N° 2264 tome VI - Avis de M. Francis Vercamer sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)


Logo2003modif

N° 2264

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2015,

TOME VI

TRAVAIL ET EMPLOI

TRAVAIL

Par M. Francis VERCAMER,

Député.

___

Voir les numéros : 2234, 2260 (annexe n° 47).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DES PROGRAMMES NOS 111 ET 155 DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EN 2015 7

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME NO 111 « AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L’EMPLOI ET DES RELATIONS DU TRAVAIL » 7

1. La santé et la sécurité au travail 8

2. La qualité et l’effectivité du droit 10

3. Le dialogue social et la démocratie sociale 10

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 155 « CONCEPTION, GESTION ET ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DU TRAVAIL » 11

1. Une rénovation complète de l’architecture du programme 12

2. Des mesures d’économies sur les dépenses de personnel 13

II. LE DEUXIÈME PLAN SANTÉ AU TRAVAIL 2010-2014 : QUEL BILAN ? 14

A. UN DEUXIÈME PLAN SANTÉ AU TRAVAIL AUX OBJECTIFS AMBITIEUX 15

1. Quatre axes complémentaires 15

a. Améliorer la connaissance en santé au travail 15

b. Poursuivre une politique active de prévention des risques professionnels 16

c. Encourager les démarches de prévention des risques en entreprise 16

d. Assurer l’animation et la communication autour du plan 16

2. Un approfondissement des actions menées dans le cadre du premier plan Santé au travail 2005-2009 17

a. Les principaux apports du premier plan 17

b. Une continuité réelle entre les deux plans 19

3. La déclinaison française de la stratégie européenne pour la santé et la sécurité au travail 20

a. La santé au travail, une priorité pour l’Union européenne 20

b. Le plan 2010-2014, symbole d’une participation active de la France 20

B. DES PREMIERS RÉSULTATS ENCOURAGEANTS QUI NE DOIVENT PAS OCCULTER CERTAINES LACUNES 21

1. Une diminution réelle de la sinistralité 22

a. Une réduction nette du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles 22

b. Une réduction liée aux politiques menées depuis 2009 23

2. Une dynamique lancée sur l’ensemble du territoire 23

a. La diffusion d’une culture de santé au travail 24

b. La mise en place progressive de partenariats 25

c. La conclusion de plans régionaux de santé au travail 27

3. Des lacunes subsistent toutefois 29

a. La situation critique des services de santé au travail 29

b. Bâtir une politique solide de prévention dans la fonction publique 31

C. POUR UN TROISIÈME PLAN SANTÉ AU TRAVAIL EFFICACE 32

1. Poursuivre la réforme institutionnelle 32

a. Conforter le Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) 32

b. Réformer le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) 33

c. Accroître la convergence des acteurs et des politiques publiques 34

2. Des actions mieux ciblées et mieux suivies 37

a. Resserrer le nombre d’objectifs 37

b. Améliorer le pilotage et le suivi du plan 38

c. Agir dans les branches et les entreprises 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 41

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 51

INTRODUCTION

La mission « Travail et emploi » constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État : ses crédits de paiement s’élèvent à 11,06 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015. Elle comporte quatre programmes, dont deux fondent le présent avis : le programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail », rassemblant les moyens consacrés à la politique du travail, et le programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », support de la mission (1).

Le présent avis n’a pas pour objectif l’analyse détaillée de l’ensemble des crédits des programmes nos 111 et 155, cet objet étant imparti prioritairement au rapport spécial établi au nom de la Commission des finances. Après un rappel des principales actions de ces deux programmes de la mission « Travail et emploi », votre rapporteur pour avis souhaite proposer un premier bilan du deuxième plan Santé au travail 2010-2014, qui arrive à échéance à la fin de l’année.

Il lui apparaît en effet nécessaire d’en évaluer les forces et les faiblesses, afin d’en tirer les leçons et de réfléchir de manière éclairée aux orientations qu’il conviendrait de retenir pour le troisième plan Santé au travail 2015-2019, dont la présentation est attendue au printemps prochain. En tout état de cause, votre rapporteur pour avis espère que le troisième plan Santé au travail sera résolument tourné vers les entreprises et offrira des avancées concrètes aux salariés.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Votre rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 1er octobre 2014.

À cette date, 38,2 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 56,3 %, et au 24 octobre, de 92,7 %. Votre rapporteur pour avis souhaite remercier l’ensemble des services du ministère du travail, de lemploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour la très grande qualité des réponses reçues.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, le montant des crédits des programmes nos 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », s’élève à 853,21 millions d’euros de crédits de paiement et à 899,19 millions d’euros d’autorisations d’engagement (2).

Ce budget apparaît donc stable par rapport à l’année dernière, puisque le montant des crédits de ces deux programmes s’élevait à 855,76 millions d’euros de crédits de paiement et à 898,24 millions d’euros d’autorisations d’engagement dans la loi de finances initiale pour 2014.

En ce qui concerne les prévisions pour 2016 et 2017, la programmation pluriannuelle fournie par le Gouvernement présente l’évolution globale attendue pour la mission « Travail et emploi », que retrace le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » POUR 2015-2017

(en milliards)

 

Loi de finances initiale pour 2014
(au format 2015)

Projet de loi de finances pour 2015

Prévision pour 2016

Prévision pour 2017

Évolution entre 2014 et 2017

Plafond des crédits de paiement de la mission

11,41

11,06

10,52

9,83

– 13,8 %

Source : Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

À cet égard, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que le Gouvernement n’ait pas communiqué les données prévisionnelles pour chaque programme, alors qu’elles étaient systématiquement transmises au Parlement sous la précédente législature. L’intérêt de la programmation pluriannuelle apparaît, dès lors, limité en termes d’anticipation économique, puisque demeure inconnue l’hypothèse de répartition des réductions annoncées entre les quatre programmes de la mission.

Le programme n° 111 se voit doté de 81,61 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2015, soit une augmentation de 11,9 millions d’euros par rapport à 2014. Il a pour but d’améliorer la qualité de l’emploi et des relations de travail, c’est-à-dire de garantir aux 15,9 millions de salariés du secteur privé, des conditions de travail conformes aux normes collectives et contrôlées, protégeant leur santé et leur sécurité, et reposant sur une négociation sociale dynamique.

La composition du programme n° 111 reflète ces objectifs. Il compte quatre actions, aux poids inégaux : « Santé et sécurité au travail » (19,6 % des crédits de paiement), « Qualité et effectivité du droit » (7,4 % des crédits de paiement), « Dialogue social et démocratie sociale » (73 % des crédits de paiement), et « Lutte contre le travail illégal » (3). Leurs crédits connaissent des évolutions contrastées en 2015, comme expliqué ci-dessous.

S’agissant de l’exercice en cours, le taux d’exécution des crédits du programme n° 111 ouverts en loi de finances initiale pour 2014 atteignait 49,5 % au 31 août dernier, soit un taux très inférieur à celui de 57,3 % obtenu, pour l’exercice passé, au 31 août 2013.

Toutefois, si l’on ne tient pas compte des crédits réservés, dans la loi de finances initiale pour 2014, aux élections prud’homales, le taux d’exécution global du programme n° 111 s’établit à 66 %. En effet, ces crédits, d’un montant de 20 millions d’euros et qui étaient destinés à l’organisation de ces élections, n’ont pas été consommés, compte tenu de la réforme en cours consistant à substituer à cette élection une désignation des juges prud’homaux fondée sur la mesure de l’audience des organisations syndicales et d’employeurs.

Premier opérateur du programme, l’ANSES reçoit en 2015 une subvention de 8,82 millions d’euros au titre du programme n° 111, soit une dotation inférieure à celle octroyée en 2014, qui était de 9 millions d’euros.

Au-delà du programme n° 111, l’ANSES concourt à la mise en œuvre de quatre autres programmes budgétaires relevant des ministères chargés de l’agriculture (programme n° 206), de la santé (programme n° 204), et de l’écologie (programmes nos 181 et 190), au titre desquels elle reçoit des subventions. Or, toutes affichent une nette baisse dans le projet de loi de finances pour 2015, à l’exception de celle accordée dans le cadre du programme n° 181 qui reste stable.

Au final, le budget global de l’ANSES a diminué de plus de 2 millions d’euros entre 2014 et 2015, comme l’indique le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DU BUDGET GLOBAL DE L’ANSES ENTRE 2014 ET 2015

 

LFI 2014

PLF 2015

Programme 204 : Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

15 325

13 600

Programme 111 : Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

9 000

8 820

Programme 181 : Prévention des risques

7 000

7 000

Programme 190 : Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 600

1 588

Programme 206 : Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

63 395

62 995

Total

96 320

94 003

Source : Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Une forte activité de l’ANACT

Second opérateur du programme n° 111, l’ANACT se voit dotée d’une subvention de 10,8 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2015, dont 40 % sont destinés aux agences régionales (ARACT) de son réseau. Elle avait reçu une dotation de 11 millions d’euros en 2014.

L’année dernière, l’activité de l’ANACT et du réseau des ARACT s’est inscrite dans un contexte de transition fort :

– le précédent contrat de progrès s’est achevé en 2013 et a donné lieu à une activité de bilan et de capitalisation importante, doublée d’une dynamique de renouvellement des objets (champs, méthodes et outils, modalités de transfert) ;

– dans le prolongement des observations de la Cour des comptes et des travaux du groupe tripartite sur l’ANACT, la réflexion sur les orientations stratégiques de l’Agence a débouché sur la signature, en novembre 2013, d’un premier contrat d’objectifs et de performance avec l’État, qui couvre la période 2014-2017.

Une diminution globale des crédits consacrés à la santé au travail

Les crédits du programme n° 111 consacrés à la santé au travail recouvrent non seulement les dotations de fonctionnement des deux opérateurs précités, mais aussi les subventions accordées aux études menées en matière de santé au travail et au Fonds d’amélioration pour les conditions de travail (FACT).

Depuis 2010, ces crédits ont connu une diminution notable, autour de 5 millions d’euros, ce que regrette votre rapporteur pour avis qui est profondément convaincu de l’importance de cette problématique. Le graphique ci-dessous présente cette évolution.

Source : Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Le montant des crédits de paiement de l’action « Qualité et effectivité du droit » baisse également fortement, passant de 14,4 millions d’euros en 2014 à 9,7 millions d’euros en 2015. Selon le Gouvernement, cette diminution est principalement imputable à la réforme en cours du mode de désignation des juges prud’homaux, qui devrait désormais être fondé sur la mesure de l’audience des organisations syndicales et patronales.

En effet, d’après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, le coût prévisionnel des opérations liées au nouveau mode de désignation apparaît très inférieur à celui de l’organisation d’une élection générale : alors que le budget d’une élection générale est estimé à 106 millions d’euros, celui du nouveau système proposé devrait s’établir autour de 6 millions d’euros.

L’action « Dialogue social et démocratie sociale » se voit dotée de 45,3 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2015, contre 29,2 millions en 2014. Les crédits de cette action connaissent donc une hausse très sensible, due au caractère cyclique des dispositifs de mesure d’audience financés par cette action ainsi qu’à la mise en œuvre de la réforme du financement des partenaires sociaux.

En effet, l’année prochaine, seront lancées les opérations nécessaires à l’organisation du deuxième processus de mesure de l’audience des organisations syndicales, auquel seront consacrés 8,7 millions d’euros en 2015, et celles nécessaires au lancement du premier processus de mesure de l’audience des organisations d’employeurs, conformément aux dispositions issues de la loi du 5 mars 2014 (4), et pour lesquelles sont prévus 0,4 million d’euros.

Au cours de l’année 2015, sera également mis en place le nouveau Fonds paritaire destiné à financer les partenaires sociaux et créé par la loi du 5 mars 2014. Il reposera sur une contribution de l’État, d’un montant de 34 millions d’euros inscrits dans le cadre de la présente action, et sur une contribution des entreprises et des organismes paritaires à la gestion desquels participent les organisations syndicales et patronales.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des crédits de l’action « Dialogue social et démocratie sociale » depuis 2013, en tenant compte de ces nouveautés.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION « DIALOGUE SOCIAL ET DÉMOCRATIE SOCIALE »

(en millions d’euros)

 

LFI 2013

LFI 2014

 

PLF 2015

Montant total des crédits de l’action

32,4

29,2

Montant total des crédits de l’action

45,3

Audience syndicale

5,8

2,8

Représentativités syndicale et patronale

9,1

Formation syndicale

24

24

Paritarisme et formation syndicale

34

Négociation collective

2,5

2,4

Négociation collective

2,2

Source : Projets annuels de performances de 2013 à 2015.

Le programme n° 155 constitue le programme support des politiques publiques de la mission « Travail et emploi », regroupant l’essentiel de leurs moyens en personnel, fonctionnement, investissement et recherche. Le projet de loi de finances pour 2015 lui attribue 771,5 millions d’euros de crédits de paiement, contre 786,1 millions d’euros en 2014.

Cette année, la structure du programme connaît des changements majeurs, exposés ci-dessous, qui, s’ils améliorent globalement la lisibilité du programme, rendent plus difficiles le suivi de l’évolution par rapport à l’année dernière.

S’agissant de l’exercice en cours, au 31 août dernier, le taux d’exécution des crédits du programme n° 155 ouverts en loi de finances initiale pour 2014 atteignait, pour les crédits hors dépenses de personnel, 45,4 %, soit un taux inférieur à celui obtenu en 2013 à la même date (55,3 %).

D’après le Gouvernement, ce taux de consommation plus faible s’explique par le transfert en gestion de 41 millions d’euros de crédits de paiement vers le programme n° 124 « Conduite et soutiens des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » destinés aux dépenses de fonctionnement, notamment immobilières, de l’administration centrale. En revanche, le taux d’exécution des dépenses de personnel de 65 % reste identique à celui observé fin août 2013.

L’architecture du programme n° 155 connaît une rénovation complète dans le projet de loi de finances pour 2015. Jusqu’à présent le programme était organisé en cinq actions :

– quatre actions étaient consacrées à la gestion des effectifs des programmes nos 102, 103 et 111, comportant les dépenses de personnels chargés de la mise en œuvre de chacun de ces programmes, et au support des fonctions d’état-major ;

– une action était dédiée au financement des études et statistiques et comprenait les dotations accordées au Centre d’études de l’emploi (CEE) et au Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ).

Désormais le programme n° 155 sera organisé en onze actions, ce qui en améliore notablement la lisibilité. En effet, les intitulés des actions sont plus précis et permettent de cibler clairement la destination des crédits qui y sont inscrits. Ces onze nouvelles actions se répartissent en deux catégories :

– les dépenses de fonctionnement et d’intervention, regroupant les crédits finançant le fonctionnement des services (action n° 8), les systèmes d’information (action n° 9), les affaires immobilières (action n° 10), la communication (action n° 11), les activités de statistiques, d’études et de recherche (action n° 12), et la politique des ressources humaines (action n° 13) ;

– et les dépenses de personnel, regroupant les crédits affectés aux personnels mettant en œuvre les politiques d’accès et retour à l’emploi (action n° 14), les politiques d’accompagnement des mutations économiques et du développement de l’emploi (action n° 15), les politiques d’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail (action n° 16), ainsi que les crédits destinés aux personnels dédiés aux activités de statistiques, d’études et de recherche (action n° 17) et aux personnels transversaux et de soutien (action n° 18).

 

Loi de finances initiale pour 2014

Projet de loi de finances pour 2015

Dépenses de personnel

639 545 704

628 490 760

Dépenses de fonctionnement

142 286 283

142 822 302

Dépenses d’investissement

4 008 903

Dépenses d’intervention

302 000

285 000

Total

786 142 890

771 598 062

Source : Projet annuel de performances pour 2015.

Les montants des subventions pour charge de service public octroyées aux trois opérateurs connaissent, en revanche, des évolutions variables en 2015 :

– le Centre d’études de l’emploi (CEE) reçoit une dotation de 3,8 millions d’euros, contre 3,9 millions d’euros en 2014 ;

– le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) reçoit d’une dotation de 1,1 million d’euros, soit une dotation identique à celle accordée en 2014 ;

– l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) reçoit d’une dotation de 15,4 millions d’euros, contre 13,7 millions d’euros en 2014.

Lancé en juillet 2010, après avoir fait l’objet d’une large concertation, le deuxième plan Santé au travail 2010-2014 arrive à échéance à la fin de l’année. Il a donc paru nécessaire à votre rapporteur pour avis d’en dresser un premier bilan, et de réfléchir aux principales orientations qui pourraient être retenues dans le troisième plan Santé au travail 2015-2019, dont la présentation devait intervenir au printemps prochain.

Convaincu de longue date que la santé au travail constitue un défi central pour l’avenir du marché du travail, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter l’intérêt politique trop ponctuel que suscite cette question, qui devrait au contraire être portée sur le long terme et par l’ensemble des formations politiques. Il encourage vivement ses collègues parlementaires à se saisir de cette problématique, à laquelle il a consacré plusieurs rapports.

Dans son avis budgétaire d’octobre 2009 (5), il avait ainsi procédé à l’évaluation du premier plan Santé au travail 2005-2009 et dégagé trois priorités d’action dans ce domaine : l’amélioration de la gouvernance du système de prévention des risques professionnels, le traitement des risques psychosociaux, et la réforme de la médecine du travail. À cet égard, il a pu constater avec satisfaction la prise en compte et la mise en œuvre progressive de ces préconisations, au cours du déploiement du deuxième plan Santé au travail. S’agissant en particulier des risques psychosociaux, le nombre d’accords signés par les entreprises de plus de 1 000 salariés a crû de 74 % sur la période 2010-2014, passant de 342 à 596.

Dans son avis budgétaire d’octobre 2013 (6), il avait ensuite produit une étude sur les addictions pendant le travail, mettant en lumière l’irresponsabilité collective qui entoure ce problème et insistant sur l’urgence d’en sortir. En effet, il s’agit d’un phénomène inquiétant, mais encore mal évalué, alors même qu’il cause des dommages sanitaires et sociaux très graves. Les employeurs supportent aujourd’hui une responsabilité civile et pénale très lourde, sans disposer de réels moyens d’action, et la mission de prévention incombant aux services de santé au travail résiste difficilement à l’épreuve des faits, notamment en raison du manque de médecins du travail. Votre rapporteur pour avis espère donc vivement que cette question sera incluse parmi les priorités du troisième plan Santé au travail à venir.

De nombreux chantiers restent, en effet, à mener. Malgré une diminution nette de la sinistralité depuis 2010, due en partie à la mise en œuvre du deuxième plan, le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles demeure trop élevé et représente des coûts importants pour les entreprises et la société. D’après la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale, en 2013, environ 626 900 accidents du travail et 51 500 maladies professionnelles ont donné lieu à un arrêt de travail, et 8,7 milliards d’euros de prestations nettes ont été versées.

Il convient donc de poursuivre les efforts engagés pour offrir à tous travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants et quelle que soit la taille de leur entreprise, un cadre de travail leur permettant de préserver leur santé et de garantir leur sécurité.

Le premier axe du plan a pour but de développer la recherche et la connaissance en santé au travail, dans des conditions de pérennité, de visibilité et de rigueur scientifique, et d’en assurer la diffusion opérationnelle jusqu’aux entreprises et leurs salariés. Il comporte trois objectifs.

L’objectif n° 1 vise à poursuivre la structuration et le développement de la recherche et de l’expertise en santé au travail, par un renforcement des actions de recherche en la matière, par une meilleure structuration et coordination des organismes, par une orientation des travaux sur des thématiques prioritaires comme les risques émergents, et par une augmentation des moyens humains et financiers.

L’objectif n° 2 vise à développer les outils de connaissance et de suivi, en améliorant la connaissance sur les expositions professionnelles, leur répartition et leur évolution, ainsi que sur les pathologies en lien avec le travail, puis en développant la veille sanitaire.

L’objectif n° 3 vise à agir sur la formation, grâce à l’introduction de la santé au travail dans tous les types de formation, à la structuration et au développement d’une filière professionnelle dans ce domaine, et au renforcement de la formation des services de prévention et de contrôle.

Le deuxième axe du plan a pour but de développer les actions de prévention des risques professionnels, et comporte trois objectifs.

L’objectif n° 4 vise à renforcer la prévention en direction de certains risques, secteurs et publics considérés comme prioritaires, à savoir : pour les risques, les risques chimiques, les troubles musculo-squelettiques, les risques psychosociaux, le risque routier professionnel et les risques émergents ; pour les secteurs, le secteur du bâtiment et du génie civil, le secteur agricole et forestier, le secteur des services à la personne ; et pour les publics, les seniors, les nouveaux embauchés, les saisonniers, les travailleurs indépendants et les trois fonctions publiques.

L’objectif n° 5 vise à intégrer les problématiques liées à la sous-traitance et à la coactivité dans la prévention des risques, au moyen d’une amélioration de la réglementation et du contrôle, puis l’objectif n° 6 vise à renforcer la surveillance des marchés des machines et des équipements de protection individuelle, en agissant sur la conception, la normalisation et le contrôle.

Le troisième axe du plan a pour but de renforcer l’accompagnement des entreprises dans leurs actions de prévention, en particulier les entreprises de moins de 50 salariés, souvent dépourvues de représentants du personnel. Il comporte quatre objectifs.

L’objectif n° 7 vise à sensibiliser les branches, les entreprises et les salariés, en améliorant la diffusion d’outils d’aide aux démarches de prévention des risques en entreprise, et en les informant sur les pratiques de prévention.

L’objectif n° 8 vise à accompagner les entreprises dans le diagnostic et la construction de plans d’action, en relançant la démarche d’évaluation des risques, en améliorant le rôle des institutions représentatives du personnel, et en développant des plans pluriannuels de prévention dans les branches.

L’objectif n° 9 vise à construire ou renforcer des logiques territoriales et professionnelles, en agissant sur le dialogue social, puis l’objectif n° 10 vise à s’appuyer sur la réforme des services de santé au travail pour rénover le pilotage de la santé au travail.

Le quatrième axe du plan a pour but de renforcer la coordination et la mobilisation des différents partenaires, tant au niveau national que régional, et de conforter la place des services de santé au travail dans la stratégie de prévention. Il comporte quatre objectifs.

L’objectif n° 11 a trait au pilotage du plan et vise à assurer un suivi pérenne de la mise en œuvre de l’ensemble des plans national et régionaux. L’objectif n° 12 vise à construire des partenariats nationaux et territoriaux, en renforçant la cohérence des actions menées aux différents échelons. L’objectif n° 13 vise à valoriser les acquis du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail (PMDIT), en consolidant l’action de l’inspection du travail. L’objectif n° 14 vise à élaborer, financer et mettre en œuvre des actions de communication et d’information autour du plan, pour une bonne visibilité de la politique de santé au travail.

Avant d’en évoquer les principaux apports, votre rapporteur pour avis tient tout d’abord à rappeler l’importance fondamentale du premier plan Santé au travail 2005-2009, qui a constitué une innovation majeure. Il a accompli un changement d’échelle dans la prise en compte de la santé au travail comme priorité de la politique du travail : il s’est, en effet, agi du premier plan d’action, d’envergure nationale, proposant une démarche globale et intégrée en la matière.

Trois grandes réussites doivent lui être attribuées, comme l’avaient affirmé les personnes auditionnées en 2009 par votre rapporteur pour avis : la création d’une agence publique indépendante, la sensibilisation du monde du travail à cette problématique, et la réforme des instances de pilotage et de contrôle de la santé au travail.

La première réussite du premier plan réside donc dans la création de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) en septembre 2005 (7), intégrée depuis juillet 2010 à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (8).

Dans le champ des risques professionnels, cette agence a pour mission d’évaluer les risques sanitaires liés au travail, tels que ceux liés à l’exposition des travailleurs à des substances susceptibles de comporter un danger pour l’homme. Elle fournit aux pouvoirs publics toute information sur ces risques, une expertise et une veille scientifique indépendante et pluridisciplinaire, ainsi que l’appui technique nécessaire à l’élaboration de mesures de gestion de ces risques, par la substitution de produits, et à l’édiction de la réglementation fixant les valeurs limites d’exposition professionnelle.

C’est pourquoi elle reçoit une subvention annuelle de fonctionnement de la part du ministère du travail, budgétée au sein de l’action n° 1 du programme n °111, dont votre rapporteur pour avis analyse attentivement l’évolution, chaque année, au moment de l’examen du projet de loi de finances. En 2015, le montant de cette subvention devrait s’élever à 8,82 millions d’euros.

Les efforts réussis de sensibilisation du monde du travail

La deuxième grande réussite du premier plan réside dans une véritable sensibilisation du monde du travail aux problématiques de santé au travail, ce plan ayant contribué à un véritable saut quantitatif et qualitatif en la matière. L’exemple du développement de l’information en ligne s’avère éclairant à ce sujet : de nombreux sites Internet sur les risques professionnels ont vu le jour, ou constaté une augmentation de leur fréquentation pendant la mise en œuvre du plan.

Ainsi, le ministère du travail a lancé, en janvier 2009, le site « travailler-mieux.gouv.fr », qui connaît un succès grandissant : en 2013, plus d’un million et demi de visiteurs ont consulté ce site, contre 792 000 en 2010.

Les agences compétentes en matière de santé au travail ont également augmenté le volume d’informations qu’elles mettent à disposition du grand public. L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a ainsi construit une véritable base de données en ligne sur son site, qui recevait, dès 2008, plus de 24 000 visites par jour, pour un total de 7,6 millions de visiteurs.

La réforme des instances de pilotage et de contrôle de la santé au travail

La troisième grande réussite du premier plan réside dans la réforme des instances de pilotage et de contrôle de la santé au travail. En effet, le premier plan a été conçu avant tout comme un plan institutionnel, visant à fédérer tous les acteurs de la santé au travail, grâce à l’amélioration de l’organisation et du pilotage du système de prévention des risques professionnels. Dans le domaine de la recherche, la création de l’AFSSET, devenue ANSES, a répondu à cette préoccupation. En ce qui concerne les structures opérationnelles, le premier plan a donné lieu à une profonde modification du paysage institutionnel national et local de la prévention.

Au niveau national, le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels a ainsi été remplacé, en novembre 2008 (9), par le Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT). Cette réforme a permis la création d’une instance consultative de concertation et de réflexion en matière de santé et de sécurité au travail, articulant l’action des différents acteurs du secteur, en particulier celle de l’État avec celle des partenaires sociaux.

Au niveau régional, le premier plan a débouché sur la création d’une instance consultative régionale de concertation, le Comité régional de prévention des risques professionnels (CRPRP), relayant et complétant la politique nationale impulsée par le COCT, et sur la mise en place de cellules régionales d’appui pluridisciplinaires, au sein des DIRECCTE, afin de renforcer l’effectivité du contrôle territorial du travail.

Le deuxième plan Santé au travail 2010-2014 s’inscrit donc résolument dans la continuité du premier plan, s’appuyant sur les réussites de ce dernier, tout en proposant d’aller plus loin dans la mise en œuvre d’une véritable stratégie de santé au travail.

Dans le domaine de la recherche, si le premier plan a permis d’introduire la santé au travail dans le dispositif de sécurité sanitaire, grâce à la création d’une agence publique indépendante, le deuxième plan porte des objectifs plus ambitieux et surtout plus opérationnels, comme la participation à des programmes de recherche européens et le développement de nouveaux outils scientifiques d’évaluation et de connaissance des risques professionnels.

S’agissant du déploiement d’une politique intégrée de santé au travail, le premier plan a conduit à une réforme profonde du paysage institutionnel, avec la mise en place du COCT et de nouvelles structures régionales. Le deuxième plan vise à capitaliser ces acquis, en particulier par la construction de partenariats nationaux et territoriaux et la valorisation de l’action de l’inspection du travail. Il tend également à compléter la rénovation opérée, en se prononçant en faveur d’une réforme de la médecine du travail, effectuée depuis lors et à laquelle votre rapporteur pour avis a contribué.

De manière plus générale, le premier plan est apparu comme un plan à visée surtout organisationnelle, pour bâtir les fondements d’un nouveau réseau, capable de promouvoir et soutenir une politique active de santé au travail. Le deuxième plan affiche des objectifs concrets, en proposant de mener des actions sur des risques, des secteurs d’activité et des publics clairement définis. Il marque donc une deuxième étape : après l’organisation, l’action.

De longue date, l’Union européenne considère la santé au travail comme un axe prioritaire d’action, au regard de ses conséquences économiques et sociales. Elle a donc construit un corpus normatif commun aux vingt-huit États membres sur cette question.

L’acquis communautaire repose principalement sur la directive cadre sur la santé et la sécurité des travailleurs du 12 juin 1989, qui fixe les principes directeurs en la matière, puis les nombreux textes techniques qui en ont dérivé. Par exemple, dans le domaine de la prévention des risques chimiques, le règlement européen REACH (enRegistrement, Évaluation et Autorisation des substances Chimiques), entré en vigueur en juin 2007, a assigné des objectifs exigeants aux industriels qui doivent contribuer au recensement, à l’analyse et au contrôle, d’ici 2018, de plus de 30 000 substances chimiques fabriquées, importées et mises sur le marché européen. À ce jour, plus de 7 800 substances ont déjà été enregistrées.

Par ailleurs, depuis 2002, l’Union européenne a complété cette approche juridique par l’adoption de stratégies communautaires pluriannuelles de santé et de sécurité au travail, et par le développement de réseaux de recherche, avec l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, située à Bilbao, et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, située à Dublin.

Cette nouvelle approche européenne a directement influencé la France, qui s’est saisie de cette nouvelle dynamique. Le premier plan Santé au travail s’est, en effet, directement inscrit dans le sillage de la stratégie européenne 2002-2006, rompant ainsi avec l’appréhension française traditionnelle de la matière, plutôt centrée sur la réglementation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et la question de l’aptitude médicale à exercer un emploi.

De la même façon, le deuxième plan Santé au travail décline la stratégie européenne 2007-2012, et symbolise la participation active de la France à cette politique communautaire.

Le deuxième plan reprend, en effet, une partie des objectifs fixés par l’Union européenne. Il s’agit notamment des objectifs de soutien aux entreprises dans la mise en œuvre d’actions de prévention, d’adaptation des outils à leur disposition, et de mise au point de méthodes pour l’identification et l’évaluation de nouveaux risques professionnels.

Au-delà de la France, l’application de cette stratégie a été couronnée d’un réel succès dans l’Union européenne : entre 2007 et 2012, vingt-sept États membres se sont ainsi dotés de stratégies nationales. D’après Eurostat, entre 2007 et 2011, a été observée, à l’échelle européenne, une réduction de 27,9 % du taux d’incidence des accidents engendrant un arrêt de travail de plus de trois jours.

Ces efforts doivent être poursuivis, pour offrir au plus grand nombre de salariés possible, des conditions de travail saines et sûres. Dans ce but, l’Union européenne a adopté cette année une nouvelle stratégie pour la période 2014-2020, qui vise à relever trois défis :

– faire en sorte que la législation soit mieux respectée dans les États membres, en augmentant la capacité des microentreprises et des petites entreprises à adopter des mesures de prévention des risques efficaces et efficientes ;

– améliorer la prévention des maladies liées au travail, en s’attaquant aux risques existants, nouveaux et émergents, en particulier grâce à la mise en œuvre du règlement REACH ;

– faire face à l’évolution démographique et au vieillissement de la main-d’œuvre, l’Union européenne comptant chaque année deux millions de personnes supplémentaires âgées de plus de soixante ans.

Pour votre rapporteur pour avis, il est essentiel que le troisième plan Santé au travail tienne compte de ces orientations, afin que les actions déployées par la France restent coordonnées avec celle de ses partenaires européens dans les années à venir.

 

2010

2011

2012

2013

Évolution 2013/2010
(en %)

Accidents du travail

658 847

669 914

640 891

618 263

-6,2

Effectifs salariés

18 299 717

18 492 444

18 296 201

18 314 269

+0,1

Nouvelles incapacités permanentes

41 176

40 986

40 136

39 078

-5,1

Accidents de trajet

98 429

100 018

90 092

93 363

-5,1

Source : Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS).

S’agissant des maladies professionnelles, l’inversion de tendance survenue en 2012 s’est poursuivie en 2013, avec une baisse de – 4,7% des nouvelles maladies d’origine professionnelle prises en charge. Si on exclut l’année 2010, première année de mise en œuvre du deuxième plan, et que l’on considère uniquement l’évolution entre 2011 et 2013, le nombre des maladies professionnelles baisse de – 6,5 % et le nombre de décès de – 24,6 %.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE MALADIES PROFESSIONNELLES

 

2010

2011

2012

2013

Évolution 2013/2010
(en %)

Évolution 2013/2011
(en %)

Nombre de maladies professionnelles

50 688

55 057

54 015

51 452

1,5

-6,5

Décès

533

570

523

430

-19,3

-24,6

Source : Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS).

La diminution de la sinistralité observée est clairement liée au déploiement du deuxième plan. À titre d’exemple, la réduction du nombre d’accidents de trajet s’explique notamment par les campagnes de sensibilisation et de contrôle menées en matière de risque routier professionnel, une priorité identifiée par le plan (action 14).

De même, la réduction du nombre de maladies professionnelles résulte principalement des évolutions constatées sur deux risques auxquels le plan consacre des actions spécifiques :

– les troubles musculo-squelettiques (action 12), qui représentent environ 85 % des maladies professionnelles en 2013, et dont le nombre de cas nouveaux a diminué de – 5,8 % entre 2011 et 2013 ;

– et l’amiante (action 11), risque pour lequel le nombre de maladies professionnelles a diminué de – 16,6 % entre 2011 et 2013.

Toutefois, la mise en œuvre du deuxième plan ne constitue pas le seul facteur explicatif de la diminution de la sinistralité : elle découle également de l’application d’autres politiques publiques depuis 2009.

Ainsi, l’inclusion d’un volet dédié à la réduction des expositions aux substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) en milieu de travail au sein du Plan national santé – environnement 2009-2013 (PNSE 2), a permis l’accomplissement d’un important travail en matière de substitution de ces produits. En effet, alors qu’en 2009, 86 fiches de substances CMR et 153 exemples de substitution étaient disponibles, en 2013, on dénombre 111 fiches et 370 exemples de substitution.

De même, l’intégration d’un objectif de développement de plans de prévention des troubles musculo-squelettiques au sein du Plan national d’actions coordonnées 2009-2012 de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS) a contribué aux bons résultats obtenus. En effet, alors qu’on ne comptait, en 2010, aucun plan, en 2012, plus de 850 établissements se sont engagés dans cette démarche.

Une augmentation sensible des travaux de recherche en santé au travail a ainsi été constatée, principalement grâce à l’action de l’ANSES.

En effet, l’agence a activement concouru au développement d’études dans ce domaine, à travers les appels à projets de recherche du programme national de recherche en environnement–santé–travail (PNREST) et les conventions de recherche et développement (CRD) qu’elle pilote. Depuis 2010, elle a financé 42 projets couvrant la santé au travail dans le cadre du PNREST et conclu des CRD sur les thématiques centrales que sont les nanomatériaux, l’amiante, les équipements de protection individuelle et la détermination de valeurs limites d’exposition.

L’ANSES a également contribué à améliorer la structuration des organismes de recherche, en procédant à une cartographie nationale des centres, des programmes et des équipes compétents en matière de santé au travail. Cette opération a débuté en septembre 2010 et débouché sur l’établissement, dès 2011, d’une première cartographie ciblant 61 équipes et centres labellisés. Puis cette cartographie a été affinée et complétée en 2012 par le recensement de 200 projets initiés ou en cours dans le domaine de la santé au travail, contre 100 identifiés l’année précédente.

Au final, contrairement aux craintes qu’avait pu susciter la création de l’ANSES quant à l’avenir de la recherche en santé au travail, le bilan apparaît positif au bout de quatre ans : aucune baisse ni rupture d’activité n’a été constatée et a même été institué un comité d’orientation thématique sur ce sujet auprès du conseil d’administration de l’Agence.

L’objectif n° 1 du deuxième plan, visant à poursuivre la structuration et le développement de la recherche et de l’expertise, semble donc globalement satisfait, puisque d’importants progrès ont été observés en matière de renforcement des actions de recherche (action 1), de structuration et coordination des équipes (action 2), et d’orientation des travaux sur des thématiques prioritaires (action 3). Par ailleurs, une réelle augmentation des moyens humains a été enregistrée (action 4), le nombre de personnels dédiés à la recherche en santé au travail atteignant 551 équivalents temps plein (ETP) en 2012, contre 288 en 2010 (10).

L’intégration de la santé au travail dans la formation initiale et continue

La diffusion d’une culture de santé au travail a également supposé l’intégration de cette thématique dans la formation initiale et continue des professionnels, afin de permettre une sensibilisation, puis une élévation du niveau de connaissances des salariés et de tous ceux qui conçoivent, organisent ou agissent sur le travail. L’objectif n° 3 du deuxième plan y est consacré.

S’agissant de la formation initiale, le nombre de titres professionnels incluant cette problématique a notoirement augmenté pendant la mise en œuvre du deuxième plan. Le pourcentage de diplômes comprenant l’enseignement de la santé sécurité au travail est ainsi passé de 60 % à 70 % de 2010 à 2013, du fait de l’extension de la prévention en santé environnement à tous les nouveaux baccalauréats professionnels en trois ans et aux nouveaux certificats d’aptitude professionnelle (CAP), qu’ils soient du secteur industriel, de la construction ou tertiaire. Au total, 640 diplômes de l’Éducation nationale comportent, en 2013, des contenus liés à la prévention des risques professionnels au sein de leurs référentiels pédagogiques.

Le nombre de jeunes formés annuellement à cette question a également crû : sur les 700 000 jeunes en formation en lycée professionnel ou en centre de formation d’apprentis (CFA), plus de 400 000 ont reçu un enseignement en santé au travail en 2013, contre 350 000 en 2010.

S’agissant de la formation continue, le réseau francophone des formateurs en santé et sécurité au travail (RFFST) a ouvert son site Internet en février 2011, conformément à l’action 8 du deuxième plan. Ce site contient de nombreux référentiels de formation et outils pédagogiques à destination des professionnels. Pour mémoire, ce réseau a été créé en 2009, suite au rapport de M. William Dab, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, qui préconisait d’améliorer la formation des ingénieurs et managers à la santé au travail.

En outre, dans le cadre de son contrat d’objectifs et de performance qui débute en 2014, l’ANACT s’est vue confier par le ministère du travail la conduite d’un projet baptisé « Faire école », qui constitue l’une de ses priorités et répond à l’action 9 du deuxième plan. Ce projet vise, en effet, à mobiliser l’enseignement supérieur et la formation continue, pour y développer et y valoriser une offre spécifique à destination des futurs managers, des dirigeants et des managers en poste pour qu’ils intègrent davantage la dimension de santé au travail dans leur gestion des ressources humaines.

L’État a, tout d’abord, conclu un contrat d’objectifs et de performance (COP) avec l’ANACT, couvrant la période 2014-2017. Le COP a fixé, pour ses deux premières années d’application, un programme d’activités centré sur trois priorités :

– favoriser et accompagner les expérimentations en matière de qualité de vie au travail, avec l’objectif de réaliser environ 150 actions ;

– renforcer la prévention des risques professionnels et encourager les politiques de promotion de la santé, en incitant les entreprises à mener des politiques proactives via la mise à disposition de méthodologies et de solutions opérationnelles ;

– prévenir la pénibilité pour favoriser un maintien durable en emploi, en promouvant les démarches de diagnostics et de prévention de l’exposition à des facteurs de pénibilité.

Il faut signaler que, dans le cadre de cette dernière priorité, l’ANACT, la CNAM-TS et la Caisse nationale de l’assurance vieillesse des salariés (CNAV) ont signé, en 2014, une convention de coopération, afin de développer un modèle commun d’intervention en entreprise, portant sur la prévention de l’usure professionnelle et de la pénibilité ainsi que sur le maintien durable dans l’emploi. Des démarches expérimentales seront menées dans plusieurs régions à ce titre. Si elles s’avèrent transposables, elles pourraient rapidement faire l’objet d’une offre de services dans le cadre de la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Au-delà de l’ANACT, l’État a également établi des partenariats avec d’autres opérateurs du secteur en concluant :

– un contrat d’objectifs et de performance (COP) avec l’ANSES, pour la période 2012-2015, qui inclut dans le programme de recherche de celle-ci des travaux sur les risques chimiques et les risques émergents ;

– une convention-cadre avec l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui édicte des règles de collaboration en matière de veille, de surveillance et d’alerte sanitaire dans le domaine de la santé des travailleurs ;

– une convention-cadre avec l’INRS, couvrant la période 2012-2016, pour la livraison de certaines prestations d’intérêt commun, qui prévoit l’élaboration d’un programme annuel de travail pour des missions d’appui relatives à la mise en œuvre de la réglementation, l’information et la sensibilisation, et la réalisation d’études spécifiques.

Le deuxième plan Santé au travail a également permis la consolidation de plusieurs réseaux de recherche, tels que le R 31 et le RNV3P.

Lancé en 2010, le R 31 est un réseau de 30 organismes très variés (structures de recherche, agences d’évaluation des risques, acteurs du système de santé), qui vise à renforcer la coopération entre ces établissements en matière d’évaluation des risques sanitaires, notamment dans le domaine du travail, et de veille et d’alerte des pouvoirs publics en cas de risques pour la santé publique. L’animation du R 31 se traduit par l’organisation d’ateliers pluridisciplinaires, qui permettent d’approfondir des sujets spécifiques, tels que les nanomatériaux ou l’exposition aux pesticides, avec la forte valeur ajoutée de la diversité des acteurs présents.

Le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) regroupe, depuis 2001, les 32 centres de consultation de pathologie professionnelle situés en France métropolitaine et un échantillon de 10 services de santé au travail. Ce réseau a pour mission de rassembler les données des consultations médicales, au sein d’une base pérenne de données nationales sur les expositions et les maladies professionnelles. Il constitue donc à la fois un réseau de compétence en santé au travail et une base de données sanitaires, où sont d’ores et déjà enregistrées plus de 230 000 consultations concernant 130 000 patients.

Les activités et les travaux scientifiques du réseau sont coordonnés et réalisés par l’ANSES, la CNAM-TS, l’INRS, l’InVS et la Société française de médecine du travail. Depuis 2010, le réseau a en particulier procédé à la rénovation de son système d’information connecté, afin d’autoriser des personnes extérieures à effectuer des exploitations ponctuelles sur requête. Il s’agit de mieux répondre à deux catégories de demandes : la recherche de cas similaires à des cas déjà enregistrés sur le réseau et l’obtention de données quantitatives sur une thématique définie.

La consolidation des deux réseaux de recherche évoqués satisfait donc non seulement l’objectif 12 du deuxième plan, incitant à bâtir des partenariats, mais également l’objectif 2, en améliorant la connaissance sur les expositions professionnelles, leur répartition et leur évolution (action 5) ainsi que sur les pathologies en lien avec le travail (action 6), et en développant la veille sanitaire (action 7).

Il faut rappeler ici que les plans régionaux ont été élaborés selon les directives précises fixées par la circulaire du 30 juillet 2010 (11). Cette circulaire invite l’État en région à décliner certaines priorités nationales, puis à identifier des priorités locales.

Sept priorités nationales inscrites dans le deuxième plan doivent ainsi figurer dans tout plan régional. Il s’agit de :

– la formation, et en particulier le renforcement de celle délivrée aux services de prévention et de contrôle et aux représentants du personnel (action 10) ;

– la prévention de certains risques prioritaires, à savoir le risque chimique (action 11), les troubles musculo-squelettiques (action 12), les risques psycho-sociaux (action 13), le risque routier professionnel (action 14), ainsi que le développement d’actions en faveur des seniors (action 19) ;

– et, enfin, le renforcement des services de santé au travail comme acteurs de la prévention (action 32).

Des priorités locales doivent ensuite être identifiées à partir d’un diagnostic territorial et en concertation avec les acteurs régionaux de la santé au travail. La circulaire insiste sur l’importance de cette démarche partenariale qui présente deux avantages : celui de renforcer la complémentarité entre la santé publique et la prévention des risques professionnels, et celui d’associer l’ensemble des partenaires sociaux et des branches professionnelles concernées.

D’après les informations transmises par le Gouvernement, ces modalités d’élaboration ont été respectées et toutes les régions se sont dotées d’un plan entre janvier 2011 et mars 2013.

Des architectures et priorités très diverses

Les plans régionaux dénotent une forte diversité, tant au niveau de leur architecture que des priorités retenues. Ils représentent, au total, 728 actions déployées sur tout le territoire, la plupart demeurant dans le cadre fixé par le plan national. Le nombre d’actions mises en œuvre s’avère, toutefois, au final, très variable d’une région à l’autre, de 6 à 68, la moyenne étant située autour de 29.

En termes d’architecture, certains plans régionaux ont, en effet, pris le parti d’approches spécifiques. Par exemple, le plan de la région Alsace repose sur une approche systémique et non pas thématique des risques professionnels. Cette approche procède au constat des initiatives de prévention développées localement par les branches, et articule les risques à supprimer ou à réduire avec des problématiques identifiées comme liées. Le guide « Le bon usage de mon équipement de travail », réalisé dans le cadre du plan régional, illustre cette approche, puisqu’il aborde non seulement la prévention sur les machines, mais aussi des préoccupations organisationnelles, financières et de développement durable.

Le plan de la région Lorraine a également retenu une approche transversale de la prévention de la santé au travail, que traduit l’élaboration d’un tableau des risques majeurs, opérant une veille articulée sur une série d’expositions professionnelles spécifiques (troubles musculo-squelettiques, risques psycho-sociaux, cancers professionnels et risque routier professionnel).

En termes de priorités, les plans régionaux ont, en général, adapté le degré d’importance accordée à certains risques en fonction des réalités locales, pour cibler ceux qui causent une sinistralité ou une surmortalité particulières sur leur territoire. Les acteurs mobilisés sont donc très différents d’une région à l’autre. Par exemple, la Haute-Normandie a mis au point une action forte visant les troubles musculo-squelettiques, avec les branches où les salariés sont les plus touchés.

Les services de santé au travail se trouvent actuellement, en effet, dans une situation critique à plusieurs égards, ce qui pose, par voie de conséquence, de réels problèmes aux employeurs.

Tout d’abord, la baisse sévère des effectifs de médecins du travail se poursuit : on en recensait 5 047 en 2013, contre plus de 7 300 en 2004. En dix ans, ce sont donc plus de 2 000 médecins du travail qui ont cessé d’exercer. Cette tendance devrait s’accentuer dans les prochaines années à cause des nombreux départs en retraite attendus : en 2013, 36 % des médecins du travail ont plus de 60 ans, 64 % ont plus de 55 ans, et seuls 8 % ont moins de 40 ans. Or, dans le même temps, le nombre de places ouvertes pour la spécialité de médecine du travail n’a pas été particulièrement augmenté : il apparaît donc urgent de prendre des mesures de nature à compenser les effets négatifs de la structure démographique de cette profession.

Du fait de cette baisse continue des effectifs, les médecins du travail assument le suivi d’un nombre croissant de salariés : en 2012, ils suivaient en moyenne 3 425 salariés dans les services interentreprises (SSTI), contre 2 980 en 2009, et 1 488 salariés dans les services autonomes (SSTA), contre 1 430 en 2009. Il faut rappeler, en outre, que ces données ne traduisent pas les fortes disparités existant entre les régions. Dans certains territoires, les employeurs éprouvent des difficultés considérables à remplir leurs obligations vis-à-vis de leurs salariés, alors même que certaines prescriptions légales sont pénalement sanctionnées.

Votre rapporteur pour avis tient vivement à alerter le Gouvernement sur cette situation très grave : certains employeurs se retrouvent face à des formalités obligatoires en pratique impossibles à satisfaire, faute de médecin du travail, et encourent, par conséquent, de fortes sanctions judiciaires malgré leur volonté de respecter la loi.

Le tableau ci-dessous rend compte de l’évolution très critique du nombre de médecins du travail et du nombre de salariés suivis par médecin.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE MÉDECINS DU TRAVAIL
ET DU NOMBRE DE SALARIÉS SUIVIS PAR MÉDECIN

 

2009

2010

2011

2012

2013

Nombre de médecins du travail (ETP)

6 874

6 435

6 153

5 547

5 047

Nombre de salariés suivis par médecin du travail (ETP) dans les SSTI

2 980

2 978

3 285

3 425

Nombre de salariés suivis par médecin du travail (ETP) dans les SSTA

1 430

1 658

1 412

1 488

Source : Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

La réforme de la médecine du travail, opérée par la loi du 20 juillet 2011, a cependant permis d’élargir les catégories de personnels pouvant être recrutés par les SSTI, qui en ont tiré parti. Ainsi, 25 % des SSTI ont embauché un collaborateur médecin, 75 % des infirmiers, 65 % des assistants de service de santé au travail, et 90 % des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP).

Toutefois, si ces recrutements ont enrichi l’éventail des compétences et des services offerts par les SSTI, de nombreuses missions relèvent de la seule responsabilité et prérogative du médecin du travail. Le problème de la démographie de cette profession ne se trouve donc pas vraiment résolu.

Par ailleurs, les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ont toutes regretté l’absence d’un interlocuteur identifié et reconnu des services de santé au travail dans leurs échanges avec les pouvoirs publics. Il existe actuellement plusieurs interlocuteurs, mais aucun ne bénéficie d’une représentativité complètement assise aux yeux des autres. Cette absence d’interlocuteur représentatif pèse de surcroît sur l’organisation régionale des services, qui mériterait une formalisation accrue pour améliorer la coordination des actions conduites sur le territoire.

Une autre action importante du deuxième plan Santé au travail n’a pas été pleinement réalisée selon votre rapporteur pour avis. Il s’agit de l’action 23, qui cible les trois fonctions publiques parmi les publics prioritaires à atteindre par le plan. Pourtant, votre rapporteur pour avis estime que l’amélioration des conditions de travail dans ces secteurs constitue un enjeu essentiel de la rénovation de la politique des ressources humaines et des relations sociales.

L’action 23 préconise, tout d’abord, d’effectuer un suivi statistique des accidents du travail et des maladies professionnelles dans la fonction publique, afin de disposer de données comparatives avec le secteur privé. En effet, le système de recueil de données statistiques reste aujourd’hui défaillant : les derniers chiffres disponibles pour la fonction publique d’État datent par exemple de 2006. D’après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, la collecte de données serait désormais annuelle, ce dont il se réjouit.

L’action 23 préconise, ensuite, d’assurer la mise en œuvre concrète de l’accord du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Depuis le lancement du deuxième plan, plusieurs mesures importantes ont été accomplies à ce titre :

– concernant les acteurs opérationnels de santé au travail, a été créée une instance spécialisée d’observation – la FS 4, ont été étendues aux conditions de travail les compétences des anciens comités d’hygiène et de sécurité, devenus désormais des CHSCT, et a été rénové le réseau des agents chargés de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité (ACMO) ;

– concernant les risques professionnels, a été rappelée par circulaire l’obligation des employeurs d’établir un document unique d’évaluation des risques (DUERP), et a été élargi à la fonction publique le champ de l’enquête SUMER ;

– concernant l’accompagnement des agents ayant subi une atteinte à leur santé, a été dressé un état des lieux de l’activité des comités médicaux et des commissions de réforme, puis élaboré un guide de bonnes pratiques de fonctionnement.

Toutefois, demeure une importante zone d’ombre en la matière, sur laquelle votre rapporteur pour avis souhaite attirer l’attention du Gouvernement : il s’agit de la situation des contractuels de droit privé travaillant dans les collectivités publiques. Aujourd’hui, les employeurs, notamment dans les collectivités territoriales, appliquent à ces derniers de facto les règles de santé au travail protégeant les agents publics, sans qu’il n’existe de cadre juridique validant cette pratique. Si des contentieux venaient à naître, les employeurs pourraient encourir de fortes sanctions : ce problème doit donc être impérativement résolu.

Au final, le deuxième plan Santé au travail a permis de mettre en place les bases d’une politique de prévention dans la fonction publique, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite, mais qui doit à présent être bâtie et déployée de manière solide et durable. À cet égard, votre rapporteur pour avis sera vigilant quant aux suites concrètes données à l’accord cadre du 22 octobre 2013 sur la prévention des risques psychosociaux, et à la poursuite des négociations actuelles sur la qualité de vie au travail. Il estime également que d’autres chantiers doivent être rapidement ouverts, tels que ceux de la pénibilité et de l’avenir de la médecine de prévention.

Le troisième plan Santé au travail doit être résolument efficace et, pour cela, tirer les leçons de la mise en œuvre du deuxième plan. Votre rapporteur pour avis estime que le nouveau plan doit conduire à poursuivre la réforme institutionnelle initiée ces dernières années et comporter des actions mieux ciblées et surtout mieux suivies.

En termes de calendrier, d’après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, les travaux de conception du troisième plan ont été lancés en juin dernier. D’ici à la fin de l’automne 2014, les grandes orientations du plan seront élaborées dans le cadre du COCT, en lien avec les partenaires sociaux et l’ensemble des acteurs intéressés. Puis, jusqu’en mars 2015 au plus tard, la rédaction du plan sera réalisée sous l’égide du ministère du travail.

Si, depuis sa création en 2008, le Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) a gagné sa place dans le paysage institutionnel de la santé au travail, ses moyens financiers et humains demeurent très limités par rapport aux responsabilités qui lui incombent.

Son budget annuel s’élève ainsi à 100 000 euros et son animation est assurée par un vice-président et un secrétaire général, un agent de la direction générale du travail étant mis à sa disposition en tant que de besoin. En outre, certains intervenants ont pu critiquer un fonctionnement encore trop discontinu et une composition trop hétérogène du comité permanent du COCT, pour permettre aux partenaires sociaux de participer pleinement à la construction de la stratégie publique de santé au travail.

Pour répondre à ces difficultés, un groupe de travail a été mis en place au sein du Conseil, en octobre 2013, et mandaté pour réfléchir à la gouvernance de la politique de santé au travail, en vue de présenter des propositions pour améliorer le pilotage et la coordination des acteurs de la prévention.

Plusieurs pistes de réforme ont été évoquées afin de conforter le COCT en tant que lieu de concertation pour la définition de la politique nationale en santé au travail. La structuration du Conseil pourrait ainsi être complétée par la création d’un groupe permanent tripartite (État – partenaires sociaux – sécurité sociale) et de composition restreinte, pour en garantir l’efficacité. Ce groupe assumerait le rôle de force de proposition et d’instance de suivi régulier des politiques déployées. Pour accroître la cohérence de fonctionnement global du Conseil, les procédures de travail et les procédures délibératives, ainsi que les relations entre les différentes commissions internes, pourraient aussi être harmonisées.

Votre rapporteur pour avis considère que ces premières pistes de réforme sont tout à fait pertinentes, et espère qu’elles seront intégrées au troisième plan, afin qu’elles soient rapidement mises en œuvre.

De manière plus générale, votre rapporteur pour avis estime que le troisième plan doit toucher directement les salariés et produire des avancées concrètes dans les entreprises. À cette fin, une autre réforme institutionnelle lui paraît indispensable : celle du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Sur la période de mise en œuvre du deuxième plan et conformément à son action 29, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer le rôle et le fonctionnement de cette institution représentative du personnel.

La procédure d’agrément des experts du CHSCT a, tout d’abord, été rénovée : la durée de l’agrément a été portée de 3 à 5 ans, les renseignements exigés ont été affinés, les obligations en cas de sous-traitance d’une partie de l’expertise ont été renforcées, et un dispositif de contrôle continu a été instauré. Il faut rappeler, ensuite, que la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a ouvert la nouvelle possibilité de créer des instances temporaires de coordination des CHSCT en cas de pluralité d’établissements.

Ces mesures présentent cependant un périmètre assez limité, surtout au regard des problèmes rencontrés sur le terrain. Dans son rapport de février 2014 dédié aux CHSCT (12), Pierre-Yves Verkindt juge, en effet, que cette institution se trouve confrontée à une véritable « crise de croissance » et formule par conséquent 33 propositions pour y remédier.

Ces propositions alimentent aujourd’hui la négociation nationale interprofessionnelle sur la modernisation du dialogue social, qui vise à conforter, simplifier et clarifier les missions respectives des institutions représentatives du personnel, tout en veillant à l’articulation de leurs interventions, et à traiter de la question de la représentation des salariés dans les petites entreprises.

Selon votre rapporteur pour avis, le troisième plan Santé au travail doit impérativement permettre et accompagner la réforme des CHSCT. Il doit, en particulier, conduire à élever le niveau de formation des élus, une condition préalable au traitement efficace des difficultés constatées en entreprise.

Nota : le schéma ne présente que les organismes de prévention des risques professionnels à vocation générale, l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, par exemple, n’y figure pas.

Source : Avis n° 1946 – tome VI, sur le projet de loi de finances pour 2010, du 14 octobre 2009, de M. Francis Vercamer au nom de la Commission des affaires sociales.

Alors que ces conventions et contrats vont donc prendre fin en 2017 et 2018, le troisième plan Santé au travail serait adopté, quant à lui, pour la période 2015-2019. Ce décalage de temporalité paraît hautement préjudiciable à votre rapporteur pour avis. En effet, cette situation conduit à ce que le plan Santé au travail s’adapte aux documents d’orientation déjà conclus par les organismes, alors le contraire devrait prévaloir : le plan devrait constituer une matrice que chacune des conventions décline en fonction des spécificités de l’institution concernée.

Pour résoudre ce problème, votre rapporteur pour avis suggère que soit retenue une périodicité plus courte pour le troisième plan Santé au travail, qui pourrait couvrir les années 2015 et 2016, avant que ne soit adopté, en 2017, un quatrième plan. Cette solution aurait l’avantage de synchroniser l’action de l’ensemble des organismes, et d’affirmer clairement le rôle central du plan dans la fixation des priorités de la politique de santé au travail.

Valoriser le rôle des comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP)

Au niveau régional, la convergence des acteurs doit être également renforcée, au vu de leur grand nombre. Votre rapporteur pour avis croit profondément que la réussite de la politique de santé au travail passe par le développement d’une approche territoriale qui soit articulée avec les démarches mises en œuvre par les branches.

À cet égard, le rôle des comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP) pourrait être valorisé. Créés en 2007, ces comités réunissent les différents acteurs régionaux de la prévention : les services déconcentrés de l’État, les partenaires sociaux, les organismes régionaux d’expertise, et des personnalités qualifiées. Placés auprès des préfets de région, ils constituent le miroir régional du COCT.

Les comités ont pour mission d’élaborer et d’actualiser les diagnostics territoriaux en matière de conditions de travail et de prévention des risques professionnels, de rendre un avis sur le plan régional de santé au travail, et de formuler des recommandations. Ils sont, de plus, informés chaque année des résultats de la politique d’agrément des services de santé au travail.

Toutefois, l’activité des comités apparaît inégale selon les régions. Certains ne présentent pas un fonctionnement suffisamment régulier pour conduire à une implication réelle des acteurs dans cette fonction de coordination. La liaison entre les travaux des comités et ceux des autres structures régionales ne se trouve pas non plus toujours assurée de manière satisfaisante.

Votre rapporteur pour avis estime que cette situation doit être corrigée, pour conférer un rôle plus actif aux comités, qui devraient faire office de plateforme centrale et contribuer à garantir la cohérence de la politique de santé au travail sur le territoire régional. Il considère également que devrait être rénové le rôle des Observatoires régionaux de santé au travail (ORST), dont l’action doit intervenir en complément de celle des comités régionaux et non pas la doublonner.

Créés par les partenaires sociaux suite à l’accord national interprofessionnel du 13 septembre 2000 sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, les ORST ont pour objet d’améliorer la coordination entre les différents acteurs et le pilotage de la santé au travail.

Juridiquement, il s’agit d’associations dotées de la personnalité morale, sur lesquelles le ministère du travail n’exerce aucune tutelle et auxquelles la CNAM-TS accorde des crédits pour financer la réalisation d’études. En pratique, l’activité des observatoires varie fortement d’une région à l’autre, de même que les données disponibles à leur sujet, et ils constituent surtout des lieux d’échanges et de rencontres entre les différents organismes de prévention.

Votre rapporteur pour avis pense qu’une réflexion devrait être engagée sur ces observatoires, pour en redéfinir les missions et la composition et leur permettre d’assurer un véritable rôle de force de proposition et de concertation paritaire.

La principale critique formulée au cours des auditions à l’encontre du deuxième plan réside, en effet, dans son trop grand nombre de priorités, déclinées en trente-six actions, qui entraîne un effet « catalogue ».

Votre rapporteur pour avis estime que le troisième plan devrait comporter un nombre plus réduit d’actions, afin de garantir leur mise en œuvre efficace. Celles-ci devraient bien entendu être choisies en cohérence avec les conventions et contrats de programmation des différents opérateurs de santé au travail.

Sur le fond, d’après les premières informations transmises à votre rapporteur pour avis, est envisagée l’inscription dans le troisième plan des priorités suivantes :

– des actions ciblées sur quelques risques professionnels majeurs, en particulier l’amiante et la prévention des chutes de hauteur ;

– l’accompagnement de la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité, issu de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, dans une logique de prévention de l’usure professionnelle ;

– le maintien en emploi des seniors, axe stratégique pointé lors de la Grande conférence sociale de juillet 2014 ;

– et l’accompagnement des démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail, dans le prolongement de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013.

Au cours des auditions, le pilotage et surtout le suivi des actions sont apparus comme le second motif d’insatisfaction vis-à-vis du deuxième plan Santé au travail, malgré le fait que le dispositif de gouvernance retenu avait tenu compte de l’évaluation du premier plan et des recommandations établies à cet égard.

Au niveau national, a été mis en place un comité de pilotage, comprenant tous les organismes responsables de la mise en œuvre du deuxième plan, et devant se réunir au moins une fois par an en formation plénière. Ce comité a pour mission d’assurer le suivi des mesures à partir d’indicateurs prédéfinis et des éléments budgétaires communiqués au fur et à mesure, et de proposer, le cas échéant, une adaptation des priorités en fonction du contexte.

En soutien du comité de pilotage, un groupe de travail technique a été chargé d’établir l’état d’avancement du plan. Y participent des représentants des pilotes de chaque objectif, qui rendent compte des conditions de mise en œuvre des actions qui leur incombent.

Au niveau régional, les DIRECCTE ont assuré, en pratique, les fonctions de pilotage et de suivi de tous les plans régionaux, en liaison plus ou moins étroite selon les territoires avec les comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP). Par ailleurs, un réseau national de référents régionaux est animé par le ministère du travail, afin d’apporter un soutien méthodologique, de veiller à la cohérence des plans régionaux, et de favoriser la remontée d’informations relatives à la mise en œuvre de ces plans. Il a été réuni en moyenne deux fois par an.

Aux yeux de votre rapporteur pour avis, les modalités de pilotage et de suivi du plan revêtent une importance fondamentale, car elles permettent une juste évaluation des progrès accomplis et des domaines sur lesquels des efforts restent à faire. Cette question doit impérativement être revue et tranchée avant le lancement du troisième plan, pour que son pilotage et son suivi soient les plus efficaces possibles.

En particulier, votre rapporteur pour avis préconise une plus grande visibilité des financements associés à chacune des actions du plan, sur lesquels trop peu d’informations sont aujourd’hui disponibles. Le suivi du plan doit comporter un volet détaillant les budgets consacrés à chacun des axes, objectifs et actions du plan.

Selon votre rapporteur pour avis, le troisième plan Santé au travail devrait, enfin, être résolument tourné vers les branches et les entreprises, qui sont les relais les plus directs de cette politique auprès des salariés.

S’agissant des branches, le deuxième plan a permis de développer des plans de prévention des risques professionnels dans certains secteurs d’activité, conformément à son action 30. Ont ainsi été signées, entre 2010 et 2012, des conventions avec la branche des travaux publics sur l’exposition aux rayonnements UV, avec la filière bois sur la question spécifique des poussières, avec les branches de la chimie et de la métallurgie sur les risques CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques), avec la branche des professions de l’automobile sur les risques chimiques dans la réparation des véhicules. En outre, entre 2012 et 2013, ont été conclus sept accords de branche portant sur la prévention des risques psychosociaux.

Cette action en direction des branches doit impérativement être poursuivie et approfondie dans le troisième plan, car les organisations professionnelles constituent des vecteurs d’information et de sensibilisation privilégiés de leurs adhérents et en particulier des petites et moyennes entreprises.

S’agissant des entreprises, votre rapporteur pour avis invite vivement l’ensemble des acteurs appelés à participer à l’élaboration du troisième plan à se saisir du problème de l’utilisation des machines dites dangereuses par les apprentis. Il s’agit d’un problème récurrent qui peut parfois conduire des employeurs à écarter le recours à l’apprentissage, alors même que cette voie professionnelle présente d’excellents résultats en termes d’insertion des jeunes dans l’emploi. Ce problème dure depuis trop longtemps : le troisième plan Santé au travail doit trouver la solution pour y remédier.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, le mardi 28 octobre 2014, de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (13), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2015 de la mission « Travail et emploi » sur les rapports de Mme Monique Iborra (Emploi), de M. Francis Vercamer (Travail), et de M. Bernard Perrut (Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »).

Mme la vice-présidente Martine Carrillon-Couvreur. Nous sommes saisis de dix amendements, dont une série d’amendements identiques ou ayant le même objet sur les maisons de l’emploi et pour lesquels le débat me semble avoir déjà largement eu lieu.

La Commission est saisie de l’amendement II-AS 19 de la rapporteure pour avis, Mme Monique Iborra, et des commissaires socialistes.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je présente très rapidement cet amendement, qui est identique à l’amendement que vient d’adopter la commission des Finances et auquel le Gouvernement, par la voix de son ministre du Travail, M. François Rebsamen, a affiché son soutien lors de la commission élargie qui vient de se terminer. Cet amendement propose donc de majorer l’enveloppe prévue pour 2015 au titre des contrats aidés…

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Cette majoration concerne-t-elle les contrats du secteur marchand ou du secteur non-marchand ?

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. … dans le secteur non marchand, en l’occurrence des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et des emplois d’avenir, pour répondre à notre collègue Francis Vercamer, puisqu’il ne vous a pas échappé que le budget 2015 repose sur un doublement de l’enveloppe des contrats aidés du secteur marchand, alors que les contrats du secteur non marchand s’inscrivent en baisse.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Je ne suis pas opposé à l’augmentation de l’enveloppe des contrats aidés, dans un contexte économique difficile où il peut paraître justifié de faire un traitement social du chômage. Toutefois, je ne suis pas persuadé de la pertinence de l’augmentation de l’enveloppe des contrats dans le secteur non marchand, dès lors que la conclusion d’un contrat aidé dans le non-marchand, qui concerne donc essentiellement le secteur associatif et les collectivités territoriales, requiert un cofinancement, et que les associations comme les collectivités sont soumises à des difficultés financières importantes.

M. Christophe Cavard. Je suis plutôt favorable à une augmentation de l’enveloppe des contrats aidés dans le secteur non-marchand, d’autant que, contrairement à ce que pense M. Vercamer, le taux de prise en charge dans le cas d’un CAE est très élevé, et que le reste à charge pour les employeurs est donc très limité, et en tout cas, ne constitue pas à mon sens un frein à l’embauche sous cette forme de contrat aidé. Il me semble en revanche que la vraie question est celle de la formation, car contrairement aux emplois d’avenir, les contrats aidés ne sont pas assortis d’une formation, sauf lorsque la collectivité fait le choix de financer une telle formation, ce qui reste rare. Or, il est essentiel que les publics qui soient orientés vers des contrats aidés puissent, à la sortie, bénéficier d’une véritable plus-value : c’est pourquoi l’obligation de formation dans le cadre des contrats aidés est un débat que nous devons avoir. Mais je soutiendrai néanmoins cet amendement.

Mme Isabelle Le Callenec. Il ne me semble pas que sur le terrain, il y ait une demande plus forte de contractualiser sur des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) ou sur des emplois d’avenir, car, – et je rejoins notre collègue Vercamer sur ce point -, ces contrats nécessitent un abondement. Je me réjouis en revanche de l’augmentation prévue dans le budget 2015, des contrats initiative-emploi (CIE), car il existe en effet une demande des entreprises en ce sens. Ensuite, les 200 millions d’euros qui doivent abonder l’enveloppe des contrats aidés d’après cet amendement, proviennent-ils de la minoration des crédits du contrat de génération ou non ?

M. Arnaud Richard. Je constate que le groupe socialiste se substitue au Gouvernement pour pallier son manque de volontarisme sur les contrats aidés. Je comprends que l’on puisse regretter une forme de politique de stop and go en la matière, mais il me semble que traditionnellement, sur les contrats aidés, on opère un suivi très fin des enveloppes, avec des ouvertures au fil de l’eau, en cours d’année, quand cela est nécessaire. Au vu des montants très importants mis en jeu dans cet amendement, je m’abstiendrai, comme mon collègue Francis Vercamer.

M. Jean-Patrick Gille. Vous regrettez la légère diminution du budget de l’emploi pour 2015, mais cet amendement permettrait justement d’opérer un rattrapage en volume : en effet, le projet de loi de finances initiale repose sur une prévision de diminution des CAE de 70 000 contrats ; autrement dit, cet amendement permettrait de juguler la baisse, pour la limiter à 35 000 contrats. S’agissant des emplois d’avenir, 150 000 contrats ont été signés, et le « stock » s’établit à environ 100 000 : l’enveloppe de 50 000 emplois d’avenir supplémentaires pour 2015 apparaît légèrement insuffisante pour parvenir à l’objectif d’un « stock » équivalent à 150 000 contrats, et c’est pourquoi cet amendement prévoit 15 000 emplois d’avenir supplémentaires. L’évaluation est certes difficile à opérer, car la durée moyenne des contrats est d’un peu plus de deux ans, avec des contrats de trois ans, mais aussi des contrats d’un an, comme dans les collectivités publiques, où il n’est pas possible de procéder autrement. Il s’agit précisément avec cet amendement de ne pas avoir d’effet de stop and go, et de maintenir un niveau stable de contrats aidés. Je souligne enfin que dans cette enveloppe, 15 millions d’euros iraient à l’accompagnement des missions locales pour assurer la prescription et le suivi des jeunes en emploi d’avenir.

M. Gérard Cherpion. Au vu de la situation très tendue des finances publiques, et du coût déjà très important des emplois d’avenir, il me semble qu’il conviendrait d’en rester là concernant l’enveloppe des contrats aidés, d’autant que les résultats de cette politique ne sont pas au rendez-vous, puisque l’on constate depuis début septembre une légère reprise du chômage des jeunes.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Si nous n’avions rien proposé, vous auriez été les premiers à nous le reprocher au vu du contexte économique actuel ! Certes, nous souhaiterions ne pas avoir besoin de majorer l’enveloppe des emplois aidés, mais en attendant la confirmation de la reprise économique, il nous semble qu’il s’agit d’un palliatif nécessaire.

La Commission adopte l’amendement II-AS 19.

Puis elle examine l’amendement II-AS 21 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Il s’agit de majorer les crédits d’accompagnement des missions locales. Comme je l’ai dit, les emplois d’avenir constituent un dispositif inédit, qui a conduit les missions locales à prospecter auprès des employeurs, négocier les termes du contrat en emploi d’avenir, mettre en place le plan de formation, opérer un suivi du jeune en emploi, puis préparer sa sortie. À cet effet, 15 millions d’euros sont prévus en 2015 pour 50 000 emplois d’avenir supplémentaires, mais on oublie que ce faisant, les missions locales continuent de devoir suivre les 100 000 jeunes qui sont toujours en emploi. C’est pourquoi mon amendement proposait de majorer de 30 millions d’euros les crédits d’accompagnement des missions locales à ce titre, pour retrouver le niveau qui était celui de 2014. En effet, il s’agit d’éviter un effet de rupture pour ces structures, qui se sont fortement investies dans le dispositif et ont souvent dû procéder à des embauches pour assurer le suivi des jeunes ; en outre, le coût pour les missions locales est aussi constitué de frais de déplacement, car le suivi en emploi suppose un déplacement du conseiller sur le site de travail du jeune. Dans la mesure où nous avons adopté l’amendement II-AS 19, qui majore de 15 millions d’euros les crédits d’accompagnement des missions locales, je suis prêt à retirer cet amendement.

M. Arnaud Richard. Je remercie Jean-Patrick Gille d’avoir soulevé ce problème, car on peut en effet s’étonner que le Gouvernement ait fixé le montant des crédits initiaux aux missions locales au titre des emplois d’avenir à seulement 15 millions d’euros.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je remercie notre collègue Jean-Patrick Gille d’accepter de retirer son amendement et de se rallier à l’amendement II-AS 19 que nous avons adopté et qui flèche bien 15 millions d’euros supplémentaires pour renforcer les missions locales dans leur rôle de suivi des emplois d’avenir.

L’amendement II-AS 21 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements identiques II-AS 15 de M. Francis Vercamer et II-AS 2 de Mme Isabelle Le Callenec.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de majorer de 15 millions d’euros la dotation aux maisons de l’emploi. Je suis en effet un défenseur des maisons de l’emploi, qui me semblent être le bon moyen d’associer les élus locaux à la problématique de l’emploi local. Ces structures permettent en effet de rassembler l’ensemble des acteurs de l’emploi au service du développement économique et du développement de l’emploi, en lien avec les collectivités locales, en matière d’implantation des entreprises, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), mais aussi en lien avec les structures de la formation professionnelle et de l’accompagnement des salariés. Il est essentiel que les maisons de l’emploi disposent des moyens suffisants pour vivre : quand le Ministre déclare que la dotation des maisons de l’emploi est maintenue par rapport à 2014, il oublie que nous avions voté un amendement qui les renforçait à hauteur de 10 millions d’euros, et que jusqu’alors, les maisons de l’emploi pouvaient également bénéficier du Fonds social européen (FSE) par le biais des contrats de plan État-régions, ce qui ne sera plus le cas désormais. Je présente également un amendement de repli à hauteur de 10 millions d’euros. Mais l’idée qui consiste à tuer à petit feu les maisons de l’emploi me semble mauvaise : si l’État ne veut plus soutenir ces structures, il doit le dire clairement pour que les élus locaux puissent prendre, le cas échéant, leurs responsabilités.

Mme Isabelle Le Callenec. Je ne pense pas que le Ministre souhaite un total désengagement de l’État des maisons de l’emploi ; néanmoins, il y a eu des victimes déjà cette année, car de nombreuses maisons de l’emploi ont dû procéder à des licenciements et on a dénombré une quinzaine de fermetures de structures. Or, les travaux de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) montrent que certaines maisons de l’emploi rendent un réel service et apportent une réelle valeur ajoutée sur le territoire. Il est donc indispensable qu’il y ait au moins un maintien des crédits, ce qui n’est pas le cas pour le moment, puisque 26 millions d’euros sont prévus, alors que l’an passé, la dotation atteignait au moins 36 millions d’euros, et qui plus est, les régions pouvaient abonder ces structures. Je me réjouis que plusieurs amendements, émanant autant de l’UMP que de l’UDI et du groupe SRC, aient été déposés pour soutenir les maisons de l’emploi. Cet amendement est gagé sur le contrat de génération, dont nous savons qu’il ne rencontre pas le succès escompté. Je ne comprendrais pas que l’on s’engage sur une enveloppe supplémentaire de 50 000 contrats aidés et que l’on refuse dans le même temps de donner à ces structures les moyens de remplir leurs missions.

M. Arnaud Richard. Cela fait plusieurs années que nous avons le même débat sur les maisons de l’emploi, qui oppose les parlementaires, qui défendent ces structures, au Gouvernement. Or, il arrive que les ministres eux-mêmes soient personnellement favorables aux maisons de l’emploi. En réalité, la représentation nationale et les élus locaux y sont favorables, et c’est l’administration qui s’oppose aux maisons de l’emploi, au motif qu’il faudrait un seul acteur du service public de l’emploi, à savoir Pôle emploi. Or, je le rappelle : les maisons de l’emploi sont un moyen d’associer véritablement les élus locaux à la problématique de l’emploi sur le territoire.

M. Christophe Cavard. Je souhaite modérer les propos de notre collègue Arnaud Richard : tous les parlementaires ne sont pas d’ardents défenseurs des maisons de l’emploi. Lors de leur création sous la houlette de Jean-Louis Borloo, je m’étais déjà inquiété du risque de démantèlement du service public de l’emploi lié à leur mise en place, d’autant que cela coïncidait avec un renvoi aux collectivités locales du problème de l’emploi, et aussi de son financement. Les maisons de l’emploi n’ont pas été dépouillées dans le dernier budget : les crédits ont été maintenus en 2014, simplement avec le fléchage d’une partie de ces crédits sur les actions reconnues comme étant les plus efficaces, et donc aussi sur les structures les plus efficaces. Plutôt que de vouloir à tout prix augmenter la dotation de fonctionnement des maisons de l’emploi, il est indispensable de réfléchir aux critères d’efficacité qui doivent encadrer leur financement.

La Commission examine également l’amendement II-AS 7 de Mme Kheira Bouziane, en discussion commune avec les amendements II-AS 2 et II-AS 15.

Mme Kheira Bouziane. Il est nécessaire de maintenir les maisons de l’emploi sur le territoire ainsi que leur financement. Je ne reviens pas sur les conclusions du rapport Bouillaguet, qui ne tarit pas d’éloges que les maisons de l’emploi qui remplissent leur rôle avec efficacité. Les trois amendements proposés offrent un choix sur les modalités de financement en proposant soit d’affecter 15 millions d’euros à partir des crédits dédiés au contrat de génération, soit de répartir ce financement. Ils ne m’apparaissent pas en tout cas en contradiction avec les propos du Ministre, qui nous indique que les maisons de l’emploi doivent pouvoir émarger sur les fonds de la GPEC. Il me semble qu’il est indispensable de leur dédier précisément ces crédits. Cet amendement est cosigné par deux collègues, mais je ne doute pas que de nombreux autres collègues s’y rallieront.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. La série d’amendements de crédits mis en discussion commune concernant les maisons de l’emploi visent à majorer leur dotation pour 2015. Je souhaite avant tout faire un bref rappel des dotations dont ont bénéficié les maisons de l’emploi en 2014, qui se sont en effet établies à 50 millions d’euros au total. Ces sommes recouvraient 26 millions d’euros au titre du fonctionnement, 10 millions d’euros au titre du solde de conventions d’investissement conclues avant 2010, 10 millions d’euros supplémentaires issus du débat budgétaire au titre d’appels à projets de GPEC territoriale enfin, 4 millions d’euros au titre des contrats de projet État-région. Autrement dit, la subvention de fonctionnement des maisons de l’emploi est donc stable en 2015 : elle était de 26 millions d’euros l’an passé ; elle sera de 26 millions d’euros l’an prochain ; on ne peut pas en dire autant pour de nombreux opérateurs de l’État. L’État n’est ensuite pas le seul financeur des maisons de l’emploi, qui sont, en milieu urbain, principalement portées par les communautés d’agglomération. Les 10 millions d’euros qui soldaient des conventions d’investissement conclues par le passé n’ont pas vocation à être reconduites ; les maisons de l’emploi sont d’ailleurs aujourd’hui très bien installées. Les nouveaux contrats de plan 2014-2020 reposent sur une redéfinition des axes prioritaires de financement. Je rappelle d’ailleurs que les régions peuvent tout à fait intervenir en soutien des maisons de l’emploi sur les crédits de droit commun Enfin, s’agissant des appels à projets de GPEC territoriale, il s’agit d’un financement au titre d’une action spécifique, qui, pour la plupart des maisons de l’emploi est d’ailleurs toujours en cours.

D’autre part, nous avons demandé à la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) un premier bilan des appels à projets de GPEC territoriale confiés aux maisons de l’emploi en 2014 et il n’est pas des plus concluants. En effet, ce bilan montre que si le financement des maisons de l’emploi sur des actions et un cahier des charges spécifiques est en soi une bonne chose, car elle force ces structures à travailler sur un mode projet, les actions financées dans le cadre des appels à projets GEPC territoriale sont finalement redondantes avec d’autres actions financées au titre de la GPEC sur le programme 103. Le bilan est plutôt à ce stade en demi-teinte, car ces appels à projets ont aussi mis en évidence l’incapacité de certaines maisons de l’emploi à travailler en coopération, à monter en compétence et à répondre de manière opérationnelle au cahier des charges. Enfin, les maisons de l’emploi n’étant pas implantées de manière égale sur le territoire, cela pose des problèmes d’équité entre les territoires, ce qui n’est pas le cas des actions de GPEC et d’EDEC financées à partir du programme 103.

Au total, toutes ces raisons militent en faveur du maintien de la dotation de fonctionnement à son niveau antérieur, soit 26 millions d’euros, et du rejet de l’ensemble de ces amendements. Enfin, s’agissant du gage, deux amendements minorent les crédits du contrat de génération ; le dernier, présenté par Mme Bouziane, minore notamment les crédits consacrés à la santé et à la sécurité au travail, qui financent l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), le Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT) et l’évaluation des risques professionnels. Cela ne semble pas du tout opportun.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. La rapporteure nous indique le montant des crédits dédiés aux maisons de l’emploi en 2014, qui totalisent 50 millions d’euros. Si l’on passe in fine à 26 millions d’euros en 2015, c’est qu’il y a bien une baisse importante. S’agissant de la GPEC, si le bilan n’est pas satisfaisant à ce stade, c’est aussi parce que les Direccte n’ont notifié que très tardivement les instructions aux maisons de l’emploi. En outre, chaque année, il est question de répartir la diminution en fonction des structures et non uniformément : or, cette année, la diminution de 57 % a porté uniformément sur toutes les maisons de l’emploi.

Mme Kheira Bouziane. Mme la rapporteure estime qu’une partie du gage de mon amendement n’est pas opportune. Nous pouvons sans doute trouver un compromis en prenant l’ensemble des crédits sur le programme 103 dans ce cas.

M. Arnaud Richard. On a souhaité spécialiser les maisons de l’emploi en leur confiant des actions de GPEC territoriale. C’est donc un mauvais procès que de venir leur reprocher ensuite de mener des actions redondantes avec des financements qui existent par ailleurs sur le programme 103.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Mais précisément, le Ministre a indiqué tout à l’heure que les maisons de l’emploi pouvaient tout à fait émarger, si elles le souhaitent, sur ces crédits de GEPC qui figurent sur le programme 103.

Mme Isabelle Le Callenec. La rapporteure nous indique que les crédits relatifs à la GPEC peuvent être ouverts aux maisons de l’emploi. Mais les 10 millions d’euros que nous avions fléchés l’an passé sur les actions de GPEC territoriale confiées aux maisons de l’emploi disparaissent bel et bien, puisqu’ils ne se retrouvent plus non plus sur le programme 103.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je le répète, les maisons de l’emploi pourront bien bénéficier des crédits de droit commun au titre de la GPEC qui figurent sur le programme 103 : celles qui fonctionnent suffisamment bien et qui sont suffisamment efficaces pourront passer une convention avec la Direccte pour bénéficier de ces financements.

La Commission rejette les amendements II-AS 15, II-AS 2 et II-AS 7.

Puis elle examine l’amendement II-AS 14 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de repli, à hauteur de 10 millions d’euros en faveur des maisons de l’emploi, à partir de la dotation prévue au titre du contrat de génération. Je reviens rapidement sur l’amendement II-AS 7 de Mme Bouziane, pour dire que je n’ai pas voté en sa faveur, précisément parce que le gage portait, à hauteur de 5 millions d’euros sur les crédits de prévention et de sécurité de l’emploi, ce qui me semblait excessif au regard de la dotation globale de cette action, de seulement 25 millions d’euros.

La Commission rejette l’amendement II-AS 14.

Puis elle examine l’amendement II-AS 20 de la rapporteure pour avis.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Il s’agit du même amendement que celui qui a été adopté tout à l’heure par la commission des Finances, qui majore de 7 millions d’euros la dotation allouée au financement de l’aide au poste dans les entreprises adaptées, pour permettre le financement de 500 postes supplémentaires.

La Commission adopte l’amendement II-AS 20.

Puis elle examine l’amendement II-AS 10 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement tend à majorer de un million d’euros les crédits en faveur du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE). En effet, le secteur a connu une grande avancée, grâce à la réforme mise en œuvre, qui a permis de le financer à hauteur de 25 millions d’euros supplémentaires. Toutefois, il reste une incertitude sur la mise en œuvre du contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) qui se substitue aux anciens contrats aidés, par le biais de la généralisation de l’aide au poste. Concernant la partie modulable de cette aide, il n’y a pas de garantie véritable que les montants soient maintenus par rapport à la situation avant réforme. En tout cas, certaines Direccte estiment que les crédits ne seront pas suffisants pour couvrir la totalité des besoins afférents à cette part modulable. Or, cela mettrait en danger les structures concernées.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je comprends l’intention de votre amendement, qui pointe en particulier les craintes relatives à la mise en place d’un CDD d’insertion qui conduirait à remettre en cause le bénéfice des exonérations de cotisations dont pouvaient jusqu’alors bénéficier certaines structures de l’IAE. Ces craintes sont néanmoins infondées, car l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a expressément prévu le maintien des exonérations dans le cadre du CDD d’insertion : autrement dit, il n’existe pas de surcoût que l’aide au poste ne couvrirait pas totalement.

M. Christophe Cavard. Je retire cet amendement, mais je le redéposerai en séance car je souhaiterais avoir des engagements précis du Ministre sur ce point.

L’amendement II-AS 10 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits, ainsi modifiés, de la mission Travail et emploi figurant à l’état B de l’article 32.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » figurant à l’état D de l’article 34.

Article 62 rattaché à la mission Travail et emploi.

La Commission est saisie de l’amendement II-AS-13 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Dans un contexte financier difficile, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) a obtenu des résultats importants : en effet, le nombre de placements durables, supérieur à un an, a progressé de 58 % en deux ans ; le plan de développement de l’alternance a porté ses fruits, puisque 4 700 contrats d’apprentissage ont bénéficié de l’aide de l’AGEFIPH en 2013, soit 20 % de plus qu’en 2012. En 2014, une nouvelle progression de 28 % est attendue avec 6 000 contrats en apprentissage, alors même que les chiffres de l’apprentissage sont en baisse au niveau national. En outre, 56 000 actions de formation ont été financées ou cofinancées par l’AGEFIPH en 2013, dont plus de 21 000 formations qualifiantes, soit une progression de 11 % par rapport à l’année passée. Enfin, au premier semestre 2014, le nombre de maintiens dans l’emploi a crû de 7 % par rapport à 2012. Le prélèvement de 29 millions d’euros prévu chaque année sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH entre 2015 et 2017 opère une fragilisation de la dynamique qui avait été enclenchée, et qui est particulièrement malvenue s’agissant de publics fragiles, c’est-à-dire des personnes porteuses d’un handicap, qui devraient au contraire bénéficier d’un soutien accru. C’est pourquoi cet amendement propose de supprimer l’article 62, qui instaure ce prélèvement.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Votre amendement propose de supprimer le prélèvement, proposé par l’article 62 rattaché, sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH, à hauteur de 29 millions d’euros. Je rappelle d’abord que les travailleurs handicapés bénéficient, en milieu ordinaire de travail, aussi des contrats aidés classiques au même titre que des aides de l’AGEFIPH: en particulier, ils représentent de l’ordre de 10 % des bénéficiaires de l’ensemble des contrats aidés en 2013. Vous pointez ensuite la diminution du budget de l’AGEFIPH, qui s’établit autour de 400 millions d’euros contre environ 600 millions d’euros il y a sept ans, mais cette diminution est précisément à mettre au compte du fait que les entreprises remplissent de mieux en mieux leurs obligations en matière d’emploi de personnes handicapées, puisque je rappelle que l’AGEFIPH est financée par la contribution des entreprises qui ne respectent pas le ratio de 6 % de personnes handicapées parmi leurs salariés. Ensuite, il s’agit d’un prélèvement annuel, programmé sur trois ans, sur un fonds de roulement qui s’établit à des niveaux relativement élevés, puisque les réserves de trésorerie de l’AGEFIPH atteignent près de 320 millions d’euros cette année. Rappelez-vous quand la majorité précédente ponctionnait le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)… Enfin, ces montants seront reversés à l’Agence de services et de paiement (ASP) et participeront bien au financement des emplois aidés en faveur des travailleurs handicapés.

M. Gérard Cherpion. Il me semble que l’on ne peut pas comparer les prélèvements sur le FPSPP et ceux prévus ici sur l’AGEFIPH, bien que j’aie par ailleurs toujours dénoncé par le passé ces prélèvements sur le Fonds paritaire. S’agissant du fonds de roulement de l’AGEFIPH, les montants que vous mentionnez sont exacts, mais il s’agit de sommes engagées, prévues pour répondre à des besoins en cours. C’est une erreur de vouloir opérer ces prélèvements répétés sur trois ans.

M. Jean-Patrick Gille. Il faut modérer les propos de notre collègue Gérard Cherpion. Cela fait quelques années que le fonds de roulement de l’AGEFIPH est très important, il me semble donc légitime que de l’ordre d’un peu moins de 10 % de ce fonds de roulement fassent l’objet d’un prélèvement. Le véritable enjeu est celui des contrats aidés bénéficiant aux personnes handicapées : il est indispensable de s’assurer que les opérateurs du service public de l’emploi, qu’il s’agisse de Pôle emploi ou des Cap emploi, fassent bien bénéficier les personnes handicapées qui le souhaitent d’un contrat aidé.

Mme Isabelle Le Callenec. Nous pourrions parvenir à un consensus si nous avions bien la certitude que ces fonds de l’AGEFIPH vont bien aller in fine aux travailleurs handicapés. Ils seront reversés à l’ASP ; mais de quelles garanties disposons-nous que les personnes handicapées seront bien les seules bénéficiaires de ces fonds ? Nous avons besoin d’un engagement clair du Ministre à ce sujet dans l’hémicycle, car nous avons des exemples de fonds initialement dédiés aux personnes handicapés ou à d’autres publics spécifiques qui finalement ne leur ont pas bénéficié.

M. Christophe Cavard. Je présente d’emblée mon amendement II-AS-18, qui rejoint les préoccupations de mon collègue Gérard Cherpion. On est en droit en effet d’être inquiet de voir que 29 millions d’euros vont être prélevés sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH. Certes, il est indispensable que les fonds de l’AGEFIPH soient bien mobilisés et ne fassent pas l’objet d’une thésaurisation. Mais il est indispensable que dans l’hémicycle, des garanties soient apportées au sujet de l’affectation à 100 % de ces fonds vers des contrats aidés en faveur des travailleurs handicapés.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je partage tout à fait ces interrogations et ces préoccupations, et je pense qu’il conviendra que le Ministre nous apporte sur ce point toutes les garanties nécessaires dans l’hémicycle.

Les amendements II-AS-13 et II-AS-18 sont retirés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente. Il me semble qu’il s’agit d’une proposition qui peut faire l’unanimité. En effet, un effort important est fait dans le cadre du budget pour favoriser l’accès à l’emploi des personnes handicapées ; il faut néanmoins s’assurer que les crédits pris sur l’AGEFIPH iront bien aux travailleurs handicapés.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 62 rattaché.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Hervé Garnier, secrétaire national, membre de l’exécutif, et M. Henri Forest, secrétaire confédéral en charge du dossier de la santé au travail

– Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Michel Petitot, expert dans le secteur de la santé au travail et ergonome

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Jean-Michel Cerdan, secrétaire confédéral en charge du logement et des conditions de travail

Confédération générale du travail (CGT) – M. Alain Alphon-Layre, membre de la direction confédérale, responsable de la commission confédérale travail

Force Ouvrière (CGT-FO) – M. Bertrand Neyrand, conseiller technique pour la santé au travail

Ø Commission des accidents du travail de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CAT-CNAMTS) – M. Franck Gambelli, président

Ø Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) – Mme Françoise Bouygard, directrice, et M. Thomas Coutrot, chef du département conditions de travail et santé au sein de la sous-direction salaires, travail et relations professionnelles

Ø Cabinet du ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social –M. Damien Ranger, conseiller parlementaire, Mme Myriam Métais, conseillère budgétaire et simplification, et Mme Annaïck Laurent, conseillère qualité de vie au travail, administration générale

Ø Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) – M. Christian Lenoir, secrétaire général

Ø Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) – M. Stéphane Pimbert, directeur général

Ø Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) –M. Hervé Lanouzière, directeur

Ø Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) – M. René Doche, directeur général adjoint, et Mme Béatrice Saillard, directeur des relations institutionnelles

Ø Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Mme Marie-Chantal Blandin, directrice par intérim des risques professionnels

Ø Audition commune d’organisations d’employeurs

© Assemblée nationale