Discours d'ouverture du Président Claude Bartolone - 1ère session du Forum interparlementaire franco-marocain

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Forum interparlementaire franco-marocain

Discours d’introduction à la première session
du Forum franco-marocain – 6 décembre 2013

Intervention de M. le Président Claude Bartolone

 

Monsieur le Président de la Chambre des Représentants,

Monsieur le Président de la Chambre des Conseillers,

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Chers collègues et amis,

Le Maroc et la France, c’est une belle histoire d’amitié, et même, osons le mot, d’amour. N’a-t-elle pas débuté avec la demande en mariage de Mademoiselle de Blois, fille préférée de Louis XIV, par le Sultan Moulay Ismaël ?

Notre histoire d’amour s’épanouit aujourd’hui sous un ciel très bleu et très serein. La visite du Président de la République à Rabat le 4 avril dernier a marqué l’intensité de notre relation, comme avant elle le premier déplacement officiel du Roi Mohammed VI, à Paris, au lendemain de l’élection du Président Hollande.

Ces symboles font sens : le Maroc compte pour la France, et la France compte pour le Maroc. Comment pourrait-il en être autrement avec les contacts humains, vibrants, incarnés, entre nos deux populations ? Vous en connaissez l’intensité : 1 million de Marocains vivent en France, plus de 80.000 Français au Maroc, sans compter le million et demi de touristes qui visitent chaque année votre beau pays, ainsi que toutes les mobilités occasionnées par les relations d’affaires.

Avec cette densité humaine, l’apport de notre histoire et le patrimoine commun de la langue française, il n’est donc pas étonnant que nos deux pays soient liés par un partenariat d’exception, tant sur le plan institutionnel, qu’économique, culturel, scientifique et universitaire.

Je m’en félicite avec d’autant plus de satisfaction que je sais l’immense chemin parcouru ensemble, depuis l’Indépendance, au-delà des successions au Maroc et des alternances en France.

Mais puisqu’entre nous il s’agit d’amour, l’amour, vous le savez, ce sont des preuves quotidiennes et des serments répétés chaque jour. Et je me réjouis, qu’à notre tour, parlementaires de nos quatre assemblées, nous ayons à cœur de témoigner de notre relation privilégiée, de notre volonté de la poursuivre et de l’enrichir. C’est le sens de notre présence aujourd’hui à Rabat pour la première session du Forum interparlementaire ; c’est notre preuve, notre serment à nous pour fortifier la relation franco-marocaine.

Monsieur le Président de la Chambre des représentants, Monsieur le Président de la Chambre des conseillers, je veux vous dire, après mon collègue Jean-Pierre Bel, combien je suis sensible à la qualité de votre accueil et combien je suis heureux d’ouvrir cette première session du Forum franco-marocain.

Nos parlements ont une responsabilité particulière dans la vie et le développement de la relation franco-marocaine : à côté de la diplomatie d’Etat, et parfois au-devant d’elle, il y a la diplomatie parlementaire. Notre diplomatie à nous s’inscrit dans un temps plus long, parce qu’elle n’est pas soumise aux commandements de l’actualité. Elle ne s’interdit pas le débat d’idées et s’autorise le langage de la franchise, parce qu’elle n’est pas enfermée dans le protocole, mais aussi parce qu’elle repose sur la confiance née de contacts et d’échanges réguliers entre nos représentants. Je veux saluer ici la vitalité de nos groupes d’amitié France-Maroc, qui sont non seulement parmi les plus importants en nombre de parlementaires, mais aussi parmi les plus actifs.

Notre diplomatie réalise enfin des jonctions particulièrement utiles, parce qu’elle met en relation des élus qui représentent leur peuple et leur territoire. A travers elle peuvent se construire des initiatives de proximité, notamment dans le cadre des coopérations décentralisées.

Tel est donc le vaste programme qui nous est assigné, et nous nous dotons avec ce Forum de coopération interparlementaire d’un outil d’une envergure exceptionnelle, puisqu’il associe les deux chambres de nos parlements. Pour la France, il n’y a pas d’équivalent à ce Forum avec un autre pays africain, ni même européen.

Je souhaite qu’avec un instrument de cette mesure nous nous donnions des objectifs ambitieux : celui de nous retrouver à échéance régulière à Paris et à Rabat, naturellement, mais aussi de mettre à profit ces temps d’échange pour faire avancer nos sujets d’intérêt commun : l’économie – bien sûr – notre rôle dans l’environnement régional – c’est également au menu de nos discussions la mobilité – qui pourrait être un thème de discussion à part entière pour une prochaine session – le développement durable, le statut des femmes, les droits sociaux, la culture. Sur tous ces sujets notre Forum doit être un foyer où nos idées se frottent les unes aux autres comme deux silex, pour produire l’étincelle qui allumera le brasier des initiatives.

Mes chers collègues, d’un commun accord, notre choix s’est porté, pour ce premier échange, sur trois thèmes qui reflètent nos préoccupations partagées : la démocratie et la sécurité dans la région euro-méditerranéenne, les relations économiques bilatérales, et les coopérations interparlementaires.

Sans anticiper sur nos échanges, je voudrais vous inviter à aborder ces thèmes en ayant à l’esprit ce simple constat : au début du XXIe siècle, la relation franco-marocaine ne peut être seulement un colloque singulier entre nos deux nations, nos deux cultures et nos deux systèmes politiques. Le Maroc et la France évoluent dans un environnement ouvert et à construire ensemble.

Je veux parler de la Méditerranée, qui n’est pas une grande mare inerte, mais bien un espace vivant, façonné par la géopolitique, par les flux de personnes et de biens, par le besoin partagé, d’une rive à l’autre, de sécurité, de prospérité et de gestion durable de notre environnement.

Dans cet espace, la France est, pour le Maroc, une entrée dans l’Union européenne, de même que le Maroc est pour la France un avant-poste du Maghreb et du vaste continent africain.

Avec cette idée en tête, nos thématiques de travail prennent une dimension particulière :

- sur le thème de la démocratie et la sécurité dans la zone euro-méditerranéenne, nos deux pays ont une responsabilité particulière, du fait de leur histoire et de la géographie. Le Maroc est un pays arabe, africain, musulman, à la charnière de la Méditerranée et de l’Afrique. Il y a une continuité d’intérêts à la stabilité, à la transition démocratique et au développement pour tous les pays de la rive Sud de la Méditerranée.

Mais la France appartient aussi à l’aire méditerranéenne. Elle est directement concernée par l’impact économique, humain, politique des printemps arabes, dont près de trois ans de développement ont montré qu’ils sont porteurs de grandes opportunités mais aussi de risques.

Dans le même esprit, la France s’est souciée, en précurseur parmi les nations européennes, et jusqu’à l’intervention au Mali, de l’évolution du terrorisme au Sahel et de la menace de déstabilisation qui aurait fait tache d’huile jusqu’en Europe.

Dans ce contexte, et parce que nous partageons les mêmes valeurs de démocratie, d’Etat de droit, de pluralisme politique, nous n’avons d’autre choix que celui de travailler main dans la main à la promotion de la stabilité et de la démocratie dans la région.

- sur le thème des relations économiques, France et Maroc s’inscrivent également dans un horizon plus large. Il y a bien entendu les relations de partenariat gagnant-gagnant de nos deux pays dans un cadre bilatéral, en matière de commerce et d’investissements. Comme l’a dit devant vous le Président Hollande, le 4 avril dernier, ce qui est bon pour le Maroc sera bon pour la France.

Dans une logique de « co-localisation industrielle », les activités créées par nos investissements au Maroc seront ainsi favorables à l’emploi en France et nul ne pourra opposer l’installation d’une activité française au Maroc et la création d’un emploi en France.

Mais je pense aussi que nous avons un intérêt convergent à coordonner nos efforts en direction des autres marchés méditerranéens et africains. Le partenariat franco-marocain, qui a toujours été un moteur de la dynamique euro-méditerranéenne, doit l’être plus encore dans le champ économique et commercial.

- En matière de coopération interparlementaire, enfin, se présente bien entendu le besoin de renforcer les échanges, le partage d’expérience et de bonnes pratiques. Mais je ne doute pas non plus que nos assemblées ont un rôle particulier à jouer pour appuyer les efforts en faveur d’une « Méditerranée de projet ». J’ai la conviction que la coopération interparlementaire peut appuyer la coopération régionale.

C’est dans cet esprit que l’Assemblée nationale organisera, avec le Sénat, en janvier 2014, la huitième session de l’Assemblée parlementaire pour la Méditerranée à laquelle vous serez conviés.

Je laisse ces réflexions à vos débats pour conclure à présent.

Mesdames, Messieurs, je me présente devant vous comme un « athlète de la Méditerranée ». Par mes origines familiales, j’appartiens à l’une et l’autre de ses rives – je suis né à Tunis d’un père sicilien et d’une mère maltaise – et depuis soixante ans, j’exerce mon corps pour conserver un pied sur la rive européenne et un pied sur la rive africaine. Eh bien, je vous le dis : je n’éprouve aucune gêne, aucun tiraillement. Bien au contraire, c’est une richesse que de puiser son héritage à deux sources et j’y trouve un parfait équilibre !

Ainsi je suis bien placé pour augurer d’excellents échanges croisés pour notre première session du Forum franco-marocain.

Monsieur le président de la Chambre des représentants, Monsieur le président de la Chambre des conseillers, chers collègues et amis marocains, soyez vivement remerciés pour votre hospitalité et pour les excellentes conditions de travail que vous avez aménagées pour les parlementaires français. Je souhaite que ce forum soit le premier d’une longue série d’échanges aussi riches que fructueux.

Je vous remercie.