N° 1518 - Proposition de loi de M. Guillaume Larrivé relative à la nationalité française



N° 1518

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 novembre 2013.

PROPOSITION DE LOI

relative à la nationalité française,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Guillaume LARRIVÉ,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Qu’est-ce qu’être français ?

C’est appartenir à la Nation française – et c’est donc en avoir la nationalité, qui est « un lien politique entre l’État et un individu, qui donne à celui-ci la qualité de membre de la population constitutive de l’État », a rappelé voici vingt-cinq ans, en 1988, le rapport de la Commission de la nationalité présidée par M. Marceau Long, alors vice-président du Conseil d’État.

Quels en sont les critères ?

C’est à la représentation nationale d’en décider souverainement, dans le respect de la Constitution de notre République.

Au plan juridique, « les éléments essentiels de rattachement retenus par les États pour attribuer leur nationalité sont la naissance sur le territoire (droit du sol – jus soli) ou la filiation (droit du sang – jus sanguinis). À ces critères usuels, il convient d’ajouter, pour la nationalité acquise après la naissance, celui du mariage avec un national et celui de la résidence sur le territoire. Ces différents critères peuvent se combiner de manière très diverse. », poursuit le rapport de la Commission de la nationalité.

Ainsi, selon la distinction décrite par M. Marceau Long, notre droit prévoit que :

- d’une part, sont Français dès la naissance : l’enfant né d’un père ou d’une mère français (droit du sang), comme l’enfant né en France de parents étrangers lorsque l’un au moins de ses parents est lui-même né en France (double droit du sol) ;

- d’autre part, l’acquisition de la nationalité française après la naissance peut revêtir trois formes distinctes : elle peut être acquise de plein droit, du fait de la réunion de conditions objectives, comme c’est le cas pour le droit du sol simple, qui permet à l’enfant né en France de parents étrangers de devenir Français à sa majorité ; elle peut encore être acquise par une manifestation de volonté, sous la forme d’une déclaration de nationalité qui peut être souscrite par l’étranger remplissant certaines conditions objectives (le mariage avec un Français par exemple) ; elle peut enfin être acquise par décision discrétionnaire de l’autorité publique, sur demande de l’intéressé : c’est la naturalisation ou la réintégration par décret du gouvernement.

Ces différences procédurales existent ex ante. Mais elles n’ont évidemment pas d’effet, ex post, sur les droits qui s’attachent à la nationalité : tous les Français sont égaux, puisque la France est une République qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine », ainsi que l’affirme l’article 1er de la Constitution.

* * *

Nous sommes convaincus que le moment est venu de préciser, par la loi, les conditions du droit du sol – et plus précisément du droit du sol simple, c’est-à-dire de l’acquisition de la nationalité française par des personnes nées étrangères en France de parents étrangers.

Quel est le droit actuel ?

C’est celui de l’automaticité qui repose, au fond, sur l’idée que le fait de naître et de vivre quelques années en France suffit pour devenir français, c’est-à-dire être assimilé à la communauté nationale, sans que cette assimilation ait à être validée par une décision des autorités de la République.

Ainsi, tous les enfants nés en France deviennent français à leur majorité, à la seule condition qu’ils habitent en France et y aient résidé cinq ans (c’est l’article 21-7 du code civil : « Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans. »). Le code civil prévoit, en outre, que l’accès à la nationalité française peut être anticipé, à la demande du jeune étranger, entre seize et dix-huit ans (c’est le premier alinéa de l’article 21-11 du code civil : « L’enfant mineur né en France de parents étrangers peut à partir de l’âge de seize ans réclamer la nationalité française par déclaration, (…) si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans. »), ou par une démarche volontaire de l’un de ses parents, dès treize ans (c’est le deuxième alinéa du même article). Ce sont environ 26 000 jeunes étrangers qui deviennent ainsi français chaque année.

Cet état du droit n’est pas satisfaisant, pour quatre raisons :

- il s’adresse de la même manière aux étrangers qui respectent les lois sur l’entrée et le séjour et à ceux qui, au contraire, viennent ou se maintiennent illégalement en France, comme si cette clandestinité ne devait avoir aucune incidence sur l’accès à la nationalité française ; se trouvent ainsi en France des clandestins dont les enfants deviennent français, ce qui est un puissant facteur d’encouragement à l’immigration illégale ;

- il a pour effet que deviennent français, à leur majorité, des jeunes gens qui n’en ont jamais manifesté la volonté (même s’il leur est possible, en vertu de l’article 21-8 du code civil, de décliner la qualité de Français, dans les six mois qui précèdent leur majorité ou dans les douze mois qui la suivent) ;

- il ne permet pas à la République de refuser l’accès à la nationalité française à des personnes qui, certes sont nées et habitent en France, mais qui ne sont, hélas, manifestement pas assimilées à la communauté française ;

- il ne permet pas plus à la République de refuser l’accès à la nationalité française à des individus ayant commis des actes de délinquance graves, pour lesquels ils ont été condamnés à des peines de prison.

C’est l’objet de la présente proposition de loi que de lever ces difficultés, en apportant des aménagements au régime du droit du sol simple.

Car les enfants nés en France de parents étrangers ont vocation à devenir français, mais cette voie d’accès à la nationalité française ne doit pas être ouverte à ceux qui méconnaissent le pacte républicain.

* * *

L’article 1er subordonne le bénéfice du droit du sol à une manifestation de volonté. En modifiant l’article 27-1 du code civil, il prévoit que l’enfant né en France de parents étrangers pourra, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent.

L’article 2 permet à l’autorité publique de s’opposer à l’acquisition de la nationalité française, par l’effet du droit du sol, d’un étranger qui n’est manifestement pas assimilé à la communauté française (cette assimilation étant acquise par la connaissance suffisante de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République). L’assimilation restera ainsi présumée (à la différence du régime de la naturalisation) mais l’État aura la possibilité d’apporter la preuve de la non-assimilation et de s’opposer ainsi à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol.

L’article 3 supprime le bénéfice du droit du sol pour les étrangers en situation illégale. En créant un article 21-11-1, il conditionne l’acquisition de la nationalité française des enfants nés en France de parents étrangers à la régularité du séjour de l’un des parents au regard de la réglementation de l’entrée et du séjour des étrangers. Pendant la période de résidence du mineur étranger, durant laquelle il reste sous l’autorité parentale, l’un de ses parents doit être lui-même en situation régulière au regard de la législation de l’entrée et du séjour des étrangers sur le territoire national pour que le mineur étranger puisse remplir valablement les conditions d’acquisition de la nationalité française. Une telle réforme est conforme à la Constitution, car le principe de souveraineté nationale autorise l’État à modifier le droit de la nationalité pour faire face au défi migratoire. À l’évidence, le droit à la nationalité française ne peut constituer un droit fondamental que s’agissant des Français eux-mêmes et de leurs descendants. Puisque les ressortissants étrangers n’ont, en vertu de la jurisprudence constitutionnelle, « aucun droit absolu à entrer et à demeurer sur le territoire national », ils n’ont, a fortiori, aucun droit absolu à devenir français. La différence de situation qui existe entre les étrangers en situation illégale et les étrangers en situation régulière justifie pleinement la réforme proposée, qui ne porte atteinte à aucun principe. Au demeurant, les étrangers qui n’auront pu acquérir la nationalité française en vertu du droit du sol pourront solliciter ultérieurement, auprès des autorités de la République, le bénéfice d’une décision de naturalisation, s’ils font la preuve de leur assimilation à la communauté française.

L’article 4 exclut les délinquants, condamnés à une peine d’au moins six mois de prison, du bénéfice du droit du sol.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le premier alinéa de l’article 21-7 du code civil est ainsi rédigé :

« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. »

Article 2

L’article 21-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 21-11. – L’étranger perd le droit qui lui est reconnu à l’article 21-7 s’il n’est manifestement pas assimilé à la communauté française. »

Article 3

Après l’article 21-11 du même code, il est inséré un article 21-11-1 ainsi rédigé :

« Art. 21-11-1. – L’article 21-7 n’est applicable qu’aux étrangers dont l’un des parents au moins a été continûment en situation régulière au regard de la législation et de la règlementation sur l’entrée et le séjour des étrangers en vigueur sur le territoire national durant la période de résidence habituelle prévue à cet article. »

Article 4

Au dernier alinéa de l’article 21-27 du même code, les références : « 21-7, 21-11, » sont supprimées.


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