettre et l’esprit de la LME.

Proposition : même si une telle réforme nécessite de modifier le sixième alinéa de l’article L. 441-7, vos rapporteurs estiment qu’il serait souhaitable d’inscrire à l’avenir dans le code de commerce la disposition selon laquelle « une convention unique d’une durée de douze mois doit être conclue à une date librement fixée au sein de chaque branche, sous réserve que les conditions générales de vente aient été transmises au moins deux mois avant le terme ainsi déterminé »

c) La nécessaire réaffirmation de l’importance des clauses générales de vente

Vos rapporteurs ont par ailleurs été alertés à de très nombreuses reprises par un phénomène qui ne laisse pas d’inquiéter dans la mesure où il s’agit d’une pratique qui viole ouvertement une disposition de la LME.

Définies par l’article L. 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente (plus connues sous l’acronyme de CGV) imposent au producteur ou prestataire de services (fournisseur) de communiquer ses conditions de vente à un acheteur (distributeur). Celles-ci, qui comprennent notamment les modalités pratiques de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement, constituent en principe « le socle de la négociation commerciale » qui est appelée à se dérouler par la suite. Or, contrairement à la primauté que leur confère explicitement le code de commerce, les CGV se voient très fréquemment opposer les conditions générales d’achat (CGA), parfois également qualifiées de « conditions générales d’approvisionnement », dont le contenu est cette fois-ci dicté par le distributeur et imposé par celui-ci à son ou ses fournisseurs. Les CGA définissent ainsi les dispositions générales auxquelles sont soumis les achats d’un acteur économique quelconque. Établies en principe par l’acheteur, elles prévoient, par exemple, les conditions de réception et de contrôle des produits, les conséquences d’un retard de livraison, les possibilités et conditions d’une livraison anticipée, les clauses de confidentialité s’imposant au fournisseur… Même s’il arrive parfois que, dans un abus de langage, les CGA se confondent avec les CGV au point que l’on rencontre le terme de CGAV (conditions générales d’achat et de vente), les négociations commerciales entre fournisseur et distributeur s’engagent en principe en confrontant les CGV (que doit respecter le fournisseur) et les CGA (qui s’imposent pour partie au distributeur).

Dans la pratique, il semble donc que les fournisseurs se voient très fréquemment opposer les CGA de certains distributeurs, ceux-ci refusant même d’entamer toute discussion tant que leurs propres conditions ne seraient pas acceptées comme base de négociation. Outre qu’il s’agit là d’une violation explicite de la lettre de la LME, on ne peut que regretter les rapports de force existants, exploités par certains distributeurs qui ne prennent même pas le soin d’adapter leurs CGA à leurs fournisseurs (46), ceux-ci devant se débrouiller à parfaitement comprendre les éventuelles arguties juridiques qui y figurent.

Dès lors, on comprend mieux que, lors de plusieurs auditions, vos rapporteurs aient entendu parler d’un accroissement du « sentiment d’invulnérabilité des distributeurs », voire de l’instauration d’un véritable « sentiment d’impunité », conséquence d’une « tendance lourde du faible au fort ».

2. La nécessité de mettre un frein aux exigences unilatérales de certains distributeurs

a) La multiplication des comportements répréhensibles au regard des exigences de la loyauté commerciale

La LME a notamment eu pour ambition d’assainir les relations entre fournisseurs et distributeurs en évitant deux tropismes forts. D’une part, on ne peut laisser les acteurs agir de manière totalement libre, au risque de vivre dans une « loi de la jungle » qui n’apportera aucun avantage, ni aux acteurs économiques, ni au consommateur alors que la LME a souhaité agir en faveur du maintien, voire de l’accroissement, de son pouvoir d’achat. D’autre part, il ne s’agit pas davantage d’imposer des carcans inutiles ou trop nombreux, qui n’auraient pour effet que de brider les initiatives et, de ce fait, de scléroser tout un champ d’activités qui demandent au contraire à pouvoir s’épanouir pleinement.

Or, malheureusement, certains réflexes n’ont pas disparu depuis le vote de la LME et vos rapporteurs ne peuvent que déplorer certaines attitudes, émanant principalement des distributeurs, qui nuisent à la loyauté commerciale que tous devraient pourtant rechercher.

Vos rapporteurs souhaitent, en premier lieu, attirer l’attention sur la manière dont les acteurs économiques prennent en compte les variations de prix liées à la volatilité des prix des matières premières. Là aussi, un double écueil doit être évité. D’une part, vos rapporteurs insistent pour que fournisseurs et distributeurs prennent en considération ces hausses de la manière la plus équitable possible : le refuser revient immanquablement à condamner un certain nombre de petits industriels qui, s’ils doivent constamment diminuer leurs marges face au refus d’un distributeur de prendre à sa charge une partie quelconque de la hausse de prix constatée, ne pourront survivre bien longtemps. Lorsque cela est nécessaire et justifié, les hausses tarifaires doivent être acceptées puisqu’elles permettront ensuite, dans le cadre d’un circuit économique plus global, d’augmenter les salaires, le pouvoir d’achat et de préserver ainsi la consommation et les emplois. D’autre part, il convient de veiller à l’effet que de telles prises en compte peuvent avoir sur l’inflation : répercuter automatiquement et sans discernement toute hausse de prix de matières premières pourrait avoir des conséquences dramatiques sur le pouvoir d’achat des ménages.

Alors qu’on aurait légitimement pu espérer un accord sur la façon d’opérer, distributeurs et fournisseurs ne cessent pourtant de s’opposer sur ce sujet qui, compte tenu des crises d’ordre aussi bien politique que climatique qui se multiplient à l’échelle mondiale, va inévitablement prendre de l’ampleur au fil des prochaines années.

Bien que la convention unique doive en principe indiquer l’ensemble des « obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale » (article L. 441-7-I du code de commerce), le prix en tant que tel n’est pas inscrit dans le contrat. En cas de variation de prix des matières premières, les parties vont être conduites à rouvrir les négociations pour déterminer de quelle manière il convient de prendre en considération une telle variation. Or, vos rapporteurs ont entendu de nombreux témoignages selon lesquels les distributeurs imposent aux fournisseurs de prendre en charge l’ensemble des hausses de prix de matières premières, de manière à ne pas augmenter le prix de vente des produits proposés dans leurs linéaires, les établissements de la grande distribution cherchant en premier lieu à vendre des biens au meilleur prix afin d’attirer le plus grand nombre de consommateurs possible (principe de la compétitivité-prix). Ainsi, lorsque les prix des matières premières augmentent et que les fournisseurs désirent que cette hausse soit reportée sur le prix auquel ils vendent au distributeur, la renégociation n’est jamais acquise et les obstacles mis à son déroulement sont nombreux.

En vérité, il ressort des auditions menées par vos deux rapporteurs qu’il existe un assez large refus de la part des distributeurs de prendre en considération la moindre hausse de prix des matières premières, sauf à exiger immédiatement de la part de l’industriel une compensation ou une garantie de marge. Cette attitude est d’autant plus condamnable dans son principe que, lors des « Mardis de la LME », un consensus avait été trouvé pour permettre aux distributeurs de prendre en compte une variation du prix des matières premières à partir du moment où le fournisseur lui en donnait une exacte et précise justification. Les récentes négociations commerciales qui se sont achevées il y a quelques semaines à peine ont pourtant mis en lumière un véritable double langage de la part de certains distributeurs qui, alors même que certains industriels leur apportaient des justifications détaillées, ont toujours refusé de prendre en considération une hausse quelconque. Ce blocage est tel qu’il est même arrivé que certains distributeurs refusent de commencer à négocier tant que les prix présentés par les industriels dans le cadre de leurs CGA n’étaient pas au moins strictement identiques à ceux en vigueur lors de l’exercice précédent, et ce quels que soient les événements ayant pu survenir au cours de l’année suivante (inflation, souhait d’accroître les marges, hausse des prix des matières premières…). En revanche, lorsque les prix des matières premières diminuent, les distributeurs sont, semble-t-il, les premiers à exiger (et non demander) une réouverture des contrats précédemment conclus, quitte à les résilier pour imposer par la suite une obligation de renégocier. La baisse du prix profite donc immédiatement au distributeur.

Aussi, afin d’éviter tout désavantage au détriment des fournisseurs, vos rapporteurs estiment que les règles permettant la prise en considération d’une variation de prix d’une matière première doivent être strictement parallèles qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de prix : il y va de la cohérence et de la clarté du mécanisme. Par ailleurs, vos rapporteurs ont pu constater qu’il existait une vraie hésitation sur le point de savoir si, à partir du moment où l’on rouvre la convention unique afin de renégocier le prix, cette réouverture permettait ou non, l’occasion se présentant, de discuter de nouveau tout autre élément figurant dans la convention unique : à cette heure, aucune option définitive ne semble l’emporter, y compris au sein même des distributeurs.

Par souci d’équité, vos rapporteurs tiennent également à souligner que les variations de prix de matières premières peuvent être difficiles à prendre en considération et que tout événement ne doit pas servir de prétexte pour qu’un industriel demande une hausse de tarifs. Ainsi, lorsque la Russie a été en proie à de gigantesques incendies (dans la région de Nijni Novgorod et de Vorojnev dès la fin du mois de juillet 2010 puis aux portes de Moscou à compter de la mi-août), le prix des céréales, et tout particulièrement du blé (la Russie étant le troisième exportateur mondial), a fortement augmenté, les prix s’envolant de plus de 80 % entre le début du mois de juin et la fin du mois d’août 2010 (le prix de la tonne de blé étant par exemple passé de 140 à 220 euros la tonne en moins de deux mois). Mécaniquement, les industriels ayant recours à de la farine de blé ont demandé aux distributeurs de prendre en compte une partie de cette hausse : cette demande était-elle légitime ? Sur le principe, on ne peut que répondre de manière affirmative. Néanmoins, des études ont montré que le prix du blé, après avoir considérablement augmenté à la suite des incendies en Russie, avait connu une relative décélération par la suite : la demande de prise en compte de l’augmentation doit donc faire l’objet de nécessaires corrections. Aussi, pourrait-il être intéressant, par exemple, de calculer le prix moyen d’une matière première sur une durée de douze mois glissants afin de ne pas travestir une situation par une volatilité soudaine qui ne serait absolument pas représentative du cours normal de cette matière première. À cet égard, on ne peut que souligner l’importance de l’Observatoire de formation des prix et des marges qui, par ses études et, surtout, en raison du suivi qu’il fait des cours de différentes matières premières, assure ainsi une véritable transparence du marché, propre à aider à la discussion entre fournisseurs et distributeurs lorsqu’il s’agit de prendre en compte une hausse ou une baisse de prix. Cependant, vos rapporteurs souhaitent que la définition et le calcul de la « marge » soient affinés à l’avenir, celle-ci étant moins une simple addition de valeurs ajoutées qu’un ensemble complexe de charges fixes et de charges opérationnelles.

Proposition : vos rapporteurs souhaitent que les règles permettant aux fournisseurs et aux distributeurs de prendre en considération une variation des prix des matières premières soient strictement parallèles selon qu’il s’agit d’une hausse ou d’une baisse de prix.

Il s’agit, en second lieu, de s’attarder un instant sur le développement des nouveaux instruments promotionnels (NIP) qui, notamment depuis le vote de la LME, revêtent une importance croissante dans les négociations commerciales alors même qu’on ne sait pas véritablement les définir (47).

En marketing, les NIP désignent, par opposition aux VIP (vieux instruments promotionnels) tels les lots, les simples réductions ou la gratuité, des pratiques promotionnelles diverses développées par la grande distribution. Il s’agit notamment du « cagnottage » (technique de fidélisation consistant à reporter le montant d’une réduction sur une cagnotte, elle-même liée à une carte de fidélité), des offres fédératives (liant une offre à une autre pour un prix global inférieur à ce qu’il peut être par ailleurs), des lots virtuels, des cartes de fidélisation… Les NIP connaissent une croissance forte à l’heure actuelle car, dans un contexte de crise économique et de maîtrise du pouvoir d’achat, c’est un bon moyen pour les distributeurs de soutenir (fût-ce artificiellement) la consommation, les rabais et promotions ne revêtant plus de caractère « ponctuel ». Il convient d’ailleurs de souligner que les NIP ne se substituent d’ailleurs pas aux VIP mais s’y ajoutent. Quant aux avantages dont bénéficie le consommateur, ils sont immédiats ou différés, associés à un produit en particulier ou à une gamme de produits. Outils de vente à court terme, instrument de fidélisation autant que de captation du consommateur, les NIP renchérissent finalement les coûts pour le consommateur.

Les difficultés de définition des NIP se retrouvent immanquablement dans leur régime juridique. Une des premières difficultés consiste à déterminer si les NIP doivent être considérées comme de classiques opérations de coopération commerciale (au sens de l’article L. 441-7-I-2° du code de commerce) : dans ce cas, elles doivent être intégrées dans la convention unique mais, dans les faits, ce n’est semble-t-il jamais le cas. En vérité, la pratique veut que les NIP procèdent de mandats : dans ce cas, ils sont transparents pour le mandataire, l’avantage financier allant directement du fournisseur au consommateur final alors que, facialement, c’est le distributeur qui permet cette offre.

Or, plus fondamentalement au regard des buts poursuivis par la LME lorsqu’elle a été discutée, les NIP ont aujourd’hui remplacé les marges arrière (48) alors que l’ensemble des parlementaires a souhaité les faire disparaître ! Dans les faits, le fournisseur n’a donc plus aujourd’hui de véritable maîtrise sur son calendrier promotionnel, les opérations se faisant au surplus à ses propres frais. En outre, le fournisseur joue de ce fait un véritable rôle d’assureur par le biais des NIP. En effet, lorsqu’un accord existe sur le montant que des partenaires commerciaux acceptent de dépenser en NIP, certains distributeurs obligent le fournisseur à prendre en charge le dépassement constaté si le montant initialement convenu venait à être dépassé. En revanche, si le montant reste en deçà, le fournisseur peut se voir obligé à rembourser la différence constatée au distributeur.

Proposition : vos rapporteurs insistent pour que, en cas de recours à un mandat pour définir leur coopération en matière de NIP, il y ait une reddition systématique des comptes ainsi que l’insertion du mandat dans la convention unique ou dans le document en tenant lieu.

b) La réaffirmation du rôle que peuvent tenir les pouvoirs publics dans le jeu des négociations commerciales

Plusieurs acteurs commerciaux, issus tant du monde industriel que de celui de la distribution, ont évoqué le rôle absolument fondamental rempli par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans le cadre des relations commerciales qui se sont nouées depuis le vote de la LME. Vos rapporteurs tiennent à leur tour à insister sur l’importance de cette direction qui, comme chacun le sait, est essentielle au bon respect des dispositions législatives et réglementaires applicables entre fournisseurs et distributeurs.

Pour marquer sa profonde détermination à voir l’ensemble des dispositions de la LME s’appliquer et être respectées, le Gouvernement a, le 18 juin 2009, symboliquement créé une « brigade LME » (dont la véritable appellation est « brigade de contrôle des dispositions de la loi de modernisation de l’économie »). Même s’il n’existe pas de budget spécifiquement déterminé et consacré au contrôle de la bonne application de la LME, la volonté de procéder à de meilleurs contrôles a conduit à faire passer ses effectifs de 80 à aujourd’hui 120 personnes, cette brigade bénéficiant au surplus de correspondants au niveau de chaque région pour venir en aide aux PME.

Cette brigade poursuit deux tâches qui, tout en étant distinctes, s’avèrent tout à fait complémentaires l’une de l’autre :

– d’une part, elle identifie les pratiques commerciales pouvant poser des difficultés et relevant le cas échéant du « déséquilibre significatif » tel que mentionné à l’article L. 442-6 du code de commerce. Ces enquêtes peuvent ensuite, après discussions et en cas d’absence de justifications ou de correction de la part des auteurs des comportements suspects, conduire à des assignations et des procédures judiciaires ;

– d’autre part, la « brigade LME » rédige des fiches pratiques qui identifient une difficulté à laquelle une entreprise a pu être confrontée et qui définit ensuite une solution pour la résoudre.

En 2010, la DGCCRF a ainsi considérablement renforcé le recueil d’informations et accru le nombre de contrôles effectués dans la mise en œuvre de la LME.

BILAN DES ENQUÊTES NATIONALES RELATIONS AUX PRATIQUES COMMERCIALES RESTRICTIVES DE CONCURRENCE (PCR) (49) :

Activité de contrôle

2009

2010

Fiches de signalement

135

189

Tâches nationales d’enquêtes

5

20

Actions de contrôle

4 642

8 151

Établissements visités

1 230

2 688

Rappels de réglementation

439

1 505

Intentions de procès-verbal et PV

32

106

Assignations ou interventions

14

5

Signalons à titre complémentaire que la DGCCRF a, au 1er février 2011, déjà effectué 865 contrôles de PCR au titre de l’année 2011, dont 727 l’ont été par la seule « brigade LME ».

Par ailleurs, fin 2010, la DGCCRF, au nom du ministre de l’Économie, agissait ou intervenait dans 54 affaires civiles ; il s’agissait de contentieux principalement relatifs à la fausse coopération commerciale ou à la rupture brutale de relations commerciales.

En 2010, cependant, les services de la DGCCRF n’ont déposé que deux nouvelles assignations au nom du ministre chargé de l’Économie, contre 12 en 2009, cette baisse s’expliquant par les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées à l’égard de l’article L. 442-6 du code de commerce, qui sert de fondement à l’action du ministre en matière civile.

Enfin, il convient de mentionner l’enquête nationale annuelle, en deux phases, effectuée par la DGCCRF sur l’application de la LME. La première phase débute à compter du 1er mars et consiste à analyser les contrats commerciaux afin, notamment, de rechercher si certaines clauses ne relèvent pas de la définition du déséquilibre significatif. Ensuite, il est procédé à l’audition des fournisseurs et distributeurs pour que ceux-ci fassent part de leur perception sur la manière dont ils ont vécu les négociations commerciales venant de s’achever. Selon les attentes et les réponses données, la DGCCRF procède ensuite à des enquêtes plus spécifiques, qu’elle mène alors dans une seconde phase.

À la fin de l’année 2010, la DGCCRF, au nom du ministre de l’Économie, agissait ou intervenait par ailleurs dans 54 affaires civiles (contentieux principalement relatifs à la fausse coopération commerciale ou à la rupture brutale de relations commerciales).

SUITES CONTENTIEUSES PÉNALES (PCR) :

Infraction

PV

Transactions

Jugements

Année

2009

2010

2009

2010

2009

2010

Facturation

192

234

89

107

75

54

Délais de paiement

110

96

56

5

22

1

Convention unique

30

26

12

25

20

2

Paracommercialisme

30

39

11

24

8

4

Revente à perte

10

10

6

4

9

4

Prix minimum imposé

5

4

1

3

0

0

Total

377

409

175

168

134

65

L’ensemble des personnes et organismes auditionnés ont donc insisté sur la présence sur le terrain et sur les contrôles effectués par la DGCCRF qui permettent, selon les cas, de dénoncer une pratique ou de s’accorder un blanc-seing. On ne peut que s’en féliciter.

Vos rapporteurs souhaitent à cet effet que la DGCCRF continue de bénéficier de moyens de fonctionnement suffisants pour mener à bien le contrôle qu’elle effectue sur l’application de la LME, que ces contrôles puissent être concrètement effectués sur l’ensemble du territoire et, plus largement, pour conduire efficacement l’ensemble des missions qui lui sont dévolues.

Action complémentaire de celle menée par la DGCCRF, plusieurs personnes auditionnées ont insisté sur l’importance que peut revêtir l’adoption de codes de bonne conduite ou de règles de bonne pratique. À cet égard, le rôle de la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été souligné à maintes reprises, soit qu’elle a permis d’éclairer les acteurs économiques sur la signification qu’il convenait de donner à telle ou telle disposition de la LME, soit qu’elle a permis de parvenir à un consensus sur la bonne manière d’appliquer une règle particulière.

De même, et bien que ceux-ci aient revêtu un caractère volontairement informel, les « Mardis de la LME » ont montré toute leur utilité en permettant à des fournisseurs et des distributeurs de discuter dans le cadre d’un nouveau cénacle, pour échanger leurs expériences et essayer de trouver des solutions à des problèmes communs. La réussite de cette entreprise s’est notamment concrétisée dans le fait que la CEPC a, par la suite, avalisé solennellement les différents points de consensus auxquels les « Mardis de la LME » avaient pu conduire (50).

Enfin, vos rapporteurs ne peuvent pas ne pas mentionner les « Accords Novelli » signés le 5 octobre dernier par la majeure partie des distributeurs de notre pays (51). Comme l’a souhaité à cette occasion le secrétaire d’État, ces « engagements des distributeurs constituent des avancées notables et les bonnes pratiques ainsi promues [doivent] contribuer à améliorer la relation commerciale avec les fournisseurs » (page 1). Signés par les groupes Carrefour, Casino, Auchan, Système U, Cora et le Groupement ITM Alimentaire France, ces accords doivent se concrétiser en un certain nombre d’engagements relatifs aussi bien aux stocks déportés qu’à l’application de pénalités, aux exigences relatives à des demandes de compensation de marge ou de perte de rentabilité. Or, même si de tels engagements n’ont pas de force juridique obligatoire, leur importance n’en est pas moins grande puisqu’ils s’imposent nécessairement à leurs signataires. C’est donc avec d’autant plus d’étonnement que vos rapporteurs ont entendu que, lors même des dernières négociations commerciales qui viennent de se conclure
le 1er mars, plusieurs distributeurs n’ont pas tenu compte des principes qu’ils avaient eux-mêmes ratifiés quelques mois plus tôt. Cette attitude est totalement condamnable : à ce titre, vos rapporteurs ne peuvent qu’insister sur l’importance de la parole donnée, gage de la confiance qui doit nécessairement présider à des négociations commerciales apaisées entre fournisseurs et distributeurs.

16 RECOMMANDATIONS POUR UNE
MEILLEURE APPLICATION DE LA LME

SOLDES FLOTTANTS

Procéder à une analyse sociologique et économique du dispositif avant de déterminer s’il convient ou non de le supprimer

Procéder à une analyse globale des soldes, quelle que soit la modalité retenue (soldes effectués chez un détaillant, sur Internet…)

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Renforcer la formation des magistrats en matière économique et financière afin de mieux appréhender, notamment au sein de la Cour d’appel de Paris, les affaires qui lui sont soumises par l’Autorité de la concurrence

Continuer à assurer le débat contradictoire dans le cadre de la procédure d’instruction devant l’Autorité de la concurrence

Adopter une politique suffisamment dissuasive en matière de sanction, qui soit également complétée par une réparation effective des préjudices subis, notamment par les collectivités publiques

DÉLAIS DE PAIEMENT

Insister sur l’exemplarité que doivent avoir les personnes publiques en la matière

Obtenir de l'Observatoire des réponses concrètes pour les activités saisonnières

Préciser la doctrine sur l'applicabilité des délais de paiement pour les entreprises étrangères exportant en France

Insister sur la combinaison qui va devoir survenir entre la directive communautaire et les dispositions issues de la LME à l’horizon de mars 2013 : quelles conséquences sur les accords dérogatoires ?

NÉGOCIATIONS COMMERCIALES

Réaffirmer la primauté des conditions générales de vente comme socle de la négociation commerciale

Rappeler que la durée de la convention unique est de 12 mois glissants et ne doit subir aucune rétroactivité

Permettre de signer la convention unique lorsque chaque branche le souhaite avec un délai de deux mois au moins entre la transmission des conditions générales de vente et la conclusion des négociations

Adopter des règles parallèles pour prendre en compte une variation des prix des matières premières, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse

Exiger une reddition systématique des comptes ainsi que l’insertion du mandat dans la convention unique en cas de recours à un mandat pour définir la coopération en matière de nouveaux instruments promotionnels (NIP)

Veiller à ce que la DGCCRF bénéficie de moyens de fonctionnement suffisants pour assurer l’ensemble de ses missions sur tout le territoire français

Souhait de voir les procédures juridictionnelles engagées s’achever afin de déterminer le contenu effectif de la notion de « déséquilibre significatif »

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 6 avril 2011, a commission a examiné le rapport d’application de la loi n° n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie sur le rapport de Mme Catherine Vautrin et M. Jean Gaubert, rapporteurs.

M. le président Serge Poignant. Mes chers collègues, nous voici réunis pour procéder cet après-midi à l’examen du rapport sur l’application de la Loi de modernisation de l’économie (LME) rédigé par nos deux rapporteurs Catherine Vautrin et Jean Gaubert. Vous le savez tous : la LME, promulguée le 4 août 2008, a fait partie des travaux importants menés par notre Commission. Je ne peux manquer, mais chacun sera, j’en suis certain, d’accord avec moi, de rappeler encore une fois l’implication constante et décisive de Jean-Paul Charié sur ce sujet. Après un premier bilan de la LME réalisé par nos collègues du Sénat en décembre 2009 puis un deuxième réalisé déjà par notre commission en février 2010, voici venu le temps d’un troisième bilan. Il est vrai que, compte tenu du nombre de sujets abordés par la LME, les examens peuvent se multiplier sans pour autant être redondants. Je rappellerai par ailleurs que notre Commission a, sans que cela soit examiné sous couvert d’un rapport spécifiquement consacré à la LME, à l’occasion de certaines auditions notamment, porté un regard à la fois lucide et critique sur certaines innovations de la LME : la réforme de l’auto-entrepreneur, celle d’Ubifrance, la réforme du Livret A… Je rappelle également que nous avons entendu Mme Christine Lagarde et M. Frédéric Lefebvre le 11 janvier dernier sur le bilan de la LME de manière générale. Avant de laisser la parole à nos rapporteurs, qui nous expliqueront l’angle d’attaque qu’ils ont retenu, je souhaite leur poser deux questions :

- tout d’abord, le sujet des délais de paiement. On sait que les accords dérogatoires vont se terminer le 1er janvier prochain et qu’une harmonisation communautaire est en cours, une directive devant être transcrite dans notre droit national avant le mois de mars 2013. Pouvez-vous nous faire part de votre réflexion sur ce sujet extrêmement important pour la vitalité de nos entreprises ?

- ensuite, je souhaiterais vous interroger sur la question tout aussi essentielle des sanctions pouvant être prononcées par l’Autorité de la concurrence, qui fait d’ailleurs l’objet de développements particuliers dans le cadre de votre rapport. Pensez-vous que la démarche actuellement engagée par le Président Bruno Lasserre soit de nature à entraîner une meilleure acceptation de ses décisions et, de ce fait, à renforcer l’Autorité ?

Je vous remercie et je vous laisse tout de suite la parole.

Mme Catherine Vautrin, co-rapporteur. Je vous remercie monsieur le Président. Plus de deux ans et demi après le vote de la LME, il était temps de faire un nouveau bilan de la LME et, avec Jean Gaubert, nous avons choisi de traiter spécifiquement un certain nombre de sujets qui sont les soldes flottants, l’Autorité de la concurrence, les délais de paiement et la négociabilité. Plusieurs sujets ne seront donc pas abordés : ainsi, vous reconnaîtrez avec nous que tout ce qui concerne le Livret A nous semble relever davantage de la Commission des finances ; un bilan de l’auto-entrepreneur a par ailleurs déjà été effectué et même présenté à notre Commission il y a quelques mois. Quant à l’urbanisme commercial, il a fait l’objet d’une proposition de loi déposée par notre ancien président Patrick Ollier et qui a, pas plus tard que jeudi dernier, été débattue en séance publique au Sénat ; il nous a donc paru opportun de ne pas troubler de quelque manière que ce soit le processus législatif actuellement en cours et dont nous savons que Michel Piron, notre rapporteur sur ce sujet, le suit avec la plus extrême attention. Enfin, je suis tout à fait d’accord avec vous Monsieur le Président en disant que, pour Jean Gaubert et moi, il ne se passe pas un seul instant lorsque nous travaillons sur ce sujet sans que nous n’ayons également une pensée pour notre ami Jean-Paul Charié, dont nous savons effectivement combien il s’était investi sur ce texte.

Avant que Jean Gaubert ne vous parle plus particulièrement des relations entre fournisseurs et distributeurs et de tout ce qui concerne les négociations commerciales, je vais aborder dans un premier temps les autres thèmes évoqués dans ce rapport.

Comme l’ont illustré les quatre grands objectifs poursuivis par la LME, comme le sous-entend également l’appellation même de cette loi, il s’agit d’un texte de nature à toucher l’ensemble de notre économie. Contrairement à l’impression qu’on a parfois pu avoir, la LME ne concerne pas seulement le secteur agro-alimentaire même si, ne nous en cachons pas, les relations entre fournisseurs et distributeurs sont essentielles et sont fortement affectées par ce texte.

C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à traiter d’un sujet important, les échos dans la presse en témoignent, qui est celui des « soldes flottants ». Les soldes flottants, actuellement codifiés à l’article L. 310-3 du code de la consommation, désignent une période complémentaire de soldes d’une durée globale de deux semaines que les magasins peuvent utiliser à n’importe quel moment de l’année soit d’un seul tenant, soit sous la forme de deux semaines séparées. L’idée pouvait sembler séduisante à première vue, mais ces soldes ont suscité une forte opposition à tel point que l’ancien secrétaire d’État au commerce et à l’artisanat, M. Hervé Novelli, a été conduit à en demander l’évaluation. À notre tour, nous avons entendu différentes personnes sur ce sujet qui ont, de manière quasi unanime, souhaité leur disparition. Dans leur immense majorité, elles ont souligné la perturbation supplémentaire que les soldes flottants peuvent entraîner à l’égard du consommateur, déjà placé au milieu d’un véritable tourbillon de soldes, de promotions, de déstockages, de ventes privées qui se multiplient par les voies traditionnelles mais également, de plus en plus, par le biais d’Internet. À ce titre, nous pensons qu’il pourrait être utile de procéder à une analyse sociologique et économique du dispositif, mais aussi d’effectuer une analyse globale des soldes, quelle que soit la modalité retenue (soldes effectuées chez un détaillant, sur Internet…) avant de déterminer s’il convient ou non de supprimer le dispositif des soldes flottants. Il convient également de préciser qu’une idée qu’avait émise en son temps la FCD et qui consistait à conserver les soldes flottants tout en raccourcissant encore la durée des soldes traditionnels n’a trouvé aucun écho, certains détaillants ayant fait état du fait que les soldes de cette année avaient mal commencé mais qu’ils s’étaient rattrapés sur les dernières semaines, cette période correspondant à une véritable habitude de consommation qui leur semble donc intéressante de garder. Quant aux grands magasins, notamment ceux situés sur le Boulevard Haussmann, ils n’ont visiblement pas besoin des soldes flottants, pouvant sans difficulté fonctionner sur leur propre système de promotions.

Sujet qui concerne également l’ensemble de l’économie, celui des délais de paiement, dont chacun ici connaît l’importance pour le financement des entreprises, notamment de nos PME. Les précédents rapports relatifs à la LME avaient déjà souligné, même si celui de l’Assemblée nationale avait été un peu plus critique que celui du Sénat, la réussite de la LME en ce domaine puisque les délais de paiement ont baissé de 11 jours en moyenne. Cela dit, Jean Gaubert et moi nous interrogeons sur l’évolution de la réglementation. En effet, les accords dérogatoires qui, ce n’est pas négligeable, concernent tout de même 20 % de notre économie, sont appelés à disparaître au 1er janvier 2012 ; par ailleurs, une harmonisation communautaire est en cours puisqu’une directive sur ce sujet datant du mois de février dernier devra être transposée dans notre droit interne avant le 16 mars 2013. Or, cette dernière prévoit, tout en fixant à 60 jours le délai de paiement de droit commun, qu’il pourra y être librement dérogé si les parties en conviennent. Que faut-il entendre ainsi ? Si la France fait des efforts pour diminuer les délais de paiement, la réglementation européenne autoriserait-elle davantage de liberté en la matière ? Si des entreprises ou des secteurs font des efforts pour passer au délai de 60 jours ou de « 45 jours fin de mois » tels que fixés par la LME, cela signifie-t-il que leurs efforts seront vains puisqu’il pourra y être dérogé à l’avenir ? En outre, connaissant les rapports du faible au fort qui existent dans le domaine commercial, peut-on penser un seul instant qu’un petit fournisseur refusera, au risque de se voir déréférencé, de déférer à la demande d’un distributeur qui souhaitera adopter des délais de paiement supérieurs à 60 jours ? Sur cette question, nous avons regretté que l’Observatoire des délais de paiement, pas plus que le Gouvernement d’ailleurs, n’aient pu nous éclairer sur ce point en dépit de nos sollicitations puisque, visiblement, leur réflexion n’a pas encore débuté sur ce sujet. Autant de raisons pour lesquelles nous devons, ici à l’Assemblée nationale, absolument anticiper ce que seront demain les délais de paiement dans notre réglementation afin de ne pas nous laisser surprendre et de ne pas contraindre inutilement des branches qui auraient fait des efforts de manière inutile. Il existe par exemple des secteurs qui connaissent de véritables difficultés pour adopter le délai légal (secteurs du jouet, du jardinage, ceux qui vendent des produits à rotation lente). Enfin, il semble que la doctrine ne soit pas totalement unanime pour savoir si les dispositions relatives aux délais de paiement doivent ou non s’appliquer aux fournisseurs étrangers : si tel n’est pas le cas, les facilités offertes en termes de délais de paiement risquent de favoriser les concurrents étrangers et de pénaliser nos propres entreprises. Il convient donc d’y être parfaitement attentif.

Autre sujet qui a attiré notre attention, celui de l’Autorité de la concurrence. Nous savons tous ici, pour avoir travaillé sur la LME ou pour avoir entendu ici, à diverses reprises, M. Bruno Lasserre nous parler de l’institution qu’il préside, que l’Autorité de la concurrence est aujourd’hui une institution incontournable. Actuellement codifiée aux articles L. 461-1 et suivants du code de commerce, l’Autorité de la concurrence a retenu notre attention à au moins deux égards. D’une part, il s’agit d’une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs extrêmement importants aujourd’hui, qu’il s’agisse des nouveaux contrôles qui lui ont été dévolus (je pense naturellement au contrôle des opérations de concentration qui, rappelons-le pour mesurer le chemin parcouru, relevait auparavant du ministre de l’économie), de sa capacité à s’autosaisir ou de sa capacité à se pourvoir en cassation contre une décision de la Cour d’appel de Paris qu’elle n’approuverait pas. D’autre part, il s’agit d’une institution qui subit de profonds changements en ce qui concerne notamment sa politique de sanctions. Chacun se souvient ici du coup de tonnerre lorsque la Cour d’appel de Paris, dans l’affaire dite du « cartel de l’acier », avait ramené l’amende de 570 millions d’euros prononcée par l’Autorité à 75 millions d’euros ! Tirant les enseignements de ces différents épisodes, l’Autorité de la concurrence a engagé une profonde réflexion sur sa manière d’agir : on ne peut que l’en féliciter. On ne pouvait donc que s’y intéresser dans le cadre de ce rapport. Nous avons retenu deux pistes intéressantes de réflexion à ce sujet. La première concerne la formation des magistrats en matière économique qui doit impérativement être renforcée, notamment s’ils ont vocation à connaître du contentieux de la régulation économique, préconisation qu’avait faite l’ancien premier président de la Cour de cassation Guy Canivet dans un rapport paru il y a quelques années. La seconde, qu’observe naturellement dès à présent l’Autorité de la concurrence, concerne le respect du contradictoire qui doit présider à l’ensemble des procédures et contentieux afférents à la matière concurrentielle ; l’Autorité doit notamment veiller à ne pas analyser des problèmes locaux à travers un prisme qui soit seulement national, je pense notamment au rapport rendu sur l’affiliation des magasins indépendants.

Avant de laisser la parole à Jean Gaubert pour l’entendre nous donner les grands enseignements que ce contrôle a pu nous apporter sur les relations entre fournisseurs et distributeurs, je souhaiterais préciser deux points. D’une part, la totalité des personnes que nous avons auditionnées souhaitent, sans exception aucune, ne pas rouvrir le chantier législatif de la LME. Il convient de préserver au mieux la stabilité législative. D’autre part, les acteurs souhaitent également que la notion de « déséquilibre significatif » dont le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité à la Constitution le 13 janvier dernier, soit désormais concrétisée : il appartient maintenant au juge de dire, au gré des affaires qu’il devra examiner, quelle en est la signification profonde. Étant là aux portes de la négociabilité, je laisse maintenant la parole à mon co-rapporteur, Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. Comme l’a dit Catherine Vautrin, c’est moi qui, une fois n’est pas coutume, vais maintenant intervenir devant vous sur la partie du rapport spécifiquement consacrée aux négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

Je reviendrai au préalable sur une remarque que vient de faire Catherine Vautrin et à laquelle je souscris entièrement. Il ne nous semble en effet pas souhaitable de rouvrir le chantier législatif de la LME. Avouons que la tentation peut être grande parfois tant, et je vais y venir dans un instant, l’observation de certains comportements dans les relations commerciales nous semblent choquants, soit qu’ils violent ouvertement la loi (dans ce cas, on pourrait être tenté de renforcer les dispositifs contraignants qui existent dès à présent dans le texte), soit que des imperfections dans le texte ou dans l’application de la loi nous soient signalées.

Par ailleurs, ni Catherine Vautrin, ni moi ne voulons, dans ce rapport, jeter l’opprobre sur une catégorie d’acteurs en particulier. Bien souvent, nous avons entendu, au fil des auditions que nous avons conduites, parler de comportements condamnables qui sont imputables aussi bien à certains fournisseurs qu’à certains distributeurs. Il est néanmoins vrai que ces derniers sont plus fréquemment montrés du doigt, et ce pour des raisons objectives. La France compte sept centrales d’achat et des dizaines, voire des centaines de milliers de fournisseurs : il est objectivement plus facile de débusquer un comportement illicite dans un petit groupe que parmi une multiplicité de protagonistes. Par ailleurs, les auditions ont conduit à des témoignages concordants sur un certain nombre de pratiques de la part de distributeurs alors même que ceux qui nous en ont fait part exercent leur profession dans des domaines extrêmement différents. Les mauvais comportements n’existent pas seulement chez les acteurs du secteur agro-alimentaire. Enfin, on a pu objectivement constater que des distributeurs se sont engagés à respecter un certain nombre de principes et que, dans la pratique, il n’en est rien. Vous trouverez donc dans ce rapport quelques remarques parfois acerbes à l’égard des distributeurs mais nous ne sommes pas dans le secret des négociations et nous faisons donc état de comportements qui, comme nous allons le voir, violent tant l’esprit que la lettre de la LME.

Comme dans le précédent rapport, nous abordons ici les négociations commerciales qui, même si elles ne sont pas le seul objet de la LME, figurent néanmoins parmi les points les plus importants. En février 2010, lors de la présentation du premier rapport d’application de la LME dans cette commission, nous avions, Jean-Paul Charié, Patrick Ollier et moi-même, déjà souligné le bon bilan concernant la diminution des délais de paiement : Catherine Vautrin y a fait allusion tout à l’heure. Même si certains secteurs posent problème, la situation est globalement bonne sur ce sujet. Nous avions également salué la diminution des marges arrière qui témoignaient d’une véritable normalisation des pratiques commerciales. Nous avions enfin déjà signalé un certain nombre de pratiques qui nous semblaient être autant de détournements de la loi ; c’est la raison pour laquelle nous nous étions réjouis des neuf assignations effectuées par le Gouvernement à l’encontre de plusieurs grandes enseignes de la distribution.

Malheureusement, plus d’un an après ce constat, la situation entre fournisseurs et distributeurs semble objectivement s’être aggravée alors qu’on pouvait espérer aller vers davantage de respect de la parole donnée, davantage d’écoute, en un mot davantage de loyauté. Comme l’illustre notre rapport, les acteurs économiques ont eu à faire face à deux types de difficultés.

Des difficultés juridiques en premier lieu comme l’a parfaitement illustré la question prioritaire de constitutionnalité relative à la notion de « déséquilibre significatif ». Cette notion, qui figure à l’article L. 442-6 du code de commerce, pourtant si centrale dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, a été jugée conforme à la Constitution mais, pour autant, nous ne savons toujours pas quel en est le contenu, sauf à faire un parallélisme avec la jurisprudence qui s’est développée par ailleurs dans le domaine des clauses abusives. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette conformité à la Constitution mais, aujourd’hui, il convient notamment que les procédures judiciaires décidées par le Gouvernement dans le cadre des assignations effectuées à l’automne 2009 aboutissent afin que les acteurs économiques sachent quel comportement ils doivent éviter s’ils ne veulent pas tomber sous le coup d’un tel déséquilibre. On a connu situation plus confortable !

Des difficultés d’ordre pratique en second lieu. Nous avons ainsi été interpellés à de nombreuses reprises sur le sens qu’il convenait de donner à la convention unique, définie à l’article L. 441-7 du code de commerce. Quels éléments doivent y figurer ? Jusqu’à quel degré de détail peut-on aller ? En outre, de très nombreuses questions se sont posées à l’égard de la date butoir du 1er mars, le code de commerce prescrivant en effet la règle selon laquelle la convention unique doit être signée le 1er mars au plus tard. Pour de nombreuses branches d’activité, le 1er mars ne signifie rien. Au mieux faudrait-il peut-être fixer comme limite le 1er janvier, de manière à faire coïncider la validité de la convention unique avec l’année civile mais, là aussi, cette date peut poser des difficultés pour un certain nombre de secteurs. Catherine Vautrin a fait allusion au secteur de l’habillement tout à l’heure lorsqu’elle a abordé le sujet des soldes flottants : il va de soi que le chiffre d’affaires du secteur de l’habillement ne peut véritablement être connu qu’une fois la période des soldes achevés, c’est-à-dire aux environs de la mi-février. Négocier, en toute connaissance de cause, et conclure une convention unique qui soit applicable dès le 1er mars est naturellement parfaitement illusoire dans ces conditions ! C’est la raison pour laquelle nous émettons l’idée dans le rapport, tout en reconnaissant qu’une telle modification ne peut passer que par un changement législatif, de permettre à chaque branche de signer une convention unique à la date qu’elle souhaite, qui serait toujours valable pour une année, à condition que les CGV (conditions générales de vente) aient été transmises au partenaire commercial au moins deux mois avant le terme fixé. Cette solution pourrait allier une certaine souplesse avec le respect d’une durée de négociation minimale, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

Autre exemple de difficulté pratique, qui est d’autant plus incompréhensible et d’autant plus révoltante pour des députés comme nous qui avons discuté puis, pour certains, voté une loi et qui souhaitons maintenant tous, puisqu’il s’agit d’une loi de la République, la voir pleinement appliquée, que la disposition applicable figure très clairement dans le code de commerce, c’est celle qui dispose que les conditions générales de vente (CGV) constituent en principe le « socle de la négociation commerciale ». La pratique montre que les distributeurs opposent de manière quasi systématique leurs conditions générales d’achat (CGA), refusant sinon de commencer à négocier en vue de la conclusion de la convention unique. Il y a là une manifestation criante des rapports du fort au faible que nous ne pouvons tolérer. Ce n’est pas un hasard, et nous les citons dans le rapport, si nous avons entendu, lors d’auditions différentes, des expressions telles que « la LME a accru le sentiment d’invulnérabilité des distributeurs » ou la LME a instauré « un véritable sentiment d’impunité » chez les distributeurs !

Par ailleurs, et ce sont des comportements liés à des préoccupations relativement nouvelles, on constate une attitude assez récalcitrante de la part des distributeurs à prendre en compte une part des hausses des prix des matières premières dont la volatilité ne cesse semble-t-il de s’accroître. Notre Commission a lancé un groupe de travail sur ce sujet, je ne serai donc pas long, mais nous avons souhaité, Catherine Vautrin et moi-même, énoncer un certain nombre de principes que nous souhaiterions voir respectés à l’avenir par les distributeurs et les fournisseurs. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, nous aimerions que les règles de prise en compte d’une variation des prix des matières premières soient exactement les mêmes que cette variation joue à la hausse ou à la baisse. Il est en effet intolérable de voir un distributeur refuser de prendre en compte une hausse de prix de matière première qui pèse sur un de ses fournisseurs et, si le prix diminue, imposer à ce même fournisseur une réouverture de la convention unique pour revoir le prix à la baisse !

Enfin, Monsieur le Président, mes chers collègues, je conclurai mon propos en rappelant à quel point il est important d’avoir en France des institutions fortes. Catherine Vautrin a évoqué tout à l’heure l’Autorité de la concurrence, j’évoquerai pour ma part la DGCCRF. Alors que celle-ci se voit confier un nombre toujours plus important de missions, alors qu’elle doit exercer une surveillance aussi fine que possible sur l’ensemble du territoire, nous avons besoin d’une DGCCRF forte, dotée de moyens humains et budgétaires conséquents. On ne peut que se féliciter d’avoir vu les effectifs de la « brigade LME » passer
de 80 à 120 personnes aujourd’hui mais on se rend bien compte, eu égard à la multiplicité des comportements qui cherchent à contourner la LME encore une fois aussi bien dans la lettre que dans son esprit, que celle-ci doit être constamment renforcée. J’espère qu’il en sera ainsi à l’avenir.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie mes chers collègues pour cette présentation détaillée, concrète, assortie de plusieurs propositions, et qui suscite en effet de nombreuses questions comme la bonne date à retenir pour la conclusion de la convention unique : le 1er mars pose des difficultés mais, pour bien des secteurs comme celui du jouet, celle du 1er décembre est tout aussi problématique. Je donne maintenant la parole aux orateurs pour les groupes.

M. Daniel Fasquelle. Au nom du groupe UMP, je souhaiterais à mon tour vous remercier pour ce rapport où vous pointez en effet un certain nombre de sujets importants, qui reflètent de réelles préoccupations dont on nous a fait également part sur le terrain.

Sur le sujet des soldes flottants, il apparaît en effet que le dispositif ne donne pas pleinement satisfaction. Si on doit un jour étudier les périodes de soldes, je pense qu’il faudra notamment regarder la situation propre aux communes et zones touristiques : il peut y avoir des décalages dans leur situation avec celles des grandes villes et cela ne manque pas de susciter certaines difficultés.

La libre négociabilité était au cœur de la LME puisqu’on avait souhaité, par ce dispositif, faire en sorte qu’il y ait une véritable négociation sur le prix afin qu’il diminue et qu’il puisse ensuite bénéficier au consommateur. Disposez-vous à ce sujet d’éléments statistiques qui permettraient de montrer que le niveau des prix a effectivement baissé grâce à la LME ? C’est certes le sentiment que l’on peut avoir aujourd’hui puisqu’il existe également une concurrence par les prix entre distributeurs (il suffit de voir la publicité comparative sur ce sujet pour s’en rendre compte) mais qu’en est-il réellement ? C’est un sujet fondamental puisque cela touche au pouvoir d’achat, préoccupation essentielle de nos concitoyens que nous partageons tous naturellement.

Sur les conditions générales de vente, je suis tout à fait d’accord avec vous pour que l’on réaffirme clairement qu’elles doivent servir de socle aux négociations commerciales.

Quant à l’Autorité de la concurrence, la LME lui a conféré un certain nombre de pouvoirs importants, notamment dans le domaine du contrôle des concentrations ; à ce sujet, nous avions souhaité une vigilance toute particulière des concentrations dans le secteur de la distribution : savez-vous si l’Autorité de la concurrence utilise les nouveaux moyens qu’elle a à sa disposition pour opérer de tels contrôles. ? Elle l’a fait pour Paris, mais par ailleurs a-t-elle l’intention de la faire pour le reste de notre territoire, qui ne présente pas les mêmes caractéristiques que Paris et sa région ?

Je pense qu’il faut veiller également à une bonne articulation entre l’action de l’Autorité de la concurrence et l’action qui peut être menée par d’autres acteurs (la DGCCRF, vous en avez parlé, mais au aussi le juge judiciaire, seul habilité à prononcer des amendes civiles…). Sur la DGCCRF, je pense qu’il faut effectivement veiller à son renforcement pour qu’elle puisse procéder aux enquêtes nécessaires ; je souhaite également que les procédures judiciaires avancent de manière à parfaitement définir certaines notions, comme celle du « déséquilibre significatif » qui demeure encore très incertaine.

Quant au sujet des délais de paiement, vous avez souligné la réussite de la LME ; c’est vrai mais il faudra effectivement voir comment cela s’agencera avec cette directive communautaire que nous devons transposer avant mars 2013 en espérant que, cette fois-ci, nous n’aurons pas autant de retard qu’habituellement dans la transposition d’une directive.

En conclusion, je pense qu’il manque un volet sur l’urbanisme commercial dans ce rapport mais vous nous en avez donné très légitimement la raison. Par ailleurs, je pense également qu’il ne faut pas bouleverser la législation et attendre que la pratique, les acteurs en présence et la jurisprudence mettent en œuvre ce texte important, sous l’œil et la vigilance de chacun, à commencer par celle de nos deux rapporteurs.

M. François Brottes. Si nous n’étions pas entre gens de bonne volonté et que j’étais homme à faire des effets de tribune, je dirais que l’on est passé « de la posture à l’imposture ». Voilà ce qui m’est venu à l’esprit en lisant les « seize propositions pour une meilleure application de la LME » en fin de rapport. Vous aviez pourtant adopté une posture lucide et incisive, Mme Vautrin, lors d’un point d’étape antérieur. Loin de moi l’idée de remettre en cause le travail minutieux que vous avez mené, notamment au sein de l’instance que vous présidez, mais il n’y a pas que les soldes qui sont flottants : votre rapport se contente de proposer un approfondissement de l’analyse et des moyens supplémentaires pour l’administration. C’est trop peu !

Encore une fois, l’analyse est bonne, mais je suis très déçu par les propositions qui en découlent. « Adopter une politique suffisamment dissuasive en matière de sanctions », « exiger une reddition systématique des comptes », « réaffirmer la primauté des conditions générales de vente », cela ne passe-t-il pas par une évolution de la loi ? Le rapport est en deçà de la manière dont on appréhendait le sujet il y a peu de temps encore. Peut-être les choses ont-elle évolué dans le bon sens depuis mais, dans ce cas, je n’ai pas tout suivi.

Enfin, j’ai bien entendu les raisons pour lesquelles vous n’aviez pas évoqué le sujet de l’urbanisme commercial, mais je le regrette. Je partage le souhait de voir le texte de MM. Piron et Ollier rapidement revenir devant notre commission, pour que l’on puisse débattre une nouvelle fois de ces questions dans les meilleurs délais.

M. le président Serge Poignant. La proposition de loi de MM. Piron et Ollier a été examinée par le Sénat le 31 mars dernier : son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ne dépend pas de nous !

M. Jean Dionis du Séjour. Je m’associe aux propos de M. François Brottes sur le sujet de l’urbanisme commercial. Il me semble extrêmement important de mener ce travail jusqu’à son terme. À ce titre, M. le président, vous avez un rôle important à jouer : si la Commission des affaires économiques ne va pas chercher ce texte, personne ne le fera à sa place, beaucoup considérant qu’il est déjà trop tard en cette dernière année de Législature…

Dans votre rapport intermédiaire, vous aviez dit votre optimisme en matière de recul des marges arrière, car vous aviez constaté qu’elles avaient diminué, passant de 30 % à 10 %, notamment par rapport au prix de vente au consommateur final. Ce gain a-t-il été consolidé ? Mon fils, qui est commercial chez Danone, me dit qu’un nouveau phénomène est en train de se développer pour contourner la loi : les exemplaires gratuits…

Mme Catherine Vautrin, co-rapporteur. Oui : dans le jargon, on appelle ça les « NIP » (nouveaux instruments promotionnels).

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. L’exemple type est celui du « trois pour le prix de deux ».

M. Jean Dionis du Séjour. Ces NIP, comme cela se dit, recréent-ils les 30 % de marges arrière ?

Troisième point que je souhaiterais aborder, la place dominante de certaines enseignes dans les villes moyennes. Casino a longtemps été en position de monopole sur le bassin agenais. La LME ouvre la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence dans de tels cas : cela a-t-il été fait ? Si oui, combien de cas ont-ils été signalés ?

Mme Frédérique Massat. Je m’associe aux propos de M. François Brottes en constatant que le rapport est dense mais que les préconisations sont édulcorées. « Procéder à une analyse », « obtenir de l’Observatoire des réponses concrètes », ce ne sont pas des demandes très impérieuses. S’agissant de cette dernière proposition, un observatoire n’est-il pas, par définition, fait pour ça ? « Réaffirmer », « veiller », les mots sont faibles. On ne peut « réaffirmer » sans accroître les sanctions ; et l’on ne peut non plus se contenter de « veiller », il faut exiger ! C’est d’autant plus surprenant que certaines des propositions contenues dans le corps du rapport ne sont pas reprises intégralement. Or, elles sont souvent bien plus détaillées et lourdes de conséquences que celles qui sont présentées dans les dernières pages. Je pense notamment à l’une d’entre elles, relative aux conditions générales de vente, qui nécessiterait une modification du code de commerce. Vous remarquez qu’une pratique viole ouvertement les dispositions de la LME visant à réaffirmer l’importance des CGV : le constat est fort, mais les propositions en regard ne sont pas à la hauteur.

Vous mentionnez, au sujet des soldes flottants, qu’il existe un « quasi-consensus » en faveur de leur suppression. Que proposez-vous en conséquence ? De « procéder à une analyse globale des soldes ». Il me semble que le rapport l’a déjà très bien fait. Avez-vous envisagé la réintroduction de la sanction, appliquée en cas de soldes hors période, supprimée par la LME,  qui pouvait aller jusqu’à 75 000 euros ? Il faudra bien prendre une décision, maintenir ou supprimer ces soldes flottants.

M. Jean-Pierre Nicolas. Ce rapport était nécessaire et je salue à mon tour sa grande qualité. Il illustre la nécessité d’un suivi très strict de l’application des lois, sans lequel la légitimité du législateur est inévitablement altérée.

En matière commerciale, la créativité est grande pour s’adapter aux nouvelles réglementations, et le législateur a toujours un quart d’heure de retard sur les pratiques. J’ai bien noté que l’évolution des délais de paiement était satisfaisante, et je regrette avec vous que vous n’ayez pu auditionner le président de l’Observatoire. Vous soulignez également que le Gouvernement a manqué d’anticipation en n’ayant pas encore véritablement réfléchi à l’impact de l’harmonisation communautaire sur le droit national, alors que se profile la fin prochaine des accords dérogatoires. Ce point est fondamental pour certaines professions, notamment celles dont la rotation des stocks s’allonge, qui éprouveront des difficultés croissantes pour coordonner leurs dépenses et leurs recettes.

Je lis avec plaisir que la DGCCRF fait un travail tout à fait remarquable, et que les effectifs de la « brigade LME » ont augmenté, passant de 80 à 120 agents. Souhaitons que ses moyens restent à la hauteur des missions qui lui sont confiées. S’agissant des propositions, on pourrait vouloir qu’elles soient plus sévères, mais je me contenterai d’insister sur l’exemplarité de la personne publique, comme vous le soulignez vous-même.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous avez très bien cerné le problème de la libre négociabilité et ses enjeux en matière de discrimination. Cela dit, dans la proposition correspondante, la seizième, vous vous contentez d’attendre que les procédures engagées s’achèvent afin de déterminer le contenu effectif de la notion de « déséquilibre significatif ». Vous rappelez que l’on a affiné le texte dans le dispositif de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce en introduisant une nouvelle infraction liée à l’existence d’un « déséquilibre significatif » ; nous avions d’ailleurs repris le terme utilisé dans la loi sur la consommation (sauf que le texte sur les consommateurs parle lui de la relation entre « professionnels et non professionnels », alors que la LME ne concerne que les rapports entre professionnels). Vous avez évoqué la procédure initiée par le secrétariat d’État, la question prioritaire de constitutionnalité qui a conduit le Conseil constitutionnel à considérer que le dispositif était conforme à la Constitution, et vous concluez en disant que vous attendez les décisions de justice. Je suis très ennuyé ! Vous appelez le juge à nous donner la définition du « déséquilibre significatif » mais, comme le dit très bien Jean-Pierre Nicolas, le législateur a toujours un temps de retard sur les pratiques d’autant qu’à ce retard peut s’en ajouter un autre lié à l’attente de la décision de la Cour de cassation… Pour moi, il est inconcevable que nous ne revisitions pas la notion de « déséquilibre significatif », car une décision de justice est longue à venir et aléatoire. Par exemple, si elle se plaçait dans le cadre des rapports entre professionnels, elle serait à côté de l’objet. Toutes ces questions sont pertinentes, et il me semble que le législateur pourrait déjà les régler !

Il y a un autre aspect du sujet que je souhaiterais aborder : le secrétariat d’État a saisi la juridiction compétente, mais quels étaient les motifs invoqués ? Quels étaient à ses yeux les éléments constitutifs d’un déséquilibre significatif ? Quelle définition défendra-t-il ? Je suggère que nous travaillions de notre côté à construire cette notion, car si nous nous reposons sur le juge, nous prenons le double risque d’attendre trop longtemps et d’être insatisfaits de sa réponse. Nous serions alors obligés de nous relancer dans un travail législatif, avec beaucoup de retard.

M. Michel Piron. Je voudrais tout d’abord remercier les rapporteurs, qui nous apportent une nouvelle fois le constat de la pérennisation de certaines pratiques, et non de leur amélioration. Le chantier ouvert par la LME était très vaste, et il reste des chapitres qui demanderont des modifications législatives ultérieures. Je m’associe au souhait de certains de voir la Commission achever son travail sur l’urbanisme commercial. M. Jean Gaubert, qui avait pris la suite de Jean-Paul Charié, avait d’ailleurs fait ce constat dès le précédent rapport.

S’agissant de l’Observatoire de formation des prix et des marges, j’ai pu entendre, lors d’une récente audition effectuée par notre Commission, son analyse de la situation mais je n’ai pu poser la seule question essentielle à mes yeux : cet Observatoire s’est-il seulement donné pour objet d’observer ? Et qu’observe-t-il ? J’ai entendu certains parler d’« opacité », et j’avoue qu’entendre l’Observatoire ne m’a pas aidé à lever le brouillard… Selon vous, remplit-il ses missions ? À la page 42 de votre rapport, vous faites notamment allusion à son rôle dans la définition de la notion de « marge ». Quelle est sa position sur ce sujet ?

J’avais, au même titre que certains, souligné les mots employés dans vos propositions : « obtenir », « réaffirmer », « rappeler ». Il y a un temps pour la conception, un temps pour la rédaction des règles, mais il y a aussi un temps pour leur application. Et, manifestement, ce temps-là n’est pas encore arrivé. Je ne peux que vous inviter à poursuivre vos efforts, en suivant notamment la voie de la dernière proposition, qui réclame une application « pure et dure » de la loi à travers des décisions juridictionnelles.

Enfin, lorsque l’on parle de concurrence, de quelle concurrence parle-t-on ? De celle des points de vente ? Mais ne devrait-on pas au préalable évoquer celle des centrales d’achat, qui sont infiniment moins nombreuses que les points de vente ? Vous signalez vous-même un véritable double langage des distributeurs, qui n’ont pas respecté les « accords Novelli » qu’ils avaient signés.

Je le dis clairement : en premier lieu, la question qui se pose est celle du prix final mais celle de ses composantes en second lieu en est une autre. Quel moyen nous donnons-nous pour voir clair là-dessus ? Ensuite, comment pensez-vous exiger et pouvoir obtenir d’y voir plus clair ? Éventuellement, quelles sanctions envisagez-vous, dans le cadre d’un paysage totalement déséquilibré entre fournisseurs et acheteurs ?

Mme Annick Le Loch. J’avoue ne pas avoir eu le temps de lire le rapport, qui est sans doute de grande qualité. Je voudrais faire part de mes toutes mes inquiétudes sur la question des négociations commerciales. Je n’ai jamais été autant interpellée que cette année, et pourtant je ne suis pas en première ligne, par les industriels à ce sujet : ici, un producteur d’œufs, là de poulets ou encore une fabrique de conserves. J’insiste sur ce dernier exemple, qui concerne une fabrique de conserves de poisson de ma circonscription, qui a demandé un rendez-vous au premier ministre pour évoquer ce problème ; le prix du poisson, qui entre à hauteur de 50 % dans le coût de production des conserves, a fortement augmenté ces derniers mois, de même d’ailleurs que l’acier servant à la confection des boîtes ; les distributeurs n’ont pourtant pas voulu de hausse de prix, d’où la naissance d’une légitime inquiétude sur la diminution des marges et la préservation de l’emploi. L’actuel conflit entre Lactalis et Leclerc, désormais sur la place publique, montre la vivacité des problèmes en matière de négociations commerciales. J’ai aussi également été interpellée à plusieurs reprises sur le transfert de charges opéré en matière de logistique : pourriez-vous nous dire ce qu’il en est aujourd’hui ?

M. Lionel Tardy. Je voudrais rapidement revenir sur la question des accords dérogatoires, déjà abordée par Jean-Pierre Nicolas. Aujourd’hui, une quarantaine d’accords existent qui génèrent, pour les entreprises qui y sont soumises, difficultés, cacophonie et casse-tête. J’avais fait part, à l’époque, de mon opposition à ces accords ; la fin de ces accords est programmée pour le 1er janvier 2012 et la question se pose de leur poursuite. Le rapport note à ce propos que cette difficulté proprement nationale se trouve doublée par plusieurs évolutions attendues au plan communautaire. Il conclut sur la question de savoir s’il ne conviendrait pas d’autoriser la poursuite des accords dérogatoires jusqu’à ce que le Parlement transpose la directive communautaire et sur le regret de n’avoir pu entendre M. Jean-Hervé Lorenzi, qui doit remettre prochainement un rapport au Gouvernement sur ce sujet. Je souhaiterais avoir des précisions sur cette sortie des accords dérogatoires.

M. William Dumas. Je remercie également les rapporteurs pour leur travail. Concernant les délais de paiement, mon expérience me fait dire qu’il n’y aura pas d’évolution, et que les acteurs continueront à se comporter comme ils le font aujourd’hui. Sur les accords dérogatoires, je voudrais évoquer un secteur dans lequel il n’en existe pas mais que je connais bien : celui du vin. Depuis des dizaines d’années, les distributeurs réservent d’énormes quantités sans verser d’acomptes ni signer de contrats, et ils attendent ensuite parfois jusqu’à un an et demi avant de réaliser l’achat. J’aimerais que vous vous penchiez sur la question : le fonctionnement du marché du vin est scandaleux et il conviendrait de le moraliser.

Concernant enfin la DGCCRF, je constate que les effectifs ont été réduits au fil des années alors que sa charge d’activité n’a cessé d’augmenter. Je pense que nous sommes tous d’accord pour juger cette situation dommageable, alors qu’il n’y a que la DGCCRF qui soit capable de faire respecter la loi.

Mme Marie-Lou Marcel. Je commencerai par une question générale : le 11 janvier dernier, nous avions auditionné Mme Lagarde et M. Lefebvre, qui affirmaient que la LME a engendré 0,4 point de croissance et 11 000 emplois : qu’en pensez-vous ?

Vous soulignez en outre dans votre rapport que les pratiques des marges arrière et des stocks déportés ont perduré, mais vous n’avancez aucune proposition concrète pour mettre fin à ces pratiques et vous vous contentez d’un catalogue de bonnes intentions. Je m’inquiète enfin de l’évolution des soldes flottants : M. Novelli s’était également saisi de ce problème et avait chargé l’institut français de la mode et le CREDOC d’une étude et sur ce sujet, sur lequel vous n’avancez malheureusement aucune proposition.

M. Jean-Marie Morisset. Ma question sera brève et portera sur les accords dérogatoires. Les acteurs économiques ont besoin de connaître la manière dont ils vont évoluer : quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?

M. le président Serge Poignant. Je voudrais rappeler à nos collègues, notamment à M. François Brottes, que l’objet du rapport est le contrôle de l’application de la LME. Il me paraît à cet égard de très bonne qualité : il n’y a pas d’obligation à préconiser des évolutions législatives.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. Il y a en effet un point dont nos travaux ont montré qu’il faisait consensus parmi les acteurs : la demande de stabilité législative. La LME n’est peut-être pas parfaite mais tout le monde nous a dit qu’il fallait encore lui laisser une chance.

Concernant l’évolution des prix, nous n’avons pas d’assurance qu’il y a eu une baisse ; en revanche, il est clair que nous sommes sur une tendance à la stabilité.

L’un d’entre vous faisait référence aux comparatifs entre les produits. Il faut être méfiant sur ces comparaisons, notamment lorsqu’on compare deux produits différents et non deux produits de la même marque : ainsi, une pâte à tartiner peut être moins chère qu’une autre, mais encore faut-il vérifier qu’elles contiennent toutes les deux le même pourcentage de cacao... Les comparatifs sont de, ce fait, plus souvent des arguments publicitaires que l’expression d’une réalité.

Sur l’Observatoire de formation des prix et des marges, je crois que nous partageons, avec Catherine Vautrin, la déception que plusieurs d’entre vous ont exprimée, suite à l’audition qui a été réalisée.

Concernant l’emploi et la croissance engendrée par la LME, il me semble que le problème est le même que pour le traité de Maastricht : ce traité était vendu au motif qu’il créerait cinq millions d’emplois. Le problème, c’est qu’on ne comptait pas ceux qui seraient détruits. Il est donc aujourd’hui très difficile d’estimer le gain net en termes d’emploi.

Si la LME a engendré un progrès, c’est bien sûr en matière de délais de paiement. Il faut effectivement trouver une solution pour certains secteurs, qui ne pourraient pas s’en sortir avec la fin pure et simple des accords dérogatoires. Le risque est que les distributeurs s’approvisionnent à l’étranger et, j’en discutai récemment avec un distributeur de jouets implanté dans ma circonscription, une réduction de la taille de leur catalogue. Mais, de manière générale, en ce qui concerne les délais de paiement, je voudrais répondre à Mme Marie-Lou Marcel que lorsque la situation apparaît satisfaisante, il faut le reconnaître et qu’il n’y a pas lieu d’avancer des propositions !

Les nouveaux instruments promotionnels (NIP) ont effectivement largement remplacé les marges arrière, cette situation étant à la limite de la légalité. Il faudra sans doute y revenir mais même les fournisseurs nous ont demandé d’en rester au droit actuel pour l’instant.

En matière de délais de paiement, les stocks déportés, par lesquels les distributeurs laissent la responsabilité des stocks aux fournisseurs et ne font courir le délai de paiement qu’à partir du moment où le produit leur est effectivement livré, constituent un autre problème.

Sur le vin, nous sommes prêts à faire un rapport sur le sujet.

Avant de laisser la parole à Catherine Vautrin, je signale enfin que nous avons rencontré le président de l’Autorité de la concurrence, qui est très volontariste sur ces dossiers et qui fera en sorte de mener les enquêtes en tenant compte des liens réels qui existent entre les différents acteurs.

Mme Catherine Vautrin, co-rapporteur. S’agissant des NIP, nous sommes tellement convaincus que c’est une manière de revenir vers les marges arrière que nous considérons qu’il faut exiger une reddition systématique des comptes. En effet, actuellement, les nouveaux instruments promotionnels font l’objet de mandats, qui ne figurent pas dans la convention unique. Et, très souvent, il n’y a aucune reddition des comptes alors que cette traçabilité est indispensable. Cela est d’autant plus vrai que c’est généralement le fournisseur qui fait la promotion, mais que c’est le distributeur qui en fait l’annonce, rendant l’action du fournisseur peu lisible. Nous souhaitons en outre que ce mandat soit annexé à la convention unique pour favoriser le contrôle de la DGCCRF qui pourra alors assurer un suivi de l’ensemble des opérations. C’est exactement la même chose pour les stocks déportés. Nous avons exigé que lorsqu’il y a convention entre un logisticien et un distributeur, la convention logistique soit ajoutée à la convention unique afin, encore une fois, de favoriser cette traçabilité.

En ce qui concerne les soldes flottants, certains regrettent que nous n’envisagions que de procéder à des analyses : c’est tout simplement parce que la dernière étude en la matière (la fameuse étude du CRÉDOC) date de décembre 2010. À la suite de cette étude, le nouveau secrétaire d’État chargé du commerce a décidé de prolonger, pour une année supplémentaire, le dispositif. Il nous semble donc que nous avons aujourd’hui besoin d’une analyse sociologique et économique chiffrée des résultats de cette année supplémentaire pour pouvoir ensuite prendre une décision véritablement éclairée sur le sujet. Il y a un autre point qui n’a pas été suffisamment mis en avant : c’est Internet, qui, actuellement, n’est absolument pas concerné par le dispositif.

S’agissant des délais de paiement, Jean Gaubert a globalement répondu. Je souhaiterais simplement revenir sur une remarque de Lionel Tardy. La directive européenne vient d’être publiée, sa transposition devant être effectuée d’ici le 16 mars 2013. La question que nous posons au Gouvernement (et à laquelle nous n’avons pas encore obtenu de réponse, sachant que M. Lorenzi n’a pas pu être présent à l’audition à laquelle nous l’avons convié) est de savoir s’il faut contraindre les entreprises qui sont encore sous leur régime des accords dérogatoires à faire l’effort nécessaire pour les achever, alors qu’elles connaissent des difficultés pour ce faire et que l’application de la directive en 2013 pourrait revenir sur les durées fixées. C’est pourquoi nous demandons à ce que le Gouvernement prenne position sur le sujet avant le 1er janvier 2012.

Mme Annick Le Loch a fait allusion aux difficultés de négociation : certes, il y a eu cette année des difficultés, ainsi que nous l’ont dit les professionnels. Ainsi, Lactalis a fait volontairement le choix de ne plus livrer parce que l’entreprise n’obtenait pas les conditions qu’elle souhaitait, notamment en termes de tarification. Nous avons entendu des acteurs exprimer leurs difficultés mais ces mêmes acteurs (distributeurs et fournisseurs) nous ont tous dit qu’à ce stade, ils ne souhaitaient pas que la loi soit modifiée. On pourrait très bien rédiger un rapport préconisant de légiférer mais nous préférons essayer de refléter au maximum ce que nous avons entendu en audition ! Vous pouvez nous reprocher la tiédeur de certaines propositions, toujours est-il qu’elles reflètent ce que nous avons entendu. De surcroît, ce rapport émane de deux rapporteurs, l’un de l’opposition, l’autre de la majorité, ce qui vous permet de considérer qu’il s’agit d’une analyse globale du sujet : on ne va pas légiférer contre l’avis des premiers intéressés !

En ce qui concerne le « déséquilibre significatif », il suffit de se référer à la décision du Conseil constitutionnel qui invite elle-même à regarder la jurisprudence qui va naître des différents jugements qui seront rendus. Nous avons pris la peine de demander au Gouvernement de nous transmettre le calendrier de ces différents jugements : certains auront lieu dans les prochaines semaines et nous allons d’ailleurs les joindre en annexe au rapport.

S’agissant des soldes en zone touristique, il me semble qu’il vaut mieux faire une photographie globale du sujet qui méritera d’être regardée à la fin du bilan sur les soldes flottants. M. Frédéric Lefebvre a donné une nouvelle autorisation pour un an, ce qui signifie que fin 2011, il faudra de toute façon revoir globalement la question.

En ce qui concerne l’Autorité de la Concurrence, non seulement elle s’est autosaisie mais elle a rendu des avis, s’agissant notamment de la Fédération du commerce associé. Cette fédération « reproche » d’ailleurs à cette autorité de vouloir régler des problèmes régionaux en adoptant une approche nationale, en expliquant que les commerçants associés peuvent effectivement changer d’enseigne et que le droit de préemption ne s’exerce que quand il y a vente. C’est dire si le sujet fait débat et si l’Autorité de la Concurrence s’en est saisie mais ce n’est qu’un avis de sa part. De la même manière, il est intéressant de noter, comme l’illustre le tableau figurant dans notre rapport, que la DGCCRF a considérablement développé ses enquêtes, qu’il s’agisse de fiches de signalement, de visites, d’assignations ou d’interventions. C’est de cette façon que la loi va effectivement évoluer. Immédiatement après la signature de la convention unique au 1er mars, la DGCCRF diligente deux types de contrôle : l’un chez les fournisseurs (pour les 3 mois après le 1er mars), l’autre chez les distributeurs, le but de ces contrôles consistant à examiner les conventions uniques qui ont été signées.

Cela nous conduit à considérer que cette loi est loin d’avoir atteint tous les objectifs que l’on pouvait en attendre. Il est clair, au terme de nos auditions, qu’en matière de négociations, il subsiste des difficultés. Vous pouvez nous reprocher de dire qu’il faut réaffirmer la primauté des conditions générales de vente mais je vous rappelle que l’article L. 441-6 du code de commerce précise dès à présent que les conditions générales de vente forment le socle de la négociation : il est donc inutile de l’écrire à nouveau dans la loi. La loi prévoit, par ailleurs, que la convention unique est conclue pour une durée de 12 mois : quand cela se passe sur 12 mois glissants, cela signifie qu’il ne doit pas y avoir de rétroactivité entre le 1er janvier et le 28 février. Il y a en effet un problème sur cette période, pendant laquelle nombre d’acteurs voudraient jouer sur une certaine rétroactivité.

Aujourd’hui, notre difficulté est donc que certaines dispositions de la loi sont mal appliquées. Or, il existe des moyens d’y remédier, que nous avons besoin de mettre en oeuvre : les contrôles, les jugements, et l’application des peines prononcées.

M. Jean Dionis du Séjour. J’aimerais obtenir un avis de synthèse de la part de Catherine Vautrin et de Jean Gaubert. Pour moi, la LME regroupe les thèmes suivants : l’urbanisme commercial, la négociabilité et les marges arrière, et les délais de paiement. Sur le thème de l’urbanisme commercial, nous nous sommes globalement enlisés et avons renvoyé la question à la proposition de loi Ollier-Piron. Les marges arrière et la négociabilité sont des points capitaux. J’en étais resté au diagnostic intermédiaire qui faisait état d’un succès, avec un recul de 30 à 10 % des marges arrière ; or, vous indiquez que ce recul est largement remis en cause par les NIP. En outre, la seule avancée de la LME semble résider dans les délais de paiement : est-ce la seule avancée claire, selon vous ?

M. François Brottes. Certes, personne ne vous a demandé d’évolution législative (j’ignore d’ailleurs si vous avez auditionné les consommateurs et ce qu’ils en pensent). Cependant, quelle est votre propre conviction ?

M. Michel Piron. Si l’enjeu est de mieux faire appliquer la loi, il s’agirait de mieux observer (or, on ne le fait pas) et de mieux contrôler.

Mme Catherine Vautrin. Je suis intimement convaincue qu’il faut que la loi soit appliquée. Or, ainsi que nous le mettons en exergue dans le rapport, sur un certain nombre de points, l’application de la loi est imparfaite, ce qui appelle des sanctions. En outre, un certain nombre de pratiques ont vu le jour après la mise en œuvre de la loi, qui méritent d’être corrigées et sur lesquelles il faut être vigilant : c’est typiquement le cas des NIP. Or, même s’il faut être vigilant, on ne peut pas dire que les NIP aient totalement remis en cause le recul des marges arrière. Chaque loi engendre automatiquement une créativité nouvelle. Nous devons donc observer les choses de manière suffisamment précise, ainsi que le préconise Michel Piron, afin de tuer l’idée dans l’œuf. Quand une pratique commence à exister, il faut immédiatement la sanctionner de façon à éviter qu’elle n’aille plus loin. Notre objectif consiste à ce que les gains obtenus par rapport aux marges arrière bénéficient aux consommateurs : il ne faudrait donc pas que les NIP ne servent pas les consommateurs.

En ce qui concerne les délais de paiement, il y a effectivement des avancées. Sur la négociabilité par ailleurs, tout n’est pas négatif car certaines données se discutent. Le problème réside dans l’application de la notion de « déséquilibre significatif » et du rapport du fort au faible, qui peut varier selon les interlocuteurs.

S’agissant enfin de l’urbanisme commercial, un certain nombre d’entre nous ont signé une proposition de loi il y a près d’un an, car le Gouvernement n’avait pas tenu ses engagements : on a donc déjà depuis longtemps tiré les leçons de la LME en la matière !

M. Jean Gaubert. S’agissant des délais de paiement, les résultats sont effectivement plutôt positifs même si la question des accords dérogatoires pose objectivement problème. Les solutions peuvent résider dans la saisonnalité, les stocks à rotation lente …

La négociabilité apparaît toujours comme le point le plus difficile. Je me souviens avoir dit que je ne doutais pas de la capacité des acteurs à inventer de nouvelles stratégies ; il faut reconnaître que, parfois, ce sont les fournisseurs qui, pour se différencier, font des propositions qui se retournent ensuite contre eux. Une fois que l’on offre quelque chose, cela est ensuite exigé de tout le monde. C’est comme cela que les « NIP » ont commencé. Ce ne sont pas toujours les distributeurs qui les ont demandées. Le problème est donc extrêmement complexe même si je suis moins optimiste que Catherine Vautrin.

Enfin, on devra peut-être un jour légiférer à nouveau mais on ne peut le faire pour interdire une pratique qui n’a pas encore commencé à exister ! D’où l’intérêt de voir une jurisprudence s’établir, ce qui prendra du temps.

Je conclurai en disant que l’une des grandes avancées de cette loi, dispositions votées par tous, réside dans le raccourcissement des délais de paiement mais il faut également compter la création de l’Autorité de la Concurrence, grâce notamment à l’impulsion Président Lasserre.

M. le président Serge Poignant. Il nous reste à remercier les rapporteurs pour leur rapport d’information. Je vous demande maintenant d’autoriser la publication de ce rapport.

La commission autorise la publication du rapport.

——fpfp——

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LES RAPPORTEURS

Cabinet de M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

M. Renan MURET, directeur adjoint de cabinet

M. Thomas MAURISSE, conseiller technique

Mme Cécile PENDARIÈS, sous-directrice de la politique de la concurrence à la DGCCRF

Mlle Laurence DURAND-MILLE, assistante parlementaire

Autorité de la concurrence

M. Bruno LASSERRE, président

Mme Anne PERROT, membre du collège, vice-présidente

Mme Laurence IDOT et M. Noël DIRICQ, membres du collège

Mme Liza BELLULO, conseillère auprès du Président chargée des affaires institutionnelles et européennes

M. Fabien ZIVY, chef du service du président

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Mme Nathalie HOMOBONO, directrice générale

Mme Cécile PENDARIÈS, sous-directrice de la politique de la concurrence

Observatoire des délais de paiement

Mme Élisabeth KREMP, responsable du service de l’Observatoire des entreprises, rapporteur de l’Observatoire des délais de paiement

Industries :

• secteur de la biscuiterie

Groupe Galapagos

M. Christian TACQUARD, président directeur général, représentant de l’ABEA (association bretonne des entreprises agro-alimentaires)

- Alliance 7

Mme Élodie SEBAG, directeur des affaires juridiques et économiques

Mme Héloïse TARRAUD, directrice des relations extérieures

• secteur du jouet

M. Bruno BÉRARD, directeur général de Playmobil France, président de la FJP (fédération française des industries jouet et puériculture)

M. Daniel ABOAF, délégué général de la FJP

M. Philippe GUEYDON, président du directoire du groupe King Jouet, vice-président de la FCJPE (fédération des commerces spécialistes des jouets et des produits de l’enfant)

M. Franck MATHAIS, directeur du bureau du président de Ludendo, porte-parole pour le compte de la FCJPE

• secteur du jardinage

M. Christophe JUIF, président de l’Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics (UPJ), directeur du département « Jardins et espaces publics » (Country Head – France)

M. Patrick COLLARD, président de l’Union nationale des spécialistes en matériels de parcs et jardins (SMJ)

M. Philippe KLOMP, président des établissements PPK

M. Patrick MIOULANE, président de Promojardin

M. Alain SAVARY, délégué général d’AXEMA

M. Henri TROG, président de la Fédération nationale des artisans et petites entreprises en milieu rural (FNAR)

• secteur du bricolage

M. Pascal MALFOY, président de la FMB (fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison)

Mme Caroline HUPIN, secrétaire générale de la FMB

Mme Claire BEAUVAIS, directrice des relations institutionnelles de Leroy-Merlin France

Société Bourjois

Mme Anne KIRBY, présidente

M. Éric BOUVIER, directeur général France

Coca-Cola Entreprise

M. Tristan FARABET, président-directeur général

Mme Sylvie BROUTOT, vice-présidente, directrice juridique

M. Pierre DECROIX, vice-président, directeur commercial et marketing opérationnel

Brasseries Kronenbourg

M. Jean-Dominique CASTELLANI, directeur commercial

Groupe SEB

Mme Iris JURUS-SEIJSENER, directrice du Controlling

Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC)

Mme Sabah DOUDOU, responsable des affaires juridiques

Mars Chocolat France

M. Sylvain MUNNIER, directeur commercial

Société Mc Cain

M. Thierry HOYEZ

Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD)

M. Jean-Pierre CROUZET, président de la CGAD

M. Dominique PERROT, secrétaire général CGAD

Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

M. Jean-François ROUBAUD, président

M. Jean-Eudes DU MESNIL DU BUISSON, secrétaire général

M. Pascal LABET, directeur des affaires économiques et fiscales

M. Frédéric GRIVOT, président de l’UNPMI (union nationale de la petite et moyenne industrie)

COOP de France

M. Dominique CHARGE, membre du Bureau de COOP de France – Président de la Fédération Nationale des Coopératives Laitières (FNCL)

M. Georges CHATELUS, correspondant Industrie-Commerce pour COOP de France

M. Bernard CARDINAUD, directeur de Felcoop (Fédération Française de la Coopération Fruitière, Légumière et Horticole)

Mme Irène de BRETTEVILLE, responsable des relations parlementaires de COOP de France

Auchan France

M. Franck DERMIANE, juriste

Mme Anne Virginie DISSARD, responsable des relations institutionnelles

Groupe Carrefour

M. Alain GAUVIN, directeur juridique

M. Frédéric EBLING, directeur des affaires publiques

Groupe Casino

M. Claude RISAC, directeur des relations extérieures

CORA

M. Philippe FOURNIER, directeur juridique

Groupe Leclerc

Mme Sophie BOUDON-LE GOFF, directeur juridique

M. Jean-Claude PÉNICAUD, membre du directoire du GALEC, en charge de la politique commerciale alimentaire

Les Mousquetaires - Intermarché

M. Emmanuel FOUILLAND, secrétaire général d’Intermarché

M. Gilles ROTA, responsable juridique du groupement des Mousquetaires

Systèmes U

Mme Anne BIZERY, directeur juridique

Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

M. Jacques CREYSSEL, délégué général

Mme Nathalie NAMADE, conseiller juridique

CGI (Confédération Française du Commerce et de gros Interentreprises et du Commerce International)

Mme Delphine KOSSER-GLORIES, responsable du département affaires juridiques et économiques

M. Hugues POUZIN, directeur général

Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA)

Mme Rachel BLUMEL, responsable juridique en charge des relations commerciales et de la logistique

Mme Elsa CHANTEREAU, responsable des relations institutionnelles

Institut de liaisons et d’études des industries de consommation (ILEC)

M. Olivier DESFORGES, président

M. Dominique de GRAMONT, délégué général

Entente commerciale régionale – France (ECR – France)

M. Xavier HUA, délégué général

Galeries Lafayette / BHV

M. Paul DELAOUTRE, directeur général

M. Bernard GELBFARB, directeur Gestion et Développement commercial

Union du grand commerce de centre-ville (UCV)

M. Claude BOULLE, président exécutif

M. Jean-Marc GENIS, président exécutif de la Fédération nationale des enseignes de l’habillement (FIEH)

Union française des industries de l’habillement (UFIH)

M. Jean-Pierre MOCHO, président

M. Lionel GUÉRIN, délégué général adjoint, directeur des affaires juridiques, sociales et fiscales

M. Michel GLAIS, professeur de droit à l’Université de Rennes I - CREM

(contribution écrite)

ANNEXE 2

LISTE DES CONTENTIEUX EN COURS DEPUIS L’ADOPTION DE LA LME

ASSIGNATIONS DU MINISTRE

17 actions en cours

Clauses ou pratiques visées

État de la procédure

Rupture brutale

(L. 442-6 I 5 C.com)

2010

 

pas encore de jugement

Fausse coopération commerciale

(L. 442-6 I 1°C.com)

2010

 

pas encore de jugement

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clause de versement à chaque fin de mois d’acomptes de ristournes et remises : règlement avant le terme naturel,

- clause imposant au fournisseur de payer par virement alors que le distributeur se réserve la possibilité de procéder par compensation,

- clause imposant le paiement d’acomptes dont les montants ne correspondent plus aux obligations auxquelles le fournisseur s’est engagé.

- 300 000€ d’amende en première instance

- appel adverse

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clause transport : pénalités excessives et systématiques en cas de retard de livraison, sans que le fournisseur ait la possibilité de présenter une éventuelle justification,

- clause de retour des produits dégradés par la clientèle : le distributeur n’assume plus son métier de revendeur,

- clause de limitation d’engagement de volume pour les produits où cet engagement est obligatoire : certains produits agricoles,

- clause de refus de marchandises à DLC (date limite de consommation) livrées trop tard selon l’estimation du distributeur,

- clause de délais de paiement longs s’agissant des achats de produits, mais courts s’agissant de la rémunération par le fournisseur des services de coopération commerciale.

pas encore de jugement

Rupture brutale

(L. 442-6 I 5 C.com)

2009

 

pas encore de jugement

….

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clause tarif : les augmentations de tarifs du fournisseur emportent obligation de négocier le contrat alors que les baisses de prix des éléments composant les prix des produits devraient être automatiquement répercutées au distributeur,

- clause de reprise des invendus.

pas encore de jugement

Délais de paiement abusivement longs (L. 442-6 I 7° C.com)

2009

 

1 500€ d’amende,

jugement définitif

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- pour la protection de stock : en cas de changement de tarif, le fournisseur établit un avoir compensant la dépréciation du stock du fait de la baisse des prix,

- pour la mévente d’un produit : en cas de mévente, le fournisseur établit un avoir au client d’un montant correspondant à l’écart entre l’ancien prix et le prix conforme à la situation nouvelle sur le marché.

pas encore de jugement

Abus de puissance d’achat

(l. 442-6 i 2° b) c.com)

2009

 

devant la cour d’appel

….

Déséquilibre significatif

(l. 442-6 i 2° c.com)

2009

- clause de rupture des engagements d’achat en cas de sous-performance du produit : le distributeur n’assume plus les risques de méventes,

- clause de délais de paiement longs s’agissant des achats de produits, mais courts s’agissant de la rémunération par le fournisseur des services de coopération commerciale.

plaidoirie le 17 mai 2011

….

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clause de pénalités excessives, systématiques et unilatérales,

- clause de délais de paiement : longs s’agissant des achats de produits, mais courts s’agissant de la rémunération par le fournisseur des services de coopération commerciale.

- clause de retour des produits dégradés par la clientèle

plaidoirie le 12 avril 2011

….

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clause relative aux conditions tarifaires : préavis minimum en cas de hausse de tarifs, renégociation immédiate en cas de baisse ;

- clause relative au taux de service : le distributeur exige et sanctionne un défaut de livraison au regard d’un taux de service très élevé, mais s’oblige un taux inférieur pour son propre taux de service vers ses magasins.

plaidoirie le 20 mai 2011

….

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clause d’exclusion préalable de clauses des conditions générales de vente du fournisseur,

- clause visant au renversement de la charge de la preuve.

pas encore de jugement

…..

Déséquilibre significatif

(L. 442-6 I 2° C.com)

2009

- clauses relatives aux conditions de livraison : pénalités excessives et unilatérales

- clause relative aux retards de livraison concernant les produits promotionnels,

- clause relative à la non-conformité de codes d’identification : pénalités excessives appliquées au fournisseur.

pas encore de jugement

…..

Rupture brutale

(L. 442-6 I 5 C.com)

2008

 

- 50 000€ d’amende en première instance

- appel

….

Délais de paiement abusivement longs (L. 442-6 I 7° C.com)

2008

 

pourvoi en cassation

…..

Fausse coopération et abus de puissance d’achat (L. 442-6 I 1° et ancien L. 442-6 I 2° b) C.com)

2008

 

pas encore de jugement

INTERVENTION DU MINISTRE DANS UN LITIGE PENDANT

9 interventions en cours

Clauses ou pratiques visées

état de la procédure

….c/ …

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2010

 

pas encore de jugement

…c/ …

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2010

 

100 000 € d’amende

jugement définitif

… c/ …

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2009

 

jugement rendu sur la compétence du tribunal : tribunal suisse compétent

…c/ ….

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2009

 

pas encore de jugement

…c/ …

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2008

 

devant la cour d’appel

...c/ …

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2008

 

- amende civile de 6 000€ en appel

- pourvoi en cassation

….c/…

Rupture brutale (L. 442-6 I 5 C.com)

2008

 

devant la Cour d’appel

Président du Conseil de la concurrence

c/ …

Fausse coopération commerciale et abus de puissance d’achat

2008

 

pas encore de jugement

Président du Conseil de la concurrence c/ …

Fausse coopération commerciale et abus de puissance d’achat

2008

 

pas encore de jugement

Source : DGCCRF

1 () Mme Élisabeth Lamure, Mise en œuvre de la LME : un premier bilan contrasté, Rapport d’information n° 174 fait au nom du groupe de travail sur l’application de la loi de modernisation de l’économie constitué par la Commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire,
16 décembre 2009

2 () MM. Jean-Paul Charié, Jean Gaubert et Patrick Ollier, La loi de modernisation de l’économie : premier bilan d’application, Rapport d’information n° 2312 déposé par la Commission des affaires économiques, 18 février 2010

3 () Sur le premier point, voir l’article 1er du décret n° 2011-275 du 16 mars 2011 relatif à la rémunération des réseaux collecteurs du livret A et du livret de développement durable, au régime de centralisation des dépôts collectés ainsi qu’à la rémunération du livret d’épargne populaire

Sur le second point, voir par exemple le compte rendu de l’audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, par la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale le 18 janvier 2011

4 () Article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique

5 () François Rabelais, Le Tiers Livre des faicts et dicts héroïques du noble Pantagruel, 1546

6 () 300 décisions pour changer la France, Rapport de la Commission pour la Libération de la Croissance Française, présidée par M. Jacques Attali, pages 13 et 14

7 () Idem, page 139

8 () Séance du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008

9 () Mme Christine Lagarde, Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, intervention lors de la discussion générale, première séance du lundi 2 juin 2008

10 () Voir à ce sujet les réactions de MM. Jean Dionis du Séjour (deuxième séance du lundi 2 juin 2008), François Brottes et Jean Gaubert (troisième séance du jeudi 12 juin 2008) ; voir également le Rapport n° 413 de Mme Élisabeth Lamure, sénateur, co-rapporteur au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la Modernisation de l’économie, pages 321 et 322

11 () Cf Mme Élisabeth Lamure, Rapport préc., page 46

12 () Il s’agit actuellement de M. Bruno Lasserre, nommé président de l’Autorité de la concurrence par un décret du 14 janvier 2009 

13 () Les membres actuels de l’Autorité de la concurrence ont été nommés par un décret du Président de la République du 27 février 2009

14 () Propos de M. Bruno Lasserre, tenus lors de son audition le mercredi 9 mars 2011

15 () Guy Canivet, Restaurer la concurrence par les prix, rapport de M. le premier président de la Cour de cassation, octobre 2004, page 87

16 () Dans la nomenclature alors applicable, il s’agit de l’action n° 6 (« Mise en œuvre indépendante du droit de la concurrence – Conseil de la concurrence ») du Programme 199 « Régulation économique » au sein de la Mission « Développement et régulation économiques »

17 () Sur l’ensemble des garanties apportées par la procédure suivie devant l’Autorité de la concurrence, voir l’arrêt n° 1213 de la Cour de cassation, Canal 9, chambre commerciale, 4 novembre 2008

18 () MM. Jean-Martin Folz, Christian Raysseguier et Alexander Schaub, Rapport sur l’appréciation de la sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles, septembre 2010

19 () Rapport du groupe de travail « Mécanismes de réduction des prix » coprésidé par Mme Valérie Expert et M. Philippe Moati, mars 2008, page 20

20 () Ce choix a donc, en pratique, contrecarré un des reproches que l’on pouvait faire aux soldes traditionnels (dans leur régime tel qu’il existait avant le vote de la LME) selon lequel « la durée actuelle (six semaines) est jugée trop longue par l’immense majorité des commerçants », M. Luc Chatel, Secrétaire d’État chargé de l’industrie et du commerce, Assemblée nationale, 3ème séance du jeudi 12 juin 2008

21 () Voir à ce sujet : « Les soldes flottants semblent en sursis », Les Échos (15 septembre 2010), « Dénoncés par les distributeurs et les consommateurs, les soldes flottants sont en sursis », Le Monde (16 septembre 2010)

22 () Rapport préc., page 9

23 () Rapport préc., page 9

24 () C’est nous qui soulignons ; rapport préc., page 20

25 () Signalons néanmoins que la faible influence des soldes flottants doit en partie être attribuée à une année de crise économique aiguë, qui n’a guère incité les ménages à multiplier leurs achats

26 () « Les seuls soldes flottants ont généré une augmentation du chiffre d’affaires de l’habillement de moins de 93 millions d’euros en un an et demi dont 56 millions entre les mois de juillet 2009 et de juin 2010, soit 0,2 % du montant du chiffre d’affaires de cette période », Mission Soldes flottants, page 48, CREDOC et IFM (MM. Yvon Merlière, Dominique Jacomet et Mme Évelyne Chaballier), novembre 2010

27 () Décision fondamentale 7 in 300 décisions pour changer la France, Rapport préc., page 16

28 () Proposition 38 in 300 décisions pour changer la France, Rapport préc., page 49

29 () Article 26 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports : « Contrairement aux dispositions de l’alinéa précédent, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d’agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d’émission de la facture »

30 () Impact souligné notamment par le Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement,
décembre 2009, page 9

31 () Rapport de Mme Élisabeth Lamure préc., pages 15 s. ; Rapport de MM. Jean-Paul Charié, Patrick Ollier et Jean Gaubert, pages 41 s.

32 () Avis CEPC n° 08121915

33 () Article unique de la loi n° 2010-97 du 27 janvier 2010 relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre

34 () Cf avis 09-A-02 de l’Autorité de la concurrence et décret n° 2009-490 du 29 avril 2009 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur du bricolage

35 () Un « Small Business Act » pour l’Europe, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions COM (2008) 394 final,
25 juin 2008

36 () Ibid, page 14

37 () Un plan européen pour la relance économique, Communication de la Commission au Conseil européen, COM (2008) 800 final, 26 novembre 2008

38 () Proposition de directive du Parlement et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement des transactions commerciales présentée par la Commission, 8 avril 2009, 2009/0054 (COD)

39 () Directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (Refonte), Journal Officiel de l’Union européenne du 23 février 2011, L 48/1 s. (cf également : Avis du Comité économique et social européen du 17 décembre 2009 INT/483, Rapport du Parlement européen du 4 mai 2010 A7-0136/2010)

40 () 300 décisions pour changer la France, Rapport préc., pages 152 et 153

41 () Cette rédaction a été fortement inspirée par celle de l’article L. 132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives, qui dispose, dans son premier alinéa, que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat »

42 () « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé », article 61-1, alinéa 1er, de la Constitution du 4 octobre 1958

43 () Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, arrêt n° 1137 FS-D du 15 octobre 2010 (Mme Favre présidente, Mme Michel-Amsellem rapporteur, M. Mollard, avocat général référendaire)

44 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011

45 () M. Michel Raison, Rapport n° 412 du 15 novembre 2007 présenté au nom de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire sur le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, page 44

46 () Lors d’une audition, vos rapporteurs ont ainsi entendu un fournisseur faire état de CGA comportant plusieurs dispositions sur les « denrées périssables » alors que tel n’était pas leur créneau d’activité !

47 () Avis de la CEPC n° CEPC10060303 selon lequel les NIP « ne désignent aucun concept juridique précis, susceptible de répondre aux catégories définies par le livre 4 du titre 4 du Code de commerce »

48 () Marges arrière = seuil de revente à perte – coopération commerciale et services distincts (cf Rapport de MM. Jean-Paul Charié, Jean Gaubert et Patrick Ollier préc., page 49)

49 () Source : DGCCRF

50 () http://www.pratiques-commerciales.minefi.gouv.fr/mardis_lme.pdf

51 () Présentation des engagements pris par les professionnels du secteur de la distribution en matière de relations commerciales, 5 octobre 2010


© Assemblée nationale