Onglet actif : Compte-rendu de la session de la 145ème Assemblée 10 au 15 octobre 2022, Kigali (Rwanda)
COMPTE-RENDU DE LA SESSION DE LA 145E ASSEMBLÉE DU 10 AU 15 OCTOBRE 2022, KIGALI (RWANDA)
Une délégation du groupe français de l’Union interparlementaire (UIP), conduite par M. Frédéric Marchand [sénateur du Nord (RDPI)], président exécutif du groupe français de l’UIP, et composée de M. Hubert Julien-Laferrière, député du Rhône (Écologiste), Mme Véronique Riotton, députée de Haute-Savoie (Renaissance), Mme Laetitia Saint-Paul, députée du Maine-et-Loire (Renaissance), M. Etienne Blanc, sénateur du Rhône (LR) et M. Didier Marie, sénateur de la Seine-Maritime (SER), s’est rendue au Rwanda du 10 au 15 octobre 2022 pour participer à la 145e Assemblée de l’UIP.
Outre la participation aux travaux de cette Assemblée – la seconde de l’année 2022 après celle qui s’est tenue en mars dernier à Bali –, cette mission a été l’occasion de contacts et d’échanges sur le Rwanda qui ont montré une aspiration au renouveau de la relation bilatérale.
I – La participation aux travaux de la 145ème assemblée de l'Union interparlementaire
● Les membres de la délégation ont participé aux travaux de l’Assemblée de l’UIP en fonction des responsabilités particulières qu’ils exercent dans ses organes :
M. Etienne Blanc a siégé au sein du Comité des droits de l’homme des parlementaires qui se réunit à huis clos et qui examine un nombre croissant de cas (730 en 2022 contre 533 en 2019), témoignant de la dégradation de la situation des parlementaires dans le monde.
M. Didier Marie, membre du bureau de la Commission de la démocratie et des droits de l’homme, a participé aux réunions de la commission, consacrées durant cette session à l’élaboration d’une résolution sur les migrations intitulée « L’impulsion parlementaire en faveur du développement local et régional des pays à taux de migration international élevé et de la cessation de toutes les formes de traite des êtres humains et de violation des droits de l’homme, y compris celles commanditées par les États ».
Mme Véronique Riotton a siégé au Bureau des femmes parlementaires dont elle est membre.
La délégation a participé activement aux réunions du Groupe des Douze Plus, destinées à préparer les positions du groupe géographique des pays occidentaux au sein de l’Assemblée. Ainsi, avec les autres délégations de ce groupe, la délégation française a apporté son soutien à une proposition de point d’urgence sur la guerre en Ukraine, présentée – de manière assez inédite et donc notable – par le Chili et le groupe de l’Amérique latine et des Caraïbes (Grulac). Elle a aussi pris acte de l’avis du Groupe des Douze Plus d’accepter que la hausse des cotisations versées à l’UIP soit portée à 3% les trois prochaines années, avant un retour à 2 %, afin de tenir compte de l’augmentation des coûts.
M. Hubert Julien-Laferrière et Mme Laetitia Saint-Paul ont, quant à eux, respectivement participé aux réunions du Comité sur les questions relatives au Moyen-Orient et au Forum des femmes parlementaires.
● En Assemblée plénière, la délégation a participé au débat général qui portait sur le thème « Égalité des sexes et Parlements sensibles au genre : moteurs du changement pour un monde plus résilient et pacifique », à l’occasion du dixième anniversaire du plan d’action de l’UIP pour des parlements sensibles au genre. Le président de la délégation française a fait état des récents travaux de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et a partagé son temps de parole dans le débat avec Mme Laetitia Saint-Paul, qui a livré un témoignage sur son parcours personnel en politique.
Rappelant l’engagement de la France aux côtés de l’Ukraine, la délégation a vigoureusement soutenu la proposition de point d’urgence du Chili condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie et déplorant ses conséquences pour l’Ukraine (violation de l’intégrité territoriale, graves atteintes aux droits de l’homme et crise humanitaire) et pour le reste du monde (crise économique, alimentaire et énergétique) et tenté de rallier les soutiens de pays tiers. Cette proposition, de fait, était en concurrence avec une proposition du Pakistan qui portait sur les conséquences du changement climatique dans les pays en développement et proposait la création d’un fonds d’indemnisation au plan mondial à destination des pays les plus vulnérables. Après des débats animés qui ont montré des divisions profondes au sein de l’Assemblée – une partie des États, notamment africains, se refusant à mettre l’accent sur ce conflit plutôt que sur d’autres – le point d’urgence du Chili intitulé « Condamnation de l’invasion de l’Ukraine et de l’annexion ultérieure de territoires au nom de la défense de l’intégrité territoriale de tout État » l’a emporté, constituant une prise de position forte de l’UIP contre l’agression russe en Ukraine et en faveur de la résolution de ce conflit, dans la droite ligne d’autres initiatives (notamment la mise en place, en avril 2022, d’un groupe de travail sur la situation en Ukraine dont une mission s’est rendue successivement à Kiev et à Moscou).
● En marge de l’Assemblée, la délégation a mené des entretiens avec les délégations d’autres pays. Des réunions bilatérales se sont ainsi tenues avec les délégations de l’Arménie, du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Royaume-Uni, du Rwanda, du Tchad, du Togo et de l’Ukraine.
Dans ses échanges avec les pays africains, la délégation a manifesté le souhait d’approfondir le dialogue et d’oeuvrer à une plus grande coordination des pays francophones au sein de l’UIP. La délégation rwandaise notamment a fait part de l’aspiration du groupe d’amitié du Parlement rwandais à développer une coopération étroite avec les groupes d’amitié homologues du Parlement français, dans le contexte du renouveau de la relation bilatérale entre nos deux pays (cf. infra) et suggéré la nomination d’un président délégué pour le Rwanda au sein du groupe d’amitié France-Afrique centrale du Sénat, présidé par M. Christophe-André Frassa.
Les discussions avec la délégation du Royaume-Uni (qui dispose de ressources conséquentes, notamment en termes de moyens humains) ont mis l’accent sur l’importance de positions coordonnées entre nos deux pays dans les enceintes internationales et particulièrement à l’UIP (Russie, changement climatique, dialogue avec les pays africains d’autant que le prochain Président de l’UIP sera issu du groupe africain).
La rencontre avec l’Arménie a été l’occasion d’évoquer la situation dramatique dans laquelle se trouve ce pays qui fait face à des attaques répétées de l’Azerbaïdjan depuis la mi-septembre. La présidente de la délégation arménienne a remercié la France pour son soutien, évoquant les initiatives récentes prises par le Président de la République pour favoriser un règlement négocié et pacifique du conflit (encouragement à la reprise du dialogue entre les deux pays, soutien à l’accord visant à l’envoi d’une mission civile de l’UE et d’une mission de l’OSCE sur le terrain). Le président de la délégation française a remis à la délégation arménienne un exemplaire du projet de résolution du Sénat sur le conflit en Arménie, qui a été examiné en séance le 15 novembre 2022.
Enfin, la délégation ukrainienne a évidemment évoqué le conflit avec la Russie, appelant à une mobilisation en faveur du projet de résolution de l’UIP sur ce sujet et soulignant les besoins de l’Ukraine en termes de systèmes de défense anti-aérienne, de reconstruction des régions libérées – notamment en ce qui concerne les capacités industrielles – et d’appui à sa candidature à l’Union européenne. Mais les deux délégations ont aussi évoqué les perspectives de coopération parlementaire, sur le fondement de la déclaration d’intention signée entre la Rada et le Sénat (8 juillet 2022) et de l’accord signé entre la Rada et l’Assemblée nationale (29 septembre 2022).
● Par ailleurs, lors de cette assemblée, plusieurs membres de la délégation ont été nommés à des postes internationaux de l’UIP.
M. Frédéric Marchand a ainsi été élu avec le soutien du Groupe des Douze Plus au Comité exécutif de l’UIP, où il siègera au comité de déontologie.
La nomination de M. Louis-Jean de Nicolaÿ [sénateur de la Sarthe (LR)] au bureau de la Commission de la paix et de la sécurité, en remplacement de M. Etienne Blanc, admis en mars dernier au Comité des droits de l’homme des parlementaires, a été confirmée.
Par ailleurs, l’ancien président du Groupe français de l’UIP, M. Hubert Julien-Laferrière, a vu sa candidature au Comité sur les questions du Moyen-Orient confirmée, dans l’attente de sa nomination, prévue lors d’une prochaine réunion. En revanche, malgré les efforts entrepris par la délégation française, la candidature au Groupe de travail sur la science et la technologie de M. Laurent Alexandre [député de l’Aveyron (FI-NUPES)], en remplacement de M. Michel Larive, qui avait été à l’origine de sa création et en occupait la présidence, n’a pas recueilli le soutien du Groupe des Douze Plus, qui lui a préféré une candidature tchèque.
II. Des échanges sur le Rwanda qui ont souligné la dynamique de renouveau de la relation bilatérale
Les entretiens avec l’ambassadeur de France à Kigali et son équipe ont mis l’accent sur le renouveau de la relation bilatérale entre notre pays et le Rwanda, après plusieurs décennies difficiles dans le contexte du génocide des Tutsi en 1994, puis du lancement, en 2006, de procédures judiciaires en France contre des officiels rwandais soupçonnés d’être impliqués dans l’attentat ayant causé la mort du Président hutu Habyarimana en avril 1994. Si un premier rapprochement s’était opéré entre 2008 et 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, permettant un rétablissement des relations diplomatiques en novembre 2009, c’est récemment que la relation bilatérale a réellement pris un tour nouveau.
A l’occasion du 25e anniversaire du génocide le 7 avril 2019, le Président de la République a réalisé plusieurs gestes mémoriels remarqués, notamment la nomination d’une commission d’historiens – dite « commission Duclert » – chargée d’étudier les archives françaises relatives au Rwanda – dont le rapport a conclu à une série de responsabilités « lourdes et accablantes » de la France tout en écartant la notion de complicité de génocide –, ou encore la mise en place d’une journée officielle de commémoration du génocide en France le 7 avril.
Le discours prononcé par le Président de la République au Mémorial de Gisozi lors de sa visite officielle à Kigali, le 27 mai 2021, par lequel il a reconnu officiellement la « responsabilité accablante » de la France dans le génocide des Tutsi, a marqué un tournant et enclenché une réconciliation.
Lors de son séjour à Kigali, la délégation parlementaire du groupe français de l’UIP s’est aussi rendue au Mémorial de Gisozi. Après avoir visité l’émouvant musée qui retrace l’histoire du génocide, elle a inscrit quelques lignes et a signé le Livre d’Or, puis s’est recueillie devant les dalles qui abritent les restes de 250 000 victimes (sur un total estimé à plus de 800 000).
La démarche du Président Macron a été suivie par la nomination à l’été 2021 d’un nouvel ambassadeur de France au Rwanda (le poste étant resté inoccupé pendant six ans), et le développement de son équipe (nomination d’un attaché de défense, nomination attendue d’un attaché de sécurité intérieure), ainsi que par la réouverture d’un bureau de l’Agence française de développement (AFD) et d’un centre culturel franco-rwandais. Alors que le français a été déclassé en 2008 comme première langue internationale (dans les écoles, dans l’administration) au profit de l’anglais, la francophonie connaît aujourd’hui un regain dans le pays et l’apprentissage du français fait de nouveau l’objet d’une demande. Par ailleurs, les prospects pour les entreprises françaises sont intéressants, notamment dans les transports, l’agriculture et l’agroalimentaire, les technologies de l’information et de la communication, la santé (la délégation a pu, à cet égard, rencontrer plusieurs représentants de la communauté d’affaire française lors d’un événement organisé à l’ambassade) et peuvent s’appuyer sur une « feuille de route 2019-2025 » en faveur du développement du Rwanda. Une liaison aérienne directe Kigali-Paris (assurée par la compagnie rwandaise Rwandair) devrait être rétablie prochainement.