N° 1205 - Avis de M. Florent Boudié sur le projet de loi , adopté par le Sénat, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n°1120)




N
° 1205

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juin 2013

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 1120),

PAR M. Florent BOUDIÉ,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 495, 580, 581, 593, 598, 601 et T.A. 163 (2012-2013).

Assemblée nationale : 1120, 1177, 1178, 1207 et 1216.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : LE RENFORCEMENT DE L’INTÉGRATION INTERCOMMUNALE 11

I.— LA MÉTROPOLE, UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE L’HYPERURBAIN 12

A.— UN NOUVEAU RÉGIME JURIDIQUE DE DROIT COMMUN POUR LA MÉTROPOLE 14

B.— LES MÉTROPOLES À STATUT PARTICULIER : LYON, AIX-MARSEILLE, PARIS 15

1. Lyon, la métropole consensuelle 17

2. Aix-Marseille, la métropole bipolaire 19

3. Une page blanche pour la métropole d’Île-de-France 23

a) Les articles « franciliens » ayant recueilli l’assentiment du Sénat 24

b) Ni le statu quo, ni le régime de droit commun ne sont acceptables pour la future métropole parisienne 25

II.— L’ÉQUILIBRE PAR LES PÔLES : QUEL AVENIR EN DEHORS DES MÉTROPOLES ? 26

A.— LES PÔLES MÉTROPOLITAINS 27

B.— LES PÔLES RURAUX D’AMÉNAGEMENT ET DE COOPÉRATION PROPOSÉS PAR LE SÉNAT 28

DEUXIÈME PARTIE : LA THÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT 31

I.— LA RÉGION, CHEF DE FILE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 31

II.— UN VOLET « TRANSPORTS » CONSÉQUENT 32

A.— LES COMPÉTENCES « TRANSPORTS » ATTRIBUÉES AUX MÉTROPOLES 34

B.— LES DISPOSITIONS INTRODUITES PAR LE SÉNAT EN FAVEUR DE MODES DE TRANSPORT PLUS RESPECTUEUX DE L’ENVIRONNEMENT 34

C.— LE TRANSFERT À L’ÉCHELON INTERCOMMUNAL DE LA DÉLIVRANCE DES AUTORISATIONS DE STATIONNEMENT DES TAXIS 35

D.— LA COORDINATION NÉCESSAIRE DE DEUX ACTEURS DU TRANSPORT EN ÎLE-DE-FRANCE, LE STIF ET LA SGP 37

III.— L’ENVIRONNEMENT 38

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I.— AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, MINISTRE DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT, DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DANS LA RÉFORME DE LA DÉCENTRALISATION 41

II.— TABLE RONDE SUR « LA MÉTROPOLISATION DANS LA FUTURE DÉCENTRALISATION » 69

III.— DISCUSSION GÉNÉRALE 105

IV.— EXAMEN DES ARTICLES 121

TITRE IER : CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET COORDINATION DES ACTEURS 121

Chapitre II : Les collectivités territoriales chefs de file, la conférence territoriale de l'action publique et le pacte de gouvernance territoriale 121

Section 1 : Les collectivités territoriales chefs de file 121

Article 3 (article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales) : Désignation des collectivités chefs de file pour certaines compétences 121

TITRE II : L'AFFIRMATION DES MÉTROPOLES 127

Article additionnel avant l’article 10 127

Chapitre IER : Les dispositions spécifiques à l'Île-de-France 129

Section 1 : Achèvement de la carte intercommunale 129

Articles 10 et 11 (Supprimés) 129

Section 2 : Grand Paris Métropole 129

Article 12 (Supprimé) : Statut de Grand Paris Métropole 129

Section 3 : Logement en Île-de-France 129

Article 13 (Supprimé) : Mise en place d’un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île de France destiné à favoriser la création de logements 129

Article 13 bis (nouveau) (articles. L. 143-3 et L. 321-1 du code de l’urbanisme) : Fusion des établissements publics fonciers en Île-de-France 130

Article additionnel après l’article 13 bis 130

Section 4 : Fonds de solidarité pour les départements de la région d'Île-de-France 132

Article 14 (article L. 3335-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Création d'un fonds de solidarité pour les départements franciliens 132

Section 5 : Coordination du syndicat des transports d'Île-de-France et de la société du Grand Paris 132

Article 15 (article L. 1241-1 du code des transports) : Extension des compétences du syndicat des transports d'Île-de-France aux questions de « mobilité durable » 132

Article 16 (articles L. 1241-2 et L. 1241-4 du code des transports) : Cohérence des programmes d'investissement menés par le syndicat des transports d'Île-de-France et la Société du Grand Paris 132

Article 17 (articles 4, 15, 18, 19 et 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) : Coordination entre les actions de la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d’Île-de-France 132

Section 6 : Dispositions relatives au site de La Défense 133

Article 18 (articles L. 328-2, L. 328-3, L. 328-4 et L. 328-10 du code de l’urbanisme) : Propriété et gestion de biens publics sur le site de La Défense 133

Article 19 : Transfert de propriété et mise à disposition de biens publics sur le site de La Défense 133

Section 7 : Dispositions relatives à l'Établissement public d'aménagement de Paris-Saclay (Division et intitulé nouveaux) 133

Article 19 bis (nouveau) (section 4 du chapitre Ier du titre II du livre III [nouvelle], articles L. 321-37, L. 321 38 et L. 321-39 [nouveaux] du code de l’urbanisme, annexe III de la loi n° 83 675 du 26 juillet 1983, chapitre Ier du titre VI, articles 25 à 32 et 34 de la loi n° 2010 697 du 3 juin 2010) : Transformation de l’établissement public de Paris-Saclay en un établissement public d’aménagement de Paris-Saclay 133

Chapitre II : Les dispositions spécifiques à la métropole de Lyon 134

Article 20 (articles L. 3611-1 à L. 3611-3, L. 3621-1 à L. 3621-4, L. 3631-1 à L. 3631-8, L. 3632-1 à L. 3632-4, L. 3633-1 à L. 3633-4, L. 3641-1 à L. 3641-8, L. 3642-1 à L. 3642-5, L. 3651-1 à L. 3651-3, L. 3661-1, L. 3662-1 à L. 3662-12, L. 3663-1 à L. 3663-6, L. 4133-3 et L. 5721-2 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Statut particulier de la Métropole de Lyon 134

Article 21 (article L. 2581–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Régime législatif des communes de l'aire métropolitaine 135

Article 22 (articles 1001, 1582, 1599 L [nouveau], 1599 M [nouveau], 1599 N [nouveau], 1599 O [nouveau], 1599 P [nouveau], 1609 nonies C du code général des impôts) : Adaptation du code général des impôts à la création de la Métropole de Lyon 135

Article 23 (article L. 123-4 du code de l’action sociale et des familles) : Création de centres communaux d'action sociale mutualisés entre communes de la Métropole de Lyon 136

Article 24 (article L. 212–8 du code du patrimoine) : Élargissement de la compétence des archives départementales du Rhône aux archives de la Métropole de Lyon 136

Article 24 bis (nouveau) (article 14 et 18–1 [nouveau] de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) : Centre de gestion unique sur les territoires du département du Rhône et de la métropole de Lyon 136

Article 25 (articles 1424-69 à 1424-76 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Création d’un service départemental-métropolitain d'incendie et de secours 136

Article 26 : Prorogation du mandat des délégués communautaires de la communauté urbaine de Lyon 136

Article 27 (article 112-3 [nouveau] de la loi n° 84–53 du 26 janvier 1984) : Emplois fonctionnels de la collectivité métropolitaine 137

Article 27 bis (nouveau) (article 23 de la loi n° 95–115 du 4 février 1995) : Création d'un conseil de développement par la Métropole de Lyon 137

Article 28 : Entrée en vigueur du régime de la Métropole de Lyon 137

Article 28 bis [nouveau] (supprimé) : Dispositions transitoires pour l'élection des conseillers métropolitains en 2014 137

Article 28 ter (nouveau) : Maintien du mandat des conseillers communautaires élus en 2014 après la création de la Métropole de Lyon 137

Article 28 quater [nouveau] (supprimé)  : Évaluation des charges et des ressources liées au transfert de compétences communales à la Métropole de Lyon 138

Article 28 quinquies (nouveau) : Mise en place d'une commission locale pour l'évaluation des charges et des ressources transférées 138

Article 28 sexies (nouveau) : Possibilité pour les maires de s'opposer au transfert d'office de certains pouvoirs de police au président de la Métropole de Lyon 138

Article 29 : Autorisation du gouvernement à fixer par voie d'ordonnance le régime budgétaire, comptable, fiscal et financier 138

Après l’article 29 138

Chapitre III : Les dispositions spécifiques à la métropole d'Aix-Marseille-Provence 139

Article 30 A (nouveau) (article L. 2513-5 du code général des collectivités territoriales) : Dépenses du bataillon de marins-pompiers de Marseille 139

Article 30 B (nouveau) (article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales) : Méthode de ventilation des sièges au sein du futur conseil de la métropole d’Aix-Marseille-Provence 139

Article 30 (articles L. 5218-1 à L. 5218-5 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Dérogations au régime métropolitain de droit commun 139

Chapitre IV : La métropole 140

Article 31 (articles L. 5217-1 à L. 5217-7, L. 5217-7-1 [nouveau], L. 5217-14 à L. 5217-20, et L. 5217 20 1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Restructuration du régime métropolitain 140

Article 31 bis (nouveau) (articles L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales) : Effectif des vice-présidents d'une métropole 148

Article 31 ter (nouveau) (chapitre Ier du titre II du livre VIII et art. L. 5821-1 du code général des collectivités territoriales) : Coordination 148

Après l’article 31 ter 148

Article 32 (articles L. 3211-1-1 et L. 4211-1-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Délégations de compétences départementales et régionales à la métropole 149

Article 32 bis A (nouveau) : Rapport sur l’élection des conseillers communautaires en 2014 149

Article 32 bis (nouveau) (article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales) : Prise en compte, par les régions, des orientations économiques arrêtées par une métropole 149

Article 33 : Dispositions spécifiques à la métropole de Nice Côte d'Azur 150

Article 34 (article L. 5217-21 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Transfert des services et des personnels 150

Article 34 bis (nouveau) (articles L. 2213-2, L. 2333-68, L. 5215-20 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales) : Coordinations liées à l’institution des autorités organisatrices de la mobilité 150

Article 34 ter (nouveau) (articles L. 1231-1, L. 1231-14 à L. 1231-16 [nouveaux] et L. 1821-6 du code des transports) : Institution des autorités organisatrices de la mobilité 150

Article additionnel après l’article 34 ter 152

Après l’article 34 ter 153

Article 34 quater (nouveau) (article 54 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement) : Définition de l’autopartage 153

Chapitre V : Dispositions diverses relatives à l'intégration métropolitaine et urbaine 153

Article 35 A (nouveau) (article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales) : Création d’un coefficient d’intégration fonctionnelle pour les EPCI 153

Article 35 B (nouveau) (articles L. 5214 16, L. 5216 5 et L. 5215 20 du code général des collectivités territoriales, article L. 211-7 et articles L. 211 7 2 et L. 211 7 3 [nouveaux] du code de l’environnement) : Compétence de gestion des milieux aquatiques 154

Article 35 (article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) : Transfert des pouvoirs de police en matière d'assainissement et de déchets 154

Article 35 bis (nouveau) (article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales) : Possibilité pour une commune ou un groupement de collectivités de rester actionnaire d’une société d’économie mixte dont l’objet social correspond à une compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale 155

Article 36 (articles L. 2213-1, L. 2213-33 [nouveau], L. 5211-9-2 et L. 5842-4 du code général des collectivités territoriales) : Polices spéciales de la circulation et de délivrance des autorisations de stationnement des taxis 155

Article 36 bis (nouveau) (articles L. 2213-6, L. 2331-4 et L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, article 261 D du code général des impôts, article L. 411-1 du code de la route) : Dépénalisation des infractions au stationnement payant sur voirie 158

Article 36 ter (nouveau) (article L. 1241-14 du code des transports) : Affectation au syndicat des transports d’Île-de-France d’une partie du produit des forfaits de post-stationnement 158

Après l’article 36 ter (nouveau) 158

Article 37 : Entrée en vigueur des transferts de police spéciale prévus par l'article 36 162

Article 38 (articles L. 3121-11, L. 6332-2, L. 6732-1 et L. 6741-1 du code des transports) : Coordinations relatives à la mise en place d’une police spéciale de délivrance des autorisations de taxis 162

Article 39 (articles L. 5211–4–2 et L. 5842–2 du code général des collectivités territoriales) : Sécurisation juridique du dispositif des services communs 162

Article 40 (article L. 5215-1 du code général des collectivités territoriales) : Abaissement du seuil de création d'une communauté urbaine 162

Article 41 (article L. 5111–7 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Situation des agents en cas de changement d'employeur du fait de la transformation d’un établissement public de coopération intercommunale 162

Article 42 (article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement du champ des compétences obligatoires des communautés urbaines 163

Article 43 (articles L. 5211-28, L. 5211-29, L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales) : Prise en compte de la création des métropoles de droit commun et de la métropole de Lyon pour le calcul de la dotation d’intercommunalité 164

Article 44 : Habilitation du Gouvernement à fixer par voie d'ordonnance le régime budgétaire, fiscal, comptable et financier aux métropoles et à la métropole d'Aix-Marseille-Provence 164

Article 44 bis (nouveau) : Transmission dématérialisée des pièces comptables des métropoles 164

Chapitre VI (Division et intitulé supprimés) 165

Article 45 (Supprimé) : Création d'un seul établissement public foncier de l'État par région 165

Chapitre VII : Pôles métropolitains (Division et intitulé nouveaux) 165

Article 45 bis A (nouveau) (article L. 5731-1 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement de la définition du pôle métropolitain 165

Article 45 bis (nouveau) (article L. 5731-2 du code général des collectivités territoriales) : Adhésion de la région et du département à un pôle métropolitain 165

Article 45 ter (nouveau) (article L. 5731-2 du code général des collectivités territoriales) : Assouplissement des critères démographiques de création 165

Chapitre VIII : Fonds européens (Division et intitulé nouveaux) 166

Article 45 quater (nouveau) (article L. 1511-1-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Gestion des fonds européens 166

Après l’article 45 quater 166

Chapitre IX : Les pôles ruraux d’aménagement et de coopération (Division et intitulé nouveaux) 171

Avant l’article 45 quinquies (nouveau) 171

Article 45 quinquies (nouveau) (article L. 5741-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Constitution de pôles ruraux d’aménagement et de coopération 171

Article 45 sexies (nouveau) : Transformation de l’association de pays « Pays basque » en pôle rural d’aménagement et de coopération 171

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 173

MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles est le premier des trois textes portant réforme de la décentralisation et de l’action publique engagée par le Gouvernement. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait annoncé que la démocratie locale serait renforcée, grâce à un nouvel acte de la décentralisation.

Deux autres projets de loi ont été déposés au Sénat le 10 avril dernier :

– le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires ;

– le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

L’objectif principal du premier projet de loi est l’affirmation des métropoles, par une évolution de leur statut et l’introduction de dispositions particulières pour les métropoles de Paris, de Lyon et d’Aix-Marseille. Ce projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a été examiné par le Sénat du 30 mai au 6 juin et déposé à l’Assemblée nationale le 7 juin dernier.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis :

– des dispositions relatives aux compétences pour lesquelles les collectivités chefs de file exercent une mission de coordination (article 3) ;

– de l’ensemble des dispositions du Titre II, consacré à l’affirmation des métropoles.

PREMIÈRE PARTIE : LE RENFORCEMENT DE L’INTÉGRATION INTERCOMMUNALE

Premier acte d’un ensemble composite de trois textes, le présent projet de loi s’articule autour d’un axe stratégique : le renforcement, à toutes les échelles territoriales, du modèle intercommunal et de sa logique intégrative.

De ce point de vue, le texte proposé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’inscrit dans le fil de la lente maturation française de l’intercommunalité. Avec une interrogation persistante : face à l’émiettement communal – ce particularisme français qui est longtemps demeuré un obstacle à la mise en cohérence des politiques publiques locales – comment créer les conditions de l’efficacité publique ?

Ces vingt dernières années, la France a répondu à cette question par le maintien d’un maillage communal fin, dessiné sous la Révolution, héritier des anciennes paroisses, en contrepartie d’une incitation toujours plus forte, parfois même contrainte, à l’intégration et la solidarité intercommunale.

L’originalité de l’intercommunalité à la française est ainsi marquée par ce mélange – atypique au regard de nos voisins européens – d’une « association libre et consentie des communes, dans un souci de préservation des prérogatives des maires » (Emmanuel Auber et Delphine Cervelle, Les collectivités territoriales, Paris, SEDES, 2e édition, 2012).

Ce compromis entre l’identité communale et la nécessaire mise en cohérence de l’action locale a son revers : la multiplication et la superposition des structures, de même que la difficulté à définir un consensus national sur la simplification de la carte territoriale. Ainsi, le Sénat a-t-il cru nécessaire d’insérer dans le projet de loi un article 1er A, bien peu normatif, selon lequel « la commune occupe une place fondamentale dans l’architecture locale de notre République », soulignant qu’elle demeure « le premier échelon démocratique » dans notre pays.

C’est dans ce contexte que l’intercommunalité a fini par s’emparer de nos territoires, à coup d’imperceptibles adaptations qui, pour être lentes, n’en ont pas été moins radicales. Aux syndicats de communes instaurés par la loi du 22 mars 1890, qui se voulaient des instruments juridiques souples, associatifs, basés sur une logique purement contractuelle et permettant de porter un projet territorial précis, s’est progressivement superposée l’intercommunalité dite « de projet », plus fédérative, plus approfondie, imposant un cadre strict s’agissant des périmètres et des compétences exercées, qui plus est dans le cadre d’un financement fondé sur la fiscalité propre.

Les réformes de 2004 et 2010 ont elles-mêmes approfondi ce mouvement en institutionnalisant l’intercommunalité comme l’avenir commun des territoires, en jouant aussi la carte de leur quasi-assimilation au statut des collectivités territoriales. Au point que l’on peut légitimement s’interroger : en est-il fini de l’intercommunalité de projet, fondée sur l’autonomie des communes et une lecture associative de leur collaboration ?

Le mode d’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, par fléchage, voulu par le président de la République, ne vient-il pas percuter la légitimité démocratique des communes, à tout le moins s’y superposer, sinon s’y substituer ?

Ces questions font débat et force est de constater que l’actuel projet de loi n’y répond pas directement. Mais il propose une voie : franchir une nouvelle étape de l’intégration intercommunale. En réponse à la question « comment aider les territoires à améliorer leur contribution au développement durable et l’aménagement équilibré du territoire ? », il promeut le renforcement de l’intercommunalité.

Dans ce contexte, l’actuel projet de loi traduit l’urgence qu’il y a à consolider les fonctions métropolitaines exercées par les grandes agglomérations urbaines, avec la problématique des secteurs devant bénéficier d’un statut dérogatoire du droit commun (I). Le débat doit en revanche se prolonger s’agissant des territoires hors-métropole, lesquels sont aujourd’hui dans l’attente de perspectives et d’outils juridiques que le projet de loi peine, dans sa version actuelle, à satisfaire (II). L’enjeu est donc d’engager le projet de loi sur la voie de ce que l’on peut appeler « l’équilibre des pôles », c’est-à-dire la capacité du législateur à créer les conditions d’une vision d’ensemble du territoire national.

I.— LA MÉTROPOLE, UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE L’HYPERURBAIN

Le présent rapport ne saurait remonter le fil et l’histoire du phénomène de « métropolisation » après que les travaux du Sénat ont largement approfondi ce sujet (voir à cet égard tant le rapport de la commission des lois du Sénat que le rapport pour avis de la commission du développement durable).

Toutefois, la table ronde consacrée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le 12 juin 2013, au phénomène de métropolisation, et dont le compte rendu est annexé au présent rapport, a permis d’éclairer les phénomènes à l’œuvre.

En tout premier lieu, la notion même de métropole ne saurait reposer sur une définition scientifique. Elle est le résultat d’une tendance de fond, constatée à l’échelle mondiale, de concentration des populations, marquée par la formation d’ensembles hyper-urbains, hyper-denses, exerçant des fonctions de polarité dans les domaines institutionnels, économiques, sociaux voire culturels. En ce sens, la métropolisation est un processus chaque fois inachevé que le législateur se propose d’institutionnaliser, en tenant compte de la diversité des situations locales.

En deuxième lieu, la métropole se définit par un faisceau de fonctionnalités qu’elle exerce à une échelle micro (son périmètre) mais aussi macro (sa zone d’influence) : la fonction du commandement politique, celle de concentration des activités économiques et des services, mais aussi la jonction de réseaux d’infrastructures de transport, la présence de centres hospitaliers, universitaires et de recherche, parfois dans un cadre transfrontalier, comme c’est le cas de plusieurs agglomérations françaises.

En troisième lieu, une lecture figée des métropoles paraît extrêmement inopportune et ce pour deux raisons : d’une part, la formation des métropoles répond par définition à des processus évolutifs et mouvants que le seuil démographique ne saurait résumer à lui seul ; d’autre part, il s’y ajoute une dimension plus difficile à saisir qui est celle du rayonnement ou de l’influence « polarisatrice » que la métropole exercerait non seulement sur les territoires qui l’environnent mais aussi à l’échelle internationale.

Enfin, deux observations méritent d’être exprimées :

D’un côté, alors que leurs performances étaient ralenties depuis une trentaine d’années, les grandes villes françaises ont été moins affectées que les autres territoires par la crise de 2008-2009, et en 2010-2011 ce sont elles qui ont connu les meilleures performances de création d’emplois. Les dernières données de l’ACOSS sur l’emploi salarié privé indiquent que, sur les 761 aires urbaines françaises, 533 n’ont à ce jour pas retrouvé leur niveau d’emploi de 2008, mais que les 12 plus grandes ont enregistré une création nette totale de 73 000 emplois. On trouve parmi ces grandes villes celles que l’on nomme aujourd’hui « métropoles », Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Toulouse ou Nantes, mais aussi l’aire d’environ 500 000 habitants que forment Pau et Bayonne. Cette évolution de l’emploi donne du poids à l’argument quantitatif d’un seuil démographique de définition d’une métropole. Toutefois, il est certain que cette notion, encore floue mais cruciale pour l’aménagement du territoire, renvoie autant à des fonctions et à des fonctionnements qu’à des caractéristiques quantitatives. Il faut tenir compte d’un nouveau concept de « métropole » mais ne pas le figer, au risque d’écarter pour l’avenir des aires urbaines qui constituent des territoires dynamiques.

Dans le même temps, le législateur et, de façon plus générale, les décideurs publics feraient bien de se garder de toute forme d’angélisme
vis-à-vis des phénomènes de métropolisation, en ce que les métropoles ne sont pas uniquement le siège de dynamiques territoriales mais aussi de blocages et d’inégalités que la métropolisation semble accentuer. Ainsi, l’un des intervenants de la table ronde, M. Gilles Pinson, a-t-il souligné que la métropolisation n’a pas qu’une connotation positive : les métropoles sont « à la fois des espaces d’opportunité, en termes d’emploi, et des espaces d’exacerbation des inégalités ». Il a également fait valoir que, même si la métropolisation est une réalité avérée et en progression, elle est en même temps « un mystère : les capacités à communiquer à distance ne cessent de croître, et pourtant les hommes ont tendance à se concentrer sur un certain nombre de points du territoire ».

C’est en dirigeant notre regard dans ces deux directions : polarisation des dynamiques d’un côté, et accentuation des inégalités de l’autre, que l’avenir institutionnel des futures métropoles de droit commun doit être appréhendé (A), ainsi que leurs déclinaisons à statut particulier (B).

Deux enjeux justifient que le législateur revienne sur la notion de métropole : la nécessité d’améliorer la gouvernance des grandes agglomérations françaises et le renforcement de leur compétitivité au plan national et international.

Il faut toutefois signaler que la notion même de métropole sur le plan juridique n’est pas créée avec le présent projet de loi. La paternité en revient à la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, laquelle créait un nouvel échelon de collectivités pour les agglomérations urbaines de
500 000 habitants et plus.

Partant toutefois du constat que les situations locales varient d’un territoire à l’autre, que les fonctions métropolitaines prennent corps dans le cadre de systèmes urbains qui ne sauraient être appréhendés de façon uniforme, le présent projet de loi retient un double critère démographique : son article 31, tel qu’adopté par le Sénat, définit la métropole comme un établissement publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plusieurs communes et formant un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine, au sens de l’INSEE, de plus de 650 000 habitants.

Votre Rapporteur pour avis regrette toutefois que le volontarisme affiché par le Gouvernement pour l’affirmation des métropoles ait été fortement amoindri par le Sénat. En effet, là où le texte gouvernemental donnait un caractère automatique à la création des métropoles, le Sénat a décidé de rétablir, comme dans le statut de 2010, une démarche de volontariat, actée par un décret.

Autre assouplissement qui peut susciter des regrets par rapport à l’objectif de simplification des compétences locales, le Gouvernement proposait une automaticité, au 1er janvier 2017, du transfert aux métropoles d’un « bloc » de compétences départementales important ; le Sénat a supprimé cette automaticité, pour inclure ces compétences dans la liste de celles ne pouvant être transférées que par convention.

Dans ce contexte, la vertu du projet de loi consiste à tenir compte de certaines spécificités propres à trois métropoles, Nice, Lille et Strasbourg, mais sans aller jusqu’à leur conférer un statut juridique dérogatoire. Ces trois villes demeureront dans le champ du droit commun des métropoles, avec quelques aménagements :

Nice est à ce jour la seule métropole existante : elle a été constituée en application de la loi du 16 décembre 2010. Créée au 1er janvier 2012, elle regroupe quatre intercommunalités et une commune isolée, rassemblant ainsi 42 communes et 550 000 habitants. L’article 33 du projet de loi, adopté sans modifications par le Sénat, prévoit les mesures permettant d’assurer la transition, pour la métropole Nice Côte d’Azur, entre son régime juridique actuel et les dispositions prévues par le projet de loi. La métropole devra s’ajuster au nouveau format des compétences métropolitaines, mais conservera en tout état de cause les compétences qui sont aujourd’hui les siennes. L'article 33 organise ensuite le régime des biens, règle la situation des personnels ainsi que le sort du mandat des élus de Nice Côte d'Azur.

Lille et Strasbourg présentent une spécificité liée à la dimension transfrontalière des zones urbaines dont elles font partie et qu’elles polarisent. Elles ne sont pas les seules métropoles françaises à avoir une dimension transfrontalière, mais elles sont dotées d’un statut juridique européen. En effet, chacune d’elles est membre d’un GECT (groupement européen de coopération territoriale) : l’eurodistrict Strasbourg-Ortenau créé en 2005 et transformé en GECT en 2009, et l’eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai créée en 2008.

Tout en étant soumises au régime juridique de droit commun prévu par l’article 31 pour les métropoles, Strasbourg et Lille voient, suite aux travaux de la commission des lois du Sénat, leur qualification d’« eurométropole » consacrée par le projet de loi.

Strasbourg présente, de plus, la particularité d’être l’un des sièges des institutions de l’Union européenne et le siège de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil de l’Europe. Aussi l’article 31 reconnaît-il la spécificité, au sein des « contrats de projet » que l’État élaborera avec chaque métropole, du contrat triennal, prenant en compte la présence d’institutions européennes et internationales, qui sera signé avec Strasbourg.

Le projet de loi considère que trois ensembles urbains justifient un traitement significativement dérogatoire au droit commun. Cette approche s’inscrit dans une tradition bien établie, pluriséculaire même.

En effet, bien que notre système institutionnel privilégie les notions de catégorie et d’uniformité à l’intérieur de chaque collectivité, le Conseil constitutionnel a depuis longtemps admis l’existence de collectivités à statut particulier. Et ces statuts particuliers qui ont toujours existé, pour Paris comme pour l’outre-mer, se sont développés depuis une vingtaine d’années. En ce sens, le présent projet de loi assume sa part de continuité avec les précédentes étapes de la décentralisation.

Déjà, les événements de la Révolution avaient conduit la Convention nationale à affermir son emprise sur ses territoires les plus peuplés. Lyon, foyer de la contre-révolution, fut le théâtre d’une répression sanglante menée par Fouché et Collot d’Herbois au printemps 1793, et fut un temps privée de son nom pour devenir Ville-Affranchie. Marseille connut un sort voisin peu après, débaptisée par les représentants en mission Fréron et Barras pour devenir Sans-Nom. Quant à la Commune de Paris, élément moteur des premiers temps de la Révolution formée dès la prise de la Bastille, elle constitue à compter de la prise des Tuileries un foyer permanent d’insurrection ; Barrère critique à la tribune de la Convention « le monstre de l’anarchie, dont la tête s’élève au sein de la commune de Paris ».

Thermidor marque la fin de l’influence des grandes villes sur la scène nationale, et l’article 183 de la Constitution de l’an III ordonne : « Dans les communes dont la population excède cent mille habitants, il y a au moins trois administrations municipales. Dans ces communes, la division des municipalités se fait de manière que la population de l’arrondissement de chacune n’excède pas cinquante mille individus, et ne soit pas moindre de trente mille. » La loi du 19 Vendémiaire an IV confirme la fragmentation institutionnelle de la capitale en douze municipalités différentes. L’insurrection de 1871, réprimée par les Versaillais d’Adolphe Thiers, confirme la nécessité d’un statut particulier : Paris n’aura aucun maire jusqu’à 1977, et même alors un préfet de police veillera aux aspects les plus sensibles de son administration.

Si la République conserve le souci d’adapter ses lois aux grandes concentrations de population, c’est moins désormais pour exercer des missions de police que pour faire émerger des institutions en capacité de les gérer démocratiquement et efficacement. La première décentralisation, orchestrée par Gaston Defferre, a ainsi conféré aux agglomérations de Paris, Lyon et Marseille un statut particulier. La loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, communément dite loi PLM, a notamment ordonné l’élection des conseils infra-municipaux – au niveau de l’arrondissement à Paris et à Lyon, à l’échelon du secteur à Marseille –, réglé leurs relations financières avec la commune et, à Paris, fusionné les conseils municipal et général en une instance unique.

Il s’avère cependant que le phénomène d’urbanisation accroît sans cesse la taille des plus grandes villes, tandis que la construction européenne et la mondialisation leur donnent un rôle toujours plus grand dans le développement économique, dans la prospective stratégique et dans l’aménagement du territoire. Ces fonctions ne peuvent convenablement s’exercer dans le cadre classique – d’aucuns diraient malthusien – des départements et des intercommunalités de droit commun. Il revient à l’État d’édicter des règles particulières.

L’aire urbaine lyonnaise se hisse au second rang national derrière Paris, avec un peu plus de deux millions d’habitants. Le demi-million de citoyens de la ville centre en fait la troisième commune du pays en termes de population, après la capitale et Marseille. La répartition humaine de la population induit un certain équilibre et un rayonnement de la ville-centre. La communauté urbaine de Lyon (1,2 million d’habitants) couvre le cœur le plus dense, avec près de 2 500 personnes au kilomètre carré, sept à huit fois plus que la moyenne de l’aire urbaine.

L’étude d’impact déposée par le Gouvernement devant le Sénat insiste sur le caractère équilibré et cohérent du périmètre actuel de la communauté urbaine. Celui-ci se retrouve dans les grands indicateurs économiques : 44 % de l’emploi de la communauté urbaine est localisé dans le ressort de la commune de Lyon, soit une quasi-parité avec l’espace extérieur ; 48 % des entreprises de la communauté urbaine de Lyon sont localisées dans Lyon, soit là encore une quasi-parité. En outre, Lyon bénéficie d’une excellente insertion dans les réseaux de transport. Espace le mieux connecté aux territoires national et continental, la vocation européenne de la ville ne fait pas de doute.

Le projet d’institution d’une métropole dans la région lyonnaise s’appuie sur des réalités incontestables, au premier rang desquelles une cohésion acquise grâce à l’action de la communauté urbaine créée par la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966. L’intégration intercommunale, à l’échelle de l’unité urbaine de Lyon, a été portée à un stade qui dépasse désormais les outils législatifs et réglementaires à disposition de ce territoire, le plus avancé de France sur la voie de la métropolisation en dehors de la région capitale. Il est cohérent, désormais, de chercher à dépasser le modèle d’un EPCI pour privilégier un schéma plus intégrateur. Le régime institutionnel doit être adapté à cette évolution du territoire qui permettra d’exercer l’ensemble des attributions et compétences nécessaires à son développement dans un contexte mondialisé.

Le développement de l’espace métropolitain lyonnais offre également l’opportunité d’engager un processus de simplification de la carte administrative, en libérant la nouvelle institution de l’action concurrente du département voire, au cas par cas, de la région. En effet, le projet de loi propose la création, dans le périmètre de la communauté urbaine et à sa place, d’une collectivité à statut particulier exerçant un ensemble significatif de compétences :

– la plénitude des attributions d’un département, en lieu et place du département du Rhône, qui se trouverait réduit à la fraction septentrionale de son périmètre actuel ;

– les actions exercées dans le secteur communal par les métropoles de droit commun ;

– les attributions que lui déléguerait, de façon volontaire, la région Rhône-Alpes ;

– par délégation, les compétences étatiques en matière de logement.

La nouvelle organisation, réunissant en un seul deux niveaux d’administration – département et intercommunalité – permettra une rationalisation des structures à même d’assurer, tout à la fois, une optimisation des coûts et une amélioration du service rendu à la population.

Le maintien des communes comme collectivités locales de plein exercice, la création d’un espace de débat à travers les conférences territoriales des maires et la conférence métropolitaine permettront l’association et la participation des collectivités infra-métropolitaines au bon fonctionnement du nouvel ensemble. Ils feront également vivre une démocratie de proximité à laquelle on ne saurait demander aux citoyens de renoncer.

Les cinquante-huit communes sises dans le périmètre du nouvel ensemble continueront d’exercer la plénitude de leurs prérogatives, même si les compétences de la métropole lui appartiendront désormais en propre quand celles de la communauté urbaine n’étaient, pour une part importante, que le fruit d’une délégation. Les communes composant la métropole lyonnaise deviendront donc, de jure, des collectivités territoriales à statut particulier, relevant du droit commun communal sous réserve des compétences prises en propre par la nouvelle Métropole de Lyon.

Quant au département du Rhône, il demeurera un département de droit commun sur un périmètre géographique réduit. Le projet de loi règle les dispositions transitoires liées à la séparation. Le maintien du département du Rhône nécessite d’organiser à la fois de façon transitoire et de façon définitive les transferts des services biens et personnels entre le département et la Métropole. Quatrième département le plus peuplé lors du recensement de 2010, comptant alors plus de 1,7 million d’habitants, il n’abriterait plus, après la réforme, qu’un demi-million d’âmes. Ceci le placerait dans la moyenne des autres départements, et il serait toujours six à sept fois plus peuplé que la Lozère. Le nouveau département du Rhône, ou quel que soit le nom qui lui écherait, n’aurait rien d’une « collectivité-croupion ».

Quant aux relations de la nouvelle métropole avec la région Rhône-Alpes, le projet de loi laisse aux élus locaux le soin de déterminer, par convention, quelles compétences de la seconde pourraient être utilement transférées à la première. Il conviendra d’établir une bonne entente et une concertation optimale, notamment dans le champ du développement économique, afin d’éviter des actions concurrentes et des doublons préjudiciables.

Plus que le projet de loi et sa cohérence, votre Rapporteur pour avis salue l’initiative conjointe des élus de la région lyonnaise qui se sont entendus afin de présenter une architecture novatrice et consensuelle que l’État – Gouvernement et Parlement – vient ici avaliser.

Une fois atteint un accord, sinon unanime, du moins général, il ne serait pas de bonne politique de le remettre en cause. Votre Rapporteur pour avis approuve sans réserve les articles relatifs à la métropole de Lyon et la démarche qui a présidé à leur rédaction. Il n’a donc souhaité présenter aucun amendement sur son organisation. La commission du développement durable n’a adopté qu’une suggestion de principe, relative à l’énergie, qui n’est que la déclinaison, dans ce secteur, du régime de droit commun.

La concorde qui règne dans la constitution de la métropole lyonnaise ne trouve pas d’écho en Provence, où les scenarii de métropolisation se sont avérés particulièrement clivants.

Sans doute faut-il y voir les conséquences de particularismes géographiques. C’est que l’équilibre de l’aire urbaine lyonnaise, construite autour de la ville-centre et structuré par une communauté urbaine dynamique depuis près de cinquante ans, n’a pas son équivalent sur le delta du Rhône. L’espace y est polycentrique et, si Marseille domine par sa démographie, on ne saurait compter pour supplétifs la commune et l’agglomération d’Aix-en-Provence.

Comme souvent, l’histoire s’est inscrite dans la géographie d’une rivalité. Entre Marseille la Grecque, fondée il y a 2 600 ans par les Phocéens d’Asie mineure, et Aix la Romaine, née de la volonté du consul Caius Sextius Calvinus de tenir un terrain propice à la conquête de la Gaule narbonnaise, les oppositions n’ont pas manqué. Dès avant notre ère, les Romains imposèrent la suprématie d’Aix : d’abord en tenant le territoire face aux Germains en -123 (1), puis surtout en -49 lorsque Jules César soumit Marseille à la loi de Rome. Aix devient la capitale de la Narbonnaise seconde et, avec la christianisation de Rome, elle accueille naturellement l’évêque métropolitain – plus tard l’archevêque. Brièvement supprimé avec le Concordat de 1801, l’évêché de Marseille ne deviendra archevêché qu’en 1956, et archevêché métropolitain en 2002.

Entre temps, les invasions barbares avaient ravalé le statut des deux villes au bénéfice d’Arles, dans un comté de Provence devenue terre d’Empire. Mais les comtes de Provence choisissent Aix pour capitale au XIIème siècle. L’installation du Roi René, au XVème siècle, assied définitivement ce titre : l’intégration au royaume de France ne change rien à cette prééminence, puisqu’Aix accueille le Parlement de Provence en 1501 et, lors de leur convocation, les États de Provence. Cet héritage juridique se perpétue de nos jours, avec le siège de la cour d’appel, la renommée faculté de droit et un prestigieux institut d’études politiques. Pendant ce temps, Marseille est un port de commerce dynamique, mais ne parvient pas à acquérir une influence politique. La hiérarchie entre les deux villes semble acquise, et renforcée par la Révolution : alors que la rebelle Marseille est débaptisée par les Conventionnels, Aix devient chef-lieu des Bouches-du-Rhône à la création du département, en 1790.

Toutefois, le poids de la démographie parle enfin en faveur de Marseille. En 1800, Bonaparte choisit d’installer le préfet du département dans la cité phocéenne plutôt que dans la capitale du Roi René. Le port bénéficie grandement des changements du XIXe siècle : la Méditerranée est libérée des pirates barbaresques pendant que la conquête de l’Afrique du Nord et le percement du Canal de Suez fait de Marseille l’industrieuse le carrefour du commerce colonial. (2) La liaison ferroviaire avec Lyon, édifiée en 1840, ignore Aix. Et c’est logiquement que Marseille est le chef-lieu de la région PACA, à sa création, en 1972.

Tel est le legs de l’histoire. Il se complique de l’héritage de l’époque contemporaine. L'agglomération est caractérisée par la ville-centre, Marseille, qui est la deuxième de France après Paris en population (850 602 habitants), mais dont la superficie est plus de deux fois supérieure à celle de la capitale, cinq fois à celle de Lyon, huit fois à celle de Lille. Sa communauté urbaine compte un peu plus d'un million d'habitants, quand l’unité urbaine atteint 1,5 million d'habitants, soit la deuxième concentration de France après Paris.

Toutefois, contrairement à l’exemple lyonnais, la communauté urbaine instituée par la loi n°66-1069 du 31 décembre 1966 n’est pas parvenue à susciter des solidarités. Elle s'exerce dans un cadre beaucoup trop exigu pour porter la dynamique de développement de l'agglomération. En effet, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole est relativement récente : rejetée en son temps par le maire historique de la ville, Gaston Defferre, elle n’a été instituée qu’en 2000. De plus, avec 1,038 million d'habitants seulement, elle est composée pour 81 % de Marseillais. On constate ainsi un déséquilibre sur le périmètre actuel de la communauté urbaine : la ville de Marseille concentre 80 % de l'emploi et 83 % des entreprises de la communauté urbaine. L’unité urbaine connaît, en outre, un taux de chômage supérieur de trois points à la moyenne nationale et un revenu net déclaré par foyer fiscal inférieur (22 200 euros contre 23 433 euros).

De plus, la région métropolitaine a connu, ces trente dernières années, des évolutions économiques contrastées : désindustrialisation et tertiarisation de la ville centre, repositionnement du Port, nouveaux territoires industriels autour de l'Étang de Berre et de Fos, emplois très qualifiés dans le pays d'Aix. Ces composantes n’ont pas su s’unir autour d’un projet cohérent à même de suivre le rythme des grandes métropoles continentales. Pire : les dernières décennies ont vu le port de Marseille rétrograder dans les classements européens. À la grande échelle territoriale vécue par les citoyens, dont les flux de mobilité attestent évidemment, répond un fractionnement des lieux de décisions publiques. Cet éparpillement nuit au développement économique, social et environnemental du territoire, par un criant déficit d'équipements et d'infrastructures. C’est, par exemple, une route départementale qui relie les bassins ouest du grand port maritime au réseau routier.

Le département des Bouches-du-Rhône se signale par un dynamisme intercommunal qui le distingue nettement d’autres cas métropolitains – notamment parisien. La carte intercommunale est, en effet, achevée, mais autour de logiques d’autonomie. Le Pays d’Aix compte notamment 34 communes et 350 000 habitants, soit le tiers de la communauté urbaine de Marseille ; il englobe aussi la vaste zone commerciale de Plan-de-Campagne dont il collecte les recettes fiscales. D’autres intercommunalités ont vu le jour, qui auraient vocation, selon le projet du Gouvernement, à rejoindre la métropole : autour de Martigues, d’Aubagne, de Salon-de-Provence. Il faut y adjoindre le syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence, à l’ouest de l’étang de Berre.

Il est vrai que les expériences récentes de coopération ne semblent pas donner de francs résultats : la fusion des universités donne lieu à une situation budgétaire délicate, la répartition des événements liés au statut de capitale européenne de la culture pour 2013 a provoqué de multiples malentendus (3), et l’installation de l’incinérateur des ordures de la communauté urbaine de Marseille sur le territoire de la commune de Fos – qui n’en est pas membre – a cristallisé les rancœurs. On ne saurait cependant nier l’objet métropolitain par excellence que représente le grand port maritime, dont les retombées économiques fournissent des emplois bien au-delà de la circonscription portuaire. Les auditions ont toutefois montré que les différents EPCI reconnaissent – après quelques tergiversations – la légitimité d’une structure conjointe, d’envergure métropolitaine, destinée à organiser notamment les mobilités à l’intérieur du territoire.

Source : Exposition « Marseille, de la ville à la métropole » (Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise)

Les opposants au projet gouvernemental, qui regroupent quelque 90 % des maires concernés et sept présidents d’intercommunalité sur huit, ont proposé l’alternative d’un syndicat mixte qui exercerait des fonctions stratégiques comme le transport. Cette formule ne nécessite pas l'intervention du législateur, reposant uniquement sur le consentement des futurs membres. Peut-être était-ce la bonne option, mais comment, alors, justifier qu’elle n’ait été versée au débat que dans les derniers mois ?

La solution aurait été admissible dans une perspective de transition, en attendant l’apparition d’une organisation claire, comme la communauté urbaine de Lyon y est parvenue après cinq décennies. Mais le Gouvernement n’a pas souhaité la retenir, craignant que les EPCI membres ne sapent les fondations du syndicat mixte en le privant de ses moyens, et souhaitant éviter, de surcroît, la création d’une instance supplémentaire dans le paysage institutionnel.

C’est donc une nouvelle institution métropolitaine, à l'échelle du grand territoire polycentrique Aix-Marseille-Provence, qui sera créée afin de dépasser les concurrences internes. On remarquera néanmoins qu’elle est la seule à laquelle le projet de loi ne parvienne pas à donner un nom unique, et pour laquelle il accole celui des deux villes centres. En conséquence, si les compétences octroyées à la métropole sont relativement classiques, le texte organise une gouvernance très particulière, assez novatrice : la métropole sera divisée en territoires, dotés d'un conseil et d'élus de territoire dont le nombre varie en fonction du nombre de communes et de la population. Le conseil de territoire peut exercer au nom de la métropole un grand nombre de fonctions à l’exception des compétences stratégiques, réservées par la loi à la métropole ; ces délégations sont révoquées de droit à chaque renouvellement du conseil de la métropole. L’étude d’impact vante une organisation très déconcentrée. Mais peut-on voir une simplification administrative et institutionnelle pour un résident marseillais qui serait soumis successivement à sa mairie de secteur, à sa mairie centrale, à son conseil de territoire, à son conseil de métropole, à son conseil général, à son conseil régional et à l’État ?

Votre Rapporteur pour avis constate les obstacles à la constitution d’une métropole qu’impose pourtant une analyse rationnelle et raisonnable du territoire. Le projet présenté par le Gouvernement, amendé par le Sénat, semble présenter toutes les garanties pour permettre un meilleur développement économique tout en respectant les particularismes locaux – peut-être même à l’excès. Il n’en demeure pas moins que la loi républicaine ne peut s’appliquer en l’absence d’acceptation sur le terrain. À cet égard, la constance d’une large majorité d’élus municipaux à ignorer le dialogue offert par le préfet apparaît extrêmement préoccupante. Il conviendra, à tout le moins, que l’Assemblée rétablisse les 34 millions d'euros de supplément de dotation globale de fonctionnement supprimés par le Sénat : cet accompagnement financier de l’État s’affirme comme indispensable pour, enfin, emporter la conviction des élus.

La recherche du périmètre pertinent et l’identification du mode de gouvernance du territoire parisien sont une histoire ancienne et illustrent malheureusement les difficultés de concevoir une collaboration vertueuse entre les différents niveaux de collectivité territoriale.

Avec l’accord de janvier 2011 sur un tracé commun de transport, les tensions politiques et territoriales semblaient s’être apaisées. L’examen par le Sénat des articles du projet de loi gouvernemental portant sur la métropole d’Île-de-France a démontré qu’il n’en était rien.

Entre craintes d’une tentation hégémonique de l’État sur la région capitale, volonté de maintenir l’entre soi des quelques exemples de coopération intercommunale, interrogations légitimes sur les liens de solidarité à tisser entre petite et grande couronne, sans compter un Paris historique parfois replié sur son centre-ville et relativement isolé de son arrière-pays, l’échec des discussions qui se sont déroulées au Sénat a abouti à une page blanche, au point de provoquer un électrochoc salutaire.

Le projet de loi initial présenté par le Gouvernement comportait un chapitre de 10 articles relatifs à l’Île-de-France (articles 10 à 19). Le sort de ces articles au Sénat a été pour le moins contrasté : amputé des articles 10 à 13, le texte a conservé quasiment inchangés les articles 15 à 19, et s’est enrichi d’un article 13 bis sur la fusion des quatre établissements publics fonciers d’État en un seul, d’une nouvelle rédaction de l’article 14 instaurant un Fonds de solidarité pour les départements d’Île-de-France, et d’un article 19 bis modifiant le statut juridique de l’Établissement public Paris-Saclay (EPPS) pour le ramener vers un statut d’établissement public d’aménagement de droit commun.

Les articles n’ayant fait l’objet d’aucun débat significatif peuvent être évoqués très rapidement. Les articles 15 à 17 portent sur le domaine des transports et seront abordés dans la deuxième partie du présent rapport. Les articles 18 et 19 portant sur des difficultés juridiques propres à la gestion et à l’aménagement du quartier de La Défense visent à mettre fin à une situation contentieuse préjudiciable à l’aménagement et à la gestion de ce site d’intérêt national.

L’article 19 bis relatif à l’établissement public du site de Saclay ne soulève pas de problème particulier. Votre Rapporteur pour avis exprime cependant un regret : le statut législatif de 2010 subordonnait la nomination du président de l’EPPS à l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée et de celle du Sénat, et le statut proposé par le Sénat supprimera cette procédure : en effet, l’audition par les commissions parlementaires des personnalités pressenties pour présider un établissement public d’aménagement n’est pas obligatoire.

L’article 14 porte création d’un nouveau fonds de péréquation, le Fonds de solidarité pour les départements de la région d’Île-de-France. Le principe de cette création n’a pas été remis en cause par le Sénat. Ce fonds vient compléter l’action de péréquation horizontale qui existe entre les communes (avec le Fonds de solidarité de la région d’Île-de-France). La rédaction du Sénat renvoie à la loi de finances la tâche de fixer le montant et les modalités de ce fonds.

L’article 13 bis permet de maintenir pour la seule Île-de-France un dispositif qui, dans le projet initial, avait vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire (article 45, supprimé par le Sénat) : la fixation de l’échelle régionale pour les établissements publics fonciers de l’État, entraînant la suppression des EPF d’État existants dotés d’un périmètre départemental.

En Île-de-France, la question de la cohérence de la politique foncière revêt une particulière importance, et votre Rapporteur pour avis considère que la fusion en un seul EPF d’État de l’actuel « Établissement public foncier d’Ile-de-France », dont le périmètre couvre 4 départements, et des 3 EPF de périmètre départemental (Hauts-de-Seine, Val d’Oise, Yvelines) est une nécessité. Pour autant, la qualité du travail de ces 3 EPF n’est pas contestable : votre Rapporteur pour avis a donc soumis à la commission, qui l’a adopté, un amendement destiné à assurer une présence territorialisée du futur EPF sur l’ensemble de son périmètre, présence qui résultera de l’organisation, par le pouvoir réglementaire, du fonctionnement de l’établissement.

Reste l’épineuse question du statut juridique à créer pour une métropole parisienne, suite à la disparition des articles 10 à 13.

À l’issue des travaux du Sénat, si le projet de loi était adopté en l’état, la métropole francilienne se trouverait régie par le droit commun des métropoles défini à l’article 31.

Compte tenu des particularités démographiques, géographiques, institutionnelles et économiques de Paris et de son agglomération, une telle situation aurait été coupable. L’impossible consensus sénatorial a néanmoins eu le mérite d’aboutir à dénominateur commun : en quelques jours, le caractère inacceptable du statu quo est devenu un constat unanime.

Mais si le texte initial du Gouvernement a fait l’objet d’un rejet total et quasi-unanime chez les sénateurs, ce n’est malheureusement pas parce qu’un projet alternatif existait. Comme l’a relevé ensuite Mme Marylise Lebranchu, le projet du Gouvernement « a été jugé trop ambitieux par certains et pas assez ambitieux par d’autres ».

Les débats au Sénat ont permis de dresser la liste des problématiques non résolues : la définition du périmètre de la future métropole par rapport aux limites de la région, le caractère automatique ou volontariste de l’adhésion des entités existantes à la future structure, l’éventuelle suppression de départements (ceux de la petite couronne), le lien à créer ou à renforcer entre politique du logement et politique des transports, les relations entre la métropole – quelles que soient ses frontières – et les départements et régions limitrophes, le poids des représentants de Paris dans la gouvernance de la future structure, l’impérieuse nécessité de doter l’Île-de-France d’outils juridiques permettant d’atténuer les disparités économiques et sociales considérables, l’articulation entre les territoires qui seront considérés comme pertinents et les périmètres des « contrats de développement territorial » (CDT) prévus par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, l’adaptation des dispositifs de péréquation…

Certaines de ces problématiques ne sont pas spécifiques à l’Île-de-France mais la plupart le sont, soit par nature, soit parce que ces problèmes ont dans cette région une acuité particulière par rapport au reste du territoire national.

Suite aux auditions qu’il a menées, votre Rapporteur pour avis souligne que, quelle que soit la solution qui sera trouvée, trois urgences appellent une réponse du législateur : l’achèvement de la carte intercommunale en petite couronne, le maintien impératif d’un outil spécifique en matière de logement, et l’introduction d’une temporalité dans la construction de la future métropole.

Pour autant, ni votre Rapporteur pour avis, ni d’ailleurs les autres membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire n’ont présenté d’amendements portant rétablissement, avec une nouvelle rédaction, des articles 10 à 13 du texte : le travail de concertation étroit entre le Gouvernement et les élus franciliens, qui était encore en cours au moment où la commission du développement durable s’est prononcée, n’a permis d’aboutir à la présentation de propositions formalisées que lors de la dernière réunion consacrée à ce texte par la commission des lois saisie au fond, le 3 juillet.

II.— L’ÉQUILIBRE PAR LES PÔLES : QUEL AVENIR EN DEHORS DES MÉTROPOLES ?

Pour reprendre la formule fameuse de Roger-Pol Droit, on pourrait dire qu’en matière d’organisation territoriale de la République, l’essentiel n’est pas d’« avoir des idées » mais de les « mettre à l’épreuve », en essayant de comprendre si elles possèdent cohérence et solidité, ou si elles renferment quelque vice de forme, quelque erreur qui permettent de douter de leur viabilité.

Or, il apparaît à votre Rapporteur pour avis que le présent projet de loi comporte une faiblesse, résultant de la volonté du Sénat de partager le texte initial du Gouvernement en trois « morceaux », à savoir qu’il « fait marcher » la République sur son seul pied métropolitain en avouant une cible privilégiée : « l’affirmation des métropoles ».

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a ainsi souhaité engager un débat de fond sur le rééquilibrage du projet de loi en direction non pas seulement des territoires ruraux – ce serait caricaturer ses intentions – mais de l’ensemble des territoires qui n’exercent pas à proprement parler de fonctions métropolitaines mais s’organisent en villes moyennes, en secteurs péri-urbains, ruraux voire hyper-ruraux.

Les questions posées par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont donc celles-ci : comment créer des interactions nouvelles entre les futures métropoles et les territoires qui les environnent ou en sont éloignés ? Comment les doter d’outils qui permettent, demain, de créer sinon un rapport de force, en tout cas une relation équitable entre ces deux catégories de territoires ?

Au fond, l’interrogation est celle-ci : peut-on doter les fonctions métropolitaines d’outils fortement intégrateurs sans réfléchir en parallèle et dans le même élan à l’avenir des territoires hors-métropoles ?

Pour votre Rapporteur pour avis, la réponse ne fait aucun doute : l’urgence est tout autant de consolider les fonctions métropolitaines par des structures institutionnelles cohérentes que d’inventer leur pendant pour ce chapelet de villes moyennes, de secteurs péri-urbains et ruraux qui organisent le territoire national.

La position de votre Rapporteur pour avis est donc de rechercher les conditions d’un « équilibre des pôles » garant d’une vision globale de l’aménagement du territoire.

De ce point de vue, toutes les démarches intercommunales apparaissent comme le modèle à suivre en permettant de mutualiser leurs moyens en vue de mieux remplir leurs missions à l’égard des administrés. Ces missions peuvent être purement techniques, de service, auquel cas sont mis en place des structures appelées « syndicats » : syndicats intercommunaux et syndicats mixtes. Elles peuvent aussi être plus ambitieuses en termes de développement, avec des compétences comme le développement économique et l’aménagement du territoire, qui seront alors l’objet de structures plus intégrées, les EPCI à fiscalité propre que sont les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines.

Chacune de ces catégories d’intercommunalités a fait la preuve de son utilité au service de l’efficacité de l’action publique par la mutualisation. Le projet de loi comporte quelques dispositions renforçant les compétences des communautés urbaines et des communautés d’agglomération (article 42), mais porte surtout une conception renouvelée des pôles métropolitains et, depuis l’examen au Sénat, une création à approfondir : les pôles ruraux d’aménagement et de coopération.

Le Sénat a souhaité, par trois articles additionnels, réviser le fonctionnement des pôles métropolitains issus de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Le pôle métropolitain est un établissement public constitué par des EPCI à fiscalité propre, en vue d'actions d'intérêt métropolitain en matière de développement économique, de promotion de l'innovation, de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la culture, d'aménagement de l'espace par la coordination des schémas de cohérence territoriale, et de développement des infrastructures et des services de transport. Le pôle métropolitain regroupe des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 300 000 habitants. L'un d'entre eux compte plus de
150 000 habitants. Des dispositions dérogatoires existent pour les pôles frontaliers.

Cette structure avait été principalement créée pour permettre une mutualisation des actions entre Metz, Nancy et Thionville, désireuses de coopérer mais trop faiblement peuplées pour se constituer en métropole au sens de la loi de 2010.

Si l’article 45 bis A du projet de loi ne semble guère révolutionnaire, en élargissant les objectifs déjà peu encadrés qui peuvent provoquer la constitution d’un pôle métropolitain, l’article 45 bis permet aux régions et aux départements d’adhérer à la structure – ce qui était jusque-là réservé aux EPCI. Ceci permettra sans doute une meilleure coordination des actions et un meilleur aménagement de l’espace.

Quant au nouvel article 45 ter, adopté par le Sénat sur un avis de sagesse du Gouvernement, il ouvre très largement les possibilités de constitution des pôles métropolitains. Il suffira désormais de compter parmi les participants un EPCI abritant 100 000 personnes. Aucun autre seuil n’est désormais exigé.

Votre Rapporteur pour avis juge positif que des regroupements d’EPCI puissent s’opérer plus facilement dans un cadre aménagé par la loi.

Le Sénat a introduit dans le projet de loi un dispositif créant un nouveau concept : le « pôle rural d’aménagement et de coopération ». Il faut saluer cette initiative qui ouvre le débat sur la structuration institutionnelle des territoires non métropolitains face, précisément, à « l’affirmation des métropoles » proposée par le projet de loi.

En effet, ainsi que l’a souligné l’un des intervenants à de la table ronde du 12 juin dernier, organisée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, « on ne peut pas estimer que la métropolisation remet en cause l’attractivité du monde rural. Ce dernier a sa logique et sa cohérence. (…) Il n’y a pas d’opposition entre les deux : il faut plutôt construire des complémentarités ».

C’est le but recherché par votre Rapporteur pour avis, convaincu que l’opposition entre, d’un côté, « l’urbain » et, de l’autre, « le rural », est non seulement dépassée mais dangereuse pour l’avenir du territoire national. Les relations entre monde rural et monde urbain relèvent d’ailleurs moins d’un processus de fracturation territoriale que d’accélération des interactions. Ainsi, le phénomène dit de « rurbanisation » a-t-il fortement modifié le paysage démographique des espaces ruraux. Là où nous pouvions encore faire le constat, dans le courant des années 90, d’une continuité avec le phénomène d’exode rural de la seconde partie du XXème siècle, le dernier recensement de l’INSEE montre au contraire que la reconquête des espaces ruraux en terme de gain de population est en marche, notamment sous l’effet d’un mouvement de désaturation des espaces urbains.

Dans le même temps, il apparaît tout à fait indispensable de rééquilibrer le projet de loi entre son volet consacré à l’institutionnalisation des fonctions métropolitaines et la structuration des territoires hors-métropoles.

La catégorie des « pôles ruraux » introduite par le Sénat doit être consolidée et amplifiée, en veillant à s’appuyer sur les notions de réseau, de bassin de vie et de populations, ainsi que sur une définition des périmètres d’action et de gouvernance territoriales qui prenne en compte les relations existantes, vivantes, mouvantes, entre territoires urbains, péri-urbains, ruraux, productifs, résidentiels, denses et moins denses. 

Les nouveaux « pôles » doivent également veiller à ne pas laisser se développer des logiques opportunistes de superposition et de chevauchement de périmètre collaboratifs entre collectivités territoriale, sauf à complexifier le tissu institutionnel local.

Par ailleurs, votre Rapporteur pour avis considère que la rédaction retenue et adoptée par le Sénat – « pôle rural d’aménagement et de coopération  » – est trop restrictive. Elle suggère en effet que les futurs pôles seraient exclusivement réservés aux territoires à dominante rurale alors qu’ils concerneront tout autant les territoires structurés autour de villes moyennes ou situés dans des secteurs périurbains, parfois à proximité des futurs périmètres métropolitains.

Le caractère d’exclusivité voulu par le Sénat paraît donc contraire à l’objectif recherché de mise à la disposition des territoires situés hors-métropoles, ruraux ou pas, d’un outil collaboratif fédérant, en particulier, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants.

Cette analyse a convaincu votre Rapporteur pour avis de proposer à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire la requalification du dispositif créé par le Sénat en « pôles de développement et d’équilibre des territoires ».

Dans l'élaboration de ces pôles, il est à souligner que votre Rapporteur pour avis a été extrêmement soucieux de ne pas impacter négativement les finances publiques, de même qu’il s'est assuré que la structuration de ces pôles n'entraîne la création d’une strate supplémentaire dans l'organisation territoriale. 

En effet, il s'agit de fédérer les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et d'inviter en particulier les petites et les moyennes intercommunalités à créer des communautés d’intérêt territorial pour accroître l'efficacité publique, dégager des solutions de mutualisation de moyens et identifier des périmètres de coopération aussi pertinents que possibles, dans le cadre d’une structure collaborative souple et ouverte.

Les « pôles de développement et d’équilibre des territoires » relèvent, à ce titre, de la catégorie des groupements de collectivités territoriales énumérés à l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, à l'image des pôles métropolitains créés par la loi du 16 décembre 2010.

Dans un souci de clarté et de lisibilité institutionnelle, votre Rapporteur pour avis a également proposé de préciser que le périmètre d'un pôle est constitué d'un seul tenant et sans enclave.

Enfin, pour tenir compte de la diversité des situations locales, il est précisé que les futurs pôles peuvent comporter, en leur sein, une ou plusieurs unités urbaines au sens de l'INSEE, notamment dans le but de favoriser la coopération entre les territoires urbains et ruraux.

Compte tenu de l’expérience acquise à la suite de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, votre Rapporteur pour avis a veillé à que les futurs pôles soient créés sur la base du volontariat.

Ainsi, deux procédures de création sont-elles proposées :

– la première vise à consolider les Pays lorsqu’ils ont fait la preuve locale de leur pertinence en leur proposant de se transformer en pôle et ce, afin de déployer, le cas échéant, des initiatives supplémentaires ;

– la seconde vise les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui souhaiteraient dégager une masse critique plus large pour entreprendre des actions communes.

Enfin, le pôle pourrait offrir l’opportunité d’enclencher, à compter du 1er janvier 2016, sur la base du volontariat, des processus locaux d’approfondissement de l’intégration intercommunale par fusion des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui le composent.

Sur ce dernier point, il faut souligner un aspect essentiel : là où la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 engageait un processus autoritaire de rationalisation de la carte intercommunale, le pôle offrirait, au contraire, la possibilité d’approfondir, sur la base du seul volontariat, les modalités d’intégration entre établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ; libre à eux, par la suite, de franchir une étape supplémentaire en enclenchant, le cas échéant, une procédure de fusion.

Au total, le pôle de développement et d’équilibre des territoires est donc un outil à l'initiative des collectivités et de leurs élus, permettant de donner à la dynamique des territoires des possibilités de s'affirmer, tout comme le projet de loi offre aux fonctions métropolitaines des outils pour se développer.

Le territoire de la République ne peut fonctionner qu’en trouvant les voies d’une complémentarité entre les grandes métropoles et les territoires : l’approfondissement du pôle « rural » ouvert par le Sénat offre l’opportunité de provoquer ce débat, tout en complétant utilement le projet de loi.

DEUXIÈME PARTIE : LA THÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

I.— LA RÉGION, CHEF DE FILE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le projet de loi dans sa version initiale comportait un rétablissement de la clause générale de compétence des départements et des régions. Ce rétablissement s’accompagnait de la reconnaissance, pour l’exercice de certaines compétences des collectivités territoriales, d'un chef de file. Sur la base du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution, l'article 3 désignait chaque échelon local comme organisant « les modalités de l'action commune » pour l'exercice de certaines compétences : les régions seraient les chefs de file en matière de développement économique et d'organisation des transports ; les départements, en matière d'action sociale, de développement social, d'autonomie des personnes, de tourisme, d'aménagement numérique et de solidarité des territoires ; enfin, le bloc communal, en matière d'amélioration de la qualité de l'air et de mobilité durable.

La notion de chef de file doit être bien comprise : il ne s’agit en aucun cas d’interdire aux communes de mener des activités dans le domaine des transports urbains sous prétexte que la région serait chef de file dans le domaine des transports. Il ne s’agit pas non plus de donner à la région un pouvoir de décision contre l’avis des communes en cette matière. Le chef de file ne s’approprie pas l’intégralité d’une compétence, ni n’exerce un pouvoir contraignant sur les autres niveaux de collectivités pour cette compétence. À l’initiative de votre Rapporteur pour avis, la commission a supprimé l’alinéa introduit par le Sénat qui rappelait l’interdiction constitutionnelle de la tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre : cet alinéa était superflu et non-conforme à la hiérarchie des normes.

La raison d’être du chef de file est l’impératif d’efficacité : dans tous les domaines d’action concernés, la compétence est partagée entre plusieurs niveaux de décision ; il est donc indispensable qu’un des niveaux concernés détienne, outre sa compétence « de fond » antérieure, une responsabilité : celle de l’exercice harmonieux des compétences de chacun à travers une meilleure coopération.

Les travaux du Sénat ont supprimé la clause générale de compétence des départements et des communes qui figurait dans l’article 2 du projet de loi initial, mais ont maintenu la notion de « collectivités chef de file », en en modifiant substantiellement le contenu, notamment pour les régions :

Le « chef de filât » des régions inclut, dans le texte adopté par le Sénat, le développement durable du territoire, la biodiversité, la transition énergétique, et la « complémentarité entre les modes de transports ». Le Sénat a donc affirmé l’existence d’une « vocation » de la région à être l’échelon clé des politiques de développement durable. L’obligation pour la région d’établir un Agenda 21 régional tel que défini au IV de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, également ajoutée par le Sénat, conforte cette affirmation.

Pourquoi le Sénat a-t-il, dans le domaine des transports, chargé la région de la responsabilité de coordonner les compétences locales en matière de « complémentarité entre les modes de transports » et pas, plus largement, en matière d’organisation des transports ? L’organisation des transports est actuellement une compétence transversale, éclatée entre plusieurs acteurs : les régions sont compétentes pour l'organisation des transports ferroviaires et des services de transports publics d'intérêt régional, les départements pour les transports scolaires et interurbains, et le bloc communal pour les transports urbains (voir encadré page suivante). La commission des lois du Sénat a considéré que le dispositif actuel est globalement satisfaisant et que seule la coordination visant à renforcer l’intermodalité doit être améliorée.

Votre Rapporteur pour avis a estimé que la formulation retenue par le Sénat était trop restrictive. À son initiative, la commission a adopté un amendement pour inclure dans le rôle de chef de file des régions l’organisation des modes de transport, leur complémentarité et l’intermodalité.

II.— UN VOLET « TRANSPORTS » CONSÉQUENT

La question des transports fera l’objet d’un débat à part entière dans le cadre du dernier des trois projets constituant l’ « Acte III de la décentralisation » (articles 1er à 7 du projet de loi, déposé au Sénat, « de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale »). Pour autant, les compétences des collectivités territoriales en matière de transports sont abordées par un nombre significatif de dispositions du présent projet de loi : celles relatives aux compétences des métropoles, celles de l’article 36 du projet de loi initial, et les articles 34 bis, 34 ter et 34 quater introduits par le Sénat. Enfin, la situation spécifique de l’organisation des transports en Île-de-France fait l’objet de deux articles qui n’ont pas été modifiés par le Sénat.

Principales caractéristiques de la repartition actuelle des compétences entre les collectivites territoriales dans le domaine des transports

(Source : GART)

La Loi d’Orientation des Transports Intérieurs du 30 décembre 1982 (LOTI) a opéré un partage des compétences « Transport » entre 3 échelons territoriaux : les communes ou leurs groupements, le département et la région.

♦ Les transports urbains :

Les transports publics urbains de personnes sont effectués dans les « périmètres de transport urbains » (PTU), qui correspondent au ressort territorial de la commune ou d’un groupement de communes (communauté urbaine, communauté d’agglomération, communauté de communes, syndicat de communes, syndicat mixte).

Dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, les autorités organisatrices des transports urbains (AOTU) doivent élaborer des Plans de Déplacements Urbains (PDU) qui définissent les principes de l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement sur le territoire. La diminution du trafic automobile, la priorité accordée aux transports en commun, le développement de l’intermodalité, la revitalisation de la marche et du vélo sont des objectifs fixés par la loi pour ces Plans.

♦ Au niveau des départements (conseils généraux)

Le département est l’autorité organisatrice des services routiers de transports publics interurbains réalisés principalement à l’extérieur des PTU. La compétence départementale s’étend aux services réguliers, aux services à la demande, à l’exception des liaisons d’intérêt régional ou national, et aux services scolaires.

Le département est également compétent pour des projets d’infrastructures de type ferré ou guidé pouvant utiliser du matériel ferroviaire lourd, à la condition qu’ils ne dépassent pas les limites territoriales du département et qu’ils utilisent des voies autres que celles du réseau ferré national.

Pour bien situer les limites institutionnelles de l’intervention du département, il faut se rappeler qu’elle se situe entre celles de deux autres types de collectivités :

– les régions qui décident de l’intérêt régional ou non des lignes ;

– les autorités urbaines qui, au terme de la LOTI, peuvent décider de leur périmètre d’intervention sous l’autorité du Préfet, après avis du (ou des) conseils généraux concernés.

♦ Au niveau des régions (conseils régionaux)

La région est l’autorité organisatrice du transport collectif d’intérêt régional. Elle décide, sur l’ensemble de son ressort territorial, du contenu du service public de transport régional de voyageurs et notamment les dessertes, la qualité du service et l’information de l’usager, selon un « schéma régional des infrastructures et des transports » (dans le respect des compétences des départements, des communes et de leurs groupements et de la cohérence et de l’unicité du système ferroviaire dont l’État est le garant). Les régions exercent également leurs compétences en matière de tarification dans le respect des principes du système tarifaire national.

Par rapport au dispositif de la loi du 16 décembre 2010 qui a créé le statut de métropole, le projet de loi n’apporte guère de modifications aux attributions des métropoles de droit commun en matière de transport.

Dans ce domaine, la loi de 2010 prévoit le transfert obligatoire à la métropole des compétences des communes pour : la création, l’aménagement et la gestion des zones portuaires ou aéroportuaires, l’organisation des transports urbains, la création, l’aménagement et l’entretien de la voirie, la signalisation, les parcs de stationnement, les plans de déplacement urbains (PDU). S’agissant des compétences départementales, la loi de 2010 transfère à la métropole les transports scolaires et la gestion du domaine routier départemental.

Le projet de loi tel qu’adopté par le Sénat ne modifie qu’un seul de ces transferts obligatoires (substitution de l’organisation de « la mobilité » à celle des « transports urbains », ce qui transforme la métropole en « autorité organisatrice de la mobilité urbaine » ou AOMU), mais y ajoute :

– le transfert obligatoire de la compétence communale de création et d’entretien des infrastructures de charge nécessaires à l’usage de véhicules électriques ou hybrides rechargeables ;

– et le rôle de chef de file dans la gouvernance pour l’aménagement des gares d’intérêt national situées sur le territoire métropolitain. Cette disposition a été introduite lors de l’examen du texte en séance.

Les articles 34 bis, 34 ter et 34 quater ont été introduits suite à l’adoption par le Sénat d’amendements présentés par M. Roland Ries, qui visaient à insérer, dans ce premier des trois textes formant l’« Acte III de la décentralisation », trois articles du dernier de ces trois textes : le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale (articles 12, 13 et 14).

Les sénateurs ont fait valoir l’utilité d’introduire dès à présent la définition de l’« autorité organisatrice de la mobilité urbaine » (AOMU), sans attendre l’examen du troisième projet de loi, puisque le projet de loi en cours de discussion attribue aux métropoles le statut d’AOMU. Il est à noter que l’article 15 du projet de loi vise, dans la même logique, à étendre les compétences du Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF) aux modes de mobilité durable : covoiturage, autopartage, location de bicyclettes… Le STIF deviendra donc également une AOMU.

Les articles 34 bis et 34 ter transforment les actuelles AOTU (autorités organisatrices de transports urbains) en AOMU, en leur donnant des outils juridiques pour développer les usages partagés de l’automobile (autopartage et covoiturage) et pour mettre en place, en cas de carence de l’offre privée, un service public de location de vélos.

La définition en vigueur de l’autopartage, issue du I. de l’article 54 de la loi « Grenelle 2 » (4), ne peut s’appliquer qu’à une flotte de véhicules et à des utilisateurs abonnés : l’article 34 ter du projet de loi assouplit donc cette définition pour intégrer les situations d’autopartage entre particuliers (et l’article 34 quater abroge le I. de l’article 54 de la loi « Grenelle 2 »). Ainsi, l’autopartage est « la mise en commun d’un véhicule ou d’une flotte de véhicules de transport terrestre à moteur au profit d’utilisateurs abonnés ou habilités par l’organisme ou la personne gestionnaire des véhicules. Chaque abonné ou utilisateur habilité peut accéder à un véhicule sans conducteur pour le trajet de son choix et pour une durée limitée. »

Les AOMU peuvent délivrer un label « autopartage » aux véhicules affectés à cette activité, et peuvent, en cas de carence de l’offre privée, créer un service public d’autopartage. Elles peuvent aussi attribuer des places de stationnement réservées aux véhicules porteurs du label.

De même, s’agissant du covoiturage, l’article 34 ter :

– apporte une définition de cette activité (« utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs passagers majeurs pour un trajet commun »),

– donne aux AOMU, en cas de carence de l’offre privée, compétence pour mettre à la disposition du public des plateformes dématérialisées d’appariement,

– et leur donne la possibilité de réserver des places de stationnement pour les véhicules utilisés dans le cadre d’un covoiturage, avec création d’un signe distinctif.

L’article 36 du projet de loi, non modifié par la commission des lois du Sénat et amendé marginalement en séance, opère deux évolutions en matière de police de la circulation et du stationnement, conformément à l’un des objectifs généraux du projet de loi qui est l’approfondissement de l’intégration intercommunale. La première évolution concerne les pouvoirs de police sur les voies communales et intercommunales pouvant être transférés par les maires aux présidents d’EPCI, pour que ces compétences portent non seulement sur la voirie à l’intérieur des agglomérations mais également sur la circulation hors agglomérations. La seconde est celle qui concerne les taxis :

Aujourd’hui les maires sont compétents pour attribuer les autorisations de stationnement des taxis, en vertu de leur pouvoir de police générale (à Paris c’est le préfet de police qui a cette compétence ; et sur l’ensemble du territoire, une compétence est attribuée aux préfets en matière d’autorisation de stationnement des taxis dans les emprises des aéroports). Ce pouvoir des maires s’exerce après avis de la « commission des taxis et des voitures de petite remise », qui a une valeur consultative. La commission, composée en nombre égal de représentants de l’administration, de représentants de la profession et de représentants des usagers, est départementale pour les communes de moins de 20 000 habitants et présidée par le préfet ; elle est communale et présidée par le maire pour les communes de plus de 20 000 habitants.

Le Conseil d’État a précisé dans une décision du 27 juin 2007 que les éléments déterminants pour la délivrance de ces autorisations sont les besoins de la population, les conditions générales de circulation et les équilibres économiques de la profession.

Le taxi titulaire d’une autorisation doit, lorsqu’il est en attente de clientèle, stationner dans sa commune de rattachement ou dans une commune faisant partie d’un service commun de taxi dont sa commune de rattachement est membre.

Dans l’étude d’impact du projet de loi, le Gouvernement fait valoir que dans les faits, en particulier en milieu rural, il est parfois difficile d’apprécier les besoins réels de la population en se plaçant au seul niveau communal. C’est pourquoi il a proposé de confier la délivrance des autorisations à l’échelon intercommunal, pour qu’elle se base sur une vision plus globale de l’offre et de la demande à l’échelle d’un territoire économiquement plus cohérent.

L’article 36 crée donc une police spéciale de la délivrance des autorisations de stationnement aux exploitants de taxis, et organise son transfert automatique aux présidents d’EPCI à fiscalité propre compétents en matière de voirie – automatique à moins qu’un ou plusieurs maires ne s’opposent au transfert de ce pouvoir (dans les six mois suivant la publication de la loi). En conséquence de ce transfert, le taxi titulaire d’une autorisation « intercommunale » verra son obligation de stationnement étendue au périmètre de l’EPCI. S’agissant de Lyon, l’article 20 du projet de loi prévoit logiquement que c’est au président du conseil de la métropole que ce pouvoir de police spéciale est transféré.

Les quatre fédérations professionnelles entendues par votre Rapporteur pour avis n’ont pas exprimé d’opposition sur le principe de ce transfert, relevant que le dispositif actuel permet aux maires de délivrer des autorisations sans que les critères jurisprudentiels soient toujours respectés. Même si un transfert du maire au préfet aurait eu leur préférence, la solution intercommunale constitue une solution intermédiaire.

Les commissions consultatives existantes ne voient pas leur existence ni leur rôle consultatif remis en cause. Certes, il aurait pu être envisagé de réunir une commission consultative « à l’échelle » de chaque EPCI à fiscalité propre compétent en matière de voirie – votre Rapporteur pour avis a présenté un amendement en ce sens. Et sans remettre en cause le caractère individuel de la prise de décision – comme toute autorité chargée d’un pouvoir de police spéciale, il reviendra au seul président de l’EPCI de délivrer les autorisations -, votre Rapporteur pour avis a proposé que le président informe l’organe délibérant de l’EPCI lors de la réunion suivante de celui-ci, permettant ainsi aux autres maires du périmètre de prendre connaissance, et éventuellement de débattre, des décisions prises pour délivrer ou retirer des autorisations. Ces deux amendements ont été adoptés par la commission du développement durable.

Par rapport au dispositif de droit commun en matière de transports fixé par la LOTI (voir encadré plus haut), l’Île-de-France constitue un cas particulier.

En Île-de-France, l’organisation des transports réguliers de voyageurs est confiée à une structure spécifique, le Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF). Depuis le 1er juillet 2005, cet établissement public n’est plus contrôlé par l’État. Son conseil d’administration est en effet désormais composé des seuls représentants des collectivités territoriales (région, départements et ville de Paris). Ce syndicat est présidé par le président du conseil régional.

Le STIF est notamment compétent pour fixer les relations à desservir, pour désigner les exploitants, définir les modalités techniques d’exécution des services, créer les conditions générales d’exploitation et de financement des services, veiller à la cohérence des programmes d’investissements, fixer la politique tarifaire. Il est aussi responsable de l’organisation et du fonctionnement des transports scolaires et peut organiser des services de transport à la demande.

La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris a créé un nouvel acteur : la Société du Grand Paris. Cet établissement public est chargé de concevoir et réaliser le réseau d’infrastructures de transports en commun « Grand Paris Express ». La loi précise que la SGP exerce la maîtrise d’ouvrage des opérations d’investissement relatives à la réalisation de ce réseau (y compris des gares). Mais le dispositif des maîtrises d’ouvrage est en réalité très complexe, puisque d’autres acteurs comme la SNCF, RFF, la RATP et le STIF ont également un rôle à jouer dans la construction des lignes et la rénovation – qui ne fait pas partie du projet Grand Paris Express mais qui a lieu simultanément – de lignes existantes.

En particulier, l’article L. 1241-4 du code des transports prévoit que le STIF peut assurer la maîtrise d’ouvrage de projets d’infrastructures nouvelles. Elle est ainsi amenée, par exemple, à exercer conjointement avec la RATP la maîtrise d’ouvrage du prolongement d’une ligne de métro existante (ligne 14) et aussi un tronçon du futur métro en rocade (tronçon nord-est et est de la ligne 15).

Le projet du Grand Paris a été conçu à l’origine de façon très indépendante du réseau existant géré par le STIF, même si la loi du 3 juin 2010 prévoit expressément que le futur réseau devra être interconnecté avec le réseau existant. L’impératif de coordination fort entre le STIF et la SGP n’était pas suffisamment posé et explicité dans la loi.

L’article 16 du projet de loi prévoit que les missions du STIF en matière de cohérence des programmes d’investissements ou de conduite des investissements nouveaux ne s’exercent pas seulement dans le respect des compétences de RFF ou de la RATP, mais également dans la limite des compétences de la SGP. Cette précision est bienvenue, pour une meilleure articulation des activités du STIF et de la SGP.

De même, l’association plus systématique du STIF aux procédures menées par la SGP, prévue par l’article 17 du projet de loi et qui correspond à une demande du STIF, est utile. Il s’agit notamment de rendre nécessaire l’assentiment du STIF sur les acquisitions de matériels roulants par la SGP, puisque c’est le STIF qui en deviendra propriétaire lorsque le futur réseau fonctionnera.

III.— L’ENVIRONNEMENT

À l’exception des transports, avec la démarche de promotion de la « mobilité durable » exposée plus haut, les préoccupations environnementales ne sont guère présentes dans ce projet de loi. Elles trouvent leur place dans le Titre II du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, le troisième texte constitutif de l’Acte III de la décentralisation.

Toutefois, les travaux du Sénat ont conduit à l’intégration dans le premier des textes examinés de dispositions relatives à la gestion des milieux aquatiques, au traitement des déchets et aux questions énergétiques – et au retrait de la dimension « qualité de l’air » dans l’article 3 relatif aux collectivités chef de file.

La commune et l’échelon intercommunal ne sont plus, à l’issue des travaux du Sénat, le chef de file pour « l’amélioration de la qualité de l’air et la mobilité durable ». Votre Rapporteur considère qu’effectivement ni l’échelon communal, ni l’échelon intercommunal ne sont pertinents pour coordonner la lutte contre la pollution de l’air – expression qui est d’ailleurs préférable à celle de « qualité de l’air » puisque celle-ci désigne l’objectif à atteindre et non pas l’ensemble des actions visant cet objectif.

Dans la même logique que celle consistant à transférer un pouvoir de police spéciale (relatif aux taxis) des maires vers le président d’un EPCI lorsque celui-ci a une compétence dans le même domaine (en l’espèce, la voirie), le projet de loi prévoit le transfert des pouvoirs de police en matière d’assainissement et de déchets actuellement détenus par les maires, au niveau intercommunal lorsqu’un EPCI est doté de la compétence en ces matières.

Le projet de loi initial dotait les métropoles de la compétence de gestion des milieux aquatiques. Le Sénat a supprimé cette compétence, mais l’a conférée aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération (article 35 B). Votre Rapporteur pour avis a présenté à la commission, qui l’a adopté, un amendement rétablissant dans le droit commun des métropoles (à l’article 31) cette compétence : il est en effet peu cohérent de la confier à ces intercommunalités tout en la refusant aux métropoles.

Enfin, la commission du développement durable a souhaité expurger du projet de loi les références à la transition énergétique, pour l’organisation de laquelle le Sénat donnait compétence aux métropoles. Il est apparu à la commission, comme à votre Rapporteur pour avis, qu’il était délicat d’inscrire dans les attributions métropolitaines le pilotage d’un processus encore indéfini, dont le périmètre ne sera délimité par le Parlement que dans les mois à venir. Le choix a donc été fait de se référer à des instruments juridiques déjà identifiés, tel le plan climat énergie. En revanche, un amendement de M. Denis Baupin permettant la constitution des collectivités territoriales en autorités organisatrices de l’énergie a été adopté.

La sollicitation d’un rapport gouvernemental sur l’opportunité juridique et politique d’une généralisation du modèle des entreprises locales de distribution, émanant du président Jean-Paul Chanteguet, a également été approuvée par la commission afin de lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de loi de transition énergétique, lorsque celui-ci lui sera présenté.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, MINISTRE DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT, DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DANS LA RÉFORME DE LA DÉCENTRALISATION

Lors de sa réunion du mercredi 24 avril 2013, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les dispositions relatives à la transition écologique dans la réforme de la décentralisation.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, d’avoir bien voulu répondre à notre invitation. Depuis quelques semaines, nous souhaitions évoquer avec elle différents sujets tels que la réforme de l’État ou la décentralisation. Dans ce dernier domaine, trois projets de loi ont récemment été présentés en conseil des ministres : le premier concerne les métropoles, le deuxième les régions et l’égalité des territoires, le troisième la solidarité territoriale.

La Commission du développement durable est évidemment concernée par les dispositions contenues dans ces trois textes. La transition écologique dans les territoires, en particulier, représente pour nous un sujet important de préoccupation, qui touche aux transports, à la biodiversité, au climat et à l’énergie. Mais c’est aussi parce que l’aménagement du territoire fait partie des compétences de notre Commission que « l’acte III de la décentralisation » nous intéresse.

Je vous laisse la parole, madame la ministre, avant de la donner aux porte-parole des groupes et aux parlementaires qui souhaiteront vous interroger.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. La question de la décentralisation touche en fait à tous les domaines compris dans mon portefeuille ministériel, d’abord parce que, à nos yeux, elle est un des moyens de moderniser l’action publique, et ensuite parce qu’elle a des incidences sur les trois fonctions publiques, nationale, territoriale et hospitalière. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé en amont avec les syndicats.

Au départ, nous avions prévu un texte unique d’environ 80 articles, qui permettait de revoir la distribution des compétences entre les différentes collectivités à la lumière de trente ans de décentralisation. Ce contenu s’est ensuite alourdi à la suite d’échanges interministériels relatifs aux volets de la formation professionnelle ou des transports, et dans la mesure où, pour être transférée ou déléguée, une compétence doit avoir été au préalable décrite avec précision. Le 10 avril, le Premier ministre a donc finalement pris la décision de présenter le texte en trois parties.

Les dernières lois de décentralisation sont relativement récentes : l’une a été adoptée en 2004, l’autre en 2010. Je ne voulais donc pas proposer au Parlement un nouveau projet de réforme en courant le risque de devoir y revenir trois ou quatre ans plus tard. En effet, chaque nouvelle loi de décentralisation, chaque changement dans l’attribution des compétences entraîne, pour les collectivités territoriales, non seulement une charge importante, mais aussi des perturbations pouvant durer un ou deux ans, car elles ont tendance, pendant la préparation du projet, à réduire certaines de leurs activités dans l’attente de connaître plus précisément les dispositions qui les régiront. Or le redressement du pays, dans un contexte marqué par les difficultés économiques, passe par celui de tous ses territoires. Il est donc essentiel d’adopter rapidement ces trois projets de loi, sans avoir besoin de proposer une loi similaire dans quelques années. C’est pour cette raison que nous avons voulu faire confiance aux élus.

Cette confiance paraît d’autant plus nécessaire que les élus ont mal vécu les couvertures de magazines dénonçant le gaspillage de l’argent public qui résulterait de leur prétendu laxisme ou de leur nombre trop élevé.

Mais surtout, l’évaluation des politiques publiques – notamment en matière d’enseignement – montre qu’elles sont plutôt bien gérées par les élus locaux. Et dans la mesure où nous étions nombreux à vouloir rétablir la clause de compétence générale pour les départements et les régions, il était important de faire confiance aux élus pour répartir, non la charge des compétences, mais leur gouvernance. La clause de compétence générale fait donc partie des premiers points abordés par cette réforme, avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, qu’il convenait de réaffirmer, et la reconnaissance de la diversité des territoires français.

Les territoires ne sont en effet pas de même nature : certains comprennent de très grandes villes, voire des « métropoles » ; d’autres sont situés en montagne ou sur le littoral. Il paraît donc difficile – et je le pense depuis longtemps – d’imposer partout la même gestion des compétences.

Pour cette raison, nous proposons que dans chaque région de France, une conférence territoriale réunisse autour d’une « même table » les présidents de l’exécutif régional, des exécutifs des départements et des agglomérations, et des représentants de communautés de communes rurales. Certains craignent que des conflits ne surviennent à cette occasion, mais un élu est, par essence, quelqu’un de raisonnable… (Sourires)

J’ai lu quelque part que l’on me trouvait trop bretonne, c’est-à-dire trop régionaliste. Il est vrai que je crois aux régions, mais je crois aussi à la force de l’État. Pour que la décentralisation fonctionne bien, il faut que l’État soit présent, et qu’il soit fort, car il est le garant de l’accès aux services et de l’égalité entre territoires. C’est une première raison de prévoir qu’il soit représenté à ces conférences.

La deuxième raison est que nous reconnaissons aux collectivités le droit de réclamer l’exercice de certaines compétences particulières : je cite toujours l’exemple de la gestion de l’eau, mais on pourrait également penser à des actions relevant de l’innovation technologique, de l’enseignement supérieur ou de la recherche. Or la délégation d’une compétence implique d’en analyser le contenu, d’évaluer les moyens à transférer et de définir les conditions d’une évaluation de la politique publique déléguée – car nous souhaitons que de telles évaluations soient également menées dans les territoires. Seul l’État est en mesure de faire tout cela, mais aussi de communiquer à l’exécutif souhaitant obtenir une délégation spécifique de compétence les éléments qui lui permettront d’éclairer ses choix.

C’est à dessein que je parle de délégation et non d’expérimentation, ce dernier mot prenant dans notre loi fondamentale un sens très particulier. En effet, une expérimentation ne dure que cinq ans : après ce délai, soit la compétence est transférée à l’ensemble des collectivités, soit elle est retirée à celles qui l’ont essayée. Au contraire, une délégation de compétence spécifique – liée à la montagne, par exemple – n’a pas, par définition, vocation à être étendue à d’autres territoires, a fortiori quand ils ne sont pas situés en zone montagneuse. Mais une telle délégation peut également correspondre à une demande des élus : ceux de Bretagne, en raison de la configuration géologique propre à la région, demandent ainsi depuis longtemps à exercer des compétences en matière de gestion de l’eau, tandis que d’autres conseils régionaux ne réclament rien de tel.

C’est donc bien l’expression « délégation de compétences » qui figure dès l’exposé des motifs du projet de loi, à côté de la notion de « conférence territoriale de l’action publique ». Le choix des termes est important : il n’existe, à nos yeux, qu’une action publique dans notre pays, mais celle-ci peut être transférée ou déléguée à la demande d’une collectivité. Il ne s’agit cependant pas d’une décentralisation « à la carte » : cette expression malheureuse, employée par des journalistes, a fait peur à nos fonctionnaires.

L’objectif de la conférence territoriale est de définir, dans le cadre d’un « pacte de gouvernance territoriale », des modalités d’organisation adaptées aux territoires. Par exemple, la région, qui se verra naturellement reconnaître un rôle de chef de file en matière de développement économique, peut choisir de conserver dans ses compétences tout ce qui concerne la stratégie économique, les filières, les liens avec OSEO ou les banques, l’aide directe, tout en confiant à un département ou une communauté d’agglomération la gestion de l’immobilier d’entreprise. Le conseil régional est en effet une administration de mission plutôt que de gestion. Mais un tel transfert doit faire l’objet d’un écrit signé par les parties et décrivant précisément la compétence concernée.

C’est ainsi, à mon avis, que nous devons progresser. Le monde change ; les technologies changent.

M. Martial Saddier. Les règles également changent souvent !

Mme la ministre. Le risque est donc grand que le contenu d’une compétence évolue trop vite. Le jour où les élèves se rendront à l’école en hélicoptère fonctionnant à l’énergie solaire, le transport scolaire ne sera plus de la même nature, et il sera peut-être préférable qu’une autre catégorie de collectivité en assume la gestion ! (Sourires) Pour éviter que le Parlement ne soit contraint, à chaque fois que le monde bouge, d’adopter une nouvelle répartition des compétences territoriales, il convient d’inciter les exécutifs locaux à se réunir régulièrement, dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique, afin de s’adapter à chaque nouvelle donne et d’améliorer continuellement la gouvernance des compétences.

Un autre point important du texte est la réaffirmation de l’existence de « chefs de file » pour l’exercice de certaines catégories de compétences. D’aucuns auraient voulu que soient définies des compétences exclusives, mais nous avons fait le choix de consacrer une notion déjà présente dans le droit positif, tout en laissant la possibilité d’en négocier les contours dans le cadre de la conférence territoriale.

J’en viens au titre II du premier projet de loi, qui tire les conséquences de la reconnaissance du fait urbain. Lors des débats qui ont précédé le vote de la loi du 16 décembre 2010, nous étions déjà préoccupés par le phénomène de métropolisation. La stratégie de Lisbonne consistait à donner le maximum de compétences aux métropoles avant de les mettre en concurrence en espérant que tout irait bien. Ce n’est pas notre choix : selon nous, la métropole doit être liée à la région pour l’exercice de compétences telles que le développement économique, la recherche ou l’enseignement supérieur, mais aussi aux réseaux de ville, car les réseaux de ville et le polycentrisme sont des traits propres à la France, qui font sa force et que nous devons veiller à conserver.

Nous avons ainsi prévu un statut particulier pour Paris, Lyon et Marseille, dans la droite ligne de la loi dite « PLM ». À Paris – où, on l’oublie souvent, la commune et le conseil général sont gérés par la même équipe –, nous avons voulu pallier l’absence de schéma de coopération intercommunale dans certains départements. Rappelons en effet qu’une loi votée par l’ancienne majorité a imposé la réécriture des schémas intercommunaux sur tout le territoire français, à l’exception de la couronne située autour de la zone dense parisienne. Ce choix, justifié par toutes sortes de raisons, sans doute légitimes, n’en représente pas moins une erreur, notamment parce qu’il ne permet pas, lorsque des communes s’associent entre elles, de compenser le déséquilibre entre les plus riches et les plus pauvres. Un tel schéma devra donc être élaboré sous l’autorité du préfet de région et des préfets de département, selon la procédure déjà suivie dans les autres territoires, et en s’appuyant notamment sur les contrats de développement territoriaux développés autour des gares par de nombreuses communes franciliennes.

N’oublions pas, en effet, que les deux problèmes les plus importants auxquels la région parisienne doit faire face sont la gestion du logement et celle des transports. En ce qui concerne le second point, je ne reviens pas sur les outils déjà disponibles, tels que Grand Paris Express. Le texte précise les compétences des collectivités d’Île-de-France en matière de transport, pour permettre d’avancer plus vite sur les projets en cours.

Sur le premier point, ce projet de loi propose d’aller un peu plus loin en instituant un schéma et une autorité opérationnels pour le logement dans la zone dense correspondant au périmètre de Paris Métropole. D’autre part, pour répondre aux inquiétudes des élus de la troisième couronne, qui craignent une extension de la spéculation foncière jusqu’à leur territoire, nous avons également prévu un schéma régional de l’habitat.

À Lyon, nous avions envisagé de créer une métropole dite « européenne » dotée de conseils de territoire, quand le président du conseil général et celui de la communauté d’agglomération ont proposé de fusionner une partie des compétences du département avec celles de la nouvelle entité urbaine. Nous n’avons pas refusé, si bien que le projet de loi tient compte de ce projet. Cependant, la fusion ne sera pas complète puisqu’elle laissera de côté la partie rurale du département, qui compte 440 000 habitants. Comme tous les départements de France, celle-ci aura toutefois la possibilité de s’associer avec d’autres collectivités.

Quant aux conseils de territoire, que l’on retrouvera également dans l’aire métropolitaine Aix-Marseille-Provence, ils sont l’application de la notion d’aménagement de proximité. Un conseil métropolitain, quelle que soit son efficacité, ne peut pas gérer la proximité, c’est-à-dire le trottoir, le rond-point, le feu de signalisation, l’accès à l’école maternelle. Il devra donc confier à des conseils de territoire, regroupant plusieurs communes, la mise en œuvre des politiques relatives à la circulation de proximité et au petit aménagement, par opposition aux grosses infrastructures, au développement économique, au logement, au transport et à l’environnement, qui relèveront de l’entité métropolitaine.

Lorsque nous nous sommes rendus dans la zone Aix-Marseille-Provence, nous avons été frappés par le fait que, malgré les infrastructures qui font sa force – le terminal pétrolier de Fos, le port autonome de Marseille, l’aéroport international, ITER –, et qui résultent d’investissements extrêmement lourds de la part de l’État, le territoire, qui comprend six intercommunalités et dix autorités organisatrices des transports, souffre d’une embolie.

Par exemple, alors que les universités de Marseille et d’Aix ont réussi leur rapprochement, en parvenant à réaliser une quasi-fusion – ce qui a amené l’État à leur attribuer des crédits dans le cadre du nouveau plan Campus –, il est très malaisé pour les étudiants de se rendre rapidement d’une ville à l’autre, d’autant qu’il n’existe qu’une seule voie ferrée, si bien que les trains ne peuvent pas se croiser. On finit par retrouver les étudiants marseillais à Lyon, où il leur est plus facile de se rendre !

De même, de nombreux chefs d’entreprise nous ont fait remarquer que leurs salariés ne pouvaient plus arriver à l’heure au travail. Pour un habitant d’Aubagne par exemple, il est devenu infernal de se rendre au pôle de compétitivité Pégase. Certaines entreprises en sont ainsi venues à créer leur propre organisation de transport privée pour faire venir leurs salariés.

C’est à la suite de ce constat que le Premier ministre a décidé de proposer une fusion des différentes intercommunalités afin d’améliorer la gestion d’une métropole riche de potentialités mais qui n’est pas, aujourd’hui, au mieux de sa forme. Pour avoir conduit de nombreuses réunions sur place, et rencontré de nombreux maires préférant conserver la situation actuelle, je sais qu’un tel projet est difficile à mettre en œuvre. Mais au nom de l’intérêt général, il me paraît nécessaire de le proposer au Parlement.

Comme à Lyon, la future organisation serait divisée en conseils de territoire, recouvrant l’aire des anciennes intercommunalités, ce qui permettra aux maires de travailler sur l’aménagement du territoire de proximité. La métropole, de son côté, aurait la charge du dossier transports, et notamment des déplacements entre domicile, travail et lieux de service. Dans cette zone où tout le monde circule en voiture, les services de transport en commun fonctionnent bien à l’intérieur de chaque intercommunalité, mais pas d’une intercommunalité à l’autre. La population comme les entrepreneurs auraient donc tout à gagner d’une réorganisation de l’aire métropolitaine. Parmi les seconds, certains menacent de partir vers Rotterdam, à cause des difficultés de circulation ; d’autres voient leurs projets bloqués, ou sont découragés de devoir s’adresser à trois intercommunalités différentes.

Certes, la métropole sera difficile à mettre en place, mais c’est bien dans de telles situations qu’il faut faire preuve de courage.

Il est en outre essentiel de faire de cette zone une porte ouverte sur le bassin méditerranéen. Dans ce domaine, on ne peut pas continuer à « bricoler », même si des résultats ont été obtenus. La grande route méditerranéenne, aujourd’hui, c’est celle qui relie Valence à Lyon en passant par Barcelone et Montpellier. Le terminal pétrolier de Fos a encore perdu un marché au profit de Trieste : nous ne pouvons pas continuer ainsi. J’ai reçu à Marseille les 42 présidents des parlements de l’Union pour la Méditerranée : tous sont favorables à l’idée d’installer de grandes portes entre le nord de l’Europe, le bassin méditerranéen et l’Afrique. Faire de Marseille l’une de ces portes permettrait de conjuguer l’intérêt des populations locales avec l’intérêt général.

Le chapitre IV du projet de loi, consacré aux métropoles françaises autres que Paris, Lyon et Marseille, est la partie du texte qui a fait l’objet des discussions les plus vives. Demander à toutes les métropoles situées dans une aire urbaine de plus de 500 000 habitants de partager avec la région des compétences en matière de développement économique, d’enseignement supérieur, de recherche, de logement des étudiants, cela fait débat. Les régions, en tant que chefs de file dans cette catégorie de compétences, seront, comme auparavant, chargées des schémas régionaux de développement économique, mais elles devront aussi intégrer les schémas des grandes aires urbaines. Aujourd’hui, les deux types de schémas ne sont pas en adéquation : une rationalisation est donc nécessaire.

Bien que la formation professionnelle et l’apprentissage fassent partie des compétences des régions, la taxe d’apprentissage restera collectée au niveau national. Les représentants des entrepreneurs de France ne veulent pas, en effet, d’une multiplication des organismes de collecte. Ils ont raison, car une telle organisation coûterait sans doute beaucoup plus cher qu’un système unique de collecte combiné à une redistribution par péréquation.

Les régions entreront de plain-pied dans les questions touchant à l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation, le transfert de technologies, les centres de ressources, etc., avec toutefois une limite importante : l’enseignement supérieur, en tant que tel, doit rester une compétence régalienne de l’État. Ce n’est que par délégation de ce dernier qu’une région, associée ou non à une ou plusieurs métropoles, pourra soutenir un laboratoire de recherche, un incubateur ou un centre de transfert de technologies.

Le rôle de la région est également accentué dans le domaine des transports. L’objectif est d’éviter les doublons – par exemple entre un réseau de train express régional et un réseau départemental d’autocars –, et d’améliorer la cohérence entre différents horaires ou modes de transports, entre gares urbaines et gares de TER, etc. L’idée est bien sûr de développer le plus possible les transports en commun – on le sait, dans certaines régions, la fréquentation des TER a déjà connu des augmentations à deux chiffres –, mais aussi de favoriser le fret ferroviaire et toutes les initiatives susceptibles d’avoir pour effet une réduction du nombre de camions sur nos routes et autoroutes.

Beaucoup reste à faire, également, s’agissant du développement des plateformes intermodales : si entre les routes et les « autoroutes de la mer », les choses fonctionnent à peu près, nous sommes loin du compte pour les plateformes rail/route. À l’heure où certains pays, imitant l’exemple de la Suisse, se préparent à interdire le passage de camions sur leur territoire, nous devons améliorer le fret non routier à destination de marchés d’intérêt européen comme la zone de Francfort, car aujourd’hui, seuls les services de transport par camions parviennent à tenir les délais. Un schéma régional devra donc prendre en compte tous les aspects de l’intermodalité, depuis les aires de covoiturage jusqu’aux installations frigorifiques de pointe.

D’une manière générale, nous estimons que la question des transports a été un peu trop laissée à l’arrière-plan au cours de ces dernières années – sans même parler des aéroports.

J’en viens à l’énergie. Dans ce domaine, le problème est de concilier l’apparition de nouvelles technologies permettant la production locale d’énergie renouvelable, comme l’énergie éolienne ou hydrolienne, avec la situation actuelle du pays, caractérisée par une production d’électricité à l’échelle nationale. Sans aller jusqu’à leur donner, comme certains le réclamaient, la possibilité de produire toutes les formes d’énergie, nous avons prévu de permettre aux régions, associées ou non à des agglomérations dans le cadre du pacte de gouvernance, de produire de l’énergie renouvelable ou d’en expérimenter la production.

L’idée est de prolonger jusqu’au bout les initiatives lancées par l’ancienne majorité pour améliorer l’approvisionnement en énergie – comme celle qui a donné lieu au Pacte électrique breton – en faisant de la région, non l’acteur unique, mais le chef de file en matière de développement des énergies renouvelables. Il ne faut pas, en effet, mettre un terme aux aides à l’expérimentation déjà lancée par certaines communautés d’agglomération, parfois de taille modeste.

Quant aux actions relevant de la transition énergétique, c’est-à-dire visant à réduire la consommation d’énergie, notamment par l’isolation des bâtiments publics et privés, elles ont été, après de longues discussions, confiées aux intercommunalités, désignées chefs de file, car c’est à cette échelle que l’on débat des questions d’urbanisme. Cependant, les régions qui le souhaitent pourront, dans le cadre du pacte de gouvernance territoriale, participer à des expérimentations en matière de transition énergétique et écologique, telles que la création d’écolotissements. Mais on peut imaginer aussi que le débat national sur la transition énergétique, animé par ma collègue Delphine Batho, conduira à amender cette organisation.

Le projet de loi aborde également la question de la gestion des milieux aquatiques, car cette compétence n’était jusqu’à présent attribuée à aucune collectivité en particulier, en dépit des nombreuses dispositions sur le sujet déjà incluses dans le droit positif. Il s’agit pourtant d’un domaine très vaste, comprenant l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation, la protection des captages, la gestion des nappes phréatiques et des zones humides, etc. Là encore, nous avons privilégié la notion de chef de file, jugeant que toutes les régions, en raison de leurs différences, n’agiraient pas de la même façon en ce domaine. Les intercommunalités auront toutefois la possibilité d’exercer cette compétence dans le cadre du plan local d’urbanisme intercommunal.

Le texte remet également à l’ordre du jour les établissements publics fonciers régionaux, qui deviennent obligatoires, afin de répondre à la menace qui pèse sur notre indépendance alimentaire. Notre urbanisme est en effet marqué par l’extension continue des villes, des bourgs, des villages : si l’on fait la somme de tous les mètres carrés sur lesquels les plans locaux d’urbanisme autorisent à construire, il serait possible de loger l’équivalent de deux fois la population française ! De plus en plus de terres agricoles sont sacrifiées, ce qui pose un gros problème, les mètres carrés agricoles étant aussi précieux que les mètres carrés urbains ou portuaires, par exemple.

Pour assurer notre sécurité alimentaire, nous aurons besoin, en 2050, de 0,8 hectare par habitant, contre 0,5 hectare aujourd’hui. Dès 2030, on peut s’attendre à des problèmes d’approvisionnement en protéines végétales destinées à être transformées en protéines animales. Certains pourront juger qu’il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle, mais il n’en demeure pas moins que si nous voulons préserver notre indépendance alimentaire et contribuer à celle de l’Europe, nous devons protéger nos terres agricoles.

Les établissements publics fonciers régionaux aideront les communes à récupérer des friches dans les bourgs et villages – anciens commerces, presbytères – comme dans les villes, petites ou grandes. Il faut limiter la création de lotissements au profit de la réhabilitation des centres bourgs, et en finir avec cette urbanisation folle qui entraîne la juxtaposition de bourgs vides, dont les volets sont clos et les façades en ruine, et de lotissements dans lesquels la vie est rythmée par d’incessants allers et retours entre domicile et lieu de travail ou d’étude.

C’est pour répondre à cette exigence de réappropriation de l’espace que nous souhaitons généraliser le plan local d’urbanisme intercommunal, la délivrance des permis de construire restant de la compétence du maire. Je sais que les élus locaux sont réticents – c’est d’ailleurs l’un des points du projet qui, lors de mes déplacements dans les territoires, ont suscité les débats les plus vifs. Il est en effet aussi difficile et coûteux d’élaborer un plan local d’urbanisme (PLU) que de dessiner un schéma de cohérence territoriale (ScoT) : dans les deux cas, la collectivité ne dispose pas nécessairement de l’ingénierie adéquate et doit faire appel à un des nombreux bureaux d’études qui fleurissent dans notre pays.

Une première réponse réside dans la simplification. Nous avons d’ailleurs demandé à Cécile Duflot de faire des propositions dans ce domaine, notamment pour ce qui concerne les permis de construire, car notre pays connaît un record de contentieux sur les opérations d’urbanisme, quelle qu’en soit la nature. Mais nous avons aussi un vrai travail à accomplir sur les PLU et les SCoT.

S’agissant du PLU intercommunal, je suis donc consciente de l’hostilité des maires, mais j’espère qu’au fil des discussions, et avec le témoignage des collectivités dans lesquelles ce système fonctionne bien, elle pourra finalement être surmontée.

D’une manière générale, le texte consacre la montée en puissance des intercommunalités par rapport aux communes. Une telle évolution peut être inquiétante pour les maires, mais elle me paraît indispensable. Quand une commune ne compte qu’une centaine d’habitants, elle ne peut pas assumer les frais de fonctionnement d’une école, ni d’ailleurs d’aucun autre service. Certaines communes n’ont contracté aucun emprunt, ne supportent aucune dette, parce qu’elles n’offrent aucun service. Je ne pense pas qu’il faille les supprimer, car les Français sont attachés à leur village et revendiquent souvent plus volontiers une identité très locale qu’une identité régionale. Mais les conserver implique nécessairement de renforcer l’intercommunalité.

Il est dès lors logique de renforcer le domaine de compétence intercommunale. J’ai parlé de la transition énergétique et de certaines compétences obligatoires. Leur confier l’assainissement, comme j’ai prévu de le faire, peut être l’objet de discussions : de nombreux maires ont organisé des regroupements beaucoup plus larges que le périmètre de leur intercommunalité pour assurer cette fonction.

Il est en tout cas essentiel de favoriser la mutualisation des services. S’il y a une critique à adresser aux élus locaux, ce n’est pas d’avoir fait preuve de laxisme, de gabegie ou d’incompétence – je récuse ce genre de discours – mais peut-être d’avoir transféré des compétences, et non des services. Il existe d’ailleurs moins d’une dizaine d’intercommunalités intégrées en France, comme Strasbourg, Brest ou Annonay. Pour notre part, nous ne réclamons pas une intégration totale, mais au moins la mutualisation des services, compétence par compétence.

C’est pourquoi, même si le volet financier de la réforme n’est pas inclus dans ce projet de loi – il nous faudra, je crois, deux projets de loi de finances pour le prendre en compte –, il me paraît d’ores et déjà nécessaire de prévoir deux innovations.

La première est la prise en compte de la préservation des mètres carrés protégés dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement, qui devrait être consacrée dans le projet de loi de finances pour 2015. En effet, une commune qui rend une zone inconstructible pour préserver des terres agricoles, un périmètre de captage ou une zone Natura 2000 perd du même coup une ressource, celle que représenterait le produit de la taxe d’habitation correspondant aux maisons qui auraient pu être construites. C’est pourquoi il convient de valoriser, au nom de l’intérêt général, le fait de rendre la terre inconstructible.

Mme Geneviève Gaillard. Absolument !

Mme la ministre. La deuxième est l’instauration d’un coefficient de mutualisation des services pour le calcul de la dotation d’intercommunalité, dans la mesure où nous prenons déjà en compte la pression fiscale et le revenu moyen par habitant. Là encore, la disposition sera effective dans le projet de loi de finances pour 2015. Alors que l’état de nos finances publiques ne nous permet plus de distribuer les carottes comme nous l’avons fait dans le passé, une telle mesure paraît être le seul moyen de favoriser la mutualisation des services sur les compétences déjà transférées.

D’une façon générale, je pense d’ailleurs qu’il faut donner plus d’importance à la péréquation verticale. La péréquation horizontale, c’est l’enfer : il y a une disproportion entre le nombre d’heures de débats qu’elle requiert et le montant des enveloppes redistribuées. Il ne faut donc y recourir que pour assurer la solidarité entre les territoires.

J’en viens aux départements, dont je lis partout qu’il faudrait les supprimer.

M. Martial Saddier. On le dit surtout à votre gauche !

Mme la ministre. M. Jean-François Copé n’a pas rejoint le Parti communiste français, que je sache : il a pourtant très récemment proposé la suppression de cet échelon territorial.

M. Laurent Furst. S’il l’a dit, on le condamne… (Sourires)

Mme la ministre. Dans un entretien publié hier dans Les Échos, François Fillon a d’ailleurs fait de même, allant même jusqu’à préconiser la fusion des communes et des communautés de communes.

La nécessité de supprimer l’échelon départemental, c’est un cliché, véhiculé notamment par la presse. Pour ma part, j’ai voulu éviter tout a priori et vérifier la validité de cette affirmation.

Je constate tout d’abord que des allocations de solidarité aussi essentielles pour la vie du pays que le revenu de solidarité active ou les prestations attribuées aux personnes âgées ou handicapées sont prises en charge, à hauteur de 70 % de leur montant total, par les conseils généraux. Si nous supprimons les départements, nous devons donc nous poser la question de savoir qui en assurera le versement. Si c’est l’État, il faudra les financer par une augmentation de l’impôt sur le revenu ou de la CSG, ce qui augure des débats complexes. En outre, compte tenu du niveau de la première tranche d’imposition, cela reviendrait à exonérer une grande partie de la population qui, actuellement, participe – même pour une petite part – à la solidarité nationale via la taxe d’habitation.

Et si le versement doit être assuré par les intercommunalités, par exemple, sur quels critères s’opérera la répartition des crédits ? Nul ne le sait. Le nombre de personnes âgées ou handicapées en année n ? Ces chiffres sont appelés à évoluer en permanence.

Ensuite, que va devenir le patrimoine des départements, qu’il s’agisse du passif – emprunts contractés pour la construction de collèges ou de systèmes routiers, aides aux petites entreprises – ou de l’actif – une criée, par exemple ? À qui faudrait-il transférer un port de plaisance : à la commune sur laquelle il est installé, ou à l’une ou l’autre des intercommunalités qui en tirent bénéfice ? Je n’ai pas de réponse à toutes ces questions. Pour parvenir à les résoudre, il faudrait sans doute deux ou trois ans de travail et de négociations. Or, en période de crise économique, nous avons besoin de gagner du temps, pas d’en perdre.

De plus, l’étude réalisée en 2009 pour l’Association des départements de France montre que le transfert des personnels départementaux coûterait, dans un premier temps, 6 milliards d’euros sur l’ensemble du territoire français, dans la mesure où il faudrait réaligner tous les régimes indemnitaires. Le retour sur cette dépense n’interviendrait qu’au bout d’une dizaine d’années. De la même façon, la fusion entre Lyon et une partie du conseil général du Rhône coûtera plus cher dans un premier temps ; ce n’est qu’au bout de quelques années que l’on pourra observer une diminution des dépenses. La ville peut se le permettre, parce qu’elle est en bonne santé économique, mais on ne peut en dire autant de l’ensemble de la France.

C’est pourquoi je ne propose pas la suppression de l’échelon départemental. Au contraire, en plus de la fonction essentielle qu’il assume en matière de cohésion sociale, nous souhaitons lui faire jouer un rôle en matière de cohésion territoriale, ce qui lui sera plus aisé qu’à la région. Compte tenu des difficultés que connaît l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l’État aux collectivités pour raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, et de l’existence dans de nombreux départements de conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement – CAUE – ou d’agences spécialisées, telles que les agences d’urbanisme, il paraît naturel que les départements soient chargés d’assurer la cohésion et l’aménagement des territoires.

C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut entendre l’expression « aménagement numérique » dans le projet de loi. Celle-ci ne renvoie pas aux grandes infrastructures, comme les réseaux de fibre optique, car selon moi, de tels aménagements doivent être réalisés à l’échelle régionale. Leur utilisation doit d’ailleurs être soumise à des péages, de façon à pouvoir financer les travaux d’adaptation rendus nécessaires par le développement technologique. De ce point de vue, nous devons tirer les leçons de la vente des concessions d’autoroute : ceux qui l’ont décidée hier admettent aujourd’hui qu’elle fut une erreur, parce qu’elle a privé notre système ferroviaire de la source de financement représentée par les péages.

En fait, l’aménagement numérique concerne plutôt le raccordement de la dernière maison du village le plus éloigné d’un nœud de connexion, là où l’opérateur privé n’ira jamais. Les départements sont déjà les collectivités qui participent le plus à ces dépenses ; nous souhaitons qu’ils poursuivent dans ce sens.

Je finirai par une question qui a fait beaucoup débat, celle du tourisme. Cette activité économique concerne tout le monde : il existe des comités régionaux, départementaux du tourisme, des offices communaux et intercommunaux de tourisme, etc. Le conseil régional souhaitera sans doute conserver une part de compétences en la matière – par exemple pour ce qui concerne l’image de la région ou les relations internationales. Cela fera probablement partie des éléments discutés dans le cadre du pacte de gouvernance territoriale, mais nous avons souhaité attribuer la compétence générale aux départements, dont certains, aujourd’hui, font plus que les régions en ce domaine, jusqu’à être identifiés comme des « objets touristiques ». Quant aux offices de tourisme, ils doivent devenir intercommunaux, car la multiplication de leur nombre est source d’importantes dépenses. Nous tenons tous à nos jolis petits prospectus, mais quel sens peuvent-ils bien avoir vus de Tokyo, de Shanghai ou de Singapour ? De plus, il est difficile pour une petite structure de développer un site internet ou d’attirer l’attention des grands voyagistes. Le tourisme est une forme d’industrie !

Il convient aussi d’accorder une place plus importante – et dans ce domaine, les départements ont un rôle à jouer – à ce que l’on a toujours – mal – appelé le « tourisme social », c’est-à-dire le tourisme s’adressant à des gens disposant de peu de moyens. Ce secteur peut connaître un développement comparable à celui de l’économie sociale et solidaire.

Sur ce dernier sujet, le projet de loi ne contient aucune disposition, dans la mesure où un texte consacré à l’économie sociale et solidaire sera présenté par Benoît Hamon au second semestre. Mais je suis persuadée que les coopératives, les mutuelles et les grandes associations représentent un énorme potentiel économique. Il existe des coopératives agissant dans la haute technologie, des associations présentes dans la recherche. La négociation du pacte de gouvernance territoriale sera donc également l’occasion de désigner un chef de file dans ce domaine.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mme la ministre, j’entends vos arguments au sujet des départements. Néanmoins, nous sommes nombreux à penser qu’il existe, en France, un échelon territorial de trop. Cela ne signifie pas, pour autant, que le problème posé soit facile à résoudre.

En ce qui concerne les finances locales, des réformes importantes ont été votées au cours des dernières années : suppression de la taxe professionnelle, mise en place de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, nouvelle répartition entre les différents niveaux de collectivités territoriales… Ces nouveaux modes de financement ont-ils fait l’objet d’une évaluation précise ?

M. Florent Boudié. Au nom du groupe SRC, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté le principe de cet échange. C’est la première fois qu’une commission parlementaire vous auditionne depuis la présentation, le 10 avril, des trois projets de loi sur la décentralisation.

Vous l’avez vous-même souligné, ces textes visent avant tout à améliorer l’efficacité de l’action publique. Dans ce but, vous proposez trois grandes orientations novatrices.

Tout d’abord, et même si vous ne l’avez pas exprimé en ces termes, il me semble que vous avez voulu éviter les transferts massifs de compétences qui ont trop souvent tenu lieu de décentralisation dans notre pays – je pense en particulier à la loi du 13 août 2004. En fait, la logique de défausse de responsabilité qui sous-tendait ces transferts a eu pour effet de brouiller l’image de la décentralisation, au point que ce seul mot a fini par susciter la méfiance voire la défiance des élus locaux. À cet égard, la démarche du Gouvernement semble plus qualitative que quantitative, comme le prouvent vos propos sur la mutualisation des services, un sujet qui personnellement me tient à cœur.

Ensuite – et c’est sans doute l’orientation la plus attendue –, vous essayez de clarifier les compétences, de déterminer qui fait quoi. C’est en effet une nécessité, non seulement pour améliorer l’efficacité de l’action publique, mais aussi – et peut-être surtout – pour en assurer la lisibilité.

Mais la clarification des compétences n’est pas synonyme d’hyperspécialisation. C’est d’ailleurs tout le sens de la réintroduction – encadrée, je le souligne – de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, clause qui est au cœur du principe de libre administration des collectivités territoriales de la République.

Vont également dans le sens d’une clarification le fait de pousser plus loin la logique de la collectivité chef de file ou celui de consolider les compétences exclusives des différentes catégories de collectivité – y compris à travers la création des métropoles. Il appartiendra au pacte de gouvernance territoriale de définir, secteur par secteur, les schémas d’organisation destinés à mieux articuler entre elles les compétences locales, y compris sur la question complexe des financements croisés.

Enfin, la troisième orientation novatrice a trait à la méthode employée par le Gouvernement. Le contexte était difficile, puisque chacun a aujourd’hui sa propre idée de ce que doit être une nouvelle étape de la décentralisation. En matière d’organisation territoriale, nous sortons d’une période mouvementée, la révision de la carte intercommunale, parmi d’autres initiatives, ayant longtemps fait « bouillir la marmite » en ce domaine. Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous avons alors jugé la méthode, sinon arbitraire, du moins autoritaire. Il me semble que vous en avez tiré les leçons en proposant un processus pragmatique de remise en ordre des compétences locales : la répartition n’est pas imposée « d’en haut », depuis Paris, dans la plus pure tradition jacobine, mais négociée au sein d’une conférence territoriale de l’action publique. L’objectif, on le voit bien, est de nouer le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, et entre les collectivités elles-mêmes. L’idée n’est pas, comme j’ai pu l’entendre, de laisser à ces dernières la responsabilité d’une réforme que l’État ne parviendrait pas à réaliser, mais de trouver des solutions adaptées aux réalités et aux rapports de forces locaux.

Plusieurs questions restent toutefois posées, dont celle, centrale, du décrochage des territoires périurbains et ruraux, auxquels les quartiers dits « difficiles » de nos grandes agglomérations urbaines n’ont parfois rien à envier en termes de précarité. Quelle réponse les trois projets de loi peuvent-ils apporter à ce phénomène, qui touche un très grand nombre de bourgs centres ? Ces derniers, en raison de leur fragilité, peinent à assumer leur rôle structurant au sein de nos territoires. De quels outils faut-il les doter, en complémentarité avec les métropoles ? Quelqu’un a d’ailleurs pu parler de « métropoles rurales » pour indiquer la voie à suivre.

D’autre part, quel équilibre peut-on trouver entre la centralisation excessive qui caractérise aujourd’hui la politique énergétique et une décentralisation qui pourrait perturber les processus de décision ? Comment le débat sur la décentralisation va-t-il croiser celui qui est mené sur la transition énergétique ?

Enfin, on ne peut pas envisager d’approfondir la décentralisation sans revisiter la fiscalité locale. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce domaine ?

M. Martial Saddier. Madame la ministre, les députés du groupe UMP sont très largement favorables à la décentralisation et n’ont donc pas d’a priori négatif à l’égard de vos projets. Nous vous sommes reconnaissants aussi d’avoir exprimé votre confiance à l’égard des élus locaux et d’avoir exposé ces projets sans critiquer les gouvernements précédents. Personnellement, j’étais d’ailleurs plutôt rassuré par le fait qu’on vous ait confié ce travail !

Je nourris néanmoins quelques inquiétudes sur la cohérence de l’action gouvernementale : comment allez-vous l’assurer alors que votre propos vous a amenée à aborder une vingtaine de thèmes sur lesquels Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, ont aussi leur mot à dire et leurs projets, cependant que les commissions et les comités ad hoc se multiplient ?

Nous notons que vous ne remettez pas en cause la réforme territoriale décidée par la précédente majorité, qu’il s’agisse du bloc constitué par les communes et les communautés de communes, ou des pôles métropolitains. Je pense aussi que nous nous accordons pour ne pas opposer ville et campagne ou pour conserver la notion de zonage. Mais comment allez-vous assurer la péréquation et la solidarité entre les territoires ? Hier, lors d’une table ronde sur les réseaux de transport d’énergie, tous les députés, de gauche comme de droite, se sont prononcés pour que le Parlement, cet automne, réaffirme la nécessité de la péréquation pour garantir un même prix de l’énergie ou du timbre-poste sur tout le territoire, mais comment faire jouer concrètement ce principe en faveur des collectivités qui vont « sanctuariser » une partie de leurs terres pour assurer l’alimentation en eau potable et en nourriture de l’ensemble du pays et pour préserver la biodiversité ? Comment, également, faire en sorte que les schémas régionaux n’entraînent pas une mise sous tutelle des autres collectivités territoriales ? Ce sujet nourrit des inquiétudes que je crois légitimes. Il ne s’agit pas de remettre en cause ces schémas, mais de veiller à ce qu’ils soient élaborés de manière concertée.

Se pose aussi la question du maintien des services de l’État : que va-t-il en être des sous-préfectures ?

Vous vous êtes attardée sur le cas de Paris, de Lyon et de Marseille, mais il ne faudrait que ce modèle s’impose à tous les pôles métropolitains – ce ne serait pas de mise, s’agissant par exemple des pôles transfrontaliers.

Enfin, sachant les difficultés que nous avons nous-mêmes rencontrées pour la mise en place des commissions et des schémas de coopération intercommunale, quelle stratégie allez-vous adopter pour que la loi qui sera votée soit bien appliquée conformément à la volonté du législateur ?

M. Bertrand Pancher. En matière environnementale, il n’y a, me semble-t-il, que quatre actions à mener en direction des collectivités locales : clarifier leurs compétences ; redéfinir leur rôle en relation avec celui de l’État, qui ne peut plus tout faire ; préciser les modalités d’application de la loi et la façon dont cette application sera contrôlée ; revoir, enfin, les grands schémas régionaux, aujourd’hui trop nombreux. Sur ces quatre thèmes, où allons-nous ?

Les trois projets que vous nous avez présentés ne sont qu’une partie d’un puzzle où devront trouver place les lois à venir, sur la transition énergétique, sur l’urbanisme, sur les transports… Faute d’une loi d’ensemble sur la décentralisation, il aurait été judicieux qu’un premier texte définisse les grandes orientations en la matière. Faute d’une vision globale, la confusion est grande en effet du côté des collectivités comme des grandes organisations environnementales – ce matin même, un représentant de France Nature Environnement m’a affirmé que les « allers retours » sur ce projet d’acte III de la décentralisation avaient été si nombreux que son association avait cessé de s’y intéresser ! Je souhaite donc que le Gouvernement nous donne rapidement une vue claire de ses orientations.

Ainsi, il faut éviter d’exclure les communes de la production d’énergie : il convient au contraire d’encourager une production décentralisée, par des acteurs locaux qui doivent, comme en Allemagne, être responsabilisés. Pour ce qui est de la distribution, il faut clarifier la position de l’État, qui affirme vouloir favoriser les économies d’énergie mais qui perçoit des revenus élevés en tant qu’actionnaire majoritaire d’EDF. Il faut également généraliser les critères d’efficacité énergétique dans tous les domaines : ils doivent notamment s’imposer dans les documents d’urbanisme. S’agissant de la planification, toutes les collectivités locales devraient être associées à l’élaboration des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). Enfin, le financement de la décentralisation énergétique supposera obligatoirement une composante territoriale.

Nous sommes bien sûr prêts à travailler avec vous sur ce sujet comme sur bien d’autres, mais j’insiste sur la nécessité d’une vision à la fois globale et précise des intentions du Gouvernement.

M. François-Michel Lambert. La suppression des départements nécessiterait un débat long et complexe et engendrerait un surcoût de 6 milliards d’euros par an avant tout retour sur investissement, avez-vous fait valoir. Le groupe écologiste, pour sa part, entend depuis toujours voir les régions renforcées, et souhaite donc qu’une réflexion soit engagée sur les moyens d’alléger notre mille-feuille institutionnel, source de rigidités de toutes sortes et handicap pour notre économie.

Dans cet esprit, je ne puis m’empêcher de remarquer que, dans votre exposé, vous avez mis en avant le rôle des régions, des métropoles et des intercommunalités, plutôt que des départements, dans les enjeux d’avenir, qu’il s’agisse des transports, de l’urbanisme ou de l’énergie. Le schéma directeur national de la logistique, dont l’Assemblée va très prochainement voter le principe, s’articulera de même entre la région, l’intercommunalité et les métropoles ; ces mêmes acteurs locaux s’inséreront dans les flux économiques territoriaux que promouvra la future loi-cadre sur l’économie circulaire. Comme le département semble décidément voué à devenir spectateur plus qu’acteur, ne pourrions-nous réfléchir au transfert de certaines de ses compétences – comme la gestion des collèges et d’une partie des routes – à d’autres collectivités ?

Dans les Bouches-du-Rhône, 109 maires sur les 119 concernés ont signé un manifeste hostile au projet de métropole Aix-Marseille-Provence. Une véritable guerre de tranchées s’est engagée entre des acteurs qui nouent des alliances fluctuantes et se vilipendent. La concertation sera donc difficile alors même qu’il n’y a aucun doute sur la volonté du Gouvernement de mettre ce territoire à même de surmonter ses difficultés et de valoriser ses atouts. Ne conviendrait-il pas d’organiser un débat public pour apaiser les tensions et rapprocher les points de vue, quitte à perdre quelques années dans la réalisation de la métropole ?

M. Olivier Falorni. Nous accordons, mon collègue Jacques Krabal et moi, une grande importance à l’application dans les territoires des dispositifs relatifs au contrôle de la qualité de l’air, à la biodiversité et à la transition énergétique.

Les articles 12 et 13 de votre projet de loi visant à engager la transition écologique et énergétique, à favoriser l’intégration communautaire et à renforcer la démocratie locale transforment les autorités organisatrices des transports urbains en « autorités organisatrices de la mobilité urbaine » (AOMU). L’objectif que cache cette évolution sémantique est louable, puisqu’il est de réduire l’empreinte environnementale des déplacements. À ce titre, les AOMU pourront développer les usages partagés de l’automobile et proposer des vélos en libre-service. Le projet est ambitieux, mais il pourrait l’être encore davantage si l’on adoptait une approche moins sectorielle de la compétence transport, en vue de définir des périmètres cohérents pour les plans de déplacements urbains.

Pour les collectivités territoriales, il s’agit en effet davantage d’élaborer des politiques cohérentes en la matière que de financer de nouvelles infrastructures. Mais les enjeux financiers sont de taille. Le versement transport, qui représente en moyenne 48 % des recettes des collectivités dans ce domaine, ne suffit plus à financer l’investissement, l’exploitation des réseaux de transports collectifs urbains et les programmes de mobilité durable. Cette ressource, dont le produit a augmenté de 50 % entre 2000 et 2010, a atteint son taux plafond dans 75 % des agglomérations, de sorte que les marges de progression sont très limitées. Absentes du projet de loi, la décentralisation et la dépénalisation du stationnement de surface, accompagnées d’une modulation du tarif et des amendes du stationnement sur voirie en fonction des zones géographiques du périmètre de transport urbain, mais aussi en fonction des solutions de mobilité alternatives à la voiture particulière, pourraient garantir un transfert modal plus efficace et permettre aux collectivités de mieux contrôler les recettes tirées de ce stationnement. Êtes-vous disposée, madame la ministre, à ouvrir cette possibilité sur l’ensemble du territoire national, comme l’a fait le Premier ministre pour le Grand Paris ?

L’article 16 du projet de loi institue une compétence communale de gestion des milieux aquatiques pour lutter contre les inondations : pourquoi n’avez-vous pas retenu l’échelon intercommunal, les bassins versants et les cours d’eau ne s’arrêtant pas aux limites des communes ?

Sur un sujet proche, qui concerne également ma circonscription fortement touchée par la tempête Xynthia en 2010, l’article 17 proroge de dix ans la gestion des digues par l’État pour le compte des communes, mais envisagez-vous d’opérer un transfert de ressources après ce délai ?

Mme Geneviève Gaillard. Dans les territoires urbains dépourvus de métropole, les réseaux de villes peuvent se révéler utiles : de quelle péréquation pourraient-ils bénéficier ?

Les régions cesseront-elles d’être la collectivité chef de file en matière de gestion des écosystèmes – expression qui me semble préférable à celle de gestion de la biodiversité ?

Enfin, toutes les communes ne se sont pas dotées d’une fourrière pour animaux ou n’ont pas adhéré, comme elles y sont obligées à défaut, à la fourrière d’une commune voisine. Ne pourriez-vous insérer dans le projet de loi une disposition qui les contraindrait à provisionner pour faire face à cette charge ? (Sourires)

M. Claude de Ganay. Le projet de loi risque d’engager la responsabilité financière des collectivités en cas de sanctions infligées par les juges européens pour des infractions à la réglementation environnementale. En effet, il consacre les prérogatives des communes en matière de pollution de l’air et confie aux communautés de communes et aux métropoles la gestion des milieux aquatiques : deux sujets qui ont valu à la France d’être traînée en justice par l’Union européenne en février 2011 – pour sa gestion de la qualité de l’air – et en février 2012 – pour les taux excessifs de nitrates dans l’eau.

Madame la ministre, que se passera-t-il si une collectivité entreprend des investissements sans intégrer dans son cahier des charges les dispositions environnementales contenues dans les directives européennes, mais non encore transposées en droit français ? Comment se répartira le paiement des amendes entre l’État et les collectivités locales ?

M. Laurent Furst. Je tenais à remercier le Gouvernement pour le soutien qu’il a apporté aux partisans du « oui » au référendum sur la fusion des deux départements alsaciens.

Nous devons tirer les leçons de ce scrutin : le « oui » a recueilli 57 % des suffrages sans que soit atteint le seuil de 25 % des inscrits. Celui-ci apparaît hors de portée pour une consultation isolée de la sorte, comme le confirment les constats que nous pouvons faire à chaque élection législative partielle. D’autre part, il semble difficile de mobiliser les citoyens en faveur d’un principe dont ils ignorent comment il se traduira concrètement, puisqu’il appartiendra au Parlement de statuer sur le projet qui en définira les modalités d’application. Dans l’intérêt d’autres projets de fusion, il convient de lever ces obstacles !

M. Alain Calmette. La métropolisation ne doit pas surtout pas se traduire par un creusement du fossé, réel ou ressenti, entre territoires ruraux et zones urbaines. Pour l’éviter, sans doute faudrait-il favoriser la constitution d’intercommunalités suffisamment importantes pour atteindre une taille critique.

La contrepartie de la clause de compétence générale étant la désignation de chefs de file, je plaide pour que ceux-ci soient clairement perçus comme tels par la population concernée. Il me semble également que le sport et la culture pourraient entrer dans les compétences relevant de ce régime.

L’introduction d’un coefficient de mutualisation des services pour les intercommunalités me semble une bonne idée, et je souhaite qu’il soit aussi élevé que possible.

Enfin, beaucoup de départements ruraux se plaignant des conditions dans lesquelles ils peuvent bénéficier de la péréquation horizontale cette année, ne pourrait-on revoir pour 2014 les critères d’éligibilité au fonds d’urgence ?

M. Michel Heinrich. Je regrette le saucissonnage de la loi initialement prévue en trois textes, car il nuit à la définition d’une vision globale et cohérente. En outre, alors qu’on présentait l’acte III de la décentralisation comme la réforme du quinquennat, le projet me semble manquer de souffle !

Je crois à la décentralisation, mais aussi à la nécessité d’un État fort et les modalités que vous avez prévues pour la délégation de compétences me conviennent à cet égard. En revanche, les conférences territoriales de l’action publique ne risquent-elles pas de brouiller la perception qu’auront nos concitoyens de la répartition des compétences ? Ne vont-elles pas aussi entraîner une augmentation des financements croisés ?

Les avantages du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) sont indéniables, mais il ne constitue pas selon moi l’outil pertinent pour limiter la consommation d’espaces et pour conforter les bourgs-centres ; à cet égard, je crois davantage aux vertus du ScoT, qui couvre une zone plus large.

Enfin, vous n’avez pas du tout évoqué les pays : quelle place comptez-vous leur faire ?

M. Jean-Jacques Cottel. Quels financements seront alloués aux territoires qui ne comportent pas de métropole ? Quel rôle le département peut-il jouer en matière de solidarité dans le cadre de la clause générale de compétence ?

Quels moyens de fonctionnement seront donnés aux autorités organisatrices de transport scolaire, notamment en milieu rural, sachant que les plus petites intercommunalités ne pourront pas devenir des autorités organisatrices de transport (AOT) ?

Il convient d’élaborer des plans ambitieux d’élimination des déchets et d’harmoniser les pratiques dans ce secteur, mais à quel niveau élaborer ces plans : à celui du département ou à celui de la région ?

M. Rémi Pauvros. La crise économique accentue les fractures territoriales, ce qui oblige à une réflexion sur la péréquation horizontale, étant entendu que la pauvreté touche autant les zones rurales que les zones périurbaines et urbaines. Il existe certes un ministère de l’égalité des territoires, mais c’est un point dont il faut impérativement tenir compte dans la réforme de la décentralisation.

Dans le projet de loi, quelle est l’articulation entre le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) et l’action des collectivités territoriales en matière de transports de proximité : par exemple, comment s’assurera-t-on que l’aménagement d’une ligne à grande vitesse (LGV) sera assorti de la réalisation de gares multimodales, qui suppose la coopération de nombreux partenaires ?

M. Charles-Ange Ginesy. Déposséder les conseils généraux de leurs compétences revient à abandonner la solidarité au bénéfice du monde rural. Cela imposerait pour le moins de prévoir des compensations.

Qui portera les projets de centrales photovoltaïques et d’éoliennes ? Qui financera les initiatives dans ce domaine ?

Enfin, le département me semble être l’échelon approprié pour œuvrer au développement des autoroutes du numérique, d’autant que les conseils généraux en assurent déjà le financement. Malgré les stratégies de cohérence régionale d'aménagement numérique, la région ne me semble pas pouvoir atteindre à la même efficacité.

M. Michel Lesage. Les enjeux liés à l’eau sont multiples : quantité et qualité, lutte contre la pollution, la sécheresse ou les inondations, etc. Je me réjouis donc que ce sujet ait trouvé sa place dans le projet de loi.

Tant comme élu de terrain que comme parlementaire chargé d’une mission d’évaluation de la politique de l’eau auprès de Mme Delphine Batho, je constate la complexité de toute action en ce domaine, du fait de la multiplicité des acteurs et de l’enchevêtrement de leurs compétences. Aussi faut-il saluer la simplification et la clarification auxquelles vous procédez en créant une compétence nouvelle, celle de la gestion des milieux aquatiques, affectée au bloc communes-EPCI, niveau de gouvernance en effet de toute évidence le plus adéquat. Ce choix va d’ailleurs de pair avec votre proposition d’élaborer des PLU intercommunaux, car les politiques de l’eau sont transversales et s’inscrivent dans la quête d’un aménagement du territoire équilibré.

Comment cette nouvelle compétence s’articulera-t-elle avec l’action de l’État et de ses établissements publics, avec celle des autres collectivités territoriales et avec celle de l’Union européenne, telle qu’elle est définie dans le cadre de la politique agricole commune et de la directive cadre sur l’eau ?

M. Guillaume Chevrollier. Ce projet de loi sur la décentralisation aurait pu être l’occasion de diminuer les dépenses publiques en simplifiant le mille-feuille administratif français. Mais cela demandait du courage et vous avez préféré créer une strate supplémentaire en instaurant les métropoles. Reconnaître le fait urbain est certes pertinent, mais la ruralité et ses villes moyennes ne doivent pas être oubliées, ces zones requérant l’établissement d’un cadre de gouvernance simple, lisible et stable.

Vous avez peu évoqué la transition écologique, madame la ministre : la gestion de l’énergie sera-t-elle décentralisée, pour répondre aux demandes des collectivités, soucieuses de plus d’autonomie ? S’il en est ainsi, il faudra veiller à ce que le principe de libre administration des collectivités ne fasse pas obstacle à la nécessité d’une harmonisation au niveau national, qui relève bien sûr de l’État.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, je partage davantage votre diagnostic que vos préconisations ! Imaginez le citoyen qui cherche à obtenir une réponse sur une question liée à la politique des transports : l’immobilier urbain relève de la commune, le transport public de l’EPCI, le transport scolaire du département, le TER de la région, la LGV de l’État. À cela se rajoutent encore, dans mon département du Jura, les coopérations transfrontalières. Cet enchevêtrement se retrouve dans la politique de l’eau ou pour l’approvisionnement en biomasse. Chacun ne peut que déplorer ce mille-feuille, mais il apparaît bien difficile de dépasser le stade du constat.

Le renforcement de l’intercommunalité épouse le sens de l’histoire, à condition toutefois que ce mouvement ne soit pas conduit au détriment des villages, qui m’intéressent personnellement plus que les communes. En revanche, je persiste à regretter la suppression du conseiller territorial, qui aurait permis de fusionner à terme départements et régions. Si on attend l’unanimité pour agir, rien ne sera fait, jusqu’au jour où entre département et région, il faudra bien choisir !

M. Jean-Pierre Vigier. Même si elles ne leur offrent plus ni services ni école, les petites communes répondent tout de même, grâce aux équipes municipales, à certains besoins de leurs habitants et permettent ainsi le maintien de la vie dans les territoires ruraux. Les communautés de communes, qui mutualisent services et école et qui portent un projet d’aménagement du territoire à leur profit, peuvent travailler en parfaite harmonie et complémentarité avec ce tissu local. Cependant, il importe de trouver un équilibre entre un seuil minimal nécessaire au déploiement des actions des communautés de communes et une superficie suffisamment restreinte pour permettre aux habitants d’avoir rapidement accès aux services.

M. Jean-Luc Moudenc. Dans les grandes agglomérations, il y aura un cumul des compétences en matière d’action économique entre la métropole et la région. Les schémas de développement que vous avez évoqués ne permettent pas une gestion opérationnelle de cette politique. Comment comptez-vous résoudre cette difficulté ?

Le conseil municipal de Paris est également le conseil général du département et votre projet pour Lyon s’inspire en partie de ce modèle. Pourquoi ne pas étendre la même organisation aux dix ou douze plus grandes métropoles françaises ? 

Quelle règle proposerez-vous pour définir le périmètre géographique des métropoles sur le territoire desquelles cohabitent plusieurs intercommunalités ?

Mme la ministre. Nous avons installé un groupe de travail sur le financement des allocations de solidarité réunissant les départements et l’État ; on y réfléchit à des assiettes fiscales nouvelles. Parallèlement, nous préparons une projection concernant l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont une part importante du produit revient aux régions. Cette réflexion et ces simulations n’étant pas achevées, le projet de loi n’intègre pas la réforme de la fiscalité locale, d’autant que certains préalables, comme la possibilité ou non d’un rapprochement entre impôt sur le revenu et CSG, ne sont pas levés.

Il faut à la fois renforcer la péréquation verticale – portée par la dotation globale de fonctionnement (DGF) – et maintenir la péréquation horizontale qui assure la solidarité entre les territoires. Comme la péréquation est aujourd’hui insuffisante, nous avons créé un fonds spécifique pour la région Île-de-France – que nous souhaitons doter de 60 millions d’euros – et nous avons conservé ce que la précédente majorité avait mis en place. L’évolution de la DGF doit prendre en compte la question des terrains rendus inconstructibles par des dispositions d’intérêt général dans les communes rurales. Nous soumettrons des propositions au Parlement afin que les assiettes fiscales nouvelles soient élaborées au plus tard pour le projet de loi de finances de 2015. Il y a notamment lieu de régler la question du transfert : si une région, disposant d’une ressource particulière, demande une délégation spécifique, le transfert concerne-t-il la ressource ou l’assiette fiscale ? Mais, dans le cas de l’eau, comment déterminer une assiette, sauf à imposer un prélèvement sur chaque mètre cube ? D’où la nécessité de simulations très précises, pour éviter les déboires rencontrés avec la CVAE. Mais, le moment venu, nous constituerons des groupes de travail thématiques auxquels je vous invite à vous joindre, dans un esprit transpartisan…

Monsieur Florent Boudié, il nous faut en effet renouer les liens de confiance que la réforme de 2004 a rompus. Cette année-là, la région a cessé d’être un échelon de mission pour devenir une administration gérant des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) – en Bretagne par exemple, le nombre d’agents placés sous l’autorité de la région est passé de 1 500 à 7 500, ce qui a engendré des besoins en matière de fonctions supports et des difficultés liées à la distance entre le chef-lieu régional et les cités scolaires. Cette évolution, non prévue par le projet de loi, fut une erreur. Nous devons donc effectuer le mouvement inverse et ramener les régions vers une activité centrée sur la conduite de projets en ne leur transférant aucune tâche de gestion supplémentaire. Elles pourront par exemple participer aux réflexions menées par le nouveau commissariat général à la stratégie et à la prospective sur les filières économiques et sur les coopérations internationales.

La France ne possède pas l’exclusivité du mille-feuille : la Suède, par exemple, emploie 140 fonctionnaires pour 1 000 habitants – contre 90 en France –, percevant des salaires bien supérieurs à ceux pratiqués dans notre pays, pour, entre autres choses, animer 400 agences indépendantes chargées de la conduite des politiques publiques. Le modèle n’est donc pas là…

En revanche, nous pouvons clarifier ! Nous proposons au Parlement qu’on ne puisse pas autoriser de cofinancement sans signature de pacte de gouvernance. En l’absence d’entente, le chef de file s’imposera, ce qui revient à reconnaître un principe de compétence exclusive. Cette réforme pourrait certes être jugée contraire à la libre administration des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, mais une telle règle permettrait de développer la confiance et d’adapter les règles d’organisation à chaque région. Il me semble plus intéressant pour les élus d’élaborer des pactes de gouvernance plutôt que de suivre des directives qu’on leur imposerait.

La loi du 16 novembre 2010 conférait au préfet le dernier mot sur le schéma départemental de coopération intercommunale, ce qui a heurté les élus. Il aurait été préférable de donner le pouvoir de décision à la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), quitte à prévoir éventuellement la possibilité de former un recours. Cela étant, ce qui est fait est fait.

La réponse au décrochage des territoires, sujet important, ne se limite pas à la solidarité fiscale. La création des aires métropolitaines permettra de développer la solidarité à l’intérieur du territoire concerné – Lyon constitue un exemple de réussite de cette politique, des zones rencontrant de grandes difficultés se portant dorénavant beaucoup mieux –, mission que le département assurera également pour les autres territoires, notamment ruraux. L’État peut travailler avec les départements pour les zones rurales et avec les régions pour les zones urbaines, même s’il faudra gérer les frictions entre la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale pour la répartition des tâches.

La loi définira le contenu des compétences en matière de transition énergétique, ce texte se bornant à prévoir que les intercommunalités et les régions en recevront la responsabilité. Nous aurions pu tout écrire dans le projet – option que nous avons suivie pour la formation professionnelle et pour une partie des transports –, mais il aurait été beaucoup trop volumineux, si bien que nous avons préféré scinder l’identification des compétences et la définition de leur contenu.

Monsieur Martial Saddier, il est normal de nourrir des inquiétudes – je les partage d’ailleurs – quant à la cohérence de la politique que nous mettons en œuvre. Néanmoins, nous devrions parvenir à les lever si nous définissons précisément les contours des conférences territoriales de l’action publique et du pacte de gouvernance, si nous encadrons les cofinancements et si nous dépassons une fois pour toutes l’opposition entre les villes et les campagnes. Les amendements joueront un rôle éminent pour enrichir le texte sur ces points – je souhaite d’ailleurs qu’ils soient transmis aux présidents des commissions parlementaires à mesure que nous les recevons. Le débat parlementaire pourrait, par exemple, déboucher sur la création des pôles de développement ruraux, idée que défendent certains sénateurs et pour laquelle j’ai moi-même plaidé avant d’occuper ces fonctions.

Le risque de tutelle des schémas régionaux sur l’action des autres collectivités territoriales existe, mais tout schéma local a vocation à s’imposer et comporte donc ce danger – je pense notamment aux SCoT votés par un pays ou par une intercommunalité. Je souhaite que la conférence des exécutifs permette de saisir chacune des instances délibérant sur les schémas : cela allonge certes la procédure, mais cela permet d’avancer des propositions sur leur contenu. À plus long terme, nous devrons aboutir à la fusion des différents schémas régionaux – de développement économique, de l’éolien, de l’énergie entre autres – en un seul schéma régional d’aménagement du territoire.

J’ai proposé à M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, de ne fermer que des sous-préfectures situées en milieu urbain, car plus personne ne s’y rend. En zone rurale, nous proposons en revanche d’y rassembler des services de différents ministères pour créer des maisons des services de l’État, ouvertes aux usagers, aux élus, aux entrepreneurs et à tous ceux qui en auraient besoin. Cette évolution générerait des économies d’immobilier et de déplacements. Nous conduirons rapidement des expérimentations en ce sens dans quelques arrondissements.

La réforme ne prévoit pas la suppression des pôles transfrontaliers de Nice, de Strasbourg et de Lille, et des études sur l’opportunité d’en créer de nouveaux sont même conduites. Le texte définit un cadre général dans lequel d’autres territoires entreront s’ils le souhaitent.

Monsieur Bertrand Pancher, à l’occasion de la présentation du projet de loi, je dresserai la liste des missions de l’État qui ne peuvent être transférées, afin de distinguer les missions régaliennes des missions de service public. Les premières peuvent être déléguées, mais non transférées.

Monsieur François-Michel Lambert, je n’ai pas le temps d’organiser un débat public avec les collectivités territoriales sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence, si bien que cette discussion doit se tenir entre elles, à l’image de la centaine de rencontres organisées par les élus pour le projet de Paris Métropole. En outre, les maires n’ont pas participé à la seule séance publique à laquelle j’ai participé, préférant organiser une manifestation à l’extérieur de la salle !

M. Martial Saddier. Venez chez nous, vous serez mieux accueillie !

Mme la ministre. Nous maintenons notre projet, car celui proposé par certains élus est trop compliqué puisqu’il repose sur la création d’un établissement public opérationnel de coopération (EPOC), situé au-dessus des EPCI et chargé des questions de logement, de transport et de développement économique.

Les problèmes diffèrent selon que les régions comptent deux ou douze départements ; sans cette hétérogénéité, on aurait pu depuis longtemps engager la fusion entre région et département. Je reste opposée au conseiller territorial, qui aurait dû se déplacer en permanence, certains chefs-lieux régionaux étant éloignés de 300 kilomètres de villes importantes de la région. La création de ce nouvel élu ne me paraît pas plus viable que la disparition des départements, qui poserait des problèmes insolubles, d’où mon refus d’y procéder. Quant à ceux qui se déclarent pour la suppression du département – vous, monsieur Lambert, M. François Fillon, des familles politiques entières –, je les invite instamment à m’indiquer comment ils comptent la réaliser. Pour ma part, je ne sais pas faire !

La production d’énergie ne sera pas confiée aux régions, mais la loi sur l’énergie devrait leur octroyer davantage de responsabilités en la matière.

Les régions pourraient transférer la gestion de lycées aux départements pour constituer des cités scolaires avec les collèges – ou les départements pourraient concéder la gestion de collèges aux régions –, mais c’est aux élus de se saisir de cette question.

Un amendement parlementaire insérant dans le texte la décentralisation et la dépénalisation du stationnement de surface – souhaitées par M. Olivier Falorni – recueillerait notre soutien. De même, nos positions sur la mobilité durable sont proches et convergeront facilement.

En revanche, dans le cadre des plans de prévention des risques naturels, la fin de la période de gestion des digues par l’État pour le compte des communes ne s’accompagnera pas de transferts de ressources pour prévenir de nouvelles inondations.

Je suis d’accord avec Mme Geneviève Gaillard pour que les réseaux de villes bénéficient de péréquations.

Le projet de loi ne traite pas de la gestion des écosystèmes, car la position du Gouvernement n’est pas encore arrêtée sur le sujet. La biodiversité a été affectée aux régions et la gestion des milieux aquatiques aux intercommunalités, mais si l’on est capable de mieux définir la politique globale de gestion des écosystèmes, la conférence territoriale de l’action publique pourra s’en saisir.

Monsieur Claude de Ganay, toute compétence transmise entraîne le transfert de la responsabilité juridique dans le domaine concerné : c’est déjà le cas des fonds structurels pour les régions. S’agissant de la pollution de l’air, nous discutons avec M. Janez Potočnik, commissaire européen à l’environnement, afin que seule une obligation de moyens – par exemple ne pas acquérir un parc de bus roulant au diesel – pèse sur les collectivités, sans obligation de résultat.

Contrairement à M. Laurent Furst, il me semble nécessaire qu’au moins 25 % des inscrits acceptent un changement institutionnel. Le département alsacien le moins riche, celui qui souffre le plus – le Haut-Rhin – a rejeté la fusion, alors que le Bas-Rhin y était favorable ; ce résultat est inquiétant, car il met en lumière le risque de repli sur soi que la crise induit.

Le Sénat va probablement instaurer les pôles de développement ruraux, qui équilibreront le poids des métropoles, comme le souhaite M. Alain Calmette.

Le sport et la culture représentent les principaux vecteurs de réduction des inégalités entre les enfants– les plus profondes étant liées à la situation du territoire dans lequel ils naissent –, d’où le maintien de cofinancements dans ces domaines qui doivent continuer de relever du service public. L’importance de ce sujet exige sans doute d’accroître la péréquation au bénéfice des territoires les plus pauvres – ceux-ci ne se situant d’ailleurs pas dans les zones rurales –, sur la base d’indicateurs de développement que nous n’avons pas encore élaborés.

Monsieur Michel Heinrich, mon expérience m’a apporté la conviction que la confiance était une bonne politique : lorsque l’on accorde davantage de responsabilités aux élus, ils entreprennent davantage. Je rencontre beaucoup de présidents d’exécutifs locaux au cours de mes déplacements et la très grande majorité d’entre eux m’apparaissent allants et compétents.

Le débat parlementaire pourrait conduire à l’insertion du pays dans le pôle de développement territorial.

Monsieur Jean-Jacques Cottel, nous n’avons pas réussi à mieux traiter le sujet des AOT en milieu rural, notamment parce que nous n’avons pu proposer aux régions que des versements transport interstitiels – ceux qui sont perçus uniquement en dehors des périmètres de transports urbains – très faibles par rapport au plafond de ce versement ; si vous avez de bonnes idées en la matière, n’hésitez pas à déposer des amendements.

Je ne crois pas au plan régional d’élimination des déchets, d’où le maintien de la compétence de l’échelon départemental, plus pertinent, qui bénéficiera d’une liberté de gestion. Il convient sans doute d’inciter – et non imposer – au renforcement de l’opposabilité des plans de gestion des déchets industriels, afin de régler les problèmes de non-traitement de ces déchets qui subsistent dans quelques endroits du pays ; ce sujet n’entre cependant pas dans le champ de ce projet de loi.

Monsieur Charles-Ange Ginesy, nous sommes d’accord pour reconnaître la compétence du département sur le numérique. Le photovoltaïque n’est pas seulement une énergie renouvelable, il constitue aussi un élément de la politique industrielle. Les conférences territoriales se réuniront tous les cinq ans pour adapter l’action des collectivités au renouvellement permanent des nouvelles technologies ; Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie présentera un projet de loi sur l’énergie qui précisera les modalités de cette intervention.

Monsieur Michel Lesage, j’ai demandé à la région qui souhaite obtenir une délégation en matière de politique de l’eau ce qu’elle voudrait gérer : la ressource, l’alimentation ou la protection du captage ? Elle va mener une expérimentation scientifique qui nous permettra d’avancer dans l’articulation entre la politique agricole commune, la directive-cadre et le deuxième pilier des fonds structurels – en partie du ressort des régions, d’où l’existence d’une cogestion avec l’État du volet dédié à l’eau. Chargé d’une mission d’évaluation de la politique de l’eau, vous allez pouvoir nous aider à mieux définir les contours de la délégation de compétence.

Monsieur Guillaume Chevrollier, je m’étais opposée à l’instauration de la métropole en 2010, en vain – je ne crée donc aucune nouvelle strate –, mais j’utilise cet instrument, car je suis attachée à la continuité de l’État. La conférence territoriale de l’action publique et le pacte de gouvernance territoriale favoriseront l’émergence d’un système simple, lisible et stable, pour reprendre vos propres mots.

S’agissant de la transition écologique, je souscris à votre mise en garde.

Monsieur Jean-Marie Sermier, le schéma régional de transport apportera de la cohérence à une organisation en effet actuellement trop complexe ; cet instrument me paraît le mieux adapté, même si nous étudierons attentivement d’éventuels amendements.

M. Martial Saddier. Vous êtes donc favorable à ce que nous amendions le texte ?

Mme la ministre. Effectivement. Monsieur Jean-Pierre Vigier, j’approuve votre position sur les petites communes. Ne perdons pas de temps à tenter de supprimer les communes de moins de 100 ou de 200 habitants, car nous n’y parviendrons pas. Les intercommunalités incarnent l’avenir, mais le maire – et non le président de l’EPCI – représente l’État et le droit républicain : cette fonction fait partie de notre histoire et il n’est pas opportun de faire disparaître certaines catégories de communes ; néanmoins, certaines fusionneront, même si je ne dispose pas d’enveloppe financière pour encourager ces rapprochements. Si un projet de loi de finances nous octroyait des moyens, nous pourrions favoriser des unions, mais, en tout état de cause, elles ne devront s’effectuer que sur la base du volontariat. Je partage également votre souhait de limiter la superficie des intercommunalités.

Monsieur Jean-Luc Moudenc, ce texte constitue un progrès pour l’intégration des compétences entre la région et la métropole, sans placer l’un de ces échelons dans le rôle du « donneur d’ordre ». Il nous faudra examiner la question des villes éloignées des plus grands centres urbains, qui exercent des fonctions métropolitaines, mais ne disposent pas de la population suffisante – sur la base des recensements de l’INSEE – pour acquérir le statut de métropole. Cela étant, rien n’empêchera cette quasi-métropole de fusionner avec l’intercommunalité voisine si celle-ci y consent.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La politique d’aménagement du territoire peut souffrir d’un manque de lisibilité, car elle semble uniquement dédiée au fait urbain. Afin de lutter contre cette vision réductrice, le projet de loi devrait définir cette politique et en présenter les composantes.

Mme la ministre. L’exigence d’équilibre entre les territoires et la définition du rôle des départements par rapport à celui des régions posent la question de l’opportunité de créer des pôles de développement territoriaux – autrement nommés pôle de développement ruraux.

II.— TABLE RONDE SUR « LA MÉTROPOLISATION DANS LA FUTURE DÉCENTRALISATION »

Lors de sa réunion du mercredi 12 juin 2013, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur « La métropolisation dans la future décentralisation », avec la participation de MM. Frédéric Gilli, directeur de la Chaire « Ville » à Sciences-Po Paris, Gilles Pinson, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Lyon, et Philippe Langevin, maître de conférences à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université d’Aix-Marseille.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il y a quelques jours, le Sénat a examiné en première lecture le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Sur ce texte, la commission de l’Assemblée nationale saisie au fond est la commission des lois, qui a nommé Olivier Dussopt comme rapporteur. Quatre autres commissions se sont saisies pour avis et ont désigné leur rapporteur : Christine Pirès-Beaune pour la commission des finances ; Stéphane Travert pour la commission des affaires culturelles ; François Pupponi pour la commission des affaires économiques. Pour sa part, la commission du développement durable a nommé Florent Boudié.

Je suis heureux d’accueillir en votre nom Frédéric Gilli, directeur de la chaire « Ville » à Sciences-Po Paris, Gilles Pinson, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Lyon et Philippe Langevin, maître de conférences à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université d’Aix-Marseille, qui traiteront de la métropolisation dans la future décentralisation. Nous commencerons par Lyon ?

M. Julien Aubert. C’est la seule métropole qui fonctionne !

M. Gilles Pinson. Nous verrons ! (Sourires)

La première partie de mon exposé tentera de répondre à cette question : de quoi la métropole est-elle le nom ?

Quatre éléments permettent de définir ce que l’on entend aujourd’hui, dans les sciences sociales, par « métropolisation ».

En premier lieu, on entend par là un ensemble de formes et de processus de transformation spatiale. Bien évidemment, les métropoles d’aujourd’hui ne sont pas les métropoles d’hier. Elles ont en commun un rayonnement et un poids démographique. Mais alors que les métropoles d’antan étaient denses, continues, monocentriques, pleines et distinctes de leur contour rural, les métropoles actuelles renvoient à des espaces dilatés, discontinus, polycentriques, pleins de vides et diffus.

La métropolisation est un processus à la fois d’homogénéisation et de différenciation : d’une part, une urbanisation générale du territoire, avec un effacement de la distinction séculaire entre l’urbain et le rural ; d’autre part, des logiques fortes de différenciation – d’étirement, notamment – des hiérarchies urbaines.

Les métropoles sont enfin caractérisées par la multiplication des mobilités et, surtout, par leur éclatement.

En second lieu, la métropolisation correspond à des dynamiques économiques. Elle a largement partie liée à la mondialisation. Le redéploiement de l’appareil productif, notamment industriel, à l’échelle mondiale, a induit parallèlement la concentration des fonctions de commandement dans une poignée de très grandes villes, notamment les villes monde – voire de villes plus secondaires dans la hiérarchie urbaine.

La métropolisation est aussi le produit d’une transformation de la logistique des firmes. Vous avez sans doute entendu parler du « just in time », des flux tendus, qui conduisent les entreprises à regrouper leurs pôles logistiques dans les plus grandes villes vers lesquelles se concentrent des réseaux d’approvisionnement. Le développement de ces pôles logistiques amène de l’emploi, de la consommation et, par un effet boule de neige, le renforcement de certains pôles urbains et l’affaiblissement d’autres pôles.

La métropolisation est également liée à des transformations de l’organisation des firmes, notamment à des phénomènes d’externalisation et de désintégration. Les entreprises se débarrassent d’un certain nombre de services qu’elles ont besoin, de ce fait, de retrouver dans leur environnement territorial. Cela induit la concentration des activités dans les territoires qui leur offrent cette diversité de services.

La métropolisation est aussi un mystère : les capacités à communiquer à distance ne cessent de croître, et pourtant, les hommes ont tendance à se concentrer sur un certain nombre de points du territoire. Cela s’explique en partie par le paradigme relationnel de la « nouvelle économie » : aujourd’hui, les performances, la productivité sont liées à la possibilité d’entrer en contact direct, d’accéder rapidement à l’information pour être à la pointe de l’innovation, à la pointe de l’information sur les marchés – ce qui renforce, là encore, un certain nombre de pôles urbains en nombre limité.

En troisième lieu, la métropolisation renvoie à des configurations sociales. Les métropoles sont à la fois des espaces d’opportunité, en termes d’emploi, et des espaces d’exacerbation des inégalités. Mieux vaut être pauvre à Paris qu’à Auxerre ou à Brive, puisque les possibilités de trouver un emploi sont plus nombreuses dans la capitale. En même temps, on y est confronté à des logiques d’emballement des marchés immobiliers qui rendent l’accès au logement plus compliqué. Tout cela concourt à l’accroissement des distances socio-spatiales et des logiques d’entre soi qui se développent entre les groupes sociaux. Pour ne pas trop ternir le tableau, remarquons que les métropoles sont des lieux où la tolérance vis-à-vis de la diversité et des inégalités est plus grande.

Mais, et c’est notre quatrième point, la métropolisation n’est pas, à l’instar de la mondialisation, une opération du Saint-Esprit, pas plus que le débouché naturel de processus inéluctables. C’est aussi le produit de choix. Ainsi peut-on assimiler la métropolisation actuelle à un certain nombre de choix opérés à l’échelle nationale, européenne et internationale en termes de libéralisation.

Nous serions passés, d’une certaine manière, de la métropolisation colbertiste, au cours des Trente glorieuses – l’État keynésien développe un discours et des politiques en direction des métropoles, pendant que l’État providence favorise le développement des réseaux urbains – à une métropolisation d’une toute autre nature. Aujourd’hui, les politiques de métropolisation sont conçues par les décideurs comme des moyens de réduire les déficits, ou comme des substituts à la planification et aux politiques industrielles. Comme on ne sait plus orchestrer le développement économique par des politiques publiques, on concentre les activités en pensant que cela permettra de renforcer la compétitivité et l’emploi ; d’où la multiplication de dispositifs récents, qui se sont traduits par la concentration des investissements de l’État et des collectivités dans une poignée de pôles comme le plan Campus, les pôles de compétitivité ou le Grand Emprunt.

Le tableau qui vous est présenté retrace l’évolution de la dispersion du revenu moyen des foyers fiscaux par commune entre 1984 et 2004 pour les quinze plus grandes métropoles françaises (indice de Gini). Vous pouvez constater que les métropoles où les inégalités sont les plus grandes et où elles ont augmenté sans doute le plus rapidement sont Paris, Lyon, Marseille, mais aussi, ce qui est plus étonnant, Rouen ou Grenoble. D’autres réussissent économiquement tout en maintenant des taux d’inégalités relativement raisonnables comme Nantes, Strasbourg ou Rennes.

La deuxième partie de mon exposé portera sur la manière dont sont conçues les possibilités de gouverner les métropoles. Schématiquement, il y en a trois.

Tout d’abord, la solution « gouvernement » ou « Gargantua ».

Pour gouverner des ensembles de plus en plus étalés, l’idée est de constituer des gouvernements métropolitains, en lieu et place des unités de base, notamment des communes. Ils sont dotés d’assemblées élues au suffrage universel direct et d’exécutifs auxquels sont transférés un certain de compétences stratégiques, et bénéficient de ressources propres. Cette solution a finalement été très peu expérimentée : dans quelques villes assez isolées comme Portland dans l’Oregon ; à Toronto ; dans des situations où la ville et la région se confondent comme à Madrid ou dans les villes hanséatiques allemandes ; en Angleterre, avec les Metropolitan Counties, qui ont été dissous par Margaret Thatcher.

Ensuite, la solution « marché » ou « public choice » – la solution « Île-de-France ». L’idée est que la fragmentation institutionnelle est une bonne chose, parce qu’elle produit à l’échelle des métropoles un marché concurrentiel de services territoriaux qui permet aux entreprises et aux ménages de choisir. Et si les ménages et les entreprises « votent avec leurs pieds » et s’en vont, c’est un signal, pour les communes qui ont démérité, qu’elles doivent améliorer leur offre de services.

On considère, dans cette approche, que les « Gargantuas », c’est-à-dire les gouvernements métropolitains, engendrent la gabegie, les « déséconomies » d’échelle et un éloignement entre les citoyens et les institutions. Cela a débouché, notamment, sur le sécessionnisme municipal, notamment en Californie, sur la « dé fusion » de la métropole de Montréal qui avait été au préalable un gouvernement métropolitain, et en Angleterre, en 1986, sur l’abolition des Metropolitan Counties par Margaret Thatcher.

Enfin, la solution française, la solution « gouvernance », entre « marché » et « tout gouvernement ». On reconnaît, dans cette approche, la nécessité de changer d’échelle, de coordonner les politiques publiques, tout en se méfiant des formes trop institutionnalisées, qui peuvent générer des blocages et des rigidités politiques et qui, surtout, institutionnalisent des frontières empêchant la coopération de se développer au-delà des structures intercommunales. Ce système favorise des formes souples de coopération et de coordination. Il présente l’avantage d’une gestion souple des problèmes publics, mais l’inconvénient d’une opacité démocratique absolument totale.

Je me suis demandé où l’on pouvait situer la réforme actuelle des métropoles.

D’une certaine manière, cette réforme prolonge la tradition « gouvernance » de la coopération intercommunale à la française avec ses avantages et ses inconvénients : elle préserve les intérêts municipaux comme la solution intercommunale ; elle définit des périmètres au gré des affinités et des opportunités politiques ; elle préserve le déficit démocratique, qui est souvent jugé fonctionnel par les élus ; elle garantit une certaine souplesse en termes de compétences, de coordination et de négociation.

En même temps, elle tire vers la solution « Gargantua » : le risque est qu’en créant ces métropoles, on rigidifie ces échelles de coopération – comme à Lyon – et qu’on oublie ce qui se passe au-delà ; mais surtout, la réforme codifie sans doute excessivement un certain nombre de mécanismes de coordination qui n’avaient pas besoin d’être présents dans la loi – par exemple, les conférences métropolitaines ou les conférences territoriales des maires.

J’en viens à la troisième partie de mon exposé, intitulée « métropolisation et gouvernance métropolitaine à Lyon » et illustrée par plusieurs cartes et schémas.

Tout d’abord, Lyon a un statut indiscutable de « second city » à l’échelle nationale – j’ai pris comme indicateur le nombre des emplois métropolitains supérieurs – derrière Paris, et joue un second rôle à l’échelle européenne. Pour autant, dans la métropole multipolaire formée de Lyon et Saint-Étienne, la primauté lyonnaise n’est pas discutée. Vous pouvez observer, sur l’une de ces cartes, que les aires urbaines de Lyon et Saint-Étienne se touchent quasiment.

Ensuite, la gouvernance du Grand Lyon pourrait être qualifiée de « colbertisme à l’échelle urbaine ». La communauté urbaine fonctionne un peu à l’image de l’État français : État fort, prépondérance du couple exécutif/technostructure » et marginalisation assez nette des commissions et des « petits » élus.

Le Grand Lyon joue un rôle pilote dans un certain nombre de politiques : planification, logement, rénovation urbaine, internationalisation, recherche et enseignement supérieur, prospective, redistribution fiscale. À ce propos, il a su utiliser le passage à la taxe professionnelle unique comme un outil de redistribution entre communes riches et communes pauvres, ce dont la région Île-de-France pourrait s’inspirer.

Le système a malgré tout ses limites : une focalisation sur les grands équipements de prestige au détriment des services aux populations – que l’on peut sans doute attribuer à la montée en puissance de la structure intercommunale ; une logique implacable d’institutionnalisation. Le Grand Lyon prend un nombre sans cesse plus important de compétences, au risque de marginaliser la société civile et ses expressions. Je pense plus particulièrement aux politiques de développement économique qui, jusqu’à récemment, faisaient l’objet d’une coopération forte entre la Chambre de commerce de Lyon et le Grand Lyon et qui, aujourd’hui, sont de plus en plus monopolisées par un acteur fort et prédominant, qui est l’administration du Grand Lyon.

Enfin, il est intéressant de noter qu’au-delà du Grand Lyon, se sont mises en place plusieurs coopérations à l’échelle métropolitaine associant, notamment, Saint-Étienne : l’association Région Urbaine de Lyon qui, depuis 1989, mène des études, essaie de porter des projets en matière de transports, de tourisme et de promotion à l’étranger ; le G4, association de quatre agglomérations : Grand Lyon, Saint-Étienne métropole, la Communauté d’agglomération des portes d’Isère et la Communauté d’agglomération de Vienne, qui ont formé le pôle métropolitain en 2012. On se demande d’ailleurs ce que le pôle métropolitain deviendra, avec la réforme des métropoles.

J’en viens à ma conclusion.

Sans doute êtes-vous au courant que la métropole de Lyon va être créée par la fusion du Grand Lyon et du département du Rhône sur le périmètre de ce dernier. À Lyon, on y voit un véritable coup d’État métropolitain – puisque les élus l’ont appris par la presse – validé par la loi. C’est une réforme qui ne règle pas le déficit démocratique métropolitain : pas d’élection directe des conseils métropolitains, même si on essaie de faire passer le fléchage comme tel ; reconduction du présidentialisme métropolitain ; pas de séparation de l’exécutif. D’une certaine manière, on reconduit tous les défauts de la coopération intercommunale à la française.

On peut par ailleurs se demander ce que deviendront les coopérations avec Saint-Étienne. La ligne de TER Lyon-Saint-Étienne est la plus empruntée de France après les lignes franciliennes. Ne risque-t-on pas une cristallisation des frontières de la métropole sur une partie du périmètre du département du Rhône, et un abandon des coopérations métropolitaines au-delà de ce périmètre ?

M. Frédéric Gilli. Pourquoi le Grand Paris intéresse-t-il l’Assemblée nationale ? Derrière la question de Paris, se pose une question éminemment française. Ce n’est pas parce que les Franciliens ne sont pas arrivés à se mettre d’accord. C’est parce que l’ensemble de la communauté nationale a un intérêt éminent à ce que cela se passe bien à Paris.

Les relations entre Paris et la province ne sont plus marquées par l’opposition qui existait entre « Paris et le désert français ». Les relations entre Paris et Lyon, l’ensemble des métropoles et, au-delà, l’ensemble du territoire national, ne sont plus dans un rapport de domination. Paris est une porte d’accès vers l’international. Entre Paris et l’ensemble des territoires régionaux, les relations sont beaucoup équilibrées au quotidien, au sein des entreprises ou dans les laboratoires de recherche. C’est donc aussi une question républicaine parce qu’elle touche à l’organisation de la République française.

On n’avait pas besoin des émeutes dans la région parisienne – comme ce fut le cas à plusieurs reprises dans les années 2000 – pour se rendre compte que, lorsque la région parisienne implose, c’est une partie du pacte républicain qui est attaquée. Et les questions de solidarité qui se posent de manière accrue dans la région parisienne nous amènent à nous interroger sur la capacité de la République française à faire coexister l’ensemble de ses citoyens dans un territoire commun.

C’est enfin une question démocratique. Il se trouve qu’à côté de mes activités de recherche, j’organise des actions de démocratie participative. À ce titre, nous avons accompagné Paris Métropole qui organisait, à l’automne dernier, des débats dans l’ensemble de la région parisienne – une vingtaine de débats, 3 000 participants, assez représentatifs des différences sociales, générationnelles, etc. de la région parisienne.

À cette occasion, les habitants nous ont dit qu’ils vivaient depuis longtemps dans la métropole, qu’ils faisaient confiance à leurs élus pour transformer leur cadre de vie mais que la situation n’était plus tenable et qu’ils ne savaient plus à qui s’adresser pour régler leurs problèmes. De fait, ils se tournent de plus en plus souvent vers vous et à tout propos. Or vous avez de moins en moins de moyens. Dans la région parisienne, que pèse le maire d’une commune de 250 ou 500 hectares devant Vinci, Veolia, Bouygues, Siemens, EDF, ERDF, la RATP, la SNCF ou Bertrand Delanoë quand il s’agit de faire des choix politiques ou d’aménagement ? Je ne dis pas que c’est impossible. Mais confrontés à la dureté des rapports politiques à l’intérieur de la région parisienne et à la puissance des mécanismes fonciers et immobiliers, il est très compliqué pour les élus locaux franciliens de se battre pour porter des projets urbains cohérents et puissants au service de leurs habitants.

M. Martial Saddier. Nous ne sommes pas comme cela en province.

M. Jean-Yves Caullet. C’est certain qu’on ne fait pas de bêtises quand on ne peut rien faire ! (Rires)

M. Frédéric Gilli. Et les habitants ne s’y trompent pas. En fin de compte, les habitants se demandent s’ils ont collectivement les moyens de peser sur leur avenir. À moins que tout ne soit déjà écrit et qu’on n’ait plus qu’à mettre la clé sous la porte ? Je n’ai pas besoin de vous rappeler la baisse des taux de participation aux élections successives…

Je pense malgré tout qu’il est possible de mieux gouverner la région parisienne. Celle-ci a évolué, le territoire est en mutation, ce qui pose une question institutionnelle. Après avoir évoqué ces deux points, j’aborderai la question des enjeux et des pistes.

Le territoire de la région parisienne est en mutation. Reste à savoir de quel territoire on parle.

Si l’on se rapporte à la courbe qui retrace l’évolution de la population sur les 200 dernières années, on s’aperçoit que le territoire qui comptait 1,5 million d’habitants en 1800 en compte 12 millions aujourd’hui et en comptera 13 d’ici à 2040, avec une courbe d’accélération et de croissance de la population qui devrait se maintenir. On s’aperçoit également que dans les cinquante dernières années, le territoire est passé d’à peu près 5 ou 6 millions d’habitants, Paris intra-muros représentant la moitié du poids démographique régional, à un territoire de 12 millions d’habitants, dans lequel Paris ne représente plus qu’un cinquième à un quart du poids démographique régional.

Si l’on m’interroge, à l’international, sur ce qu’est la région parisienne, je réponds qu’on y trouve : le premier aéroport d’Europe continentale ; deux des plus grandes destinations touristiques de la planète avec le château de Versailles et Eurodisney ; le plus grand centre d’affaires concentré d’Europe continentale avec La Défense ; la plus grande concentration de chercheurs de la planète, avec le plateau de Saclay et sa périphérie ; 5 millions d’emplois et 8 millions d’habitants… plus Paris. Aujourd’hui, sans Paris, la région parisienne est déjà plus puissante, en termes de PIB, d’équipements et de création de valeur que Chicago ou des villes équivalentes. C’est vous dire l’inversion, dans certains domaines, du rapport de forces intervenant dans le fonctionnement quotidien de la région parisienne.

Mais à quelle échelle travaille-t-on ?

Les taches qui apparaissent sur cette carte de France correspondent aux zones d’emploi dans lesquelles on observe une sur représentation des groupes nationaux ou internationaux dans l’emploi local. Même si ce n’est jamais explicité, on observe à l’échelle nationale ce que l’on observe autour de toutes les grandes métropoles comme New York, Chicago, Rio, Shanghai, Tokyo : une zone de 250 ou 300 km de rayon autour du cœur métropolitain (Murmures), qui est un peu la région économique, l’espace où se pense l’organisation économique. Ainsi, aujourd’hui, en Thiérache, en Basse-Normandie, certaines personnes travaillent au quotidien avec des centres de marketing, des services juridiques ou des services de recherche qui sont dans la région parisienne.

La région économique de Paris représente huit régions : c’est le Bassin parisien avec, derrière lui, au-delà même de l’Île-de-France, un espace dans lequel tout fonctionne de manière quasi quotidienne. C’est un territoire de 13 ou 14 millions d’habitants, qui englobe une grosse partie de l’Oise, qui touche une partie de la Champagne-Ardenne, de la région Centre et de la Haute-Normandie. Et avec l’effet TGV, des villes comme Reims, Vendôme, sont de plus en plus pleinement intégrées dans les mouvements pendulaires – on sait que les TGV arrivent à l’heure, ce qui n’est pas le cas pour les RER…

La densification de la banlieue parisienne s’est matérialisée par le fait qu’il n’y a plus de nappe unique. La région parisienne s’organise de manière quotidienne autour de grands pôles économiques, qui n’existent pas de manière institutionnelle parce que le processus intercommunal est encore très fragmenté en Île-de-France : autour de la Défense, de Roissy, de Viry-Châtillon, de Saclay, etc.

Ces territoires économiques très puissants polarisent les habitants. Quand on regarde comment fonctionnent les migrations alternantes, on observe un phénomène assez intéressant : les distances moyennes parcourues par les Franciliens augmentent – ils sont de plus en plus nombreux à faire les traversées métropolitaines – alors qu’en même temps les distances médianes – celles parcourues par la majorité de la population, celle qui bouge le moins – diminuent. En effet, l’augmentation de la densité en emplois dans la banlieue amène de la relocalisation et de la repolarisation.

Ces évolutions posent une question institutionnelle.

En 2000, plutôt qu’une région, il y avait, de fait, quatre régions, l’Oise étant immédiatement concernée par les mouvements pendulaires, avec huit départements plus dix départements limitrophes. À cette époque, subsistait un clivage très puissant entre Paris et sa banlieue. Le Gross Paris, hérité de la Kommandantur, était encore très présent dans le discours public et toute position un peu intégratrice provoquait des levées de bouclier. De ce fait, les intercommunalités concernaient à peine 10 % des 1 200 communes.

Paris est-il comparable à la France ? Non, car c’est une grande ville mondiale. Il se joue, sur ces territoires de 10, 12, 13 millions d’habitants, des processus et des mécanismes qui n’existent pas dans les autres territoires. En effet, les départements des Hauts-de-Seine ou de la Seine-Saint-Denis, par exemple, concentrent des masses humaines aussi importantes que les villes métropoles les plus importantes de France. Plaine Commune, une petite intercommunalité de la région parisienne, qui regroupe seulement huit communes, compte plus de 400 000 habitants. Ces processus font que ce qui se passe à l’intérieur de la région parisienne est incomparable, en termes de logique, avec ce qui se passe à l’intérieur du territoire. Et pourtant, ce qui se passe dans la région parisienne est incomparable de ce qui se passe à Londres ou à New York parce que l’on est dans un système institutionnel, culturel, politique, français.

La région parisienne est-elle comparable à ses voisines ? Je vous invite à regarder ce schéma, qui reproduit, pour chaque région française, le taux des communes appartenant à des intercommunalités. En 1999, ce taux n’était que de 10 % et il est aujourd’hui d’à peine 60 % alors que la couverture est quasiment terminée dans toutes les autres régions. En outre, comme vous pouvez le voir avec ces deux camemberts : en région, 5 % seulement des intercommunalités sont composés de deux communes, la majorité dépassant les 10 communes ; en Île-de-France, 20 % seulement des intercommunalités dépassent les 10 communes, la majorité étant composée de moins de 5 communes.

On observe donc une fragmentation en région parisienne. Cela dit, on observe également une montée en puissance des intercommunalités et des recompositions sont en cours. La Conférence métropolitaine organise, depuis 2006, un dialogue entre Paris et sa banlieue, inexistant auparavant. Bon an mal an, la région a réussi à remettre son SDRIF – Schéma directeur de la région Île-de-France – en discussion. Et l’État, en intervenant via les contrats de développement territoriaux et le Grand Paris Express, a amené quelques solutions.

Je terminerai sur les enjeux et les pistes.

Il faut d’abord être conscient que tout ne se réglera pas, dans la région, de manière institutionnelle. La résolution des problèmes de logement, par exemple, ne passera pas nécessairement par la création d’une autorité du logement ou par un PLH – Programme local de l’habitat – intégré. Ces problèmes demandent une intervention plus précise et plus poussée, peut-être une loi sur le logement, qui aurait un volet francilien.

Il faut ensuite déterminer l’échelle à laquelle on fonctionne : une région intégrée, une communauté urbaine ou un conseil métropolitain ? Pour cela, nous devons répondre à trois questions – une question opérationnelle, une question de solidarité et une question démocratique.

Premièrement, une question opérationnelle. Elle consiste à se demander qui fait la ville dans la région : les maires, des communautés urbaines renforcées, une communauté urbaine plus large encore, éventuellement à l’échelle de la région ?

Ma conviction est que les maires n’ont pas aujourd’hui suffisamment de pouvoirs, face à tout ce qui se passe autour d’eux dans la région parisienne pour s’occuper, notamment, d’urbanisme. Faut-il confier l’urbanisme opérationnel à un directeur des services de l’urbanisme ?

M. Martial Saddier. Mais on sait bien aujourd’hui que c’est le directeur de l’urbanisme qui détient le pouvoir ! (applaudissements et exclamations sur divers bancs)

M. Frédéric Gilli. Je vous laisse imaginer le pouvoir d’un directeur des services de l’urbanisme d’une collectivité de 8 millions d’habitants. Pour avoir travaillé assez longtemps dans l’administration française, je considère qu’il est plus démocratique de confier le pouvoir à un maire ou à un conseil élu…

Deuxièmement, une question de solidarité. Aujourd’hui, dans la région parisienne, on ne peut plus fonctionner avec les politiques sociales gérées à l’échelle des départements. En effet, il y a trop d’écart entre les départements pour organiser de manière efficace une redistribution. Pour contrebalancer le phénomène, on est en train d’essayer d’inventer des mécanismes de péréquation qui vont dans tous les sens et auxquels plus personne ne comprend rien.

M. Jacques Kossowski. Sauf celui qui conçoit !

M. Frédéric Gilli. Et sans doute aussi celui qui reçoit.

Les Belges, dont le territoire est équivalent à celui de la région parisienne, le disent très bien : quand on organise des mécanismes de redistribution avec des flux et des tuyaux, les gens finissent par voir trop facilement les tuyaux et plus la solidarité. Voilà pourquoi, à un certain moment, il faut intégrer le fonctionnement de toutes les politiques sociales. À quelle échelle ? La première couronne ou la région ? J’aurais tendance à opter pour la seconde. Je suis prêt à entendre que ce serait trop compliqué du point de vue de la loi. Dans ce cas, il faut intégrer au moins la première couronne pour organiser les systèmes de redistribution.

Troisièmement, une question démocratique. De mon point de vue, l’un des principaux problèmes que posait le texte dans la version qui a été rejetée par le Sénat résidait dans la composition du Conseil métropolitain. Le déséquilibre en faveur de Paris était trop important, et le risque de non-représentation des oppositions évident. En outre, si seules les têtes d’intercommunalité sont représentées, cette assemblée ne sera pas complètement paritaire, peu diverse. Et si l’exécutif n’est composé que des présidents des très grosses intercommunalités – pour être opérationnel – seuls des hommes blancs de plus de cinquante ans seront concernés. D’où un problème de représentativité démocratique – représentativité territoriale, politique et représentation de la diversité. (Exclamations)

Enfin, il faudra absolument que vous garantissiez « la capacité d’agir ». Se contenter du statu quo amènerait au blocage. Or ni les citoyens, que j’ai pu rencontrer massivement, ni les chefs d’entreprise, ni les associations avec lesquelles je discute très régulièrement ne pardonneraient à la représentation nationale un blocage sur ce texte-là.

M. Philippe Langevin. Je parle au nom du Midi. Après vous avoir dit quelques mots sur la métropolisation, je vous expliquerai en quoi notre situation est catastrophique. (Sourires)

Dans la société où nous vivons, l’étalement urbain, les déplacements quotidiens, les séparations entre lieux de vie, de travail, d’emploi font qu’il n’y a plus de ville, plus de campagne, mais des territoires nouveaux, avec une péri-urbanisation mal contrôlée. Hors de la distinction traditionnelle entre l’urbain et le rural, ces territoires ne sont ni urbains, ni ruraux : ce sont des territoires du n’importe quoi ! (Sourires) Ils sont difficiles à saisir parce qu’ils n’ont ni limites précises, ni vocation particulière. Pourtant, ils sont créateurs d’emplois, d’activités et de jeunesse.

Ce mouvement concerne la totalité des territoires, et pas uniquement les territoires métropolitains. Il concerne les petits territoires, les petites communes qui débordent de leurs limites historiques traditionnelles. S’installent à la périphérie des lotissements de plus en plus nombreux, de moins en moins jolis, des zones d’activités de moins en moins maîtrisées.

La situation est quelque peu contradictoire. D’un côté, on observe une tendance générale à l’étalement des fonctions. Nous passons d’ailleurs la moitié de notre temps dans les transports – généralement individuels parce qu’en matière de transports collectifs, il y a plus de croyants que de pratiquants ! (Sourires) D’un autre côté, on observe un processus également global de concentration des fonctions supérieures – la direction, l’organisation, les services dits supérieurs, les services métropolitains. Une économie supérieure viendrait ainsi compenser l’économie inférieure du monde rural, du monde des paysans fatigués dont nous sommes les héritiers.

Nous sommes à la recherche d’un processus qui permettrait de mettre en place une gouvernance à peu près organisée, structurée, en tout cas possible, et de relier les territoires de la centralité à ceux de la péri urbanisation, dans des ensembles qui se joueraient sur la complémentarité, et non sur la concurrence. Tel est l’objet du débat.

Mais nous nous heurtons à un problème de taille : tout territoire n’a pas une vocation métropolitaine, même si toute communauté d’agglomération qui se respecte se qualifie de « métropole ». La métropole est devenue objet de désir, davantage qu’une réalité économique et sociale.

À partir de quand un territoire peut-il être qualifié de métropolitain ? Sur ce point il n’existe aucune réponse scientifique organisée. Pour l’INSEE, certaines fonctions essentielles permettent au territoire concerné de se considérer comme tel, que ce soit dans le domaine artistique, financier, en informatique et dans la recherche. La connaissance est aujourd’hui le principal facteur de développement, l’économie de la connaissance ayant une vertu particulière que n’ont pas d’autres économies : contrairement à la tarte aux pommes, elle augmente quand on la partage ! (Rires) Or l’idée même de la métropolisation consiste à partager les compétences pour gagner en efficacité. Elle n’est pas d’opposer des roitelets locaux pour être plus concurrentiels. (Sourires)

Selon le projet de loi, la création d’une métropole doit répondre à un critère démographique – 300 000 ou 400 000 habitants. Pourquoi pas ? Mais l’important réside dans les fonctions métropolitaines. Dans quelle mesure un territoire bénéficie de fonctions métropolitaines qui lui permettent de jouer dans les transports, l’université, la santé, les grands équipements, etc. un rôle important, un rôle de polarisation sur les autres territoires ?

Le problème est que les territoires économiques évoluent beaucoup plus vite que les territoires politiques. D’où cette contradiction difficile à gérer : l’espace de légitimité des élus locaux n’a aujourd’hui plus aucune réalité économique. Les communes et même les intercommunalités n’existent pas en matière économique. L’économie se mondialise et les flux vont dans tous les sens.

L’espace de légitimité des communes, que l’on peut comprendre pour des raisons historiques, sociologiques, culturelles, ne correspond plus à un territoire pertinent pour réguler une activité économique. La décentralisation qui a reconnu et qui reconnaît de plus en plus de capacités aux collectivités pour mettre en œuvre les politiques publiques, définir des mesures d’accompagnement, améliorer l’attractivité, résoudre les problèmes d’emploi, s’exerce sur des territoires qui n’ont pas de sens, qui ne veulent plus rien dire économiquement parlant. Il y a maintenant d’un côté les territoires économiques, de plus en plus élargis, et les territoires politiques restreints, dans la limite démocratique de la légitimité – les communes, les départements ou les régions.

On pourrait laisser aux hommes de l’art le soin de définir les territoires pertinents. Sauf que ces derniers sont à géométrie variable. Les territoires efficaces d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a dix ans. Qu’un équipement, une entreprise, des habitations s’installent, et le territoire s’étale. Inversement, qu’une crise économique éclate, qu’une entreprise ferme, et le territoire se rétrécit. Il n’y a rien de plus mobile que le territoire. Et il n’y a rien de plus immobile que le pouvoir sur le territoire.

En fin de compte, ce qui fait aujourd’hui le territoire, ce n’est pas l’histoire, ni le patrimoine, ni même l’économie : ce sont les déplacements, les mobilités. Le lieu d’emploi, le lieu de vie, le lieu de consommation, le lieu de pouvoir, ne se superposent pas. On n’est jamais au même endroit. Cette difficulté est d’autant plus importante que nous avons de nouveaux défis à relever, qui impacteront directement les territoires : problèmes de transports, problèmes d’environnement, liés notamment aux changements climatiques, montée des inégalités, etc.

Le débat étant lancé, j’en viens, monsieur le président, à la deuxième partie de mon exposé : la création de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence, qui est une nécessité absolue.

Dans ce territoire du verbe, mesdames et messieurs les députés, on ne se parle pas, on s’engueule ! Il est bien difficile de parvenir à y tenir un discours cohérent, commun, constructif entre tous les acteurs qui sont chargés de l’animer, que ce soient les élus, les sénateurs, les députés, les maires, les préfets, les chambres de commerce, etc.

Notre position géographique est tout à fait particulière : nous sommes ouverts sur la Méditerranée, nous sommes capitale européenne de la culture en 2013, Marseille est la dernière ville du Sud des pays du Nord et la première ville du Nord des pays du Sud. Objectivement, notre territoire est au centre du monde ! (Rires) Mais ce territoire, fortement dépendant de la mondialisation, est composé d’un certain nombre de villes – Marseille, Aix, Aubagne, La Ciotat – qui ont, chacune, mené de façon concurrente leur développement économique, leurs entreprises, leur propre intercommunalité. Comment voulez-vous que nous fassions le poids par rapport aux grandes villes internationales ?

Depuis vingt ans, pourtant, nous réfléchissons et nous écrivons sur les métropoles. Mais les nombreux ouvrages universitaires n’ont pas rencontré de succès malgré notre volonté d’organiser un système de métropole, sur un territoire où les déplacements sont de plus en plus nombreux. Personne ne nous lit !

M. Martial Saddier. Rassurez-vous ! C’est pareil pour nous…

M. Philippe Langevin. Aujourd’hui, comment se présente donc le projet de métropolisation ?

Si l’on se réfère à cette carte, on voit que le futur territoire métropolitain couvrira pratiquement tout le département des Bouches-du-Rhône. On aurait pu l’élargir vers le département du Var, du moins du côté de Saint-Maximin, qui est polarisé par Marseille. Ce territoire englobera plusieurs intercommunalités, dont les limites n’ont pas été plus intelligemment fixées que celles des communes, mais qui ont réussi, peu à peu, à organiser leur développement. Quoi qu’il en soit, maintenant que l’on est passé des communes à l’intercommunalité, il faut passer de l’intercommunalité à la métropole. Si nous voulons peser dans l’économie mondiale, nous avons intérêt à mettre nos efforts en commun plutôt que de nous lancer des invectives et de nous concurrencer à tous les niveaux et dans tous les domaines – développement, zones d’activité, universités, etc.

J’observe que nos équipements – théâtres, vélodromes, équipements hospitaliers – sont déjà des équipements métropolitains. Qu’ils se situent à Marseille, à Aix-en-Provence, à Aubagne ou à Martigues, ils bénéficient à tous les habitants. De fait, la métropole existe au niveau économique, au niveau universitaire, au niveau des grandes concentrations d’entreprises. Elle existe partout, sauf en termes de pouvoir. Mais alors, comment concevoir l’invraisemblable, dans la mesure où, jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi à construire un véritable projet métropolitain ?

Les conseils de développement des agglomérations d’Aix, Marseille et Aubagne, que j’anime, avaient souligné le caractère métropolitain de tous ces équipements et la nécessité qu’il y avait à travailler ensemble pour produire un projet cohérent. Mais comme nous nous en sommes incapables, l’État le fait. Préfets, sous-préfets et énarques débarquent ! Ce n’est pas forcément la bonne méthode. Mais cela signifie que la Métropole d’Aix-Marseille-Provence n’est pas une alternative, ni un choix, mais une nécessité absolue.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je passe la parole aux représentants des groupes.

M. Jean-Yves Caullet. Les sociétés se sont toujours organisées pour assurer leur autosuffisance et leur sécurité. Or les modèles que vous nous présentez aujourd’hui sont plutôt caractérisés par leur interdépendance, qui suppose de nombreux déplacements, de nombreux échanges et entraîne une certaine fragilité. Quelle est donc la solidité de ces modèles ? Pourraient-ils fonctionner, le cas échéant, en mode dégradé ? Sont-ils durables ? La séparation entre les fonctionnalités de la vie, la résidence, le travail, le commerce et les loisirs suppose la mise en place de transports toujours plus performants. Mais le processus n’a-t-il pas ses limites ?

Par ailleurs, comment définir le territoire métropolitain ? Est-ce un fief, qui se caractérise par une certaine continuité et l’intégration de diverses activités ? Est-ce un réseau qui se constitue entre différents partenaires, autour de différents lieux aux activités complémentaires ? Les métropoles seront-elles reliées entre elles au niveau national, international et mondial ?

Enfin, je suis l’élu d’une circonscription qui se trouve elle aussi au centre du monde : à égale distance de Lyon et de Paris. (Sourires) Nous nous demandons si nous allons devenir les partenaires de ces grandes entités métropolitaines, ou si nous y sommes déjà intégrés. Pour nous, ce n’est pas neutre, ni en termes d’organisation, ni en termes de démocratie.

M. Martial Saddier. Les députés UMP sont globalement très favorables à la décentralisation, comme au fait métropolitain. N’oubliez pas que nous sommes à l’origine de la création des pôles métropolitains, en 2010, et que nous avons initié la réflexion autour du Grand Paris. À ce propos, je rejoins l’un de nos intervenants et affirme que, quel que soit l’endroit dont nous sommes les députés, nous sommes fiers de notre capitale et que nous pensons que le rayonnement de Paris va bien au-delà de sa propre couronne. Il rejaillit sur l’ensemble de notre pays.

J’aimerais savoir ce que deviendront les pôles métropolitains que nous avions inscrits dans la loi de 2010. Ensuite, j’aimerais savoir ce que pensez du fait métropolitain transfrontalier, que nous avions abordé dans la loi de 2010. En effet, ne serait-ce qu’en Alsace ou dans le Jura, certaines zones, qui ont la particularité d’aller au-delà de la frontière, méritent d’avoir le rayonnement de grandes métropoles françaises et européennes.

J’aimerais également savoir si le Parlement doit aller plus loin en matière de simplification administrative. La métropolisation n’aboutira-t-elle pas à modifier, à terme, l’organisation de l’État ?

Je remarque par ailleurs qu’à l’origine, le Gouvernement avait annoncé un seul texte de décentralisation. Cela nous aurait permis de parler à la fois du fait métropolitain, des régions, des territoires et de la solidarité. Or, le calendrier est clair, nous allons d’abord travailler sur la métropole, puis sur la région, puis sur la solidarité. Vous comprendrez qu’au moment où l’on vient de nous annoncer que d’ici à la fin de la mandature, l’enveloppe des collectivités territoriales baisserait de 4,5 milliards et demi d’euros, soit de 10 %, nous nous interrogions. Le fait métropolitain va forcément s’accompagner de dotations de l’État. Mais d’où viendra l’argent ? Le texte sur la solidarité sera examiné en dernier lieu. Enfin, que deviendront les territoires qui ne seront pas intégrés à la métropole ? Il me semble, monsieur Pinson, que c’est le cas d’une partie du département du Rhône. Une telle situation risque d’avoir pour ces territoires de graves conséquences financières et empêchera d’avoir une vision globale de l’aménagement du territoire.

Enfin, le critère retenu pour la constitution des pôles métropolitains est le nombre d’habitants. D’après vous, quel autre critère aurions-nous intérêt à inscrire dans la loi ? Ces critères étant remplis, quelles compétences territoriales faudra-t-il transférer au pôle métropolitain ou à la métropole de demain ?

M. Jean-Christophe Fromantin. Je pense moi aussi que les textes sur la décentralisation qui nous sont proposés ne sont pas suffisamment inspirés par des approches économiques et sociales, et le sont trop par des approches de périmètres, de gouvernance ou d’administration.

Je voudrais par ailleurs revenir sur les questions de mobilité.

On a trop tendance aujourd’hui à opposer des territoires ruraux à vocation plutôt productive – artisanat, agriculture et industrie – à des territoires métropolitains qui seraient la quintessence de l’économie du XXIe siècle. Notre intérêt serait pourtant que les territoires se rapprochent des métropoles. En effet, les fonctions métropolitaines sont des éléments de qualification pour une économie productive. Le principal enjeu, en matière d’aménagement du territoire, ne serait-il pas de créer les conditions d’un dialogue et donc d’une mobilité entre les zones métropolitaines avec leurs fonctions nouvelles, et les zones productives qui souffrent aujourd’hui et qui ont besoin, pour être compétitives, d’agréger la valeur ajoutée apportée par les métropoles ?

Je remarque qu’au niveau logistique, la containérisation a changé la donne. Je lisais récemment qu’il revient maintenant moins cher d’acheminer un container de Hong-Kong à Anvers que d’Aix-en-Provence à Dijon ! Dans ces conditions, la proximité d’un grand port maritime devient un élément fondamental dans l’équation métropolitaine et dans l’aménagement du territoire entre les zones productives, moins denses, et les zones sur lesquelles se concentre l’économie.

Cela me conduit à traiter des mobilités infra territoriales. Au lieu de parler d’égalité, ne devrait-on pas plutôt parler d’équité territoriale et faire en sorte qu’à n’importe quel point de la France, chacun soit à proximité d’une métropole connectée au reste du monde ? On n’a pas fait autre chose, à la fin du XVIIIe siècle, lorsque l’on a dessiné la nouvelle carte administrative.

Je terminerai sur les liaisons intermétropolitaines, au niveau français ou au niveau européen. Chacun est bien conscient qu’elles sont susceptibles d’agréger, elles aussi, de la richesse.

Dans ces conditions, ne prend-on pas un mauvais départ ? Ne faudrait-il pas faire de la mobilité l’élément central de la réforme territoriale ?

Ensuite, on voit bien que le monde se configure sur de nouvelles échelles et de nouveaux rythmes. Ne devrait-on pas mettre en place des exécutifs susceptibles de mieux synchroniser nos compétences économiques, sociales, de mobilité, d’aménagement du territoire, au lieu de continuer à les disperser ? Cela nous permettrait d’être plus en phase avec l’économie réelle.

Enfin, dans le cadre du Grand Paris, n’est-il pas contradictoire de vouloir mettre en place des grandes intercommunalités de 200 000 ou 300 000 habitants et de conserver les départements ? Six ou sept, voire huit couches administratives vont se superposer, ce qui entraînera un risque d’inefficacité maximum.

M. Patrice Carvalho. La mise en place des communautés de communes, des communautés d’agglomération ou des métropoles n’a fait qu’éloigner le citoyen du centre de décision. De ce fait, celui-ci n’a plus de levier à actionner, à tel point que l’on peut s’interroger sur l’opportunité d’organiser, demain, des élections municipales. À quoi servent-elles en effet ? Le pouvoir de mon beau-frère, qui est maire d’une commune de la région de Compiègne, se résume à la gestion de l’état civil. Y a-t-il vraiment besoin d’un maire pour cela ? Ne faut-il pas faire comme les Allemands, il y a quelques années, et désigner un bourgmestre, rémunéré par l’État, pour assumer cette responsabilité ? (Exclamations sur divers bancs) On pense toujours que la situation va s’améliorer. Mais ce n’est pas le cas et l’on est bien obligé de reconnaître la réalité telle qu’elle est.

Je remarque que M. Langevin veut imposer à des élus, sur Marseille, ce qu’ils ne souhaitent pas. Mais qu’on les laisse décider ! Après tout, ils ont été désignés par les citoyens sur la base d’un programme et d’une politique. Ensuite, les mêmes citoyens pourront se déterminer à nouveau.

Je voudrais maintenant parler de la péréquation. Ma commune, Thourotte, paie une péréquation, avec 37 % de logements sociaux et 85 % d’un budget en fonctionnement, à l’agglomération de Compiègne. Est-il normal de la considérer comme une commune riche ? Mais le système est complètement vicié ! Il ne correspond pas à la réalité.

Le Grand Paris nous intéresse, monsieur Gilli, car il est pour nous un passage obligé. Or, jusqu’à présent, nous avons du mal à accéder et à traverser l’agglomération parisienne. Si vous voulez vous rendre à Figeac en train à partir de Thourotte, qui est tout de même sur la ligne Paris-Bruxelles, il vous faut dix heures. Si vous voulez vous rendre à Marseille, vous pouvez prendre le train à Roissy, mais entre Thourotte et Roissy, il vous faudra prendre la voiture.

À ce propos, monsieur Langevin, à vous entendre, les gens seraient davantage des croyants que des pratiquants lorsqu’il s’agit de prendre les transports en commun. Mais c’est la réalité qui les y amène ! Qui prendrait sa voiture pour aller à Paris s’il avait des facilités pour y accéder en train ? Cela dit, je ne conteste pas que l’on ait fait preuve d’un certain individualisme en matière de transports, et je reconnais qu’il faudra du temps pour abandonner cette « culture ».

Enfin, j’affirme, comme les autres, que je suis, moi aussi, au centre du monde…

Mme Laurence Abeille. Le débat est extrêmement intéressant et le sujet traité éminemment politique : nous sommes amenés à reconsidérer le monde dans lequel on vit et la société dans laquelle on a envie de vivre.

Nous débattons au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est en effet à l’aune du développement durable que l’on doit envisager les transitions organisationnelles de la société. Celles-ci sont la conséquence de choix politiques – par exemple, empilement des structures administratives – ou le fruit de luttes sociales – construction, ou non, de logements sociaux. Mais maintenant, nous devons nous mettre d’accord sur des gouvernances communes, sur des bases démocratiques – pour les écologistes, le suffrage universel direct. Ce n’est pas simple.

S’agissant des métropoles, il ne faut pas avoir une vision trop tranchée. On ne peut pas dire que la métropole concentre tous les maux, ni qu’elle est l’avenir de la société dont elle assure le rayonnement économique et la compétitivité. Ce ne seraient que des mots qui correspondraient pas à notre volonté d’assurer à nos territoires un développement durable.

Il ne faut pas non plus ne parler que de métropoles et négliger les territoires qui ne sont pas concernés par le fait métropolitain. D’ailleurs, on ne peut pas envisager la métropole sans les territoires qui n’en font pas partie. Pour ces derniers, ne devrait-on pas réinstaurer les pays ? C’est une proposition que nous portons. Ne serait-ce pas le moyen retisser un lien entre les futures métropoles et le reste du territoire ?

Nous savons par ailleurs qu’une métropole ne saurait être figée. Son évolution est liée, nous a-t-on dit, à la mondialisation de l’économie et aux flux tendus. Nous espérons, pour notre part, qu’un changement de modèle et de développement économique nous amènera, dans dix, vingt ou trente ans, à d’autres formes d’organisation de la société – économie circulaire, circuits courts, relocalisations, fonctionnements plus durables, au service de l’économie et des habitants du territoire.

Je dirai un mot de la métropole parisienne. Il y a longtemps, là où nous sommes, ce n’était qu’un faubourg de Paris, le Pré-aux-Clercs. Un peu plus loin, c’était le village de Vaugirard. Puis la construction du périphérique imposa des limites – pour de bonnes et de mauvaises raisons. Aujourd’hui, la Métropole de Paris doit intégrer, dans son territoire, la petite couronne. Mais elle ne doit pas se confondre avec la région. La métropole doit être un lieu de vie et d’échanges, avec une gouvernance directe, et la région le centre des décisions pour l’ensemble des territoires. Faire autrement serait un non-sens géographique, économique et humain. Nous devons, entre autres, éviter l’artificialisation des terres et l’étalement urbain.

En résumé, il faut que nous nous engagions avec prudence vers la mise en place des métropoles qui ne constitueront peut-être qu’une étape vers une société moins concentrée et moins tournée vers le réchauffement climatique.

M. Olivier Falorni. Merci à nos trois intervenants pour la grande qualité de leurs exposés.

Parler de démocratie locale, d’organisation décentralisée de la République ou simplement de décentralisation, nous renvoie à un débat ancien, où s’expriment des conceptions différentes de la Nation. Le groupe RRDP soutient clairement une conception girondine de la République : une décentralisation réelle qui recrée du lien entre la décision publique et les citoyens, au plus proche des territoires et de la vie concrète de nos concitoyens.

La pratique de la démocratie se réalise bien évidemment, pour nos concitoyens, d’abord dans leur cadre de vie quotidien, par l’intermédiaire de nos collectivités, en particulier dans les territoires ruraux. Nos communes, nos agglomérations, nos départements et nos régions sont les espaces premiers de la vitalité démocratique. C’est à ces niveaux-là que s’exprime d’abord le désir de vivre ensemble, au sens où l’exprimait en son temps Ernest Renan, qui a été souvent été caricaturé au cours du mauvais débat sur l’identité nationale. Mais je suis convaincu que les élus, ancrés dans un territoire, savent que le consentement actuel – ce qu’il appelait « le plébiscite de tous les jours » – s’exerce en premier lieu dans un cadre local, au-delà même du drapeau de la religion ou de la langue.

C’est par ce rôle de corps intermédiaires que les collectivités deviennent les garants de notre cohésion sociale nationale, les relais de la mise en œuvre des politiques nationales. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, l’objectif général est clair : renforcer l’efficacité de l’action publique à tous les échelons pour améliorer les services publics en clarifiant l’exercice des compétences.

Mais avec cet objectif louable, le concept du « fait urbain » s’invite dans le débat dans une acceptation très maximaliste. Il me semble que penser en termes d’isolats séparés nous empêche de penser l’organisation territoriale en termes de réseaux. En faisant l’impasse sur l’organisation des réseaux, sur leur gouvernance, le risque existe que ce projet de loi ne parvienne pas à limiter les effets pervers du phénomène de développement de certaines métropoles au détriment de ses voisines et au détriment du pouvoir d’unification et de péréquation des territoires par les départements et par les régions.

Selon les domaines, il faut évidemment clarifier et prévoir des niveaux d’intervention différents. Mais surtout, et nous insistons là-dessus, il ne faut pas oublier la coordination. Et cela ne doit pas se faire « sur le dos » du tissu rural. Même si l’on nous explique que cela est dû au redécoupage du texte, nous attendons que l’on nous donne des garanties sur la prise en compte du monde rural. Il convient effet d’assurer le développement équilibré de nos territoires.

J’aurai quelques questions.

Alors que les souverainetés sont partagées, j’aurais aimé avoir votre avis sur la gouvernance. En effet, ne vous semble-t-il pas que la gouvernance implique la mise en réseau d’un ensemble d’acteurs, que ce soit les villes, les territoires, les institutions, les entreprises, les associations, dans une relation à la fois horizontale au quotidien entre les acteurs locaux, et verticale entre les acteurs institutionnels ?

Enfin, comment incarner la dimension politique de la métropolisation au-delà de cette forme du territoire ? Comment transformer le contenu du mandat électif et lui donner un sens au-delà de son territoire d’élection ?

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je rappellerai que la réforme que nous allons examiner dans les semaines qui viennent est d’abord et avant tout destinée à servir l’intérêt du citoyen. Il s’agit de renforcer l’efficacité de l’action publique et d’améliorer la qualité du service rendu en matière de logement, de transports, etc.

Ce texte intervient, comme l’a fait remarquer notre collègue de l’UMP, dans un contexte financier très contraint. On nous a effet annoncé que les collectivités locales verraient leurs dotations baisser de 4,5 milliards d’ici à 2015, afin de participer au redressement des comptes publics. Mais cette baisse ne doit pas être un prétexte à repli sur soi ni à moins de solidarité. J’aimerais donc savoir si nos trois intervenants ont étudié les conséquences financières induites par la création des métropoles, tant sur les dotations de l’État que sur les péréquations, qu’elles soient verticales ou horizontales.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le projet de loi déposé par le Gouvernement, dans son article 31, comportait deux dispositions impératives pour la création des futures métropoles. La première était l’obligation de structurer les intercommunalités existantes en métropoles, avec un seuil de population qui a été rectifié depuis, la transformation devant se faire par décret. La seconde consistait à organiser, sur le mode lyonnais, le transfert automatique d’une série de compétences départementales au 1er janvier 2017.

On sait que ce scénario a été jugé trop radical par le Sénat. Et le caractère impératif de la transformation des intercommunalités en métropole et du transfert de compétences a été remis en cause. Pensez-vous qu’il faille réintroduire l’automaticité voulue par le Gouvernement ? N’est-ce pas à ce prix que nous serons en mesure de rattraper notre retard sur nos voisins européens en termes de métropolisation ?

Je m’interroge par ailleurs sur la clause de compétence générale. La question ne porte-t-elle pas davantage sur son élargissement aux EPCI et aux métropoles que sur son rétablissement pour les régions et les départements ?

Enfin, vous avez souvent parlé, dans vos interventions, du « reste du territoire », c’est-à-dire des territoires ruraux. Comment interprétez-vous la création, par le Sénat, d’un pôle rural d’aménagement et de coopération ? Est-ce un bon outil, dans la forme que propose le Sénat ? Faut-il aller plus loin ? Ce syndicat mixte fédérerait les intercommunalités existantes. En effet, dans de nombreux territoires, l’éclatement des intercommunalités pose un vrai problème et il est sans doute nécessaire de trouver, en face des métropoles, un outil de structuration et d’organisation et de solidarité territoriale.

M. Jacques Kossowski. J’ai le sentiment que le citoyen est le grand absent de la construction des métropoles. D’ailleurs, lui-même ne voit pas toujours ce qui va changer dans sa vie quotidienne. Il a l’impression que ce sont des projets futuristes, à vingt ou trente ans. Il serait important de se fixer avec plus de conviction, notamment dans le projet de loi, des objectifs quantifiés de développement économique, de croissance, d’emplois, de formation, de recherche ou de construction de logements. Le citoyen doit avoir le sentiment que ce projet véhicule une ambition mobilisant les acteurs locaux.

Par ailleurs, et je le dis à l’adresse de M. Gilli, dans la région Île-de-France, la péréquation se discute au sein de Paris Métropole, où toutes les sensibilités sont représentées. Bien sûr, pour ceux qui paient, c’est trop cher, et pour ceux qui reçoivent, c’est insuffisant. Mais cela vient du fait que l’on ne connaît pas toujours l’utilisation des sommes correspondantes.

M. François-Michel Lambert. Je suis député des Bouches-du-Rhône, d’une circonscription qui mord sur les trois agglomérations d’Aix, Marseille et Aubagne. Je suis donc concerné par le débat, même si je suis le seul député non marseillais favorable au projet de métropole d’Aix-Marseille-Provence. Cela étant, je suis aussi le député du territoire de Manon des Sources et de Jean de Florette, dont l’histoire prouve que les territoires qui s’ignorent finissent par s’assécher…

Je tiens à remercier M. Langevin pour ses propos. J’observe, par ailleurs, que la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence sera effective au 1er janvier 2016. Ne pourrions-nous pas consacrer l’année 2014 à un débat public, qui serait conduit par la CNDP et dont l’objectif serait de définir le projet métropolitain et de nous l’approprier ? En nous remettant autour de la table, nous porterions cette ambition collective. Que pensez-vous de l’idée ?

M. Philippe Plisson. Le phénomène de métropolisation se traduit par une attractivité croissante dans les plus grandes villes et une concentration de la production de richesses dans ces territoires. Or, grâce au développement des réseaux de transport, les relations entre les grandes métropoles se développent, amenant à la constitution d’archipels métropolitains. Parallèlement, les zones rurales vieillissent, se dépeuplent et surtout, s’appauvrissent. Or la campagne ne saurait être une zone de relégation où seraient cantonnés ceux qui n’ont pas les moyens de vivre en ville.

Ces deux types d’espaces sont complémentaires. Pour autant, l’organisation métropolitaine risque de se mettre en place au détriment de l’arrière-pays, en accroissant la facture territoriale si le monde rural reste géré par des structures balkanisées, et donc souvent inopérantes. Le raisonnement que tenait M. Langevin à propos de Marseille peut s’appliquer à l’ensemble du monde rural – dissensions, difficultés à se regrouper, obstacles qui tiennent davantage à la nature humaine qu’à l’aménagement du territoire qui devrait guider les démarches.

Que penseriez-vous d’une démarche de métropolisation du monde rural, sous forme d’intercommunalités à dimension pertinente, à l’échelle d’un pays ou d’un arrondissement ?

M. Yannick Favennec. De quelle façon la métropolisation peut-elle aider à réduire les inégalités existant entre les différents territoires, en particulier entre les territoires ruraux et les grandes villes, que ce soit en termes d’accessibilité aux services publics, aux transports et aux services de santé, ou en termes de ressources financières ? Faut-il intégrer les territoires ruraux au sein des métropoles pour qu’ils ne soient pas délaissés ? En un mot, l’avenir des territoires ruraux passe-t-il par la métropole ?

Par ailleurs, les maires représentent les fondements de la démocratie locale, grâce à la relation qu’ils entretiennent avec leurs concitoyens. Quels seront le rôle et la place des communes dans la métropole ? La métropolisation annonce-t-elle la disparition de ces cellules de base de notre démocratie, qui sont des repères pour nos concitoyens et, par conséquent, la disparition du mandat de maire ? La métropolisation va-t-elle entraîner un « choc de simplification » entre les différentes strates territoriales ? Sera-t-elle à l’origine de la création d’un échelon supplémentaire ?

M. Guillaume Chevrollier. Je constate moi aussi que certaines villes ont tendance à se développer, non pas en complémentarité avec les autres, mais concurremment aux autres. Donc, si l’on veut que certains projets aboutissent, il y encore des efforts à faire.

La métropolisation dans la décentralisation amènera à définir des espaces cohérents assurant ce développement. Mais il faudra le faire dans une logique d’optimisation et de rationalisation des coûts, de diminution de la dépense publique, en raison d’un contexte budgétaire très contraint.

Je remarque, par ailleurs, qu’aucun intervenant n’a évoqué la notion de « bassin de vie ». Or celui-ci, qui dépasse les frontières administratives et politiques, a sa cohérence. Il faudrait l’intégrer dans la réflexion que nous menons pour mieux articuler les espaces ruraux et la métropole.

J’aimerais enfin savoir comment on pourrait définir les frontières de ces espaces métropolitains, afin de les figer dans le temps.

M. Christian Assaf. Monsieur Langevin, je suis d’un territoire qui n’est pas au centre du monde, pas plus qu’il n’est au Sud-Ouest que nous laissons à Bordeaux et à Toulouse, pas plus qu’il n’est au Sud-Est, que nous laissons à Marseille et à Nice : il est au « vrai » Sud, avec Montpellier comme centre de gravité.

Vous avez parlé de la compétitivité des villes dans un modèle économique mondialisé. Pourtant, le morcellement de nos institutions politiques n’a-t-il pas été un atout pour l’attractivité de nos territoires ? Il a en effet amené la multiplication des équipements structurels, des pôles de santé et des pôles universitaires sur l’ensemble de notre territoire.

Vous avez également mis en avant l’idée qu’il fallait adapter le territoire à nos pratiques sociales. N’est-il donc pas incohérent de fixer des seuils de population à nos bassins de vie ? Pour moi, la question est de savoir si, au nom du fait métropolitain, une aire urbaine comme Montpellier a vocation à être absorbée par une aire métropolitaine comme Marseille ou Toulouse, ou à demeurer leur banlieue.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le président, en tant que défenseur des territoires ruraux, je suis inquiet. En effet, le projet de loi intitulé initialement « de décentralisation » est maintenant saucissonné en trois parties. Selon moi, cette division nuira profondément à une vue d’ensemble du territoire français, qui est pourtant indispensable à une décentralisation efficace et autonome.

Ainsi présenté, le projet de loi risque d’opposer, au final, les trois grandes métropoles, retenues sur un critère purement démographique, au reste du pays et, notamment, aux territoires ruraux, alors qu’il est au contraire nécessaire de favoriser la complémentarité et de renforcer la solidarité entre les territoires urbains et les territoires ruraux. Quelles en seront les conséquences, notamment pour les régions rurales à faible densité de population, sachant qu’il est prévu de faire baisser les dotations des collectivités territoriales ?

M. Alexis Bachelay. Monsieur Gilli, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur la métropole francilienne. J’aurais donc plusieurs questions à vous poser à ce sujet.

Quel est le coût de l’absence de gouvernance dans cette métropole ? Moi qui suis un élu de la proche banlieue, je me rends compte au quotidien que certaines questions, qui ne peuvent être traitées qu’à une échelle métropolitaine, ne le sont pas.

Quel est le coût de l’absence de péréquation, qui génère des inégalités territoriales qui s’accroissent d’année en année ?

Quel est le coût de l’absence de simplification politico-administrative ? Dans les années soixante, on avait redécoupé les départements. Depuis cette époque, on n’a fait que rajouter des couches – les régions et les intercommunalités – sans en enlever aucune. Cette stratification rend évidemment de moins en moins lisibles et de moins en moins efficaces nos politiques publiques. C’est une véritable gabegie ! Certaines structures font doublon dans tous les départements, parfois même dans les communes et les intercommunalités.

Enfin, quel est le coût de l’absence de représentation démocratique de ces territoires ?

Mme Sophie Rohfritsch. Tout en étant passionnant, notre débat demeure théorique. Nous sommes loin, de plus en plus loin, des préoccupations des citoyens. C’est un débat d’experts : l’idée est excellente, le marketing très bon. Mais je pense, sincèrement, que les citoyens n’y comprendront rien, ce qui ne sera pas de nature à restaurer le lien de confiance avec les élus. Nous devons aller plus loin dans le texte, « faire le ménage » et conférer aux métropoles de réelles compétences.

Je me réjouis par ailleurs que Strasbourg soit devenue « Eurométropole », car cela valide son statut de capitale européenne. Malgré tout, je vous rappelle que nous avons déjà un Eurodistrict qui ne fonctionne pas et une Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur, dont on ne sait pas vraiment à quoi elle correspond. Certes, nous disposons de nombreux outils, mais je m’inquiète de la façon dont nos concitoyens appréhenderont le millefeuille institutionnel dont nous avons déjà beaucoup parlé en Alsace, et que nous avons essayé de rationaliser – sans beaucoup de succès, d’ailleurs.

Il faut donc y aller franco ! Il faut se décider à faire le tri parmi les différentes compétences. Notre commission doit se prononcer et faire, par exemple, du développement durable, une compétence de la future métropole.

M. Julien Aubert. En entendant M. Pinson, je me suis aperçu que la « métropole Gargantua » était à l’inverse de l’esprit de la réforme de 1982, qui avait abouti à une « reconcentration décentralisée » avec des administrations pléthoriques, mais régionalisées.

Par ailleurs, en observant les modèles de métropoles, celles de Paris, Lyon ou Marseille, j’ai remarqué que l’approche pouvait être différente selon les villes. Ainsi, le modèle de métropolisation parisienne semble beaucoup plus souple que celui qui a été imaginé pour Marseille – je précise que je suis député du Vaucluse et élu de la communauté du pays d’Aix.

Cette observation étant faite, j’aimerais savoir quelles sont les compétences que l’on doit donner à la métropole pour qu’elle fonctionne. À ce propos, je pense qu’il faudrait mettre à l’honneur le principe de subsidiarité.

Ensuite, a-t-on imaginé, ou pourrait-on imaginer, un modèle de métropole avec un cœur métropolitain qui serait intégré et une aire métropolitaine qui serait plus diffuse, avec des compétences moins marquées ou des missions ? Cela permettrait d’associer un hinterland au cœur métropolitain.

Enfin, personnellement, je suis plutôt favorable au projet de métropole, mais quand je vois que celle-ci devrait s’étendre jusqu’à Pertuis, dans le Vaucluse, je m’interroge : ne risque-t-on pas de réinventer « Gargantua » ?

M. Édouard Philippe. Les intervenants ont estimé que les aires métropolitaines pourraient s’étendre sur un rayon de 200 ou 300 kilomètres. Je souhaiterais savoir comment ils envisagent les rapports entre Paris et les métropoles situées à 100 ou 200 kilomètres de la capitale. Je précise que je suis maire du Havre et député de Seine-Maritime et que je m’intéresse tout particulièrement aux rapports entre la métropole parisienne et son accès à la façade portuaire.

Pour terminer, je répondrai à M. Fromantin qu’il coûte en effet moins cher de faire venir un container de Hong-Kong à Anvers que d’Anvers à Paris. Mais la prochaine fois qu’il aura besoin d’envoyer un container en France, je lui conseillerai de le faire passer par Le Havre : ce sera bon pour l’économie française, pour le port du Havre et pour tout le monde ! (Sourires)

M. Michel Heinrich. Je voudrais revenir, moi aussi, sur l’appropriation, par la population, de ces constructions institutionnelles et poser une question à M. Pinson.

Celui-ci a mis en doute, et la constitution et le fonctionnement de la Conférence métropolitaine. Selon lui, dans l’idéal, comment cette conférence devrait-elle fonctionner ?

Est-ce que la construction de la métropole lyonnaise aura une influence sur le pôle métropolitain ? Entraînera-t-elle une modification du fonctionnement de celui-ci ?

Enfin, que deviendra le reste du département, qui doit représenter à peu près 400 000 habitants ? Comment va-t-il fonctionner ? Comment va-t-il s’articuler avec la métropole ?

M. Yves Albarello. Je suis ravi de constater que le débat qui nous anime ce matin a été, en définitive, relancé par l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, à travers son projet de loi sur Grand Paris. Le Grand Paris, devenu le Grand Paris Express, à la suite de l’accord historique passé entre l’État et la région, et qui devient le Nouveau Grand Paris, à la suite des arbitrages rendus par l’actuel Premier ministre.

Je souhaite apporter quelques précisions à M. Gilli. Vous avez dit que la révision du SDRIF avait été entamée par la région Île-de-France. Je vous rappelle que cette révision est une conséquence de la loi du Grand Paris. Vous avez parlé du logement. C’est un domaine abordé par cette loi, qui dispose que nous devons construire 70 000 logements par an.

Vous avez également parlé de la liaison des grands clusters qui ont été identifiés en dehors de la capitale. Je rappelle que dans le premier projet qui avait déposé au Parlement, le projet « Blanc », un métro ferrique reliait un certain nombre de clusters comme le plateau de Saclay, la cité Descartes à Marne-la-Vallée ou la Cité de l’aéronautique au Bourget. Cette liaison a été substantiellement modifiée par l’accord historique. Puis, sont intervenus les derniers arbitrages du Nouveau Grand Paris.

Je remarque qu’il n’existe pas de grand projet structurant de transports pour le Grand Marseille. Je me souviens d’ailleurs être allé faire une conférence à l’Agora de Marseille sur le Grand Marseille, et j’ai constaté que les élus étaient sceptiques sur la possibilité de réaliser, sur place, un projet équivalent à celui de Paris.

Cela m’amène à vous poser cette question : comment expliquez-vous que le Sénat, dans sa grande majorité, ait rejeté toutes les propositions sur le Grand Paris ? Ne pensez-vous pas que les élus de la proche périphérie craignent de perdre à la fois leur identité et leur pouvoir ?

M. Jean-Marie Sermier. Lors de l’audition de Mme Marylise Lebranchu, j’avais déjà déploré l’existence du millefeuille institutionnel. Aujourd’hui, nous en rajoutons une : nous en sommes donc à 1 001 feuilles, ce qui constitue une exception française.

Depuis un certain nombre de décennies, on court après une chimère, en tentant de confondre les territoires, les compétences et la gouvernance. Or il n’est pas possible de mettre en place, sur chacun des territoires, et pour chaque compétence, la bonne gouvernance, ni de mettre une collectivité territoriale en face de chacune des compétences et de chacune des gouvernances. Autrement dit, nous risquons l’émiettement et la balkanisation des responsabilités. Comme l’ont fort justement rappelé certains collègues, nous ne serons plus en phase avec les citoyens qui ne comprendront plus qui décide quoi.

Il est donc urgent qu’à chaque fois que l’on envisage de créer une nouvelle collectivité ou de rajouter une nouvelle couche à notre millefeuille, nous réfléchissions à la façon de supprimer une des feuilles. À votre avis, à terme, quelle collectivité devrions-nous supprimer, pour rester en phase avec nos concitoyens et faire en sorte que notre démocratie continue à être reconnue et appréciée ?

M. Frédéric Gilli. Je ne vais évidemment pas pouvoir répondre à toutes les questions. Mais celles-ci nous renvoient à une question plus générale : qu’est-ce que c’est qu’une ville, aujourd’hui ?

Dans mon intervention, j’avais insisté sur l’opérationnalité urbaine. Même si ce n’est plus le cas, à partir de la Seconde guerre mondiale et pendant des décennies, on a construit des villes fonctionnelles, inspirées notamment de la charte d’Athènes, avec des barres de logement pour optimiser notre production de logements, avec des grands centres commerciaux pour massifier la consommation. On installait de grandes usines et on organisait, avec de grandes autoroutes et de grands flux de mobilité, la circulation des habitants entre tous ces éléments. Cette méthode s’est révélée inefficace : les concentrations de logements sont de plus en plus délabrées, les autoroutes, les systèmes de transport de plus en plus saturés, et les centres de consommation à repenser. Et je ne parle pas des usines qui ferment. On doit donc maintenant se demander comment refaire des villes à partir du citoyen. Je précise que le citoyen est entendu ici comme une unité de base intégrant toutes les fonctions – repos, travail et consommation. Dans la ville, au quotidien, le citoyen ou le consommateur est aussi un acteur du système de production.

Vous m’avez interrogé sur la façon d’intégrer les territoires en situation difficile – territoires ruraux, périurbains, socialement très défavorisés ou enclavés – dans le système productif. Il se trouve que j’ai conduit des travaux, notamment pour la DATAR, sur le rôle des territoires dans les politiques d’innovation – nous avions alors travaillé avec des experts, des chefs d’entreprise et des élus sur l’importance des territoires dans la reterritorialisation de la mondialisation. Je vous répondrai qu’il ne suffit pas de décréter des circuits courts. Il faut affirmer que la capacité d’innovation de notre pays passera par une façon différente de faire nos villes – qu’il s’agisse de la mobilisation des artisans ou des modèles de construction – et par l’invention de nouveaux outils, de nouveaux instruments et de nouveaux produits. De ce point de vue, la région parisienne pose question.

Dans son intervention du 6 mars dernier, le Premier ministre disait que pour faire un Nouveau Grand Paris, il fallait repenser la territorialisation du système de transport. Il posait la question institutionnelle et la question du développement économique en confiant celle-ci à la région. Or le « saucissonnage » du texte, que vous avez été plusieurs à dénoncer, posera un problème évident.

La question du développement économique du Grand Paris renvoie en effet directement à celle des compétences de la région ; comment celle-ci va-t-elle renforcer son pouvoir d’animation économique, en relation avec des territoires opérationnels et puissants d’un point de vue urbain ? Il faudra sans doute renforcer les intercommunalités pour restructurer les territoires de l’échelle locale. Vous avez parlé des bassins de vie. Mais je vous ferai remarquer qu’à l’échelle de la région parisienne, les contrats de développement territorial – CDT – qui ont été créés dans la loi de 2010, ont vu progressivement leurs contours bouger – ils sont en train de devenir des CDT généralistes et non plus thématiques – et que de nouveaux territoires, comptant 300 000, 400 000, 500 000 habitants et couvrant 5 000 ou 6 000 hectares, sont en train de s’organiser. Ce n’est pas pour rien que, dans sa version originale, le seuil de population avait été fixé à 300 000 habitants – et pas à 200 000.

Sur la question des départements, j’ai déjà donné mon avis. Je pense qu’en région parisienne – je ne parle pas de la province où la situation est très différente – les départements sont un vecteur de diminution de la solidarité. Ils organisent et ils accroissent les inégalités au lieu de favoriser et d’améliorer l’intervention de l’État et des collectivités publiques en matière de solidarité. Donc, soit vous les supprimez, soit vous les fusionnez.

La solidarité passe, certes, par des mécanismes de péréquation. Mais les inégalités nées des marchés du travail, des marchés fonciers et du logement, sont renforcées par l’organisation institutionnelle, ce qui est tout de même un comble. Vous disiez tout à l’heure que l’objectif de cette loi était d’améliorer notre façon de fonctionner. Or le cloisonnement de notre système accroît les difficultés au lieu de les résoudre. Stopper le processus constituerait déjà un progrès. Cela dit, je ne sais pas si la fusion à laquelle on pourrait procéder devrait se faire au niveau de la région ou de la proche couronne.

Maintenant, faut-il des territoires figés ? Je pense qu’il faut des territoires lisibles et clairs. Mais j’appelle votre attention sur le fait que la région parisienne a beaucoup souffert du périphérique : ce n’était pas seulement une autoroute, c’était surtout une barrière mentale, psychologique et urbaine, qui a organisé les rapports humains et politiques pendant des années. À l’occasion d’une récente enquête, les Parisiens ont dit que depuis une dizaine d’années, ils commençaient à pouvoir aller plus facilement en banlieue, mais qu’ils n’avaient pas encore suffisamment envie d’y aller. De fait, les échanges entre Paris et la banlieue ne sont pas encore suffisants. Il ne s’agirait pas de reproduire la même chose à l’échelle de la petite et de la grande couronne. Aujourd’hui, de grands équipements sont en train de s’installer en grande couronne, à Évry, Roissy, Versailles, Marne-la-Vallée, Cergy-Pontoise, etc. Ces territoires font-ils ou non partie de la métropole ? Il pourrait être judicieux de renforcer les intercommunalités et de les autoriser à rejoindre le département unifié du centre. Vous pouvez autoriser des modifications de contours. Après tout, c’est vous qui faites et défaites la loi. D’une certaine façon, il ne faut rien vous interdire.

Passons à la question du « hors Paris », et aux relations de villes comme Le Havre, Auxerre, ou Reims, avec la capitale. Il se trouve que j’ai commencé ma vie professionnelle à l’INSEE en travaillant pour la DATAR sur la question du Bassin parisien. J’ai alors pris conscience de l’importance de la relation entre Paris et les régions autour de Paris – pour Paris comme pour ces régions. Je pense qu’il faut encourager la politique de coopération et d’intégration de ces villes. Je travaille aujourd’hui sur la Basse Vallée de la Seine et j’ai constaté cette situation aberrante : l’un des principaux obstacles au développement du port du Havre, du port de Gennevilliers et de la plate-forme Seine Métropole est la difficulté que rencontrent les chargeurs, les armateurs et, en dernier ressort, les clients, à travailler ensemble faute d’une bourse d’échanges et de politiques intégrées. Il faudra donc, secteur par secteur, activité par activité, favoriser les coopérations intermétropolitaines et interrégionales. Car si les parlementaires ont un pouvoir et un devoir d’innovation fondamental, ils ne peuvent pas tout. Aujourd’hui, les villes sont faites autant par les lois que par les acteurs économiques, les acteurs associatifs et les citoyens.

Je terminerai sur les coûts – même si, évidemment, je n’ai pas de chiffres à vous communiquer.

Ce n’est pas pour rien que les émeutes de 2005 ont commencé en Île-de-France. Les jeunes des banlieues se plaignent de l’absence de connexion au marché du travail. Ils sont à proximité d’un des plus grands centres de création, d’innovation et de production de la planète et ils n’y ont pas accès ! De ce fait, nous nous privons de leurs capacités d’innovation. J’ajoute que je travaille avec des jeunes de toute la banlieue parisienne – du Val Nord, à Argenteuil, de Bobigny, de l’Essonne, etc. Lorsque les maires organisent des réunions entre ces jeunes, des responsables du MEDEF et des patrons d’entreprise, les jeunes ne viennent que parce que le maire leur a promis que des patrons seraient présents. Après deux ou trois réunions, le regard de tous les acteurs économiques institutionnels sur ce que sont ces jeunes et sur ce qu’ils portent change radicalement. Reste qu’aujourd’hui, une partie de nos problèmes est liée à la question institutionnelle : les territoires à l’échelle desquels on est capable de mettre les gens en relation ne sont pas adaptés pour leur donner accès à suffisamment d’opportunités.

Deuxième élément de coût : la question foncière et l’aménagement. Une ville se construit en redéployant la richesse capitalisée dans des rentes foncières élevées vers des territoires où existent des potentiels de croissance. Un promoteur immobilier ayant un parc qui rapporte de l’argent en zone centrale investira sur des territoires où il peut espérer rentabiliser son investissement. Le problème est que l’on n’investira dans ces territoires, et de manière intelligente pour la ville, que si ces gros investissements sont suivis par des investissements publics – équipements publics, crèches, routes, etc. Or aujourd’hui, le morcellement communal conduit à un coût par absence de développement. En effet, l’endroit où la richesse est accumulée ne peut pas investir dans les endroits où ce serait nécessaire. Voilà pourquoi je plaide depuis des années pour l’institution et la création d’un fonds mutualisé d’investissement à l’échelle de la métropole de Paris. Il faut permettre aux villes, aux communes riches de la région parisienne de prendre des participations dans les projets menés par les communes pauvres. Ce n’est pas de l’argent perdu qu’on donne à des communes pauvres, c’est de l’argent qu’on investit sur l’avenir de la région parisienne. En effet, si le territoire de Bagnolet, ou de Montreuil, ou de La Courneuve se porte mieux, la région se portera mieux et, à terme, nous en bénéficierons. Ce n’est pas à moi d’imaginer les contours d’un tel système, mais je pense que nous gagnerions à réfléchir à nouveau sur les outils et le fonctionnement de la péréquation.

Dernier élément de coût : l’absence d’animation de ce réseau. J’ai participé à deux aventures, finalement assez dramatiques : la stratégie régionale d’innovation d’Île-de-France, et les États généraux de l’industrie en Île-de-France. En effet, les différents acteurs nous ont dit qu’en province, les acteurs économiques, sociaux, industriels de la région s’étaient mobilisés de façon extraordinaire. Or ce ne fut pas le cas en Île-de-France. Les grands donneurs d’ordre industriels de la région se sont rendus aux États généraux de l’industrie nationaux et ont délaissé ceux de l’Île-de-France. Il est donc nécessaire de créer des interlocuteurs crédibles et des institutions qui constituent des repères forts, capables d’accompagner les entreprises à l’échelle de la région.

M. Gilles Pinson. Je rebondirai tout de suite sur ce que M. Gilli a dit concernant la force de la loi. Il est vrai que la loi peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout. Il serait dommage qu’en France, on cède encore une fois à cette pulsion institutionnelle, à cette tentation du « jardin à la française » en voulant à tout prix clarifier les compétences et figer les territoires.

Nous sommes confrontés à un changement de paradigme : nous sommes rentrés dans une société mobile, voire « hypermobile ». On peut certes attendre du fameux pic oil la raréfaction des ressources en énergie fossile pour que cette tendance s’inverse, mais je n’y crois pas trop. Je crains en effet que l’on ne trouve encore le moyen d’exploiter d’autres énergies fossiles.

Cette évolution entraîne des problèmes de gestion et de représentation politique.

En matière de gestion, nous sommes confrontés à des problèmes d’action publique, à des échelles et des périmètres qui varient en permanence. Voilà pourquoi parler aujourd’hui de bassin de vie ou de bassin d’emploi n’a plus de sens. Les géographes commencent même à se dire que c’est une vue de l’esprit de parler des bassins hydrographiques – qui fondent cette métaphore du bassin – dans la mesure où ils ne prennent pas en compte les réseaux souterrains qui font qu’en fait les bassins des fleuves sont en réalité connectés entre eux. L’idée du bassin de vie suppose que l’on pourrait enclore un espace où les déplacements domicile-travail-loisirs seraient saisissables et gérables. Mais ce n’est pas possible. On est donc obligé de « bricoler ».

On peut bricoler avec des lois, qui associent la contrainte et l’intéressement ; de ce point de vue, la loi Chevènement – qui a par ailleurs réglé bien des problèmes – en fut un exemple. On peut bricoler avec des formes de gouvernance des métropoles que je qualifierais d’« intergouvernementalistes ». La comparaison entre l’Union européenne et les intercommunalités me semble d’ailleurs très adaptée : ces ensembles se gouvernent, souvent à huis clos, dans des cénacles très obscurs, auxquels les citoyens n’ont pas accès.

Certains d’entre vous ont déploré le flou des compétences. Faut-il clarifier celles-ci ? La clause générale de compétence est-elle un obstacle ? Je ne suis pas sûr qu’un système d’action publique, dans lequel il y a des chevauchements de compétence qui obligent les différentes institutions à se parler, à coopérer, à faire travailler leurs techniciens ensemble, soit un problème. Même si cela coûte peut-être plus cher, cela peut permettre, à terme, d’améliorer les décisions.

Donc, on bricole sur des territoires mouvants, qu’il faut bien se garder de figer. Bien sûr, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt d’une simplification, surtout en période de disette budgétaire. Mais il ne faut pas avoir une vision simplificatrice de la simplification. Peut-être ne faut-il pas penser la simplification en termes de bornage très strict des compétences de chaque niveau. Peut-être faut-il la penser en termes différenciés.

Je pense que lorsqu’il a poussé à la création de la métropole de Lyon, Gérard Collomb avait en tête le modèle hanséatique adopté par certaines villes allemandes comme Berlin, Brême ou Hambourg : une ville avec un périmètre très large, compétente sur l’essentiel des compétences, certaines régions étant « boutées » en dehors de ce périmètre. Cela prend tout son sens à Lyon, dans le cadre d’un conflit très fort entre la région et la ville-centre, mais c’est peut-être un modèle viable. Peut-être pourrait-il cohabiter avec un autre modèle où le département – qui peut avoir un rôle à jouer, notamment dans les territoires ruraux – serait conservé.

Je n’ai pas de solution à vous proposer mais, globalement, je pense que l’on a intérêt à privilégier ce qui fonctionne. Certains se sont interrogés sur le bon périmètre, sur le bon seuil. Mais, à la limite, cela n’a pas d’importance : il faut voir ce qui fonctionne et quand cela ne fonctionne pas, peut-être faut-il avoir recours à la loi. C’est peut-être ce qu’il faudra faire à Marseille.

Évidemment, tout cela pose des problèmes de représentation politique. Le citoyen ne s’y retrouve plus. Jean Viard a parlé de la « démocratie du sommeil » : en effet, aujourd’hui, notre système représentatif est fondé sur l’idée que l’on vote là où l’on dort et non là où on travaille. Nous sommes toujours englués dans cette vision fixiste, territorialiste, de la représentation politique.

Les agglomérations fonctionnent à huis clos et voient émerger des oligarchies – c’est très clair à Lyon – constituées de grands élus et de grands techniciens qui gouvernent dans le plus grand secret avec l’alliance d’un certain nombre de grands intérêts, notamment immobiliers. J’observe tout de même que de tels phénomènes existaient déjà à l’échelle communale. Gardons-nous donc d’une nostalgie un peu déplacée sur la démocratie communale.

Le citoyen n’est pas le seul en cause. Dans les intercommunalités, de nombreux élus n’y comprennent rien. Plus généralement, ce n’est pas un problème de citoyens, c’est un problème d’évasion institutionnelle, de dérive oligarchique, de formes de gouvernements qui ne sont plus associés à des territoires bien circonscrits.

Cela signifie qu’il faut sans doute inventer de nouvelles formes de contrôle démocratique qui ne passent pas forcément par la fixité d’un territoire, par un régime d’assemblées ou par l’identification à un « leader féodal ». Peut-être faut-il aussi commencer à balayer devant nos portes, à observer le fonctionnement de nos institutions et mettre en place des solutions relativement simples, qui permettraient de mieux contrôler ces phénomènes de gouvernance métropolitaine intergouvernementale. Pourquoi n’a-t-on pas pensé à accompagner les conseils métropolitains d’un conseil, qui serait, à l’échelle métropolitaine, l’équivalent du Bundesrat ? Y seraient représentées les unités de base : les communes, les intérêts organisés, les citoyens, les associations, etc. Cette proposition a été faite, notamment, par un groupe de réflexion et d’action métropolitaine lyonnais.

Finalement, nous devons accepter le bricolage, l’intergouvernemental, le flou, le non figé. Nous devons faire notre deuil d’une démocratie municipale et « cloche-merlesque » bien assise dans ses bornes municipales. Pour autant, il faut rendre cette démocratie métropolitaine gouvernable.

Je répondrai maintenant rapidement aux autres questions.

D’abord, j’ai entendu dire que nous étions en retard par rapport aux autres pays européens. Certes, nous rencontrons des problèmes plus importants parce que nous avions un degré de fragmentation municipale plus élevé. Mais si vous regardez, par exemple, l’Italie ou l’Angleterre, ce retard ne saute pas forcément aux yeux.

Ensuite, s’agissant des territoires ruraux, on n’a pas parlé de la catastrophe qu’a été pour eux la réforme de l’administration territoriale de l’État menée sous la présidence précédente. Cette réforme les a en effet privés du soutien des services déconcentrés de l’État, et notamment de ceux de l’Équipement. Maintenant, faut-il les intégrer dans les métropoles ? Oui, quand c’est possible et que cela a du sens. Je pense, par exemple, qu’il serait utile que la future métropole de Lyon développe des compétences en matière de développement rural et qu’elle ne s’occupe pas stricto sensu de problèmes urbains.

On a peu parlé des régions. Il est vrai qu’elles sont un peu les grandes absentes de la réforme et de nos débats. Je vous renvoie à cette idée de modèle hanséatique. Peut-être faudrait-il, par exemple, priver Rhône-Alpes de la gestion de la métropole de Lyon, mais renforcer ses compétences en matière de politique industrielle. On dit depuis les années soixante que la région sera le grand ordonnateur des politiques de développement économiques, sauf qu’on ne lui en a pas donné les compétences, et qu’elle est entravée en permanence par le jeu des grands corps – notamment le ministère de l’industrie. Il y a donc quelque chose à faire de ce point de vue.

Je terminerai sur la péréquation. Pour ma part, en travaillant sur les logiques de redistribution fiscale à l’échelle des intercommunalités, j’ai constaté que la péréquation entre territoires pauvres et riches vient surtout – et peut-être pas suffisamment – de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. La péréquation se fait parfois, mais à quantité infinitésimale, à l’échelle des agglomérations lorsque celles-ci mettent en place des systèmes de redistribution via les dotations de solidarité communautaire. Mais en termes de redistribution fiscale, c’est l’État qui a un rôle important. La redistribution par les agglomérations passe essentiellement par les services, par les équipements, et par l’accès à l’expertise qu’elles offrent aux petites communes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il est vrai qu’à la lecture de ce texte, on peut s’interroger. Que se passerait-il si, demain, la politique d’aménagement du territoire était portée uniquement par le fait métropolitain et donc par la métropolisation ?

J’ai noté, au travers de ce qui a été dit, qu’il fallait de la souplesse. J’observe que, même si ce n’est pas le cas partout, les élus sont capables de prendre des initiatives. Je pense à ceux de Lyon et à ceux de la région Alsace – bien que l’initiative de ces derniers n’ait pas abouti. Reste que nous nous posons des questions sur l’avenir d’un certain nombre de territoires. Peut-être notre commission sera-t-elle amenée, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, à déposer des amendements afin de trouver de meilleurs équilibres.

Certains considèrent que les territoires ruraux n’ont pas d’avenir, d’autres – comme Frédéric Gilli le laissait entendre – qu’ils en ont un. Pour ma part, je pense que ce texte risque de nous amener à une mauvaise lecture de la politique d’aménagement du territoire à mettre en œuvre. Cela m’inquiète tout particulièrement.

M. Philippe Langevin. Vos questions sont très riches et nous aurions besoin de davantage de temps pour en débattre. Je me contenterai de quelques réflexions générales.

Je rappellerai en premier lieu que nous sommes dans une démarche de construction, que nous n’avons pas de certitudes définitives, pas de territoires tout faits à vous proposer de prendre ou de ne pas prendre. Il est vrai que la question posée a été : quel est le bon territoire, le plus efficace, le meilleur pour développer l’économie ? Or il n’y en a pas. Comme disait Coluche, la bonne taille, c’est quand les pieds touchent le sol ! (Sourires)

Le territoire auquel nous avons intérêt à réfléchir est sans doute celui qui correspond à notre vie quotidienne : déplacement domicile-travail, domicile-entreprise, accès aux réseaux culturels et commerciaux. C’est sans doute un territoire équivalent à l’aire urbaine, au sens de l’INSEE, dont 700 ont été développées en France. Ces territoires ont une réalité. Mais cette réalité est sans doute provisoire. Peut-être que dans dix ans, ils ne seront peut-être plus les « bons » territoires.

Il faudrait introduire, dans nos réflexions, l’idée de relativité. Ils changent avec l’économie, avec la vie, avec l’évolution des choses. Il n’y a pas de territoires ancrés. Mais nous sommes tellement ancrés dans nos communes, avec leurs monuments aux morts et leur défilé du 11 novembre, que nous avons tendance à donner à cet espace historique et culturel une réalité économique qu’il n’a plus depuis très longtemps.

Certains ont parlé des relations de la métropole avec le monde rural. On ne peut pas estimer que la métropolisation remet en cause l’attractivité de ce dernier. Le monde rural a sa logique et sa cohérence. D’ailleurs, dans les espaces métropolitains, il y a des territoires ruraux – à l’intérieur de la métropole Aix-Marseille-Provence, je peux vous citer le Puy d’Aubagne et le pays d’Aix. Certaines régions agricoles et rurales se portent très bien. Il n’y a donc pas d’opposition entre les deux et il faut plutôt construire des complémentarités.

Si l’on va un peu plus loin, on s’aperçoit que les départements alpins ont aujourd’hui des caractéristiques économiques bien plus favorables que les départements littoraux. Le produit par habitant y est beaucoup plus important qu’à Marseille, Toulon ou Nice. Les taux de chômage y sont plus faibles et les créations d’emploi plus nombreuses. Cela permet un rééquilibrage. Il faut donc abandonner l’idée que le monde rural est un monde « en solde », en déperdition, alors que le monde urbain est un monde porteur, en innovation. La réalité de notre région montre bien qu’il y a une alternative à la métropolisation.

Certains ont évoqué la question des relations transfrontalières, qui est tout à fait essentielle. De fait, on ne change pas de civilisation lorsque l’on passe de Menton à Vintimille. Il est très important d’introduire cette dimension, qui constitue sans doute un élément de construction de l’Europe plus important que le prix des légumes. Il est sans doute très compliqué de mettre en place des politiques communes, mais on pourrait imaginer des territoires transfrontaliers. Des expériences ont été menées entre Menton et Vintimille, entre Perpignan et Barcelone. On l’a déjà rappelé, nous sommes face à une multiplicité de territoires.

Il serait erroné de penser qu’il y a un seul territoire, dans lequel on va se retrouver, qui serait cohérent, organisé, structuré, dynamique, productif et compétitif. Il faut arriver à jouer avec la multiplicité des territoires et reconnaître que, finalement, à chaque problème, à chaque question, correspond un territoire.

Néanmoins, la question clé est celle des limites – même provisoires. Regardez la métropole de Nice, qui ne ressemble à rien, car elle ne comprend ni Cannes, ni Sophia-Antipolis, ni Monaco, ni Menton. Dans ces territoires, il y a une dimension politique à prendre en compte. Comme on est en démocratie, ne se réunissent que les municipalités qui ont envie de travailler ensemble. Le problème est qu’elles ne sont pas forcément sur un territoire économiquement cohérent.

Prenez Aix et Marseille. Enfin, c’est le même endroit ! Pour ma part, je suis professeur à Aix et professeur à Marseille. Nous ne sommes plus ni marseillais, ni salonais, ni aixois, mais métropolitains. C’est sur ce territoire que notre pays s’organise et que notre vie se structure. Or depuis le roi René, Marseille et Aix ne se sont jamais parlé. Et ce n’est pas un problème de parti, mais un problème d’histoire. Reste que cette mésentente totale entre ces deux villes nous fait perdre de la valeur ajoutée, de la productivité et de l’efficacité. C’est un point qui a déjà été soulevé.

Il faut également éviter de penser qu’il y aurait d’un côté des territoires métropolitains productifs, et de l’autre des territoires non métropolitains résidentiels ; d’un côté une métropole active, organisée, structurée, exportatrice, et de l’autre monde rural fait pour accueillir des retraités fatigués ou des cadres prêts à faire 200 km par jour pour aller travailler. En effet, tout territoire a à la fois une fonction productive et une fonction résidentielle. Un territoire ne peut pas vivre uniquement avec de l’argent qui a été gagné ailleurs. Il doit parvenir à s’organiser et à se structurer. Il faut rappeler qu’à côté d’un projet métropolitain, il y a aussi un projet rural, qui est lui aussi tout à fait essentiel.

Certains ont parlé des pays – qui, aujourd’hui, ne sont pas en bonne posture politique. J’observe que ces nouveaux territoires ont été dotés de conseils de développement, précisément pour faire droit à la légitime revendication de citoyenneté. Or c’est la misère noire ! Notre société n’arrive plus à développer de véritables comportements citoyens. Cela dit, ce n’est pas spécifique à notre débat d’aujourd’hui. C’est le problème d’une société très individualiste. Chacun devient maître de son projet, de son destin, de sa vie, de son avenir, et les grands engagements collectifs, qu’ils soient politiques, syndicaux, sociaux, ont beaucoup de mal à s’exprimer. Mais il est vrai aussi que le système est très compliqué et qu’on n’y comprend plus rien. On ne sait même plus à qui s’adresser et qui engueuler !

Nous sommes bien d’accord qu’une simplification s’impose. Reste que nous sommes également confrontés à un problème d’éducation et de formation, ne serait-ce que pour expliquer aux gens ce que c’est que le pouvoir local, comment il s’organise et ce que sont des élections. Les gens ne votent pas s’ils ne comprennent pas comment cela se passe. Je pense que cette éducation, cette formation passe par l’enseignement primaire, secondaire, et par les universités. Moi-même, j’accompagne chaque année mes étudiants aux délibérations du conseil général, du conseil régional et du conseil municipal. Mais qui le fait, qui le sait ? Dans ce contexte, votre préoccupation citoyenne est tout à fait essentielle.

Derrière la question de la citoyenneté se profile la problématique de l’intérêt général. Dans les territoires, il faut savoir discerner, définir et dessiner un intérêt général, qui dépend du moment où on l’exprime, qui prend en compte l’ouverture internationale, les volontés locales et les acteurs du territoire. Car le territoire se construit davantage par ses acteurs que par ses élus, notamment en matière économique.

Que voulez-vous que fasse un maire ? On en a parlé à plusieurs reprises. Il y a bien un problème de dialogue, un problème de relations et un problème de capacité à construire des projets. Il faut sortir d’une méthodologie de la subvention pour s’organiser vers une réflexion en termes de projets : comment organiser un projet collectif ? Comment lui donner du sens ? Comment passer d’une économie du bien à une économie du lien ?

Cela me ramène à ce que vous avez souligné à propos des réseaux. Ce sont les réseaux qui font le développement, c’est la relation qui fait la croissance, c’est la connaissance qui fait la compétence, c’est la capacité à discuter qui fait le développement. Ce n’est pas l’enfermement dans des histoires de villes ou des histoires politiciennes qui ne sont pas compatibles avec l’intérêt général.

Le développement durable doit prendre en compte les défis énormes qui vont impacter directement les collectivités territoriales : le défi climatique, le défi environnemental, le défi culturel, le défi de la mondialisation. Nous n’aurons pas de réponses toutes faites, de cartographies ou de territoires « clés en main » à vous proposer. Vous aurez des chemins, plutôt que des autoroutes, à poursuivre et à organiser. C’est bien pourquoi le débat est absolument essentiel. Il faut organiser des débats publics, des conférences, aller dans les universités, dans la rue, pour fournir des explications aux citoyens. Or souvent, surtout sur mon territoire, de nombreux élus locaux, plutôt que d’expliquer aux gens le sens de la métropole, expliquent le sens de la « non métropole ».

Cela dit, on n’est pas devant quelque chose de carré, de définitif, d’irréversible. On est dans un morcellement. Montpellier n’est pas la banlieue de Toulouse, ni de Marseille. Montpellier, c’est Montpellier – ce qui n’est pas rien. Il ne faut pas penser qu’une ville dépend automatiquement de la ville qui est derrière elle. De même que Marseille n’est pas la banlieue de Paris, ni de Lyon.

Il faut aussi faire attention aux appellations utilisées. On parle du « Grand Marseille ». Les autres communes seraient-elles petites ? Cela n’a pas de sens. Il n’y a pas de Grand Marseille, ni de Grand Paris, ni de Grand Lyon. Il y a des communautés qui essaient de se construire, avec de grandes difficultés liées à l’existence de logiques économiques. Notre ambition est de faire que la gouvernance soit la plus proche possible de ces logiques économiques, qui sont à durée déterminée. Et dans dix ans, on refera les territoires. Parce qu’aucun territoire n’est inscrit dans l’histoire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Messieurs, je vous remercie très chaleureusement pour vos présentations qui nous permettront de poursuivre notre réflexion, dans le cadre de l’examen du projet de loi qui aura lieu dans quelques semaines devant notre commission, puis en séance publique.

III.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 26 juin 2013, la commission a examiné, sur le rapport de M. Florent Boudié, rapporteur pour avis, le projet de loi adopté par le Sénat, de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 1120).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons à l’examen pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – sachant que trois autres commissions s’en sont saisies pour avis : la Commission des affaires culturelles, la Commission des affaires économiques et la Commission des finances.

Je rappelle que la Commission des lois, compétente au fond, examinera ce texte à partir du 1er juillet prochain et que le Gouvernement a demandé son inscription à l’ordre du jour dans la semaine du 15 au 18 juillet.

Nous avons reçu 49 amendements. Aucun n'a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution car ils ont été examinés dans le souci prioritaire de favoriser le débat. Mais cela ne présage pas des décisions qui pourraient être prises pour la séance publique, la recevabilité financière s'appréciant niveau de collectivité par niveau de collectivité, ce qui signifie qu'aucun transfert de compétences n'est recevable.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Trente ans se sont écoulés depuis le premier acte de décentralisation et, depuis, avec des rythmes et des méthodes différents, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont participé, à des degrés divers, à l'institutionnalisation des collectivités territoriales dans la République.

Il est en revanche une donnée qui différencie fondamentalement l'acte I de la décentralisation, engagé sous le gouvernement Mauroy au début des années quatre-vingt, de toutes les étapes qui ont pu lui succéder.

Les lois dites Defferre comportaient en effet un double mouvement.

Sur le plan institutionnel, le législateur des années quatre-vingt a procédé à un transfert massif de compétences au profit des collectivités territoriales. Or la décentralisation se caractérise avant tout par un tel transfert. L'acte I a en outre consacré l'autonomie des départements vis-à-vis de l'État et institutionnalisé les régions, qui n'étaient jusque-là que des établissements publics incarnant des territoires de projet.

Mais, sur le plan politique, cet acte I fut surtout pensé comme une modalité politique, au sens noble du terme, d'un profond processus de réforme de l'État, visant à constituer des contre-pouvoirs face à l'hégémonie étatique – qui s'incarnait dans la tutelle administrative de l'État sur les exécutifs locaux – et à adapter les services publics locaux aux besoins de chaque territoire et de chaque population.

Or l'esprit même de la décentralisation n'a cessé, depuis trente ans, de connaître des inflexions.

L'acte II des années 2000 a certes poursuivi les transferts de compétences, tout en accordant aux collectivités territoriales des prérogatives nouvelles. Il a ainsi favorisé l'émergence d'un véritable « droit constitutionnel local » et offert aux collectivités la reconnaissance et la protection constitutionnelles de plusieurs grands principes – lesquels, d’ailleurs, n'ont pas tous été appliqués à la hauteur des espérances qu’ils avaient suscitées, comme, par exemple, le principe de l’autonomie financière.

Mais l’acte II s’est également traduit par une première inflexion de l’esprit de la décentralisation en se consacrant principalement à une régulation des principes juridiques de celle-ci, sans redistribution majeure de l'équilibre des pouvoirs entre l'État et les collectivités territoriales, ni entre ces dernières.

Les transferts de compétences sont apparus davantage comme une volonté pragmatique d'externalisation de compétences étatiques vers la sphère territoriale que comme l'attribution aux collectivités de nouvelles politiques publiques structurantes pour les territoires.

De son côté, la réforme engagée en 2010 par les lois du 16 février – organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux – et celle du 16 décembre – de réforme des collectivités territoriales – a procédé à une rénovation institutionnelle de la carte politique, en révisant le périmètre des intercommunalités à fiscalité propre – ce qui était nécessaire. Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), près de 500 regroupements d'intercommunalités ont été engagés depuis ces deux dernières années, dont certains sont encore en cours.

Après les lois Defferre, le législateur a donc essentiellement conçu l'acte même de décentraliser comme un processus d'aménagement technique des compétences locales, un mécanisme de régulation juridique du socle posé au début des années 1980. L’esprit de la décentralisation s’est, d’une certaine façon, étiolé.

Celle-ci est même peu à peu devenue un objet de nouvelles polémiques. Trois critiques ont été formulées.

D’abord, une critique financière : la réforme de 2010 n'a pas purgé le débat sur les accusations de surcoûts. Et la crise financière a même, de façon accrue, posé la question des risques financiers à l'échelle locale, notamment des emprunts toxiques.

Deuxièmement, une critique institutionnelle avec la demande, justifiée, d'une répartition des compétences plus lisible et la revendication de transferts de compétences plus conformes à l'esprit du principe de subsidiarité.

Enfin, une critique en termes de justice, avec la demande, également justifiée, de transferts de compétences accompagnés de financements plus équitables de l'État, garantis, contractualisés, assortis d’une péréquation et d’une solidarité plus importantes entre les territoires, associant davantage les collectivités aux décisions ou aux normes les concernant.

Or ni le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale proposé par le Gouvernement, ni sa version adoptée par le Sénat n'ont d'ailleurs la prétention de constituer un nouveau grand soir de la décentralisation. Ils n’ont pas non plus l’ambition d'imposer une vision dogmatique des collectivités territoriales.

Il s’agit de proposer un saut qualitatif – en trois temps, puisque trois projets de loi seront successivement examinés d'ici à 2015 –, consistant à redistribuer, à réguler et à aménager en interne les pouvoirs entre les collectivités territoriales.

Tel est l’objet de la conférence territoriale de l’action publique et de la notion de chef de file définie à l'article 3 du texte, dont notre commission est saisie.

Il en est de même de la montée en puissance des fonctions métropolitaines, qui font l'objet du titre II. Ces fonctions doivent être affirmées, avec une certaine urgence, car elles sont en concurrence à l'échelle européenne et internationale, qu'il s'agisse des collectivités à statut particulier pour certaines zones géographiques – je pense à Lyon ou Marseille – ou des métropoles de droit commun qui maillent le territoire national.

S’agissant de la région Île-de-France, j’observe qu’elle ne fait l’objet d’aucun des 49 amendements déposés. J’y vois une preuve de sagesse. Le texte adopté par le Sénat a lessivé les propositions faites par le Gouvernement et les discussions se poursuivent.

Je me contenterai de faire deux observations, en attendant le débat qui aura lieu au sein de la Commission des lois.

D’abord, le Parlement ne peut se payer le luxe d’achever le débat sur ce premier texte sans affirmer une ambition métropolitaine forte pour cette région. Ce serait une erreur à la fois stratégique et historique.

Deuxièmement, les renoncements affichés au Sénat ont eu le mérite de provoquer une forme d'électrochoc salutaire : chacun a désormais pris conscience que le syndrome de la feuille blanche n'est pas acceptable pour la région-capitale.

Enfin, je rappelle que le texte que nous allons examiner s'intitule « projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ». Or nous avons été nombreux à souligner que la reconnaissance des fonctions métropolitaines exercées sur le territoire national ne saurait aller sans imaginer l'avenir des territoires ruraux. Non pas qu'il faille opposer l'urbain et le rural : cette opposition m'a toujours paru stérile. Mais le territoire de la République n'est solide que lorsqu'il marche sur ses deux pieds.

La logique polycentrique doit s'imposer. Non par principe, par conservatisme ou par une sorte de dérive défensive qui voudrait que l'on retienne le temps en évitant les grandes évolutions – qui font émerger des fonctions métropolitaines aux dimensions européennes. Mais le chapelet de villes moyennes, de territoires périurbains et de territoires ruraux fait partie des structures fondamentales et des dynamiques qui structurent le territoire national. Et rien ne serait pire que de ne pas offrir à ces dynamiques des outils à la dimension des initiatives qu'elles soutiennent et qu’elles devront continuer à soutenir à l'avenir.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement visant à créer des « pôles de développement et d’équilibre des territoires » – la brèche avait d’ailleurs été ouverte par le Sénat –, sans seuil de population, pour n'exclure personne. Et ce, sans qu'il soit question de créer une strate supplémentaire, puisqu'il s'agit d'inviter en particulier les petites et les moyennes intercommunalités à se fédérer pour accroître l'efficacité publique, dégager des solutions de mutualisation de services et identifier des périmètres de coopération aussi pertinents que possibles. Il ne s’agit donc pas de s’engager, à court terme tout au moins, dans un nouveau processus de rationalisation tous azimuts de la carte intercommunale, le dernier étant à peine achevé.

L’objectif est simple : donner à la dynamique des territoires des possibilités de s'affirmer, tout comme le projet de loi offre aux fonctions métropolitaines des outils pour se développer. C'est donc à l'écriture d'un nouveau titre III de ce projet que je vous inviterai dans le fil de nos débats. Encore une fois, le territoire de la République ne peut fonctionner qu’en s’appuyant sur ses deux pieds que sont les grandes métropoles d’un côté et les territoires de l’autre – lesquels structurent nos bassins de vie et forment un tissu, rural notamment, dont il faut sans cesse veiller à resserrer les liens.

M. Philippe Plisson. J’approuve l’amendement évoqué par le rapporteur, qui offre également des perspectives pour le monde rural. Mais je regrette que l’on soit obligé de prendre tant de précautions pour arriver à ce qui est nécessaire : de grandes intercommunalités de territoires qui puissent soutenir des projets et avoir une action de métropolisation dans ce dernier, lequel doit s’organiser. J’aurais préféré qu’on aille plus vite en la matière.

M. Jacques Kossowski. Alors que la situation budgétaire difficile de notre pays appellerait une rationalisation de notre organisation territoriale, ce texte alourdit un peu plus le millefeuille administratif, qui est une spécialité bien française. Au lieu de simplifier le système, il ajoute une strate supplémentaire avec les métropoles.

Cela implique aussi des dépenses supplémentaires en termes de fonctionnement et la multiplication des acteurs risque de rendre ingérable la gouvernance de cette nouvelle entité et impossible la définition d’une mission stratégique globale. Complexité ne rime pas automatiquement avec efficacité !

En outre, le citoyen ne va plus rien comprendre à cet empilement de structures.

Autre grief : la séparation des volets transports et logement. Quelle logique sous-tend cette césure entre les deux ? Aucune, selon moi ! Il est prévu en effet que la région garde sa compétence en matière de transports alors que le logement serait confié à la métropole de Paris. Or, en tant qu’élu de La Défense, j’ai pu constater l’absurdité technocratique consistant à construire des logements et des bureaux sans envisager conjointement un schéma de transport cohérent permettant aux salariés et aux habitants de se déplacer dans de bonnes conditions.

Le Grand Paris Express décidé par le précédent gouvernement tente de rattraper ce retard, mais je ne voudrais pas que nous commettions les mêmes erreurs dans la préparation des futurs projets. Je souhaite donc que les volets transports et logement soient regroupés sous une même autorité.

Enfin, il serait plus judicieux d’appeler la métropole de Paris « métropole du Grand Paris ». Sans aborder la difficile question de la péréquation et du financement – que le Gouvernement traitera lors du prochain projet de loi de finances –, il y a un manque de cohérence dans la méthode : les paramètres financiers devraient être étudiés en concordance avec la définition de la métropole parisienne.

M. Bertrand Pancher. Nous déplorons vivement le morcellement des textes qui nous sont présentés, qu’il s’agisse de la décentralisation ou de l’environnement, ainsi que l’absence de lien avec le grand débat national sur la transition énergétique.

Si nous saluons les avancées constituées par les conférences territoriales de l’action publique, qui permettront de déroger au schéma unique d’organisation des compétences et instaurent un degré de souplesse nécessaire, il est regrettable, pour la qualité de la réflexion, que cette possibilité de différenciation dans l’attribution et l'exercice des compétences soit débattue avant même d'avoir défini précisément le socle commun de structuration et de répartition des attributions territoriales. De ce point de vue, on peut regretter l'enchaînement désordonné des trois projets de loi de décentralisation et le report probable du débat sur la répartition des compétences, énergétiques notamment.

Par ailleurs, il est important d’articuler les projets de loi constitutifs de l'acte III de la décentralisation avec le débat national sur la transition énergétique (DNTE), qui fera l'objet d'un projet de loi discuté vraisemblablement au début de l’année prochaine. De deux choses l'une : soit le sujet de la décentralisation énergétique est traité dans le cadre de l'acte III, soit dans celui du DNTE. Les demi-mesures concernant l'énergie qui figurent actuellement dans les projets de loi présentés par Mme Marylise Lebranchu doivent absolument laisser la place à un véritable renforcement des politiques énergétiques territoriales, telles que présentées dans la position partagée par la plupart des grandes associations de collectivités.

Le présent projet de loi prévoit d'intégrer, au sein des compétences obligatoires élargies des futures métropoles, la concession de distribution publique d'électricité. Or si cette disposition tend à affirmer la capacité des métropoles à prendre véritablement en main leur avenir énergétique, elle pose en même temps la question de leurs relations avec les syndicats départementaux d'énergie existants. Nous devons inclure la distribution de gaz et les réseaux de chaleur dans le périmètre des compétences métropolitaines obligatoires. Plusieurs amendements seront présentés en ce sens.

Concernant la gestion des déchets, la perspective de la régionalisation forcée de l'ensemble de la planification « déchets » semble aujourd'hui s'éloigner durablement, ce qui n'est pas une mauvaise chose. En tout état de cause, une région et les départements qui la composent ont la possibilité de s'entendre, dans le cadre des conférences territoriales, pour organiser cette planification.

Enfin, le grand absent de l’ensemble de ces textes est la participation de nos concitoyens. Nous déposerons donc des amendements pour renforcer celle-ci et le poids des conseils de développement. Nous avons de grands progrès à faire dans ce domaine, notamment par rapport aux autres démocraties qui nous entourent.

M. Yves Albarello. Mon propos se limitera à la métropole parisienne.

Ce texte est censé défendre les communes. Or il prévoit le regroupement de 412 communes de l'unité urbaine de Paris, qui comporte près de 10 millions d'habitants et dispose de larges compétences en matière de logement, de transport, d'hébergement d'urgence ou de cadre de vie.

La métropole serait dirigée par un conseil métropolitain composé du maire de Paris et des représentants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – d'ici le 31 décembre 2015, toutes les communes de petite couronne seraient regroupées dans des EPCI d'au moins 200 000 habitants. Chaque représentant d'EPCI aurait une voix et Paris disposerait de onze voix. Une conférence métropolitaine harmoniserait les politiques entre la métropole et le reste de la région, et regrouperait le conseil métropolitain, le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux.

Ce projet donnerait naissance à un monstre bureaucratique. Il créerait une nouvelle strate dans le millefeuille administratif avec, à terme, des structures lourdes, un fonctionnement pléthorique et des moyens financiers que nous ne sommes pas actuellement en mesure d’assumer. Il conduirait à mettre à mort l'autonomie communale à l'intérieur du pôle métropolitain, et, en réalité, à moyen terme, à la disparition des départements de la petite couronne.

Il placerait dans une situation intenable les départements de la grande couronne, notamment le nord du Val-d'Oise, l'est de la Seine-et-Marne, le sud de l’Essonne et l'ouest des Yvelines – en dehors du pôle. Il créerait des départements à deux vitesses, avec des politiques dans le pôle et d'autres, différentes, hors du pôle.

De fait, quels investissements structurels et quel avenir seraient réservés aux deux millions d'habitants de la région Île-de-France situés hors du pôle ? Deviendraient-ils des citoyens de deuxième rang ou de seconde zone ?

Dès lors, y aurait-il encore une légitimité à avoir une région Île-de-France ? Il faudrait poser la question au président du conseil régional, M. Jean-Paul Huchon… (Exclamations)

La création d'une métropole regroupant entre 85 % et 90 % de la population de la région constituerait en réalité un contre-pouvoir par rapport à celle-ci, conduisant à un affrontement entre les deux. Alors que la région conserverait la compétence sur les transports – qu’elle a déjà beaucoup de mal à l’assumer, sachant qu’il a fallu les arbitrages récents du Premier ministre concernant le Grand Paris Express pour mettre en place un plan de mobilisation dans ce domaine –, le logement relèverait de la métropole, qui construirait des centres où s’installeraient de nouvelles populations sans forcément d’infrastructures de transport.

On annonce 15 millions d’habitants en 2030 ou 2035 : où les mettrons-nous ? Au centre de la métropole ? Bien sûr que non !

M. Alexis Bachelay. On les mettra chez vous ! (Sourires)

M. Yves Albarello. Restez calme, monsieur Bachelay !

On a créé une région ou trop petite, ou trop grande : trop petite parce qu'elle représente seulement 2 % du territoire national ; trop grande car elle regroupe 12 millions d'habitants ! Et comme on n’arrive pas à y remédier, on invente systématiquement des mesures et des structures nouvelles qui en réalité ne changent rien à l'efficacité des politiques et rendent de plus en plus complexe la décision.

En outre, on veut conserver les communes de l'unité urbaine alors même qu'elles seront dessaisies de l'essentiel de leur pouvoir. Les départements, en tout cas ceux de la proche couronne, seront en partie privés de leur compétence en matière de logement et d'autres compétences seront transférées vers les EPCI ou la métropole. Quant aux départements de la grande couronne, ils auront une gestion partagée entre l’intérieur et l’extérieur de la métropole !

On va forcer la petite couronne à aller vers l'intercommunalité à marche forcée et, pour tous ceux qui sont déjà dans cette situation – ce qui est le cas en grande couronne –, on va leur dire qu'il faut recommencer parce que ce qu’ils ont fait est trop petit !

De plus, ne sont pas pris en compte les efforts qui ont été réalisés en matière d'intercommunalité par les communes de la petite couronne.

De même, il n’y a pas de réflexion sur l’expansion urbaine future de cette région. Si nous sommes 13 millions en 2020 et peut-être 14 ou 15 millions en 2030 ou 2040, où en serons-nous de cette expansion ?

Faut-il créer des structures nouvelles et imposer aux communes de la région des EPCI qui seraient finalement directement dans la métropole ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Veuillez conclure.

M. Yves Albarello. Je conclus. Ce texte ne correspond ni aux attentes des habitants, ni à celles des élus, alors qu’il y a en Île-de-France beaucoup de problèmes de logement, de transport, de précarité et d'inégalité entre les territoires.

Nous refusons l’instauration d’un contre-pouvoir par rapport à la région. Nous souhaitons au contraire redéfinir les compétences, les moyens, les éléments permettant de remédier aux inégalités. Le lien entre les départements et les communes doit se faire dans le cadre de la région : l'Île-de-France a besoin de liberté et de souffle, pas de structure supplémentaire ! (Approbations sur les bancs UMP)

M. Denis Baupin. Le groupe écologiste aborde ce texte avec beaucoup d’intérêt, car nous sommes des décentralisateurs convaincus.

Nos interventions porteront d’abord sur la simplification. On ajoute en effet de nouvelles strates à un millefeuille déjà complexe, alors qu’il aurait fallu l’alléger. Nous sommes ainsi favorables depuis toujours à la suppression progressive des départements et voulons renforcer le binôme entre métropoles-intercommunalités et régions.

Deuxièmement, nous souhaitons renforcer la légitimité démocratique des instances qui seront créées – laquelle est essentielle en raison du décalage entre les élus et la population. Nous sommes à cet égard inquiets au sujet de la conception des métropoles, leur conseil ayant une fonction à la fois exécutive et délibérative. En outre, du fait de l’absence de proportionnelle dans les désignations, on risque de renforcer le fait majoritaire et de ne pas offrir suffisamment de contre-pouvoirs.

Troisièmement, ce texte présente des risques d’inégalités territoriales entre les métropoles et le reste des régions – qui doivent être confortées.

S’agissant de l’Île-de-France, si je ne partage pas la vision apocalyptique présentée par notre collègue Albarello, je pense que le statu quo n’est pas tenable. Nous avons des inquiétudes sur le périmètre retenu et le fait qu’il y ait au sein de la région une structure regroupant environ 90 % de la population. Cela me paraît difficile à organiser.

Enfin, nous défendrons des amendements pour faire avancer la décentralisation en matière d’énergie – le débat sur la transition énergétique ayant mis en évidence un besoin d’évolution de la gouvernance dans ce domaine –, ainsi que pour les politiques de mobilité, où l’on peut aller plus loin.

M. Alain Calmette. L’exercice de clarification des compétences n’est pas facile, chaque échelon ayant la conviction qu’il est le mieux placé pour les exercer.

Un clivage fort traverse l’ensemble des groupes politique sur le choix entre un axe communes-départements et un axe intercommunalités-régions – qui a ma faveur. Or ce texte ne tranche pas cette question : il renforce le principe de la clause de compétence générale, néanmoins atténué par un certain nombre de dispositifs, dont celui de chef de file et la conférence territoriale – dans laquelle les élus pourront organiser la mise en place de ce dernier et les autres compétences qu’il ne couvre pas, telles que la culture ou le sport.

Le projet porte essentiellement sur les métropoles : je suis donc heureux qu’on puisse l’équilibrer par voie d’amendements par des dispositions sur les autres territoires, à savoir, d’une part, ceux influencés par des villes moyennes ou grandes et, d’autre part, les zones rurales pouvant s’organiser avec des bourgs. L’amendement du rapporteur sur les pôles de développement et d’équilibre des territoires constitue à cet égard une avancée, non seulement pour l’équilibre entre les métropoles et le reste du pays, mais aussi pour l’organisation des territoires ruraux. Il permet la nécessaire rationalisation de l’intercommunalité.

M. Jacques Krabal. Si ce texte manque d’une vision d’ensemble, il est vrai que la clarification des compétences n’est pas aisée.

Cela dit, il permet d’envisager des solidarités de proximité. Nous sommes très attentifs notamment à la création des pôles ruraux d’aménagement et de coopération à l’échelle infra-départementale et infra-régionale. Notre pays n’est pas rural ou urbain : la prise en compte des espaces intermédiaires va donc dans le bon sens ; elle peut s’appuyer sur les pays. Mais comment faire vivre la solidarité financière entre nos territoires, qui est une condition pour permettre à tous l’accès aux services publics ?

Si nous sommes donc favorables à ce texte, il faudra éclaircir certaines zones d’ombre.

M. Alexis Bachelay. L’objet de ce texte est de parachever un processus de métropolisation à l’œuvre depuis la loi Chevènement de 1999, qui avait laissé à l’écart les trois principales villes que sont Paris, Lyon et Marseille. Si ces deux dernières ont trouvé un chemin en vue de la mise en place de leur métropole, Paris a eu plus de mal.

Je rappelle à M. Yves Albarello qu’après l’examen au Sénat, les articles 10, 11, 12 et 13 qu’il a vilipendés ont été supprimés. La métropole de Paris telle qu’elle avait été conçue initialement n’existe plus ! (Exclamations)

Il semblerait que l’opposition ne veuille pas d’une telle métropole : il faudra l’expliquer aux 500 000 demandeurs de logement de la région qui pensent que le fonctionnement des institutions peut être amélioré !

De plus, en écoutant M. Jacques Kossowski, je note des contradictions : il fustige le millefeuille administratif et, au même moment, lui, ou certains de ses collègues, disent qu’il ne faut toucher à rien ! (Exclamations sur les bancs UMP)

Il convient de se départir des postures politiques pour s’attaquer aux problèmes de nos concitoyens de la région francilienne. Si nous créons une métropole, c’est pour y apporter des solutions nouvelles, que ce soit en matière de logement, d’énergie ou de gestion de l’eau ou des réseaux.

Nous avons fait preuve de sagesse en ne déposant pas d’amendements qui aujourd’hui, dans l’état du débat, n’auraient pas eu de sens, mais nous travaillons à cette question, et je ne désespère pas que nous puissions ainsi donner naissance à cette métropole.

Mme Sophie Rohfritsch. Alors que les « sous-métropoles » ne sont pas visées par des dispositifs spécifiques, je déplore, s’agissant de Strasbourg – même si je trouve utile d’affirmer son statut de capitale européenne –, que le sort des communes membres de la métropole ne soit pas réglé : aucun dialogue n’a été engagé avec elles pour savoir comment elles seront représentées au sein du conseil métropolitain, quelles seront leur place et la répartition des compétences, ou comment s’organisera le projet commun sous-tendant la création de cette nouvelle structure. Ces questions restent en suspens : on ouvre donc une boîte de Pandore en mettant à mal des dispositifs qui fonctionnent bien. Nous avons ainsi, sur une partie de l’agglomération, un syndicat des eaux qui fonctionne très bien et pourrait s’inquiéter de voir disparaître de ses membres un certain nombre de communes dont il a la charge.

En outre, ce texte rajoute une complexité supplémentaire.

M. Jean-Louis Bricout. Il faut porter attention aux effets pervers que peut entraîner la création des métropoles par rapport aux petites villes. Comme l’indique la résolution finale des seizièmes assises des petites villes, celles-ci permettent de faire la jonction entre une France hyper-urbanisée et une France profondément rurale, condamnée à la désertification progressive. Cette importance des villes bourg-centre a également été rappelée dans le récent rapport d'Éloi Laurent.

Or, si les métropoles permettent incontestablement de développer l'attractivité d'une région ou même d'un bassin de vie – aussi bien en termes de pôles d'innovation que de création d'emplois ou de richesses –, il ne faut pas qu’elles siphonnent le territoire adjacent, le vidant de ses savoir-faire, mais au contraire qu’elles l'irriguent et contribuent à son développement. C'est un impératif pour éviter d'accentuer la fracture territoriale qui se fait déjà sentir dans notre pays.

Je salue à cet égard l’amendement proposé par le rapporteur, qui va dans le bon sens, même si je regrette nos difficultés à déterminer un périmètre unique pertinent d’exercice des compétences, à la fois suffisamment étroit pour être au plus près du citoyen et assez large pour être efficace.

M. François-Michel Lambert. La nécessaire cohérence de la stratégie territoriale justifie la mise en place de structures telles que les métropoles, dont chacune a sa particularité.

S’agissant de celle d’Aix-Marseille-Provence, il convient de définir une nouvelle gouvernance. Il s’agit en l’occurrence davantage d’une « métapole » – s’inscrivant dans une vision de réseaux multipolaires –, dans laquelle il faudra préserver les identités locales et qu’il faudra bien articuler avec la région. La place des citoyens et des territoires doit à cet égard être assurée : les conseils de territoire et de développement sont indispensables, de même que le suffrage universel direct. Or l’absence de ce dernier est une véritable faiblesse.

Comment va s’organiser cette gouvernance ? Quels seront les projets et les ambitions retenus ? Il faut tendre à une transformation du territoire, qui doit permettre à la fois des expérimentations et la mutation de notre modèle de développement vers la transition écologique. Nos amendements vont dans ce sens.

Nous proposerons également un débat public sous l’égide de la CNDP, qui permettra d’incarner le rôle et l’ambition de la métropole que veut la société civile.

M. Jean-Yves Caullet. Le dispositif des pôles de développement et d’équilibre des territoires est en effet nécessaire : il ouvre la porte à une rationalisation des intercommunalités, qui pourront être plus stables et mieux conçues. Celles-ci seront demain le lieu de nouvelles solidarités, dans le cadre de relations d’égal à égal entre des métropoles offrant des services mais ayant des besoins à leur périphérie et une zone rurale organisée, qui peut aussi proposer des services tout en ayant également des besoins vis-à-vis de la métropole voisine. Il est important de faire ainsi confiance aux collectivités pour leur donner la faculté de mieux s’organiser.

M. Jean-Marie Sermier. Ce texte soulève le problème de la confusion entre le chef de filât et la compétence. La région a par exemple aujourd’hui la compétence de la formation : il n’est donc pas souhaitable, comme le prévoit l’amendement CD 33, de rajouter celle-ci dans ses attributions de chef de file.

S’agissant du pôle rural d’aménagement et de coopération, l’enjeu n’est pas de remettre en cause la taille des EPCI ruraux, mais de leur offrir la capacité de se fédérer pour conduire des projets plus importants. Nous avons de nombreuses petites collectivités intercommunales de bonne taille pour la gestion de leurs projets : or si, demain, on devait les intégrer dans une plus grande collectivité, il faudrait inévitablement recréer des syndicats intercommunaux.

Par ailleurs, si ce pôle rural était mis en place, ne faudrait-il pas, pour éviter la création d’une strate supplémentaire, supprimer la catégorie administrative constituée par le pays ?

M. Yannick Favennec. L’Acte III de la décentralisation tient moins de la vraie réforme que des ajustements. Il n’apporte pas suffisamment de réponses sur le plan financier, sur la libre administration et sur l’autonomie financière des collectivités territoriales. Je regrette par exemple que les compétences des départements ne soient pas élargies pour leur permettre de jouer un véritable rôle sur le plan économique. Par ailleurs, le découpage en trois textes pose un problème de lisibilité pour nos concitoyens, et celui-ci fragilise encore davantage la ruralité. Or, comme l’a dit le rapporteur, la République n’est solide que si elle marche sur deux pieds, urbain et rural. J’observe d’autre part que les compétences des communes sont réduites au strict minimum. Quel rôle pourront-elles jouer en matière d’aménagement rural sans plan local d’urbanisme (PLU) ? Je crains qu’il ne leur reste bientôt plus que la gestion de l’état civil. Enfin, où est le choc de simplification ? J’ai plutôt le sentiment que l’on ajoute des strates au millefeuille administratif.

M. Philippe Bies. Je salue le travail du rapporteur, qui nous propose de rétablir un équilibre qui n’existait pas dans le texte initial. Il nous faut mieux prendre en compte les territoires ruraux. La vraie question est celle de l’articulation entre ceux-ci et les territoires métropolitains. Peut-être d’ailleurs faudrait-il modifier la dénomination de « pôles de développement et d’équilibre des territoires » pour faire apparaître plus clairement leur caractère rural.

S’agissant de l’eurométropole de Strasbourg, je me félicite de voir inscrit dans la loi le contrat triennal, particularité strasbourgeoise qui donne souvent lieu à de longs et houleux débats.

M. Jean-David Ciot. J’avais déjà des réserves sur la loi du 16 décembre 2010 en ce qui concerne les métropoles, notamment Marseille. Le texte ne change pas grand-chose à cet égard. Il est même plus strict, puisqu’il n’autorise pas les coopérations volontaires, mais seulement une coopération forcée. J’entends dire qu’un consensus a été trouvé sur Marseille et Lyon. Permettez-moi de rappeler que 109 maires – sur les 110 communes concernées – et 6 présidents d’intercommunalité – sur les 7 concernées – sont opposés à cette fusion d’office. Cela ne signifie pas qu’ils refusent la constitution d’un territoire métropolitain compétent en matière de développement économique, de transports, de développement durable et de cohésion sociale. Je défendrai donc un certain nombre d’amendements afin d’éliminer tout ce qui ne serait pas de l’intérêt communautaire sur ces quatre priorités, qui ont été définies par le Premier ministre, de recentrer le projet de métropole Aix-Marseille-Provence sur ces quatre compétences stratégiques, et surtout d’en faire un vrai moteur, sur le plan économique comme en matière de transports.

M. Guillaume Chevrollier. Ce projet de loi divise et inquiète, alors qu’il devrait au contraire nous rassembler et nous permettre de simplifier le millefeuille administratif français. Comme souvent depuis le début de la législature, nous travaillons dans la précipitation, sans disposer d’une étude d’impact aboutie. L’état de notre pays impose pourtant des réformes structurelles importantes.

Permettez-moi de me faire le porte-parole de députés lyonnais qui ne sont pas membres de notre commission. Si un consensus existe sur la création d’une collectivité nouvelle, qui permet d’apporter des améliorations techniques et davantage de lisibilité à l’action publique, ils considèrent qu’elle ne donne pas lieu à une métropole de rayonnement européen. Par ailleurs, ces améliorations sont obtenues au prix d’une augmentation de la dépense publique, puisque l’on crée une collectivité nouvelle – et non un EPCI. Les modalités d’élection de ses élus ne sont pas encore connues avec précision. Nos collègues regrettent cette méthode expéditive et l’absence d’étude d’impact sur ce projet.

M. le rapporteur pour avis. Je ne puis vous laisser dire que les métropoles constituent une strate supplémentaire, monsieur Jacques Kossowski : ce sont des établissements publics de coopération intercommunale.

Le débat national sur la transition énergétique devrait s’achever dans le courant de l’automne. Il sera alors toujours temps, monsieur Bertrand Pancher, d’articuler ses conclusions avec les deux autres projets de loi – que nous n’aurons pas encore examinés.

Les parlementaires qui souhaitent faire part de leurs positions sur un territoire particulier ont toujours la possibilité de déposer des amendements au-delà des déclarations de principe, monsieur Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Nous n’avons pas le texte!

M. le rapporteur pour avis. Cela ne vous empêchait pas de défendre votre vision des choses. Or vous n’avez pas déposé d’amendements. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter en aparté.

M. Denis Baupin appelle à un renforcement de la légitimité démocratique des métropoles. Je crois savoir que le débat sur cette question essentielle sera ouvert par la Commission des lois, et qu’il pourrait déboucher sur quelques ajustements.

L’identification du chef de file à l’article 3 constitue en effet un apport important, monsieur Alain Calmette. Elle ne fait d’ailleurs que traduire l’inscription de cette notion dans la Constitution par la majorité précédente. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement à ce sujet.

Les propos de M. Alexis Bachelay sur le logement ont semble-t-il suscité quelques critiques. Nous sommes tous d’accord : il y a là une urgence absolue, et le texte adopté par le Sénat a au moins le mérite de nous offrir un outil pour y répondre.

Je ne peux vous laisser parler de sous-métropoles, madame Sophie Rohfritsch. C’est précisément le contraire de ce qui nous est proposé, puisque ces EPCI auront des compétences très étendues. Vous avez déposé un amendement sur un sujet important, sur lequel j’aimerais que nous revenions. Peut-être pourrons-nous le faire dans le cadre de la navette.

M. Jean-Louis Bricout a évoqué les effets pervers de la création des métropoles. Je serai plus modéré. L’enjeu est de trouver l’articulation adéquate entre les fonctions métropolitaines et les fonctions territoriales. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de l’amendement que j’ai déposé sur les pôles de développement et d’équilibre des territoires. Je me fais ici le porte-parole de notre collègue Gilles Savary, selon lequel l’un des grands enjeux de la réforme sera de trouver les termes d’une loi villes-campagne. Ce sujet, qui a été évoqué par M. Jean-Yves Caullet, ne pourra être abordé dans le cadre de ce premier texte, mais il est à l’évidence fondamental.

Je suis en revanche réservé – pour des raisons que nous avons déjà évoquées – sur la proposition de M. François-Michel Lambert de lancer un débat public sur les métropoles.

Vous estimez qu’il y a contradiction entre chef de file et compétences, monsieur Jean-Marie Sermier. Il ne faut pas confondre ce qui relève des compétences exclusives, ce qui relève des compétences partagées et ce qui, dans le cadre des compétences partagées, peut donner lieu à la désignation d’un chef de file. La conférence territoriale de l’action publique (CTAP) tant décriée – notamment au Sénat – aura ici toute son utilité : il s’agira de trouver systématiquement les modalités de différenciation permettant de tenir compte des spécificités locales, et de clarifier l’action publique. Rien n’interdit pour autant de désigner un échelon de coordination de l’exercice des compétences. C’est d’ailleurs la proposition qui sera faite.

Je ne reviens pas sur la métropole Aix-Marseille-Provence. Cette question aurait pu être abordée ici au travers d’amendements. Or, aucun n’a été déposé.

M. Philippe Bies a justement insisté sur l’articulation entre ruralité et métropole, que je viens d’évoquer, et salué l’inscription du contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne » et de la dimension de capitale européenne de Strasbourg dans la loi. Il nous proposera d’ailleurs un amendement visant à apporter des précisions à cet égard.

IV.— EXAMEN DES ARTICLES

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que la saisine de la commission porte, au titre Ier, sur l’article 3, et sur l’ensemble du titre II consacré à l’affirmation des métropoles.

TITRE IER

CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET COORDINATION DES ACTEURS

Chapitre II

LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES CHEFS DE FILE,
LA CONFÉRENCE TERRITORIALE DE L'ACTION PUBLIQUE
ET LE PACTE DE GOUVERNANCE TERRITORIALE

Section 1

Les collectivités territoriales chefs de file

Article 3

(article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales)

Désignation des collectivités chefs de file pour certaines compétences

La Commission examine l’amendement CD 33 du rapporteur pour avis et le sous-amendement CD 48 de M. Philippe Plisson.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à ajouter aux compétences partagées entre plusieurs collectivités pour lesquelles la région doit jouer le rôle de chef de file les compétences relatives à l’orientation, à la formation et à l’accompagnement vers l’emploi, ainsi qu’à l’organisation des modes de transport, à leur complémentarité, et surtout à l’intermodalité. Le défaut de pilotage sur les questions d’orientation, de formation et d’accompagnement vers l’emploi et la multiplication des acteurs dans ce domaine appelle sans aucun doute – dans un souci d’efficacité de l’action publique – la désignation d’une autorité de coordination.

M. Jean-Marie Sermier. Il paraît difficile de demander à la région d’être chef de file pour les compétences relatives à la formation alors que la loi du 13 août 2004 a expressément prévu que celle-ci était une compétence de la région. Cette dernière est en effet nécessairement le chef de file en la matière. Encore une fois, il y a confusion entre les compétences exercées par les collectivités et la notion de chef de file. La désignation de celui-ci n’est nécessaire que lorsque plusieurs collectivités sont compétentes dans un domaine.

M. le rapporteur pour avis. La notion de chef de file répond à une nécessité de coordination. Il s’agit de coordonner trois « morceaux » de politique publique – l’orientation, la formation et la politique de l’emploi – aujourd’hui dispersés, et de créer un bloc de compétences – sur lequel la région sera chef de file – permettant d’articuler ces pans de politique publique.

M. Julien Aubert. Que la région puisse être chef de file pour les compétences relatives à l’orientation et à la formation, cela se conçoit. Mais elle n’est sans doute pas la mieux placée pour l’être sur l’accompagnement vers l’emploi – et ce pour des raisons de proximité. Quelle dynamique pourra-t-elle mettre en œuvre dans ce domaine ?

M. le rapporteur pour avis. La politique de l’emploi relève de l’État, avec Pôle emploi. Mais il existe aussi des outils d’accompagnement dans l’emploi – structures d’insertion, associations, missions locales, plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE) – qui tendent à s’empiler. Bien entendu, l’échelle de proximité existe – je pense par exemple aux antennes locales de Pôle emploi. La mission du chef de file consiste à articuler les modalités de l’action commune, non à exercer directement toutes les compétences dans le domaine concerné.

M. Denis Baupin. Je me félicite que cet amendement introduise l’intermodalité dans le texte. C’est un élément très important, encore insuffisamment pris en compte dans les politiques de mobilité.

M. Bertrand Pancher. Il est en effet de bon sens de réaffirmer le rôle de chef de file des régions pour l’exercice des compétences relatives à l’organisation des modes de transport, à leur complémentarité et à l’intermodalité. Néanmoins, il faudra bien trancher le problème de l’empilement des compétences en matière de transports. La situation confine parfois à l’incompréhensible, communautés urbaines ou d’agglomération, départements et régions ayant tous une compétence dans ce domaine. La concurrence entre les différents modes de transports se traduit par des baisses tarifaires – jusqu’à la quasi-gratuité – et des dépenses publiques considérables. À l’heure où nous peinons à assumer de véritables politiques de transports, mieux vaudrait s’engager vers des transferts complets de compétences que se contenter d’un chef de file – même s’il est souhaitable d’affirmer cette notion au niveau régional.

M. Jacques Alain Bénisti. L’article 3 prévoit que la région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives à l’aménagement et au développement durable du territoire. Après avoir entendu l’intervention de M. Alexis Bachelay sur le logement, je dois dire que nous serons un certain nombre d’élus – et pas seulement à droite – à refuser de donner un blanc-seing en matière d’aménagement du territoire à la région Île-de-France s’il s’agit de sur-densifier la petite couronne et de vouer à une urbanisation à outrance le seul potentiel foncier qui subsiste.

La région est déjà polluée par le trafic routier et aérien – un rapport vient tout juste de faire état d’une pollution intense en région parisienne. Je ne suis donc pas d’accord pour laisser la main à la région pour organiser une sur-densification des logements dans ma ville ! En revanche, nous sommes favorables à un aménagement du territoire qui permette d’envisager un rééquilibrage entre l’est et l’ouest franciliens. En ce qui concerne l’intermodalité des transports, le Grand Paris est l’exemple même d’une vraie proposition d’action, pour une métropole organisant son transport autour de la capitale et reliant les différents départements autour de celle-ci.

M. Édouard Philippe. Permettez-moi de revenir sur le rôle de chef de file de la région en matière d’orientation, de formation et d’accompagnement vers l’emploi. Le texte maintient le principe du refus de toute tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ; dont acte. L’article 3 prévoit que la région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice d’un certain nombre de compétences. Que se passe-t-il lorsque, dans un bassin d’emploi ou une agglomération, quelques collectivités territoriales et des établissements publics – EPCI ou autres – décident, comme cela est fréquent, de mettre en œuvre une opération ou une politique spécifique sans la région ? Le texte permet-il d’organiser l’action commune sans elle ? Peut-on sortir des champs définis par le chef de file ? Il est important de répondre à ces questions, auxquelles les élus locaux vont être confrontés tous les jours.

M. Yves Albarello. Je vous poserai la même question que M. Jean-Marie Sermier, mais pour les transports. Dans le cas de la région Île-de-France, l’autorité organisatrice de transports (AOT) est le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), dont les compétences sont étendues à la Société du Grand Paris (SGP) par l’article 17 afin de permettre une meilleure coordination des transports. Dans ces conditions, pourquoi viser de nouveau les transports à l’article 3 ?

M. le rapporteur pour avis. Je ne suis pas l’auteur de la disposition de l’article 3 que vous incriminez, monsieur Bénisti – qui charge la région d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives à l’aménagement et au développement durable du territoire. Il ne s’agit au demeurant que de confirmer une compétence qui est exercée depuis longtemps à l’échelle régionale, à travers des schémas régionaux non prescriptifs.

Par définition, le chef de file ne peut intervenir que dans le cadre des compétences partagées, où une coordination est nécessaire. En contrepoint du rétablissement de la clause générale de compétence pour les départements et les régions, la version initiale du Gouvernement avait introduit deux outils de régulation : le chef de file et la rationalisation des financements croisés. Concrètement, les schémas ne sont pas prescriptifs, mais lorsque leurs orientations ne sont pas respectées au sein d’un pacte de gouvernance territoriale, le bénéfice des financements croisés n’est plus possible à certains échelons de collectivités.

Une disposition du texte réaffirme en effet le principe de l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre, monsieur Edouard Philippe, mais je vous proposerai tout à l’heure de la supprimer. En effet, ce principe figure à l’article 72 de la Constitution. Point n’est donc besoin de le réaffirmer dans ce texte, sauf à vider de son sens la hiérarchie des normes.

J’en viens à l’Île-de-France, monsieur Yves Albarello. En l’état actuel des choses, le STIF, établissement public, signe des conventions avec la région. Le fait que celle-ci soit chef de file ne remet pas cette articulation en cause. La CTAP permettra de trouver au cas par cas les modalités d’articulation des compétences des différentes collectivités, quel que soit le chef de file. Il s’agit d’inviter les territoires à organiser leur clarification en fonction de leurs spécificités. C’est une différence de taille avec la réforme du 16 décembre 2010, qui avait un caractère beaucoup plus impératif.

M. Philippe Plisson. L’amendement prévoit que la région est collectivité chef de file pour l’exercice des compétences relatives à la transition énergétique. Cette notion n’ayant pas d’existence juridique, mon sous-amendement CD 48 propose de viser plutôt les compétences relatives « à l’énergie et au climat ».

M. Denis Baupin. La transition énergétique fait aujourd’hui l’objet d’un débat. La notion est désormais connue de nos concitoyens. En outre, elle reflète la volonté d’évolution qui est la nôtre. Je suggère donc de conserver les trois termes. Il serait dommage de supprimer toute référence à la transition énergétique.

M. Julien Aubert. Mieux vaudrait parler d’énergies renouvelables. Le débat sur la transition énergétique n’est pas clos : n’anticipons pas sur ses conclusions. En revanche, nous savons que les régions peuvent avoir une véritable action dans ce domaine. Ma proposition permettrait de leur ménager une marge de manœuvre sans préjuger des conclusions de ce débat.

M. le rapporteur pour avis. J’ai cosigné le sous-amendement. La notion de transition énergétique est aujourd’hui dépourvue de toute valeur juridique. Elle devra faire l’objet de précisions à l’issue du débat national en cours. Il semble donc prématuré de l’intégrer dans le texte, qui doit être normatif. Quant à la référence aux énergies renouvelables, elle est trop vague, d’autant qu’il nous faut assurer une cohérence d’ensemble sur la distribution et la production énergétiques.

La Commission adopte le sous-amendement CD 48, puis l’amendement CD 33 ainsi sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CD 3 de M. Philippe Plisson tombe.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD 12 de M. Bertrand Pancher et CD 39 de M. Denis Baupin.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ces amendements sont quasi-identiques.

M. Bertrand Pancher. Il serait utile que le département soit également chef de file pour l’exercice des compétences relatives à la lutte contre la précarité énergétique. Les départements coordonnent leurs actions dans le cadre du volet énergie du Fonds de solidarité logement (FSL) ; ils ont souvent la main sur les offices HLM ; ils soutiennent les initiatives des communes. Cet amendement vise donc à affirmer le rôle des conseils généraux dans ce domaine, en créant un véritable service public.

M. Denis Baupin. Notre amendement a le même objet. La question de la précarité énergétique se fait aujourd’hui de plus en plus pressante. Les compétences relatives à l’action sociale étant confiées aux départements, il semble logique que la lutte contre la précarité énergétique soit également coordonnée à ce niveau.

M. le rapporteur pour avis. Je comprends et partage l’esprit de ces amendements. Leur objet est néanmoins trop précis par rapport à celui de l’article 3, qui porte sur la désignation des collectivités chefs de file et l’articulation des compétences qui seront discutées dans les textes suivants. Du débat sur la transition énergétique découleront en outre des précisions sur les collectivités au niveau desquelles devront s’exercer les compétences concernant par exemple la précarité énergétique. Bref, nous anticipons là sur un débat qui n’est pas clos. Cette question pourra être traitée, dans le cadre des prochains textes. Avis défavorable.

M. Denis Baupin. L’argument selon lequel le débat sur la transition énergétique n’est pas achevé ne me semble pas pertinent. Les parlementaires sont en effet représentés au sein d’un des collèges du Conseil national du débat. J’en fais partie, aux côtés du président Jean-Paul Chanteguet et de Bertrand Pancher. Il y a des sujets qui font consensus. Il est dommage de ne pas saisir l’opportunité de ce texte pour les acter et avancer. C’est notre rôle de parlementaires. Rappelons que selon un sondage publié il y a quelques jours, 85 % de nos concitoyens considèrent que la transition énergétique est urgente. Les attentes en ce domaine sont donc fortes.

M. Julien Aubert. Il semble que la notion de chef de file soit suffisamment gazeuse pour ne pas vraiment permettre de coordonner, mais suffisamment solide pour faire barrage à un amendement…

Je ne rejoins pas l’argumentation du rapporteur, car cet amendement constitue d’abord un signal. Faire du département le chef de file sur la lutte contre la précarité, c’est imposer une forme de subsidiarité. En outre, sa légitimité à intervenir dans ce domaine n’est pas contestable. Mais quoi qu’il en soit, je reste sceptique sur l’utilité de cette notion de chef de file.

En ce qui concerne la transition énergétique, il semble que tout le monde débatte sauf le Parlement. La conception même des collèges n’est pas démocratique. C’est au Parlement de trancher. Or jusqu’à présent, nous sommes exclus du processus.

M. le rapporteur pour avis. Les parlementaires sont associés à ce débat, même si vous ne l’êtes pas à titre personnel.

Quant à la notion de chef de file, elle a été constitutionnalisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. L’article 72 de la Constitution dispose désormais que « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »

Je reviens sur la lutte contre la précarité énergétique. Je comprends l’objectif de ces amendements ; nous sommes d’accord sur le fond. L’article 3 confie la responsabilité de chef de file pour les compétences relatives à l’action sociale et à la cohésion sociale au département, ce qui lui permet d’ores et déjà de traiter le problème de la précarité énergétique. Demain, le texte sur la décentralisation viendra apporter des précisions. Bref, c’est une question de calendrier. Pour l’heure, nous traitons des collectivités chefs de file, et non de la définition des compétences de chacun.

M. Julien Aubert. Il est entendu qu’il s’agit de donner une incarnation à cette notion de chef de file. Mais je comprends d’autant moins ce qui nous empêche d’écrire que le département doit être chef de file dans le domaine de la lutte contre la précarité énergétique que nous sommes tous d’accord sur ce point. Vous avez invoqué un problème juridique, puis un problème de calendrier ; j’avoue ne pas comprendre le fond du problème.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Permettez-moi de rappeler que les parlementaires n’avaient pas été associés au Grenelle de l’environnement. Ils le sont aujourd’hui dans le cadre du débat sur la transition énergétique. Certains – Denis Baupin par exemple – ont pris des responsabilités dans les groupes de travail et de réflexion qui ont été mis en place. Il appartiendra bien sûr au Parlement de se prononcer, puisque le Gouvernement présentera un projet de loi à l’issue du débat.

M. le rapporteur pour avis. La notion de chef de file correspond à la coordination de l’exercice des compétences. En tant que chef de file, le département a donc la capacité de coordonner l’exercice des compétences dans le domaine de l’action sociale et de la cohésion sociale. On peut penser que la lutte contre la précarité énergétique en fait partie. Il reviendra au troisième texte de préciser ce que recouvrent l’action sociale et la cohésion sociale. Dans le cadre des CTAP, il conviendra de regarder au cas par cas si c’est le département ou telle ou telle agglomération ou intercommunalité qui est en première ligne.

La Commission adopte successivement les amendements par 17 voix contre 14.

Puis elle examine l’amendement CD 30 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le Sénat a inséré à l’article 3 un paragraphe III bis qui dispose qu’une collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre en sa qualité de chef de file. Cette disposition est inutile, puisque cette interdiction de tutelle est déjà inscrite à l’article 72 de la Constitution. Je vous propose donc de la supprimer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 ainsi modifié, les groupes UMP et UDI votant contre.

TITRE II

L'AFFIRMATION DES MÉTROPOLES

Article additionnel avant l’article 10

La Commission est saisie de l’amendement CD 49 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La décentralisation énergétique est régulièrement évoquée dans le cadre du débat sur la transition énergétique. Elle concerne non seulement la production, mais aussi la distribution. La loi du 8 avril 1946 a nationalisé les réseaux de distribution d’électricité et de gaz, et confié leur gestion en monopole aux opérateurs nationaux EDF et GDF, devenus ERDF et GRDF. Elle a toutefois exclu de cette nationalisation les réseaux possédés par les collectivités locales à cette date. Ces entreprises locales de distribution bénéficient d’une reconnaissance législative de leur spécificité à l’article L. 111-4 du code de l’énergie, mais ce statut n’est ouvert qu’aux organismes constitués avant 1946.

Cet amendement prévoit donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans les quatre mois suivant la promulgation de la loi, un rapport sur la possibilité technique et l’opportunité politique d’autoriser toute collectivité locale qui le souhaiterait à constituer une entreprise locale de distribution (ELD) au sens de l’article L. 111-54 du code de l’énergie. Les ELD se sont fédérées au sein d’une association nationale présidée par notre collègue Martial Saddier, que nous avons auditionné il y a peu. Elles sont notamment présentes dans les départements de la Vienne et des Deux-Sèvres. Je crois savoir que M. Denis Baupin défendra également des amendements sur cette question.

M. Denis Baupin. Nous avons en effet déposé des amendements qui vont plus loin que celui-ci. Nous le soutiendrons néanmoins, car il constitue déjà une avancée.

M. Bertrand Pancher. Nous soutiendrons ce bon amendement. J’exprime simplement le vœu que ce rapport fasse l’objet d’un débat en commission, si possible en présence de la ministre.

M. Julien Aubert. Cet amendement mérite en effet d’être soutenu. Je regrette néanmoins qu’il ne fasse pas référence – au-delà de la possibilité technique et de l’opportunité politique – au coût financier. Je me méfie d’autant plus de la multiplication des structures parapubliques que des annonces ont déjà été faites sur ce thème dans mon département.

M. le rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’amendement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Compte tenu de la remarque de M. Julien Aubert, je vous propose de rectifier l’amendement pour prévoir que « le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité technique, l’opportunité politique et le coût financier d’autoriser toute collectivité locale le souhaitant à constituer une entreprise locale de distribution au sens de l’article L. 111-54 du code de l’énergie. »

M. Denis Baupin. Pourquoi ne pas évoquer le gain financier ? (Sourires)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ce serait une présentation quelque peu biaisée. Remplaçons plutôt le terme de « coût financier » par celui d’« impact financier ». (Approbations)

La Commission adopte alors à l’unanimité l’amendement ainsi rectifié.

Chapitre IER

LES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES À L'ÎLE-DE-FRANCE

Section 1

Achèvement de la carte intercommunale

Articles 10 et 11 (Supprimés)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le Sénat a supprimé une série d’articles du Titre II, il revient à la Commission de donner un avis sur le maintien ou non de cette suppression, puisqu’il était possible, par voie d’amendements, de rétablir le texte de ces articles ou d’en proposer une nouvelle version. Je peux comprendre que cette procédure paraisse perturbante à certains d’autant plus que les décisions du Sénat sur la métropole de Paris – que vous approuvez monsieur Yves Albarello, – sont fortes.

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression des articles 10 et 11.

Section 2

Grand Paris Métropole

Article 12 (Supprimé)

Statut de Grand Paris Métropole

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 12.

Section 3

Logement en Île-de-France

Article 13 (Supprimé)

Mise en place d’un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île de France destiné à favoriser la création de logements

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 13.

Article 13 bis (nouveau)

(articles. L. 143-3 et L. 321-1 du code de l’urbanisme)

Fusion des établissements publics fonciers en Île-de-France

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 bis sans modification.

Article additionnel après l’article 13 bis

La Commission examine l’amendement CD 34 rectifié du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement entend répondre à la préoccupation légitime exprimée par plusieurs élus de la région Île-de-France lors de leur audition s’agissant de la territorialisation de la politique foncière menée par le futur établissement public foncier unique que le projet de loi substitue aux établissements locaux existants. Il apporte de la souplesse en obligeant le Gouvernement à préciser par décret comment l’organisation du futur établissement permet d’assurer la territorialisation de ses activités.

M. Jacques Kossowski. Les établissements publics fonciers départementaux ont été créés pour soustraire les communes à la politique du logement que leur dictait l’établissement public foncier régional. Pour développer le logement, il est indispensable que les maires demeurent parties prenantes ; leur imposer une politique du logement qu’ils n’ont pas décidée est voué à l’échec. Il est souhaitable de regrouper les établissements publics fonciers existants dès lors que les maires conservent un pouvoir de décision.

M. Jacques Alain Bénisti. Il conviendrait alors d’indiquer dans le texte que le maire conserve le pouvoir de décision dans sa commune. Ce n’est pas le cas. Il est seulement question d’unicité de l’établissement et de prise en compte de la diversité des situations locales. Vous devez clarifier ce point en inscrivant ou pas dans le texte que le dernier mot revient à la commune.

M. Denis Baupin. Nous sommes opposés à cet amendement dont les conséquences ne sont pas mesurées. Il semble qu’il y ait deux poids, deux mesures : en matière de transition énergétique, il convient de ne pas anticiper les conclusions du débat national tandis qu’en matière de logement, vous proposez des précisions, de nature réglementaire, sans attendre le projet de loi pourtant présenté en Conseil des ministres ce matin.

M. le rapporteur pour avis. Les précisions que vous souhaitez introduire, M. Jacques Alain Bénisti, relèvent du pouvoir réglementaire. En revanche, l’amendement encourage le Gouvernement à veiller, dans l’organisation de l’établissement public unique, à la territorialisation de l’action de ce dernier. Il répond ainsi aux craintes exprimées, avec pertinence, par les établissements fonciers existants, qui ne portent pas sur l’unicité de l’établissement mais sur la préservation du lien de proximité.

Je ne comprends pas la remarque de M. Denis Baupin puisque l’amendement apporte des précisions sur l’établissement foncier unique qui est créé par l’article 13 bis du projet de loi adopté par le Sénat.

M. Alexis Bachelay. Il n’est pas inutile, dans une région de 11,5 millions d’habitants, de prévoir l’ancrage territorial de l’établissement public foncier régional. Je ne sais pas s’il appartient à la loi de le préciser.

L’établissement public foncier régional existe déjà et son fonctionnement, qui repose sur la contractualisation avec les communes, est très satisfaisant – M. Yves Albarello ne me démentira pas puisque nous avons auditionné ensemble ses représentants dans le cadre de notre mission de contrôle sur le Grand Paris. Les craintes exprimées par M. Jacques Kossowski me semblent donc exagérées au regard de la réalité du travail de l’établissement et de la qualité des relations avec les communes, dont M. Yves Albarello pourra témoigner. En voulant préciser les choses, nous risquons de revenir en arrière alors que la substitution d’un établissement unique aux quatre établissements actuels est une simplification bienvenue.

M. Yves Albarello. Je confirme les propos de M. Alexis Bachelay et j’irais même plus loin : l’établissement public foncier Île-de-France devrait être compétent sur l’ensemble du territoire de la région, pour une plus grande cohérence de l’aménagement du territoire. Le projet d’intérêt national du Grand Paris Express suppose ainsi une maîtrise du foncier que seul l’établissement public peut assurer. En outre, il est vrai que les problèmes locaux peuvent déjà faire l’objet d’un contrat entre l’établissement et les communes. Je suis convaincu qu’un seul établissement public pour l’ensemble du territoire francilien permettrait une gestion plus performante.

Mme Sylviane Alaux. Je suis défavorable à cet amendement qui contredit la pratique dans la région dont je suis élue : au Pays basque, nous avons un établissement public foncier local qui fonctionne très bien et nous sommes contre un établissement unique qui regrouperait ce type de structures.

La Commission adopte l’amendement CD 34 rectifié.

Section 4

Fonds de solidarité pour les départements
de la région d'Île-de-France

Article 14

(article L. 3335-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Création d'un fonds de solidarité pour les départements franciliens

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 sans modification.

Section 5

Coordination du syndicat des transports d'Île-de-France
et de la société du Grand Paris

Article 15

(article L. 1241-1 du code des transports)

Extension des compétences du syndicat des transports d'Île-de-France aux questions de « mobilité durable »

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 sans modification.

Article 16

(articles L. 1241-2 et L. 1241-4 du code des transports)

Cohérence des programmes d'investissement menés par le syndicat des transports d'Île-de-France et la Société du Grand Paris

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.

Article 17

(articles 4, 15, 18, 19 et 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris)

Coordination entre les actions de la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d’Île-de-France

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 sans modification.

Section 6

Dispositions relatives au site de La Défense

Article 18

(articles L. 328-2, L. 328-3, L. 328-4 et L. 328-10 du code de l’urbanisme)

Propriété et gestion de biens publics sur le site de La Défense

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 sans modification.

Article 19

Transfert de propriété et mise à disposition de biens publics
sur le site de La Défense

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 sans modification.

Section 7

Dispositions relatives
à l'Établissement public d'aménagement de Paris-Saclay

(Division et intitulé nouveaux)

Article 19 bis (nouveau)

(section 4 du chapitre Ier du titre II du livre III [nouvelle], articles L. 321-37, L. 321 38 et L. 321-39 [nouveaux] du code de l’urbanisme, annexe III de la loi n° 83 675 du 26 juillet 1983, chapitre Ier du titre VI, articles 25 à 32 et 34 de la loi n° 2010 697 du 3 juin 2010)

Transformation de l’établissement public de Paris-Saclay en
un établissement public d’aménagement de Paris-Saclay

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 bis sans modification.

Chapitre II

LES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES À LA MÉTROPOLE DE LYON

Article 20

(articles L. 3611-1 à L. 3611-3, L. 3621-1 à L. 3621-4, L. 3631-1 à L. 3631-8, L. 3632-1 à L. 3632-4, L. 3633-1 à L. 3633-4, L. 3641-1 à L. 3641-8, L. 3642-1 à L. 3642-5, L. 3651-1 à L. 3651-3, L. 3661-1, L. 3662-1 à L. 3662-12, L. 3663-1 à L. 3663-6, L. 4133-3 et L. 5721-2 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)

Statut particulier de la Métropole de Lyon

La Commission examine l’amendement CD 46 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement précise, dans le cas de la métropole de Lyon, que le plan climat énergie territorial (PCET) doit être suffisamment ambitieux pour contribuer au respect par la France de ses engagements en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique, pris notamment dans le cadre du « paquet » européen climat-énergie.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement me paraît superflu car les PCET sont nécessairement cohérents avec les objectifs nationaux en matière d’énergie et de climat. Si vous souhaitez néanmoins l’écrire, je n’y suis pas opposé.

La Commission adopte l’amendement, le groupe UMP votant contre.

Elle examine ensuite l’amendement CD 40 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à autoriser la création d’opérateurs locaux de distribution d’énergie, sur laquelle la Commission a sollicité un rapport par le biais d’un précédent amendement. Nous pensons qu’il est temps d’agir. S’en tenir au statu quo dans ce domaine revient à maintenir la dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis d’opérateurs nationaux, concessionnaires obligés qui, non seulement ne leur versent pas de redevance, mais leur prélèvent de l’argent – certes au titre de la péréquation, mais sans jamais rendre de comptes. Dès lors que les collectivités sont propriétaires des réseaux et responsables de la politique de distribution d’énergie sur leur territoire, il convient de leur donner les moyens de l’assumer. L’amendement leur ouvre cette possibilité. Il permet également de mettre le droit français en conformité avec les règles européennes qui soumettent ce secteur à la concurrence.

M. Bertrand Pancher. Il faut prendre garde à ne pas remettre en cause le principe de péréquation. En autorisant les opérateurs locaux, nous savons que les redevances profiteront aux territoires les plus denses au détriment des autres qui revendiqueront à leur tour la perception de la redevance. J’invite à la prudence tout en reconnaissant l’importance du rôle des territoires en matière de politique énergétique.

M. Denis Baupin. Certains territoires disposent déjà de régies pour gérer la distribution d’énergie. Il ne s’agit donc pas de créer un système ex nihilo mais de donner la possibilité à d’autres territoires de se doter de structures du même type.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Un mécanisme de péréquation existe déjà aujourd’hui.

M. le rapporteur pour avis. Votre amendement pose la question de la révision de loi de 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Le projet de loi sur la décentralisation n’est pas nécessairement le texte propice pour le faire. Il me semble préférable de suivre la proposition du président de la Commission de demander un rapport au Gouvernement sur la distribution d’énergie et de laisser le débat national sur la transition énergétique aller à son terme. La question que vous posez doit être examinée dans un cadre global et faire l’objet d’une étude préalable, dont nous avons validé le principe en adoptant l’amendement du président avant l’article 10.

Je suis donc défavorable à votre amendement, non pour des raisons de fond, mais d’opportunité.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous devons parvenir à une législation de droit commun pour toutes les collectivités en matière de distribution d’énergie. Or, votre amendement vise la seule ville de Lyon. Le rapport demandé au Gouvernement permettra d’avoir une vision globale du sujet.

La Commission rejette l’amendement CD 40.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 ainsi modifié.

Article 21

(article L. 2581–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Régime législatif des communes de l'aire métropolitaine

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 sans modification.

Article 22

(articles 1001, 1582, 1599 L [nouveau], 1599 M [nouveau], 1599 N [nouveau], 1599 O [nouveau], 1599 P [nouveau], 1609 nonies C du code général des impôts)

Adaptation du code général des impôts à la création de la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 sans modification.

Article 23

(article L. 123-4 du code de l’action sociale et des familles)

Création de centres communaux d'action sociale mutualisés entre communes de la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 sans modification.

Article 24

(article L. 212–8 du code du patrimoine)

Élargissement de la compétence des archives départementales du Rhône aux archives de la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 sans modification.

Article 24 bis (nouveau)

(article 14 et 18–1 [nouveau] de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984)

Centre de gestion unique sur les territoires du département du Rhône et de la métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 bis sans modification.

Article 25

(articles 1424-69 à 1424-76 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)

Création d’un service départemental-métropolitain d'incendie et de secours

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.

Article 26

Prorogation du mandat des délégués communautaires de la communauté urbaine de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 sans modification.

Article 27

(article 112-3 [nouveau] de la loi n° 84–53 du 26 janvier 1984)

Emplois fonctionnels de la collectivité métropolitaine

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 sans modification.

Article 27 bis (nouveau)

(article 23 de la loi n° 95–115 du 4 février 1995)

Création d'un conseil de développement par la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 bis sans modification.

Article 28

Entrée en vigueur du régime de la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 sans modification.

Article 28 bis [nouveau] (supprimé)

Dispositions transitoires pour l'élection des conseillers métropolitains en 2014

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 28 bis.

Article 28 ter (nouveau)

Maintien du mandat des conseillers communautaires élus en 2014 après la création de la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 ter sans modification.

Article 28 quater [nouveau] (supprimé)

Évaluation des charges et des ressources liées au transfert de compétences communales à la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 28 quater sans modification.

Article 28 quinquies (nouveau)

Mise en place d'une commission locale pour l'évaluation des charges et des ressources transférées

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 quinquies sans modification.

Article 28 sexies (nouveau)

Possibilité pour les maires de s'opposer au transfert d'office de certains pouvoirs de police au président de la Métropole de Lyon

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 sexies sans modification.

Article 29

Autorisation du gouvernement à fixer par voie d'ordonnance
le régime budgétaire, comptable, fiscal et financier

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 sans modification.

Après l’article 29

La Commission examine l’amendement CD 21 de M. Jean-Luc Moudenc.

M. Jean-Luc Moudenc. Cet amendement renforce la simplification de l’organisation des collectivités territoriales à laquelle aspirent les citoyens. Je propose d’appliquer à Toulouse – comme j’aurais pu le faire pour l’ensemble des métropoles prévues par l’article 31 – le statut prévu pour la métropole de Lyon en vertu duquel les compétences métropolitaines et départementales sont regroupées.

M. le rapporteur pour avis. En proposant de transposer à Toulouse le schéma lyonnais, vous imposez de manière arbitraire un statut qui a fait l’objet localement d’une intense concertation et d’un consensus politique. À défaut d’une transposition qui me semble inappropriée, je vous invite à mener une concertation afin d’aboutir à une simplification aussi forte que celle qui est proposée pour Lyon – la conférence territoriale de l’action publique pourrait d’ailleurs en être le lieu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Chapitre III

LES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES
À LA MÉTROPOLE D'AIX-MARSEILLE-PROVENCE

Article 30 A (nouveau)

(article L. 2513-5 du code général des collectivités territoriales)

Dépenses du bataillon de marins-pompiers de Marseille

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 A sans modification.

Article 30 B (nouveau)

(article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales)

Méthode de ventilation des sièges au sein du futur conseil de la métropole d’Aix-Marseille-Provence

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 B sans modification.

Article 30

(articles L. 5218-1 à L. 5218-5 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)

Dérogations au régime métropolitain de droit commun

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CD 25 n’est pas défendu.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 sans modification.

Chapitre IV

LA MÉTROPOLE

Article 31

(articles L. 5217-1 à L. 5217-7, L. 5217-7-1 [nouveau], L. 5217-14 à L. 5217-20, et L. 5217 20 1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Restructuration du régime métropolitain

La Commission examine l’amendement CD 8 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Cet amendement propose de confier aux métropoles le rôle de chef de file dans la gouvernance de la politique locale de l’habitat sur le territoire métropolitain. En effet, les métropoles exercent déjà de multiples compétences en matière de d’habitat et de logement ainsi que dans le cadre de la délégation des aides à la pierre. Elles ont démontré leur capacité à créer des dynamiques permettant d’améliorer la situation du logement sur leur territoire et de soutenir le secteur du bâtiment en crise. Elles exercent de fait un rôle de chef de file pour la coordination des politiques de l’habitat sur leur territoire – qu’il convient donc de reconnaître dans la loi.

M. le rapporteur pour avis. Je crains que votre amendement n’introduise de la confusion en ajoutant un nouvel échelon territorial susceptible de coordonner l’action des collectivités dans ce domaine, alors que l’article 3 du projet de loi définit déjà les collectivités territoriales chef de file et les compétences concernées. En outre, la notion de gouvernance de la politique de l’habitat mériterait d’être précisée sur le plan juridique. Je vous demande donc de retirer votre amendement afin d’approfondir la question.

M. Philippe Bies. Je retire l’amendement.

L’amendement CD 8 est retiré.

La Commission examine l’amendement CD 5 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Cet amendement vise à confier aux métropoles la gestion des espaces naturels d’intérêt métropolitain. Il ne s’agit pas de transférer la gestion de l’ensemble des espaces naturels mais ceux dont l’intérêt métropolitain a été reconnu par le conseil de la métropole. Je pense notamment aux forêts remarquables dont la gestion peut dépendre de plusieurs communes.

M. le rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement qui ne confère pas une compétence exclusive et ne prête pas à confusion comme le précédent, puisqu’il ne désigne pas la métropole comme chef de file.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD 11 de M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Cet amendement vise à supprimer la compétence accordée aux métropoles en matière d'organisation de la transition énergétique. D’une part, ce concept n'a, pour l'heure, aucun fondement juridique. D’autre part, la métropole est déjà dotée de la compétence d'élaboration et de mise en œuvre d'un PCET.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Denis Baupin. Je suis très défavorable à cet amendement. L’élaboration d’un plan et la mise en œuvre d’une politique sont deux choses très différentes. En retirant à la métropole la compétence en matière de transition énergétique, vous envoyez un signal très défavorable. Je suis très surpris par cet amendement qui constitue un recul et affaiblit la capacité des métropoles à mettre en œuvre une politique énergétique. Je ne comprends pas le sens de cet amendement soutenu par mes collègues de la majorité traditionnellement allants sur ces questions, et je leur suggère d’y réfléchir. Quant à l’argument de l’inconsistance juridique de la notion de transition énergétique, il pourrait s’appliquer à d’autres termes employés dans le projet de loi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD 47 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement a le même objet qu’un précédent amendement relatif à la métropole de Lyon. Je suppose que le rapporteur y sera favorable. Il permet de fixer une même ambition aux PCET présentés par les métropoles sur l’ensemble du territoire.

M. le rapporteur pour avis. J’y suis donc favorable par cohérence.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CD 6 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Cet amendement propose, au nom de l’équilibre du territoire, de confier aux métropoles la compétence de soutien à l’agriculture périurbaine et durable sur le territoire métropolitain, complétant ainsi leur compétence en matière d’urbanisme et d’aménagement des espaces. Il ne faut pas sous-estimer la présence de l’agriculture dans les agglomérations. L’agglomération de Strasbourg compte ainsi 200 exploitations agricoles ; dans l’agglomération lilloise, 3 000 emplois sont concernés et, dans le pays de Rennes, 34 000 vaches ! (Sourires)

M. le rapporteur pour avis. Le soutien à l’agriculture durable relève de la politique agricole commune. Votre amendement pose donc un problème d’articulation avec la compétence de gestion des fonds européens dont le transfert aux régions est prévu. De plus, il entre en contradiction avec la compétence départementale en matière de protection des espaces agricoles et naturels périurbains. En outre, les textes actuels permettent déjà aux métropoles de s’emparer de la compétence départementale dès lors que la volonté en est partagée par les deux collectivités. S’ils devaient être précisés, cela mériterait un travail plus approfondi. Je vous propose de retirer votre amendement.

Mme Sophie Rohfritsch. 90 % des 200 exploitants agricoles de l’agglomération strasbourgeoise sont situés dans des communes périphériques. Il est important de réfléchir à la concertation avec les communes dans la métropole. Le développement économique fait partie des compétences métropolitaines, on peut considérer que les agriculteurs sont des entrepreneurs qui peuvent être soutenus à ce titre.

M. Jean-Yves Caullet. Cet amendement prolonge notre débat précédent sur la coopération entre métropoles et hinterland qui doit permettre à chacun d’assumer ses fonctions, y compris en dehors de l’agglomération. Une métropole, même limitée, a nécessairement des rapports avec d’autres territoires, notamment agricoles.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Bies, maintenez-vous cet amendement ?

M. Philippe Bies. Je retire mon amendement à la demande du rapporteur mais je reste convaincu que cette question doit être traitée différemment.

L’amendement CD 6 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CD 15 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à limiter le transfert obligatoire de la compétence de gestion des réseaux de chaleur et de froid aux seuls équipements d'intérêt métropolitain, afin de laisser aux territoires urbains la souplesse indispensable pour répartir les responsabilités. Il existe en effet des petits réseaux de chaleur qui n'ont peut-être pas vocation à sortir du giron communal.

M. le rapporteur pour avis. Le transfert à la métropole de l’intégralité de la compétence relative aux réseaux de chaleur répond à l’objectif d’économies d’échelle et d’une gestion intégrée des réseaux, avec, éventuellement, un gestionnaire unique, qui permet d’obtenir des tarifs avantageux. Je ne comprends donc pas pourquoi vous refusez cette simplification. Avis défavorable.

M. Bertrand Pancher. Je comprends le souci de cohérence du rapporteur mais je ne partage pas son analyse. Quel peut être l’intérêt pour une commune de taille moyenne dotée d’un petit réseau de chaleur d’être intégrée dans un vaste réseau ? Je ne vois pas quelles économies d’échelle elle pourrait en tirer.

M. Jacques Kossowski. Il est vrai qu’il est plus facile pour un syndicat important d’envisager de recourir à de nouvelles énergies. La possibilité offerte par le projet de loi peut être intéressante pour aider des communes dotées de petits réseaux et dont les moyens sont limités, à changer de source d’énergie.

M. Édouard Philippe. Il existe nombre de petits réseaux – dont les coûts sont négociés lors de leur création – pour lesquels les économies d’échelle ne sont pas envisageables. Il est préférable de laisser aux communes la faculté de prendre l’initiative d’un rapprochement avec la métropole. Je soutiens l’amendement.

Mme Sophie Rohfritsch. Cet amendement s’inscrit dans la logique de notre rapport d’information sur la biomasse au service du développement durable qui plaidait pour une production locale de chaleur.

M. le rapporteur pour avis. Les communes ne sont pas dépossédées de leurs petits réseaux. En revanche, les réseaux nouveaux relèveront de la compétence de la métropole. Les avantages tarifaires tirés de l’intégration des petits réseaux ne doivent pas être sous-estimés. J’entends néanmoins les arguments développés et m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement CD 15.

Puis elle examine l’amendement CD 35 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le Sénat a privé les métropoles de la compétence de gestion des milieux aquatiques et l’a conférée aux communautés de communes, aux communautés urbaines et aux communautés d’agglomération dans l’article 35 B. Il paraît peu cohérent de la confier à ces intercommunalités tout en la refusant aux métropoles : le présent amendement complète donc l’article 31 pour rétablir, dans les compétences de droit commun de celles-ci, la gestion des milieux aquatiques.

M. Denis Baupin. Je soutiens la position exprimée par le groupe écologiste au Sénat en faveur d’une compétence régionale dans ce domaine. Je constate une nouvelle fois que l’attribution des compétences est à géométrie variable. On refuse aux métropoles la compétence d’organisation de la transition énergétique mais on leur accorde la gestion des milieux aquatiques.

M. le rapporteur pour avis. Contrairement à la transition énergétique, la notion juridique de gestion des milieux aquatiques est établie. En outre, rien n’interdit de confier aux régions une fonction de chef de file sur ce sujet. Cette question sera peut-être abordée au cours de la navette. À ce stade, j’insiste sur la cohérence qui justifie cet amendement.

M. Denis Baupin. Je m’étonne que l’argument de la cohérence puisse valoir pour la gestion des milieux aquatiques et non pour la transition énergétique…

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement CD 1 de Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. L’amendement vise à transposer certaines dispositions applicables à la métropole lyonnaise en distinguant, pour les syndicats intercommunaux qui exercent déjà des compétences en matière de gestion de certains services publics, deux cas de figure : soit le syndicat regroupe les communes membres de la métropole, et celle-ci se substitue à lui ; soit le périmètre est différent, et la métropole peut entrer dans le syndicat, qui subsiste. Cela permettrait de préserver les syndicats qui fonctionnent de manière satisfaisante.

M. le rapporteur pour avis. Vous soulevez une question intéressante à rebours de la logique de rationalisation défendue par vos collègues. Rien n’interdit en l’état du droit à la métropole de se substituer aux communes au sein du syndicat qui fonctionne bien. Je suis donc défavorable à votre amendement en l’état mais favorable à l’approfondissement de la question.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD 41 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement reprend pour l’ensemble des métropoles l’amendement que j’ai défendu pour Lyon sur la création d’opérateurs pour la distribution d’énergie.

M. le rapporteur pour avis. Par cohérence, mon avis est défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD 19 et CD 20 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’amendement CD 19 vise à encourager les accords entre le département et la métropole sur des politiques communes en matière de voirie et de transports scolaires. À défaut d’accord d’ici le 1er janvier 2017, les compétences seraient transférées de plein droit à la métropole.

L’amendement CD 20 tend également à renforcer la cohérence des politiques publiques au sein des métropoles, en prévoyant un transfert automatique des voiries départementales à leur profit à compter de la même date en l’absence d’accord.

M. le rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’amendement CD 19, qui prévoit une discussion préalable et la recherche d’un accord, notamment en matière de transports scolaires, avant le transfert automatique des compétences. Je suis en revanche opposé à l’amendement CD 20 qui fait du 1er janvier 2017 une date couperet pour le transfert des voiries départementales, ce qui peut avoir notamment de lourdes conséquences pour les métropoles.

L’amendement CD 20 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CD 19.

Elle examine ensuite l’amendement CD 9 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Cet amendement rappelle que le statut de ville siège des institutions européennes de Strasbourg lui est conféré par des traités et protocoles européens.

Au-delà de la reconnaissance des fonctions particulières exercées par Strasbourg et de l’inscription dans la loi du contrat triennal « Strasbourg, Capitale européenne » destiné à lui donner les moyens d’assurer celles-ci dans de bonnes conditions, il est utile de rappeler ces textes ainsi que les engagements pris par le France pour lui donner cette place particulière en France et en Europe.

M. le rapporteur pour avis. Vous en appelez à la hiérarchie des normes pour faire respecter le statut de capitale européenne de Strasbourg. Cet amendement a une portée strictement symbolique. J’y suis favorable à condition de le rectifier pour indiquer « en application des traités et protocoles européens ».

La Commission adopte l’amendement CD 9 rectifié.

Puis elle examine l’amendement CD 16 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements sur la gouvernance des conseils de développement. Afin de conforter la représentation de la société civile, il interdit aux élus de la métropole de siéger au sein du conseil de développement. Il arrive en effet que certains élus verrouillent le fonctionnement de ce conseil en y plaçant les élus de leur choix.

M. Philippe Plisson. Je soutiens cet amendement car la présence au sein du conseil de développement de professionnels de la politique qui monopolisent la parole dévoie cette instance. (Exclamations)

M. le rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement qui apporte une précision utile. J’émettrai en revanche un avis défavorable sur l’amendement CD 17 car le troisième projet de loi sur la décentralisation doit instituer un droit de pétition à destination des assemblées délibérantes. Cet amendement est en effet en retrait par rapport au droit existant, puisqu’aujourd’hui, un simple citoyen peut déjà saisir le conseil de développement. Votre amendement n’aurait d’intérêt que si la saisine par voie de pétition obligeait le conseil à traiter la question posée.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en restons à l’examen de l’amendement CD 16.

Mme Sylviane Alaux. Vous pourriez vous inspirer de la pratique dans le Pays basque qui consiste pour le conseil des élus à désigner en son sein deux délégués auprès du conseil de développement. Je m’abstiendrai.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements CD 17 et CD 18 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je réponds au rapporteur sur l’amendement CD 17. Je salue l’intention louable du Gouvernement sur le droit de pétition. Mon amendement est complémentaire en ce qu’il permet au conseil de développement d’être saisi et de délibérer. Par ailleurs, dans la même logique, l’amendement CD 18 prévoit que le rapport annuel du conseil de développement soit débattu par le conseil de la métropole.

Ces amendements font écho à la réforme de la Constitution qui a introduit la possibilité de saisir le Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition. Ils s’appuient en quelque sorte sur un parallélisme des formes afin de revivifier la démocratie.

M. le rapporteur pour avis. J’ai déjà exprimé mon avis sur le CD 17. En revanche, l’amendement CD 18 est un amendement de bon sens, auquel je suis favorable.

M. Alain Gest. Je suis très perplexe devant ces propositions qui me semblent porter atteinte à la liberté des élus. Le conseil de la métropole doit conserver la liberté de fixer l’ordre du jour de ses débats. Il est de la responsabilité des élus soumis à la sanction du suffrage universel de décider de discuter des avis exprimés par le conseil de développement.

La Commission rejette l’amendement CD 17 et adopte l’amendement CD 18.

Puis elle examine l’amendement CD 10 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Cet amendement précise que la composition du conseil de développement des métropoles est définie en cohérence avec les compétences de la métropole afin d’associer l’ensemble des acteurs concernés et de n’oublier personne.

M. le rapporteur pour avis. Il ne me paraît pas opportun de restreindre la composition du conseil de développement aux seules personnes dont les compétences correspondent à celles de la métropole. Ce conseil a vocation à s’ouvrir aux acteurs économiques et sociaux. L’amendement introduit une rigidité supplémentaire et risque de priver le conseil d’une expertise plus large que le périmètre de la métropole. Avis défavorable.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Retirez-vous cet amendement ?

M. Philippe Bies. Je le maintiens. La cohérence avec les compétences de la métropole ne signifie pas l’exclusivité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CD 24 de M. Jean-Luc Moudenc.

M. Jean-Luc Moudenc. On constate une forte disparité entre les dotations d'intercommunalité perçues par les anciennes communautés urbaines et par les plus récentes, à savoir celles de Toulouse et de Nice. Cet amendement vise à harmoniser le montant des dotations et à mettre ainsi fin à une différence qui ne se justifie pas.

M. le rapporteur pour avis. Votre amendement soulève la question pertinente du montant des dotations d’intercommunalité, qui oscille entre 60 et 127 euros par habitant. Ces écarts sont une source d’injustice à laquelle il convient de remédier. Or vous choisissez de fixer la dotation à 80 euros – qui correspond à une moyenne – sans expertise approfondie. En outre, cette question devrait plutôt être débattue par la Commission des finances. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CD 24.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 ainsi modifié.

Article 31 bis (nouveau)

(articles L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales)

Effectif des vice-présidents d'une métropole

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis sans modification.

*

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Je vous propose d’interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à 16 heures 15 cet après-midi.

*

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire poursuit l’examen pour avis, sur le rapport de M. Florent Boudié, du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 1120).

Article 31 ter (nouveau)

(chapitre Ier du titre II du livre VIII et art. L. 5821-1
du code général des collectivités territoriales)

Coordination

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Après l’article 31 ter

La Commission examine les amendements CD 22 et CD 23 de M. Jean-Luc Moudenc, portant articles additionnels après l’article 31 ter et qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Luc Moudenc. Depuis quelques mois, le Gouvernement a entrepris d’affiner la représentation de la population. C’est ainsi qu’il a opté pour un redécoupage des cantons, pour une répartition différente des conseillers de Paris ou pour la modification du corps électoral du Sénat. Dans la même logique, l’amendement CD 22 vise à mettre fin aux deux écrêtements qui aboutissent à une sous-représentation des villes centres – des communes les plus peuplées – au sein du conseil de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) : selon la loi actuelle, elles ne peuvent disposer de plus de la moitié des sièges ni de plus de sièges qu’elles n’ont de conseillers municipaux. Il en résulte une inégalité dans la représentation des citoyens selon qu’ils résident dans ces villes centres ou dans les communes périphériques.

L’amendement CD 23 substitue à ces dispositions un mécanisme aux termes duquel, lorsque le nombre de sièges attribué à une commune est supérieur à celui de ses conseillers municipaux, pourraient siéger au conseil de communauté les candidats qui figuraient immédiatement après ces conseillers sur les listes présentées aux élections municipales. Au cas où ces candidats seraient en nombre insuffisant, je propose de reprendre la technique utilisée pour désigner des grands électeurs supplémentaires pour l’élection du Sénat et qui consiste à désigner des citoyens inscrits sur les listes électorales.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Ces deux amendements d’opportunité, conçus pour régler un problème qui se pose dans l’agglomération toulousaine, pourraient conduire à attribuer à la ville la plus importante d’une communauté urbaine plus de 50 % des sièges au conseil de l’EPCI. Non seulement la gouvernance de l’EPCI s’en trouverait déséquilibrée, mais cela aboutirait à une situation de tutelle d’une collectivité sur les autres, ce qui serait anticonstitutionnel.

La Commission rejette successivement les amendements CD 22 et CD 23.

Article 32

(articles L. 3211-1-1 et L. 4211-1-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)

Délégations de compétences départementales et régionales à la métropole

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 32 bis A (nouveau)

Rapport sur l’élection des conseillers communautaires en 2014

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 32 bis (nouveau)

(article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales)

Prise en compte, par les régions, des orientations économiques arrêtées par une métropole

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 33

Dispositions spécifiques à la métropole de Nice Côte d'Azur

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 34

(article L. 5217-21 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Transfert des services et des personnels

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 34 bis (nouveau)

(articles L. 2213-2, L. 2333-68, L. 5215-20 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales)

Coordinations liées à l’institution des autorités organisatrices de la mobilité

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 34 ter (nouveau)

(articles L. 1231-1, L. 1231-14 à L. 1231-16 [nouveaux] et L. 1821-6 du code des transports)

Institution des autorités organisatrices de la mobilité

La Commission est saisie de l’amendement CD 43 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Depuis des années, le groupement des autorités responsables de transport (GART), qui réunit des élus de toutes tendances politiques, souhaite que les autorités organisatrices de transport (AOT) disposent des moyens de favoriser l’intermodalité. Or, si ces autorités sont à même d’organiser le transport des personnes, le transport des marchandises pâtit toujours d’un manque de coordination, ce qui explique que le transport par camions, dont tout le monde se plaint, continue à gagner des parts de marché. L’amendement CD 43 tend donc à donner aux AOT compétence d’organiser le transport de marchandises sur leur territoire, en sorte qu’elles puissent réunir les acteurs concernés, mener des concertations, définir des politiques et élaborer des schémas directeurs.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par l’alinéa 6 en l’état, puisqu’il dispose que les AOT peuvent, « en cas d’inadaptation de l’offre privée […], organiser des services publics de transport de marchandises et de logistique urbaine ». Mais, pour le reste, le transport de marchandises relève du secteur marchand, où s’applique la libre concurrence.

M. Denis Baupin. L’alinéa 6 n’autorise pas, comme je le souhaite, les AOT à organiser au niveau local ce transport de marchandises comme elles le font du transport de personnes, qui relève tout autant du secteur marchand ! Au sein du GART, tous les élus des grandes villes déplorent l’absence d’un lieu de concertation et le manque de pilotage sur cette question.

M. le rapporteur pour avis. La prudence est de mise dans les affaires où la libre concurrence est en jeu ! D’autre part, les AOT sont responsables du transport des personnes et il ne va pas de soi d’en créer qui soient responsables du transport des marchandises. Au surplus, cette disposition aurait mal sa place dans cette partie de la loi.

M. Denis Baupin. L’amendement vise non à créer de nouvelles instances, mais à donner une nouvelle compétence aux AOT.

La Commission rejette l’amendement CD 43.

Elle en vient à l’amendement CD 42 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit cette fois de donner aux AOT compétence pour coordonner les politiques de stationnement, qui mettent en jeu le financement des collectivités et interagissent avec les politiques de maîtrise de l’espace public et d’organisation des transports collectifs. Dans ce domaine, les compétences sont par trop éparses et une harmonisation paraît indispensable, les acteurs institutionnels pouvant imposer des décisions contradictoires d’un côté de rue à l’autre.

M. Bertrand Pancher. Je n’ai pas eu le temps de me rapprocher du GART, mais je suis sensible aux arguments de bon sens de M. Baupin : le besoin de coordonner les politiques de stationnement et de circulation est indéniable.

M. le rapporteur pour avis. Je comprends le raisonnement qui a présidé à la rédaction de l’amendement, mais la Commission des lois procède actuellement à des auditions en vue de définir une approche globale sur ces questions de stationnement et il me semblerait préférable de lui soumettre cet amendement pour ne pas prendre le risque de « marcher sur ses brisées ».

M. Denis Baupin. Notre Commission n’est-elle pas compétente en matière de transports ? J’espère donc qu’elle manifestera son intérêt pour le sujet en votant l’amendement, à moins qu’on ne me suggère une autre manière de faire passer le message.

M. le rapporteur pour avis. À titre personnel, je suis convaincu par votre proposition, mais nous devons d’abord vérifier certains éléments. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, étant entendu que je ferai valoir votre préoccupation auprès de la Commission des lois.

M. Denis Baupin. Soit.

L’amendement CD 42 est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 ter sans modification.

Article additionnel après l’article 34 ter

La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l’article 34 ter. Elle examine d’abord l’amendement CD 37 rectifié de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales de se constituer en autorités locales de l’énergie. Nous avons accordé cette autorisation à la métropole de Lyon dont le cas, je pense, ne justifie pas un traitement qui ne puisse être étendu à d’autres collectivités.

Nombre de celles-ci souhaitent pouvoir coordonner des politiques locales de production et de consommation d’énergie. Ce serait une manière de faire progresser la décentralisation, de favoriser tant l’emploi que le dynamisme des territoires et, en rapprochant la production de la consommation, de réduire le gaspillage.

M. le rapporteur pour avis. Je suis plutôt défavorable, pour les raisons que j’ai fait valoir ce matin lorsque nous avons examiné l’amendement CD 49 rectifié du président Jean-Paul Chanteguet.

M. Denis Baupin. Si l’on peut assimiler une régie organisant la distribution de l’énergie à une autorité territoriale compétente pour les politiques énergétiques, il faut retirer à Lyon la compétence que nous lui avons accordée ! Mais il s’agit de bien autre chose. Votre réponse ressemble à celle que vous m’avez faite à propos de l’amendement CD 34, en confondant l’octroi d’une nouvelle compétence aux AOT et la création d’un nouvel organisme.

M. Jean-Pierre Vigier. Je soutiens cet amendement, visant à étendre le dispositif imaginé pour Lyon à d’autres collectivités territoriales.

M. le rapporteur pour avis. Lyon est une collectivité à statut particulier ! Les aménagements spécifiques adoptés en sa faveur au terme d’une concertation ne peuvent être transposés ailleurs sans plus ample examen. Enfin, c’est une compétence d’autorité organisatrice de l’énergie, et non d’autorité locale de l’énergie, qui a été reconnue à cette métropole.

M. Denis Baupin. S’il ne s’agit que de cela, je suis tout prêt à rectifier mon amendement pour m’aligner sur cette dénomination.

M. le rapporteur pour avis. Dans ce cas, j’émets un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CD 37, deuxième rectification.

Après l’article 34 ter

Elle en vient à l’amendement CD 38 rectifié de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je souhaite étendre à l’ensemble des métropoles la faculté de créer des opérateurs publics locaux pour distribuer l’énergie sur leur territoire.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai données ce matin. Et, cette fois, ma position ne sera pas susceptible d’inflexion.

La Commission rejette l’amendement CD 38 rectifié.

Article 34 quater (nouveau)

(article 54 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement)

Définition de l’autopartage

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Chapitre V

DISPOSITIONS DIVERSES
RELATIVES À L'INTÉGRATION MÉTROPOLITAINE ET URBAINE

Article 35 A (nouveau)

(article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales)

Création d’un coefficient d’intégration fonctionnelle pour les EPCI

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 35 B (nouveau)

(articles L. 5214 16, L. 5216 5 et L. 5215 20 du code général des collectivités territoriales, article L. 211-7 et articles L. 211 7 2 et L. 211 7 3 [nouveaux] du code de l’environnement)

Compétence de gestion des milieux aquatiques

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 35

(article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales)

Transfert des pouvoirs de police en matière d'assainissement et de déchets

La Commission est saisie de l’amendement CD 13 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Depuis la loi du 16 décembre 2010, les maires des communes membres d’un EPCI à fiscalité propre qui s’est vu transférer la compétence en matière de déchets doivent transférer à son président les attributions lui permettant de réglementer cette activité. Deux possibilités sont offertes à l’EPCI : soit il constitue une police intercommunale, soit son président décide de mettre ses décisions en œuvre par le biais d’agents spécialement assermentés. La seconde possibilité est le plus souvent préférée à la première pour des raisons de souplesse. Toutefois, les codes de l’environnement et de la santé publique viennent considérablement restreindre le nombre d’agents qui peuvent être assermentés, en limitant cette possibilité à certaines professions – agents habilités en matière de répression des fraudes, inspecteurs des installations classées… Cet amendement vise donc à rendre plus lisible la procédure d’assermentation des agents chargés du contrôle du respect du règlement de collecte défini par le président de l’EPCI en élargissant le nombre des catégories concernées.

M. le rapporteur pour avis. Un amendement identique a été repoussé au Sénat pour des raisons techniques. Comme vous l’avez vous-même dit, la liste des agents qui peuvent être assermentés en matière d’assainissement et de déchets ne relève pas du code général des collectivités territoriales, mais du code de la santé publique ou de celui de l’environnement. Ensuite, les modalités d’assermentation des agents prévues par cet amendement ne sont pas assez précises pour être applicables. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission émet alors un avis favorable à l’adoption de l’article 35 sans modification.

Article 35 bis (nouveau)

(article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales)

Possibilité pour une commune ou un groupement de collectivités de rester actionnaire d’une société d’économie mixte dont l’objet social correspond à une compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 35 bis sans modification.

Article 36

(articles L. 2213-1, L. 2213-33 [nouveau], L. 5211-9-2 et L. 5842-4 du code général des collectivités territoriales)

Polices spéciales de la circulation et de délivrance des autorisations de stationnement des taxis

La Commission examine l’amendement CD 28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le Sénat a ouvert une possibilité de transfert de la compétence de délivrance des autorisations de stationnement pour les taxis au président de l’EPCI, sous réserve que cet EPCI soit compétent en matière de voirie et que les maires des communes membres ne s’opposent pas à ce transfert. En l’état actuel du droit, le maire a l’obligation, avant de délivrer l’autorisation de stationnement, de recueillir l’avis d’une commission consultative qui comporte des représentants de l’administration et de la profession. Cette commission est communale pour les communes de plus de 20 000 habitants et départementale pour les communes de moins de 20 000 habitants. Les représentants de la profession nous ont alertés sur une incohérence : il n’existe pas de commission consultative au périmètre de l’EPCI. Dans le cas d’un EPCI regroupant à la fois des communes de plus de 20 000 habitants et des communes de moins de 20 000 habitants, il faudrait donc consulter les deux commissions. C’est pourquoi cet amendement vise à créer une commission consultative à l’échelle de l’EPCI.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD 29 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le texte prévoit que le président de l’EPCI informe les maires des communes concernées de la délivrance ou du retrait des autorisations de stationnement aux exploitants de taxis. Cet amendement propose qu’il soit également contraint d’en informer l’organe délibérant de l’établissement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD 44 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Paris est la ville la moins décentralisée de France, celle qui subit le plus l’État jacobin : le maire de la capitale est celui qui détient le moins de compétences sur sa voirie. Jusqu’en 2002, toutes les compétences en matière de circulation appartenaient à l’État. Malgré quelques assouplissements, la police de la circulation et du stationnement continue aujourd’hui à relever de l’État sur un certain nombre de voies. Il est bien sûr nécessaire que l’État conserve des prérogatives spécifiques afin de garantir l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens et la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques. Il ne vous aura cependant pas échappé que le précédent Premier ministre avait pu bloquer un projet de la municipalité parisienne en matière de circulation.

Notre amendement propose d’en finir avec cet anachronisme, en rétablissant le droit commun à Paris par la suppression de l’alinéa 4 de l’article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales. La préfecture de police conserverait bien entendu ses compétences en matière de sécurité des bâtiments. J’ajoute que, bien que nommés par des gouvernements de droite, les préfets de police avec qui j’ai été en relation à l’époque où j’étais adjoint au maire de Paris chargé des transports confessaient ne pas comprendre les raisons de cette compétence de la préfecture de police sur certaines voies parisiennes.

M. le rapporteur pour avis. Peut-on vraiment remettre en cause le périmètre des compétences de la préfecture de police au détour de ce projet de loi ? Et comment faire la distinction entre les compétences qui devraient être dévolues au maire de Paris et celles qui doivent continuer à relever de l’État pour des raisons de sécurité publique ? La situation mérite un examen très précis, au cas par cas.

M. Bertrand Pancher. Je souhaite que notre collègue maintienne cet amendement afin que nous puissions avoir un vrai débat sur cette question dans l’Hémicycle. L’État ferait mieux de se recentrer sur ses compétences au lieu d’intervenir dans ce qui relève normalement du domaine de compétence des collectivités territoriales, en particulier pour la ville de Paris.

M. Alexis Bachelay. Je m’intéresse comme Denis Baupin à ces questions, notamment dans le cadre d’un groupe de travail au ministère des transports qui envisage la transformation du code de la route en code de la rue. Le fait que la ville de Paris ne puisse pas décider de la règlementation sur l’ensemble de sa voirie est une anomalie au regard de la philosophie de ce texte. Je comprends la préoccupation du rapporteur, mais je rappelle que dans tous les départements, le préfet peut imposer – y compris dans les communes qui ont la maîtrise de leur voirie, ce qui est le cas de la mienne – le respect de certaines règles lorsqu’il en va de l’ordre public ou de la sécurité publique. Le plan Vigipirate en est un exemple. La proposition de Denis Baupin est donc relativement neutre au regard du droit commun.

M. Denis Baupin. Ce texte traite de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales ; il y a donc une certaine pertinence à soulever cette question aujourd’hui. La précédente réorganisation en la matière a d’ailleurs été opérée dans le cadre d’un texte sur la décentralisation. Je vous invite également à relire l’article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales. Je propose de supprimer un seul alinéa de cet article, relatif au domaine de la circulation, sachant que le reste porte sur des questions de sécurité – sur lesquelles le préfet de police conserve un certain nombre de prérogatives, qu’il s’agisse de mesures provisoires ou temporaires.

Rappelons d’autre part que la multiplication des compétences de la préfecture de police – à effectifs constants – la contraint à effectuer des arbitrages au quotidien, et que ses moyens vont en priorité à la sécurité publique, et non à l’organisation de la circulation. Cela explique que les questions de circulation soient mal traitées dans la capitale. J’ajoute qu’à l’occasion du débat sur le Plan de déplacements de Paris (PDP), le Conseil de Paris s’est exprimé en faveur de l’évolution que je propose. Je maintiens donc l’amendement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous donne lecture de l’article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales :

« Les pouvoirs conférés au maire par le premier alinéa de l’article L. 2213-1 et par les articles L. 2213-2 à L. 2213-6 sont, à Paris, exercés par le maire de Paris sous réserve des dispositions ci-après.

Pour les motifs d’ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques, le préfet de police détermine, de façon permanente ou temporaire, des sites où il réglemente les conditions de circulation et de stationnement dans certaines voies ou portions de voies, ou en réserve l’accès à certaines catégories d’usagers ou de véhicules.

Des dispositions de même nature et à caractère temporaire peuvent également être arrêtées par le préfet de police, après avis du maire de Paris, en cas de manifestation de voie publique à caractère revendicatif, festif, sportif ou culturel.

Le préfet de police fixe, après avis du maire de Paris, les règles de circulation et de stationnement sur certains axes pour tenir compte des conditions de circulation dans l’agglomération parisienne et en région d’Île-de-France. Un décret précisera les voies concernées ainsi que les conditions de l’application du présent alinéa.

Pour l’application des dispositions du présent article, le contrôle administratif et le pouvoir de substitution sont exercés, au nom de l’État, par le préfet de police.

En outre, les pouvoirs conférés par le code de la route au préfet sont exercés à Paris par le préfet de police. »

M. le rapporteur pour avis. La suppression de l’alinéa 4 permet-elle de garantir la même vigilance qu’aujourd’hui sur les axes qui impliquent une vigilance en termes de sécurité ?

M. Denis Baupin. C’est ce qui est écrit dans les autres alinéas.

M. le rapporteur pour avis. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission, mais avec quelques réserves.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau dans l’Hémicycle.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 36 ainsi modifié.

Article 36 bis (nouveau)

(articles L. 2213-6, L. 2331-4 et L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, article 261 D du code général des impôts, article L. 411-1 du code de la route)

Dépénalisation des infractions au stationnement payant sur voirie

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 bis sans modification.

Article 36 ter (nouveau)

(article L. 1241-14 du code des transports)

Affectation au syndicat des transports d’Île-de-France d’une partie du produit des forfaits de post-stationnement

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 ter sans modification.

Après l’article 36 ter (nouveau)

La Commission examine l’amendement CD 45 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise lui aussi à tirer les leçons de ma longue expérience d’adjoint au maire de Paris chargé des transports. Il s’agit cette fois-ci des taxis. Beaucoup d’entre vous ont quelque idée des difficultés que l’on peut rencontrer en la matière dans l’agglomération parisienne pour assurer un service à la hauteur des attentes des usagers. Nous sommes là encore dans une situation atypique, la compétence de l’organisation de l’industrie des taxis appartenant à la préfecture de police, qui l’exerce à sa manière, c’est-à-dire en fonction de l’attribution des licences et de la gestion de la profession plus qu’en fonction d’objectifs de mobilité. Or le taxi est un service de mobilité. Nous proposons donc de transférer cette compétence au Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), afin que le service des taxis puisse être intégré dans les services de mobilité.

Cette proposition nous semble cohérente avec le transfert de la compétence de services proches – tels que le covoiturage – aux autorités organisatrices de la mobilité. Cela permettrait au STIF de mettre en œuvre une politique intermodale, avec des services complémentaires les uns des autres. Pourquoi ne pas envisager par exemple des « pass mobilité » qui permettraient à nos concitoyens de passer indifféremment d’un mode de transport à un autre ?

M. le rapporteur pour avis. Cette fois-ci, votre talent ne suffira pas à me convaincre ! Le transfert de cette compétence au STIF aurait en effet pour conséquence d’étendre la zone des taxis parisiens à l’ensemble de la région Île-de-France, et de remettre en cause la régulation des taxis dans les aéroports. La proposition mérite donc un examen attentif. Dans cette attente, je vous invite à retirer l’amendement, faute de quoi j’y donnerai un avis défavorable. Les « retours » que cette proposition suscite sont en effet alarmistes.

M. Bertrand Pancher. La proposition de Denis Baupin est de bon sens, mais nous ne sommes pas à quelques mois près. Quelles sont les raisons des réticences que vous évoquez, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. le rapporteur pour avis. À ce stade, les éléments dont je dispose sont sommaires. Sachez cependant que la Direction générale des collectivités locales (DGCL) nous a alertés sur les difficultés que cet amendement pourrait susciter. Mieux vaut donc nous en tenir à la prudence pour l’instant.

M. Gilles Savary. Cette question est d’une singulière complexité. En outre, je mesure mal en quoi la proposition faite par nos collègues améliorerait la situation des taxis en Île-de-France, qui est loin d’être satisfaisante et mérite sans doute une analyse plus poussée. Vous connaissez le mode d’organisation des taxis, leur poids en tant que lobby, leur réticence à voir multiplier le nombre des exploitants et la gestion particulière qui fait que l’on en trouve en abondance aux abords des aéroports, mais très peu à l’intérieur de la ville en comparaison de New York ou de Londres. Vous connaissez aussi le poids du marché de la transmission des plaques, sorte d’économie parallèle devenue quasi officielle. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement. Le sujet mérite une analyse plus précise sur bien des aspects : aspects économiques, mais aussi ordre public, réquisitions, amélioration du service, formation, homologation. Enfin, pour m’en tenir à certaines villes que je connais, il n’est pas certain que les élus locaux soient plus vertueux que les fonctionnaires de l’État en ce domaine.

M. Alexis Bachelay. Si l’on se réfère au critère du service rendu à la population dans Paris intra muros, il est certain que l’offre en matière de taxis n’est pas satisfaisante. Cette situation ne date pas d’hier, mais elle a tendance à s’aggraver. Plusieurs gouvernements ont d’ailleurs échoué à normaliser la situation. La mesure proposée peut parfaitement s’inscrire dans ce projet de loi : il s’agit bien de décentralisation, puisqu’il y a transfert de la compétence de la préfecture de police au STIF.

Rappelons que le texte va permettre au STIF de passer d’un statut de syndicat des transports à un statut d’agence des mobilités. La région entend d’ailleurs ne plus se cantonner à la seule organisation des transports en commun, mais prendre également en compte la pluralité des modes de déplacement. Je ne voterai donc pas contre cet amendement : j’ignore si la solution proposée est la bonne, mais cette question mérite d’être posée.

M. Denis Baupin. Loin de moi l’idée de dire que les élus locaux seraient par définition plus vertueux que les fonctionnaires, monsieur Savary. Je ne suis d’ailleurs pas surpris que la DGCL ne soit pas désireuse de se voir retirer des compétences. En tant que législateurs, nous sommes néanmoins responsables de la politique des taxis, qui est du ressort de l’État. Il est donc légitime que nous ayons un avis sur la question des taxis parisiens, même si je me doute qu’elle n’a pas dû faire l’objet de beaucoup de discussions au sein du Parlement. Je précise que j’ai consulté mes collègues du STIF avant de déposer cet amendement. Celui-ci ne dit évidemment pas tout ce qu’il faudrait améliorer, mais des pistes existent, notamment en ce qui concerne le système quasi féodal et très complexe des plaques, qui contribue à expliquer que le service des taxis à Paris soit l’un des moins performants au monde.

Je ne vois pas en quoi le transfert de compétence au STIF entraînerait une extension de la zone des taxis parisiens à l’ensemble de la région Île-de-France et une remise en cause de la régulation des taxis dans les aéroports. Les compétences du STIF en matière d’organisation des transports collectifs s’étendent aujourd’hui à des services qui sont différents selon que l’on est sur le territoire parisien, dans la petite couronne ou dans la grande couronne ; il pourrait donc en aller de même pour les taxis. De même, les transports collectifs qui desservent les aéroports sont gérés par le STIF. Il n’y a donc pas de différence de statut, sur le plan juridique, avec les autres transports collectifs. Les zones aéroportuaires ressortissent donc au droit commun en ce qui concerne la mobilité. Le projet de Charles de Gaulle Express, le RER B – qui va jusqu’à Roissy – et la prolongation de la ligne 14 du métro relèvent d’ailleurs de la compétence du STIF.

Pour améliorer l’efficacité d’un service de mobilité, il me semble plus cohérent d’en confier la gestion à une autorité dotée de la compétence et de l’expertise en matière de mobilité plutôt qu’à une autorité en charge de la sécurité publique. Ce choix est également pertinent pour assurer la coordination avec d’autres services du même ordre.

M. Jacques Kossowski. Vous ne pouvez pas décider autoritairement de rattacher la gestion des taxis au STIF sans avoir consulté la profession au préalable. Un tel changement, qui au demeurant mérite peut-être d’être étudié, ne peut pas être imposé. Il faut prendre le temps de la concertation. Au surplus, vous ne devez pas sous-estimer la valeur commerciale des licences délivrées par la préfecture de police. Mettre un terme brutal au système actuel serait mettre en danger la profession : nombre de chauffeurs de taxi ont besoin de cette licence pour assurer leur retraite grâce au produit de sa vente.

M. Gilles Savary. Dans les villes de province, les élus locaux sont en première ligne et le fonctionnement des taxis n’est pas plus satisfaisant pour autant. La corporation exerce en effet une pression considérable sur ces élus pour les dissuader de développer l’intermodalité avec les aéroports. La proximité a des inconvénients à ne pas négliger ! D’autre part, il convient de ne pas limiter à la seule profession des taxis la concertation préalable à une telle réforme

M. le rapporteur pour avis. Ce sont en effet les dangers d’une trop grande proximité qui ont incité à transférer à l’EPCI les prérogatives de police détenues par les maires en matière de délivrance des autorisations de stationnement de taxi.

Vous dites qu’il serait cohérent de confier la gestion des taxis au STIF car il est responsable de l’organisation des transports. Mais la compétence que vous entendez transférer est de nature très différente puisqu’il s’agit d’un pouvoir de police. Ce transfert pourrait d’ailleurs poser des difficultés dans le périmètre des aéroports. Enfin, votre amendement modifie l’article 7 bis de la loi du 20 janvier 1995 dont l’abrogation est programmée.

Votre proposition pose donc à la fois des questions d’opportunité, de fond et d’ordre juridique qui justifient une plus ample analyse.

M. Denis Baupin. Pouvez-vous préciser les conditions de l’abrogation que vous avez mentionnée ?

M. le rapporteur pour avis. L’article 7 de l’ordonnance du 28 octobre 2010, qui a abrogé l’article 7 bis de la loi du 20 janvier 1995, a également prévu un maintien en vigueur de l’article 7 bis « jusqu’à la publication des dispositions réglementaires du code des transports ».

La Commission rejette l’amendement CD 45.

Article 37

Entrée en vigueur des transferts de police spéciale prévus par l'article 36

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 38

(articles L. 3121-11, L. 6332-2, L. 6732-1 et L. 6741-1 du code des transports)

Coordinations relatives à la mise en place d’une police spéciale de délivrance des autorisations de taxis

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 39

(articles L. 5211–4–2 et L. 5842–2 du code général des collectivités territoriales)

Sécurisation juridique du dispositif des services communs

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 40

(article L. 5215-1 du code général des collectivités territoriales)

Abaissement du seuil de création d'une communauté urbaine

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 41

(article L. 5111–7 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Situation des agents en cas de changement d'employeur du fait de la transformation d’un établissement public de coopération intercommunale

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 42

(article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales)

Élargissement du champ des compétences obligatoires des communautés urbaines

La Commission est saisie de l’amendement CD 4 de M. Philippe Plisson.

M. Alexis Bachelay. L’absence de définition juridique de la notion de transition énergétique pose problème, comme nous l’avons déjà souligné à l’occasion d’un amendement à l’article 3. En outre, le projet de loi rappelle que la région est le chef de file en matière d’énergie et de climat. Aussi, afin d’éviter tout chevauchement de compétences, cet amendement propose d’attribuer à la communauté urbaine une compétence plus précise en matière d’énergie et de climat : l’élaboration et la mise en œuvre du plan climat-énergie territorial, conformément à ce qu’énonce l’article L. 229-5 du code de l’environnement.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Denis Baupin. Je maintiens le désaccord que j’ai exprimé ce matin. On ne peut pas considérer que l’élaboration d’un plan équivaut à la reconnaissance d’une compétence d’« organisation de la transition énergétique ». Un tel amendement amoindrit à la fois les compétences confiées aux métropoles et l’importance de la transition énergétique.

Nous pourrions entendre l’argument selon lequel il serait nécessaire de rééquilibrer les compétences entre les différents échelons territoriaux. Mais tel n’est pas le cas ici puisque cette compétence est la seule entre toutes à être retirée aux métropoles. Je vois là une régression dont M. Bachelay pourra peut-être m’expliquer les raisons.

M. Alexis Bachelay. Je n’ai pas assisté au débat de ce matin sur cette question, mais il me semble que vous confondez la fin et les moyens. La transition énergétique est une fin alors que le plan climat-énergie territorial en est l’outil, ce qui justifie sa place dans un texte sur l’action publique territoriale.

Je suis signataire de cet amendement parce que je ne comprends pas pourquoi la transition énergétique devient, avec ce texte, une compétence pour tous les échelons alors que nous disposons déjà d’un outil dédié à cette fin. Un plan climat-énergie territorial favorise en effet aussi bien les économies d’énergie que le développement des énergies renouvelables et, pour cela, l’échelon communautaire me paraît le plus approprié.

M. Denis Baupin. Ces sujets ne sont pas négligeables. L’amendement réécrit l’alinéa 14, e) « Organisation de la transition énergétique » tout en maintenant – et c’est heureux – le suivant, « Gestion des réseaux de chaleur et concessions de la distribution publique d’électricité et de gaz ». Mais, en procédant ainsi, il fait disparaître une gradation dans l’organisation de l’action territoriale que ménageait le texte initial.

Je sais ce qu’est un plan climat-énergie territorial pour en avoir géré un pendant plusieurs années à la mairie de Paris. Je sais donc que ce plan peut être un outil d’organisation de la transition énergétique à condition de faire preuve de volonté et d’énergie en ce sens. L’élaboration d’un plan est alors un outil au service d’une ambition plus grande. Dans le cas contraire, trop fréquent dans notre pays, on met trois ans à élaborer un plan dont il avait été prévu qu’il serait évalué au terme de cette période, et on se dispense ainsi d’une action quotidienne en faveur de la transition énergétique. C’est pourquoi je pense que cet amendement affadit le texte.

M. Alain Chrétien. Je vous informe, chers collègues, que la commission des affaires économiques a supprimé ce matin les alinéas 14 et 15.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CD 14 n’est pas défendu.

La Commission adopte l’amendement CD 4 et émet un avis favorable à l’adoption de l’article 42 ainsi modifié.

Article 43

(articles L. 5211-28, L. 5211-29, L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales)

Prise en compte de la création des métropoles de droit commun et de la métropole de Lyon pour le calcul de la dotation d’intercommunalité

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 44

Habilitation du Gouvernement à fixer par voie d'ordonnance le régime budgétaire, fiscal, comptable et financier aux métropoles et à la métropole d'Aix-Marseille-Provence

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 44 bis (nouveau)

Transmission dématérialisée des pièces comptables des métropoles

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Chapitre VI

(Division et intitulé supprimés)

Article 45 (Supprimé)

Création d'un seul établissement public foncier de l'État par région

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de la division, de l’intitulé et de l’article 45.

Chapitre VII

PÔLES MÉTROPOLITAINS

(Division et intitulé nouveaux)

Article 45 bis A (nouveau)

(article L. 5731-1 du code général des collectivités territoriales)

Élargissement de la définition du pôle métropolitain

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 45 bis (nouveau)

(article L. 5731-2 du code général des collectivités territoriales)

Adhésion de la région et du département à un pôle métropolitain

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Article 45 ter (nouveau)

(article L. 5731-2 du code général des collectivités territoriales)

Assouplissement des critères démographiques de création

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CD 2 n’est pas défendu.

Chapitre VIII

FONDS EUROPÉENS

(Division et intitulé nouveaux)

Article 45 quater (nouveau)

(article L. 1511-1-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Gestion des fonds européens

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Après l’article 45 quater

La Commission est saisie de deux amendements du rapporteur pour avis pouvant faire l’objet d’une présentation commune : l’amendement CD 31, deuxième rectification, insérant une division supplémentaire, et l’amendement CD 32, troisième rectification, complétant par un titre IV le livre VII de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.

M. le rapporteur pour avis. Nous sommes nombreux à considérer qu’il manque à ce projet un volet consacré aux villes moyennes, aux territoires périurbains et aux territoires ruraux. Cependant, le Sénat y a introduit la possibilité de constituer des « pôles ruraux d’aménagement et de coopération » et nous avons souhaité nous engouffrer dans la brèche ainsi ouverte pour créer, en complément des métropoles, des outils susceptibles de donner un nouveau dynamisme à ce tissu local. Nous leur avons donné le nom de « pôles de développement et d’équilibre des territoires », parce que nous souhaitions sortir de l’opposition stérile entre territoires urbains et ruraux : il y a en effet un équilibre à ménager et une solidarité à tisser entre eux et avec les métropoles.

Ces pôles de développement et d’équilibre seraient des regroupements d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sur la base du volontariat, à ceci près que les pays, que nous souhaitons préserver, pourraient se transformer en pôles, sauf opposition de leurs organes délibérants – et, dans ce cas, qui vaudrait constat d’échec de ces syndicats mixtes, l’arrêté préfectoral de reconnaissance du pays serait réputé caduc.

Ces pôles pourraient, toujours sur la base du volontariat, se saisir des compétences précédemment assumées par les communautés de communes ou d’agglomération établies sur leur périmètre, afin de donner corps à un projet de territoire qu’ils auraient à élaborer dans les douze mois suivant leur création. Une fois qu’il serait établi qu’ils fonctionnent de façon satisfaisante, sur un périmètre pertinent, en exerçant suffisamment de compétences, la possibilité leur serait ouverte de se transformer en EPCI.

Nous fixons pour cela une échéance : celle du 1er janvier 2016. À cette date, le préfet examinerait la situation de chaque pôle et pourrait, le cas échéant, proposer la fusion des EPCI ainsi regroupés, dans le cadre d’un schéma de consolidation des coopérations. La logique proposée est en effet celle d’une incitation : il s’agit de pousser, en douceur, à une forme de rationalisation de la carte intercommunale, en prenant appui sur une collaboration devenue effective. Le dernier mot reviendrait en tout état de cause à la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), qui aurait à se prononcer à la majorité des deux tiers.

Le dispositif ne revient pas à ajouter une nouvelle strate de collectivités à celles qui existent déjà : c’est évident s’agissant des pôles issus des pays, que ceux-ci soient constitués sous forme de syndicats mixtes ou de groupements d’intérêt public ; quant aux autres pôles, formés par regroupement volontaire d’établissements publics de coopération, ils auront en 2016 le libre choix de revenir ou non au droit commun des EPCI.

L’objectif est de fournir à tous les territoires hors métropoles les moyens de coopérer. Ces amendements tendent donc à rééquilibrer un projet trop centré sur l’affirmation des métropoles et, s’ils sont adoptés, je n’exclus d’ailleurs pas de proposer à la Commission des lois une modification de l’intitulé de la loi, par exemple pour y introduire la notion d’équilibre territorial. Il appartient en effet au législateur d’envoyer un signal à des territoires qui peuvent avoir le sentiment d’être délaissés au profit d’ensembles nettement plus denses, dont l’avenir se joue au niveau européen : eux aussi ont besoin de dynamisme et, pour peu qu’on leur en donne les outils, ils en ont aussi la ressource. Mais cela doit se faire, je le répète, sans opposer les mondes urbain et rural : c’est au contraire une complémentarité qu’il faut rechercher entre les fonctions métropolitaines et les dynamiques territoriales. Même, dans un premier temps, pour amorcer le mouvement, on pourrait très bien imaginer que des métropoles soient membres de ces pôles de développement et d’équilibre, en attendant d’arrêter le bon périmètre.

M. Alain Chrétien. Ce que vous proposez existe déjà, et vous l’avez nommé : ce sont les pays. Pour nombre d’entre eux, ce sont des syndicats mixtes fédérant des intercommunalités, généralement des communautés de communes rurales, qui s’unissent pour mener des politiques dépassant leur cadre étroit et pour peser sur l’aménagement du territoire face aux villes moyennes et même aux très grandes villes. Ils peuvent certes aussi prendre la forme associative, mais ils sont de moins en moins nombreux dans ce cas car on les invite à préférer la forme de syndicats qui permet d’élaborer des schémas de cohérence territoriale (ScoT). Ceux-ci étant proches des projets de territoire que vous préconisez, est-il si nécessaire d’imaginer un tel doublon ?

J’ai personnellement pu juger, comme président du pays Vesoul-Val de Saône, de l’efficacité de l’outil créé par la loi Pasqua de 1995 et conforté par la loi Voynet et bien d’autres, à gauche comme à droite, l’ont utilisé. Mettez-vous à la place des élus locaux qui, depuis dix ans, doivent « digérer » réforme sur réforme et qui ont maintenant à bâtir des ScoT coûteux, qu’ils ont bien du mal à faire accepter par les conseils municipaux : croyez-vous qu’ils vont accueillir sans broncher la fin des pays et l’arrivée de vos pôles de développement et d’équilibre des territoires, qui ne sont plus des pays tout en leur ressemblant beaucoup, ne serait-ce que parce qu’ils pourront recouvrir les mêmes périmètres ?

De grâce, ne faites pas fi de tout un travail qui a conduit à organiser 75 % de notre territoire en pays ! Les élus en ont assez de ces architectures et de ces dénominations nouvelles, de ces strates qui s’empilent indéfiniment. Il est vrai que la loi de 2010 a figé la situation, arrêtant la création de pays tout en maintenant ceux qui existaient. Peut-être faut-il la revoir en sorte que le mouvement puisse reprendre, mais sans innover pour ne pas ajouter à une complexité où plus personne ne va se retrouver. Servons-nous de ce qui existe plutôt que de créer un dispositif qui se révélera inutile.

M. le rapporteur pour avis. Merci, cher collègue, pour cette intervention si nuancée ! Les périmètres des pôles de développement et d’équilibre feront plus que « pouvoir » coïncider avec ceux des pays : ce sera toujours le cas. Mais ce ne sera pas pour autant la même chose car, aujourd’hui, il y a beaucoup de pays qui ne fonctionnent pas – ce dont il faudra d’ailleurs tirer la conséquence : mon amendement prévoit dans ce cas qu’ils puissent ne pas se transformer en pôles de développement. Ce qu’apporte la création de ceux-ci, c’est d’abord la possibilité de « capter » les compétences des communautés de communes et d’agglomération. C’est, ensuite, l’obligation de mutualiser sur cette base, mais aussi la faculté de créer des services communs. Je ne souhaite ni ajouter aux strates existantes ni créer des doublons fonctionnels : il n’est donc pas question que ces pôles créent des services à tout-va pour assurer des missions qui l’étaient déjà par les EPCI.

En revanche, ces derniers trouveront dans les pôles des outils pour consolider leur coopération, y compris en matière de services publics de proximité. Cela représentera une rupture par rapport à la situation actuelle où, pour se doter d’un ScoT, un syndicat de pays doit se constituer en outre en syndicat de ScoT et ainsi de suite chaque fois qu’il veut se doter d’une nouvelle compétence ! Vous n’aurez plus qu’une seule entité à même de gérer toutes les compétences qu’elle aura choisi d’assumer.

Faisant l’apologie des pays, vous oubliez aussi que la loi du 16 décembre 2010 les a pratiquement condamnés à mort, puisqu’elle interdit d’en constituer de nouveaux. Nous, nous souhaitons donner à ceux qui fonctionnent la possibilité d’approfondir la coopération, moyennant un constat en bonne et due forme de leur viabilité. Soit ils continueront à fonctionner, sur une base volontaire, dans le cadre d’un syndicat mixte, ouvert ou fermé ; soit, après avoir défini un périmètre cohérent et permettant d’atteindre à une masse critique, on imposera la fusion des EPCI. Mais, alors que 500 pays ont été constitués ou sont en passe de l’être, il ne nous semble pas impératif de précipiter cette fusion : d’où le choix d’une formule juridique intermédiaire, qu’on ne peut assimiler à la création d’une strate supplémentaire puisque ces pôles ont vocation à disparaître en cas de fusion. Dès lors, rien ne vous autorise à assimiler pôles territoriaux et pays.

Mme Suzanne Tallard. Je vois un double intérêt au dispositif proposé. Tout d’abord, il permettra aux territoires ruraux et périurbains de coopérer plus fortement dans un champ de compétences plus étendu. C’est de nature à les conforter par rapport aux métropoles et nous savons que cette coopération accrue répond à une demande. D’autre part, tout cela se fera sur la base du volontariat, ce qui est appréciable dans cette phase où les nouvelles intercommunalités ne sont pas encore stabilisées. Cependant, j’ai peur que l’échéance de 2016 ne soit trop rapprochée : deux ans, c’est bien peu pour constituer des pôles solides.

M. Alain Chrétien. Vous ne m’avez pas convaincu, monsieur le rapporteur pour avis. Votre pôle ne sera rien de plus qu’un syndicat mixte comme le sont déjà les pays, au sein desquels les intercommunalités coopèrent librement et décident librement de mettre en commun des services et de déléguer telle ou telle compétence. Je ne vois donc aucune différence entre ces deux formules, et donc aucune utilité à refaire ce qui existe déjà, quitte à devoir relancer le mouvement de création des pays.

D’autre part, le volontariat que vous invoquez n’est que peau de chagrin puisque vous entendez obliger les syndicats mixtes à mutualiser et à exercer des compétences nouvelles. Toutefois, sur ces deux points et jusqu’à preuve du contraire, ils sont parfaitement libres de faire ce qu’ils voudront…

Ce n’est pas parce qu’on changera leur nom que les pays en panne iront mieux. Il serait de beaucoup préférable de s’interroger sur les causes de blocage plutôt que de mettre sur pied un nouveau dispositif, alors même que l’actuel répond exactement à votre objectif qui est de peser face aux métropoles.

M. Gilles Savary. L’intérêt de cette proposition, c’est de s’inscrire dans la perspective d’une fusion de communautés de communes pour constituer des collectivités ayant une taille critique. Chez moi, à côté d’une énorme agglomération de 600 000 habitants, on ne trouve que des confettis qui ne font évidemment pas le poids. Les élus locaux qui veulent cultiver l’esprit de clocher doivent être conscients que les subventions des départements et des régions ne pleuvront plus aussi dru que par le passé et que les territoires ruraux ne pourront donc retrouver des marges de manœuvre et d’initiative qu’au prix d’une mutualisation. Cela étant, la solution proposée est encore un peu trop en demi-teinte à mon gré : selon moi, il vaudrait mieux rendre les fusions obligatoires.

La loi de 2010 sur l’intercommunalité ne procédait pas autrement que ces amendements, de sorte que, dans mon département, après avoir incité les communautés de communes à se regrouper, le préfet attend de voir ce qu’il en adviendra. De mon côté, j’essaie d’expliquer aux élus locaux le risque qu’il y a à rester balkanisés face au monstre que sera la métropole ou une communauté de communes renforcée. Ils commencent à le comprendre et c’est pourquoi il faudrait pousser l’avantage.

Ne protestez pas contre ce que vous avez vous-mêmes encouragé, monsieur Chrétien, à savoir les regroupements. Par une étrange inversion des rôles, vous êtes plutôt opposé à ce que vous avez mis en place alors que j’y serais favorable !

Toutefois, je vois dans le dispositif proposé par notre rapporteur pour avis deux failles.

La première est qu’il ne fixe aucune échéance et ne prévoit aucune contrainte – ni aucune incitation d’ailleurs. Si la métropole ne veut pas négocier avec un territoire rural, ce n’est pas parce qu’il s’appellera « pôle » au lieu de « pays » qu’elle le fera. Chez nous, elle ne négocie pas. Il faudrait l’obliger d’une façon ou d’une autre à collaborer avec ces territoires pour la gestion des déchets, pour l’approvisionnement en eau ou en matière de logement. Il ne suffit de créer ou de maintenir des structures pour que la ville se montre moins égoïste qu’aujourd’hui et accepte la négociation !

La deuxième faille du dispositif tient à ce qu’il n’empêche pas le détricotage. C’est même une machine à « détricoter », puisqu’il donne la possibilité aux pays constitués sous forme associative de retourner à la balkanisation originelle !

Je vais néanmoins le voter, mais il mériterait d’être renforcé, quitte pour cela à laisser un peu plus de temps pour mener l’intégration à bien !

M. Alain Calmette. Cet amendement apporte incontestablement un plus, en contrebalançant la prééminence des métropoles et en poussant les territoires concernés à mieux s’organiser. Il donne de la force, de la cohérence et une perspective aux EPCI, dont beaucoup s’accordent à dire qu’ils sont trop petits, en leur offrant de fusionner et de mutualiser leurs moyens.

Pour ce qui est des rapports ville-campagne, ils sont doubles : il y a certes la contractualisation à encourager entre la métropole et les territoires, mais n’oublions pas non plus les coopérations qui peuvent se nouer à l’intérieur de ces pôles eux-mêmes. Les villes moyennes, souvent constituées en communautés d’agglomération, pourraient ainsi constituer avec les EPCI ruraux d’alentour des ensembles correspondant à un bassin de vie pour s’occuper de l’hôpital, des services de santé, du lycée, ce qui contribuerait à renforcer encore leurs liens.

Quant aux délais, le texte me semble équilibré dans la mesure où, tout en fixant une échéance suffisamment proche pour inciter les pays à réfléchir sans tarder à une évolution, il laisse à la CDCI le soin de trancher. En ce qui me concerne, en effet, je ne pense pas qu’il faille imposer aux élus la manière dont ils doivent s’organiser. Le meilleur moyen de retarder la rationalisation de l’intercommunalité, c’est de la forcer.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cette proposition ouvre un chemin. Je me retrouve dans les propos de Gilles Savary, l’objectif étant bien la constitution de communautés de communes rurales dotées de compétences importantes et de moyens financiers suffisants, sur le modèle des métropoles. Il n’y a pas de contrainte mais on offre aux responsables de ces communautés la possibilité d’apprendre à travailler ensemble pour se doter de services communs, dans la perspective d’une fusion à terme. Je ne peux donc que soutenir ces amendements de notre rapporteur pour avis.

Mme Sylviane Alaux. Je m’abstiendrai, compte tenu de mon exigence concernant l’article 45 sexies.

La Commission adopte successivement les amendements CD 31, deuxième rectification, et CD 32, troisième rectification.

Chapitre IX

LES PÔLES RURAUX D’AMÉNAGEMENT ET DE COOPÉRATION

(Division et intitulé nouveaux)

Avant l’article 45 quinquies (nouveau)

La Commission adopte l’amendement de conséquence CD 36 du rapporteur pour avis, tendant à supprimer la division et l’intitulé du chapitre IX.

Article 45 quinquies (nouveau)

(article L. 5741-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Constitution de pôles ruraux d’aménagement et de coopération

La Commission adopte l’amendement de cohérence CD 26 du rapporteur pour avis, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 45 quinquies.

Article 45 sexies (nouveau)

Transformation de l’association de pays « Pays basque » en pôle rural d’aménagement et de coopération

L’amendement CD 27 du rapporteur pour avis ayant été retiré, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 sexies sans modification.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées par les amendements qu’elle a adoptés.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Grand port maritime de Marseille-Fos

M. Jean-Claude Terrier, directeur général, président du directoire

Métropole Nice Côte d’Azur

M. Christian Estrosi, président

Fédération des associations de surveillance de la qualité de l’air (Atmo-France)

– Mme Régine Lange, présidente

– Mme Anne Laborie, secrétaire générale

Communauté urbaine de Strasbourg

M. Jacques Bigot, président

Communauté d’agglomération Plaine Commune

M. Patrick Braouezec, président, et premier vice-président de Paris Métropole

Conseil général de Seine-et-Marne

M. Vincent Eblé, président

Communauté d’agglomération Clichy-Montfermeil

M. Xavier Lemoine, président

Communauté d’agglomération Seine-Défense

M. Jacques Kossowski, président

Communauté de communes Roissy Porte de France

M. Germain Buchet, vice-président

Conseil général des Yvelines

M. Ghislain Fournier, vice-président

Mairie de Paris

– M. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, chargé de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France,

– M. Hugo Bévort, directeur de cabinet

Fédération française des taxis de province (FFTP)

M. Gérard Gabet, président

Fédération nationale des artisans du taxi (FNAT) 

M. Jean-Claude Richard, président

Mme Maryline Jouiallec, secrétaire générale

Fédération nationale du taxi (FNDT) 

M. Didier Hogrel, président

Fédération nationale des taxis indépendants (FNTI)

M. Jean-Claude Françon, président

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