N° 1125 - Avis de Mme Sandrine Mazetier sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière , (n°1011 et lettre rectificative n°, 1021)




N
° 1125

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2013.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (n° 1011),

PAR Mme SANDRINE MAZETIER,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1011 et 1021.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. LA NÉCESSAIRE COMPLÉMENTARITÉ DES INSTRUMENTS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE : INDÉPENDANCE ET COHÉRENCE DES PROCÉDURES FISCALE ET PÉNALE 9

A. L’INDÉPENDANCE DES PROCÉDURES FISCALE ET PÉNALE 10

1. Deux logiques différentes au service d’un même objectif 10

a. L’impact budgétaire de la fraude explique son traitement par une administration spécialisée 10

b. L’impact psychologique et sociétal de la fraude justifie l’intervention des tribunaux répressifs 12

2. Deux procédures autonomes 13

a. Les procédures de contrôle de l’impôt 13

b. Le procès pénal en matière fiscale 17

B. LA COHÉRENCE DES PROCÉDURES FISCALE ET PÉNALE 18

1. Le déclenchement des poursuites 19

a. L’exigence d’une plainte préalable de l’administration fiscale 19

b. L’altération jurisprudentielle du principe de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales 20

c. La possibilité pour l’administration fiscale de se constituer partie civile 20

2. L’enrichissement mutuel des enquêtes 21

3. L’articulation des sanctions 22

a. Les sanctions fiscales 23

b. Les sanctions pénales 24

II. LES ARTICLES 2, 3, 10 ET 11 DU PROJET DE LOI : PERFECTIONNER LES INSTRUMENTS DES ADMINISTRATIONS FISCALE ET DOUANIÈRE 25

A. UN TEXTE AU SERVICE DE L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET LA FRAUDE FISCALE 25

1. L’amélioration des outils de recherche et de répression à la disposition du juge pénal 25

a. L’élargissement des cas de mise en mouvement de l’action publique 25

b. L’aggravation des sanctions 26

c. L’amélioration des dispositifs de saisie des avoirs criminels 27

2. La concentration des compétences au moyen d’un nouveau procureur national spécialisé : une détermination nouvelle dans la lutte contre les délits financiers 30

B. LA CONSOLIDATION DES OUTILS DE L’ADMINISTRATION FISCALE 32

1. L’extension du champ de compétence de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) 32

2. L’exploitation de documents détenus par l’administration fiscale indépendamment de leur origine 33

EXAMEN DES ARTICLES 35

TITRE IER

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET FISCALE

CHAPITRE II

BLANCHIMENT ET FRAUDE FISCALE

Article 2 : Élargissement des compétences et des modalités de saisine de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) 35

Article 3 : Renforcement des sanctions pénales applicables à la fraude fiscale 46

Après l’article 3 67

Article additionnel après l’article 3 : Renforcement de la publicité des travaux de la Commission des infractions fiscales 68

Article additionnel après l’article 3 : Renforcement de la coopération et de l’information entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire 69

Article additionnel après l’article 3 : Modification de la composition du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes 69

CHAPITRE III

SAISIE ET CONFISCATION DES AVOIRS CRIMINELS

Article additionnel après l’article 9 : Institution d’une protection des lanceurs d’alerte en matière de fraude fiscale 70

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES

Article 10 : Autorisation pour l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine, à l’exception des visites domiciliaires 72

Article additionnel après l’article 10 : Possibilité pour l’administration fiscale de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine 83

Article additionnel après l’article 10 : Autorisation pour la douane d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine 85

Article additionnel après l’article 10 : Possibilité pour la douane de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine 85

Article 11 : Possibilité de procéder à des saisies simplifiées en vue du recouvrement des créances publiques sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie 86

Article additionnel après l’article 11 : Modernisation de la procédure de droit de visite de la douane par des dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques 99

Article additionnel après l’article 11 : Allongement de trois à six ans du délai durant lequel l’administration fiscale peut déposer plainte 104

Article additionnel après l’article 11 : Possibilité pour l’administration fiscale d’obtenir la communication de documents ou d'informations détenus par l’Autorité de contrôle prudentiel dans le cadre de ses missions 105

Article additionnel après l’article 11 : Renforcement de l’efficacité de la lutte contre les activités occultes 106

Article additionnel après l’article 11 : Amélioration de l’efficacité des contrôles fiscaux réalisés sur les entités juridiques complexes 106

Article additionnel après l’article 11 : Extension de l’obligation de déclaration des sommes, titres ou valeurs supérieurs à 10 000 euros, à l’or et aux jetons de casinos, lors du franchissement de frontières. 106

Article additionnel après l’article 11 Sanction du refus de communication à l’administration douanière, de la part des établissements de crédit, des sommes transférées à l'étranger par leurs clients 108

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  111

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 129

INTRODUCTION

Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés.

Article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789.

Nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de contribuer aux charges publiques

Article 101 de la Constitution, 1793.

La commission des Finances s’est saisie pour avis, le 15 mai 2013, des articles 2, 3, 10 et 11 du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui modifient le code général des impôts et le livre des procédures fiscales.

Par une lettre du 23 mai 2013 de M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des Lois, et en accord avec M. Gilles Carrez, président de la commission des Finances, et M. Christian Eckert, rapporteur général, il a été convenu que l’examen de ces quatre articles serait « délégué » à la commission des Finances.

Cette organisation particulière des travaux a été motivée par la nature spécifique du texte proposé par le Gouvernement. Le présent projet de loi traite en effet des deux aspects de la lutte et de la répression de la fraude fiscale, que sont les procédures fiscales et les poursuites judiciaires. L’articulation des procédures fiscale et judiciaire constitue donc un enjeu majeur du texte, tant la prévention de la fraude nécessite une parfaite cohérence entre les différents instruments de sa répression.

Le présent projet de loi intervient dans un contexte national et international de cristallisation des consciences sur les enjeux de la lutte contre la fraude fiscale.

Au plan international, les ministres du G20 multiplient les pressions. Le sommet de Londres, en 2009, a fait de la lutte contre les paradis fiscaux le cheval de bataille du G20. En avril dernier, ces 20 plus importantes économies de la planète ont franchi un nouveau cap en plaidant pour faire de l'échange automatique d'informations un standard international. Cette décision a été prise à l'unanimité avec la présence exceptionnelle de la Suisse.

L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) travaille actuellement à l'élaboration d'une plate-forme multilatérale d'échange automatique qui permettrait à tous les États intéressés de pouvoir échanger leurs données de façon systématique. Le prochain sommet du G20, en septembre à St Petersbourg, sera l’occasion d’un premier bilan sur l’état d’avancement de cette convention multilatérale ouverte à la signature.

Au plan européen, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union Européenne (UE) ont également décidé, mercredi 22 mai 2013 à Bruxelles, d’adopter un nouveau texte sur l’échange d’informations fiscales d’ici décembre prochain. Mais la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne (1), qui doit permettre cet échange automatique d'informations au sein des Vingt-Sept sur les comptes d'épargne et entamer une brèche sérieuse dans l'opacité des trusts et des fiducies pour en dévoiler les bénéficiaires, ne fait pas encore l’objet d’un accord unanime.

En parallèle, certains pays, comme les États-Unis, décident d'agir unilatéralement. Ces derniers ont ainsi adopté, en mars 2010 la loi "Foreign Account Tax Compliance Act", dite Fatca. Celle-ci impose aux pays où des contribuables américains ont ouvert un compte de communiquer directement au fisc américain toutes les informations disponibles. La sanction d’un refus de communication prend la forme très dissuasive d'un prélèvement de 30 % sur les revenus des filiales des banques concernées aux États-Unis, voire d'une suspension de leur licence. 

Au plan national également, la multiplication des scandales de fraude fiscale incite à augmenter la répression en la matière : affaire « Woerth-Bettencourt », affaire  « Wildenstein » (2), révélation Offshore Leaks (3), affaire HSBC (4), affaire UBS (5), etc. Dernièrement, ce que les médias appellent « l'affaire Cahuzac » a provoqué une véritable onde de choc, aussi bien dans les rangs des responsables politiques de tous bords, qu’au sein de l’opinion publique. Les conséquences de ce séisme ne sont d’ailleurs pas toutes mesurables à l’heure actuelle. En avril dernier, lors d’une conférence de presse, le chef de l’État a tenu à réaffirmer sa volonté de mener « une lutte implacable contre les dérives de l'argent, la cupidité et la finance occulte » (6). Les mesures présentées aujourd’hui répondent à cet objectif de fermeté et d’intransigeance envers la fraude aux finances publiques et la délinquance financière.

Le secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurria, avait prédit, le 6 avril 2009, dans un entretien au journal Le Monde, que « celui qui veut frauder n'aura bientôt nulle part où se cacher ». Si les fraudeurs ne manquent pas d’imagination ni de conseils pour se soustraire toujours plus aux regards des administrations fiscales nationales, le texte présenté par le Gouvernement est certainement un pas de plus en direction d’une meilleure efficacité de cette bataille contre la fraude fiscale.

Parce qu’il touche aux procédures fiscales comme aux procédures pénales, l’analyse de l’articulation entre ces deux mécanismes complémentaires est un préalable nécessaire à l’étude précise des dispositions du présent projet de loi.

De façon constante, le Conseil constitutionnel rappelle que la lutte contre la fraude fiscale est un objectif à valeur constitutionnelle (7). La fraude est définie par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) comme « une irrégularité ou une omission commise de manière intentionnelle au détriment des finances publiques » (8). Cette définition révèle à quel point la répression de tels abus se situe entre la nécessité budgétaire, et la réprobation morale.

En première analyse, en cas de fraude aux prélèvements obligatoires, c’est le préjudice et le manque à gagner pour l’État qui semble primer sur toute coloration morale. L’administration naturellement compétente pour la détection et le contrôle de ces comportements illégaux est, bien entendu, la direction générale des finances publiques (DGFiP).

L’impôt n’est pas une sanction, mais « le prix à payer pour une société civilisée » (9). Il est au fondement même de notre République, et soutient notre bloc de constitutionnalité. Le pouvoir de lever des impôts ne constitue pas un droit régalien discrétionnaire mais permet d’assurer le bien commun dont l'État a la charge. C’est pourquoi il est nécessaire de distinguer d’une part ce qui est signifié dans un redressement fiscal qui s’accompagne d’éventuelles pénalités, de la sanction pénale décidée par un tribunal répressif.

Selon l’auteur Yves Lhermet, « rappeler avec force la finalité budgétaire de l'impôt et donc sa fatalité, n'est pas vouloir récuser par avance tout débat sur la fiscalité [...], c'est souligner qu'il ne peut y avoir de réflexion fructueuse sur une fiscalité mieux acceptée par les entreprises et les citoyens, plus compatible avec les objectifs économiques, si chacun n'y intègre pas cette donnée fondamentale » (10). Dans le même ordre d’idées, il est intéressant de rappeler sur ce point, les résultats d’une enquête suédoise révélant que, « malgré un taux d'imposition du revenu particulièrement élevé, une majorité des personnes interrogées jugent raisonnable le montant des impôts qu'ils paient, compte tenu des bénéfices reçus » (11).

Se soustraire illégalement à la législation fiscale revient donc en réalité à rompre le contrat social, ce pacte qui fait d’un ensemble d’individus une communauté de citoyens. C’est ainsi que l’article 1741 du code général des impôts érige la fraude fiscale en infraction pénale, et la revêt ainsi d’une coloration infamante.

Sur ce point, notre système juridique n’est pas isolé. Les exemples étrangers démontrent une même volonté de respecter l’équilibre entre action des administrations financières et contrôle des pouvoirs judiciaires nationaux. En Italie, les juridictions pénales de droit commun se sont vu reconnaître la possibilité de juger des infractions fiscales, sans que cela aboutisse à un assujettissement de l’ensemble des procédures répressives à la seule juridiction judiciaire. En Allemagne également, le code général des impôts organise la procédure fiscale dans ses déclinaisons pénales.

Cette dualité de la fraude fiscale se retrouve en France dans la rédaction même de l’article 1741 du code général des impôts, puisqu’il établit une peine correctionnelle « indépendamment des sanctions fiscales applicables » (12).

Quel est le montant réel de la fraude fiscale en France ? Dans un rapport publié en janvier 2013 « Évasions et fraudes fiscales, contrôle fiscal », le syndicat national Solidaires Finances Publiques propose une évaluation situant entre 60 et 80 milliards d'euros le montant de cette fraude pour l'État et les collectivités locales en 2012, soit entre 15 % et 25 % des recettes fiscales brutes.

Cependant, il est fréquent de considérer le contribuable démuni et soumis face à l'énorme machine que serait l'administration fiscale. Elle dispose de pouvoirs étendus en matière de contrôle ; elle est « l’archétype d’une administration puissante et structurée » (13) avec laquelle il est difficile d'entretenir un dialogue égalitaire.

À ce stade, certains chiffres ont été soulignés devant votre rapporteure. Il a notamment été indiqué par le syndicat Solidaires Finances Publiques, que la DGFiP a perdu plus de 18 % de ses effectifs entre 2002 et fin 2013 (soit 26 000 emplois) dont une part dans le contrôle fiscal. D’autre part, une comparaison internationale permet de démontrer que, même si les modes de contrôle ne sont pas identiques, le rapport entre les effectifs de l’administration française et le nombre de contribuables est loin d’être le plus élevé d’Europe.

ÉTAT DES EFFECTIFS DU CONTRÔLE FISCAL EXTERNE

Pays

Effectifs dédiés au contrôle fiscal

Nombres d’entreprises

Nombre d’entreprises par agent réalisant le contrôle

Allemagne

16 667

7 320 000

439

Espagne

5 006

2 934 000

586

France

5 039

3 620 000

718

Irlande

1 036

130 000

126

Italie

15 248

5 750 000

377

Pays-Bas

3 158

2 670 000

845

Royaume-Uni

7 080

2 200 000

310

Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, tableau repris dans le rapport de la commission des Finances du Sénat du 25 octobre 2007.

Ainsi que l’a indiqué le ministre du Budget lors de son audition devant la commission des Finances le 16 avril dernier, pour l’année 2012, l’activité de contrôle fiscal a permis de collecter environ 18 milliards d’euros, soit 14,3 milliards d’euros de droits et 3,7 milliards de pénalités. Sur ces 18 milliards, 6 milliards sont liés à des contrôles sur la grande fraude et la grande délinquance fiscale. Les fonds récupérés à ce titre ont augmenté de 26 %. L’augmentation globale des fonds récupérés entre 2011 et 2012 est d’environ 11 % (14).

Ces montants permettent de prendre toute la mesure de l’enjeu budgétaire associé au contrôle fiscal.

Ces chiffres doivent cependant être tempérés par la faiblesse relative du taux de recouvrement des créances correspondantes par l’administration. Alors que dans le cadre du contrôle sur pièces, dit « de bureau », les sommes sont recouvrées dans leur quasi-totalité, le contrôle externe ne présente qu’un rendement de l’ordre de 50 % pour l’année N+2.

INDICATEUR 3.2 : Taux de recouvrement DGFiP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal externe au titre de Tannée N-2

(du point de vue du contribuable)

Unité

2010

Réalisation

2011

Réalisation

2012 Prévision PAP 2012

2012 Prévision actualisée

2013

Prévision

2015

Ciblée

Taux brut de recouvrement DGFiP en droits et en pénalités sur créances de contrôle fiscal externe au titre de l’année N–2

%

49,1

48

43

43

44

44

Taux net de recouvrement DGFiP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal externe au titre de l’année N-2

%

64,7

66,3

61

61

62

62

Précisions méthodologiques

– Taux brut de recouvrement DGFiP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal externe titre de l'année N-2

Source : PAP 2013.

Selon la Cour des comptes, le recouvrement est particulièrement faible sur les pénalités, avec un taux de 13 % et même seulement 2 % sur les pénalités infligées par la direction nationale des enquêtes fiscales aux entreprises participant à des fraudes graves à la TVA intracommunautaire (carrousels) (15). Outre la complexité des montages et la dissimulation des auteurs, c’est sur l’amélioration des outils au service du recouvrement qu’il convient de se pencher. À cet égard, votre rapporteure tient à souligner l’importance d’un élargissement des possibilités de saisie et de confiscation des avoirs des fraudeurs. En ce sens, l’article 11 propose un mécanisme fondamental et nécessaire, qui mérite une attention toute particulière de la part du Parlement (cf. infra).

Le travail de l’administration fiscale est guidé par un objectif financier de réparation du préjudice causé aux finances publiques. L’administration fiscale, qui est à l’origine de l’élaboration des normes applicables, est la mieux placée pour répondre à cette forme de « criminalité » (16) coûteuse pour la collectivité. Cependant, la fraude fiscale s'adapte en permanence et s'immisce même dans les dispositifs prévus en faveur des contribuables. Certains montages complexes justifient alors son traitement par la voie du procès pénal.

L’auteur Michel Bouvier (17) pose sur la problématique de l’incrimination de la fraude fiscale un regard intéressant, donnant au prélèvement fiscal une « fonction symbolique d'intégration au sein d'un ordre universel ».

Les contribuables s’inscrivent dans une réelle obligation sociale et morale de payer l'impôt qui les conduit à refuser toute fraude fiscale. « Le respect des obligations en général, l'adhésion aux attitudes de son groupe d'appartenance ou de référence » (18) sont des considérations essentielles pour condamner la fraude fiscale.

La morale n'est cependant pas le seul motif d'évitement de la fraude fiscale, le citoyen pouvant réprouver cette dernière pour des motifs autres comme par exemple « son impossibilité matérielle de frauder ou la répartition du poids de l'impôt sur les non-fraudeurs » (19) . Le « pacte fiscal » est partie prenante du pacte social. S’en affranchir, c’est fragiliser les bases même de la société.

Illégitime sur de nombreux plans, la fraude fiscale a donc été érigée en véritable délit, ainsi qu’il a été précédemment indiqué.

La procédure administrative et la procédure pénale sont distinctes et autonomes. En effet, le juge répressif recherche si une fraude fiscale a été commise, alors que l’administration fiscale établit les chiffres pour calculer l'assiette de l’impôt. La chambre criminelle de la Cour de cassation a d’ailleurs rappelé qu'« il n'appartient pas au juge répressif de rétablir les valeurs permettant de déterminer l'assiette de l'impôt dont la fixation relève de la seule compétence de l'administration sous le contrôle des juridictions administratives » (20).

Il résulte de ce principe, d'une part, que l'existence d'une procédure devant la juridiction administrative ne fait pas obstacle à ce que le dossier soit transmis à la Commission des infractions fiscales (dont le fonctionnement est rappelé ci-après) (21), d'autre part, que la décision du juge de l'impôt n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard du juge pénal (22). Le juge pénal ne peut par ailleurs ordonner un supplément d'information sur l'assiette de l'impôt, car cette dernière relève de la compétence de l'administration fiscale, sous le contrôle du juge de l'impôt.

Le contrôle de l’impôt est un processus délicat, parfois complexe, qui se déroule en plusieurs étapes.

L’établissement de l’assiette de l’impôt

Dans le système fiscal français, l'impôt est souvent assis sur des bases d'imposition déclarées par les redevables eux-mêmes. Les actes ou déclarations déposés par les contribuables bénéficient d'une présomption d'exactitude et de sincérité, et les insuffisances, inexactitudes ou omissions relevées dans ces documents sont présumées être commises de bonne foi.

Le contrôle de l'impôt a pour objet de s'assurer que les contribuables se sont acquittés de leurs obligations et, le cas échéant, de réparer le préjudice causé au Trésor public par les infractions aux dispositions prévues par le code général des impôts. L'administration dispose, pour rechercher les infractions commises par les contribuables et régulariser leur situation fiscale, de pouvoirs dont les principaux sont : le droit de communication, le droit d'enquête, le pouvoir de contrôle, le pouvoir de rectification et le droit de reprise.

Le droit de communication, défini par les articles L. 81 à L. 102 A du livre des procédures fiscales (LPF) est le droit reconnu à l'administration des impôts de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers...). Ce droit est fondamental, et des réflexions sont en cours afin d’étudier l’opportunité de l’étendre à d’autres organismes, comme les autorités de régulation des établissements de crédit ou des marchés financiers.

Le droit d'enquête, défini aux articles L. 80 F à L. 80 J du livre des procédures fiscales, permet à l'administration fiscale d'intervenir de manière inopinée chez un contribuable pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée.

Le pouvoir de contrôle de l'administration est défini par l’article L. 10 du LPF. Le contrôle peut être purement formel ou effectué par les agents, depuis leur bureau, dans le cadre du contrôle sur pièces, à partir des déclarations déposées par le contribuable et des pièces de son dossier. Le pouvoir de contrôle peut également être exercé lors de vérifications de comptabilité, d'examens contradictoires de la situation fiscale personnelle ou lors de contrôles matériels.

Le droit de reprise est le droit accordé à l'administration de réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou le recouvrement de tous impôts, taxes ou redevances. Cependant, cette faculté ne peut être exercée que dans un certain délai fixé par la loi et à l'expiration duquel il y a prescription. La durée du délai de reprise varie selon la catégorie d'impôt auquel il s'applique, mais l’article L. 186 du LPF pose une règle générale selon laquelle « le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt » (23). De manière fréquente, c’est cependant une prescription triennale qui s’applique (24). Le délai peut en sens contraire être porté à 10 ans, notamment en cas d’établissement d’un procès-verbal de flagrance ou d’activité occulte. Dans le cadre des travaux de votre rapporteure, les échanges avec l’administration n’ont pas conclu à l’opportunité ni au besoin d’allonger ce délai de reprise, d’autant que d’autres mécanismes permettent de prolonger cette période de reprise (25).

L’organisation des contestations

En matière fiscale, le contentieux juridictionnel se caractérise par la diversité des litiges susceptibles d'être portés devant le juge, compte tenu de leur nature et des objectifs qu'ils poursuivent.

En effet, le contentieux fiscal ne s'épuise pas avec le seul contentieux de l'assiette, alors même que celui-ci est le plus répandu. Il attrait également dans son périmètre des contestations situées en amont, en aval, voire en marge de celui-ci (26).

Avant de rappeler les mécanismes contentieux, votre rapporteure souhaite attirer l’attention sur la procédure gracieuse de règlement des contestations.

Ce que l’on peut appeler la juridiction gracieuse, en l’espèce l’administration fiscale, est compétente, entre autres, pour l'examen des demandes présentées en vue d'obtenir une mesure de bienveillance portant abandon ou atténuation des impositions ou des pénalités mises à leur charge. L’article L. 247 du livre des procédures fiscales prévoit que l'administration peut accorder sur la demande du contribuable : des remises d'impôts en cas de gêne ou d'indigence du contribuable, des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives, par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives.

Il est apparu à votre rapporteure, que la transaction est un procédé répandu en droit fiscal, alors même que son application dans cette matière ne s'impose pas d'évidence. Paradoxalement en effet, le droit fiscal constitue un domaine dans lequel la transaction devrait rester marginale puisqu’elle semble contrevenir à des principes fondamentaux comme l'égalité devant l'impôt et la légalité des impôts. Mais, si la jurisprudence du Conseil d'État a, dans un premier temps, logiquement condamné la transaction fiscale, cette position a été radicalement remise en question par un décret-loi en date du 24 juillet 1934 qui a reconnu la validité et la portée d'autorité de la chose jugée des transactions conclues entre le contribuable et l'administration fiscale (27).

L’administration fiscale est autorisée à recourir à ce mode amiable de règlement des litiges pour le traitement des sanctions fiscales et les intérêts de retard applicables au contribuable (cf. supra). Les intérêts de retard, soumis au champ d'intervention des transactions récemment (28) doivent être expressément visés dans le contrat pour être compris dans l'objet de la transaction (29). En revanche, l'impôt proprement dit, qui est d'ordre public, est exclu de tout arrangement transactionnel.

Votre rapporteure regrette de n’avoir pas été en mesure de se faire communiquer les chiffres précis correspondant au nombre de transactions et à leur évolution, à leur montant ou au pourcentage des remises accordées. Elle déplore que le rapport annuel du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (CCFDC) (30) n’apporte que peu de précisions à ce sujet. L’existence d’une instruction relative à la pratique transactionnelle de l’administration fiscale est un moyen d’harmoniser celle-ci, et de déterminer les critères qui guident l’administration dans le choix de recourir à ce mode de règlement des contestations. Cependant, cette instruction, outre son caractère récent puisqu’elle date seulement de 2010, est restée interne à l’administration. Votre rapporteure souhaiterait que ces critères puissent être communiqués afin de lever le voile sur une pratique répandue. Sans remettre en cause ni l’utilité ni la nécessité de transactions, il est indispensable de garantir l’égalité de tous devant l’impôt, et devant la sanction de son non-paiement.

Selon le rapport du CCFDC, si le nombre de transactions conclues par les services déconcentrés de la DGFiP est relativement faible (31), ces chiffres cachent des disparités remarquables sur le territoire. Ainsi, pour un nombre d’affaires traitées de 12 414, la direction départementale des Alpes-maritimes a conclu 211 transactions, tandis que pour 18 808 affaires, la Direction de la Loire-Atlantique n’a conclu que 8 transactions (32). L’activité du comité dans les affaires relevant de la DGFiP, n’est que peu détaillé. Tout au plus, apprend-on que le Comité a été saisi de 161 dossiers en 2011, et a émis 29 avis de rejet de la demande gracieuse. Mais il n’est nulle part fait mention du montant des atténuations finalement décidés ni même de leur nature juridique (remises gracieuses ou transaction).

Si les transactions sont, en principe, exclues en cas de pénalités afférentes à des impositions ayant donné lieu à dépôt de plainte pour fraude fiscale, ou en cas de dépôt envisagé, la pratique douanière est dans ces situations plus claire. Selon l’article 350 du code des douanes, en effet, la faculté de transiger reste ouverte lorsqu’aucune action judiciaire n’est engagée ou après l’engagement d'une telle action, sous réserve que l'administration des douanes obtienne l'accord de principe de l'autorité judiciaire.

Par ailleurs, le tableau suivant démontre l’importance de la transaction en matière douanière :

Source : Rapport CCFDC p.88.

•  Le contentieux des impôts présente quant à lui deux visages, celui du juge administratif et celui du juge judiciaire. Le premier est compétent en matière d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d’habitation, de taxes foncières ou encore de taxe professionnelle ou de contribution économique des entreprises qui lui a succédé ; le second est compétent en matière de droits d’enregistrement, de droits de timbre, d’impôt de solidarité sur la fortune ou de contributions indirectes.

S'agissant de l'harmonisation du contentieux fiscal entre les deux juges de l'impôt, elle s'avère par essence délicate dès lors que les sources de division sont multiples. Elle est néanmoins facilitée par des préoccupations communes et à une influence mutuelle des juridictions, chaque ordre tenant compte des décisions rendues par l’autre, créant ainsi une sorte de convergence jurisprudentielle.

L’article L. 230 du Livre des procédures fiscales prévoit que « les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise ».

En ce qui concerne le point de départ de la prescription, il est en principe fixé au jour de commission de l'infraction. En outre, la prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximale de six mois entre la date de saisine de la Commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis. Cette précaution de procédure vite à interdire à l’administration une saisine purement dilatoire de la CIF.

La prescription de l'action publique n'a pas d'effet sur la possibilité d'établir ou de rétablir l'impôt et d'appliquer les pénalités fiscales relativement aux mêmes faits matériels ou à des faits voisins.

La caractérisation des infractions pénales en matière fiscale est soumise au régime de la preuve pénale. Il en résulte notamment que le principe de liberté de la preuve s'applique entièrement aux éléments constitutifs de la fraude fiscale, y compris aux composantes fiscales de l'infraction. Il a été spécifiquement énoncé, s'agissant de l'abus de droit, que la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (33), qui modifie la charge de la preuve devant le juge de l'impôt, est sans incidence devant le juge répressif qui doit se déterminer par rapport aux règles de preuve qui lui sont propres (34).

Cette remarque est d’autant plus importante lorsque l’on se réfère à la recevabilité des éléments de preuve. L'administration fiscale et le juge de l'impôt apprécient librement les éléments de preuve recueillis lors de la procédure pénale. Par exemple, les conclusions des experts étant intervenus à l'occasion de l'instance répressive ne s'imposent pas, à propos de la reconstitution des recettes professionnelles du contribuable, au juge de l’impôt. En effet, cette reconstitution est opérée différemment par lesdits experts et par les vérificateurs fiscaux (35).

La dualité d’interprétation quant à la recevabilité des preuves a par ailleurs donné lieu à de fortes controverses concernant l’admissibilité de preuves obtenues selon un procédé déloyal, ou dont la provenance est illicite (cf. commentaire de l’article 10).

La procédure pénale en matière fiscale déroge au droit commun. À la différence des autres délits, le délit de fraude fiscale n'est pas poursuivi d'office par l'autorité normalement compétente, à savoir le procureur de la République. Celui-ci, en effet, ne peut mettre en mouvement l'action publique que dans la mesure où l'administration a préalablement déposé une plainte (36).

Cette prérogative, qui trouve son fondement dans la nature particulière du délit fiscal et qui permet à l'administration d'être le premier juge de l'opportunité des poursuites, s'exerce sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF).

La CIF, instaurée en 1977 (37), a pour mission principale d'émettre un avis contraignant sur le projet de poursuites pénales pour fraude fiscale conçu par l'administration fiscale. En 2012, la CIF a examiné 1 081 dossiers, soit un nombre relativement stable dans le temps (1 068 en 2011 et 1 076 en 2010). Dans ce contexte, la CIF a émis 987 avis favorables et 94 avis défavorables (soit 8,7 %) en 2012.

L'avis favorable de la CIF est un préalable nécessaire aux poursuites à l'égard des infractions pénales. Elle est saisie in rem, et ne peut donc s'intéresser à d'autres infractions que celle ou celles que lui soumet le ministre.

La jurisprudence considère que la nature non juridictionnelle de la CIF fiscale exclut qu'elle ait à motiver l'avis rendu. De façon plus générale, l’article 6 § 1 (droit au procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme ne lui est pas applicable.

Enfin, il y a lieu de relever que la plainte de l'administration n'est qu'une plainte simple, la plainte avec constitution de partie civile étant exclue en matière de fraude fiscale (cf. infra sur la nature particulière de l’action civile). Elle n'entraîne donc pas elle-même l'engagement de l'action publique. Cependant, le taux de renvoi du ministère public est de l’ordre de 97 %, comme il a été indiqué à votre rapporteure par la direction des affaires criminelles et des grâces.

En 2008 (38) la Cour de cassation, revenant sur sa jurisprudence antérieure de 2000 (39), a jugé que le délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas soumis aux articles L. 228 et suivants du livre des procédures fiscales, et qu’il n’y a donc pas lieu d’exiger que « des poursuites aient été préalablement engagées ni qu'une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d'obtenir les sommes d'argent blanchies mais qu'il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l'infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses ».

Devant la commission d’enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales (40), Mme Maryvonne Caillibotte a signalé que cette jurisprudence n'avait pas été facilement acceptée par l'administration fiscale qui a pu la considérer comme une remise en cause de son « monopole », d'autant que le délit de blanchiment est assez facile à caractériser, peut-être même plus que la fraude fiscale, dans certains cas.

En pratique, l'administration fiscale signale à la justice pénale environ mille affaires par an et le nombre des condamnations est comparable. Inversement, la répression pénale des faits de blanchiment devrait normalement conduire la justice à transmettre un certain nombre d'informations à l'administration fiscale afin de fiscaliser des revenus d'origine occulte, en vertu des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales.

Outre le droit qui lui est réservé de porter plainte, l'administration fiscale dispose d'une action civile lui permettant de se joindre à la procédure pénale engagée du chef de fraude fiscale, devant la juridiction d'instruction ou de jugement (41).

A été évoquée devant votre rapporteure la question d’une réunion éventuelle des procès civils et pénaux entre les mains du juge pénal, l’administration évaluant son préjudice au montant des droits éludés augmentés des pénalités en se constituant partie civile.

Cependant, il est depuis longtemps jugé que l'action civile de l'article L. 232 du livre des procédures fiscales n'est pas une action en réparation. L'action civile vise essentiellement à permettre à l'administration fiscale d'être partie à la procédure et donc de pouvoir produire ses propres éléments de preuve (qu'elle communique de toute façon au ministère public) et de discuter des autres. L'administration ne peut donc réclamer aucuns dommages-intérêts au juge pénal, cette règle résultant « des dispositions mêmes du code général des impôts qui réservent à l'administration fiscale le pouvoir de déterminer et de mettre elle-même à la charge du fraudeur, non seulement le montant des droits, taxes, redevances ou impositions éludés frauduleusement, mais encore celui des majorations et amendes fiscales qui ont, pour partie, le caractère de réparations civiles destinées à dédommager le Trésor public du préjudice causé par les fraudes » (42).

Il n’apparaît pas opportun de faire du juge pénal le juge de l’impôt, et de modifier l’état actuel de la jurisprudence en prévoyant explicitement la possibilité pour l’administration de percevoir des dommages et intérêts. Encore une fois, le volet pénal de la fraude fiscale n’a d’autre objet que d’ajouter une réprobation morale aux actions concomitantes de recouvrement des droits éludés.

La concomitance de deux systèmes indépendants n’interdit pas leur collaboration à l’objectif de répression-prévention des fraudes fiscales.

Tout d’abord, la loi prévoit que les agents de la DGFiP peuvent être appelés à contribuer à l'enquête et à l'information judiciaires menées du chef de fraude fiscale. La loi peut en effet attribuer aux fonctionnaires et agents des administrations certains pouvoirs de police judiciaire (article 28 du code de procédure pénale). Or, précisément, à l’initiative de la commission des Finances, la loi du 30 décembre 2009 (43) est venue investir les agents des services fiscaux de la possibilité, sur réquisition du ministère public, d'accomplir des enquêtes judiciaires en matière de fraude fiscale.

De plus, les éléments de preuve réunis au cours de la procédure fiscale – grâce notamment à l'exercice du droit de contrôle, ou du droit de visite domiciliaire – peuvent être utilisés dans une procédure pénale concomitante ou subséquente. Il a même été jugé qu’en l'absence d'élément établissant la fausseté des calculs retenus par l'administration pour déterminer le montant des droits éludés, la juridiction pénale peut se fonder directement sur lesdits calculs (44). L'autorité judiciaire dispose par ailleurs d'un droit d'information qui peut être exercé à l'égard de l'administration fiscale (article L. 141 A du livre des procédures fiscales).

À l’inverse, l'administration fiscale dispose d'un droit de communication qui peut être exercé à l'égard de l'autorité et de la police judiciaires en application de l’article L. 82 C du livre des procédures fiscales. Il en résulte que les éléments de preuve réunis à l'occasion de la procédure pénale peuvent être utilisés par les agents du fisc et, le cas échéant, par le juge de l'impôt (45).

Il est donc vain de vouloir opposer procédure fiscale et procès pénal. Les débats en cours sur la justification de l’exclusivité du droit de déclenchement des poursuites, doivent au contraire tenir compte de cette complémentarité. Il convient de veiller à préserver l’équilibre entre la réparation fiscale d’un préjudice aux finances publiques, qui se doit d’être systématique et l’exemplarité d’une instance pénale, qui doit rester limitée aux cas les plus graves.

L’infraction de fraude fiscale peut faire l’objet à la fois de sanctions fiscales et de sanctions pénales. La question s’est donc posée de savoir s’il était possible de cumuler ces deux « peines », prononcées à raison des mêmes faits. Les principes généraux de la procédure pénale obéissent en effet à la règle non bis in idem, textuellement « pas deux fois pour les mêmes faits », interdisant de poursuivre, sous une autre qualification, des faits déjà sanctionnés. Ce principe est consacré par l’article 4 alinéa 1er du protocole n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (46). Cependant, la France a émis des réserves sur cet article, et la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, considère qu’il n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. Quant à la règle comparable consacrée par l'article 14, § 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques – qui n'est pourtant assortie d'aucune réserve –, elle aussi « ne trouve à s'appliquer que dans le cas où une même infraction pénale, ayant déjà donné lieu à un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement, ferait l'objet d'une nouvelle poursuite et, le cas échéant, d'une condamnation devant ou par une juridiction répressive » (47)

Cette position est justifiée par la finalité différente des deux catégories de sanctions, et s’inscrit dans le cadre des règles défini par le Conseil constitutionnel dans une décision du 30 décembre 1997 (48). La décision était ainsi rédigée : « en vertu de l'article 8 de la Déclaration de 1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; le principe de proportionnalité qui en découle implique que, lorsque plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder la condamnation d'un seul et même fait, les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé ». Le Conseil constitutionnel a ajouté ultérieurement qu’ « il appartiendra aux autorités juridictionnelles, ainsi, le cas échéant, qu'aux autorités chargées du recouvrement des amendes, de respecter, dans l'application de la loi déférée, le principe de proportionnalité des peines […] » (49)

En ce qui concerne l’influence respective des procédures, il est à noter que si la décision de la juridiction administrative ne peut être revêtue au pénal de l’autorité de chose jugée, il n'en est en revanche pas exactement de même dans la procédure de plein contentieux fiscal, pour la décision du juge pénal. Le Conseil d'État admet que l'autorité de chose jugée qui appartient à la décision des juges répressifs devenue définitive s'attache à la constatation des faits mentionnée dans celle-ci, sans pour autant porter sur l'appréciation de ces faits au regard de la loi fiscale (50). Il est vrai que le juge pénal ne rétablit pas l'impôt. Mais il puise néanmoins les éléments de sa position dans les constatations relevées par les vérificateurs fiscaux (51), dont il peut être malaisé pour lui de reconnaître l'exactitude ou, au contraire, les erreurs qui s'y attachent (cf. supra).

En outre, lorsqu’il est amené à apprécier la soustraction du contribuable au paiement de ses impôts, le juge pénal est nécessairement amené à former son intime conviction en analysant le comportement de celui-ci au regard des lois fiscales.

Toute infraction à l’établissement ou au recouvrement d’un impôt peut donner lieu à l’application de sanctions fiscales, qui sont des sanctions pécuniaires appliquées par l'administration, en vertu de la loi et sous le contrôle des tribunaux : elles sont principalement constituées par des majorations de droits et des amendes fiscales, auxquelles s'ajoute, le cas échéant, un intérêt de retard.

Ces majorations, qui visent à sanctionner pécuniairement le contribuable au-delà de la simple réparation du préjudice du Trésor public assurée par l’intérêt de retard, sont considérées comme ayant un caractère pénal. Elles sanctionnent tout manquement délibéré ou manœuvre frauduleuse quel que soit le montant de l'impôt éludé.

Les sanctions varient selon qu’elles concernent des insuffisances de déclaration ou des manquements à des obligations formelles, tels que des déclarations tardives, le défaut de paiement ou le paiement tardif…

Les sanctions prévues pour les insuffisances de déclaration, qui recouvrent les inexactitudes, mais aussi les omissions relevées dans les déclarations pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt, sont les plus couramment appliquées. Elles figurent à l’article 1728 du code général des impôts.

Les pénalités applicables varient suivant que le contribuable est considéré comme ayant agi de façon involontaire ou délibérée, sachant qu’il appartient toujours à l’administration d’apporter la preuve de la mauvaise foi du contribuable. Si le contribuable est de bonne foi, la sanction consiste en l’application de l’intérêt de retard de 0,4 % par mois, avec, en matière d’impôt sur le revenu, l’application d’une majoration de 10 % des droits supplémentaires. En revanche, lorsque le caractère délibéré de l'infraction est établi, celui-ci entraîne l'application d'une majoration de 40 %. Cette majoration est portée à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (52).

S’ajoutent à ces dispositions des sanctions spécifiques applicables en cas de défaut de paiement de l’impôt, de défaut de production ou de production tardive d’un document pour le contrôle de l’impôt, mais aussi d’opposition au contrôle fiscal et d’infractions aux règles de facturation… En cas d’opposition au contrôle fiscal, les majorations peuvent atteindre jusqu’à 100 %.

À la sanction fiscale, peuvent donc venir s’ajouter, pour les infractions les plus graves, des sanctions pénales, qui sont prononcées par le tribunal correctionnel et qui comprennent, au choix du juge, une peine de prison et une amende, dont le montant maximal est prévu dans le code général des impôts.

Ainsi qu’il a été précédemment indiqué, le délit général de fraude fiscale est défini en des termes très généraux par l’article 1741 du code général des impôts, comme le fait de se soustraire ou de tenter de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans l’ensemble du code général des impôts. Cette fraude peut consister soit à omettre volontairement de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l’impôt, soit à organiser son insolvabilité ou à faire obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt, soit à agir « de toute autre manière frauduleuse ».

L’article 1743 du code général des impôts définit et sanctionne le délit général de passation d’écritures fictives et d’entremise, correspondant l’un à l’omission délibérée de passer des écritures comptables prescrites par le code de commerce, l’autre à l’entremise pour faire échapper à l’impôt la fortune d’autrui.

L’élément essentiel de la fraude réside dans son caractère intentionnel, dont l’article L. 227 du livre des procédures fiscales précise qu’il appartient au ministère public et à l’administration d’apporter la preuve.

Outre ces deux délits généraux, d’autres articles du code général des impôts prévoient des sanctions spécifiques pour des délits spéciaux de fraude fiscale, tels que l'organisation de fausse comptabilité par un professionnel, la dissimulation de revenus mobiliers ou encore le défaut de versement des retenues à la source.

Enfin, il convient de rappeler qu’en vertu de l'article 1742 du code général des impôts et conformément aux dispositions des articles 121-6 et 121-7 du code pénal auxquels il renvoie, les complices du délit de fraude fiscale prévu à l'article 1741 sont passibles des mêmes peines que l'auteur de l'infraction.

L’article 1 du projet de loi insère un nouvel article 2-22 dans le code de procédure pénale habilitant les associations de lutte contre la corruption, agréées selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, à exercer les droits de la partie civile sur le modèle des dispositions existantes à l’article 2-21 du même code.

Le champ d’intervention de ces associations est limité aux infractions en lien avec leur objet : concussion, corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, délit de « pantouflage », délit de favoritisme, détournement de fonds publics, obtention de suffrage ou d’abstention de vote à l’aide de don ou promesse, sollicitation ou agrément de don (délivrance d’un reçu fiscal) ou promesse pour influencer un vote, pression exercée par menace ou violence sur un électeur pour influencer son vote, don ou promesse à une collectivité en vue d’influencer le vote d’un collège électoral.

Selon l’article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.

Cependant, de nombreuses associations sont déjà expressément habilitées par le législateur à exercer les droits de la partie civile et cette habilitation est généralement conditionnée :

– à une existence juridique d’au moins 5 ans à la date des faits objets de la procédure et/ou à un agrément ministériel ;

– et au champ des infractions portant atteinte aux intérêts dont la défense est visée par les statuts de l’association.

À titre d’exemple, par un arrêté du 24 avril 2013, l'association dénommée « Collectif des victimes de l'accident du car TUI à Higuey » a reçu l’agrément prévu à l'article 2-15 du code de procédure pénale (53), qui a un objet analogue.

La proposition présentée à l’article 1 s’inscrit également dans le prolongement de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation prononcé le 9 novembre 2010 dans la procédure dite des « biens mal acquis », qui a élargi les conditions de recevabilité d’une plainte avec constitution de partie civile par une association de lutte contre la corruption.

Par ailleurs, lors de l’action en réparation, il est fréquent qu’une association soit fondée à se constituer partie civile, quand bien même elle ne serait pas la victime, au sens le plus strict du terme, de l’infraction. Il a été ainsi jugé que des infractions de pêche non autorisée ont pu causer un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’une l'association avait pour objet de défendre (54).

L’aggravation des sanctions pénales est l’un des objectifs principaux du présent projet de loi. Elle vise à inciter les contribuables à régulariser spontanément leur situation, y compris avant l’entrée en vigueur de ces dispositions. À la veille du sommet des chefs d'État européens qui traitera en partie de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, le ministre du budget, M. Bernard Cazeneuve, a réaffirmé, dans un entretien donné au quotidien Le Parisien, le 21 mai dernier, sa détermination à faire appliquer le droit commun, tel qu’il sortira renforcé après l’adoption du présent texte.

Dans cette perspective, l’article 3 de ce dernier prévoit la modification de l’article 1741 du code général des impôts afin que soit considérée comme circonstance aggravante de fraude fiscale le fait de la commettre en « bande organisée », ou en ayant recours à des comptes bancaires ou des entités détenus à l’étranger ou au moyen de certaines manœuvres (falsification, interposition d’entité fictive ou artificielle, …).

La fraude fiscale aggravée sera désormais passible de sept années d’emprisonnement et d’une amende pénale de 2 millions d’euros, contre 1 million actuellement. Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, il s’agit de sanctionner plus sévèrement la fraude fiscale dès lors qu’elle est commise avec des circonstances qui la rendent plus difficilement détectable par les services de l’administration fiscale, ce qui compromet les possibilités de chiffrer et recouvrer les impôts éludés.

Cet article octroie par ailleurs aux enquêteurs, pour les cas de fraude fiscale aggravée, le bénéfice des « techniques spéciales d’enquêtes » : la surveillance, l’infiltration, la garde à vue allongée à quatre jours, les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête, les sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, les captations des données informatiques, et les saisies conservatoires. Les perquisitions de nuit sont cependant exclues du dispositif.

Beaucoup des personnes auditionnées par votre rapporteure ont insisté sur la nécessité de rendre effectives les sanctions prononcées, en particulier par la privation réelle de la jouissance du patrimoine des fraudeurs.

Les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 11 concernent l’amélioration des outils et des procédures de saisie et de confiscation des biens meubles ou immeubles des personnes convaincues de fraude fiscale. Ils élargissent notamment les dispositions instaurées par la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (55).

L’article 4 instaure une peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine en cas de condamnation d’une personne morale pour blanchiment.

En application du principe de légalité des peines, une telle sanction ne peut s’appliquer que si le texte d’incrimination de l’infraction pour laquelle la personne est condamnée le prévoit expressément. Aujourd’hui, cette peine est prévue pour les personnes physiques coupables de blanchiment, mais pas pour les personnes morales (56). Le présent article vient étendre le champ de la confiscation de patrimoine en cas de blanchiment, et « sécuriser » cette peine qui, faute d’être expressément prévue par le code pénal, n’était pas certaine (57).

L’article 5 modifie les dispositions du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale régissant les contrats d’assurance-vie afin de prévoir expressément que la condamnation définitive à la peine de confiscation d’un contrat d’assurance-vie entraîne sa résolution judiciaire et le transfert des fonds au profit de l’État.

Pour pallier les difficultés liées à la nature juridique du contrat d’assurance-vie, la loi du 9 juillet 2010 précitée a instauré un régime de saisie pénale spécifique applicable aux créances résultant de contrats d’assurance-vie. Cependant, la chambre criminelle de la Cour de cassation en a fait une interprétation très stricte, estimant que cette procédure spéciale était exclusive de toute autre et interdisait l’appréhension directe des fonds investis entre les mains de l’organisme gestionnaire, même lorsqu’il pouvait être établi qu’ils constituaient le produit direct ou indirect de l’infraction (58). La conséquence de cette jurisprudence est d’interdire l’appréhension immédiate des fonds au stade de la saisie.

Il convient d’éviter l’extension de cette solution en matière d’exécution des peines de confiscation portant sur des contrats d’assurance-vie. Dans ce cas en effet, l’État serait obligé d’attendre le dénouement de ces contrats avant de pouvoir exécuter la peine.

Comme l’explique l’étude d’impact précitée, il s’agit de sécuriser les effets juridiques de la décision définitive de confiscation des sommes investies ou de la créance résultant du contrat d’assurance-vie, tant pour l’État que pour l’organisme gestionnaire de ce contrat et les tiers.

L’article 6 étend la possibilité d’effectuer des saisies et des confiscations en valeur également sur les biens dont le condamné a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.

En 2012 (59), a été généralisée la possibilité d’ordonner la confiscation des biens du condamné dont la valeur est équivalente au montant du produit direct ou indirect de l’infraction. Il s’agit des biens appartenant au condamné, qui n’ont pas de relation avec l’infraction, mais qui correspondent, par leur valeur, au montant du profit qui a été généré par cette infraction.

Le même texte a introduit le concept de « libre disposition » au sein de plusieurs articles du code pénal, afin d’empêcher les parades qui consistent à mettre ses biens au nom d’un tiers pour éviter toute saisie ou confiscation.

Cet article 6 vise à étendre le bénéfice de l’introduction de ce concept de « libre disposition » à la confiscation en valeur, notion particulièrement utilisée dans les dossiers de fraude ou d’escroquerie de grande ampleur.

L’article 7 vise à limiter l’accès au dossier pénal en cas de recours contre une décision de saisie, pour le limiter aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée, et non à l’intégralité du dossier.

En effet, dans le cadre de la procédure de saisie pénale instaurée par la loi du 9 juillet 2010 précitée, la décision autorisant la saisie peut être déférée à la chambre de l’instruction par la voie de l’appel.

Afin de préserver le secret de l’enquête pénale, les textes applicables prévoient que « le propriétaire du bien et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l’instruction. Les tiers ne peuvent toutefois pas prétendre à la mise à disposition de la procédure ». Or le Gouvernement indique que la notion de « tiers » est source de confusion dans la mesure où les textes ne précisent pas s’il s’agit du tiers à la procédure ou du tiers par rapport au propriétaire du bien.

Au bénéfice de cette incertitude juridique, certains tiers ont pu avoir indûment accès à la procédure.

Pour limiter ce risque, l’article 7 prévoit qu’en cas de recours, le requérant, le propriétaire du bien et les tiers « ne [peuvent] prétendre (…) qu’à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie » qu’ils contestent.

L’article 8 du projet de loi vise à faciliter l’exécution des décisions de confiscation des immeubles en cas d’opposition de l’occupant à la libération des lieux et à la remise du bien.

En cas de confiscation immobilière, en effet, le transfert de propriété au profit de l’État est automatique et entraîne l’obligation pour l’occupant de libérer les lieux, afin de permettre sa vente par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). L’étude d’impact relève cependant une difficulté majeure : l’occupation volontaire du bien par le condamné ou un membre de sa famille rend la prise en compte effective du bien assez difficile et ralentit la procédure confiée au notaire en ne permettant pas un accès à l’immeuble.

Dans ce contexte, le projet de loi vise à étendre l’incrimination prévue à l’article 434-41 du code pénal (60) aux confiscations de tout bien, corporel ou incorporel, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales.

L’article 9 a pour but de simplifier l’entraide pénale internationale en matière de saisie des avoirs criminels.

La loi précitée du 9 juillet 2010 avait codifié les dispositions des lois des 14 novembre 1990 et 13 mai 1996 portant sur l’exécution, en France, des décisions de saisies étrangères. Le manque d’actualisation dans la rédaction de cette codification a conduit, en pratique, à des difficultés dans l’exécution des décisions de saisies étrangères.

Ainsi l’article 694-10 du code de procédure pénale limite l’exécution de saisies faites à la demande d’autorités étrangères aux saisies du produit de l’infraction et à la saisie en valeur, excluant ainsi la saisie de l’instrument de l’infraction.

De même, l’article 694-12 du code de procédure pénale oblige le juge d’instruction qui ordonne l’exécution de la saisie à statuer « sur requête du procureur de la République ». Or il est des cas où le juge d’instruction est directement saisi de la demande étrangère. L’article prévoit donc, en prenant exemple sur les textes de droit interne concernant les saisies, que la saisie soit ordonnée par le magistrat instructeur, sur requête ou après avis du ministère public.

Enfin, actuellement, la saisie n’est possible que « si le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse » (61). Or cette limitation ne se retrouve plus dans les textes internationaux, ni en droit interne pour la confiscation du produit.

L’article 9 vise donc à rectifier les difficultés posées par la rédaction actuelle des textes relatifs aux saisies étrangères.

L’institution d’un procureur national spécialisé dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière constitue un engagement fort du chef de l’État. Le 10 avril 2013, le Président de la République a en effet annoncé « la création d’un parquet financier, un procureur spécialisé avec une compétence nationale, qui pourra agir sur les affaires de corruption et de grandes fraudes fiscales ». Cette structure judiciaire nouvelle aura pour mission de « renforcer la lutte contre la grande délinquance économique et financière », avait-il précisé. C’est également à cette occasion que la création d'un office central de lutte contre la fraude et la corruption a été annoncée.

Par une lettre rectificative au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, a donc été proposée la création d’un parquet financier à compétence nationale, distinct du parquet de Paris. Ce parquet sera compétent en matière de lutte contre la corruption et la fraude fiscale et sera dirigé par le procureur de la République financier, assisté de substituts et placé sous l’autorité du procureur général près la cour d’appel de Paris.

Cette modification nécessite une révision de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui fait l’objet d’un projet de loi distinct.

L’ensemble entend mettre fin à la complexité actuelle de l’architecture du traitement judiciaire de la grande délinquance économique et financière.

En particulier, il transfère les compétences des pôles économiques et financiers, créés en 1975 (il s’agissait à proprement parler de juridictions régionales spécialisées), aux juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS), créées en 2004. Les premiers étaient compétents pour les infractions de « grande complexité », tandis que les secondes pouvaient connaître des infractions présentant une « très grande complexité ». Il est à noter que l’exposé des motifs indique que « l’extension [du] champ de compétence [des JIRS] devra s’accompagner d’une réflexion sur le renforcement de leurs moyens ».

Les compétences dévolues au nouveau procureur financier seraient les suivantes :

– atteintes à la probité (corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, « pantouflage », favoritisme, détournement de fonds publics et délits d’obtention illicite de suffrage en matière électorale), lorsque les procédures apparaissent d’une grande complexité ;

– infractions de corruption d’agent public étranger ;

– délits de fraude fiscale complexe et de fraude fiscale commise en bande organisée ;

– blanchiment de l’ensemble des infractions susvisées ainsi que l’ensemble des infractions connexes.

Il s’agira d’une compétence concurrente, qui nécessitera donc une concertation avec les parquets locaux. Une compétence exclusive est cependant prévue pour les délits boursiers, compétence actuellement dévolue au parquet de Paris.

À l’heure actuelle, en matière économique et financière, seuls la corruption d’agent public étranger et les délits boursiers font l’objet d’une compétence nationale. Pour le reste, le traitement des infractions économiques et financière fait l’objet d’une répartition entre les pôles économiques et financiers et les juridictions interrégionales spécialisées, lorsque la complexité de l’affaire le justifie.

L’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi résume la volonté des auteurs du projet de loi : la nouvelle organisation permettra « une concentration des moyens et de l’expertise nécessaires à l’efficacité de la lutte contre ces formes particulières de délinquance financière », et le nouveau procureur augmentera « la visibilité de la politique de lutte contre la fraude fiscale et la corruption qu’il incarnera ».

La direction centrale de la police judiciaire prévoit déjà un regroupement de ces affaires au sein de la division nationale des investigations financières et fiscales (DNIFF), qui a vocation à être transformée en office central, et qui comporte deux brigades spécialisées : la brigade centrale de lutte contre la corruption et la BNRDF (Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale.

L’article 2 du présent projet étend le champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) au blanchiment de la fraude fiscale complexe.

La procédure judiciaire fiscale a été créée par la 3ème loi de finances rectificative pour 2009, afin de répondre au développement de schémas complexes de fraudes fiscales.

Outre l’instauration d’une procédure confidentielle d’examen des dossiers devant la CIF, la loi précitée a autorisé l’administration à déposer plainte en amont des procédures administratives de contrôle, sur la base de présomptions caractérisées de fraude et non plus uniquement après achèvement de la procédure de vérification fiscale.

Enfin, le texte a prévu la participation dans le cadre des enquêtes judiciaires d’agents des services fiscaux dotés de pouvoirs de police judiciaire, au sein d’un service spécialisé à compétence nationale. La BNDRF ainsi créée a vu son champ de compétence progressivement étendu. Cependant, la liste limitative des cas autorisant la saisine de la BNDRF (62) l’empêche d’appréhender les autres infractions économiques et financières autrement que l’angle de la connexité avec le délit de fraude fiscale complexe dont elle est saisie à titre principal.

L’article 2 prévoit l’extension du champ de compétence d’attribution de la BNRDF afin de permettre également la saisine de ce service sur la base de la seule infraction de blanchiment de fraude fiscale. L’étude d’impact précise que « cette modification permettra une saisine plus souple du service, en évitant, le cas échéant, l’obligation d’une plainte préalable des services fiscaux et en offrant, de ce fait, une souplesse accrue et une meilleure réactivité ».

L’article 10 du présent projet permet à l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine, hors le cas des procédures de visite domiciliaire.

Le but de cette disposition est de sécuriser les procédures de contrôle fiscal à caractère contradictoire, eu égard au risque d’extension de la règle jurisprudentielle interdisant la production de preuve obtenues de façon illicite, au soutien d’une demande de visite domiciliaire.

L’article offre donc la possibilité à l’administration fiscale de recourir à des preuves pouvant avoir une origine illicite sous réserve que ces preuves aient été régulièrement portées à la connaissance des services fiscaux par une autorité judiciaire ou dans le cadre d’une assistance administrative internationale. Une seconde réserve est constituée par l’exclusion des procédures de visites domiciliaires. L’article 10 ne remet donc pas en cause la jurisprudence civile de la Cour de cassation, mais permet de clarifier le régime juridique des preuves venant au soutien des autres procédures de contrôle à caractère contradictoire.

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EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET FISCALE

CHAPITRE II

BLANCHIMENT ET FRAUDE FISCALE

Article 2

Élargissement des compétences et des modalités de saisine de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF)

Le présent article vise à étendre les attributions de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), « police fiscale » créée voilà trois ans dans le cadre de la procédure d’enquête judiciaire fiscale. L’article introduit le blanchiment de fraude fiscale dans le champ des compétences de la BNRDF, ce qui ouvre la possibilité pour le juge de saisir celle-ci directement, sans plainte préalable de l’administration fiscale.

C’est à l’initiative de la commission des Finances de l’Assemblée, à l’issue de ses travaux sur les paradis fiscaux, qu’a été introduite la procédure d’enquête judiciaire fiscale dans la dernière loi de finances rectificative pour 2009 (63). Cette procédure permet à l’administration fiscale de déposer plainte, avant le début des opérations de contrôle fiscal, en vue de faire rechercher, avec des prérogatives de police judiciaire, des éléments de nature à caractériser et à sanctionner les fraudes les plus complexes et difficiles à appréhender.

Le dispositif s’articule en deux parties. En premier lieu, une procédure spécifique devant la Commission des infractions fiscales (CIF) a été créée au sein de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, afin de garantir la confidentialité de l’enquête. En effet, en droit commun, l’administration fiscale achève ses opérations de contrôle fiscal, puis, lorsque les manœuvres frauduleuses s’avèrent particulièrement graves, le ministre du budget peut déposer plainte contre le contribuable devant le juge pénal. Toutefois, le dépôt de la plainte est conditionné à l’obtention d’un avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF), et lorsque la Commission est saisie, le contribuable en est informé par une lettre qui lui indique l’essentiel des griefs motivant cette saisine et l’invite à fournir, dans un délai de trente jours, les informations qu’il estimerait nécessaires (64).

Dans le cadre d’une enquête fiscale judiciaire, par dérogation, l’administration peut déposer plainte sur le seul fondement de présomptions caractérisées, lorsqu’il existe un risque de dépérissement des preuves de l’infraction fiscale, et pour les cas de fraudes complexes réalisées au moyen de faux ou de comptes détenus directement ou indirectement dans des États ou des territoires non coopératifs (65). Ces dispositions correspondent aux cas où des indices suffisants corroborent l’existence de la fraude, sans qu’il soit néanmoins possible, au regard des preuves accumulées, de mettre directement en œuvre des poursuites. Dans ce cas, la CIF peut examiner l’affaire dont elle est saisie sans que le contribuable ne soit avisé de sa saisine ni informé de son avis. Cette confidentialité assure bien évidemment une meilleure efficacité des investigations judiciaires, telles que les perquisitions et les écoutes téléphoniques.

C’est ensuite sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction saisi de la plainte déposée par l’administration fiscale, dans les conditions spécifiques précitées, que l’enquête est confiée à une « police fiscale ».

Le deuxième volet du dispositif introduit en 2009 est la création de cette « police fiscale », qui s’appuie sur les compétences d’officiers fiscaux judiciaires. Aux termes de l’article 28-2 du code de procédure pénale, entré en vigueur en 2009, des agents des services fiscaux sont habilités personnellement par le procureur général près la cour d’appel du siège de leur fonction à rechercher ou constater des cas de fraudes fiscales complexes répondant aux conditions prévues à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales. Compétents sur l’ensemble du territoire, ils sont placés exclusivement sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance d’un procureur général et le contrôle de la chambre d’instruction. Ils travaillent aux côtés d’officiers de police judiciaire au sein de la nouvelle Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF).

Ces dispositions ont été largement inspirées par celles de l’article 28-1 du code de procédure pénale, qui permet, depuis 1999 (66), à des agents des douanes de disposer de ces pouvoirs d’officier de police judiciaire pour rechercher et constater toute infraction au code des douanes, au sein du Service national de la douane judiciaire.

Depuis son institution, la procédure d’enquête judiciaire fiscale a vu son champ de compétences peu à peu élargi au fil des lois de finances rectificatives de fin d’année.

En premier lieu, la dernière loi de finances rectificative pour 2010 (67)a étendu ce champ aux infractions connexes aux délits de fraude fiscale, en modifiant l’article 28-2 du code de procédure pénale. Il s’agissait d’assurer que la BNRDF ait des compétences suffisamment larges pour ne pas être limitée ni dans sa saisine par la justice ni dans ses investigations. De fait, les comportements de fraude complexe sont souvent associés à des délits de droit commun.

Ensuite, en dernière loi de finances rectificative pour 2011 (68), ont été précisées les conditions d’appréciation du caractère non coopératif de l’État ou du territoire où peuvent être souscrits des comptes ou contrats utilisés à des fins de fraude fiscale complexe. De ce fait, le délai de recours à la procédure d’enquête judiciaire a été prolongé à trois ans après la conclusion par la France d’une convention d’assistance administrative avec un État ou un territoire, afin d’être en mesure d’apprécier préalablement l’application effective de la convention par l’État en question.

La première loi de finances rectificative pour 2012 (69) n’a modifié qu’à la marge les dispositions applicables, à des fins de coordination, en prévoyant l’alignement des prérogatives des agents des services fiscaux sur celles attribuées aux officiers de police judiciaire lorsqu’ils mènent des enquêtes judiciaires.

En revanche, la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (70) a sensiblement accru le champ d’application de l’enquête fiscale judiciaire. L’article L. 228 du livre des procédures fiscales a été complété par l’ajout de deux nouveaux cas de fraude fiscale complexe pour lesquels, en cas de présomptions caractérisées, la BNRDF peut être saisie : il s’agit de la fraude fiscale résultant d’une « domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger » ou de « toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration ». Pour l’heure, il est encore trop tôt pour apprécier l’incidence de cet élargissement des attributions de la BNRDF, et notamment le nombre d’affaires qui lui seront transmises sur ce fondement.

La Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale a été créée par décret n° 2010-1318 du 4 novembre 2010. Le choix a été fait de la rattacher au ministère de l’Intérieur : elle constitue ainsi l’une des treize entités, offices ou brigades qui composent la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière, laquelle sous-direction relève elle-même de la direction centrale de la police judiciaire.

Plus précisément, la BNRDF est placée au sein de la Division nationale d'investigations financières et fiscales (DNIFF), aux côtés de deux autres brigades : la Brigade de répression de la délinquance financière (BRDFi) et la Brigade centrale de lutte contre la corruption (BCLC). Pour mémoire, la BRDFi est principalement chargée de diligenter les enquêtes complexes concernant les abus de biens sociaux, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, les ententes illégales, les infractions aux règles applicables en matière de financement politique des campagnes électorales, les infractions au code des marchés publics et le délit d'octroi d'avantage injustifié (favoritisme) ; elle est également spécialisée en droit pénal boursier. La BCLC traite quant à elle des infractions de corruption et des délits dits « d'atteinte à la probité » et se positionne plus particulièrement sur l'application de la convention OCDE de 1997 ratifiée par la France, à savoir la répression de la corruption des agents publics étrangers dans le cadre des transactions commerciales internationales.

Cette organisation sera amenée à évoluer dans le prolongement du présent projet de loi, puisqu’a été annoncée la création d’un nouvel Office central de lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Ce dernier devrait être créé à partir de l'actuelle Division nationale d'investigations financières et fiscales, tout en conservant le même positionnement que cette division dans l’architecture de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Il n’est pas prévu qu’il absorbe d’autres services, mais il est envisagé qu’il dispose d’officiers de liaison de la direction générale des douanes et de la direction générale de la répression des fraudes, afin de pouvoir s’appuyer sur un réseau de renseignement lui permettant d'identifier des problématiques relevant de son domaine de compétences et d’engager dès que possible des investigations judiciaires. C'est dans cette perspective qu'il est également envisagé de placer un officier de liaison de l'office au sein de Tracfin.

La BNRDF dispose de pouvoirs d’enquête étendus, prévus par le code de procédure pénale. Elle peut recourir à des perquisitions, à des interpellations, à des auditions de témoins ou de mis en cause, à des gardes à vue, mais aussi à des surveillances et des filatures, ainsi qu’à des interceptions de télécommunications et des saisies pénales. Ces pouvoirs sont fonction du cadre juridique, selon qu’il s’agit d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire.

Ces différents moyens d’enquête doivent permettre à la BNRDF de caractériser la fraude fiscale et de fournir à la justice comme à l’administration fiscale des éléments de preuve de nature à permettre de taxer et de sanctionner les contribuables. Outre ces finalités répressives, la BNRDF a également vocation, de par la nature des dossiers qu’elle traite et des montants élevés de fraude qu’ils recouvrent, à faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État ; les enjeux budgétaires de son action sont réels. Enfin, la Brigade exerce un rôle dissuasif à l’égard des contribuables, du fait de ses pouvoirs spécifiques, qui vont bien au-delà des moyens dont disposait auparavant l’administration fiscale pour rechercher et sanctionner la fraude. Ainsi qu’il a été indiqué avec humour à la Rapporteure, à la différence de la DGFiP, le budget « timbres et recommandés » de la BNRDF n’est pas très conséquent : si une personne ne se rend pas à une convocation, la brigade dispose des moyens juridiques pour l’y contraindre, ce qui modifie nécessairement le rapport qu’elle entretient avec le contribuable.

La BNRDF compte actuellement neuf officiers de police judiciaire, relevant du ministère de l’intérieur, et treize agents issus de la DGFiP ayant acquis la qualité d’officiers fiscaux judiciaires ; s’y ajoutent deux agents administratifs. Elle est dirigée par un commissaire de police assisté d’un administrateur des finances publiques adjoint. Elle comprend deux sections d’enquêtes de dix personnes, l’une de ces sections étant commandée par un officier de police, tandis que l’autre est dirigée par un inspecteur divisionnaire des finances publiques. Avec environ 25 personnes, il s’agit donc d’une structure relativement légère. Toutefois, la BNRDF bénéficie de la coopération des autres services et offices de la sous-direction au sein de laquelle elle se trouve, et peut s’appuyer, le cas échéant, sur leurs moyens, par exemple en matière de filature. Par ailleurs, selon les informations recueillies par votre Rapporteure, il est probable que les effectifs de la BNRDF soient significativement renforcés au cours des prochains mois.

La composition de la BNRDF permet de réunir des profils professionnels complémentaires, afin de faire face à tout l’éventail de ses tâches – des filatures aux analyses de montages de fraude fiscale complexe. Les officiers de police judiciaire sont majoritairement issus de services spécialisés de police judiciaire et ont une expérience dans le domaine économique et financier. Ils ont en outre reçu une formation spéciale de six semaines portant sur le droit fiscal, les procédures de contrôle et l'organisation de la DGFiP au sein de l’École nationale des finances publiques (ENFIP). Les officiers fiscaux judiciaires, quant à eux, ont tous réussi l'examen d'accès à la qualification d'officier fiscal judiciaire après avoir été formés durant trois mois à l'École nationale supérieure des officiers de police (ENSOP). Ils ont également été formés à l'usage de l'arme de service et aux techniques policières d'intervention et d'interpellation.

De l’avis général des personnes auditionnées par la Rapporteure, la BNRDF a été opérationnelle très rapidement, et elle a répondu pleinement aux objectifs qui lui avaient été assignés. Dès 2010, la CIF a autorisé le dépôt d’une quarantaine de plaintes en vue de la mise en œuvre de la procédure d’enquête judiciaire fiscale, puis d’à nouveau une quarantaine en 2011, et enfin de soixante autres en 2012, soit un volume en nette croissance. Au total, la BNRDF a été saisie de 138 plaintes depuis sa création, correspondant in fine à 86 dossiers, lesquels représentent des patrimoines ou des avoirs dissimulés à l’étranger de l’ordre de 800 millions d’euros.

Une part importante des dossiers transmis à la BNRDF, soit une cinquantaine, était issue de ce qu’il est convenu d’appeler la « liste HSBC », c’est-à-dire les informations recueillies par l’administration fiscale par l’intermédiaire de la justice, en 2009, sur des contribuables français disposant de comptes non déclarés dans l’établissement de crédit suisse HSBC. Du fait du statut juridique alors incertain de ces informations, l’administration fiscale n’a pu en faire état à l’appui de ses contrôles fiscaux – ces difficultés devant être levées par l’article 10 du présent projet de loi relatif à la recevabilité de la preuve. Pour les dossiers particulièrement complexes, pour lesquels les contribuables refusaient de reconnaître l’existence d’avoirs non déclarés, l’administration fiscale a fait appel à la BNRDF.

Selon les données fournies à la Rapporteure, les premiers rapports d’enquête qui ont été transmis par la « police fiscale » font état dans la plupart des cas de fraudes fiscales d’ampleur, tant en termes financiers que de complexité et d’importance des montages mis en place. Les investigations menées ont permis, a minima, de confirmer les soupçons de fraude fiscale mentionnés dans les plaintes, voire d’identifier les complices et co-auteurs de la fraude. La durée moyenne des enquêtes conduites par la BNRDF est de l’ordre de 18 mois, mais elle peut varier en fonction de divers paramètres, par exemple le recours à l’entraide judiciaire internationale, qui peut allonger les délais.

En termes de typologie, les fraudes rencontrées ont le plus souvent une dimension patrimoniale. Elles comprennent l’existence de comptes à l’étranger non déclarés – qui peuvent être alimentés par des fonds détournés d’activités commerciales aussi bien que par des héritages plus ou moins récents –, le recours à des trusts, des montages de défiscalisation abusive avec la mise en place de sociétés offshore interposées, le transfert de fonds qui ne semblent pas correspondre à une opération économiquement justifiée ; ces différents schémas correspondant souvent à des enjeux de plusieurs millions d’euros, voire davantage. Un important dossier concernant une officine proposant des sociétés offshore a permis de s’intéresser à la problématique récurrente des professionnels de la fraude pour autrui proposant des montages élaborés, destinés à égarer l’administration.

Les enquêtes correspondent à ce que l’on qualifie communément de « délinquance en col blanc » : les personnes visées sont en général issues de classes plutôt aisées, ont un certain âge et sont majoritairement de sexe masculin. Le plus grand nombre sont des personnes ayant eu des activités commerciales déclarées dont elles ont dissimulé une partie des revenus. Quelques enquêtes ont également conduit à s’intéresser à des délinquants de droit commun dont les activités sont totalement occultes et illégales.

Dans le cadre de ces différents dossiers, des saisies patrimoniales de nature pénale ont d’ores et déjà été réalisées pour 25 millions d’euros à ce jour. Les biens saisis sont très divers : biens immobiliers, véhicules de luxe, liquidités… Sur 86 dossiers, 15 sont achevés et ont été retournés aux différentes juridictions. Les services de la DGFiP ont commencé à « fiscaliser » les informations recueillies par la BNRDF sur ces dossiers pour un montant de droits et de pénalités provisoires cumulés d’environ 15 millions d’euros. Aucune décision de jugement n'est encore intervenue à ce jour, les premières décisions de renvoi devant le tribunal correctionnel n’ayant été prises qu’il y a quelques mois. Les audiences devraient se tenir au cours du dernier trimestre 2013.

La BNRDF a une compétence d’attribution et ne peut être saisie que sur la base des infractions de fraude fiscale prévues par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsque les conditions prévues aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales caractérisant une fraude complexe sont réunies. Pour l’heure, elle ne peut donc appréhender les autres infractions économiques et financières que sous l’angle de la connexité avec le délit de fraude fiscale complexe dont elle est saisie à titre principal.

Il importe que la spécificité de la BNRDF soit maintenue et que la procédure d’enquête judiciaire fiscale ne soit pas banalisée. La Brigade n’a nullement vocation à devenir un service économique et financier généraliste, ni à prendre en charge des dossiers qui ne relèveraient pas de la fraude fiscale complexe, alors même que ses effectifs sont relativement limités. Toutefois, dans un souci d’efficacité et de simplicité, il apparaît nécessaire que la BNRDF puisse également être saisie sur la base de la seule infraction de blanchiment de fraude fiscale.

Le blanchiment est défini à l’article 324-1 du code pénal, et correspond au « fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. ». Il s’applique par nature à un éventail de crimes et de délits. La notion de blanchiment de fraude fiscale a de fait une portée très large, puisqu’elle permet de poursuivre le fraudeur pour sa propre fraude fiscale, ce qui correspond à un « autoblanchiment », mais aussi toutes les personnes qui sont intervenues en amont ou en aval de la fraude pour en faciliter la réalisation ou la dissimulation et le placement de son produit. Donner compétence à la BNRDF pour rechercher et constater le blanchiment de fraude fiscale lui conférera une souplesse accrue et une meilleure réactivité lorsque des faits nouveaux apparaîtront en cours d’investigations sur ses dossiers, notamment afin de poursuivre des personnes impliquées autres que le contribuable lui-même, et lui permettra d’accroître son efficacité opérationnelle.

Le présent article se traduit également par un assouplissement des conditions de saisine de la BNRDF, en offrant au juge la possibilité de la saisir d’un dossier sans qu’en amont, l’administration fiscale n’ait déposé une plainte devant le juge pénal.

En effet, par l’arrêt dit Talmon, en février 2008 (71), la Cour de cassation a admis qu’un contribuable puisse être judiciairement poursuivi et condamné du chef de blanchiment de fraude fiscale alors même qu'aucune poursuite administrative n'avait été engagée pour fraude fiscale. La Cour de cassation a consacré cette autonomie juridique en considérant que « la poursuite du délit de blanchiment, infraction générale, distincte et autonome, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ».

Il résulte de cet arrêt que, par le biais de l’infraction de blanchiment, le juge n’est pas tributaire de l’initiative de la DGFiP, après filtre de la CIF, et qu’il peut s’« autosaisir » d’un dossier de fraude fiscale, ainsi qu’il a eu l’occasion de le faire il y a peu pour une affaire qui a défrayé la chronique. Le monopole de l’administration fiscale dans le déclenchement des poursuites pénales est par là même quelque peu ébréché, même si le nombre de poursuites pénales qui ont été engagées à ce titre depuis 2008, au-delà de quelques dossiers particuliers, ne semble pas très élevé, selon les appréciations recueillies par la Rapporteure. Pour autant, ni le ministère de la justice ni celui du budget ne disposent d’outil statistique pour mesurer le nombre de dossiers découlant de cet arrêt Talmon.

Dans le cadre de cette jurisprudence, le présent article permet au juge de saisir directement la BNRDF via le blanchiment de la fraude fiscale, de façon autonome à l’égard de l’administration fiscale. Il s’agit là encore d’assouplir les modalités de la poursuite pénale de la fraude fiscale, afin de favoriser une plus grande réactivité dans le lancement de l’enquête judiciaire fiscale.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 2 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’article 2 élargissant le champ de compétence de la BNRDF au blanchiment de la fraude fiscale, il est utile d’y préciser que ces délits peuvent être réalisés avec l’aide de personnes intermédiaires.

Mme la rapporteure pour avis. Je partage votre préoccupation, mais cet amendement me paraît satisfait. Non seulement la notion de blanchiment a une portée très large, mais votre objectif est couvert par l’article 1742 du code général des impôts, qui prévoit que les complices des délits de fraude fiscale ayant directement participé à la préparation de l’infraction peuvent être punis comme leurs auteurs. Je vous propose donc de retirer l’amendement.

M. Henri Emmanuelli. Cette disposition est-elle souvent appliquée ?

M. Charles de Courson. Si tout un chacun peut se proclamer conseiller fiscal – ce statut n’ayant pas d’existence légale –, il s’agit le plus souvent d’avocats fiscalistes. Or, un avocat peut se prévaloir du secret professionnel, garanti par la loi ; comment, dans ce cas, appliquer la sanction ?

M. le président Gilles Carrez. Votre question contient la réponse : c’est impossible !

M. Henri Emmanuelli. Et on ne veut pas le rendre possible !

Mme la rapporteure pour avis. Je suis ravie que l’agacement à l’égard de cette profession étrange qu’est le conseil recueille l’unanimité – ou presque – auprès des différents groupes de cette commission. Mais, à ma connaissance, la seule personne à avoir été condamnée à une peine de prison ferme pour fraude fiscale est un avocat ; les preuves de sa culpabilité ont donc pu être établies. Les dispositions de ce projet de loi tendent à renforcer les techniques permettant de prouver qu’il ne s’agit ni d’un conseil désintéressé ni des droits de la défense, mais de complicité et de recel de fraude fiscale.

M. Henri Emmanuelli. Ne donnez pas de faux exemples : dans ce cas, c’est l’avocat et non son client qui était l’auteur de la fraude.

M. Pascal Cherki. Je vous invite, mes chers collègues, à prendre connaissance du rapport 2011 de Tracfin, qui rappelle que le code monétaire et financier astreint les avocats à des déclarations de soupçon dès lors qu’ils considèrent qu’un de leurs clients se livre au blanchiment, et qui signale que, à ce jour, il n’a été recueilli qu’une seule déclaration. Il est important de connaître les modèles techniques et juridiques qui permettent l’évasion fiscale.

Par ailleurs, beaucoup d’argent passe par la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Si les avocats invoquent toujours le secret professionnel, il serait utile d’astreindre cette institution à faire une déclaration de soupçon lorsqu’elle constate des mouvements de fonds d’origine incertaine. Les banques et nombre d’autres institutions financières en ont l’obligation ; pourquoi pas la CARPA ?

M. Charles de Courson. Si l’on ne lève pas le secret professionnel – en matière fiscale uniquement – pour tous les avocats, ces dispositions resteront lettre morte. Les ordres des avocats que nous avons auditionnés nous ont opposé leur devoir de loyauté à l’égard de leurs clients. Couverts par la loi, ils ne dénonceront jamais un client qui a monté, ou avec lequel ils ont monté un mécanisme de fraude fiscale.

M. Henri Emmanuelli. On peut préciser, par précaution, que le secret ne serait levé qu’en cas de forte présomption.

M. Charles de Courson. Il faudrait également prévoir un mécanisme professionnel où l’on saisirait le bâtonnier.

M. Étienne Blanc. La CARPA encaisse des fonds – le produit d’une vente judiciaire ou d’un préjudice – dans le cadre d’un mandat qu’un client donne à son avocat, à la suite d’un jugement rendu par un tribunal. Dans le cas où les fonds ne passent pas par le cabinet d’avocats, et où l’avocat n’est pas mandataire pour les encaisser, on ne saurait lui demander de déclarer ce qui passe par la CARPA.

Quelles possibilités nouvelles l’article 2 apporte-t-il à l’administration fiscale pour lutter contre le blanchiment, par rapport aux articles 1741 à 1743 du code général des impôts ? L’article 1743 rend d’ores et déjà possible de poursuivre celui qui se livre à une opération en vue de masquer le produit d’une fraude fiscale.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’étendre le champ d’action de la BNRDF, la police apparaissant toujours plus dissuasive que l’administration fiscale.

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des Lois. Dans les auditions que nous avons menées en commun avec Sandrine Mazetier, la question du rôle de l’avocat a été centrale. Rencontrer des avocats fiscalistes suisses nous a également permis de constater que ce métier était considéré très différemment en Suisse. Les ordres d’avocats ont du mal à comprendre qu’un avocat – même soumis au secret professionnel – ne doit pas participer à une infraction. L’organisation d’une fraude avec la collaboration d’un avocat doit pouvoir tomber sous le coup de la loi, surtout maintenant que le fait de commettre la fraude en bande organisée a été retenu comme circonstance aggravante. Trouverait-on normal qu’un avocat participe, par ses conseils, à la préparation d’un braquage ? L’ambiguïté vient du flou qui entoure la frontière entre fraude et optimisation fiscales ; vos missions d’information devraient permettre de clarifier ces notions.

Dans le cadre de la législation actuelle – que devrait renforcer ce texte –, seule une poignée d’avocats sont aujourd’hui menacés d’être poursuivis pour complicité de fraude fiscale. Ils se considèrent comme couverts par le secret professionnel, alors que celui-ci ne doit pas les autoriser à participer aux infractions.

Mme Arlette Grosskost. Prenons le cas d’un avocat qui procède à une cession d’entreprise ; sans encaisser les fonds, il se contente de réaliser l’acte de vente et la convention de garantie d’actif et de passif. Mais, si le cédant qui reçoit les fonds choisit de les placer dans un pays tiers, la rédaction de l’amendement permettra d’accuser l’avocat de complicité !

Mme Marie-Christine Dalloz. En évoquant le montant global de 20 milliards d’euros par an, Mme la rapporteure oublie de tenir compte de la fraude sociale pour ne stigmatiser que la fraude fiscale. Ce chiffre, que nous avancions l’année dernière à propos de ces deux types de fraude, avait alors été critiqué ; je me réjouis de constater qu’on s’attaque aujourd’hui à ce problème.

Je me félicite également que la BNRDF – créée sous le précédent gouvernement – n’ait pas été remise en cause.

Enfin, faisons la part des choses et évitons les amalgames ! Il serait tout aussi absurde de stigmatiser la profession d’avocat à cause d’un ou deux cas problématiques que de jeter le discrédit sur l’ensemble de la classe politique sous prétexte qu’un ministre s’est rendu coupable de fraude fiscale. De même, l’optimisation fiscale ne concerne pas toutes les entreprises françaises et ne relève pas forcément de la fraude ; elle devra faire l’objet d’un texte séparé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CF 37 de la rapporteure pour avis.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.

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L’infraction de fraude fiscale peut faire l’objet à la fois de sanctions fiscales et de sanctions pénales, le cumul des deux étant pleinement admis par les deux ordres de juridictions – Conseil d’État et Cour de cassation – qui interviennent en qualité de juges de l’impôt, au regard du principe dit non bis in idem. Cette jurisprudence admettant le cumul des sanctions prend sa source dans la finalité différente des deux catégories de sanctions, et s’inscrit dans le cadre d’un « plafond » défini par le Conseil constitutionnel dans une décision du 30 décembre 1997 (72) : à cette occasion, le juge constitutionnel a estimé qu’un tel cumul est possible sous réserve qu’il respecte le principe de proportionnalité, ce qui implique que le montant global des sanctions qui viendraient à être prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé d’une des sanctions encourues.

Aux pénalités fiscales appliquées par l’administration, peuvent venir s’ajouter, pour les infractions les plus graves, des sanctions pénales, qui sont prononcées par les tribunaux correctionnels. Le texte le plus couramment appliqué en la matière est l’article 1741 du code général des impôts, qui définit en des termes très généraux le délit de fraude fiscale : il vise « quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel » de ses impôts, et définit les quatre cas suivants :

– omission volontaire de faire sa déclaration dans les délais prescrits ;

– dissimulation volontaire d’une part des sommes sujettes à l’impôt ;

– organisation de son insolvabilité ou obstacles mis par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt ;

– ou tout autre agissement de caractère frauduleux.

L’élément essentiel de la fraude réside donc dans son caractère intentionnel, dont l’article L. 227 du livre des procédures fiscales précise qu’il appartient au ministère public et à l’administration d’apporter la preuve.

De plus, l’article 1743 du code général des impôts dispose que les peines mentionnées à l’article 1741 sont également applicables :

– aux personnes qui ont sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou établi des écritures inexactes ou fictives dans le livre-journal ;

– aux personnes qui, en vue de faire échapper à l’impôt tout ou partie de la fortune d’autrui, s’entremettent soit en favorisant les dépôts de titres à l’étranger, soit en transférant ou faisant transférer des coupons à l’étranger pour y être encaissés ou négociés, soit en émettant ou en encaissant des chèques ou tous autres instruments créés pour le paiement des dividendes, intérêts, arrérages ou produit quelconques de valeurs mobilières ;

– aux personnes qui ont fourni sciemment des renseignements inexacts en vue du bénéfice d’une réduction d’impôt ou d’un crédit d’impôt.

Jusqu’en mars 2012, la fraude fiscale telle que définie par l’article 1741 et les infractions mentionnées à l’article 1743 étaient passibles d’une amende de 37 500 euros et d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. Lorsque les faits avaient été réalisés ou facilités au moyen soit d’achats ou de ventes sans factures, soit de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu’ils avaient eu pour objet d’obtenir de l’État des remboursements injustifiés, leur auteur était passible d’une amende de 75 000 euros et d’une peine de cinq ans de prison.

La première loi de finances rectificative pour 2012 (73) est venue durcir considérablement l’échelle de ces sanctions, qui n’avaient pas été modifiées depuis plus de 30 ans. Le plafond des amendes applicables aux cas de fraude fiscale commune a été multiplié par 13, passant de 37 500 à 500 000 euros, tandis que celui prévu lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d’achats ou de ventes sans factures, soit de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu’ils ont eu pour objet d’obtenir de l’État des remboursements injustifiés, a été décuplé, passant de 75 000 à 750 000 euros. En revanche, les plafonds des peines d’emprisonnement sont restés identiques.

Par ailleurs, la loi de finances rectificative de mars 2012 a introduit des circonstances aggravantes lorsque la fraude a été réalisée en lien avec des États ou des territoires non coopératifs. Des peines plus lourdes ont été instituées, avec une amende d’un million d’euros et de sept années de prison, lorsque les faits ont été réalisés ou facilités :

– au moyen de comptes ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis dans un État qui n’a pas conclu avec la France, depuis au moins cinq ans au moment des faits, une convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale française ;

– au moyen de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis dans l’un de ces États.

Il convient enfin de noter qu’afin de prendre en compte la proportion des droits fraudés, est prévu un seuil, en cas de dissimulation, en deçà duquel les sanctions ne sont pas applicables : tel est le cas lorsque la dissimulation porte sur une somme inférieure au dixième de la somme imposable ou à 153 euros.

Outre ces peines, le juge peut prononcer à l’encontre de l’auteur du délit des peines complémentaires de privation des droits civiques, civils et de famille ; il peut en outre ordonner l’affichage de la décision et la diffusion de celle-ci.

Dans le cadre de la procédure de droit commun, l’administration fiscale procède tout d’abord à ses opérations de contrôle fiscal, puis propose une rectification au contribuable concerné. En application de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, c’est à elle qu’il appartient ensuite de décider s’il y a lieu d’engager des poursuites pénales, sous le contrôle et avec l’avis conforme de la Commission des infractions fiscales. Le procureur de la République ne peut mettre en mouvement l'action publique que dans la mesure où l'administration a préalablement déposé une plainte.

Cette prérogative est justifiée par la nature particulière du délit de fraude fiscale, lié à la spécificité de la matière fiscale, qui renvoie à la diversité et la complexité des impôts et taxes soumis à des règles et des logiques propres. Elle permet d’assurer une identification cohérente des dossiers faisant l’objet de poursuites, et donc une harmonisation en équité des affaires fiscales recevant des suites pénales sur l’ensemble du territoire national.

L’administration fiscale a relativement peu recours à la procédure pénale pour sanctionner la fraude fiscale, puisqu’en moyenne le nombre de dossiers transmis représente environ 2 % du total des contrôles fiscaux externes réalisés (au nombre d’environ 52 000) – lesquels ne conduisent toutefois pas tous à découvrir des comportements frauduleux.

En application du principe de proportionnalité, seules les fraudes les plus graves font l’objet d’une plainte devant la justice. Pour retenir les dossiers relatifs aux comportements les plus répréhensibles, l’administration fiscale prend en compte divers critères d’ordre fiscal, pénal mais aussi personnel. La circulaire Justice-Budget, dite « Badinter-Fabius » du 30 octobre 1981 relatives aux poursuites correctionnelles pour fraude fiscale s’applique toujours en la matière. Est notamment indiqué que « le choix des affaires susceptibles de donner lieu à l'engagement de poursuites correctionnelles s'effectue essentiellement en considération de la nature, de l'importance et de la gravité de la fraude, sans qu'il soit fait exception de la qualité sociale ou professionnelle de ses auteurs. Ceci n'exclut pas, bien entendu, qu'il soit tenu compte, le cas échéant, des circonstances humaines notamment, propres à chaque cas particulier. ».

Elle précise également que « l'Administration considère qu'il faut réserver une suite pénale non seulement à certains types d'agissements, particulièrement élaborés, destinés à faire échapper leurs auteurs aux investigations les plus poussées ou qui s'accompagnent de manœuvres ou de procédés ayant pour objet de donner une apparence de régularité à des opérations frauduleuses, mais encore à ceux qui, pour banales qu'en aient été les modalités d'exécution, n'en sont pas moins révélateurs de la volonté de leurs auteurs de se soustraire à l'établissement ou au paiement de l'impôt, leur découverte n'ayant été rendue possible qu'à la faveur d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de situation fiscale. »

De ces éléments, il découle que l’administration se détermine au vu de plusieurs critères. Le premier d’entre eux est fiscal, à savoir le montant des droits éludés. Des poursuites ne sont en général engagées que pour des montants élevés ; est souvent évoqué un seuil de l’ordre de 100 000 euros, sans que le dépassement de ce seuil ne constitue une condition absolue. Certains dossiers en deçà de ce montant peuvent être renvoyés au pénal, s’ils correspondent à des manœuvres frauduleuses particulièrement graves. Ceci renvoie au deuxième critère, celui d’ordre pénal, qui porte sur la nature et la gravité de la fraude. Certains mécanismes relèvent sans aucun doute de cette catégorie, comme les activités occultes, la participation à des carrousels de TVA, l’utilisation de factures fictives, les fausses domiciliations à l’étranger…

L’administration, enfin, tient compte de critères relatifs à la situation personnelle du contribuable. À cet égard, elle pourra prendre en compte l’âge du contribuable ou sa volonté manifeste de s’amender, par exemple lorsqu’il a acquitté les droits éludés. D’autres éléments, au contraire, plaideront dans le sens de la sévérité à l’égard des contribuables. L’administration examine par exemple avec une rigueur particulière le cas des contribuables qui ont déjà fait l’objet de poursuites pénales ou de pénalités fiscales à caractère répressif, et ce même s’il n’y a pas récidive au sens pénal du terme, c’est-à-dire commission du même délit, dans un délai de cinq ans, concernant le même impôt.

Bien évidemment, avant de proposer à la Commission des infractions fiscales qu’une plainte pénale soit déposée, l’administration fiscale doit s’assurer de la solidité de l’élément matériel et de l’élément intentionnel de la fraude poursuivie, en particulier lorsque les schémas de fraude sont complexes.

Lors de ses auditions, il a été indiqué à la Rapporteure qu’au cours des dernières années, les pratiques de l’administration fiscale avaient été infléchies, afin de durcir et de diversifier ses orientations pénales. Il a en effet souvent été reproché à l’administration fiscale de n’envoyer au pénal que des dossiers de fraude d’ampleur limitée, surtout dans les domaines du BTP et du transport, mais de ne pas transmettre ceux portant sur des gros patrimoines. À la suite de la fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, une réflexion a été menée sur les poursuites correctionnelles engagées par l’administration fiscale. Des actions de formation ont été réalisées à destination des agents de la DGFiP, afin de les sensibiliser à ces nouvelles orientations.

Les profils de fraudeurs renvoyés au pénal ont effectivement évolué au cours des dernières années, ainsi que le montre le tableau suivant.

RÉPARTITION DES PLAINTES POUR FRAUDE FISCALE

(en millions d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

 

%

Montants des droits fraudés

%

Montants des droits fraudés

%

Montants des droits fraudés

%

Montants des droits fraudés

%

Montants des droits fraudés

Agriculture

0,4

0,6

0,5

0,6

0,5

0,4

0,7

1,5

0,5

1,1

Industrie

2,4

7,1

3,8

7,1

3,4

5,4

2,7

4,8

2,6

9,6

BTP

32,1

66,5

34,3

77,3

30,2

75,5

28,0

76,8

24,2

63,4

Commerce

20,6

95,6

21,9

82,9

19,7

67,5

22,0

165,2

23,4

87,9

Services

25,4

58,3

24,1

94,5

29,1

79,3

28,0

145,2

22,7

105,4

Professions libérales

9,5

15,0

7,2

9,7

6,0

10,4

6,4

22,7

7,8

13,7

Dirigeants (1)

9,6

36,5

8,2

15,9

11,1

16,2

12,2

9,6

18,7

148,3

TOTAL

100

279,6

100,0

288,0

100

254,7

100

425,8

100

429,6

(1) Cette catégorie comprend également toutes les plaintes « police fiscale » (depuis 2010). Toutefois, le montant des droits fraudés n’inclut pas, compte tenu des caractéristiques de cette procédure, ce type de plaintes.

Source : DGFiP.

Si le nombre de dossiers renvoyés à la CIF est resté du même ordre de grandeur, soit environ un millier par an, le montant des droits fraudés a fortement augmenté, passant de 280 à 430 millions d’euros entre 2008 et 2012. La part du secteur du BTP a diminué, au « profit » de la catégorie des dirigeants et du secteur du commerce.

Les dossiers retenus par l’administration fiscale pour être renvoyés devant les tribunaux correctionnels sont soumis à la Commission des infractions fiscales, laquelle est chargée d’émettre un avis sur chacun d’entre eux.

La CIF a été créée par la loi du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière. Ainsi que l’a indiqué son président, M. Jean-François de Vulpillières, à la Rapporteure, l’idée qui a présidé à sa création était de permettre à une commission de donner un dernier regard sur un dossier avant sa transmission à la justice, afin d’apporter des garanties au contribuable et éviter que l’administration fiscale, soumise à une forte pression pour maximiser les sanctions, ne manifeste trop d’« acharnement » dans certains cas.

Cette Commission présente la particularité de donner un avis qui lie l’administration fiscale : celle-ci ne peut déposer de plainte pour fraude fiscale que si la CIF formule un avis conforme.

La CIF est composée de douze membres titulaires et de douze membres suppléants choisis parmi les conseillers d'État et les conseillers maîtres à la Cour des comptes en activité ou à la retraite. Le président est choisi parmi les conseillers d'État membres de la commission. Le président et les membres, ainsi que leurs suppléants, sont nommés par décret pour une durée de trois ans. La Commission peut siéger en formation plénière, ce qui s’avère relativement rare, ou en sections ; celles-ci, au nombre de quatre, comportent chacune trois membres. Les sections et la Commission se prononcent à la majorité des voix, celle du président étant prépondérante en cas de partage égal des votes.

Pour chaque affaire, le président de la commission désigne un rapporteur parmi les fonctionnaires et magistrats figurant sur une liste arrêtée par le ministre du Budget. Ce rapporteur, qui n’a que voix consultative, formule des propositions devant la commission en formation plénière ou en section.

Comme cela a été mentionné plus haut, le contribuable est avisé que son dossier est soumis à la Commission des infractions fiscales et dispose de trente jours pour faire valoir ses observations, mais il n'est pas lui-même entendu. Une fois l’avis conforme de la CIF rendu, l’administration fiscale dépose plainte devant la juridiction dans le ressort duquel l'un des impôts en cause dans le délit de fraude fiscale aurait dû être établi ou acquitté, ainsi que le dispose l’article L. 231 du livre des procédures fiscales.

La CIF est bien une commission administrative, et non une juridiction qui serait soumise au principe du procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle se prononce sur les faits qui lui sont soumis (saisine in rem), et non sur la situation des personnes désignées comme ayant concouru à leur réalisation (saisine in personam). De ce fait, la plainte de l'administration saisit nécessairement le parquet de l'ensemble des faits constatés et il appartient au ministère public d'apprécier la suite à leur donner, et notamment, de déférer à la juridiction correctionnelle les personnes contre lesquelles il estime devoir exercer l'action publique à raison du délit dénoncé.

Ainsi qu’il a été précédemment indiqué, la CIF traite environ mille affaires par an, ce nombre s’avérant remarquablement stable au cours des dernières années, et elle donne un avis conforme pour environ 90 % des dossiers.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DOSSIERS RENVOYÉS DEVANT LA CIF

 

2007

2008

2009

2010

2011

Nombre de dossiers renvoyés

1 043

1 111

1 087

1 074

1 069

Nombre de dossiers ayant fait l’objet d’un avis conforme

972

992

939

981

966

Taux d’avis conforme

93,2 %

89,3 %

86,4 %

91,3 %

90,4 %

Source : projets annuels de performance.

Pour expliquer les raisons qui conduisent la CIF à ne pas formuler un avis conforme pour 10 % des dossiers, son président a rappelé à la Rapporteure que l'administration doit apporter la preuve du caractère intentionnel de la fraude fiscale. La commission vérifie également que le contribuable a été clairement averti qu'il était en infraction. La CIF peut également prendre en considération certaines excuses, telles que des difficultés familiales, des fragilités psychologiques, ou encore les cas où les contribuables n’avaient sans doute pas l’intention de frauder initialement. Elle se montre en revanche particulièrement sévère pour les membres de certaines professions par nature bien informées de leurs obligations fiscales. De même, pour les dossiers relatifs aux pharmaciens ayant utilisé des logiciels dits « permissifs » permettant de dissimuler des recettes, la CIF a suivi l’administration fiscale, alors même que certains des cas ne portaient pas sur des montants éludés très élevés, car elle avait considéré que de telles pratiques frauduleuses étaient inadmissibles.

Depuis la mise en place de la procédure d’enquête judiciaire fiscale par la dernière loi de finances rectificative pour 2009, l’articulation dans le temps des procédures fiscale et judiciaire est différente selon que la plainte pour fraude fiscale fait état d’une fraude caractérisée à l’issue d’un contrôle de l’administration (plainte dite « classique »), cas de figure qui vient d’être présenté, ou que la plainte fait seulement état de présomptions caractérisées (plainte dite de « police fiscale »), en application de la nouvelle procédure. Cette dernière s’applique notamment pour les dossiers complexes, pour lesquels il est difficile de trouver des éléments de nature à caractériser la fraude.

Dans ce second cas, l’administration fiscale ne débute pas nécessairement ses opérations de contrôle fiscal, ou du moins ne les mène pas à leur terme, mais saisit la CIF, dès lors qu’elle a des présomptions et qu’il existe un risque de dépérissement des preuves, pour les fraudes complexes correspondant à certaines conditions, présentées supra (74). Dans ce cadre, la procédure spécifique devant la Commission des infractions fiscales, destinée à garantir la confidentialité de l’enquête, est mise en œuvre. Ensuite, une fois l’avis conforme de la CIF obtenu, l’administration fiscale dépose plainte devant la justice, laquelle peut alors confier l’enquête à la BNRDF, service d’enquête spécialisée.

Dans ce cas, la chronologie classique, selon laquelle l’administration achève d’abord ses opérations de contrôle pour ensuite saisir la justice, est donc modifiée, puisque administration fiscale et justice mènent alors leurs travaux en même temps. L’enquête judiciaire fiscale, confiée à la BNRDF, doit permettre de caractériser la fraude en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnels. La BNRDF travaille sous l’autorité du magistrat qui l’a saisie, et lui rend compte de ses travaux, mais la DGFiP a également accès aux résultats de l’enquête, par l’exercice du droit de communication dont bénéficie l’administration en application de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales (75).

À ce jour, aucune audience n’est encore intervenue sur des dossiers menés dans le cadre de l’enquête judiciaire fiscale, mais tel devrait être le cas prochainement. Si la procédure judiciaire demeure totalement autonome, il est prévu, par accord entre les services et les magistrats intéressés, que l’examen des affaires par les tribunaux correctionnels intervienne après la fiscalisation par la DGFiP des informations recueillies par l’enquête judiciaire, afin que les magistrats disposent d’un chiffrage des droits éludés, ce qui leur donne des éléments d’appréciation sur les dossiers en cause.

Il est à noter, enfin, que par le biais de l’application par un juge de la jurisprudence dite Talmon, présentée supra, la chronologie « classique » peut être également modifiée. En effet, un juge peut s’« autosaisir » d’un dossier de fraude fiscale, via l’infraction du blanchiment, sans plainte préalable de l’administration. Dans ce cas, les poursuites pénales sont engagées sans que l’administration fiscale n’ait réalisé ou débuté d’opérations de contrôle. Toutefois, en principe, le juge communique à l’administration fiscale des informations sur un tel dossier, sur le fondement de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales précité.

Il est trop tôt pour disposer du recul nécessaire pour apprécier les effets du renforcement des sanctions pénales entré en vigueur en 2012. Les dernières données disponibles sur l’application des sanctions pénales portent sur l’année 2011 – le plafond des sanctions applicables en droit commun atteignait alors 37 500 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement.

Par rapport à l’ensemble des plaintes déposées par l’administration fiscale, le taux de poursuites pénales est de 97 %, ce qui signifie que très peu de plaintes font l’objet d’un classement ou de mesures alternatives. De fait, le principe d’opportunité des poursuites ne s’applique pas véritablement en matière de fraude fiscale.

Dans la majorité des cas, ces affaires donnent lieu à la procédure de citation directe devant le tribunal correctionnel, le nombre d’informations judiciaires étant plus limité.

Au regard des condamnations prononcées au cours des dernières années, il apparaît que le délit de fraude fiscale est pour l’essentiel sanctionné par des peines de prison, très majoritairement avec sursis, et, plus rarement, par des amendes, d’un montant relativement limité.

À titre d’exemple, en 2011, sur 965 décisions de justice, 602 condamnations définitives ont été prononcées. Sur ce nombre, 82,2 % des condamnations (soit 495) comportaient des peines d’emprisonnement avec sursis ; leur quasi-totalité (96 %) était inférieure ou égale à 18 mois (la peine la plus sévère étant de 48 mois), et la médiane de 8 mois (soit une durée en hausse par rapport aux années précédentes, avec 6 mois en 2009 et 2010).

S’agissant des peines d’emprisonnement fermes, le nombre de condamnations s’est limité à 67 en 2011, soit 11,1 % des condamnations définitives. La médiane de ces condamnations se situait à 8 mois, 87 % d’entre elles étaient inférieures ou égales à 18 mois, et la peine la plus sévère s’est établie à 48 mois.

Les peines d’amende sont moins appliquées que celles de prison, puisque parmi les condamnations définitives prononcées en 2011, seulement 30 % d’entre elles comprenaient des peines d’amende fermes ; la médiane de ces amendes atteignait 7 750 euros, et 86 % d’entre elles étaient inférieures à 15 000 euros. Il est à noter que s’ajoutent également des peines d’amende avec sursis, au nombre de 11 en 2011 ; leur médiane s’établissait à 10 000 euros. L’amende maximale qui a été appliquée en 2011 s’est élevée à 300 000 euros, mais elle sanctionnait aussi, outre le délit de fraude fiscale, d’autres délits de droit commun.

Les sanctions prononcées en 2011 sont sensiblement identiques à celles prononcées en 2010, année où une aggravation des sanctions pénales a pu être constatée.

Il ressort globalement de ces données que plus des trois-quarts des condamnations définitives se soldent par des peines de prison avec sursis, tandis que moins d’un tiers donne lieu à des peines d’amende fermes dont la médiane est de 7 750 euros. Les sanctions restent donc très en deçà des peines maximales prévues à l’article 1741 du code général des impôts, alors même qu’elles visent parfois à sanctionner de manière globale d’autres infractions que la fraude fiscale. De surcroît, la quasi-totalité des peines se trouvant en deçà d’un seuil de deux ans d’emprisonnement ferme, elles peuvent donner lieu à des mesures d’aménagement. Selon les informations recueillies, à ce jour, seulement une personne se trouverait derrière les barreaux pour un délit de fraude fiscale.

Peines prononcées en matière de fraude fiscale

2009

2010

2011

Nombre de décisions de justice

1 102

1 067

965

Nombre de personnes relaxées :

Dont relaxes définitives :

54

34

100

56

75

52

Nombre de personnes condamnées

1 267

1 207

1 110

Condamnations définitives :

629

606

602

 Peine d’emprisonnement ferme

     

- nombre

66

68

67

- % des condamnations définitives comprenant une peine d’emprisonnement ferme

10,5 %

11,3 %

11,1 %

- durée médiane

6 mois

9 mois

8 mois

- durée maximale

36 mois

48 mois

48 mois

- % des condamnations ≤ 18 mois

90 %

92 %

87 %

 Peine d’emprisonnement avec sursis

     

- nombre

513

496

495

- % des condamnations définitives comprenant une peine d’emprisonnement avec sursis

81,6 %

81,9 %

82,2 %

- durée médiane

6 mois

6 mois

8 mois

- durée maximale

30 mois

36 mois

48 mois

- % des condamnations ≤ 18 mois

97 %

97 %

96 %

 Peine d’amende ferme

     

- nombre

208

201

182

- % des condamnations définitives comprenant une peine d’amende ferme

33 %

33 %

30 %

- montant médian

6 000 €

5 000 €

7 750 €

- montant maximum

50 000 €

50 000 €

300 000 € (1)

- % des condamnations ≤ 15 000 €

84 %

84 %

86 %

 Peine d’amende avec sursis

     

- nombre

 

10

11

- % des condamnations définitives comprenant une peine d’amende avec sursis

 

1,7 %

1,5 %

- montant médian

 

5 000 €

10 000 €

- montant maximum

 

10 000 €

30 000 €

Source : DGFiP.

(1) Cette amende sanctionne le délit de fraude fiscale et d’autres délits de droit commun.

Ainsi que le soulignait le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport de 2007 (76), les peines d’emprisonnement fermes sont nettement moins fréquentes, et souvent moins lourdes que pour les autres infractions financières, telles que l’escroquerie, l’abus de biens sociaux et la banqueroute.

On peut penser que l’existence de sanctions fiscales, aux côtés des sanctions pénales, explique, au moins pour partie, cette relative indulgence du juge, et le caractère peu répressif des sanctions appliquées. En effet, le juge, lorsqu’il est saisi d’un dossier de fraude fiscale, sait que l’administration fiscale a d’ores et déjà pu mettre de lourdes pénalités à la charge du contribuable fraudeur. Il est donc probable qu’il prenne en compte, au moment de décider du quantum de la peine à infliger, les pénalités fiscales déjà mises à la charge du contribuable fraudeur.

Les propos de Mme Maryvonne Caillibotte, alors directrice des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice, devant la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale (77), viennent corroborer cette analyse, puisqu’elle estimait que « le niveau de répression n'est pas très efficace. Toutefois, dans le cas de la fraude fiscale, compte tenu du traitement très particulier qui lui est appliqué, lorsque nous sommes saisis d'une affaire, nous savons qu'il y a eu un contrôle fiscal, qu'il y a eu éventuellement redressement et que, d'une certaine façon, il y a eu une première pénalisation, répression ou réparation – appelez-la comme vous le voulez – qui a été demandée et obtenue par l'administration fiscale auprès du citoyen concerné dans cet esprit. Ainsi, lorsque la justice est saisie de la fraude fiscale, formellement, l'infraction est constituée et, d'une façon ou d'une autre – bien sûr, je ne suis pas dans la tête de tous les collègues –, elle considère que l'infraction, le dol est réparé. (…) C'est comme en matière de circulation routière : quand une personne se présente devant le tribunal correctionnel alors qu'elle s'est déjà vu retirer son permis de conduire pour six mois par le préfet, le juge aura tendance à entériner la décision, si elle est cohérente, parce que la peine est effectuée, qu'au moins il s'agit d'une peine ferme et qu'il n'y aura pas à solliciter un aménagement. »

Toutefois, ainsi que l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées par la Rapporteure, il est probable que les dossiers de fraude fiscale faisant actuellement l’objet d’investigations par la BNRDF, et qui portent sur des montants importants et des manœuvres très frauduleuses, donnent lieu à des condamnations plus lourdes. C’est pour ce type d’affaires que les nouveaux plafonds introduits en mars 2012, et qui sont très nettement renforcés et étendus dans leur champ d’application par le présent article, ont vocation à s’appliquer à l’avenir.

Le présent article vise à alourdir substantiellement les peines encourues pour les délits de fraude fiscale, afin de mieux prendre en compte les moyens de réalisation de la fraude, et de mettre en adéquation les sanctions avec la gravité des délits commis, ainsi qu’avec l’importance des patrimoines dissimulés par des contribuables fraudeurs.

Si l’article 3 du présent projet ne modifie pas les peines applicables pour la fraude fiscale « commune », il étend en revanche sensiblement le champ des circonstances aggravantes prévues jusqu’alors, et durcit parallèlement les sanctions applicables dans les cas correspondants. Cette extension est réalisée de façon harmonisée avec celle du champ de l’enquête judiciaire fiscale, et de ce fait, la liste des circonstances aggravantes prévues à l’article 1741 a vocation à recouper les conditions énumérées par les 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales faisant entrer des faits de fraude fiscale dans le champ de l’enquête judiciaire fiscale et la compétence de la BNRDF – à l’exception de la circonstance aggravante de bande organisée et de la notion d’acte fictif ou artificiel (voir infra).

Il est d’ailleurs à noter que ces faits de fraude fiscale aggravée, soit commis en bande organisée, soit résultant d’un des comportements listés au 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, conditionnent la compétence – concurrente – du procureur de la République financier, ainsi que le prévoit l’article 15 du présent projet de loi.

Alors que l’article 1741, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit des circonstances aggravantes que lorsque la fraude a été réalisée en recourant à des comptes détenus directement ou indirectement dans des États ou des territoires non coopératifs, le présent article propose que soient considérés comme des circonstances aggravantes les cas suivants : faits commis en bande organisée, recours à des comptes détenus directement ou indirectement à l’étranger – et non seulement dans des États non coopératifs – utilisation de faux documents, recours à une domiciliation fictive ou artificielle à l’étranger, recours à des actes fictifs ou artificiels.

Dans ces cas, par rapport aux dispositions en vigueur en cas de circonstances aggravantes, le plafond de l’amende est doublé, passant de un à deux millions d’euros, la peine de prison maximale restant de sept ans.

Le présent article propose que constitue une circonstance aggravante, pour le délit de fraude fiscale, le fait de le commettre en bande organisée. La notion de bande organisée est définie à l’article 132-71 du code pénal, lequel dispose que « constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions. » Pour différentes infractions, des peines plus sévères sont prévues lorsque l’infraction est commise en bande organisée, par exemple pour le recel, ou encore l’extorsion ; l’aggravation de la sanction peut toutefois sensiblement varier en fonction de l’infraction considérée.

D’ores et déjà, sur le fondement de l’article 1742 du code général des impôts, les complices des délits de fraude fiscale peuvent être punis comme leurs auteurs ; cette disposition permet de sanctionner les personnes qui ont directement participé à la préparation de l’infraction, par exemple des « hommes de paille », mais aussi des professionnels du droit, comme des notaires, des experts comptables ou des avocats fiscalistes. La notion de blanchiment peut également permettre d’appréhender des acteurs parties prenantes de la fraude, par exemple en aval, avec des banques peu scrupuleuses qui acceptent, voire encouragent le dépôt de sommes non déclarées par les contribuables.

Toutefois, l’introduction de la notion de bande organisée en matière de fraude fiscale présente un caractère symbolique très fort, voire infamant, à l’égard des contribuables fraudeurs et de leurs complices. Elle vise à mieux prendre en compte et sanctionner l’évolution de la fraude fiscale, qui se fonde sur des techniques de plus en plus sophistiquées, et de recouvrir l’ensemble des acteurs qui peuvent apporter leur concours à ce type d’infractions, avec des sanctions pénales plus fortes.

De surcroît, cette notion de bande organisée permet de recourir, pour les enquêtes sur les délits de fraude fiscale, aux techniques spéciales d’enquête applicables à la criminalité organisée et à la grande délinquance économique et financière.

Ces techniques spéciales d’enquête sont la surveillance, prévue à l’article 706-80 du code de procédure pénale, l’infiltration, prévue aux articles 706-81 à 706-87 du même code, la garde à vue allongée à quatre jours, à l’article 706-88, les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête, à l’article 706-95, les sonorisations et fixations d’images de certains lieux ou véhicules, aux articles 706-96 à 706-102, les captations des données informatiques, aux articles 706-102-1 à 706-102-9, et les saisies conservatoires, à l’article 706-103. Ces techniques ont été initialement conçues pour lutter contre la seule criminalité organisée de grande complexité ; elles ont été partiellement étendues à la délinquance économique et financière, à la faveur de plusieurs lois ultérieures.

L’article 3 du présent projet de loi, combiné à son article 16, permet que ces techniques spéciales puissent être mises en œuvre pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits de fraude fiscale en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions que ces infractions résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.

La Rapporteure se félicite que ces moyens d’investigation soient mis à la disposition de la BNRDF, qui disposera ainsi des instruments les plus efficaces et adaptés pour mettre à jour les montages de plus en plus complexes, et pour identifier les coupables et leurs complices.

D’ores et déjà, l’article 1741 prévoit que, lorsque la fraude a été réalisée au moyen de comptes ouverts ou de contrats souscrits avec des États dits non coopératifs, ou par l’interposition de personnes physiques ou morales, ou encore d’organismes ou de fiducies, établis dans ces mêmes États, il s’agit d’une circonstance aggravante, avec des sanctions plus lourdes.

Le présent article vise à étendre le champ de cette disposition, en prévoyant qu’elle correspond au recours à des comptes ou contrats, ou à l’interposition de personnes physiques ou morales ou de trusts ou de fiducies, non pas seulement dans des États non coopératifs, mais à l’étranger en général. Par cette disposition, il est pris acte du fait que la définition juridique actuelle des États non coopératifs n’est pas suffisamment opérante, puisqu’un État peut avoir signé une convention d’assistance administrative permettant l’échange de renseignements en matière fiscale, sans pour autant le mettre en œuvre dans les faits.

Ainsi que le souligne le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2013 portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d’échange de renseignements, les pratiques administratives et les règles internes de certains États peuvent constituer un frein réel aux échanges d’informations. Le rapport souligne par exemple que plusieurs États et territoires venant de conclure une convention avec la France, par exemple Jersey et Guernesey, ont eu une lecture trop restrictive du champ des accords, notamment au regard de l’impôt concerné, du dispositif fiscal visé par la demande ou de la pertinence de l’assistance administrative comme voie de transmission de certaines informations. Il relève également un problème plus général dans la coopération administrative avec la Suisse, qui a contesté une part importante des demandes de la France au motif qu’elles n’étaient pas « vraisemblablement pertinentes » pour l’application de la législation fiscale française, ce qui traduit de sa part une application erronée des standards de l’OCDE. D’ailleurs, le Comité national de lutte contre la fraude, qui s’est réuni sous la présidence du Premier ministre en février dernier, a souligné la nécessité de « mieux prendre en compte la réalité de la mise en œuvre des conventions fiscales bilatérales signées. »

L’ensemble de ces éléments plaident en faveur de la suppression du critère de conclusion d’une convention d’assistance administrative, qui ne permet pas de mesurer réellement le caractère coopératif d’un État en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Parmi les autres circonstances aggravantes pour le délit de fraude fiscale, figurent le recours à :

– l’usage d’une fausse identité ou de faux documents, ou de toute autre falsification ;

– une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;

– un acte fictif ou artificiel ou l’interposition d’une entité fictive ou artificielle.

L’introduction comme circonstance aggravante de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents et d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle constitue la reprise des termes utilisés aux 3° et 4° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales pour caractériser le champ de l’enquête judiciaire fiscale. L’usage de faux recouvre le cas des circonstances aggravantes prévues à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1741 dans sa rédaction actuelle, qui a trait aux achats et ventes sans facture, ou aux factures qui ne se rapportent pas à des opérations réelles, ou aux faits ayant pour objet d’obtenir de l’État des remboursements injustifiés. C’est pourquoi, par coordination, cette deuxième phrase est supprimée par le présent article.

S’agissant de la domiciliation fiscale fictive ou artificielle, il convient de sanctionner des comportements de contribuables qui ne déclarent pas leurs revenus en France, au motif qu’ils estiment qu’ils n’en sont pas résidents fiscaux, alors même qu’au regard des critères prévus par l’article 4B du code général des impôts, ils le sont bien. Pour prendre un exemple concret, l’on peut imaginer le cas d’une personne aisée, qui possède un logement à Paris et y passe la majorité du temps en pratique, mais qui a acheté un pied-à-terre dans un pays fiscalement plus favorable, et se fonde sur cette possession pour déclarer ses revenus dans le pays en question. Selon des indications fournies par la presse, les montants des redressements résultant de « fausses domiciliations » réalisés par l’administration fiscale ont beaucoup augmenté entre 2009 et 2011, passant ainsi de 40 millions d’euros à 80 millions d’euros. Le nombre de contribuables redressés à ce titre est de l’ordre de 200 par an. Du fait de la difficulté à apporter la preuve de ce type d’infractions pour l’administration fiscale, il est d’ailleurs apparu utile dans la dernière loi de finances rectificative pour 2012 de les faire entrer dans le champ des compétences de la BNRDF, laquelle dispose de moyens étendus et diversifiés pour caractériser l’infraction.

Enfin, le présent article modifie l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, et accroît ainsi le champ de l’enquête judiciaire fiscale et des compétences de la BNRDF, en procédant une modification similaire à celle réalisée pour la définition des circonstances aggravantes des délits de fraude fiscale.

Parmi les conditions requises pour pouvoir engager une enquête judiciaire fiscale, le présent article remplace la référence aux comptes ou contrats, ou à l’interposition de personnes physiques ou morales, établis dans des États non coopératifs, à ces mêmes comptes, contrats et personnes physiques ou morales, dès lors qu’ils sont établis à l’étranger. Il s’agit là encore de tirer les conséquences du fait que le critère de conclusion de conventions d’assistance administrative n’est pas réellement opérant pour apprécier la coopération d’un État.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CF 14 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Dans le système actuel, on ne peut sanctionner l’incitation à la fraude fiscale que lorsque l’infraction est réalisée. Nous proposons de la punir même quand ce n’est pas le cas. L’amendement vise en particulier les publicités proposant des conseils ou des services qui vont très au-delà de la simple optimisation fiscale.

Mme la rapporteure pour avis. Autant il est facile de caractériser la complicité, le blanchiment ou le recel, autant il est difficile de qualifier juridiquement l’incitation. Je vous suggère de retirer l’amendement et de réfléchir avant la séance publique au moyen de sanctionner par exemple les publicités agressives, qui proposent, notamment sur internet, des montages défiscalisés.

M. Henri Emmanuelli. L’argument n’est pas sérieux ! Le mot « incitation » figure dans de nombreux textes qui incriminent notamment l’incitation à la haine. Le Gouvernement me semblait décidé à combattre la fraude fiscale, mais je commence à douter de sa fermeté !

Mme Karine Berger. Je fais confiance à la rapporteure pour avis, qui nous proposera avant la discussion du texte en séance publique une définition du conseil fiscal, de l’optimisation et de la fraude. C’est parce que nous n’avons pas résolu le problème que nous avons dû renoncer à des amendements inspirés du modèle britannique, qui feraient fortement progresser la lutte contre la fraude fiscale.

M. Éric Alauzet. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CF 32 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. L’amendement tend à supprimer le monopole des poursuites que possède le ministre du budget, ainsi que le filtre de la commission des infractions fiscales. Il prévoit a minima l’information du parquet sur les transactions autorisées par l’administration. Dès lors que l’on crée un parquet financier, celui-ci doit être au cœur du dispositif. Il doit être informé de toutes les résolutions et vérifier qu’elles sont conformes à l’esprit de la loi.

Je signale en outre une anomalie : n’est-il pas étrange que le parquet financier, qui possède une compétence nationale, soit placé sous l’autorité du procureur général de Paris ?

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Ce sont la justice et l’administration fiscale qui sont au cœur du dispositif. Pour établir la fraude, il faut d’abord évaluer l’impôt, montrer qu’il n’a pas été acquitté et prouver la mauvaise foi du contribuable. C’est le métier de l’administration fiscale. Quant au rôle de la justice, il sera renforcé par l’architecture générale du texte et par la loi organique qui l’accompagne. Ce que les médias nomment le « verrou » ou le « monopole » de Bercy est une fiction. Depuis 2008, les juges peuvent aisément caractériser le blanchiment de fraude fiscale, ainsi que le recel. Ils peuvent donc poursuivre sans l’aval de Bercy. Au reste, on ne peut nier le professionnalisme de l’administration fiscale ni la difficulté d’apporter des preuves concrètes de la fraude. Votre proposition risque de suspendre à l’autorisation d’un juge le dialogue que l’administration mène au quotidien avec les contribuables sur la manière dont ils ont établi leur déclaration, ce qui la conduit à accorder des remises. Enfin, l’adoption de l’amendement ralentirait considérablement le travail de contrôle, de redressement et de recouvrement.

M. le président Gilles Carrez. Le rendement est une notion essentielle : il faut absolument faire rentrer l’impôt, quitte à accepter certaines transactions. En outre, le blanchiment offre déjà matière à une poursuite judiciaire sans plainte préalable.

M. Étienne Blanc. Je souscris à l’analyse de la rapporteure pour avis. Si l’on soumet au procureur financier de Paris la totalité des transactions fiscales, le système sera vite paralysé. Outre ce problème d’encombrement, la judiciarisation pose un problème de principe. C’est un travers très français que de considérer toute faute fiscale comme volontaire, alors que, dans 80 % des cas, elle provient d’une erreur d’appréciation.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le mot « transaction » suggère l’idée d’échange. Il ne faut pas laisser penser que l’administration accepte, contre versement d’une somme, d’abandonner certaines poursuites. Si l’on ne clarifie pas ce point, le texte n’atteindra pas son but.

M. Dominique Lefebvre. Le projet de loi poursuit trois enjeux : prévenir la fraude, la poursuivre en renforçant les sanctions et surtout faire rentrer les sommes détournées dans les caisses publiques. Reste à conjuguer ces trois enjeux de la manière la plus efficace et la plus transparente. Je ne nie pas le problème de sémantique que pose le mot « transaction », mais je rappelle que l’administration fiscale recouvre la totalité de l’impôt dû, la transaction ne portant que sur le niveau de l’amende, généralement calculée en fonction de la rapidité du recouvrement. Mieux vaut privilégier l’efficacité de l’administration à une réponse judiciaire qui serait loin de régler tous les problèmes.

M. Pascal Cherki. Les auteurs de l’amendement veulent tout mettre sur la place publique pour prouver que l’administration traite les contribuables de la même manière. Cela dit, la commission des infractions fiscales valide 90 % du travail de l’administration, et 90 % des dossiers qu’elle transmet à la justice donnent lieu à une procédure judiciaire. Elle ne fait donc pas obstacle aux poursuites. On peut séparer nettement matière pénale et matière fiscale. Transmettre au procureur les éléments qui caractérisent la fraude fiscale est une obligation, puisque l’article 40 du code de procédure pénale impose à tout fonctionnaire d’informer le procureur de faits qui constituent, de son point de vue, une infraction pénale. Subordonner à l’accord du procureur la possibilité qu’a l’administration fiscale de transiger – c’est-à-dire de faire son travail – me semble poser problème.

M. Charles de Courson. Le deuxième alinéa de l’amendement porte sur la transaction, dispositif dangereux puisqu’il permet à l’administration de renoncer à des sommes considérables. Les délégations étant accordées selon le niveau de la transaction, le système n’est pas encadré de manière très sûre. L’avis d’une autorité judiciaire indépendante garantirait mieux l’égalité des citoyens devant l’impôt.

Le premier alinéa porte sur la transmission. Ce sont de jeunes magistrats de la Cour des comptes ou du Conseil d’État qui instruisent les dossiers. Pour l’avoir fait moi-même pendant deux ans, je peux témoigner qu’on arrête seulement les dossiers mal ficelés. Si problème il y a, c’est en amont : dans la sélection qui s’opère avant saisine. C’est à cette faille que nous nous attaquons.

M. Éric Alauzet. L’amendement CF 9, qui sera appelé dans un instant, propose que la transmission intervienne automatiquement sept jours après la détection d’une infraction fiscale dont le montant excède 50 000 euros. Cela dit, mieux vaudrait peut-être un pourcentage qu’une valeur absolue.

On a l’impression que le ministère du budget tient à conserver ses prérogatives. Sûr qu’il connaît parfaitement ces questions, il se laisse la liberté d’arbitrer entre le pourcentage de la somme qu’il peut récupérer et le délai dans lequel il la recouvrera. Cette attitude me semble en contradiction avec le discours qu’il tient sur les rapatriés fiscaux, en prétendant exclure tout aménagement.

Enfin, rien ne dit que la justice n’obtiendra pas les mêmes résultats que Bercy.

Sur ce sujet important, madame la rapporteure pour avis, vous nous devez davantage d’explications.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 9 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Défendu.

Mme la rapporteure pour avis. Je suggère le retrait. Je l’ai dit : la justice peut poursuivre pour blanchiment de fraude fiscale depuis 2008. En outre, la rédaction de l’amendement est incorrecte, puisqu’elle place sur le même plan les droits éludés et les pénalités, autrement dit le paiement de l’impôt et la sanction de l’infraction. Or, payer l’impôt n’est pas une punition. Enfin, le seuil de 50 000 euros est mal choisi. La commission des infractions fiscales, qui statue dans certains cas sur des sommes importantes, peut aussi autoriser l’administration fiscale à déposer plainte s’il s’agit de poursuivre un système. Elle l’a fait pour sanctionner les pharmaciens qui possédaient des logiciels de double comptabilité leur permettant de soustraire à la connaissance du fisc des recettes en liquide. La pratique était choquante, mais, pour chaque pharmacien, les montants en cause n’étaient pas considérables.

M. Éric Alauzet. Je retire l’amendement, afin d’améliorer sa rédaction.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde l’amendement CF 23 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Par cet amendement, nous tentons une fois encore de faire sauter le verrou de Bercy, qui semble crispé sur ses prérogatives. Il s’agit de concilier la possibilité pour l’administration fiscale de conserver la maîtrise des suites pénales à donner aux dossiers et celle, pour l’autorité judiciaire, de poursuivre les infractions qu’elle découvre de manière autonome. Ainsi, la justice pourra poursuivre directement et rapidement pour fraude fiscale un trafiquant de stupéfiants, au lieu d’attendre de longues années les résultats d’un contrôle fiscal intervenant à la suite d’une procédure pénale.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Yannick Moreau sait que les juges peuvent poursuivre facilement, notamment en matière de stupéfiants. Si légitime que soit le désir de lutter contre le trafic, les contrôleurs ne sont pas des magistrats. Chacun doit faire son métier. Craignez-vous que Bercy étouffe certaines affaires ? L’actualité récente a montré qu’il est facile de caractériser comme blanchiment ce qui peut d’abord apparaître comme une fraude fiscale. Enfin, l’article L. 101 du livre des procédures fiscales dispose qu’un magistrat, qu’il soit procureur ou juge d’instruction, doit signaler à l’administration fiscale toute présomption de fraude.

Cependant, dans le droit fil du texte, qui vise à mieux articuler le travail de l’administration fiscale et de la justice, je soutiendrai dans un instant un amendement tendant à imposer à l’administration fiscale à laquelle un magistrat a signalé un dossier le soin de l’informer spontanément ou après délai du résultat de son action.

M. Philippe Vigier. Quel sera le rôle du futur procureur financier ? Comment les informations lui seront-elles transmises ? Nous ne disposons d’aucune évaluation du volume actuel des régularisations. Je suis surpris que Mme la rapporteure pour avis, si attachée à la transparence financière, ne saisisse pas la proposition qui vous a été faite.

M. le président Gilles Carrez. Le problème sera traité plus complètement demain en commission des Lois.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CF 3 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement vise à sanctionner au même niveau ceux qui ont conseillé ou assisté des personnes lors de la réalisation d’une fraude fiscale et ceux qui l’ont commise.

Mme la rapporteure pour avis. Je suggère le retrait, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement CF 15 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Alors que le projet de loi renforce les peines pour fraude fiscale aggravée, notamment quand elle est réalisée en bande organisée, rien n’est prévu pour renforcer les sanctions pour non-déclaration d’un trust. Nous proposons d’élever de 5 à 75 % la sanction pour la non-déclaration de biens ou droits placés dans des trusts, ce qui serait réellement dissuasif.

Mme la rapporteure pour avis. Je vous suggère de retirer l’amendement. Il existe depuis 2011 une amende de 5 % par année de non-déclaration. Ces sommes étant cumulatives, il semble excessif d’élever le taux de pénalité à 75 %, sachant que le délai de reprise de l’administration fiscale est de dix ans en matière d’ISF, et qu’on peut encore ajouter à ces sommes la majoration des droits applicable en cas de manquement délibéré, qui est de 40 %, ou de manœuvre frauduleuse, qui est de 80 % !

Cela dit, je suis favorable à une augmentation. Je formulerai une proposition en ce sens, de manière à inciter les non-déclarants à régulariser leur situation dans les quatre prochaines années.

M. Éric Alauzet. J’accepte volontiers cette offre de travail. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 16 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement vise à élargir l’obligation de déclaration aux comptes titres ouverts à l’étranger.

Mme la rapporteure pour avis. Il est satisfait par l’article 1649 A du code général des impôts, lequel prévoit cette obligation pour toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces.

M. Éric Alauzet. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CF 17 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement tend à créer une obligation de déclaration de « non-détention » de compte à l’étranger ou de contrat d’assurance-vie souscrit auprès d’organismes situés hors de France. Ainsi, chaque citoyen devra indiquer obligatoirement dans sa déclaration de revenus s’il détient ou non de tels avoirs.

Mme la rapporteure pour avis. S’il faut déclarer tout ce qu’on ne possède pas, les déclarations de revenus vont s’allonger considérablement ! Qui sait même si l’on ne risque pas de donner des idées à certains ? Je suggère le retrait.

M. Éric Alauzet. On déclare bien que l’on ne possède pas de téléviseur ! Le sujet me semble suffisamment important pour échapper à la caricature.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a déjà, dans les déclarations de revenus actuelles, une case que les personnes ayant un compte à l’étranger doivent cocher.

M. Charles de Courson. Avoir des biens ou des revenus à l’étranger n’a rien d’illégal. Il suffit de remplir une annexe particulière de la déclaration de revenus et, le cas échéant, de la déclaration d’ISF.

M. Éric Alauzet. Je maintiens mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

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Puis la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3.

Après l’article 3

Elle examine d’abord l’amendement CF 42 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. La commission des infractions fiscales ne comprend actuellement ni magistrats judiciaires ni personnalités qualifiées. Cet amendement vise à en diversifier la composition en y ajoutant des magistrats honoraires de la Cour de cassation ainsi que des personnalités qualifiées désignées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il prévoit aussi que les conseillers d’État, les conseillers maîtres à la Cour des comptes et les magistrats à la Cour de cassation sont élus par leur corps d’origine et que les élections et désignations à cette commission respectent le principe de la parité entre les femmes et les hommes.

Afin que l’amendement ne soit pas déclaré financièrement irrecevable, nous précisons que les fonctions exercées par les personnalités qualifiées ne sont pas rémunérées. J’espère que le Gouvernement acceptera de supprimer cette disposition.

M. Charles de Courson. Pourquoi est-il indiqué que les magistrats à la Cour de cassation doivent être honoraires alors que les conseillers d’État et les conseillers maîtres à la Cour des comptes peuvent être « en activité ou en retraite » ? Par ailleurs, est-il souhaitable que deux députés et deux sénateurs siègent à cette commission ?

M. le président Gilles Carrez. Les présidents désignent en général des personnalités extérieures aux deux assemblées.

M. Charles de Courson. Il conviendrait de le préciser.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis prête à le faire.

Si nous proposons la nomination de magistrats judiciaires en retraite seulement, c’est afin d’éviter la situation où un de ces magistrats aurait à juger d’une affaire dont il aurait, dans le cadre de la commission, autorisé la transmission à la justice. Pour leur part, les magistrats du Conseil d’État et de la Cour des comptes ne jugent pas au pénal.

M. Charles de Courson. Il n’en reste pas moins que le Conseil d’État juge une très grande quantité d’affaires fiscales et qu’il est tout à fait possible qu’un de ses membres ait à connaître d’un dossier à la fois dans le cadre de la commission des infractions fiscales et dans celui de la section du contentieux. « À la retraite » ou « en activité ou à la retraite », peu importe, mais il faut que ce soit la même chose pour tous les membres de la commission !

M. Marc Le Fur. L’amendement précise le nombre de personnalités qualifiées au sein de la commission, mais pas celui des magistrats. Comment les rôles se répartiront-ils entre la justice administrative et la justice judiciaire ? Le sujet n’est pas anecdotique : aujourd’hui, le plus gros du contentieux fiscal relève de la justice administrative.

Mme la rapporteure pour avis. La commission des infractions fiscales n’a pas pour rôle d’établir l’infraction, mais d’autoriser à porter plainte au pénal.

Par ailleurs, elle comporte actuellement douze membres titulaires et douze membres suppléants, répartis en quatre sections de trois membres. Cet effectif augmentera si l’on adjoint des personnalités qualifiées et des magistrats honoraires à la Cour de cassation.

M. Charles de Courson. L’amendement précise le nombre des personnalités qualifiées, pas celui des magistrats honoraires à la Cour de cassation.

M. Marc Le Fur. C’est une question importante. On peut craindre des querelles entre les deux ordres de juridiction.

Mme la rapporteure pour avis. L’objection de Charles de Courson est juste. Je retire l’amendement afin d’apporter les précisions nécessaires.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 3

Renforcement de la publicité des travaux de la Commission
des infractions fiscales

La Commission examine l’amendement CF 43 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’accroître la publicité des travaux de la commission des infractions fiscales en instaurant la publication d’un rapport annuel et en prévoyant la tenue d’un débat devant les commissions des finances de chaque assemblée.

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La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 3

Renforcement de la coopération et de l’information
entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire

La Commission en vient à l’amendement CF 45 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement prévoit un retour d’information de l’administration fiscale vers les magistrats lui ayant signalé des éléments de nature à faire présumer une fraude fiscale.

M. le rapporteur. C’est une réponse, notamment, aux questions soulevées au sujet du « monopole de Bercy ». Pour atteindre notre double objectif – récupérer les sommes dues à l’administration fiscale, mais aussi, dans certaines affaires complexes, sanctionner pénalement –, il est fondamental d’instaurer ce dialogue et cette collaboration. Je serais donc très satisfait si votre commission adoptait cet amendement, dont je remercie la rapporteure pour avis.

M. le président Gilles Carrez. C’est en effet un très bon amendement. La demande a été formulée dès les premières auditions de notre mission d’information sur la fraude fiscale des personnes physiques.

M. Charles de Courson. J’approuve moi aussi cet amendement. Les auditions de la commission d’enquête sur l’action du Gouvernement et des services de l’État lors de l’affaire Cahuzac font bien ressortir que l’administration fiscale et la justice n’ont pas du tout les mêmes pouvoirs d’investigation. Il est parfois beaucoup plus efficace de saisir la justice.

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La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

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Article additionnel après l’article 3

Modification de la composition du Comité du contentieux fiscal,
douanier et des changes

La Commission examine l’amendement CF 44 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes donne un avis sur les transactions engagées par l’administration des douanes avec des personnes poursuivies pour certaines infractions. Comme pour la commission des infractions fiscales, je propose une diversification de sa composition, sachant qu’il comporte déjà des magistrats à la Cour de cassation.

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La Commission adopte l’amendement.

CHAPITRE III

SAISIE ET CONFISCATION DES AVOIRS CRIMINELS

Article additionnel après l’article 9

Institution d’une protection des lanceurs d’alerte en matière de fraude fiscale

La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l’article 9.

Elle examine d’abord l’amendement CF 28 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Aujourd’hui, l’arbitrage en droit public fait l’objet d’une interdiction de principe, avec de multiples exceptions. L’article 2060 du code civil le prohibe dans les matières « intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement l’ordre public ». La doctrine considère que cet article s’applique aussi à l’État, mais cette interdiction n’est pas explicite.

Il doit être désormais clair que le recours à l’arbitrage est interdit en droit interne pour l’État et toute autre entité de droit public, et plus généralement quand un intérêt public est en cause, hors les cas limitativement énumérés par des lois particulières. En effet, le caractère secret de l’arbitrage interdit toute transparence dans ces contentieux. L’affaire de l’arbitrage rendu dans le dossier opposant M. Tapie au Consortium de réalisation du Crédit lyonnais est emblématique de cette opacité. La clause d’arbitrage de l’accord entre la société Disney et le Gouvernement français a nécessité une disposition législative dont le Parlement a débattu. Il me semble prudent de procéder ainsi. Tel est l’objet du présent amendement.

Mme la rapporteure pour avis. En quelles matières faut-il interdire purement et simplement l’arbitrage ? Quand peut-on l’autoriser, devant quels juges et avec quelles règles ? Je crains que, dans sa rédaction actuelle, cet amendement intéressant n’épuise pas le débat. Par ailleurs, je vois mal ce qu’est, en droit, « une matière intéressant un intérêt public ». Bref, l’intention est juste, le périmètre trop large et la rédaction pas complètement satisfaisante. Je suggère le retrait.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur de Courson, peut-être pourriez-vous retirer l’amendement pour le retravailler avec la rapporteure pour avis et le présenter de nouveau lors de la réunion prévue à l’article 88 du Règlement. Lors des auditions menées en 2008 sous la présidence de Didier Migaud, la Commission avait déjà conclu que les textes régissant le recours à l’arbitrage étaient insuffisants et qu’il convenait de les préciser.

Mme Karine Berger. Des spécialistes de ces questions m’ont indiqué que 10 % des affaires donnant lieu à un arbitrage en France impliquent l’État ou une collectivité publique. Une interdiction aurait donc un impact considérable.

M. Charles de Courson. En l’état actuel du droit et de la jurisprudence, cette interdiction existe pour l’État et les établissements publics administratifs, sauf disposition législative contraire, et uniquement en droit interne. Dans le cas de l’affaire du Crédit lyonnais, par exemple, beaucoup d’arbitrages se sont faits aux États-Unis. Sans doute les spécialistes que vous avez consultés incluent-ils ces procédures dans leurs statistiques.

Cela dit, je retire volontiers mon amendement pour le retravailler avec la rapporteure pour avis. L’important est que la Commission prenne position en faveur d’une clarification, tant le recours à l’arbitrage en droit interne est lourd de dangers pour l’État.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 13 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il s’agit d’assurer la protection des lanceurs d’alerte en matière de lutte contre la fraude fiscale, en les préservant de sanctions injustes, mais en apportant aussi des garanties contre les dérapages.

Mme la rapporteure pour avis. Avis favorable, sachant que la commission des Lois sera saisie d’un amendement d’Yves Goasdoué dont l’objet est de protéger les salariés ayant relaté des faits constitutifs d’une infraction pénale. Au-delà de la fraude fiscale, l’ambition du texte est en effet de lutter contre la grande délinquance économique et financière.

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La Commission adopte l’amendement.

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TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES

Article additionnel avant l’article 10

Mesure de coordination avec le code des douanes

La Commission adopte l’amendement de coordination CF 55 de la rapporteure pour avis, tendant à compléter l’intitulé du titre II.

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Article 10

Autorisation pour l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine, à l’exception des visites domiciliaires

Renvoyant en quelque sorte à l’adage « Idem est non esse et non probari » (78), le présent article permet à l’administration fiscale d’exploiter, dans le cadre des procédures de contrôle de l’impôt, tout document, pièce ou information, quelle que soit son origine. Une double restriction est cependant édictée : d’une part les pièces et documents doivent avoir été régulièrement portés à la connaissance de l’administration, par l’autorité judiciaire, ou dans le cadre de l’assistance administrative internationale par les autorités étrangères concernées ; et, d’autre part, sont exclues de ce dispositif les procédures de visites domiciliaires.

L’article 10 du présent projet de loi ne revient pas sur les jurisprudences administratives et judiciaires, qui tendent à faire peser sur l’administration un principe de loyauté dans ses investigations, au nom de l’égalité des armes qui découle du droit à un procès équitable. En revanche, le texte sécurise l’ensemble des procédures de contrôles de l’impôt qui ne relèvent pas des visites domiciliaires.

Comme l’a rappelé Mme Cécile Petit, premier avocat général près la Cour de cassation, dans ses conclusions sur la recevabilité de preuves déloyales devant l’Autorité de la concurrence (79), la preuve est « un mécanisme destiné à établir une conviction sur un point incertain » (80). Ne pas pouvoir prouver revient à faire disparaître l’existence même des faits en question. Le caractère radical de cette conséquence a conduit les juridictions à moduler leur conception de la recevabilité des preuves en fonction des intérêts en cause.

En effet, dès lors que la preuve est une notion judiciaire autant que juridique, elle est le reflet d’une certaine conception du procès. Sur ce point, les conceptions varient selon que l’on se situe dans le domaine pénal, ou dans le champ des obligations à caractère civil.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Cet article consacre donc le principe de la légalité des preuves, en opposition avec le modèle de la liberté des preuves qui prévaut en matière pénale (cf. infra), et en lien avec la procédure accusatoire qui irrigue le droit processuel civil.

Si aucune disposition ne consacre explicitement la loyauté comme un principe directeur du procès, plusieurs règles établies peuvent en être la traduction : droit au respect de la vie privée (81), ou au secret professionnel, droits de la défense ou au respect de l’égalité des armes (82).

Ainsi la Cour de cassation rappelle fréquemment les critères que la loyauté doit revêtir quand elle préside à l’administration de la preuve et concourt à la recherche de la vérité. En droit du travail, de la famille ou des contrats, la Haute juridiction affirme que les procédés déloyaux rendent irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue (83). La chambre commerciale est plus pragmatique. Elle a considéré en effet que « constitue une atteinte au principe de l’égalité des armes […] le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; que par ailleurs, toute atteinte à la vie privée n’est pas interdite et qu’une telle atteinte peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts, dont celle des droits de la défense, si elle reste proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence » (84).

Qu’en est-il de cette jurisprudence dans les contentieux qui opposent l’administration fiscale au contribuable ?

L’appréciation de la preuve est nécessairement plus rigoureuse lorsqu’un intérêt privé fait face aux intérêts d’une administration. La recherche du renseignement fiscal est la première étape du contrôle fiscal, et doit s’entourer de garanties. En ce domaine, l’admissibilité de la preuve présente un enjeu considérable dès lors que lui est assignée une fonction de protection d’une des parties à l’instance. Le régime de la preuve repose ici plus sur la volonté de rétablir un équilibre entre les parties au procès que sur un véritable principe de loyauté objectivement appliqué.

Par deux arrêts remarqués du 31 janvier 2012 (85), confirmant en cela une jurisprudence bien établie, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé « l’annulation des autorisations de visites et saisies délivrées sur la foi de documents provenant d'un vol, peu important que ces derniers aient été communiqués à l'administration par un procureur de la République en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ».

Le contexte de l’affaire, qui est celui des « listes HSBC », mérite d’être ici brièvement rappelé.

À la suite de contacts entre M. Falciani et la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) en 2008 (86), des informations sur des personnes physiques ou morales disposant ou ayant disposé de comptes auprès de la banque HSBC sont remises à l’administration fiscale au début de l’année 2009.

Dans le même temps, une perquisition réalisée à la demande du Parquet fédéral de Berne permet de retrouver des fichiers cryptés au domicile de l’intéressé.

Les documents retrouvés chez M. Falciani sont alors décryptés, avec son aide, par deux services : l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et le Service national de la douane judiciaire (SNDJ) (87), saisis par le procureur de la République de Nice, M. Éric de Montgolfier.

À l’été 2009, le procureur de la République à Nice transmet à la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes les éléments issus des fichiers HSBC, en application de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales.

À partir de ces informations, 2 846 personnes disposant d’une adresse en France avec des encours bancaires positifs ont été identifiées. Les services spécialisés de la DGFIP (DNEF (88) et DVNSF (89)) ont été saisis et ont conduit des enquêtes approfondies ; au 31 décembre 2012, 896 contrôles étaient achevés ; la Brigade nationale de répression de la délinquance financière (BNRDF) a été saisie de plusieurs dizaines de dossiers.

C’est dans ce contexte que sont intervenus les deux arrêts précités de la Chambre commerciale. La jurisprudence n’est pas nouvelle (90) et selon les termes même des avocats des contribuables, « l'administration doit exercer ses prérogatives dans le respect du droit. C'est là l'essence même d'un État de droit : la loi y possède la vertu première de s'imposer à tous, y compris à l'État » (91).

Les arrêts de la Chambre commerciale ont été rendus aux seuls visas de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le principe de loyauté de la preuve, sans être explicitement visé, est donc rattaché à l'article 6 de cette convention. Il faut cependant, préciser que la jurisprudence de la Cour européenne n'exigeait sans doute pas une telle consécration (92).

Cette remarque est d’importance puisque, en vertu de l’article 55 de la Constitution de 1958, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ». Dès lors, aucune remise en cause législative de cette jurisprudence ne peut être opérante, et le juge national écarterait systématiquement tout texte qu’il jugerait contraire à l’article 6.

En référence au risque de contravention à l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’interprété par la Cour de cassation, le présent article confirme l’impossibilité pour l’administration de fonder une demande de perquisition sur des documents d’origine douteuse ou illicite. Il s’agit là d’une grande prudence de la part du Gouvernement, et votre rapporteure proposera un assouplissement de ce principe lorsque la gravité et la complexité de la fraude le justifient.

En matière pénale, l’admissibilité des preuves est régie en théorie par la référence au principe de la liberté des preuves, liée au caractère inquisitoire de la procédure. L’article 427 du code de procédure pénale prévoit en effet que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction ».

L’arrêt du 31 janvier 2012, rendu dans l’affaire dite « Bettencourt », illustre ce principe. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé que des enregistrements d’une conversation privée effectuée à l’insu des intéressés constituaient de simples moyens de preuve soumis à la discussion contradictoire (93).

Cependant la jurisprudence diffère selon que la preuve est administrée par les détenteurs de l’autorité publique ou par un particulier, l’exigence de loyauté étant beaucoup plus rigoureuse à l’égard des premiers.

Il convient donc de s’interroger sur l’articulation de ce principe avec les règles de preuve du droit fiscal, droit par nature inégalitaire.

Lorsque le ministère public ou les administrations pouvant engager l’action publique sont à l’origine des poursuites, la chambre criminelle continue de faire preuve d’une certaine rigueur. Ainsi, dans un arrêt du 28 octobre 1991 (94) rejetant le pourvoi formé par l’administration des douanes contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait écarté des documents bancaires dérobés en Suisse par deux employés de banque déclarant avoir agi à l’instigation des douaniers, la chambre avait énoncé que « [...] les dispositions de l’article 342 du Code des douanes, selon lesquelles les délits en matière douanière ou cambiaire peuvent être prouvés par toutes voies de droit, impliquent que les éléments de preuve produits devant le juge pénal n’aient pas été obtenus par des procédés frauduleux ».

Cet arrêt prohibe donc, de la part de l’administration, toute machination, artifice ou stratagème. En effet, dans cette affaire, la circonstance que des fonctionnaires, appartenant de surcroît à l’administration qui était à l’origine des poursuites, soient à l’initiative du délit ayant permis de réunir les preuves contestées et de les produire en justice a été déterminante. Il convient de remarquer, à ce stade, que la rémunération des détenteurs de fichiers illicitement acquis pourrait être considérée comme une provocation à l’infraction.

Mais qu’en est-il lorsque l’administration se contente d’un rôle passif de destinataire de documents illicites ?

En l’absence de toute manœuvre frauduleuse de l’administration, le droit pénal valide l’utilisation de données illicites à titre de preuve. L'autonomie du juge répressif, soutenue par la Chambre criminelle, et tenant aux buts spécifiques du contentieux pénal par rapport au contentieux administratif, même en matière fiscale, explique cette différence d'attitude fondamentale par rapport aux modes de preuve.

Ainsi, à la suite d’une plainte de l’administration fiscale pour présomption caractérisée de fraude fiscale (95), il est tout à fait possible que des perquisitions policières (96) soient menées sur le fondement de pièces volées, fussent-elles transmises au ministère public par cette même administration fiscale.

En première analyse, il pourrait sembler « suffire » que l’administration s’engage dans la voie du procès pénal pour pouvoir exploiter des documents d’origine illicite. L’indépendance des procédures n’y fait pas obstacle.

Cependant, il reste nécessaire de permettre à l’administration d’engager des procédures de contrôle dans un cadre purement fiscal. D’une part, il est inenvisageable que le recours à un procès pénal soit un palliatif au manque de moyens juridique à disposition de l’administration (97), et, d’autre part, la procédure fiscale peut subordonner l’utilisation de ces documents illicites à des règles contraignantes (98).

L’intervention du législateur est donc indispensable afin de permettre à l’administration, dans le cadre de ses propres procédures, d’exploiter des documents d’origine frauduleuse. L’analyse des solutions adoptées par le juge administratif amène à une conclusion identique.

Il est clairement établi par le juge de l’impôt que les preuves illicites directement transmise à l’administration ne peuvent servir à établir des redressements fiscaux (99). En revanche, la jurisprudence administrative est plus nuancée en ce qui concerne les documents obtenus suite à une perquisition annulée.

Lorsqu’une perquisition policière, prévue par le code de procédure pénale, a permis la transmission régulière à l’administration de la preuve d’une fraude fiscale, l’annulation ultérieure de cette visite n’interdit pas à l’administration de faire usage des éléments ainsi obtenus (100).

En revanche, lorsqu’une perquisition fiscale, prévue par le livre des procédures fiscales, est annulée par juge judiciaire, le juge de l’impôt déclarera irrégulière la procédure d’imposition subséquente (101).

Ainsi, le juge de l’impôt ne permet en aucun cas à l’administration de se fonder ni sur des documents illicites qu’elle aurait directement reçus, ni sur des documents issus de perquisitions fiscales annulées par la Cour de cassation.

Les solutions jurisprudentielles s’expliquent par les nombreux pouvoirs dont l'administration fiscale dispose : pouvoirs d'investigation, de contrôle, et large droit de communication. Face à ces prérogatives, le contribuable apparaît démuni, dans une position de relative faiblesse par rapport à la puissance publique.

Cependant, l’évolution des schémas de fraude fiscale tend à renverser ce paradigme. Bien souvent, l’administration doit faire face à des fraudeurs extrêmement organisés, parfaitement conseillés, et sachant exploiter toutes les failles de la législation fiscale.

La reconnaissance légale de l’utilisation par l’administration fiscale de fichiers volés permettra donc de rétablir une sorte d’équilibre dans la procédure de recherche et de répression des fraudes à l’impôt.

Afin que cet équilibre préserve les intérêts en présence, et pour que la fin puisse justifier ce moyen, le présent article exclut de son champ d’application les perquisitions fiscales menées sur le fondement des articles L. 16B et L. 38 du livre des procédures fiscales. Il impose également une transmission de ce document par l’autorité judiciaire au moyen des procédures prévues dans le livre des procédures fiscales, ou en application des dispositions relatives à l’entraide internationale.

Il convient de rappeler que l’exclusion légale du principe de loyauté n’est pas nouvelle. En matière de criminalité organisée, les enquêteurs sont autorisés par l’article 706-81 du code de procédure pénale à infiltrer des organisations criminelles. De même, le législateur a eu l’occasion de légitimer la participation sous pseudonyme à des échanges électroniques dans le but de lutter contre les infractions de proxénétismes, de pédopornographie ou de corruption de mineurs. Plus récemment, un article du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale, devrait permettre aux enquêteurs et aux contrôleurs de l’AMF de prendre une identité d’emprunt (102).

L’administration fiscale, dans le cadre de sa mission d’enquête et de contrôle, est fondée à procéder à la collecte d’informations auprès de tiers. Ces renseignements lui permettent d’établir des présomptions de fraude justifiant alors de l’engagement d’une procédure de droit de visite et de saisie sur le fondement des articles L.16 B du livre des procédures fiscales, en ce qui concerne les impôts directs, ou L. 38 pour ce qui est des contributions indirectes. L'établissement d’une telle prérogative au profit de l'administration fiscale résulte d’une nécessité, les autres procédures de contrôle n'étant pas toujours suffisantes pour obtenir les documents établissant la preuve d’une fraude fiscale suspectée.

Ces « visites domiciliaires » ou « perquisitions fiscales », ne ressortissent pas à la procédure pénale, mais constituent des opérations de procédure fiscale. Les agents de l'administration fiscale ne peuvent procéder d'autorité à la visite : ils doivent y être autorisés par un magistrat du siège, en l'occurrence le juge des libertés et de la détention, qui vérifie le bien-fondé de la demande de l’administration.

L’exclusion de cette procédure du mécanisme du présent article est justifiée par son caractère particulièrement intrusif. Même si son principe n’a pas été jugé contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (103), l’atteinte portée au domicile et à la vie privée impose un respect particulièrement rigoureux du principe de loyauté. C’est pourquoi d’ailleurs la tentative législative d'instaurer des visites domiciliaires en 1983, a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif que l'effectivité du contrôle de l'autorité judiciaire sur les opérations était insuffisamment garantie (104).

Mais les perquisitions fiscales sont loin d’épuiser l’ensemble des pouvoirs de l’administration qui peut asseoir des rectifications dans le cadre d’une procédure de contrôle sur pièces (article L. 10 du livre des procédures fiscales) ou de contrôle fiscal externe, qu’il s’agisse alors d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle (article L. 12) ou d’une vérification de comptabilité (article L. 13). Dans toutes ces situations, l’article L. 76B du livre des procédures fiscales prévoit que « l’administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition ». Le présent article interdira la contestation des procédures sur le seul fondement de l’origine douteuse ou illicite des documents pour l’ensemble de ces procédures de contrôle de l’impôt ayant un caractère contradictoire.

Certes, il y a quelque paradoxe à ce que l'administration ne puisse légalement entreprendre une perquisition sur la base de documents volés par un tiers qui les lui a remis, alors qu'elle pourrait fonder des redressements sur ces mêmes documents. Mais le respect des droits fondamentaux des justiciables est à ce prix.

Toutefois, comme indiqué supra, afin de faciliter la répression des fraudes les plus graves, votre rapporteure présentera une disposition offrant la possibilité d’appliquer ce texte aux visites domiciliaire, à la double condition qu’il s’agisse d’une autorisation à caractère exceptionnel, et que d’autres documents puissent être produits au soutien de la demande de l’administration.

Selon l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi, « le dispositif proposé s’inscrit en cohérence avec le principe de l’indépendance des procédures et concerne des informations portées à la connaissance de l’administration fiscale par des tiers institutionnels ». Il s’agit donc bien de conférer aux documents litigieux une apparence de régularité par le biais des droits de communication et des procédures de transmission légalement instituées.

Quelles sont les procédures qui, selon le présent article, permettront de purger l’illicéité du document transféré ? Ces procédures sont les suivantes :

– l’article L. 101 du livre des procédures fiscales impose à l'autorité judiciaire de communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ;

– l’article L. 82 C du livre des procédures fiscales prévoit que, à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ;

– les articles L. 114 et L. 114 A du livre des procédures fiscales portent sur les échanges de renseignements entre l’administration fiscale métropolitaine et, d’une part les administrations des collectivités relevant d’un régime fiscal spécifique (Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, …) et, d’autre part, les administrations des États ayant conclu avec la France une convention d’assistance réciproque en matière d’impôts ; et enfin les États membres de l’Union européenne sous réserve de réciprocité ;

– le présent article vise les informations collectées auprès des autorités compétentes des États membres en application du règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée.

De façon surprenante, la liste de ces procédures ne comprend pas l’ensemble des droits de communication dont l’administration dispose. Votre rapporteure s’interroge sur l’exclusion de ces droits qui permettent aux agents de l'administration fiscale d'avoir connaissance de documents et renseignements, quel qu'en soit le support, et sous la menace d’une amende fiscale de 1 500 euros en cas de refus de transmission. Les organismes détenant ces informations, et soumis à l’obligation de transmission à la demande de l’administration sont limitativement énumérés par le livre des procédures fiscales (Autorité de régulation des jeux en ligne, établissements de jeux, sociétés civiles, agences immobilières, etc...).

En conclusion, l’atteinte aux principes directeurs du procès paraît donc suffisamment cantonnée.

C’est également l’avis de la doctrine. Certains juristes considèrent en effet que « si l’article 10 du projet de loi, validant ainsi l’utilisation par l’administration fiscale d’informations mentionnées sur des fichiers volés, peut surprendre le lecteur qui verra là une atteinte directe à la loyauté de la preuve, l’observation de son contenu, scrupuleusement cantonné par le législateur, laisse penser que cette disposition légale ne pourra pas être efficacement contestée » (105).

En 2001, le Conseil constitutionnel réaffirmait pour sa part qu'il appartient « au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la lutte contre la fraude fiscale qui constituent des objectifs de valeur constitutionnelle » (106).

Le présent article, par sa rédaction équilibrée, opère cette délicate conciliation entre deux intérêts tout aussi légitimes l’un que l’autre : l’indispensable recherche des preuves d’une fraude à la législation fiscale, et le nécessaire respect du droit à la vie privée des individus.

Malgré l’avancée considérable que représente le présent article, votre rapporteure tient à signaler les distorsions existantes, au sein même de l’Union européenne, dans l’application des principes qui viennent d’être étudiés.

En effet, par un arrêt en date du 9 novembre 2010, le Tribunal constitutionnel fédéral allemand a validé l’exploitation d’une preuve d’origine illicite pour fonder une autorisation de perquisition, et son acquisition auprès d’une personne privée par le Gouvernement

En l’espèce, un CD-Rom de données contenant une liste de contribuables allemands, possédant des comptes au Liechtenstein, et présumés avoir commis une fraude fiscale, a été acheté par l’administration allemande à un employé de la LGT Banque, qui, suite à son renvoi, s’en était emparé. Sur cette base, le parquet a émis plusieurs autorisations de perquisition chez des personnes figurant sur cette liste, en vue de recueillir davantage de preuves matérielles de la commission d’un tel délit.

Le Tribunal constitutionnel fonde son raisonnement juridique sur la proportionnalité de l’atteinte aux droits du justiciable. Il n’accepte les restrictions aux droits fondamentaux que lorsqu’elles sont « nécessaires, adéquates et proportionnées au sens strict ».

Cette coexistence de deux solutions radicalement opposées, entre deux pays soumis aux mêmes normes protectrices des droits des individus peut surprendre. Rappelons ici que la Cour européenne des droits de l’homme ne condamne pas, in abstracto, l’utilisation de preuves illicites.

Selon la presse, en 2010, le fisc allemand a récupéré 1,6 milliard d’euros grâce à l’achat de données volées, à la Suisse en l’occurence.

Selon le ministre fédéral allemand des finances, M. Wolfgang Schäuble, ces documents sont utilisés par l’administration fiscale allemande pour « régler le passé », tant que les États disposant d’un secret bancaire fort n’ont pas accepté de mettre fin à ce dernier.

Lors d’un déplacement en Suisse, votre rapporteure a pu mesurer à quel point cette problématique du règlement du passé était cruciale pour les pays à secret bancaire.

L’exploitation de fichiers obtenus illégalement n’aura en effet plus aucun intérêt lorsque les situations existantes auront été régularisées, et lorsque l’échange automatique d’informations aura enfin été mis en place au plan international. Votre rapporteure espère donc que cette nouvelle possibilité offerte à l’administration par le présent article ne sera qu’un remède temporaire à la mise en œuvre d’une coopération internationale réelle, efficace et transparente, permettant aux États de disposer en toute légalité des preuves dont ils ont nécessairement besoin.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Article additionnel après l’article 10

Possibilité pour l’administration fiscale de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine

La Commission étudie l’amendement CF 48 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 10 sécurise l’action de l’administration fiscale en l’autorisant à utiliser les informations d’origine illicite ou litigieuse, mais exclut le cas des visites domiciliaires. Tout en les conditionnant aux mêmes réserves qu’à l’article 10, cet amendement vise à les intégrer dans le dispositif, afin de concilier liberté des individus et intérêt de l’État.

M. Charles de Courson. L’exposé des motifs devrait être modifié, car les termes « d’origine illicite », ambigus, peuvent se retourner contre l’amendement. Si, dans l’affaire de la banque HSBC, les informations ont été obtenues par des moyens illicites, les 6 200 fraudeurs dont les noms figurent dans le fichier gagneraient en cas de contentieux. Il faut au contraire rappeler que bien des pays autorisent ce type de procédé ; on n’affronte pas la fraude fiscale en « Bisounours » !

Par ailleurs, pour faciliter les aveux, le juge pourrait négocier la peine de celui qui avoue, comme dans le droit américain. Aujourd’hui, la peine n’est officiellement pas négociable, même si certains juges préviennent l’accusé que, s’il avoue, sa peine sera atténuée.

Enfin, madame la rapporteure pour avis, ne pourrait-on pas généraliser le système d’achat d’informations qui n’existe actuellement qu’en matière douanière ? Dans ce type d’opération, l’aviseur reçoit un acompte, la somme finale n’étant versée que lorsque l’information est confirmée. On ne se bat pas contre la fraude internationale à fleuret moucheté !

Mme la rapporteure pour avis. La mention du caractère licite ou illicite des informations ne figure que dans l’exposé des motifs et reprend le sens courant de ces expressions ; mais le terme « litigieux » paraît en effet préférable. L’essentiel reste de permettre d’exploiter toute preuve portée à la connaissance de l’administration fiscale par un moyen régulier, à savoir par la justice ou par le biais de l’entraide administrative internationale.

Le Gouvernement avait exclu les visites domiciliaires, car, en matière fiscale et administrative, les atteintes à la vie privée – par exemple le fait d’utiliser un enregistrement – sont bien moins tolérées qu’au pénal par la jurisprudence de la Cour de cassation. La complexité croissante des fraudes et la disproportion des moyens entre l’administration et le contribuable justifient de renforcer les moyens d’action de l’État ; mais aller jusqu’à l’achat d’informations nous mènerait trop loin, cette méthode pouvant être considérée comme contraire à l’État de droit.

Il en va également d’une position de principe : même si les administrations fiscales de certains pays européens – comme l’Allemagne – utilisent ce procédé, on peut considérer que les informations livrées par pure motivation valent mieux que celles qui sont monnayées par les spécialistes de la triple vente des mêmes fichiers, dont au demeurant on ne connaît pas la qualité.

M. Henri Emmanuelli. La démonstration me laisse pantois. Parlez-nous simplement !

Mme la rapporteure pour avis. Concentrons-nous sur l’amendement ; si Charles de Courson souhaite débattre de la rémunération des aviseurs par l’administration fiscale, il devrait déposer un amendement séparé.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement valide l’utilisation par l’administration fiscale d’informations d’origine litigieuse pour réaliser des visites domiciliaires.

M. Henri Emmanuelli. Puisque la douane peut également rémunérer des aviseurs, on pourrait donc considérer cette mesure !

Mme Karine Berger. Le problème de la vente multiple des fichiers, évoqué par notre rapporteure pour avis, me paraît fondamental. Certains risquent de monnayer les informations à plusieurs administrations fiscales ; un État de droit doit à tout prix éviter cette situation.

M. Henri Emmanuelli. Expliquez-moi pourquoi ce qui, dans le même État de droit, est acceptable et légal pour la douane ne l’est pas pour l’administration fiscale ? Quelqu’un qui vole un fichier dans un paradis fiscal peut certes le vendre à plusieurs États ; mais en quoi cela nous dérange-t-il ? Est-il moral, sous prétexte d’éviter je ne sais quelles turpitudes, d’avantager les fraudeurs ?

M. Charles de Courson. L’argument de notre collègue Karine Berger ne tient pas : livré à la fois à l’Allemagne et à la France, le fichier de la banque HSBC a permis à chaque pays d’obtenir des informations relatives à ses résidents respectifs. On n’achète jamais une information sans l’avoir vérifiée. Beaucoup de pays démocratiques utilisent cette procédure ; il s’agit d’un puissant moyen de recueillir des informations, car, si les gens publient parfois des informations par dévouement ou par patriotisme, cela reste rare.

M. le président Gilles Carrez. L’Allemagne, qui a acheté le fichier Liechtenstein, a refusé de nous le communiquer gratuitement, mais nous l’avons obtenu par le biais d’un autre pays.

Mme la rapporteure pour avis. Ne mélangeons pas mon amendement, qui propose de sécuriser davantage l’action des services fiscaux, et la rémunération des informations. Si vous désirez organiser un débat sur cet enjeu, déposez donc un amendement qui permettra au Gouvernement de livrer sa doctrine. Mais n’oubliez pas que l’on passera bientôt, à l’échelle internationale, de l’échange d’informations à la demande à l’échange de données automatiques. Certains pays européens achetant les informations contre espèces sonnantes et trébuchantes, nous pourrons demain leur demander, dans le cadre d’un échange automatique, de nous les livrer.

M. Henri Emmanuelli. Eux commettent donc le péché, mais pas nous ? Le raisonnement ne tient pas !

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 10

Autorisation pour la douane d’exploiter les informations
qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine

La Commission est saisie de l’amendement CF 47 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à étendre les dispositions prévues pour l’administration fiscale en matière de recevabilité des preuves d’origine litigieuses à l’administration des douanes.

M. le président Gilles Carrez. Cette omission vient sans doute de ce que les douanes disposaient jusqu’à aujourd’hui de pouvoirs plus importants.

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 10

Possibilité pour la douane de procéder à une visite domiciliaire
sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine

La Commission examine l’amendement CF 49 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’étendre à l’administration douanière les dispositions adoptées pour l’administration fiscale, s’agissant des visites domiciliaires.

La Commission adopte l’amendement.

Article 11

Possibilité de procéder à des saisies simplifiées en vue du recouvrement des créances publiques sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie

Le présent article a pour objet de permettre à l’administration de procéder à des saisies simplifiées sur les sommes placées sur des contrats d’assurance-vie rachetables. Il vise à améliorer l’efficacité du recouvrement forcé des créances publiques tout en introduisant une certaine équité en matière de saisie. En effet, l’assurance-vie ne peut aujourd’hui faire l’objet de saisies compte tenu de la jurisprudence actuelle, alors même qu’elle constitue aujourd’hui le principal support de l’épargne des ménages.

Une fois l’impôt assis puis liquidé, ou la procédure de rectification engagée dans le cadre d’un contrôle fiscal, le contribuable doit verser son dû à l’administration fiscale. Or la situation diffère selon que l’on considère le recouvrement des impôts ou celui des droits et pénalités résultant des contrôles fiscaux. Selon les indicateurs figurant dans les documents annexés chaque année au projet de loi de finances, le taux de paiement des impôts des particuliers atteint 98,5 %, de même que le taux de recouvrement spontané des impôts des professionnels. S’il n’est bien sûr pas satisfaisant que près de 2 % des contribuables rechignent à payer leurs impôts, ces taux de recouvrement s’avèrent satisfaisants et constituent la manifestation d’un civisme certain.

Les taux de recouvrement sont en revanche bien moindres s’agissant des droits et pénalités issus du contrôle fiscal. Selon ces mêmes indicateurs, pour l’année 2012, le taux brut de recouvrement des créances de contrôle fiscal externe107 au titre de l’année n-2 devrait se limiter à 43 %, contre 48 % en 2011. Le taux reste limité à environ 61 % si l’on exclut les créances sur lesquelles les comptables ne peuvent agir (notamment les créances en procédures collectives et contestées avec sursis de paiement) et les créances relatives aux impôts directs locaux. Or, les droits et pénalités appliqués au titre du contrôle fiscal chaque année sont loin d’être négligeables, ainsi que le retrace le tableau ci-dessous.

Résultats cumulés des contrôles sur place et sur pièces

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Contrôle sur place

Vérification de comptabilité

9 184

9 843

9 019

9 378

9 777

10 005

 

ESFP

760

675

544

557

623

810

 

Total

9 944

10 518

9 563

9 935

10 400

10 815

Contrôle sur pièces

 

5 969

6 394

6 070

5 215

5 602

5 593

Total

 

15 913

16 913

15 633

14 850

16 002

16 408

dont droits

 

12 932

12 946

12 738

12 380

13 113

13 479

dont pénalités

 

3 521

3 967

2 895

2 770

2 889

2 929

Source : PAP 2013

La question du recouvrement des créances de l’administration fiscale, et tout particulièrement de celles issus du contrôle fiscal, constitue donc un réel enjeu, aussi bien moral que budgétaire. Selon les chiffres fournis par l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi, le montant des restes à recouvrer pour les particuliers s’élève, pour l’ensemble des produits fiscaux, à 11 milliards d’euros.

Il est bien évident que certaines de ces créances, par exemple en matière de carrousels de TVA ou, ainsi que cela s’est produit récemment, de fraudes aux quotas de CO2, peuvent difficilement être perçues, du fait de la nature de la fraude, dont les auteurs disparaissent dès qu’ils sont découverts. En revanche, la Rapporteure estime indispensable d’explorer les voies d’amélioration du recouvrement de ces créances, hors ces cas très particuliers.

Les impositions non acquittées par un redevable ou constatées à l’issue d’un contrôle fiscal sont mises en recouvrement par l’émission d’un rôle supplémentaire s’il s’agit d’impositions recouvrées par voie de rôle (impôt sur le revenu, impôts locaux…) ou par la notification d’un avis de mise en recouvrement s’il s’agit d’impositions autoliquidées, telles que la TVA ou l’impôt sur les sociétés. Si le redevable s’acquitte de l’intégralité de sa dette, l’action en recouvrement forcé n’est pas mise en œuvre. En revanche, en cas de défaillance de paiement du redevable et en l’absence d’une réclamation contentieuse assortie d’une demande de sursis de paiement, le comptable de la DGFiP met en œuvre la procédure de relance.

Le déroulement de cette procédure de relance est adapté en fonction du comportement des redevables.

Une procédure de relance directe est mise en œuvre si les impositions concernées relèvent des critères énoncés au deuxième alinéa de l’article L. 257-0 B du livre des procédures fiscales, notamment lorsque les créances sont supérieures à 15 000 euros, lorsqu’elles sont issues d’un contrôle fiscal ou lorsqu’il s’agit de sociétés en procédure collective ou de sociétés relevant de la Direction des grandes entreprises (DGE). Le comptable de la DGFiP notifie alors au redevable une mise en demeure de payer lui laissant un délai de 30 jours pour s’acquitter de sa dette. À l’expiration de ce délai et à défaut de règlement, le comptable peut engager tous types de poursuites (avis à tiers détenteur, saisies de droit commun…).

Le comptable de la DGFiP met en œuvre une procédure de relance progressive lorsque le contribuable est un primo-défaillant ne relevant pas des critères de l’article L. 257–0 B susvisé. Il adresse alors au redevable une lettre de relance lui ouvrant un délai de 30 jours pour s’acquitter de sa dette. À défaut de paiement à l’issue de ce délai, le comptable peut notifier une mise en demeure de payer. À l’issue d’un délai de 8 jours suivant cette notification, et à défaut de paiement du redevable, le comptable peut engager des poursuites (avis à tiers détenteur, saisies de droit commun).

À tout moment, le redevable peut se rapprocher du comptable s’il souhaite obtenir un plan de règlement. Celui-ci est adapté en fonction du comportement du redevable et des garanties qu’il peut offrir.

Afin de parvenir au recouvrement de leurs créances, les comptables de la DGFiP disposent de deux catégories de procédures : les actions de masse et les actions « lourdes ». Les premières ne nécessitent pas l’intervention d’un juge pour les engager et, à ce titre, le comptable peut mettre en œuvre les saisies de droit commun réglementées par le code des procédures civiles d’exécution, telles que la saisie-attribution, la saisie-vente ou encore la saisie des rémunérations. En outre, il dispose d’une mesure spécifique au droit fiscal : l’avis à tiers détenteur (ATD), qui est décliné en différentes procédures fondées sur le même mécanisme, mais applicables à différents types de créances : la saisie à tiers détenteur, l’opposition à tiers détenteur et l’opposition administrative.

En revanche, les actions « lourdes » nécessitent l’intervention du juge pour les engager. À ce titre, le comptable dispose de mesures de droit commun : la saisie immobilière réglementée par le code des procédures civiles d’exécution, les actions paulienne, oblique et en déclaration de simulation régies par le code civil ainsi que l’assignation en liquidation judiciaire prévue par le code de commerce pour les entreprises. En outre, le comptable peut mettre en œuvre la procédure de mise en cause de la responsabilité des dirigeants prévue par l’article L. 267 du livre des procédures fiscales.

Par ailleurs, le comptable peut compléter l’ensemble de ces actions par la prise de garanties afin de prévenir des difficultés ultérieures, par exemple l’hypothèque légale du Trésor ou le cautionnement.

● Prévue par les articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, la procédure de l’avis à tiers détenteur permet à un comptable public d’obliger un tiers à verser entre ses mains les fonds dont il est détenteur ou débiteur à l’égard du redevable, à concurrence des impôts dus par celui-ci. Cette procédure s’applique à toutes les catégories d’impôt, qu’il s’agisse d’impôts en principal, de pénalités ou de frais accessoires, à condition qu’ils soient exigibles et couverts par le privilège général du Trésor. L’avis à tiers détenteur ne peut porter que sur des sommes d’argent, et non sur des biens mobiliers.

Le plus souvent utilisé pour faire opposition sur les comptes bancaires et les salaires, l'avis à tiers détenteur peut être adressé au redevable par lettre simple. Le tiers qui reçoit un tel avis est tenu de verser au Trésor public ce qu’il doit au contribuable. Toutefois, en matière de salaires, il ne doit verser que la partie saisissable. Si le tiers s’abstient, sans raison valable, de déférer à l’avis qui lui a été adressé, il peut être poursuivi personnellement sur ses biens.

Cette procédure est largement utilisée, la DGFiP émettant chaque année environ 4,5 millions d’avis à tiers détenteur.

Trois autres procédures s’apparentent à l’avis à tiers détenteur, et s’appliquent à différents types de créances publiques.

● L’opposition à tiers détenteur (OTD), prévue par le 7° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, a vocation à assurer le recouvrement des recettes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, comme les hôpitaux par exemple. Comme l’avis à tiers détenteur, cette procédure emporte l'effet d'attribution immédiate des sommes appréhendées. L’emploi de cette procédure simplifiée est cependant limité au recouvrement des créances supérieures à certains seuils, fixés à 130 euros pour les OTD notifiées auprès d'établissements bancaires et à 30 euros pour les OTD notifiées auprès de tout autre tiers (locataires, employeurs, etc.).

Au total, pour l’année 2012, 1,8 million d’OTD ont été exercées, pour un montant moyen de l’ordre de 726 euros, soit un montant total de 1,3 milliard d’euros.

● L’opposition administrative, introduite par l’article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, est une procédure spécifique au recouvrement des amendes et condamnations pécuniaires, telles que les amendes infligées par la SNCF ou la RATP, par exemple. Le dispositif reste le même que celui de l’ATD et de l’OTD, puisque l’opposition administrative permet là encore au comptable public de saisir entre les mains d’un tiers (banque, employeur, locataire,…) toute somme d’argent que ce dernier détient ou doit au débiteur.

En 2012, 3,2 millions d’oppositions administratives ont été émises dont 3 millions auprès des banques.

● La saisie à tiers détenteur (STD), introduite en 2009 et codifiée à l’article L. 273 A du livre des procédures fiscales, concerne le recouvrement des créances étrangères à l’impôt, plus communément appelées produits divers de l’État. Depuis 2011, cette procédure s’applique à l’ensemble des créances faisant l’objet d’un titre de perception, qu’il s’agisse de créances recouvrées par la DGFiP pour l’État ou pour le compte de tiers.

Dans sa définition juridique, un contrat d’assurance-vie est une convention par laquelle une personne (l’assureur) prend l’engagement envers une autre (le souscripteur), en contrepartie d’un versement unique ou périodique (la prime ou la cotisation) et pendant une durée déterminée (la durée du contrat), de verser au contractant lui-même ou à un tiers désigné ou déterminable (le bénéficiaire) un capital ou une rente en cas de survie ou de décès d’une personne désignée (l’assuré).

Historiquement, le contrat d’assurance-vie relève d’une conception civile, et son régime juridique est défini dans le code des assurances, notamment dans les articles L. 132-1 et suivants, et dans celui de la mutualité, aux articles L. 223-1 et suivants. Le contrat repose sur la notion d’aléa, auquel sa validité est subordonnée et qui est un élément de la cause des obligations du souscripteur et de l’assureur. Ainsi que le rappelle la Cour des comptes dans son rapport particulier sur la politique en faveur de l’assurance-vie (108), en 1888, la Cour de Cassation a posé comme règle que l’assurance sur la vie consiste en une stipulation pour autrui au sens de l’article 1121 du code civil (109). Cette analyse a été reprise par le législateur dans le cadre de la loi du 6 juillet 1930 dont est issu l’article L. 132-12 du code des assurances.

Depuis cette jurisprudence et ce texte de loi, les produits d’assurance-vie se sont considérablement diversifiés, pour répondre à tout un éventail de besoins des souscripteurs. Les contrats d’assurance-vie se répartissent aujourd’hui en trois catégories principales, lesquelles connaissent elles-mêmes des subdivisions.

La première catégorie est l’assurance en cas de vie, pour laquelle l’assureur est tenu de verser un capital ou une rente à condition que l’assuré soit encore en vie à un âge ou à une date déterminés. Dans un tel cas, l’assureur est définitivement dégagé de ses obligations en cas de décès de l’assuré avant l’échéance du contrat, et l’aléa résulte de ce que l’engagement est subordonné à la survie du souscripteur. Toutefois, la plupart des contrats d’assurance en cas de vie sont assortis d’une contre-assurance en cas de décès, laquelle oblige l’assureur à verser aux bénéficiaires désignés le montant des primes versés par l’assuré s’il est décédé avant l’échéance fixée.

La deuxième catégorie correspond à l’assurance en cas de décès, dont l’objet est de garantir à son bénéficiaire le versement d’un capital ou d’une rente en cas de décès de l’assuré ; l’aléa réside dans le décès. Plusieurs cas de figure sont possibles : l’assurance en cas de décès « vie entière », pour laquelle l’assureur est tenu de verser au bénéficiaire un capital ou une rente quelle que soit la date du décès de l’assuré, l’assurance temporaire décès, qui recouvre les contrats « emprunteurs » qui accompagnent les prêts bancaires…

Enfin, la dernière catégorie est l’assurance-vie mixte, tendant à la fois à la constitution d’une épargne et à la garantie de capital en cas de décès de l’assuré. Parmi ces contrats, figure notamment l’assurance mixte ordinaire, qui combine une assurance de capital différé et une assurance temporaire décès : si l’assuré est en vie à l’échéance du contrat, l’assureur est tenu de lui verser un capital ou une rente, l’un ou l’autre étant versé au bénéficiaire désigné si l’assuré décède avant l’échéance du contrat.

Il y a lieu de noter que, parallèlement à cette classification en fonction de leurs effets juridiques, les contrats d’assurance-vie peuvent avoir différents supports d’investissement, ce qui permet de les ventiler là encore en plusieurs catégories. La première correspond aux contrats en euros, pour lesquels les sommes sont investies en fonds en euros : à l’échéance du contrat, le souscripteur reçoit une somme égale aux primes versées, diminuées des frais de gestion et augmentées des produits capitalisés ; le souscripteur n’est donc pas exposé au risque en capital. La deuxième catégorie est celle des contrats en unités de comptes, pour lesquels les sommes versées sont investies en actions, en obligations, ou encore en parts de SICAV, de FCP, de SCI et de SCPI… À l’échéance du contrat, l’assureur garantit le nombre d’unités de compte mais pas leur valeur, ce qui signifie que le souscripteur se trouve exposé à un risque de placement. Au-delà de ces deux catégories principales, peuvent être mentionnés les contrats en euros diversifiés, créés en 2005 : ils proposent une garantie de capital à leur terme, une partie de l’actif étant placé en obligations pour préserver le capital garanti à terme, l’autre étant investie en produits de diversification afin d’en dynamiser le rendement. L’assureur gère les fonds dans une optique de moyen terme, de l’ordre de 8 à 10 ans, pendant lesquels le contrat n’est pas rachetable.

Compte tenu du développement de l’assurance-vie comme support de l’épargne financière des Français, les conséquences de sa spécificité juridique sont loin d’être mineures. Se pose notamment la question pour l’État de pouvoir procéder à des saisies sur des contrats d’assurance-vie afin de recouvrer des sommes dues au Trésor public. D’un strict point de vue juridique, on peut en effet considérer que les sommes versées n'appartiennent plus au souscripteur mais à la compagnie d’assurance, et ce pendant la durée d’existence du contrat ; le souscripteur devenant ainsi le créancier de la compagnie.

Par un arrêt du 2 juillet 2002 (110), la Cour de Cassation a jugé que l’administration ne pouvait recourir à l’avis à tiers détenteur sur des sommes placées sur un contrat d’assurance-vie, au motif que cette procédure, qui peut s’appliquer à des créances conditionnelles ou à terme, ne s’applique toutefois pas aux créances éventuelles. La Cour a estimé que tant que le contrat n’était pas dénoué, le souscripteur n’avait pas la disposition des sommes en question, puisqu’il était seulement « investi sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou modifier le bénéficiaire de la prestation, de sorte qu'aucun créancier du souscripteur n'est en droit de se faire attribuer ce que ce dernier ne peut recevoir. »

Cette question du recouvrement de créances publiques sur les sommes placées sur les contrats d’assurance-vie s’avère d’ailleurs proche, dans son principe, de celle de la saisie et de la confiscation pénales de ces mêmes sommes. L’article 5 du présent projet de loi porte sur ce sujet, cet article étant commenté dans le rapport de M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois, saisie au fond. Sans rentrer dans le détail des dispositions de l’article 5, il convient de rappeler que la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à simplifier la saisie et la confiscation en matière pénale avait institué un régime de saisie pénale spécifique applicable aux créances résultant de contrats d’assurance-vie, prévu par le deuxième alinéa de l’article 706-155 du code de procédure pénale. Toutefois, ce texte a fait l’objet d’une interprétation restrictive de la Cour de Cassation qui, dans un arrêt du 30 octobre 2010 (111), a estimé que la procédure spéciale ainsi instituée était exclusive de toute autre, et qu’elle interdisait l’appréhension directe des fonds investis en possession de l’organisme gestionnaire, alors même qu’il pouvait être établi que ces fonds constituaient le produit direct ou indirect de l’infraction.

À ce jour, l’interprétation jurisprudentielle actuelle ne permet donc pas de procéder à des saisies par avis à tiers détenteur ou à des confiscations pénales sur des sommes placées sur des contrats d’assurance-vie, et consacre donc un principe d’insaisissabilité de ces contrats.

On peut d’ailleurs noter qu’au-delà de ces enjeux de saisie et de confiscation, la nature juridique du contrat d’assurance-vie soulève d’autres questions, notamment fiscales et de transmission. Ainsi, compte tenu du fait que les sommes placées sur un contrat d’assurance-vie sont considérés comme n’appartenant pas au souscripteur, elles n’ont longtemps fait l’objet d’aucune taxation, aussi bien dans les mains de l’assuré sous sa forme latente qu’entre les mains du bénéficiaire lors de sa transmission. Cette exonération totale est toutefois apparue, avec le développement de l’encours des contrats, comme une conséquence excessive de la définition civile du contrat, et posait des questions d’équité dans le traitement fiscal des différentes formes d’épargne financière. Il a été progressivement mis fin à cette exonération : les contrats rachetables sont désormais intégrés dans l’assiette de l’ISF, tandis qu’un dispositif spécifique de taxation de la transmission a été instauré, qui s’avère d’ailleurs bien plus favorable que le droit commun des transmissions. Le principe est que les sommes versées au bénéficiaire lors du décès de l’assuré ne font pas partie de la succession de ce dernier et échappent aux droits de mutation par décès ; les sommes versées lors du décès d’un assuré sont alors soumises à un prélèvement sui generis.

Autre conséquence de sa spécificité juridique, le contrat d’assurance-vie peut constituer un moyen de favoriser l’un des héritiers ou encore un tiers – bien que la jurisprudence ait dégagé des critères pour pouvoir déceler et écarter ce type de pratiques – du fait de son exclusion de la succession du souscripteur.

Ainsi que le souligne le rapport de nos collègues députés, Mme Karine Berger et M. Dominique Lefebvre sur l’épargne financière, publié en avril dernier, les placements en assurance-vie ont connu un développement important au cours des 30 dernières années. Les encours représentent aujourd’hui 1 450 milliards d’euros, soit plus de 40 % du patrimoine financier des ménages, contre moins de 5 % au début des années quatre-vingt. Ils constituent le principal support d’épargne de long terme des ménages, leur croissance s’étant réalisée au détriment des livrets d’épargne (livrets réglementés et livrets fiscalisés), dont la part a été divisée par deux en trente ans, ainsi que des dépôts à vue et des placements monétaires (OPCVM monétaires et comptes à terme). Les encours ont plus que doublé au cours des dix dernières années et, selon les données présentées par la Cour des comptes dans le rapport précité, à ce jour, plus de 20 millions de contrats ont été souscrits par 17 millions de ménages.

Cette croissance trouve pour partie sa source dans le fait que les distributeurs ont, au cours des trois dernières décennies, fortement incité à la souscription de contrats d’assurance-vie. Les assurés y ont vu l’occasion de constituer une épargne disponible, avec des possibilités de transmission à autrui et de rachat des primes investies. Comme le souligne la Cour, c’est surtout la notion de contrat « rachetable » qui fonde l’opinion que les contrats d’assurance-vie concernés sont des produits d’épargne. Dans le cadre des contrats « rachetables », sauf conditions limitatives spécifiques, l’assuré peut en effet racheter à tout moment et avant l’échéance du contrat la totalité ou une fraction des primes qu’il a versées. En outre, de façon plus générale, l’innovation financière qui a accompagné la gestion de ces contrats a accentué leur caractéristique de produits d’épargne.

La Cour des comptes fournit un chiffre qui permet de prendre la mesure de l’utilisation croissante des contrats d’assurance-vie comme un produit d’épargne : la part des rachats dans les prestations annuelles a augmenté de 20 points entre 1992 et 2010, pour atteindre 63 %, tandis que la part des capitaux échus diminuait dans les mêmes proportions.

Ce sont d’ailleurs les contrats d’assurance en cas de vie avec contre-assurance en cas de décès et les contrats d’assurance dits « mixtes » qui sont les formules les plus commercialisées auprès des particuliers. Or ces types de contrats, compte tenu de leurs conditions, ne conservent qu’un lien ténu avec le risque qu’ils couvrent, à la différence des contrats d’assurance en cas de décès, qui relèvent bien de la philosophie de l’assurance.

Enfin, il convient de souligner que les encours en assurance-vie s’avèrent encore davantage concentrés que le patrimoine des ménages dans son ensemble, puisque le dernier décile de la population détient 48 % du patrimoine mais 65 % des encours d’assurance-vie. Le dernier centile (soit 1 % des plus riches) détient plus de 25 % des encours d’assurance-vie, avec un encours moyen de 600 000 euros. Certains contrats peuvent dépasser plusieurs centaines de millions d’euros.

Somme toute, s’il ne s’agit nullement de remettre en cause la nature juridique du contrat d’assurance-vie, il semble nécessaire de prendre en compte les réalités qu’il recouvre en termes de placements financiers et d’adapter en conséquence certains dispositifs. C’est d’ailleurs, d’une certaine façon, ce qui a été fait en matière fiscale par le passé, ainsi que cela a été retracé plus haut, alors même que l’intégration dans l’assiette de l’ISF des contrats rachetables (112) contredit la notion de stipulation pour autrui. Selon une finalité proche, à savoir un souci d’équité et d’égalité de traitement des produits financiers, le présent article propose donc d’adapter les dispositions existantes et de permettre aux comptables publics d’opérer des saisies sur les contrats d’assurance-vie. Cette mesure vise à améliorer le recouvrement des créances publiques et à supprimer l’effet d’aubaine que ce type d’instrument peut offrir pour une personne qui souhaiterait mettre ses avoirs hors de portée du Trésor public.

Le présent article vise à permettre aux comptables publics de procéder à des actes de poursuites simplifiées sur les sommes versées sur des contrats d’assurance-vie, c’est-à-dire des avis à tiers détenteur, pour le recouvrement des créances fiscales, mais aussi des saisies à tiers détenteur, pour celui des produits divers, des oppositions administratives, pour celui des amendes, et des oppositions à tiers détenteur, pour celui des produits locaux. Sont inclues dans le champ de l’article les sommes versées par un redevable souscripteur ou un redevable adhérent d’un contrat d’assurance-vie, c’est-à-dire un adhérent à un contrat d'assurance de groupe sur la vie mentionné à l'article L. 141-1 du code des assurances.

● La possibilité de procéder à des saisies sur de telles sommes est réservée aux comptables publics. En effet, mettre fin à l’insaisissabilité de l’assurance-vie pour tout créancier risquerait de soulever de fortes difficultés de gestion pour les compagnies d’assurance et les mutuelles, mais aussi de déstabiliser l’économie de certains contrats.

● Ne se trouvent dans le champ du présent article que les contrats d’assurance rachetables, qui peuvent être assimilés à une épargne détenue par le souscripteur ; l’article 885 F du code général des impôts renvoie déjà à cette notion s’agissant de l’assiette de l’ISF. En application de l’article L. 132-23 du code des assurances, cette condition exclut du dispositif les assurances temporaires en cas de décès, les assurances de capitaux de survie et de rente de survie, les assurances en cas de vie sans contre-assurance et les rentes viagères différées sans contre-assurance.

La saisie peut s’exercer même si la possibilité de rachat fait l’objet de limitations. Cette mention recouvre le cas de certains des contrats mentionnés à l’article L. 132-23 du code des assurances, à savoir les contrats d’assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d’activité professionnelle, y compris les contrats qui relèvent du régime de retraite complémentaire institué par la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique. En principe, ces contrats ne comportent pas de possibilité de rachat ; toutefois, ils doivent prévoir une faculté de rachat lorsque se produisent certains événements, notamment l’expiration des droits de l’assuré à l’allocation chômage, son invalidité, sa situation de surendettement ou encore le décès de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

Il est à noter que les contrats dits « rachetables » représentent la grande majorité des encours actuels, puisque, selon les données fournies par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), au 31 décembre 2012, sur des engagements des assureurs de 1 390 milliards d’euros, les contrats rachetables représentaient environ 1 235 milliards d’euros, soit un peu moins de 90 % ; les contrats non rachetables correspondent pour leur part à des encours de l’ordre de 150 milliards d’euros.

● Au sein de ces contrats d’assurance-vie rachetables, ne sont visés par le dispositif que les droits exprimés en euros, pour leur valeur à la date de la notification de l’avis à tiers détenteur, ou de l’une des trois autres procédures, au motif que c’est cette part qui est la plus liquide, et qui donc peut être le plus facilement mobilisée par les compagnies d’assurances. Sont exclues du dispositif les sommes versées sur d’autres contrats que des contrats en euros, c’est-à-dire les contrats en unités de compte et les contrats en euros diversifiés.

Les contrats en euros représentent toutefois la majeure partie des sommes placées en assurance-vie, et, au sein des contrats rachetables, les encours en euros atteignent 1 041 milliards d’euros, soit 84 % du total, tandis que les encours en unités de compte se limitent à 194 milliards d’euros ; les montants versés sur des contrats en euros diversifiés sont quasi marginaux au regard de ces sommes, puisqu’ils ne représentaient que 0,3 milliard d’euros pour 2012.

En conclusion, les sommes susceptibles de faire l’objet de saisie au titre du présent article (contrats rachetables en euros) représentent près de 75 % de la totalité des encours de l’assurance-vie.

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La Commission adopte les amendements rédactionnels CF 38, CF 39 et CF 40 de la rapporteure pour avis.

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Puis la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 ainsi modifié.

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La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 11.

Elle examine d’abord l’amendement CF 21 de M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Les amendements que j’ai déposés sont techniques. Ils découlent des auditions auxquelles nous avons procédé. Les lois du 1er août 2003 pour l’initiative économique et du 4 août 2008 pour la modernisation de l’économie permettent à l’entrepreneur, quand il s’agit d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale, de rendre insaisissables ses biens immeubles non professionnels par des créanciers professionnels.

Selon les comptables publics chargés du recouvrement, la disposition, qui visait à protéger le domicile, est de plus en plus utilisée pour échapper à la sanction fiscale. Nous proposons que cette dérogation au droit commun ne puisse être maintenue quand le contribuable est de mauvaise foi ou s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable sur le fond, mais la rédaction pourrait être plus précise. En outre, la disposition doit être introduite dans le livre des procédures fiscales en même temps que dans le code de commerce.

M. Marc Le Fur. Une des avancées de la loi de 2003 était de distinguer les deux patrimoines, ce qui protège la maison individuelle. On peut sans doute évoluer à la marge, mais nous devons conserver le principe selon lequel les services du recouvrement ne doivent pas saisir le domicile de l’intéressé.

M. le président Gilles Carrez. Le principe de séparation est maintenu, dès lors que la dette fiscale et sociale survient dans un cadre non frauduleux. L’amendement vise uniquement à lever la dérogation en cas de manquement délibéré, fraude ou manœuvre frauduleuse, car, dans le cas inverse, nous ne remettons pas en cause la protection de la résidence principale.

M. Yves Goasdoué. Je suis favorable à toute proposition qui permettra d’affiner la rédaction de l’amendement, lequel vise à pénaliser le fraudeur de mauvaise foi.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord avec l’amendement, pourvu qu’on ajoute après « à l’administration fiscale », les mots « à l’exception du domicile », celui-ci devant être protégé même en cas de fraude ou de manquement avéré. Telle était du moins notre intention de l’époque.

M. Étienne Blanc. Pourquoi ne pas cantonner la levée de la dérogation aux affaires qui ont fait l’objet d’un jugement pénal ?

M. Yves Goasdoué. Si les pénalités sont versées au titre de manœuvres frauduleuses, c’est que l’intéressé admet leur réalité, sans quoi il saisit la justice. Pensez-vous qu’il faille à la fois saisir la maison des intéressés et les traduire devant le juge ? Vous proposez d’aggraver encore la sanction !

M. Étienne Blanc. Il s’agira alors d’une sanction exceptionnelle, ce qui confirmera que la loi protège le patrimoine individuel.

M. Marc Le Fur. Quand nous avions distingué les deux patrimoines, nous entendions protéger aussi la famille de l’intéressé. J’ajoute que les accusations de fraude viennent vite de la part des services fiscaux. Il faut donc laisser au contribuable la possibilité de comparaître devant un juge. Notre intention était d’encourager ceux qui prennent des risques. Il n’y en aura plus, si nous supprimons le minimum de protection dont ils bénéficient.

M. le rapporteur général. Si quelqu’un qui n’est pas entrepreneur est convaincu de fraude, ses biens peuvent être saisis. Pourquoi introduire une inégalité de traitement entre les contribuables ? Je suis favorable à l’amendement, sous réserve des corrections suggérées par la rapporteure pour avis.

M. Henri Emmanuelli. La mesure doit s’appliquer à ceux qui ont commis une fraude avérée. Je n’imagine pas que, dans votre esprit, le fait de prendre un risque vous autorise à devenir un fraudeur avéré.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je comprends que l’amendement s’applique en cas de fraude ou de manœuvre frauduleuse, mais la mention de manquement délibéré est plus délicate. Qui n’a pas rencontré un entrepreneur ayant omis de faire une déclaration, parce qu’il est quasiment en cessation de paiement ? Il s’agit d’un manquement délibéré, mais pas d’une volonté de fraude.

M. Dominique Lefebvre. Je suis surpris par l’intervention de Marc Le Fur. Le risque entrepreneurial ne se confond pas avec celui de fraude fiscale. L’amendement vise seulement à permettre au Trésor public de récupérer des sommes qui ont été volontairement soustraites. Le contribuable doit savoir que, s’il fraude, il peut perdre la totalité de son patrimoine, même sa résidence principale.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement propose de mettre fin à l’insaisissabilité actuelle pour les personnes qui fraudent le fisc de manière avérée. Je propose d’étendre aux cas que vous visez une disposition du livre des procédures fiscales, qui ne concerne que l’entrepreneur individuel. Il suffirait de remplacer dans l’amendement les mots « manquement délibéré » par les mots : « inobservation grave et répétée d’obligations fiscales ».

M. Yves Goasdoué. Cette rédaction me convient.

M. Charles de Courson. D’accord sur l’idée, je soulève cependant deux objections. Si l’on introduit une rupture d’égalité entre les entrepreneurs individuels et les entrepreneurs sous forme sociétaire, on risque de voir disparaître les premiers au profit des seconds. Seconde observation : si l’on ne retient que les cas où la fraude a été reconnue par celui qui l’a commise, ne risque-t-on pas de pousser les contribuables qui se sont mis dans ces situations à aller au contentieux ?

M. le président Gilles Carrez. Acceptez-vous de retirer l’amendement pour en préciser la rédaction, monsieur Goasdoué ?

M. Yves Goasdoué. Oui.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 11

Modernisation de la procédure de droit de visite de la douane par des dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques

La Commission en vient à l’amendement CF 51 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement vise à étendre aux douanes les dispositions que la dernière loi de finances rectificative pour 2012 prévoit pour la direction générale des finances publiques en matière de modernisation de la procédure de droit de visite et de saisie.

La Commission adopte l’amendement.

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Elle est saisie de l’amendement CF 24 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Cet amendement a pour objet de mieux réprimer la fraude fiscale en bande organisée, notamment l’utilisation de comptes étrangers à des fins d’escroquerie à la TVA.

Pour compléter le nouveau dispositif, il convient d’améliorer l’efficacité de la recherche des infractions aux règles régissant les relations financières avec l’étranger, notamment la détention clandestine de comptes bancaires, en étendant aux infractions réprimées par l’article 459 du code des douanes la procédure spéciale d’infiltration placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire et déjà prévue en matière de contrebande douanière et de blanchiment.

L’utilisation de ces techniques spéciales d’investigation s’impose pour lutter contre un phénomène qui a pris une ampleur considérable. L’atteinte à l’ordre public causée par la grande fraude fiscale n’est pas moins problématique que celle causée par les grands trafics organisés. Ce n’est pas un hasard si les autorités américaines utilisent ces outils à la fois pour lutter contre la fraude fiscale et contre le trafic de drogue.

L’abrogation de l’article 458 du code des douanes est également proposée, pour permettre notamment à la douane judiciaire, qui travaille selon les modalités du code de procédure pénale, donc sur instructions de l’autorité judiciaire, d’engager des enquêtes sans qu’il soit besoin d’une plainte préalable de l’administration. Cette mesure permettra d’accélérer les enquêtes relatives aux infractions à la législation des relations financières avec l’étranger.

Mme la rapporteure pour avis. Au cours des nombreuses auditions que nous avons menées, tant pour la préparation de notre avis que dans le cadre de la mission d’information sur la fraude fiscale, les douanes nous ont indiqué qu’elles n’avaient pas de besoin opérationnel spécifique s’agissant des techniques d’infiltration pour rechercher des infractions de non-déclaration de compte bancaire à l’étranger.

Par ailleurs, l’amendement est en partie satisfait par l’article 16 du projet de loi, qui ouvre à la BNRDF la possibilité, dans les affaires de fraude fiscale complexe, de procéder à des infiltrations. Et l’office central de lutte contre la fraude et la délinquance économique qui succédera à la BNRDF comprendra très probablement des douaniers.

Quant à votre proposition d’abroger de l’article 458 du code des douanes, elle nous renvoie au débat que nous avons eu en début de séance sur l’initiative des poursuites.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 22 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Il est proposé de renforcer les moyens de contrôle et de donner l’outil juridique nécessaire aux agents de contrôle pour appréhender les sommes transportées en espèces sur l’ensemble du territoire national lorsque leur montant est supérieur à un seuil de 10 000 euros et que la personne est dans l’incapacité de justifier de leur origine légale.

Mme la rapporteure pour avis. Le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de censurer ces dispositions attentatoires aux libertés individuelles et contraires tant au principe de présomption d’innocence qu’à celui de la proportionnalité des peines. La simple détention d’une somme supérieure à 10 000 euros serait passible de deux à dix ans d’emprisonnement. Un artisan ou un commerçant allant déposer le produit de sa journée à sa banque, mais ne pouvant justifier à la seconde de la provenance de la somme, y serait exposé ! Avis très défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 41 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. L’amendement vise à sécuriser les lanceurs d’alerte éthiques ainsi que le statut juridique des informations transmises aux services d’enquête en matière de fraudes aux finances publiques.

Mme la rapporteure pour avis. Il est satisfait par l’extension du bénéfice des dispositions de l’article 10 à l’administration des douanes. Accessoirement, les modifications au code de procédure pénale et au code du travail que vous proposez ne sont pas du ressort de notre Commission. Je suggère le retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CF 4 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’objet de l’amendement est de réprimer la fraude fiscale liée au financement des partis politiques et des campagnes électorales en obligeant la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à transmettre à TRACFIN les dossiers dans lesquels elle a repéré certaines anomalies.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement, qui tend à modifier le code électoral, aurait davantage sa place dans le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique. Au surplus, ne serait-il pas plus simple que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques transmette les éléments directement à l’administration fiscale ? Je suggère un retrait.

M. Régis Juanico. Nous avions tenté d’introduire une disposition de cette nature dans le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2012, mais le Conseil constitutionnel l’a censurée. Des amendements similaires ont été adoptés en commission lors de l’examen du texte sur la transparence de la vie publique où, en effet, ces mesures ont davantage leur place.

M. Éric Alauzet. Il s’agissait d’un sujet sensiblement différent, celui du financement des micro-partis. Cela dit, je retire l’amendement pour le présenter à nouveau sur projet de loi relatif à la transparence de la vie publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement CF 36 de Mme Karine Berger et des amendements CF 7 et CF 6 de M. Éric Alauzet.

Mme Karine Berger. L’amendement CF 36 est un amendement d’appel que j’espère pouvoir retravailler avec d’autres collègues en vue de la réunion de l’article 88.

Alors que le projet de loi comporte un ensemble complet de mesures efficaces contre la fraude fiscale des particuliers, il traite un peu moins de la fraude fiscale des entreprises. La question de la frontière, pour les multinationales, entre optimisation fiscale légale et fraude fiscale est débattue aujourd’hui dans de nombreux pays et fait l’objet de discussions au sein du G8, du G20 et de la Commission européenne. Notre Commission, de son côté, s’est penchée à de nombreuses reprises sur la technique dite des « prix de transfert ».

Il est temps, je pense, que notre pays aborde le problème sous un angle pragmatique. Si l’on veut être à même de réprimer la fraude fiscale des multinationales, il faut d’abord pouvoir démontrer la fraude en établissant que les prix de transfert ont été mal définis et visent à échapper à l’impôt dans le pays où il est dû.

Cet amendement s’inspire d’une note que l’Inspection générale des finances a remise la semaine dernière au ministre de l’Économie et des finances et au ministre délégué chargé du Budget. Il y est notamment recommandé d’obliger les multinationales à déposer une comptabilité analytique de leur activité pays par pays. En effet, à la différence de la comptabilité budgétaire, la comptabilité analytique reconstruit la chaîne de valeur, ce qui contraint les entreprises à justifier de l’endroit où la valeur ajoutée a été créée.

Sans doute la rédaction de l’amendement est-elle perfectible, mais l’objectif, à terme, est d’inverser la charge de la preuve en matière de prix de transfert. L’obligation de communiquer une comptabilité analytique à l’administration fiscale constituerait, à mon sens, une première étape.

M. Éric Alauzet. Mes amendements visent à contraindre les entreprises à communiquer à l’administration les modalités d’évaluation de leurs prix de transfert.

Mme la rapporteure pour avis. Le projet de loi traite de la fraude fiscale des personnes physiques tandis que vos amendements visent les personnes morales et, par ailleurs, posent la question de la frontière entre optimisation et fraude. Il est difficile de qualifier de fraude des activités légales qui, malheureusement, font échapper nombre de sociétés à l’impôt national.

Je vous propose de retravailler vos amendements afin que nous puissions les examiner, dans une nouvelle rédaction, lors de l’examen du texte en séance publique. Pour ce qui concerne l’amendement CF 36 de Karine Berger, il me semble par exemple qu’il serait plus utile de positionner votre dispositif dans le livre des procédures fiscales que dans le code général des impôts.

J’ajoute que plusieurs réflexions sont actuellement engagés sur ce thème, qu’il s’agisse du récent rapport de l’Inspection générale des finances, des travaux de l’OCDE, de la mission d’information de notre Commission ou de la commission d’enquête du Sénat. Il serait sans doute pertinent de connaître la position du Gouvernement sur ce point afin de savoir comment il compte intégrer ces différentes propositions dans un ensemble cohérent.

M. le président Gilles Carrez. J’appuie la position de notre rapporteure : le sujet est très complexe et mérite un examen approfondi et détaillé. Je tiens tout de même à rappeler que dans les publications de l’OCDE, les entreprises réalisant ce type de fraudes ne sont jamais des multinationales françaises.

Il faut également veiller à défendre nos entreprises nationales car elles souffrent souvent d’une pression des États dans lesquels sont implantées leurs filiales. En effet, ces pays ont intérêt à ce que les entités qui y sont installées réalisent les marges les plus importantes de façon à maximiser le rendement de leur impôt. Je crois qu’il nous revient de soutenir nos industriels dans leurs discussions avec les autorités de ces pays. Sur ce point, j’attends beaucoup de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises de notre Commission.

L’amendement de Karine Berger pose avec justesse deux questions centrales à savoir celle de la comptabilité analytique et celle du renversement de la charge de la preuve. Il faut que nous avancions sur ces deux thèmes avec mais prudence et précision de façon à bien protéger nos entreprises.

M. Henri Emmanuelli. Je suis particulièrement surpris que le projet de loi se contente de réprimer la fraude fiscale des personnes physiques alors que chacun sait que les entreprises constituent l’essentiel des fraudeurs. Pourquoi ne pas traiter cette question ? Comment comptez-vous expliquer cet oubli devant l’opinion publique ? Les fraudes liées aux prix de transfert sont une réalité qu’il faut prendre en compte ! Dans mon département, des entreprises de surf réalisent d’importantes opérations : pourtant, leurs bénéfices ne sont jamais imposés en France mais retournent intégralement en Australie. Nous devons effectivement avancer sur la comptabilité analytique et le renversement de la charge de la preuve pour mettre fin à ces pratiques.

M. le rapporteur général. La presse évoque beaucoup les dossiers de certaines entreprises dont le président ou moi-même pouvons, au titre de nos prérogatives, demander la communication. Pour ma part, j’ai demandé communication du dossier d’Arcelor Mittal afin de savoir si certaines pratiques ne relèvent pas de manœuvres frauduleuses. La distinction entre fraude et optimisation est en effet souvent ténue.

Je crois que l’amendement de Karine Berger est nécessaire et je le soutiens entièrement. Nous devons certes le retravailler mais il nous faut aboutir à une rédaction satisfaisante pour la séance publique, faute de quoi nous passerions à côté de l’essentiel des cibles.

Mme Karine Berger. Il faut effectivement que le débat continue en séance publique afin d’améliorer la lutte contre la fraude fiscale des entreprises. Nous ne pouvons pas nous contenter de lutter contre la fraude des particuliers ! Compte tenu des améliorations rédactionnelles qu’il convient d’apporter à mon amendement, je le retire à ce stade.

M. Henri Emmanuelli. J’ai été sidéré par les déclarations du directeur général des finances publiques qui a indiqué qu’il n’existe pas de fraude relative à la TVA. Que penser alors des carrousels en matière de taxe carbone ? Le projet de loi comprend-il des dispositions relatives à la TVA ?

M. le rapporteur général. Nous avons déjà beaucoup avancé sur ce point dans la dernière loi de finances.

Les amendements CF 36, CF 7 et CF 6 sont retirés.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 27 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de redonner du sens et de la consistance à l’action de la cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) qui ne rend que trois arrêts par an depuis sa création.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends mal votre amendement, dont la rédaction n’est pas très claire. Sans doute aurait-il vocation à être examiné dans un autre cadre.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 11

Allongement de trois à six ans du délai durant lequel l’administration fiscale peut déposer plainte

La Commission examine ensuite les amendements CF 12 et CF 11 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il s’agit d’allonger le délai de prescription en matière de fraude fiscale de trois à six ans. L’amendement CF 11 vise quant à lui à ce que le délai court à compter du jour de la découverte des faits.

Mme la rapporteure pour avis. Il convient bien de distinguer ces deux amendements car l’amendement CF 12 aboutirait à une imprescriptibilité totale en matière de fraude fiscale. Sans nier l’importance de ce type d’infraction, il me semble qu’il faut réserver l’imprescriptibilité à des crimes spécifiques comme les crimes contre l’Humanité.

En revanche l’amendement CF 11 me semble pertinent et je donne un avis favorable à son adoption.

L’amendement CF 12 est retiré et la Commission adopte l’amendement CF 11.

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Puis elle examine l’amendement CF 19 de M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Les comptables nous disent rencontrer des difficultés de recouvrement lorsqu’ils ont affaire à des personnes physiques ou à des sociétés installées à l’étranger. La déchéance quadriennale apparaît alors comme une contrainte lourde, je vous propose de l’allonger de deux ans.

Il me semble que cette proposition pourrait poser des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire. Peut-être faudrait-il réserver ce traitement aux seules implantations hors de l’Union européenne.

Mme la rapporteure pour avis. Il y a effectivement un problème de compatibilité avec le droit de l’Union que vous avez parfaitement identifié et qui pourra être utilement corrigé pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 11

Possibilité pour l’administration fiscale d’obtenir la communication
de documents ou d'informations détenus par l’Autorité de contrôle prudentiel dans le cadre de ses missions

La Commission en vient à l’amendement CF 35 de M. Christian Eckert.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à introduire un droit de communication de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) auprès de l’administration fiscale. Parmi les personnes facilitant ou encourageant la fraude, se trouvent des établissements bancaires qui relèvent en effet de l’ACP. Si la mission première de l’autorité est de veiller aux règles prudentielles et aux ratios, elle est amenée, dans le cadre de ses contrôles, à avoir connaissance d’éléments montrant l’existence d’une fraude fiscale. Elle transmet souvent ces éléments à la justice, ce que des affaires récentes ont bien montré. Pour autant, il me semble qu’il faudrait qu’elle puisse, d’une part, elle-même sanctionner ces comportements et, d’autre part, transmettre ces informations à l’administration fiscale.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis personnellement favorable à cet amendement même si je crains que l’ACP ne soulève à raison des objections quant à sa compatibilité avec le droit communautaire.

M. Charles de Courson. Le problème de cet amendement tient essentiellement à l’expression « tout document » car elle pourrait concerner également les travaux préparatoires de l’ACP. Sans doute faudrait-il limiter la transmission aux rapports adoptés par la commission des sanctions.

M. le rapporteur général. Il n’est pas question de ne viser que les documents validés par le secrétariat général. Dans le cadre de ses contrôles, l’ACP a connaissance d’informations montrant ou laissant penser qu’il existe une manœuvre ou un encouragement à la fraude fiscale. Il n’est pas nécessaire d’attendre la fin du contrôle pour que ces données soient utilement transmises à l’administration fiscale. Je crois que les affaires UBS et Crédit suisse montrent bien combien cette procédure serait utile.

La Commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 11

Renforcement de l’efficacité de la lutte contre les activités occultes

La Commission examine l’amendement CF 56 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. C’est un amendement qui supprime une garantie procédurale injustifiée qui bénéficiait à des contribuables ayant des activités occultes.

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 11

Amélioration de l’efficacité des contrôles fiscaux réalisés
sur les entités juridiques complexes

Elle examine ensuite l’amendement CF 58 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement renforce le contrôle des sociétés holding en allongeant le délai de réponse de l’administration fiscale. Jusqu'à présent, l’administration fiscale était en effet tenue de répondre dans un délai de 60 jours à de nombreuses remarques rédigées par des experts très astucieux. Ce délai serait supprimé. L’administration fiscale répondrait aux très nombreuses observations reçues de la part de la société holding dans les délais qui lui seraient nécessaires.

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 11

Extension de l’obligation de déclaration des sommes, titres ou valeurs supérieurs à 10 000 euros, à l’or et aux jetons de casinos, lors du franchissement de frontières.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 50 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement a pour objet de compléter la liste des valeurs devant faire l’objet d’une déclaration à l’administration des douanes lors de leur transfert manuel, dans ou en provenance d’un État membre de l’Union, lorsque que leur montant dépasse 10 000 euros. L’or, ou les jetons de casino, sont en effet considérés comme des marchandises et ne sont pas tenus à déclaration lorsqu’ils sont transférés dans un autre pays. Aussi étrange que cela puisse paraître, nous ne sommes donc pas obligés de déclarer quinze lingots d’or que nous transférons dans un autre pays. Nous voulons désormais que cela soit déclaré.

M. le président Gilles Carrez. Très bon amendement, qui répond à un problème urgent. Il semble d’ailleurs que l’on assiste à une conversion assez massive des dépôts bancaires en lingots d’or.

M. Charles de Courson. Pourquoi ne pas étendre le champ de cet excellent amendement à d’autres types de transferts comme, par exemple, les œuvres d’art et les diamants ?

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

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La Commission examine ensuite l’amendement CF 25 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Cet amendement permet d’appréhender plus efficacement la détention clandestine de comptes bancaires dans les paradis fiscaux, notamment dans le cadre de la lutte contre les escroqueries à la TVA. L’amendement prévoit donc d’élargir l’obligation de déclaration de détention de comptes bancaires à l’étranger à l’ensemble des personnes physiques et morales. Il inclut, dans cette obligation de déclaration, les comptes dont cette personne bénéficie de quelque manière que ce soit : directe ou indirecte, par procuration ou avec mise à disposition de moyens de paiement internationaux. Enfin, cet amendement renforce et simplifie les sanctions de non déclaration.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Cette demande est déjà satisfaite pour tout ce qui concerne la comptabilité des sociétés puisque l’administration dispose déjà de telles déclarations. Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a permis de nouvelles avancées qui vous ont peut-être échappé : à l’initiative des groupes de la majorité, un certain nombre d’obligations ont été faites aux banques et à leurs personnels sur leurs activités partout dans le monde. En deuxième lecture, elles ont été étendues au-delà du secteur bancaire. Quant aux sanctions que vous proposez, j’estime que le droit positif prévoit déjà des sanctions assez lourdes.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 10 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Vous avez tous en mémoire le travail que nous avons effectué dans le cadre de la loi bancaire. Cet amendement propose les mêmes dispositifs vis-à-vis des particuliers. Il est proposé – avec des critères un peu différents puisqu’il s’agit de particuliers (on parle alors de numéro de compte, de fonds transmis ou de solde de compte) – d’anticiper sur la mise en œuvre d’un FATCA européen.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Vous nous proposez en fait un FATCA franco-français. Ce serait dommage alors que la France est en pointe dans la volonté d’établir un FATCA européen qui serait d’une bien meilleure efficacité. Il me semblerait donc dommage de se limiter à quelque chose de franco-français.

Par ailleurs, je vous indique que le troisième alinéa de votre amendement propose un Rubik franco-français. Or, ce n’est certainement pas votre objectif. Avec Yann Galut, nous revenons à peine de Suisse où nous avons longuement expliqué pourquoi nous étions contre un Rubik, même si les Suisses ne comprennent pas notre opposition. Je vous propose donc le retrait de cet amendement.

M. Éric Alauzet. Je vais relire attentivement cet amendement. Si c’est effectivement un Rubik à la française, j’en serais marri.

M. le président Gilles Carrez. C’est tout de même un Rubik à 60 % !

M. Éric Alauzet. En revanche, sur le premier argument, on peut tout à fait assortir ce dispositif, comme on l’a fait au moment de la loi bancaire, de l’adoption par la communauté européenne du FATCA. Je redéposerai donc l’amendement en séance.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 11

Sanction du refus de communication à l’administration douanière,
de la part des établissements de crédit, des sommes transférées
à l'étranger par leurs clients

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 54 de la rapporteure pour avis.

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La Commission examine ensuite l’amendement CF 18 de M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. C’est un amendement un peu compliqué. L’Autorité des marchés financiers – AMF – comprend, en son sein, une section disciplinaire. Cette section peut prononcer des sanctions à l’encontre des opérateurs sur les marchés financiers, avec possibilité de recours devant le Conseil d’État, mais elle peut aussi prendre des sanctions contre des non-professionnels. Dans ce cas, le recours est jugé par la cour d’appel de Paris.

À l’occasion de l’affaire EADS, il est apparu que les 17 personnes poursuivies pour avoir vendu des actions très rapidement, suite aux révélations sur les difficultés du projet de gros porteur A380, ont été relaxées alors que des amendes très importantes avaient été demandées à leur encontre. À l’audience du 28 juillet 2012, une amende de 5,45 millions d’euros a même été requise à l’encontre de l’ancien coprésident. Or, elles ont été relaxées et il n’y a pas de possibilité pour l’autorité poursuivante de faire appel.

Cet amendement vise donc à remédier à ce trou de procédure et à rétablir l’égalité des armes entre l’autorité poursuivante et la personne poursuivie. Il se pourrait cependant qu’il y ait une difficulté de rédaction, puisque l’amendement propose une procédure particulière. En effet, le ministère public, qui va être l’autorité poursuivante devant la cour d’appel, n’est pas partie à la première instance. J’ai soumis cette question au ministère de la Justice, qui doit donner son avis. Si cet avis était négatif et révélait des difficultés, je retirerais cet amendement en séance. Car, au stade de la Commission, je souhaiterais qu’il recueille un avis favorable afin d’inciter le Gouvernement à nous donner un avis technique sur cette question.

Mme la rapporteure pour avis. C’est pour cela que je vous propose de le retirer. Il me semble en effet que vous confondez procédure pénale et procédure administrative alors qu’elles sont autonomes. En outre, depuis 2010, le président de l’AMF peut exercer un recours si une sanction lui semble insuffisante. Je n’ai d’ailleurs pas, à titre personnel, à donner l’avis de la Chancellerie.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine l’amendement CF 5 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement concerne la transparence des relations entre les directions d’entreprises et les comités d’entreprise. Il réinstaure une disposition relative au contrôle des fonds publics qui avait été supprimée en 2002 par la nouvelle majorité. Cette disposition permet de contrôler les fonds publics accordés aux entreprises afin de prévenir la fraude aux aides de l’État et des collectivités publiques. Elle permet aux comités d’entreprise de mieux jouer leur rôle en leur donnant accès à toutes les informations concernant les aides publiques reçues par les entreprises ainsi qu’en leur donnant la possibilité de saisir les gestionnaires des aides pour tout litige relatif à l’utilisation des fonds. Cela permettra ainsi aux comités d’obtenir des réponses précises quant à l’utilisation effective de ces aides publiques.

Par ailleurs, certaines entreprises procèdent à une fermeture de site un ou deux ans après avoir reçu des aides publiques : il est donc normal d’assurer une transparence permettant le contrôle effectif de l’utilisation des fonds publics afin que les bénéficiaires puissent rendre des comptes, ceci étant bien entendu compris dans le sens de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscale.

Mme la rapporteure pour avis. Je crois que votre volonté de mieux contrôler l’utilisation des aides publiques est partagée sur les bancs de la majorité, et très probablement sur ceux de l’opposition. Néanmoins, cet amendement se situe vraiment en dehors du champ du texte. Il modifie par ailleurs le code du travail, qui ne fait pas partie des compétences de notre Commission. Je vous propose donc de le retirer et de le redéposer, ce qui me semblerait plus approprié, au moment de l’examen de la proposition de loi sur la reprise des sites rentables.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 8 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement concerne les mêmes acteurs. Les pratiques d’optimisation fiscale peuvent conduire à une diminution des bénéfices déclarés en France au profit d’entités situés à l’étranger, notamment dans les paradis fiscaux, ce qui a pour effet de réduire nos recettes fiscales comme le souligne le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France. Or, la législation fiscale actuelle est peu adaptée pour lutter efficacement contre les pratiques abusives, notamment en matière de prix de transferts de biens incorporels tels les brevets, logiciels et marques.

Ces biens incorporels, de même que certains services immatériels, font l’objet d’une évaluation difficile, notamment pour ce qui concerne l’administration fiscale. Dans cet amendement, nous proposons donc le retournement de la charge de la preuve en faveur de l’administration. Il reviendrait à l’entreprise française de démontrer la pertinence de ses prix de transfert. L’entreprise devra elle-même informer l’administration de sa méthode de définition des prix concernant les actifs immatériels. Cette information permettra de faciliter la lutte contre les prix de vente abusifs.

Mme la rapporteure pour avis. Je vous ferai la même remarque que sur le précédent amendement : on est assez largement hors du champ du sujet et, par ailleurs, cette demande a été partiellement satisfaite au moment de l’adoption la semaine dernière du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

L’amendement est retiré.

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* *

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, ainsi modifiées.

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* *

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (113)

Amendement n° CF-2 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 2

Après les mots « et le blanchiment » sont insérés les mots «, notamment avec l’aide ou le conseil des personnes exerçant des activités mentionnées à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier, ».

Amendement n° CF-3 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 3

Compléter l’article avec les alinéas ainsi rédigés :

« III.– L’article L. 1743 du code général des impôts est complété par les alinéas suivants :

4° Quiconque a sciemment exercé des activités d’aide ou de conseil ayant pour but d’entrainer ou faciliter les opérations visées aux alinéas précédents est puni des mêmes peines. »

Amendement n° CF-4 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

L'article L. 52-15 du code électoral est ainsi modifié :

Après l’alinéa 4, insérer les alinéas suivants ainsi rédigés :

«  Dans les cas où la commission a relevé les irrégularités suivantes :

1° irrégularité de nature à contrevenir aux dispositions de l’article 1741 du code général des impôts ;

2° opération réalisée par le biais d’un compte situé dans les Etats ou territoires non coopératifs au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts ou dans les Etats ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative ;

3° contrat conclu avec des sociétés dans lesquelles sont intervenus des changements statutaires fréquents, non justifiés par la situation économique de l’entreprise ;

4° constatation d’anomalies récurrentes dans les factures ou bons de commande ;

5° recours à des comptes utilisés comme des comptes de passage, entendu comme des comptes par lesquels transitent de nombreuses opérations tant au crédit qu’au débit et alors que les soldes sont souvent proches de zéro.

La commission a obligation de transmettre le dossier au service de Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins dans les 7 jours après la détection de ces irrégularités. »

Amendement n° CF-5 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Après l’article L. 2323-55 du code du travail il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« L’employeur communique, à la demande du comité d’entreprise ou du délégué du personnel le montant et l’utilisation des aides publiques accordées par l’État, les collectivités locales ou leurs établissements publics.

Le comité d’entreprise ou le délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire d'aides ou l'autorité compétente lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides.

L'organisme ou l'autorité saisi peut décider, après avoir entendu l'employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l'aide accordée.

Le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. Il en apprécie l'utilisation en fonction notamment de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée, des engagements formulés par le chef d'entreprise pour bénéficier de ces aides et des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales. »

Amendement n° CF-6 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. François-Michel Lambert, M. de Rugy, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

L’article 238 A du code général des impôts est ainsi modifié :

À la fin du premier alinéa, insérer les mots suivants :

« notamment en indiquant la méthode de définition des prix concernant des actifs immatériels. »

Amendement n° CF-7 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

L’article 57 du code général des impôts est ainsi modifié :

Après la première phrase de l’alinéa 1, insérer la phrase suivante :

« L’entreprise communique, trois mois avant la clôture de ses comptes, aux services du ministère de l’économie et des finances, la méthode de détermination des prix de ces opérations d'achat ou de vente. »

Amendement n° CF-8 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Après l’article L. 2323-55 du code du travail il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Au moins une fois par an, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, l'employeur remet au comité d'entreprise un rapport d’ensemble sur la politique fiscale de l’entreprise.

À cette occasion, l'employeur soumet un état faisant ressortir l'évolution des bénéfices réalisés en France, les niveaux d’impôts auxquels sont soumis l’entreprise, la valeur des actifs immatériels de l’entreprise, et l’évolution de la politique d’intéressement et de participation des salariés. »

Amendement n° CF-9 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 3

Après l'alinéa 10 est inséré l'alinéa suivant :

"La transmission à la commission est automatique et s'applique dans un délai de 7 jours après la détection d'une infraction fiscale dont le montant des droits éludés et pénalités est supérieur à 50 000 euros par le ministre chargé du budget".

Amendement n° CF-10 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

Après l’article L. 152-3 il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« I.– Les établissements bancaires et financiers, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement étrangers ainsi que les organismes et services mentionnés à l’article L. 518-1 et les personnes exerçant des activités mentionnées à l’article L. 561-2 du présent code effectuant des opérations sur leurs propres fonds ou ceux de leurs clients avec des établissements bancaires et financiers français ou ayant une ou plusieurs filiales sur le territoire national sont soumis à l’obligation de transmission à l’administration fiscale française des informations concernant les ressortissants français, les résidents français ou les établissements détenus majoritairement par un ou plusieurs ressortissants français, propriétaires d’un compte dans l’établissement, comprenant :

1° identité ;

2° adresse ;

3° numéro de compte ;

4° montant des fonds reçus ;

5° montant des fonds transmis ;

6° solde du compte ;

7° intérêts.

II.– Est considéré comme le compte d'un ressortissant français tout compte détenu :

1° par une ou plusieurs personnes de nationalité française ou résidant en France, par une entreprise opérant sur le marché national, par une fiducie ou tout autre association ou partenariat d'entreprises de statut juridique équivalent établi en France ;

2° par une entité française, définie comme une entité étrangère pour laquelle tout ressortissant français comme défini à l'alinéa précédent :

– détient directement ou indirectement, dans le cas d'une entreprise, au moins 10 % des droits de vote, en nombre d'actions ou en valeur ;

– ou, dans le cas d'un partenariat, bénéficie d'au moins 10 % des intérêts ou dividendes versés ;

– ou, dans le cas d'une fiducie, reçoit au moins 10 % des intérêts bénéficiaires.

Il appartient aux établissements financiers de déterminer les bénéficiaires ultimes et réels des entités ainsi considérées. Ces dispositions s'appliquent de la même façon selon que le compte ouvert par les établissements étrangers aux clients tels que définis par les deuxième et troisième alinéas bénéficie de revenus générés par des activités domestiques ou des activités exercées à l'étranger.

III.– À partir du 1er janvier 2014, si les ressortissants français, tel que définis au II du présent article, souhaitent conserver leur anonymat, les établissements bancaires et financiers prélèvent une retenue à la source de 60 % sur l’ensemble des opérations effectuées pour leur compte et versent cette somme à l'administration fiscale française.

IV.– En cas de manquement aux obligations d'information prévues aux I et III, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution procède au retrait de l’agrément de l'ensemble des filiales situées sur le territoire national de l’établissement bancaire et financier ayant refusé la transmission des informations dans les modalités prévues aux articles L. 532-6 à L532-8 du code monétaire et financier. »

Amendement n° CF-11 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumegas et M. Alauzet :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

L’article L.230 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

I..– Au premier alinéa le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » ;

II.– Au deuxième alinéa 2 le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».

Amendement n° CF-12 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Compléter l’article L.230 du Livre des procédures fiscales, par un alinéa ainsi rédigé :

 « La prescription de l’action publique des délits mentionnés à l'article 1741 du code général des impôts est de six ans révolus. Ce délai ne court qu’à compter du jour de la découverte des agissements frauduleux dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. »

Amendement n° CF-13 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumegas et M. Alauzet :

Article additionnel après l’article, insérer l'article suivant :

I.– Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée, licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi à son employeur, à l’autorité en charge de la déontologie au sein de l’organisme, à une association de lutte contre la corruption ou aux services de l’administration fiscale des faits relatifs à un délit mentionné à l'article 1741 du code général des impôts.

Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait ou tout acte contraire est nul de plein droit.

En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits relatifs à un délit mentionné à l'article 1741 du code général des impôts, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces faits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de la personne intéressée. Le juge peut ordonner toute mesure d’instruction utile.

II.– Toute personne physique ou morale qui lance une alerte, au sens du I du présent article, de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est punie des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal.

Amendement n° CF-14 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 3

Après l'alinéa 9 est inséré l'alinéa suivant :

« Le fait d’inciter à commettre une infraction prévue au premier alinéa, y compris lorsque l’infraction n’a pas été réalisée, est puni d'une amende de 500 000 € et d'un emprisonnement de cinq ans. »

Amendement n° CF-15 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 3

Après l’alinéa 13 du présent article est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« III.– Au IV bis de l’article 1736 du code général des impôts les mots « montant égal à 5% » sont remplacés par les mots « montant maximal égal à 75% ».

Amendement n° CF-16 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 3

Après l’alinéa 13 du présent article sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’article L. 1649 AA du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article sont également applicables aux comptes-titres, tels que définis à l’article L. 211-4 du code monétaire et financier, souscrits auprès d'organismes établis hors de France. »

Amendement n° CF-17 présenté par M. Alauzet, Mme Sas, Mme Abeille, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili et M. Roumegas :

Article 3

Après l’alinéa 13 du présent article sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

«III.– A- À l’alinéa 2 de l’article L. 1649 A du code général des impôts après les mots « à l’étranger » sont insérés les mots « ou certifier  qu’elles n’en possèdent pas, après avoir été informées des sanctions encourues. 

B.– Après l’alinéa 2 de l’article L. 1649 A du code général des impôts, insérer l’alinéa suivant « Un décret du conseil d’État détermine les conditions de réalisation de la déclaration de « non-détention »

IV.– A.– À l’alinéa 1 de l’article 1649 AA du code général des impôts après les mots « l’année civile » sont insérés les mots suivants « ou de certifier qu’elles n’en possèdent pas, après avoir été informées des sanctions encourues. »

B.– Après l’alinéa 1 de l’article L. 1649 AA du code général des impôts, insérer l’alinéa suivant « Un décret du conseil d’État détermine les conditions de réalisation de la déclaration de « non-détention »

Amendement n° CF-18 présenté par M. Raimbourg, M. Goasdoue et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– Rédiger ainsi l’alinéa 2 de l’article L. 621-30 du code monétaire et financier :

« Les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l'Autorité des marchés financiers, après accord du collège, ainsi que par le Ministère public. En cas de recours d'une personne sanctionnée, le président de l'autorité et le Ministère public peuvent, dans les mêmes conditions, former un recours.»

II.– Insérer un article L. 621-30-1 au Code monétaire et financier ainsi rédigé :

« En matière de sanction, les recours sont des recours de pleine juridiction. La Cour d’Appel compétente peut, sur le recours principal ou incident du président de l'Autorité des marchés financiers ou du Ministère public, soit confirmer la décision de la commission des sanctions, soit l'annuler ou la réformer en tout ou en partie, dans un sens favorable ou défavorable à la personne mise en cause.

Le recours incident du président de l'Autorité des marchés financiers ou du Ministère public prévu à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 621-30 doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification à l'Autorité des marchés financiers et au Ministère public du recours de la personne sanctionnée. »

III.– Insérer un article L. 621-30-2 au Code monétaire et financier ainsi rédigé :

« Le recours incident du président de l'Autorité des marchés financiers ou du Ministère public prévu à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 621-30 doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification à l'Autorité des marchés financiers et au Ministère public du recours de la personne sanctionnée. Ce recours est formé dans les conditions prévues au I du présent article, par une déclaration contenant l'exposé des moyens invoqués ; il est notifié aux parties par le greffe de la cour d'appel. En tant que de besoin, le délai prévu pour les échanges peut être modifié par le premier président ou son délégué.

La cour d'appel peut, sur le recours principal ou incident du président de l'Autorité des marchés financiers ou  du Ministère public, soit confirmer la décision de la commission des sanctions, soit l'annuler ou la réformer en tout ou en partie, dans un sens favorable ou défavorable à la personne mise en cause. »

Amendement n° CF-19 présenté par M. Goasdoue et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Compléter l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, par un alinéa ainsi rédigé :

« lorsque le redevable est une personne physique domiciliée à l’étranger ou une personne morale dont le siège social se trouve à l’étranger, le délais est porté à six années consécutives.

Amendement n° CF-21 présenté par M. Goasdoue et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 521-6 du code du code du commerce, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois cette déclaration n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque le déclarant fait l’objet de pénalités pour manquement délibéré, fraude ou manœuvres frauduleuses au sens de l’article 1729 du code général des impôts ».

Amendement n° CF-22 présenté par M. Moreau, M. Le Ray et M. Fasquelle :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Il est créé au code des douanes un article 215 quater ainsi rédigé :

« Ceux qui détiennent ou transportent des sommes, titres ou valeurs pour un montant supérieur au seuil fixé à l’article L. 152-1 du code monétaire et financier doivent, à première réquisition des agents des douanes, justifier de leur origine régulière.

Ceux qui ont détenu, transporté, vendu, cédé ou échangé lesdites sommes titres ou valeurs sont également tenus de justifier de leur origine régulière à toute réquisition des agents des douanes formulée dans un délai de trois ans à partir du moment où les sommes, titres ou valeurs ont cessé d'être entre leurs mains.

Lorsque les personnes ne justifient pas de l’origine régulière des sommes, titres ou valeurs, ceux-ci sont saisis en quelque lieu qu'ils se trouvent et les personnes sont poursuivies et punies conformément aux dispositions de l'article 415.

Lorsqu'ils auront eu connaissance que celui qui leur a délivré les justificatifs ne pouvait le faire valablement ou que celui qui leur a vendu, cédé, échangé ou confié les sommes, titres ou valeurs n'était pas en mesure de justifier de leur origine régulière, les détenteurs et transporteurs seront condamnés aux mêmes peines et les sommes, titres ou valeurs seront saisies et confisquées dans les mêmes conditions que ci-dessus, quelles que soient les justifications qui auront pu être produites. »

Amendement n° CF-23 présenté par M. Moreau, M. Le Ray et M. Fasquelle :

Article 3

Après l'alinéa 10 est inséré l'alinéa suivant :

Au premier alinéa de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, les mots « Sous peine d'irrecevabilité » sont remplacés par les mots « Hors les cas de connexité avec d'autres infractions faisant l'objet d'une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d'une procédure pénale, sous peine d'irrecevabilité ».

Amendement n° CF-24 présenté par M. Moreau, M. Le Ray et M. Fasquelle :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– Au II. de l’article 67 bis du code des douanes, les mots « à l’article 415 » sont remplacés par les mots « aux articles 415 et 459 ».

II.– L'article 458 du code des douanes est abrogé.

Amendement n° CF-25 présenté par M. Moreau, M. Le Ray et M. Fasquelle :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– À l’article L. 1522 du code monétaire et financier ainsi qu’au deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts, les mots « Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale » sont remplacés par les mots « L’ensemble des personnes physiques et morales ».

II.– Au deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts est insérée une deuxième phrase ainsi rédigée :

« Ces personnes sont également tenues de déclarer dans les mêmes conditions les comptes détenus à l’étranger de n’importe quelle manière, directement ou indirectement, ainsi que ceux sur lesquels elles bénéficient d’une procuration ou d’un moyen de paiement à leur disposition. »

III.– Au troisième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts, après les mots « des revenus » sont insérés les mots « ou un résultat ».

IV.–À l’article L. 1525 du code monétaire et financier, les mots « passibles d’une amende de 750 euros par compte non déclaré. » sont remplacés par les mots « poursuivies et réprimées conformément aux dispositions du Titre XIV du code des douanes. »

V.– Le IV de l’article 1736 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les infractions aux dispositions de l’article 1649 A bis sont passibles d’une amende de 1 500 € par avance non déclarée. »

Amendement n° CF-27 présenté par M. de Courson :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– L'article L. 312-1 du code des juridictions financières est abrogé.

II.– À l'article L. 313-1 du code des juridictions financières, substituer aux mots : « visée à l'article L. 312-1 qui aura engagé une dépense sans respecter les », les mots « qui a manqué sciemment aux ».

III.– À ce même alinéa, supprimer les mots : « dont le minimum ne pourra être inférieur à 150 euros et »

Amendement n° CF-28 présenté par M. de Courson :

Article additionnel après l’article 9, insérer l'article suivant :

I.– Au premier alinéa de l’article 2060 du code civil, supprimer les mots : « ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. »

II.– Après l’alinéa 1 du même article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

"On ne peut compromettre sur les intérêts de l'État, d'une entité de droit public ou sur une matière intéressant un intérêt public ".

Amendement n° CF-32 présenté par M. de Courson et M. Philippe Vigier :

Article 3

Substituer aux alinéas 10 à 13 les alinéas suivants :

I.– L'article L. 228 du livre des procédures fiscales est abrogé

II.– L'article L. 247 du livre des procédures fiscales est ainsi complété:

"Les faits susceptibles de constituer des infractions en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont transmis au procureur financier.

L'administration informe le procureur financier des infractions fiscales sur lesquelles elle envisage de transiger. La proposition de transaction précise l'amende transactionnelle que l'auteur de l'infraction devra payer. Elle fixe les délais impartis pour le paiement.

La transaction est subordonnée à l'accord préalable du procureur.

L'acte par lequel le procureur de la République donne son accord à la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l'action publique.

L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis les obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction".

Amendement n° CF-35 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances, et M. Eckert :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Après l’article L. 84 C du livre des procédures fiscales, est inséré un 5° quater ainsi rédigé :

« 5° quater : Autorité de contrôle prudentiel

« Art. L. 84 D. – L’autorité de contrôle prudentiel est tenue de communiquer à l’administration fiscale sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tout document ou information qu'elle détient dans le cadre de ses missions. »

Amendement n° CF-36 présenté par Mme Berger :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Le code général des impôts est ainsi modifié

Il est inséré un article L. 54 nonies ainsi rédigé

« art L. 54 nonies - Les contribuables mentionnés à l’article 53A dont le total de bilan et le chiffre d’affaires excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’État sont tenues de joindre à chaque déclaration qu’elles souscrivent pour l’établissement de l’impôt sur le revenu la comptabilité analytique de leurs implantations dans chaque État ou territoire. Ces documents doivent être transmis sous format électronique »

Amendement n° CF-37 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article 2

À la fin de l’article, substituer au mot :

« délits »,

le mot :

« infractions ».

Amendement n° CF-38 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article 11

Rédiger ainsi les alinéas 4 et 5 :

« B.– Après le quatrième alinéa du I de l’article L. 273 A, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 « La saisie à tiers détenteur peut s’exercer sur les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l’objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits exprimés en euros à la date de la notification de la saisie. »

Amendement n° CF-39 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article 11

Rédiger ainsi les alinéas 6 et 7 :

« II. Après le cinquième alinéa du 7° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, est inséré l’alinéa suivant :

« L’opposition à tiers détenteur peut s’exercer sur les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l’objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits exprimés en euros à la date de la notification de l’opposition. »

Amendement n° CF-40 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article 11

Rédiger ainsi les alinéas 8 et 9 :

« III.– Après le 2 du II de l’article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, est inséré un 2 bis ainsi rédigé :

« bis L’opposition administrative peut s’exercer sur les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l’objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits exprimés en euros à la date de la notification de l’opposition. »

Amendement n° CF-41 présenté par M. Moreau, M. Fasquelle et M. Le Ray :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– Il est inséré un article 341 ter au code des douanes ainsi rédigé :

« Pour la recherche et la constatation des délits réprimés par les articles 414, 414-1, 415 et 459, les agents de l’administration des douanes peuvent recevoir et utiliser tous documents, informations et dénonciations, même anonymes, qui sont susceptibles de leur être transmis par leurs aviseurs, y compris lorsque cette transmission est susceptible de constituer une infraction de la part de l’aviseur.

Seuls les éléments soumis au débat contradictoire entre les parties peuvent servir de fondement aux poursuites et au recouvrement. En aucun cas l’identité d’un aviseur ne peut être révélée sans l’accord de celui-ci. Il ne peut non plus être contraint de témoigner sans son accord.

Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d’éléments recueillis en application du présent article. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve transmis par un aviseur, conformément aux dispositions de l’article 427 du code de procédure pénale.»

II.– L’article L. 212 A du livre des procédures fiscales est complété par les trois alinéas suivants :

« Pour la recherche et la constatation de ces infractions, les agents de l’administration peuvent recevoir et utiliser tous documents, informations et dénonciations, même anonymes, qui sont susceptibles de leur être transmis par leurs aviseurs, y compris lorsque cette transmission est susceptible de constituer une infraction de la part de l’aviseur.

Seuls les éléments soumis au débat contradictoire entre les parties peuvent servir de fondement aux poursuites et au recouvrement. En aucun cas l’identité d’un aviseur ne peut être révélée sans l’accord de celui-ci. Il ne peut non plus être contraint de témoigner sans son accord.

Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d’éléments recueillis en application des deux alinéas précédents. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve transmis par un aviseur, conformément aux dispositions de l’article 427 du code de procédure pénale. »

III.– L’article 706-58 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement, lorsque l'audition d'une personne est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge d'instruction, après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République, peuvent, par décision motivée, autoriser que les déclarations de cette personne soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. Cette décision n'est pas susceptible de recours, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-60. Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peuvent décider de procéder eux-mêmes à l'audition du témoin.

Peuvent être transmis dans le cadre de cette audition tous documents, informations et dénonciations, y compris lorsque cette transmission est susceptible de constituer une infraction de la part du témoin.

La décision du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui ne fait pas apparaître l'identité de la personne, est jointe au procès-verbal d'audition du témoin, sur lequel ne figure pas la signature de l'intéressé. L'identité et l'adresse de la personne sont inscrites dans un autre procès-verbal signé par l'intéressé, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête prévue à l'alinéa précédent. L'identité et l'adresse de la personne sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance. »

IV.– Au premier alinéa ainsi qu’au troisième alinéa de l’article L.1161-1 du code du travail, les mots « de corruption » sont remplacés par les mots « constitutifs de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».

V.– Le premier alinéa de l’article L.1161-1 du code du travail est ainsi complété :

« Il ne peut pas faire l’objet de sanction pénale de ce fait. »

Amendement n° CF-42 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances, M. Grandguillaume, M. Cherki, M. Emmanuelli et M. Guillaume Bachelay :

Article additionnel après l’article 3, insérer l'article suivant :

I.– Les premier et deuxième alinéas de l’article 1741 A du code général des impôts sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La commission des infractions fiscales prévue par l'article L. 228 du livre des procédures fiscales est composée, sous la présidence d'un conseiller d'État, en activité ou à la retraite, élu par l’assemblée générale du Conseil d’État, de conseillers d'État, en activité ou à la retraite, élus par l’assemblée précitée, de conseillers maîtres à la Cour des comptes, en activité ou à la retraite, élus par la chambre du conseil en formation plénière de la Cour des comptes, de magistrats honoraires à la Cour de cassation élus par l’assemblée générale de la Cour de cassation, de deux personnalités qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale et de deux personnalités qualifiées désignées par le Président du Sénat. »

« Les élections et les désignations mentionnées au premier alinéa respectent le principe de la parité entre les femmes et les hommes. »

« Les fonctions exercées par les personnalités qualifiées mentionnées au premier alinéa ne sont pas rémunérées. »

« Le mandat du président et des membres de la commission ainsi que celui de leurs suppléants est de trois ans. Le président, les membres de la commission et leurs suppléants sont tenus au secret professionnel. »

II.– Les dispositions du I s’appliqueront à compter du 1er janvier 2015.

Amendement n° CF-43 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances, M. Grandguillaume, M. Guillaume Bachelay, M. Cherki et M. Emmanuelli :

Article additionnel après l’article 3, insérer l'article suivant :

Après l’article L. 228 A du livre des procédures fiscales, est inséré un article L. 228 B ainsi rédigé :

« Art. L. 228 B. – La commission des infractions fiscales élabore chaque année à l'intention du Gouvernement et du Parlement un rapport d’activité, qui fait l'objet d'une publication, dans lequel figurent notamment le nombre de dossiers reçus et examinés, le nombre d’avis favorables et défavorables émis, répartis par impôts et taxes, ainsi que par catégories socio-professionnelles en précisant le montant des droits visés pénalement. 

« Les conditions du déclenchement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale et les critères définis par la commission des infractions fiscales en la matière font l’objet d’un débat chaque année devant les commissions permanentes compétentes en matière de finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre chargé du budget. »

Amendement n° CF-44 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 3, insérer l'article suivant :

Le 2 de l’article 460 du code des douanes est complété par les mots et l'alinéa suivant : « ainsi que de deux personnalités qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale et de deux personnalités qualifiées désignées par le Président du Sénat.

« Les fonctions exercées par les personnalités qualifiées mentionnées au premier alinéa du 2. ne sont pas rémunérées. »

Amendement n° CF-45 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 3, insérer l'article suivant :

I.– L’article L. 82 C du livre des procédures fiscales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette dernière porte à la connaissance du ministère public, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission, ou à sa demande, l’état d’avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle aura procédé suite à la communication de ces dossiers.

« Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l’administration des finances fait l’objet d’une communication au ministère public. »

II.– L’article L. 101 du même livre est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’administration des finances porte à la connaissance du juge d’instruction ou du procureur de la République, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission, ou à sa demande, l’état d’avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle aura procédé suite à la communication des indications effectuée en application du premier alinéa. » 

« Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l’administration des finances fait l’objet d’une communication au ministère public. »

III.– Le traitement des dossiers transmis à la Direction générale des finances publiques par le ministère public et l’autorité judiciaire en application des dispositions des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales fait l'objet d'un rapport annuel au Parlement.

Ce rapport restitue l'ensemble des informations mentionnées ci-dessous :

– le nombre de dossiers transmis,

– le nombre de dossiers ayant fait l’objet d’enquêtes ;

– le nombre de dossiers ayant fait l’objet de contrôles, la nature et le montant des impositions qui en résultent ;

– le nombre de dossiers de plainte pour fraude fiscale déposés dans les conditions prévues à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales. 

IV.– Les dispositions du III entrent en vigueur pour les échanges intervenus à compter du 1er janvier 2014.

Amendement n° CF-47 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 10, insérer l'article suivant :

Le titre II du code des douanes est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI Sécurisation des contrôles et enquêtes »

« Art. 67 E Dans le cadre des contrôles et enquêtes prévus par le présent code, à l'exception de ceux prévus par l'article 64, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, les documents, pièces ou informations que les agents des douanes utilisent et qui sont régulièrement portés à leur connaissance dans les conditions prévues aux articles 59 quater à 59 sexies, 64 A à 65 ter, 343 bis et 455, ou en application des droits de communication qui leur sont dévolus par d'autres textes, ou des dispositions relatives à l'assistance administrative, par les autorités compétentes des États étrangers. »

Amendement n° CF-48 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 10, insérer l'article suivant :

Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

I.– Après le deuxième alinéa du II de l’article L. 16 B, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10 bis, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. »

II.– Après le deuxième alinéa du 2. de l’article L. 38, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10 bis, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. »

Amendement n° CF-49 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 10, insérer l'article suivant :

Après le septième alinéa du a du 2 de l’article 64 du code des douanes, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article 67 E, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le présent code. »

Amendement n° CF-50 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Au premier alinéa de l’article L. 152-1 du code monétaire et financier, après le mot : « valeurs », sont insérés les mots : « , y compris les valeurs mentionnées à l’article L. 561-13, ou de l’or, »

Amendement n° CF-51 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– L'article 64 du code des douanes est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa du 1 est complétée par les mots : « ou d'être accessibles ou disponibles » ;

2° Après le b du 2, il est inséré un c ainsi rédigé :

« c) Lorsque l’occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal.

« Les agents des douanes peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie, ainsi qu’à la restitution de ce dernier et de sa copie. Ce délai est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention.

« À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support.

« L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des pièces et documents présents sur ce support informatique, qui ont lieu en présence de l’officier de police judiciaire.

« Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents, à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents des douanes. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s’il y a lieu.

« Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents des douanes et par un officier de police judiciaire ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ; en son absence ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.

« Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’administration accomplit alors sans délai toutes diligences pour les restituer. »

II.– L'article L. 38 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 1, après le mot : « détenus », sont insérés les mots : « ou d'être accessibles ou disponibles » ;

2° Après le 4, il est inséré un 4 bis ainsi rédigé :

« 4 bis.  Lorsque l’occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal.

« Les agents habilités peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie, ainsi qu’à la restitution de ce dernier et de sa copie. Ce délai est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention.

« À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents habilités procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support.

« L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des pièces et documents présents sur ce support informatique, qui ont lieu en présence de l’officier de police judiciaire.

« Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents, à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents habilités. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s’il y a lieu.

« Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents habilités et par un officier de police judiciaire ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ; en son absence ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.

« Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’administration accomplit alors sans délai toutes diligences pour les restituer. »

III.– Au premier alinéa de l’article 1735 quater du code général des impôts, après la référence : « L. 16 B », sont insérés les mots : «  et au 4 bis de l’article L. 38 ».

Amendement n° CF-54 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

Au deuxième alinéa de l'article L. 152-6 du code monétaire et financier, les mots : « de l'administration des impôts » sont remplacés par les mots : « des administrations fiscales et douanières ».

Amendement n° CF-55 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel avant l’article 10 :

Compléter l’intitulé du titre II par les mots :

« et douanières »

Amendement n° CF-56 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

A.– Le II de l’article L. 52 est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Si le contribuable s’est livré à une activité occulte au sens du troisième alinéa de l’article L. 169. » ;

B.– Le 3° de l’article L. 68 est ainsi rédigé :

« 3° Si le contribuable s’est livré à une activité occulte au sens du troisième alinéa de l’article L. 169 ; ».

II.– A.– Le A du I s’applique aux contrôles dont la première intervention sur place a lieu à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

B.– Le B du I s'applique aux avis de vérification de comptabilité ou, en cas d'application des dispositions de l'article L. 47 C, aux avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ou, dans les cas pour lesquels l'envoi des avis précités n'est pas requis, aux propositions de rectification adressées à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Amendement n° CF-58 présenté par Mme Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Finances :

Article additionnel après l’article 11, insérer l'article suivant :

I.– L'article L. 57 A du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

A.– Le premier alinéa constitue un I.

B.– Le second alinéa constitue un II ainsi rédigé :

« II.– Le délai de réponse mentionné au I ne s'applique pas :

« 1° Aux personnes morales ni aux sociétés mentionnées à l'article 238 bis M du code général des impôts à l'actif desquelles sont inscrits des titres de placement ou de participation pour un montant total d'au moins 7 600 000 euros ;

« 2° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. »

II.– Le I s’applique aux contrôles pour lesquels un avis de vérification a été adressé à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

–  M. Alexandre GARDETTE, directeur du service du contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques, et M. Gradzig EL KAROUI, chef du bureau des affaires fiscales et pénales

–  M. Jean-Paul BALZAMO, sous-directeur des affaires juridiques et contentieuses, des contrôles et de la lutte contre la fraude de la Direction générale des douanes et des droits indirects et M. Thomas CHARVET, chef du bureau des affaires juridiques et contentieuses

–  M. Jean-Luc BARCON-MAURIN, sous-directeur, en charge des professionnels et de l'action en recouvrement (GF2), Mme Christine MANGAS, chef du bureau GF2B et  M. Charles RAVET, adjoint au sein du bureau GF2B

–  M. Jean-Baptiste CARPENTIER, directeur du Service traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), conjointement avec M. Yann Galut, rapporteur

–  M. Jean-François DE VULPILLIÈRES, président de la commission des infractions fiscales

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