Rapport sur le 6e session de la Grande Commission parlementaire France-Russie

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Sixième session
de la Grande Commission parlementaire
France-Russie

Octobre 2000 - Moscou

Allocutions de M. Guennadi N. Seleznev,
Président de la Douma d'Etat
et de
M. Raymond Forni,
Président de l'Assemblée nationale

Allocution de M. Guennadi N. Seleznev,
Président de la Douma d'Etat

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de la Douma d'Etat de l'Assemblée Fédérale de la Fédération de Russie et de déclarer ouverte la sixième session de la Grande Commission parlementaire France-Russie.

Les contacts parlementaires entre la Douma d'Etat de la Russie et l'Assemblée nationale française ont toute une histoire et sont devenus un événement marquant dans la vie de nos deux pays. Le fait que nous nous réunissions pour la sixième fois témoigne de la vitalité de notre Commission et crée de bonnes conditions pour qu'elle puisse s'acquitter avec succès des tâches d'échanges d'expériences en matière d'activités législatives et de formation d'une approche commune du règlement des problèmes bilatéraux et internationaux.

Je considère que l'agenda de notre réunion d'aujourd'hui est d'actualité. Il comporte quatre volets. Tout d'abord, nous nous pencherons sur le renforcement de la stabilité stratégique, ce qui est lié à la sauvegarde du Traité ABM. Sans anticiper sur les résultats de la discussion, j'estime tout de même nécessaire de souligner son énorme importance du point de vue des perspectives du renforcement de la paix et de la sécurité internationales et, si vous voulez, des mesures à prendre pour éviter la formation d'un monde unipolaire. Le deuxième volet concerne la coopération Union européenne-Russie dans le contexte de la présidence française. Nous analyserons la mise en _uvre de l'initiative de Hubert Védrine et de Laurent Fabius portant sur le perfectionnement de l'assistance occidentale aux réformes en Russie. Récemment, j'ai reçu à Moscou M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères de la République française et, lors de notre entretien, j'ai partagé son point de vue que la France comprend peut-être la Russie mieux que les autres pays occidentaux et peut suggérer à ses partenaires occidentaux la marche à suivre pour rendre plus efficace leur assistance aux réformes en Russie. Nous avons prévu de discuter la situation au Kosovo. Compte tenu des derniers événements en Yougoslavie, le cadre de notre discussion sera, paraît-il, beaucoup plus large. Nous débattrons en fait d'une question fort importante, le rôle de la Douma d'Etat et de l'Assemblée nationale dans l'élargissement de la coopération franco-russe.

Chers collègues,

Notre session actuelle se tient au moment où des changements positifs se profilent en Russie, toujours est-il qu'ils ne sont pas encore la tendance dominante. La situation économique dans notre pays est devenue plus stable, une bonne coopération a été établie entre la nouvelle législature de la Douma d'Etat et le nouveau Président de la Russie, la relance économique est très présente. La perspective de l'achèvement de l'opération antiterroriste en Tchétchénie se dessine. Sur ce fond plus positif, le dialogue avec nos collègues à l'Assemblée nationale se présente comme particulièrement important du point de vue de la concrétisation de la coopération russo-française.

La Russie attache une grande importance au développement des liens économiques et commerciaux qui constituent de nos jours un moyen puissant pour régler plusieurs problèmes extérieurs et intérieurs des pays partenaires. Dans ce sens, la coopération économique et commerciale entre la Russie et la France est un des points faibles de nos relations. J'ai le regret de constater que la France se trouve aujourd'hui en bas de la liste des dix partenaires majeurs de la Russie en Europe occidentale, et est derrière d'autres pays.

Une des raisons en est le rétrécissement des investissements français dans l'économie russe et la réduction des opérations financières bilatérales. Je peux vous assurer que la Douma d'Etat est prête à _uvrer sur le plan législatif pour améliorer le climat de confiance entre les milieux d'affaires de la Russie et de la France.

Je tiens à réitérer ce que j'ai dit lors de notre dernière réunion à Paris et notamment que la coopération entre la Russie et la France constitue un facteur important de la politique européenne et mondiale et contribue au renforcement de la paix et de la compréhension mutuelle en Europe. Voilà pourquoi un certain « refroidissement », naguère encore caractéristique de nos relations politiques, doit céder inévitablement place à une période d'intensification de nos contacts qui seront portés, je l'espère à un plus haut niveau.

A l'heure actuelle, les relations russo-françaises s'améliorent considérablement. Nous nous réunissons après la visite officielle à Moscou de M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères de la République française que j'ai évoquée tout à l'heure. Le Sommet russo-français est proche. Les Présidents Vladimir Poutine et Jacques Chirac y définiront de nouveaux objectifs de coopération entre nos deux pays. Nous, parlementaires, pouvons et devons apporter notre contribution à ces efforts, profiter de façon plus active du potentiel qui a été défini comme « la dimension parlementaire » de la politique mondiale à la récente conférence des présidents de parlements des pays du monde à New York.

Chers collègues,

Je suis persuadé que nous avons devant nous des discussions intéressantes et utiles. Nous, parlementaires russes, qui recevons aujourd'hui nos collègues français, leur disons : « Soyez les bienvenus à Moscou, soyez les bienvenus à la Douma d'Etat, soyez les bienvenus chez des amis ! »

Je vous remercie et je passe la parole à M. Forni.

Allocution de M. Raymond Forni,
Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président de la Douma d'Etat,

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs les membres de la Douma d'Etat et de l'Assemblée nationale, chers collègues et amis,

Mesdames et Messieurs,

Au nom de la délégation qui m'accompagne et en mon nom personnel, je tiens à remercier le Président Seleznev pour son accueil si chaleureux. Permettez-moi de vous dire que nous sommes particulièrement heureux de nous trouver aujourd'hui parmi vous à la Douma à l'occasion de la 6ème réunion de la Grande Commission Franco-Russe.

Comme vous le savez, les parlementaires français attachent une très grande importance à nos réunions annuelles qui témoignent de notre volonté commune de développer et approfondir les échanges entre nos Parlements. L'Assemblée nationale française n'entretient une coopération aussi régulière et étroite qu'avec les Parlements canadien et allemand, preuve de notre désir d'avoir avec la Douma un dialogue à la mesure de l'importance de la Russie dans les relations internationales et de sa contribution à l'équilibre européen.

Si la Douma et l'Assemblée nationale ont un lien si privilégié, c'est probablement parce qu'elles ont des origines semblables. Elles plongent toutes deux leurs racines dans des Etats généraux, vos anciens Zemstvo, émanation d'une société féodale divisée en ordres et convoquée par la seule décision d'un souverain absolu. Elles sont nées, ensuite, de la volonté de nos peuples de transformer ces Etats généraux en Assemblées élues.

Nos deux peuples ont ainsi décidé, dans des contextes historiques et géographiques profondément différents, mais de la même façon, de prendre leur destin en mains et de le confier à des représentants librement élus.

Ce sont, je le crois, ces origines communes qui expliquent l'ancienneté, la régularité et la bonne qualité de notre coopération bilatérale. Nos Parlements ont une vocation éminente à contribuer au rapprochement entre les peuples russe et français, car ils incarnent le droit fondamental de la personne humaine à être associée aux orientations dont dépend son avenir.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en l'espace d'une génération, un monde nouveau est né.

Un monde plus libre, débarrassé de la guerre froide qui a trop longtemps séparé les peuples européens. Un monde sans frontières pour l'information et l'économie. Un monde certes global mais inégal. Un monde de progrès accéléré, mais aussi de fractures accentuées. Un monde de promesses sans précédent, mais instable, fragile, à la recherche de ses repères.

Dans ce monde en pleine transformation, promouvoir la coopération et l'amitié entre les peuples grâce aux échanges entre leurs représentations élues est une mission indispensable sinon vitale. Les réunions annuelles de notre commission bilatérale doivent nous permettre de réfléchir ensemble aux préoccupations et aux attentes de nos peuples.

Les quatre thèmes inscrits cette année à l'ordre du jour de la Grande Commission me paraissent refléter les préoccupations essentielles du moment. C'est pourquoi je souhaite pouvoir les évoquer devant vous.

I) L'équilibre stratégique tout d'abord.

Si l'armement nucléaire a parfaitement rempli son rôle - paradoxal - pendant un demi-siècle en empêchant la guerre froide de dégénérer en conflit mondial, on peut légitimement s'interroger, en ce début de XXIème siècle, sur son avenir, sur l'avenir de ce qu'on a si justement appelé « l'équilibre de la terreur ».

Notre monde est d'ores et déjà entré dans une phase post-nucléaire : politiquement et militairement, la possession de l'arme atomique ne joue plus le rôle central qui était le sien dans les relations internationales de 1945 à 1990.

Toutefois, une politique de défense ne se bâtit pas du jour au lendemain. Le monde qui sera le nôtre au XXIème siècle est loin de nous apparaître sous toutes ses dimensions. En attendant d'en mieux percevoir les contours, il faut nous appuyer sur les réalités du monde actuel : les armes atomiques y sont encore présentes massivement puisqu'il y a encore aujourd'hui 36 000 têtes nucléaires sur la planète.

Je ne suis pas partisan par principe de l'arme nucléaire, mais tant que d'autres pays posséderont une telle arme ou seront au seuil de sa possession, il me paraît inévitable que la France conserve sa force de dissuasion pour garantir son indépendance et assurer sa sécurité.

Cependant, tout en préservant sa force de dissuasion, la France doit s'engager résolument en faveur de la réduction des armements nucléaires dans le monde. Elle s'y est d'ores et déjà engagée en renonçant au développement de plusieurs programmes et en réduisant considérablement son arsenal nucléaire.

La France a, en outre, été le premier Etat nucléaire, avec le Royaume-Uni, à ratifier, le 6 avril 1998, le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

Mais les efforts de la France en faveur du désarmement nucléaire ne peuvent être efficaces qu'à la condition que les deux plus grandes puissances nucléaires, la Russie et les Etats-Unis, s'engagent aussi résolument dans cette voie.

C'est pourquoi l'Assemblée nationale se réjouit de la ratification, par la Fédération de Russie, en cette symbolique année 2000, du Traité START II et du T.I.C.E. Nous savons le rôle fondamental joué par la Douma dans le processus de ratification de ces deux traités et nous nous en félicitons.

Il est de notre devoir, à nous parlementaires qui avons déjà autorisé nos exécutifs à le ratifier, d'appeler tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait, en particulier ceux parmi les 44 pays dont la ratification est nécessaire à l'entrée en vigueur du T.I.C.E., à signer et à ratifier ce traité le plus rapidement possible.

Notre Assemblée, comme la vôtre, regrette le refus de ratifier le T.I.C.E. exprimé par le Sénat des Etats-Unis. C'est, en effet, un bien mauvais signe adressé aux Etats qui doutent encore de la réalité de l'engagement des grandes puissances nucléaires en faveur du désarmement.

Par ailleurs, nos gouvernements ont eu raison d'exprimer leur inquiétude à l'égard du projet américain d'édifier un bouclier antimissiles. Une telle initiative pourrait remettre en cause le traité antimissile ABM, pilier fondamental de l'équilibre stratégique.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, pour conclure, sur ce sujet d'importance, il me paraît essentiel de ne pas oublier que dans le domaine du nucléaire, qu'il soit militaire ou civil, nos Parlements doivent aussi exercer leur pouvoir de contrôle. Informer, expliquer sont, en effet, devenus des impératifs de notre époque.

Les parlementaires français sont convaincus des mérites d'une transparence accrue, véritable mesure de confiance volontaire destinée à rassurer nos opinions publiques, parfois inquiètes devant des risques nucléaires insuffisamment maîtrisés. Le gouvernement français, en ouvrant le site d'expérimentations nucléaires du Pacifique à des visites nationales et internationales, témoigne de cette volonté de transparence.

La sûreté de certaines installations nucléaires, militaires ou civiles, en Russie et en Europe Centrale et Orientale, suscite parfois des inquiétudes légitimes parmi nos opinions publiques. La récente tragédie du Koursk a vivement ému mes compatriotes. Certes, dans le domaine nucléaire, comme dans la plupart des autres domaines, le risque nul n'existe pas.

Mais je suis convaincu qu'il faut faire prévaloir la transparence et la sûreté nucléaire sur toute autre considération. C'est pourquoi je crois que les autorités russes gagneraient davantage la confiance des autres Nations si elles étaient plus transparentes en cas d'incident touchant une installation nucléaire, qu'elle soit civile ou militaire. Je ne doute pas sur ce point de l'attention vigilante de la Douma.

II) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je souhaite aborder à présent le second point inscrit à l'ordre du jour de notre commission : la coopération entre la Russie et l'Union européenne.

Comme vous le savez, la France attache la plus grande importance au processus d'intégration politique et économique en oeuvre à l'Ouest de l'Europe depuis plus de quarante ans. Les progrès de l'intégration régionale sur tous les continents sont un élément de l'indispensable régulation de la mondialisation.

Mais le processus d'intégration régionale en cours au sein de l'Union européenne ne doit oublier personne. La Russie doit y être pleinement associée et cette association doit répondre à une double exigence : accompagnement des réformes économiques et soutien aux valeurs de la démocratie. Sans une Russie libre et prospère, il n'y aura pas d'Europe stable et forte.

L'entrée en vigueur de l'accord de partenariat et de coopération entre la Russie et l'Union, le 1er décembre 1997, a constitué un premier pas très positif pour faciliter une meilleure insertion de l'économie russe dans l'économie européenne. Il donne non seulement à la Russie des avantages commerciaux dans la plupart des secteurs, mais l'accès des entreprises russes au marché communautaire en est facilité.

J'ajoute que la mise en oeuvre de l'euro a contribué efficacement à la stabilité et à la simplification du cadre monétaire des échanges entre la Russie et l'Union.

Mais le succès des réformes économiques dépendra de la capacité de la Russie à s'intégrer pleinement dans l'économie européenne et mondiale. C'est pourquoi l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce constitue une priorité aux yeux de l'Union européenne.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je souhaite que le prochain sommet entre l'Union et la Russie à Paris le 30 octobre prochain soit l'occasion de réaffirmer un partenariat fort et étroit fondé sur des valeurs communes, en particulier les droits de l'homme et le respect des libertés fondamentales. Renforcer les institutions démocratiques, assurer la primauté du droit, garantir une économie de marché fondée sur un cadre réglementaire clair et stable sont le meilleur moyen de créer un climat de confiance nécessaire à la réussite du développement de l'économie russe.

La coopération entre l'Union européenne et la Russie doit aussi avoir pour objectif d'étendre la paix et la prospérité à l'ensemble du continent européen et en particulier dans les Balkans qui souffrent depuis dix ans d'une instabilité chronique.

Mesdames et Messieurs, dans cette entreprise difficile mais indispensable, nos Parlements doivent également pouvoir jouer un rôle. C'est le troisième point que je souhaite à présent aborder avec vous.

III) Le rôle de nos Parlements dans le règlement de la crise des Balkans

La situation dans les Balkans occidentaux reste, pour l'ensemble de la communauté internationale, un sujet de très grande préoccupation. Les dix années de conflits qui ont ravagé cette région ont engendré des situations humainement dramatiques et politiquement instables.

Mais, au-delà des énormes difficultés ainsi accumulées et du retard du développement économique et social de beaucoup de ces pays, tous les peuples et presque tous les responsables de cette région ont pris conscience que son avenir passe par l'instauration de régimes démocratiques, respectueux des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

C'est ce que vient de confirmer avec éclat, il y a tout juste une semaine, le peuple serbe qui, après avoir manifesté sa soif de démocratie par les urnes, a choisi, en prenant possession du Parlement de Belgrade, de ne pas se laisser voler la victoire par un pouvoir en perdition.

Je suis profondément convaincu que seule l'instauration d'institutions démocratiques, conformes aux traditions et idéaux de chacun, est à même de rapprocher les différentes nations de la région des Balkans et d'assurer leur coexistence pacifique.

Il nous appartient à nous parlementaires de veiller à ce que les Etats de cette région prennent les mesures nécessaires pour que les structures politiques reposent sur une participation sans réserve de tous les citoyens, sans distinction de race, d'ethnie, de langue ou de religion.

Au Kosovo, en Bosnie, comme partout ailleurs sur notre continent, seule la liberté permettra à la violence de reculer et à la paix de s'installer.

Je suis profondément convaincu que le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats n'est pas incompatible avec le devoir de nos Parlements de veiller au respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et à notre obligation de prêter assistance aux minorités nationales, ethniques, religieuses ou linguistiques opprimées.

La Douma et l'Assemblée nationale doivent unir leurs efforts dans les Balkans afin de faire reculer ces terribles fléaux que sont la violence, le terrorisme, les trafics d'armes, de drogue, d'argent sale et d'êtres humains qui ternissent encore l'image de notre continent. La recherche de la paix, toujours fragile, requiert notre vigilance de chaque instant et notre engagement conjoint.

Pour conclure, sur ce point, depuis quelques années se manifestent, dans tous les pays d'Europe y compris ceux où la démocratie est enracinée depuis très longtemps, des revendications autonomistes régionales parfois violentes que nous nous devons de traiter pacifiquement sans porter atteinte à nos unités nationales.

La Russie est également confrontée sur son territoire - notamment en Tchétchénie - à ce phénomène. Je formule très sincèrement le voeu que vous sachiez trouver en vous-même, dans la tolérance et le respect des droits de l'homme, la solution à ce problème posé autant à vos consciences qu'à vos institutions.

Mesdames et Messieurs, le dialogue entre nos deux Assemblées doit également être au service du rapprochement entre nos peuples. Il doit compléter et enrichir le dialogue existant entre nos gouvernementsC'est le quatrième et dernier point que je souhaite aborder avec vous ce matin.

IV) Le rôle de nos Parlements dans la recherche des voies d'élargissement de la coopération intergouvernementale franco-russe.

L'Assemblée nationale entend prendre toute sa part au dialogue franco-russe. Ce dialogue a d'autant plus d'intérêt au niveau parlementaire que les institutions parlementaires russes, en particulier la Douma, jouent un rôle majeur dans le processus de transformation en cours de la Russie. C'est d'elles que dépend la mise en place du cadre juridique régissant non seulement la société mais aussi la vie économique.

Ces responsabilités de la Douma rendent particulièrement intéressant l'échange de réflexions et d'expériences sur la pratique et les méthodes législatives, mais aussi sur le fond des sujets. Notre coopération bilatérale est déjà intense et multiforme.

Je souhaite toutefois que nous puissions développer encore nos échanges bilatéraux notamment en recevant à Paris des jeunes parlementaires russes, élus pour la première fois lors des dernières élections législatives. Nous pourrions ainsi les sensibiliser au fonctionnement de nos Institutions et échanger avec eux notre regard sur le monde.

Conclusion

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, depuis dix ans maintenant la Russie est engagée, aux côtés d'un nombre de plus en plus grand d'Etats, sur le chemin de la démocratie. Beau chemin que celui là ! Beau mais difficile et long ! Ne croyez pas que les pays occidentaux soient arrivés à son terme. Il y a toujours plus de démocratie à construire.

Dans le domaine des droits de l'homme, malheureusement, nulle part, rien n'est jamais acquis et il faut éviter de relâcher notre vigilance.

Chaque jour sur le métier de la démocratie il convient de remettre notre ouvrage de liberté.

Questions stratégiques

Débats à la Douma d'Etat

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M. Jean-Louis Bianco, président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie  - Nous allons aborder maintenant les questions relatives à la stabilité stratégique, au respect de l'accord ABM et au projet américain de bouclier anti-missiles.

M. A.G. Arbatov, vice-président de la commission de la défense de la Douma d'Etat, membre du groupe « Iabloko » - Je ne vais pas m'appesantir sur l'historique de la stabilité stratégique mais je voudrais néanmoins rappeler certains points.

La logique de la stabilité stratégique conçue dans les années soixante par Robert Mc Namara repose sur l'idée que la stabilité stratégique dépend d'un équilibre des forces nucléaires tel qu'aucune des deux parties ne peut éliminer l'autre.

En 1972, l'URSS et les Etats-Unis ont signé le Traité ABM (anti-missiles balistiques). Ce traité a permis aux Etats-Unis et à l'URSS mais aussi à des puissances nucléaires tierces de créer leur propre force de dissuasion car aucun pays n'avait la capacité de riposter à une attaque nucléaire d'un autre Etat. Les Etats-Unis ont tenté par trois fois de remettre en cause cet équilibre.

La première tentative date de 1983, lorsque le Président Reagan a proposé une initiative de défense stratégique (I.D.S). Mais ce projet s'est heurté à une insuffisante fiabilité technique et à une absence de réalisme politique. La deuxième est intervenue dans les années 1990, après la guerre du Golfe, quant les Etats Unis ont tenté de développer une nouvelle défense tactique anti-missiles. Mais cette tentative n'a pas non plus abouti, la Russie et les Etats-Unis se mettant d'accord en 1997 sur un accord de délimitation de la défense tactique et stratégique antimissile en changeant et limitant le dispositif prévu en 1972, tout en respectant le Traité ABM.

Plus récemment, tirant les conséquences des événements de la guerre du Golfe, un leader du parti républicain américain a proposé d'établir une défense anti-missiles destinée à protéger le territoire américain contre les missiles balistiques issus des nouveaux pays possesseurs de la technologie nucléaire. Ce système anti-missiles n'est, semble-t-il, pas destiné à protéger le territoire américain contre la Russie, mais de répondre à la prolifération nucléaire, dans un contexte où l'Inde et le Pakistan se sont dotés de ces armes, tandis qu'était élaboré le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (T.I.C.E.).

Aujourd'hui, dans le contexte de la campagne présidentielle américaine, le problème de la stabilité stratégique et de la défense antimissile revient à l'ordre du jour avec une envergure plus ou moins grande. Et avec ce thème, c'est le projet américain de remise en cause du Traité ABM qui réapparaît.

Deux types d'arguments ont été invoqués par les Américains en faveur de la mise en place d'une nouvelle forme de défense. D'une part, ils affirment que la fin de la guerre froide rend obsolètes tous les concepts de dissuasion, vieux de quarante ans. D'autre part, une nouvelle menace serait apparue avec les pays exclus de la scène internationale, les « Etats-voyous » comme l'Iran, l'Irak ou la Corée du Nord contre lesquels il faudrait donc se protéger par un nouveau système de protection antimissile.

Face à cette nouvelle conception, il convient de souligner qu'une révision du Traité de 1972 est en cours et que plusieurs éléments peuvent remettre en cause l'argumentation américaine.

En premier lieu, le danger des pays tiers n'est pas encore prouvé car il n'est pas sûr qu'ils pourraient techniquement créer des missiles intercontinentaux bien qu'ils maîtrisent les armes à portée intermédiaire. On peut donc s'interroger sur le bien-fondé d'un système qui tendrait à protéger le territoire américain contre des missiles de longue portée dont personne ne sait s'ils existent réellement.

En deuxième lieu, le type de relations qu'entretiendront les Etats-Unis et la Russie ne sont pas encore totalement fixées car les tentatives de définition d'un concept commun de dissuasion différent de celui du traité ABM n'ont pas réussi. Dans le cadre de START III, les objectifs de destruction de têtes nucléaires diffèrent, les Etats-Unis proposant une réduction de leur arsenal à 2000 ogives, la Russie à 1500 ou même 1000 têtes nucléaires. Ces objectifs sont du reste ambitieux, car le niveau de 2000 ogives correspond à celui des arsenaux nucléaires américains et soviétiques des années soixante.

En troisième lieu, la mise en place du système antimissile américain peut avoir des résultats opposés à ceux recherchés en entraînant une prolifération des armes et des technologies nucléaires. En effet, la Chine, face à cette initiative américaine, pourrait réagir en modifiant à la hausse ses forces nucléaires. La Russie se retrouverait vulnérable et pourrait envisager de reconsidérer son concept de défense. On peut penser que l'Inde réagirait en augmentant ses propres forces parallèlement à la Chine, ceci dans la capacité de sa puissance économique et technique. Ainsi une prolifération d'armes nucléaires aurait lieu, tant à l'Ouest (par la réponse du Pakistan à l'Inde) qu'à l'Est (par la réaction du Japon à un réarmement de la Corée et de la Chine).

Cela explique les prises de positions russe et française contre le projet américain de mise en place d'une défense antimissile nationale (N.M.D.).

M. Vladimir Poutine vient ainsi de proposer la création d'une protection anti-missiles commune à la Russie, aux Etats Unis et à l'Europe, ce qui suppose un changement des relations entre l'OTAN et la Russie. Ce système est tout à fait réalisable, du moins pour l'Union européenne et la Russie sur qui les nouvelles menaces pèsent déjà de par leur situation géographique.

Des pays d'Extrême Orient pourraient être intéressés par ce système s'il était créé à l'Ouest. Mais la Chine a une position particulière, car ses propres missiles peuvent d'ores et déjà atteindre toute la partie occidentale du Pacifique.

Il apparaît de toute façon qu'un système de défense anti-missiles serait plus intéressant si l'on supprimait tous les missiles tactiques de portée intermédiaire en Asie, comme cela a été fait en Europe.

M. Jean-Bernard Raimond, vice-président de la commission des affaires étrangères et vice-président du groupe d'amitié « France-Russie » de l'Assemblée nationale L'intervention de notre collègue Arbatov nous apporte un éclairage intéressant sur les positions russe et chinoise. L'initiative du Président Poutine mérite une réflexion approfondie.

En tant que Français, je me suis félicité de la ratification par la Russie du Traité Start II et du TICE. Ces deux ratifications s'inscrivent, après une parenthèse, dans la ligne politique définie par l'URSS en 1985-1986 en faveur du désarmement. Cette initiative avait grandement contribué aux changements que le monde a alors connus.

Aujourd'hui s'ouvre un nouveau chapitre. La position modérée de la Russie au sujet des Balkans, même aux moments les plus intenses de la guerre du Kosovo, nous a permis de gérer cette crise ensemble et justifie que nous accueillions de manière très positive les propositions russes en ce domaine.

Concernant le NMD américain et la réforme éventuelle du Traité ABM, la position française demeure très réservée. C'est un projet qui apparaît hautement déstabilisateur et risque de compromettre l'équilibre stratégique mondial pour les raisons précédemment évoquées par M. Arbatov. Il convient de souligner que l'Inde et le Pakistan sont effectivement devenues des puissances nucléaires tout comme la Corée du Nord. Cependant, je note une évolution intéressante des relations de ce dernier pays avec la Corée du Sud.

Le projet américain, s'il était développé, est susceptible d'entraîner une relance de la course aux armements, ce qui est source d'inquiétude. Mais les Américains sont divisés à propos du NMD : les républicains y apparaissent favorables, les démocrates semblent beaucoup plus réservés. D'ailleurs, le Président Clinton a différé la décision relative à l'implantation du système de défense anti-missiles, tandis que sur le plan technique, les Américains connaissaient deux échecs sur les trois essais organisés.

Il apparaît que ce sujet semble toujours ouvert et que l'on devrait pouvoir éliminer le côté dangereux d'un tel projet. Il appartient à la France, à l'Europe et aux Etats-Unis de considérer les initiatives prises par la Russie en ce domaine. Toutefois, ne négligeons pas le fait que la gestion et le règlement futur de la crise en Tchétchénie conditionnent grandement les relations de la Russie et de ses partenaires occidentaux.

Je conclurai donc que l'idée de l'instauration d'un système commun de défense destiné à faire face à des menaces réelles est tout à fait novatrice et doit nourrir notre réflexion.

M. I.I. Nikitchouk, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » - Je tiens à saluer nos invités français. La France est un pays qui nous est proche par le rôle particulier qu'il a joué dans l'histoire. La Révolution française fait aussi partie de notre histoire et je me souviens avoir été, enfant, bercé par la Marseillaise.

La chute de l'URSS et la fin du pacte de Varsovie ont créé dans le monde une situation instable et difficile à maîtriser. Cette tempête a touché le centre de l'Europe jusqu'en Yougoslavie. Mais si dans les années 90 ce qui s'est passé en Russie à la Maison Blanche était comparable à la situation actuelle de la Yougoslavie, la perception de l'Occident en a été différente. En effet, en Russie, la tentative de faire descendre le peuple dans la rue a été qualifiée d'acte terroriste alors qu'en Yougoslavie on parle de « mouvement démocratique ». Pour cette raison, nous nous opposons à tout ce qui pourrait ressembler à un diktat dans le nouveau contexte européen et international ainsi qu'à tous les facteurs déstabilisateurs qui sont la conséquence de ce type de comportement.

Si l'Ouest aspire à la paix, et nous n'en doutons pas, l'OTAN doit être dissoute au même titre que le pacte de Varsovie. Cela permettrait une meilleure stabilité en Europe. Au lieu de cela, nous voyons que l'OTAN tente de s'élargir jusqu'à nos frontières, notamment vers l'Ukraine.

L'initiative des Etats-Unis apparaît comme un deuxième facteur déstabilisateur. Nous avons déjà évoqué les problèmes liés à cette initiative, en particulier la course aux armements qui pourrait en résulter. Personnellement, je me rallie à la position française sur l'arme nucléaire dissuasive. En effet, elle peut être considérée comme une arme de paix même s'il faut aussi rajouter que dans les années 90 ont eu lieu des conflits qui rappelaient le début du siècle (notamment des guerres fratricides) et pour lesquels le concept de dissuasion n'a aucune valeur. L'arme nucléaire est une arme de paix quand il existe une menace d'application. La France, par exemple, ne conçoit pas le nucléaire comme un moyen de résoudre les conflits : elle rappelle toujours que la dissuasion est au centre de son concept de défense.

En cela, la tentative des Etats-Unis de créer un « parapluie » national qui leur conférerait une certaine invulnérabilité est une dangereuse illusion qui a déjà été utilisée à Hiroshima, où, sans aucune morale, les Américains ont « appliqué » l'arme nucléaire : il ne faut jamais oublier l'histoire.

On peut alors se demander pourquoi les Américains défendent une telle position. Ils invoquent le danger représenté par des pays tels que la Corée du Nord. Je m'associe à M. Arbatov dans son analyse sur les capacités réelles de ces Etats d'inquiéter les Etats-Unis. En fait, la raison principale de cette initiative est la faiblesse et la perte de statut de superpuissance de la Russie. En signant START II, nous avons rendu service aux Etats-Unis car ils ont pu garder leurs meilleurs missiles.

En Russie le nucléaire a coûté 40 milliards de $ et la vente de 500 tonnes d'uranium 235 a rapporté seulement 12 milliards de $. De plus dans le domaine nucléaire, la Russie a formé des mathématiciens au lieu de former des spécialistes. Pour un vrai spécialiste du nucléaire, il est clair que sans argent, il est impossible de concevoir un système de bouclier national en Russie car il faut des investissements énormes. Les Américains ont conscience de ces faiblesses et c'est notre problème.

Pour conclure, je voudrais souligner que si vous ajoutez les pays nucléaires et les déchets nucléaires qu'ils produisent, vous avez en réalité des millions d'armes dans le monde. Le plus grave est que dans les questions de défense et de coopération on ne parle jamais de l'être humain et de son environnement qui est à la source de toute vie. Cet autre aspect du nucléaire doit aussi être considéré dans notre opposition au système voulu par les Américains.

En tenant compte de ces éléments, nous sommes prêts à aller dans votre sens en ce qui concerne la position américaine sur le traité ABM.

M. Jean-Louis Bianco, président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie - Je tiens à renouveler mes remerciements pour le chaleureux accueil que le Président Seleznev et le Président Sloutski ont réservé à la délégation française. C'est un grand plaisir de vous retrouver, de reconnaître les visages connus et aussi d'en découvrir de nouveaux, ce qui prouve la vitalité de la démocratie. Par ailleurs, j'adresse toutes mes félicitations au nouveau Prix Nobel de Physique, M. Jaurès Alferov.

Je souhaite commencer par un bref rappel historique du concept de stabilité stratégique. Le TNP signé le 1er juillet 1968, il y a 32 ans déjà, consacrait la stabilité stratégique instaurée de fait à l'issue de la seconde guerre mondiale. Ce traité est actuellement toujours en cours de ratification. C'est pourquoi nous devons prendre garde de ne pas détruire un édifice qui n'est que partiellement achevé. Le Traité SALT I et le Traité ABM datent, quant à eux, de 1972.

Onze ans après la chute du Mur de Berlin, on pourrait croire que la stabilité stratégique est renforcée. Cependant, à ce jour, le TICE de 1996, signé par 155 Etats, a seulement été ratifié par 60. L'entrée en vigueur de ce traité ne sera effective que si il est ratifié par les 44 Etats membres de la Conférence du désarmement et l'Inde, le Pakistan, et la Corée du Nord ne l'ont pas encore signé. Je déplore également que le Sénat américain n'ait pas encore ratifié le TICE. En effet, par 51 voix contre 48 et une abstention , ce texte a été rejeté.

Le contexte dans lequel les Etats-Unis développent leur projet de bouclier anti-missiles n'est pas nouveau. Depuis les années 1983-84 et le projet de "guerre des étoiles" du Président Reagan, ce concept de défense est devenu quasiment obsessionnel. Il y a à cela toujours la même raison : l'unilatéralisme américain qui conduit les Etats-Unis à ne se préoccuper que de leur propre défense. Ce fait est renforcé par l'illusion technologique de la société américaine où l'on considère qu'il existe une solution technique aux problèmes de sécurité alors que la seule réponse à apporter est politique. De plus, il ne faut pas négliger le poids du lobby militaro-industriel américain dont les commandes sont en chute libre.

Le 2 septembre dernier, le Président des Etats-Unis a annoncé le report de la décision américaine sur l'instauration du NMD, après avoir tenu compte de quatre critères : la fiabilité technique du projet, la nature de la menace, son coût (estimé à 60 milliards de dollars) et son impact sur la politique étrangère. Le successeur du Président Clinton devra donc trancher.

La position des candidats à l'élection présidentielle américaine est à considérer avec attention car il existe des nuances entre les deux hommes. Al Gore souligne que le Traité ABM constitue la pierre angulaire de l'équilibre stratégique mondial, tout en estimant que la Russie doit accepter une renégociation du Traité. Georges W. Bush se déclare en faveur d'un déploiement du bouclier anti-missiles américain le plus rapidement possible.

En Europe, la position américaine a engendré des réactions relativement négatives : le Chancelier allemand Gerhardt Schroeder a fait part de son scepticisme quant au système anti-missiles américain. Le Président Chirac a fait savoir combien ce projet suscitait sa réserve et risquait de rompre l'équilibre stratégique mondial.

Dans ce contexte, je tiens à préciser que la dissuasion repose sur l'idée que les armes nucléaires ne doivent pas servir. Le déploiement d'un bouclier anti-missiles serait la négation même du principe de dissuasion, le tir d'un seul missile signifiant l'échec de ce concept.

Au plan technique aucun système anti-missiles ne peut être fiable à 100 %. Si un seul missile parvient à franchir le bouclier, c'est une catastrophe nucléaire mondiale. Or, les Américains ont connu deux échecs au cours des trois premiers tests organisés, sur les 16 essais prévus.

Le système de défense anti-missiles ne répond pas, par ailleurs, à la nature des menaces qui pèsent sur le monde. Les Etats-Unis évoquent des "Etats voyous". Ils précisent qu'ils ne songent pas à la Russie et je pense qu'il faut les croire. Cependant, aucun de ces Etats (Iran, Irak, Corée du Nord) ne remplissent simultanément, semble-t-il, les deux conditions nécessaires pour représenter une éventuelle menace : disposer de missiles à longue portée et maîtriser toutes les technologies nécessaires du nucléaire. En outre, ne serait-il pas dommageable de négliger les progrès des forces de paix et de la démocratie, tant en Iran qu'en Corée du Nord ? L'équilibre stratégique repose sur la politique et non sur la technique. Aujourd'hui, les menaces principales auxquelles nous risquons d'être confrontés sont certainement un terrorisme nucléaire pratiqué par un groupe privé, une guerre biologique et le mouvement terroriste mondial. Que faire face à de tels dangers ?

La proposition évoquée par M. Arbatov mérite effectivement réflexion. Sachez qu'en aucun cas, il ne s'agit pour moi d'une façon polie de vous dire non. Il faut cependant franchir beaucoup de pas avant de parvenir à mettre en place un tel projet. Ainsi, par exemple, les débuts de l'intégration européenne datent du Traité de Rome de 1957. Aujourd'hui, nous commençons seulement à évoquer une défense européenne commune et M. Javier Solana a été investi dans ses fonctions de manière très récente. Les membres de l'Union européenne sont confrontés à certaines divergences concernant leurs intérêts en matière de sécurité. Cependant, d'importants efforts sont entrepris afin que l'Europe soit en mesure de s'exprimer d'une seule voix sur la scène internationale. Français, Allemands et Anglais sont souvent d'accord en matière de défense. La Grande-Bretagne, toutefois, fait souvent entendre la voix des Etats-Unis.

Dans la perspective de mettre en place des formations en commun, il faut développer la confiance et la transparence à tous les niveaux, y compris dans le domaine militaire. L'Union européenne et la Russie, la Russie et la France doivent proposer un cadre de débats sur l'analyse de la réalité des menaces qui pèsent sur nous afin de déterminer les meilleurs moyens d'y faire face.

En conclusion, je dirai que le projet américain de NMD est déstabilisateur. Je pense que les membres de la Grande Commission France-Russie sont en accord sur ce point, comme nous l'étions déjà en mai dernier, lors de notre rencontre commune avec les parlementaires allemands.

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) A notre grand plaisir la France, à travers M. Bianco, a montré son attachement à la stabilité dans le monde. Elle a d'ailleurs soutenu la position russe sur la scène internationale, notamment à l'ONU lors de la 55eme session de l'Assemblée générale. Le deuxième élément intéressant qui a été évoqué est le projet de construction européenne d'un système ABM. Ce thème devra être développé dans nos futures rencontres.

M. A.M. Chelekhov, membre du groupe « Unité » - L'influence des problèmes locaux sur la situation internationale ne doit pas être négligée. La Russie occupe, pour des raisons géopolitiques, une position centrale entre l'Est et l'Ouest. L'équilibre mondial dépend donc de la façon dont la Russie intègre l'Orient et l'Occident dans sa politique étrangère.

Dans tous les cas, l'équilibre mondial sera mieux assuré si la Russie et l'Occident coopèrent. Malheureusement, les événements locaux de Tchétchénie ont entraîné une position rigide de l'Occident et de ce fait menacent le nouvel équilibre mondial. Les initiatives russes à l'égard de l'Asie perturbent également la stabilité stratégique.

Il s'agit d'entretenir des relations amicales avec tous nos partenaires mais chaque rupture d'équilibre constitue un danger. C'est pourquoi il faut faire en sorte d'accroître la confiance entre la Russie et la France.

M. Loïc Bouvard, vice-président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale - Je suis fondamentalement d'accord avec les interventions de MM. Arbatov, Raimond et Bianco. Je ne reviendrai pas sur la question de l'ABM. Quand j'étais au Congrès américain j'ai soutenu la position selon laquelle cette tentative allait à l'encontre du but recherché.

Je voudrais brièvement revenir sur les relations entre l'OTAN et la Russie. Mon ami Nikitchouk ne m'en voudra pas si je ne suis pas d'accord avec son point de vue car il est hors de question que l'OTAN soit dissoute. L'OTAN est une alliance défensive loin d'être monolithique. Elle est d'ailleurs en évolution constante car cette organisation résulte d'un contrat entre des démocraties, représenté par l'existence d'une assemblée de l'OTAN, ce qui est très différent du système du pacte de Varsovie De nombreuses délégations participent aux travaux de cette assemblée y compris une délégation russe.

L'équilibre de la terreur nous a préservés d'une guerre, mais ce n'est pas la panacée car il est basé sur une méfiance réciproque. Nous cherchons un dialogue de confiance et il est vrai que l'initiative américaine va à l'encontre de cette confiance. Le NMD ne va pas dans le bon sens.

En ce qui concerne les relations entre la Russie et l'OTAN, des oppositions persistent à la Douma et je le comprends mais il y a aussi des avancées qu'il convient de rappeler. D'une part, le pacte fondateur Russie/OTAN qui permit l'élargissement à la Hongrie, la Pologne et la République tchèque engendre un dialogue permanent. D'autre part, les Russes ont collaboré avec l'OTAN dans les Balkans de façon remarquable. Une coopération commence à s'élaborer et dans ce cadre la conclusion de M. Arbatov sur une stratégie de défense commune européenne me paraît excellente. Au sein de l'OTAN, un pilier européen se constitue déjà. L'Union européenne avec le traité de Maastricht a non seulement jeté les bases de l'euro, mais aussi d'une Union de défense en traitant de l'organisation européenne de défense et de sécurité. D'une certaine façon, l'Europe apparaît aujourd'hui comme un pôle de liaison entre la Russie et les Etats-Unis.

En ce qui concerne la Chine, c'est le grand pays du XXIeme siècle. Ce pays a une longue frontière avec la Russie et 300 millions de Chinois vivent à l'occidentale sur les côtes. On peut penser qu'il a choisi le modèle de Hong- Kong, de Taiwan ou de la Corée, qui est la résultante de gouvernements antidémocratiques et d'un capitalisme forcené. Les Etats-Unis s'inquiètent davantage de la Chine que des « Etats-voyous ».

On peut se demander quelles seront les relations de la Russie avec la Chine, étant donné la situation particulière de la Sibérie si peu peuplée aux frontières d'un pays si peuplé. Le renforcement des relations OTAN-Russie apparaît nécessaire dans cette optique.

M. René André, vice-président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale - J'ai le sentiment que nous sommes les uns et les autres sur la même ligne en ce qui concerne le respect des accords ABM. Dans le passé et pour un certain nombre de personnes, l'OTAN fut très utile, mais elle doit évoluer. Je considère que l'OTAN demeure trop l'instrument de la manifestation de la puissance américaine. L'Europe doit reprendre sa destinée en main sans faire appel en permanence au grand frère américain. J'ajoute qu'hier, lors du débat télévisé opposant les deux candidats à l'élection présidentielle américaine, George W. Bush a évoqué un retrait possible des troupes américaines des Balkans.

L'intérêt des rencontres que nous avons au sein de la Grande Commission France-Russie est de permettre de mieux nous connaître, pour que la Russie prenne toute sa place dans l'Europe. En effet, la Russie doit évoluer dans la perspective de devenir un partenaire prioritaire dans la construction de l'Europe du futur.

M. I.I. Nikitchouk, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » - Historiquement, je ne pense pas que l'on puisse prétendre que les Etats-Unis soient le frère aîné de l'Europe mais plutôt l'inverse. Dans tous les cas on peut affirmer qu'il s'agit d'un frère imposant.

M. V.E. Koptev-Dvornikov, membre du groupe « Unité » - J'interviendrai plus longuement sur les relations entre l'Union européenne et la Russie dans la deuxième partie de nos travaux, mais je voudrais faire quelques observations sur l'intervention de M. André. Dans les diverses organisations internationales auxquelles appartiennent nos deux pays, il n'y a pas de rivalité mais une recherche commune. C'est pourquoi je pense que nous pourrions nous associer afin que les Etats-Unis et la Chine viennent autour d'une table ronde sans animosité. D'autre part, je voudrais rappeler à mon collègue Nikitchouk, que l'Union européenne est une perspective pour beaucoup d'Etats issus du bloc de Varsovie et que dans le futur les relations entre la Russie et l'Union européenne sont appelées à se renforcer. De plus, sur la scène internationale, le nouveau concept stratégique doit être défini avec une participation des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la Russie.

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - Les relations entre la Russie et l'Europe constituent, en effet, un sujet majeur.

M. Loïc Bouvard, vice-président du groupe d'amitié France-Russie  de l'Assemblée nationale - Concernant la définition des menaces, il convient de préciser que pour les Etats-Unis, la dissémination des armes de destruction massive constitue un danger majeur. Ils dépensent 12 milliards de $ par an afin de se préparer à répondre à la menace d'une guerre bactériologique ou chimique. Ils se sentent vulnérables face à ces armes qui sont faciles à construire, et ont en mémoire les actes terroristes dans le métro de Tokyo et au World Trade Center de New-York, ce à quoi ils pensent quand ils parlent d'Etats « mafieux ».

Il me semble capital d'être en mesure de prendre conscience de ce qui est considéré comme une menace par nos différents partenaires.

M. Alain Barrau, président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne - A ce stade de la discussion, nous pouvons constater des analyses communes mais subsistent aussi quelques interrogations. Personne ne souhaite et ne pense que la politique des blocs doive être réinstaurée. La chute du Mur, la disparition du système soviétique et de l'équilibre de la terreur sont derrière nous. Cependant, à l'intérieur de chaque zone issue de la politique des blocs, le risque majeur est que la sécurité collective soit assurée au détriment de nos libertés.

Le Pacte de Varsovie est dissout et il en est de même, dans une certaine mesure, pour l'OTAN. La France a longtemps appartenu au dispositif politique de l'Alliance atlantique mais non à son organisation militaire. Aujourd'hui nous devons relever le défi de bâtir un pôle européen au sein de l'OTAN.

L'Union européenne ne constitue en aucun cas un élément de soutien à l'extension de l'OTAN. A mon sens, lors de conflits concernant directement les Européens, il est important de parvenir à une discussion équilibrée entre l'Union européenne et l'OTAN. En effet, cela permettra une intervention directe et efficace des Européens sur le terrain.

Au sein de l'Union européenne, dans cinq à dix ans, nous devons avoir pour objectif d'être en mesure d'intervenir sans attendre le feu vert des Etats-Unis à l'occasion, par exemple, d'une opération similaire à celle menée en ex-Yougoslavie.

Il convient de modifier la perception que nous avons de l'OTAN. Aujourd'hui, la menace nucléaire demeure. Elle semble beaucoup plus considérable lorsqu'elle est issue des nouvelles puissances nucléaires de taille moyenne telles que l'Inde et le Pakistan plutôt que des grands pays nucléaires qui maîtrisent parfaitement la technologie. Notre sécurité est également menacée par des armes nouvelles qui portent atteinte à la sécurité des civils et que l'on peut considérer comme plus dangereuses encore que les armes nucléaires. Ceci nécessite une intervention des organisations internationales.

Par ailleurs, je considère que nous sommes tous citoyens du monde et je demeure prêt à écouter et comprendre les analyses russes sur la situation tchétchène. Mais sachez que je ne peux pas ne pas formuler d'interrogations à ce propos. En effet, la Russie doit tenir compte de certaines normes internationales qui doivent être considérées comme nos valeurs communes.

Mme Ziatdinova, membre du groupe « Régions de Russie » - J'ai participé aux négociations à la Maison Blanche en tant que jeune députée et je crois que personne ne s'est préoccupé de ce qui pouvait advenir en Russie hormis les Russes eux mêmes. En ce qui concerne les Balkans, il me semble que la communauté internationale, du moins celles des scientifiques et des sociologues, a fait preuve de sérieux dans ses analyses de la situation. Mais vous avez bombardé la Yougoslavie sans demander l'avis de l'ONU comme si cela ne concernait pas l'ensemble du monde mais votre bloc régional. On peut pour cela se poser des questions sur l'OTAN.

M. Kolomeïtsev, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » - Je considère qu'il n'est pas judicieux de souscrire au fait qu'un seul bloc subsiste. Il ne faut pas mésestimer l'effet sur la communauté internationale des bombardements sur la Yougoslavie décidés sans l'accord du Conseil de Sécurité des Nations unies. Vous parlez des réfugiés albanais, mais pas des réfugiés serbes.

Depuis la crise du Kosovo, le cours de l'euro est en chute libre.

Par ailleurs, la pression exercée sur la Russie à propos de la Tchétchénie est intolérable. J'ajoute que l'islamisme constitue également un problème pour la France. La guerre en Tchétchénie est une conséquence de cet islamisme, qui est très actif dans cette région du Nord-Caucase. A quoi pourrait-on arriver si nous laissions faire ? La « version » unilatérale des faits qui pose problème dans les Balkans se retrouve dans votre perception des questions du Caucase. Une attitude aussi unilatérale n'est pas supportable.

M. Alain Barrau, président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne - Je me félicite de cette discussion. Cependant, sachez que j'ai souvent combattu l'impérialisme américain. Il faut néanmoins reconnaître que le système soviétique constitue un échec historique patent. En aucun cas on ne peut comparer ce qui s'est passé à l'Est et à l'Ouest. En Occident, la domination américaine a rapidement été remise en cause.

Concernant les bombardements sur l'ex-Yougoslavie, votre argument est tout à fait recevable et je conviens que la situation de la population serbe est dramatique. Par ailleurs, il est exact que l'islamisme constitue un problème pour la France. Cependant, ne pas évoquer les événements de Tchétchénie serait injuste car cela conditionne fortement les relations entre l'Union européenne et la Russie.

M. Jean-Bernard Raimond, vice-président de la commission des affaires étrangères et vice-président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale - Lorsque le Pacte de Varsovie a été dissout, il aurait été judicieux de changer le nom de l'OTAN car effectivement elle a changé de nature. Il est important de tenir compte de la double expérience de la SFOR et de la KFOR. En effet, des troupes russes participent à ces opérations militaires sous commandement intégré. C'est un élément positif de la politique russe qui a fait des gestes pour de meilleures relations avec l'OTAN. Et dans ce cadre, il faut souligner le rôle particulier de la diplomatie russe qui est intervenue pour jouer le modérateur vis à vis des positions de Milosevic.

C'est aussi la meilleure preuve que le concept stratégique de l'Alliance atlantique a changé. Elle n'est plus tournée contre la Russie mais se consacre à la stabilité européenne. L'état de guerre doit disparaître en Europe et nous devons privilégier dorénavant des relations d'échanges et de coopération sur notre continent.

M. I.I. Nikitchouk, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » - Je vois que vous avez porté une oreille attentive à ma position, qui est celle de mon groupe politique.

Un pays essaye d'imposer sa volonté au monde et nous suivons la position de la France sur la multipolarité. Néanmoins, pour l'OTAN, je n'accepte pas l'idée d'un changement de nature car en Yougoslavie l'action de l'OTAN était agressive et non pas défensive.

Pour ma part, je pense que c'est à la Yougoslavie de décider si elle veut ou non Milosevic. Mais pour savoir si le changement de dirigeant amènera la démocratie, il faudra attendre un peu. Nous verrons plus tard.

M. Jean-Louis Bianco, président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie Je me réjouis de la qualité des intervenants et de la sincérité des échanges qui progressent à l'occasion de chaque session de la Grande Commission parlementaire France-Russie. Nous arrivons à mieux nous parler et en allant plus au fond des problèmes y compris quand nous ne sommes pas d'accord comme sur l'OTAN ou la Yougoslavie. Merci beaucoup pour cette séance positive.

Relations entre l'Union européenne et la Russie

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - Au moment d'aborder les relations entre l'Union européenne et la Russie, je me félicite de l'initiative « Védrine-Fabius » du printemps dernier.

Cette initiative française, qui a montré le rôle particulier que tient à jouer la France lors de sa présidence, permettra de renforcer les liens non seulement avec l'Union européenne mais aussi avec le Japon qui est associé à ce projet.

Je donne maintenant la parole à mon collègue Koptev-Dvornikov, vice président du groupe d'amitié et parfait francophone, puisqu'il est diplômé de la Sorbonne.

M. V.E. Koptev-Dvornikov, membre du groupe « Unité » Je voudrais revenir sur l'initiative « Védrine-Fabius » qui est très importante pour nous par sa symbolique. En effet la prise de conscience par la France de l'importance économique de la Russie va avoir pour conséquence une révision de la position des autres Etats, européens ou non, sur leur propre coopération économique avec notre pays. Le document proposé par la France, sous la forme d'une note analytique, permet à l'Ouest et aux Etats-Unis de se rendre compte de nos particularités.

La première d'entre elles est la nécessité en Russie d'un Etat fort car nous ne sommes encore que dans une période de transition politique et économique et c'est de plus une période post électorale. Cet élément est essentiel dans la compréhension de la politique économique russe.

La France, présidente de l'Union européenne, va permettre, par cette initiative, un meilleur dialogue. Il convient d'ailleurs de constater que généralement, lorsque de grands pays ont été à la présidence de l'Union, ils ont fait des réformes importantes. Par exemple, sous présidence allemande, l'idée de l'élargissement au Nord et à l'Est de l'Europe a été lancée. Aujourd'hui il s'agit de tracer les réformes institutionnelles nécessaires pour l'adhésion des nouveaux Etats.

En ce qui concerne les coopérations entre l'Union européenne et la Russie, il faut s'appuyer sur une normalisation des relations, notamment sur la question du Caucase. La stratégie commune entre la Russie et l'Union européenne ainsi que le partenariat stratégique vont dans ce sens. Mais parallèlement à ces avancées, le Caucase, et en particulier la question de la Tchétchénie, est toujours au centre des discussions. Cela signifie pratiquement que malgré ces nouvelles relations, la politique russe au Caucase reste un problème dans l'objectif d'une coopération renforcée avec l'Union européenne. La France qui va présider le prochain sommet Union européenne/Russie à Paris à la fin du mois joue un rôle non négligeable pour que ces limitations créées par la situation dans le Caucase soient réduites.

Je ne veux pas revenir sur les problèmes militaires et les buts de la Russie qui seraient opposés à ceux de l'Union européenne en matière de défense régionale. La question essentielle est de savoir si l'OTAN gardera ses troupes uniquement à l'Ouest ou si elle interviendra sur le territoire de la CEI. En effet, l'élargissement de l'OTAN à des pays membres de la CEI nous préoccupe.

Pour revenir à l'initiative «Védrine-Fabius» , j'espère que cela se traduira par une relation économique accrue de la France avec la Russie, en particulier sur les problèmes agroalimentaires. En effet, la France est en retard en ce domaine sur l'Allemagne et les pays scandinaves et je pense qu'une coopération serait très intéressante La présidence française de l'Union européenne me paraît un cadre favorable au renforcement de nos liens économiques.

Pour conclure, je voudrais souligner à nouveau combien nous sommes heureux que la première grande initiative française pendant sa présidence ait été de redonner à la Russie sa place comme partenaire économique privilégié de l'Union.

La Russie qui a plusieurs sortes de climats et donc plusieurs sortes d'économies entretient de plus des relations particulières, de par la géographie et l'histoire, avec l'Asie centrale et l'Extrême-Orient. La France, en se retrouvant à la tête des Etats étrangers qui ont des liens avec la Russie, ouvre de nouveaux horizons, non seulement à l'Union européenne mais aussi à notre pays. Nos provinces et nos contacts se situaient seulement à l'Est et au Sud. Avec l'initiative Védrine-Fabius, la porte sur l'Occident s'entrouvre et permet à la Russie de retrouver sa place européenne C'est pour cela que la Douma et le Ministère des affaires étrangères russe doivent soutenir la proposition française.

M. Alain Barrau, président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne L'initiative prise par M. Laurent Fabius, ministre de l'économie et des finances et M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, dans cette note sur le développement des relations économiques et commerciales entre la Russie et les pays occidentaux a un impact important et je m'en réjouis. Cela s'inscrit dans la même perspective que celle qui préside aux travaux de notre Grande Commission.

La France préside l'Union européenne depuis le 1er juillet dernier. C'est une responsabilité importante pour les deux branches de l'exécutif comme pour les deux chambres de notre Parlement. La coopération entre les institutions de la République française fonctionne bien, ce qui est capital pour la qualité des relations que nous entretenons avec nos quatorze partenaires.

La présidence française se consacre à relancer le processus de la réforme des institutions de l'Union européenne. Il s'agit de définir et d'adopter de nouveaux critères de représentation des différents membres de l'Union au sein de la Commission européenne. La pondération des voix et le statut des petits pays constituent les enjeux clés de nos négociations.

La Commission européenne doit-elle accroître le nombre de ses membres à chaque entrée de nouveaux pays au sein de l'Union ? Doit-elle limiter le nombre total de ses commissaires ? Chaque pays membre de l'Union européenne doit-il être systématiquement représenté au sein de la Commission ?

Actuellement, selon les sujets abordés, les décisions européennes sont prises à la majorité simple ou à la majorité qualifiée. Est-il possible de faire évoluer la composition de la liste des sujets traités à la majorité simple ? Nous envisageons, par ailleurs, depuis le sommet de Lisbonne, de recourir plus fréquemment à la coopération renforcée. Cela consiste en la possibilité offerte à quelques pays de coopérer de manière plus avancée sans que tous les membres de l'Union européenne adhèrent à un même projet. Ainsi par exemple, l'euro ne concerne que 11 des 15 membres de l'Union européenne. Cependant, cela ne nuit en rien au bon fonctionnement du conseil des ministres européens des finances. Quant aux accords de Schengen, ils représentent une autre dimension de la coopération renforcée. Celle-ci concerne à la fois des pays membres de l'Union et d'autres Etats qui n'en sont pas membres. J'ajoute qu'en aucun cas la coopération renforcée ne doit être vécue de manière négative. Ce sujet constituera l'un des deux thèmes majeurs du prochain Conseil européen de Nice qui, après Biarritz, interviendra en clôture de la présidence française de l'Union européenne.

Le second point à l'ordre du jour du Conseil européen de Nice sera "l'Europe des citoyens". En effet, en parallèle à l'Europe économique et monétaire, il s'agit de privilégier d'autres perspectives communes qui susciteront également l'adhésion des nouveaux membres. Ainsi à Nice nous espérons que l'Europe sera en mesure de consacrer plus de moyens à la lutte contre le chômage, d'établir un agenda social, de mieux définir la sécurité alimentaire, de lutter efficacement contre le dopage et d'intervenir de manière positive sur la vie quotidienne des citoyens européens par l'intermédiaire d'une meilleure adaptation et d'une harmonisation du droit civil.

Cette attente citoyenne à l'égard de l'Europe a été parfaitement perceptible lors du traumatisme engendré par le naufrage du pétrolier Erika qui a suscité une forte demande de réactions au niveau communautaire.

La France est favorable à l'élargissement de l'Union européenne dans une perspective claire. Nous sommes en faveur de l'entrée dans l'Union européenne de nouveaux pays qui ne souhaitent pas seulement participer au marché unique, mais adhérer à une authentique perspective politique et sociale. Par ailleurs, il convient de préciser qu'en aucun cas les adhésions à l'OTAN ne conditionnent l'entrée dans l'Union européenne. Dans une perspective de paix et de stabilité, nous sommes attachés à la mise en place d'une défense certes efficace, mais nullement offensive ou agressive. Certains pays de l'Est de l'Europe se rapprochent de l'Union européenne mais sans le faire de manière négative vis-à-vis de la Russie.

Les relations entre la Russie et l'Union européenne existent depuis 1991 et la mise en place du programme TACIS. Celui-ci a été renforcé en 1994 par un accord de partenariat et de coopération et en 1999 par un accord de stratégie commune. Le bilan de ces projets est nuancé. Vous avez raison de dire que nous n'avons pas suffisamment utilisé les possibilités qu'offraient les textes de 1999. Mais il convient de préciser que cet état de fait est certainement dû à la perception négative de la question tchétchène par nos opinions publiques.

J'espère que la rencontre prévue à la fin du mois d'octobre entre le Président Poutine et le Président Chirac, au moment où la France préside aux destinées de l'Union européenne, permettra de lever les freins qui ralentissent la coopération économique et commerciale entre l'Union européenne et la Russie. A mon sens, la coopération politique n'est pas à négliger, même si elle n'est pas exclusive d'autres formes de relations.

La France et la Russie coopèrent activement sur de nombreux sujets. C'est le cas dans les Balkans où les deux pays soutiennent le choix démocratique des citoyens yougoslaves. Les discussions récentes intervenues lors de la réunion au parlement croate nous permettent, je crois, d'ouvrir de nouveaux champs de coopération dans cette région de l'Europe. J'ajoute que la Russie comme la France sont des pays qui, au cours de l'histoire, ont entretenu une authentique amitié avec la Serbie, ce qui aujourd'hui constitue un atout non négligeable.

Il est également possible d'envisager une coopération entre la Russie et la France sur le dossier du Proche-Orient. Enfin, l'initiative « Védrine-Fabius » nous anime toujours et il me semble important de faire progresser ce processus. Le prochain sommet européen de Nice en sera sûrement l'occasion.

Mme Christine Lazergesvice-présidente de l'Assemblée nationale chargée des relations internationales - Il y a plusieurs aspects intéressants dans les diverses analyses qui ont été faites. La coopération avec la Russie dans le contexte compliqué de l'Union européenne avec les préalables que sont les réformes institutionnelles est en effet une priorité de la présidence française.

Dans nos réflexions, il ne faut cependant pas oublier qu'il s'agit de construire l'Europe des citoyens et non pas l'Europe des marchés. Il faut par ailleurs comprendre que si M. Barrau a insisté sur la question de la Tchétchénie, c'est parce que ce problème ralentit la coopération de la Russie avec l'Union européenne.

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - Je voudrais souligner la profondeur de l'analyse de M. Barrau qui en tant qu'économiste a une vision intéressante de nos relations. La coopération dans cette période de présidence française de l'Union européenne est importante car la France est la première nation qui ait des rapports aussi privilégiés avec la Russie, y compris dans le domaine de la coopération financière. C'est pourquoi il est important à Nice de mettre en avant l'initiative « Védrine-Fabius » et de remettre en marche le dialogue avec les organismes russes.

M. V.S. Opekounov, membre du groupe « Patrie-Toute la Russie » Le fonctionnement de l'Union européenne présente des aspects complexes. Toutefois cette construction ressemble parfois à un édifice fragile et l'élaboration d'un consensus me semble très ardue. La relance de la coopération économique avec la Russie à l'occasion de l'initiative « Védrine-Fabius » me semble intéressante et parfaitement opportune. J'ajoute même que j'ose croire en une réalisation concrète des intentions qu'elle contient.

Je vais évoquer quelques exemples concrets de projets réalisés par l'intermédiaire du programme TACIS. Exerçant les fonctions de gouverneur- adjoint de la région de Tverskaïa, j'ai directement participé à l'activité de notre centre de soutien aux entreprises créé dans ce cadre. Nous avons déployé nos actions dans les secteurs suivants : incitation à l'activité économique locale, soutien aux entreprises, octroi de conseils aux petites et moyennes entreprises et formation du personnel. Dans la perspective d'une meilleure collaboration avec les entreprises occidentales, il s'agissait de maîtriser un nouveau savoir, parvenir à créer des entreprises mixtes et créer des infrastructures favorables au développement économique.

L'activité de notre centre de soutien aux entreprises a été développée en collaboration avec plusieurs centres européens de conseil. Différentes formes de transfert de connaissances ont été utilisées dans le cadre de projets communs avec des sociétés clientes. Ce centre a fonctionné deux ans et a fait bénéficier de son expertise de nombreuses entreprises appartenant à des secteurs d'activité variés, en matière de stratégie du développement, de marketing, de gestion, d'appréciation de la rentabilité des produits, d'accession aux standards de qualité internationaux et de maîtrise des techniques d'exportation. Ces excellents résultats ont été acquis, en partie, grâce à l'investissement du groupe français Climvest. L'implication particulière de cette société a généré trois types d'actions privilégiées : la création d'une société de conseil, une aide technique accordée à 29 sociétés et la mise en place des conditions favorables aux investisseurs étrangers.

Si globalement ces programmes sont fructueux, il convient d'en améliorer l'efficacité. Il m'apparaît important de consacrer plus de moyens à l'adaptation aux technologies nouvelles sous forme d'investissements en biens d'équipement, d'instaurer une réforme du système de gestion, planifiée sur trois ans, afin de permettre une meilleure adaptation à l'économie de marché et de redéfinir le rôle des entreprises de conseil. En effet, la demande des entreprises en la matière est en forte hausse et un véritable marché du conseil reste à créer. J'estime d'ailleurs que les spécialistes et les experts russes sont dorénavant suffisamment qualifiés. Cependant, la coopération entre l'Union européenne et la Russie demeure utile et doit se poursuivre dans d'autres domaines.

Les principaux problèmes résident dans le caractère vétuste des équipements. Cela implique donc la mise en place de programmes d'investissement. L'intervention d'experts européens dans le domaine de la planification stratégique s'avère toujours nécessaire. Par ailleurs, peu de programmes atteignent complètement leurs objectifs. Le fait que les experts et les consultants européens séjournent trop peu de temps en Russie amoindrit l'efficacité de leurs actions et ne permet pas à leurs collègues russes de maîtriser suffisamment leurs nouvelles connaissances.

Il me semble indispensable que les sociétés qui gèrent des projets occidentaux s'associent plus pleinement avec les sociétés russes. Je considère qu'il faut laisser plus de temps aux jeunes sociétés russes lors de la phase d'acquisition de leur autonomie financière. C'est pourquoi je déplore qu'il n'ait pas été lancé un nombre plus élevé d'appels aux investisseurs étrangers lors de la mise en place des différents programmes TACIS.

Il me semble également important de pratiquer une politique de concertation avec la Douma d'Etat et avec d'autres organismes officiels avant le lancement de projets et de programmes économiques. Ainsi, la coordination de l'ensemble des concours prodigués à la Russie atteindrait une meilleure efficacité. Je rappelle que souvent les moyens affectés par l'Union européenne sont des fonds publics européens. La Douma doit exercer un double rôle de coordination des projets et de contrôle de l'utilisation des moyens financiers déployés sur le territoire russe.

Pour conclure, j'espère que notre séance de travail contribuera au renforcement et à la prolongation de cette coopération.

Mme Christine Lazerges, vice-présidente de l'Assemblée nationale chargée des relations internationales - Je retiens de cette intervention que le bilan de la coopération économique entre l'Union européenne et la Russie n'est pas entièrement satisfaisant mais qu'elle doit cependant se poursuivre. Il apparaît également que dans une perspective de cohérence et d'efficacité, la Douma d'Etat souhaite pouvoir influer sur les choix effectués en la matière.

Mme Nicole Feidt, secrétaire du Bureau de l'Assemblée nationale Il me paraît utile de revenir sur la stratégie de l'Union européenne et sur ses objectifs concernant la Russie.

Une Russie stable, démocratique et prospère est nécessaire et pour cela la coopération doit résoudre les problèmes auxquels tout le continent est confronté. L'établissement d'une démocratie pluraliste, le maintien de la stabilité européenne et la coopération avec la Russie doivent se développer pour répondre aux défis qui se posent à notre continent.

Bien entendu, l'Union européenne souhaite continuer de partager avec votre pays la mise en place de structures sociales, administratives et politiques démocratiques. Mais le destin de la Russie appartient à la Russie qui doit définir le rôle qu'elle souhaite jouer sur le continent européen.

Des rencontres plus suivies et qui aborderaient des centres d'intérêt plus spécifiques permettraient de développer les coopérations. D'ailleurs, le terme de partenariat avec l'Union européenne est très fort. Il signifie que la coopération avec l'Europe et l'instauration d'échanges économiques vont se renforcer dans le futur.

L'Union européenne souhaite consolider les institutions en Russie, en particulier dans le domaine judiciaire. L'intégration de la Russie dans le système économique mondial étant une priorité claire, l'Union européenne soutient sa candidature à l'Organisation Mondiale du Commerce.

Afin de permettre un meilleur suivi des relations entre l'Union et la Russie, il convient une fois par an de faire le point sur les apports de chaque présidence au développement de la stratégie commune et sur les progrès accomplis. En effet la stratégie commune doit rester un partenariat, même si nos relations ne sont pas toujours un long fleuve tranquille.

Aujourd'hui, les questions qui me semblent importantes concernent l'état de vos institutions judiciaires, la formation, les droits de l'Homme et les droits de la Femme.

Les travaux de la Grande Commission peuvent accompagner ces projets. Les parlementaires de la délégation à l'Union européenne doivent à la fois soutenir les actions nécessaires à l'élargissement et parler de la stratégie commune. Dans ces lieux de discussion mais aussi de décision, il convient de favoriser la multiplication de rencontres entre les représentants de nos deux pays.

M. Jean-Bernard Raimond, vice-président de la commission des affaires étrangères et vice-président du groupe d'amitié « France-Russie » de l'Assemblée nationale Depuis la mise en place du marché commun, l'Union européenne demeure une construction ouverte. Si en 1957-58, en pleine guerre froide, dans une Europe divisée, on a reproché à cette jeune "Europe des six" d'accentuer encore la division de l'Allemagne et du continent, l'Europe s'est depuis considérablement élargie et la construction européenne demeure ouverte. En dépit de la crise de 1973-74, elle est devenue un modèle de réussite économique, tout en étant basée sur des politiques communes, et exerce un véritable pouvoir d'attraction. C'est pourquoi, dans ce contexte d'ouverture, les pays de l'Est de notre continent choisissent d'adhérer à l'Union européenne, et pas seulement d'accéder à un libre marché économique.

Je considère que nous avons commis l'erreur de ne pas réformer les institutions européennes en 1995 lors de l'élargissement de l'Union à l'Autriche, la Finlande et la Suède.

A chaque élargissement de l'Union européenne, le problème des frontières et des voisins se pose à nouveau. Cela concernera directement la Russie dans un avenir prochain.

Si aujourd'hui, la grande puissance que demeure la Russie ne peut entrer dans l'Union européenne, les rapports de l'Union européenne et de la Russie doivent être fidèles à la tradition d'ouverture qui, dès l'origine, a présidé à la construction européenne. Il est intéressant que la Russie reconnaisse les mérites de l'initiative « Védrine-Fabius », même si la coopération entre l'Union européenne et la Russie a subi un net refroidissement en raison de la situation en Tchétchénie.

Dans nos relations avec les Etats d'Europe centrale et orientale, sachez combien nous sommes obligés parfois de ralentir le processus d'adhésion, car les pays candidats doivent d'abord d'intégrer tout l'acquis communautaire à leur législation, ce qui est notamment le cas de la Pologne qui souhaiterait entrer dans l'Union européenne dès le 1er janvier 2003.

A propos de notre défense et du rôle de l'OTAN, je considère que l'Union européenne doit résoudre ces problèmes, en priorité, avec les Etats-Unis et non avec la Russie. Depuis la conférence de Saint Malo et, il faut le reconnaître, grâce aux Anglais, la défense européenne a progressé. Cependant, une question conceptuelle d'organisation demeure car nous souhaitons que l'Europe elle-même puisse intervenir, lors des crises européennes. J'ajoute que dans un univers européen homogène, les discussions avec la Russie seront plus faciles. Mais actuellement, nous sommes encore loin de cet objectif. Par exemple, en dépit d'efforts budgétaires importants, il n'existe toujours pas d'avion de transport européen.

Enfin, vous n'avez pas à être inquiets en ce qui concerne le rôle de la Russie sur la scène internationale. Certes au Proche-Orient, après avoir soutenu les pays arabes, l'URSS a perdu de son influence, à l'issue de son vote au sein du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur de l'intervention en Iraq. Mais Yasser Arafat demande aujourd'hui l'intervention de la Russie et de l'Europe (certainement évincée de la région, à la demande des Israéliens, par les Américains) dans le processus de négociations.

M. Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - Cette vision régionale des problèmes tout comme la question des droits de la Femme me semblent deux thèmes intéressants pour nos prochaines rencontres. Je crois que nous pouvons travailler parallèlement à l'initiative « Védrine-Fabius ».

Comme l'a souligné Mme Feidt, les parlementaires doivent coopérer à tous les niveaux dans les commissions en France et en Russie. Cette coopération législative est essentielle, en particulier dans le cadre de l'initiative « Védrine-Fabius ».

M. V.E. Koptev-Dvornikov, membre du groupe « Unité » Je tiens à évoquer la position française concernant les mesures anti-dumping, particulièrement négatives, sur les matières premières. Sachez combien je déplore cet état de fait, tout comme je déplore la saisie des biens russes liée aux agissements de la société Noga.

Par ailleurs, je continue à me poser la question de savoir si l'Union européenne est une organisation politique qui réunit des pays européens ou un marché commun. Dans ce dernier cas, que pensez-vous des motivations de la Pologne quant à son entrée dans l'Union européenne?

M. Alain Barrau, président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne - En premier lieu, notre position favorable à l'anti-dumping est constante. Nous la défendons au sein de l'OMC, y compris face à la volonté de certains grands pays.

En ce qui concerne l'initiative française, la déclaration fait référence à la place de l'Etat russe dans l'économie. Nous avons nous-même une économie mixte qui donne à l'Etat une place comme régulateur économique. Il est important qu'il n'y ait pas une stratégie néolibérale en Russie qui ne tienne pas compte des aspects sociaux. Pour une relance de l'économie, il est nécessaire de conforter l'appareil d'Etat et ceci tout d'abord pour permettre une meilleure application de l'initiative «Védrine-Fabius ». Mais attention, il ne s'agit pas de renationaliser mais de mieux réguler les conflits sociaux.

En deuxième lieu, sur l'ensemble des conséquences de l'affaire Noga, la France a appliqué une décision judiciaire : nous avons saisi le voilier car l'action judiciaire s'imposait à nous. Ceci est une conséquence de la coopération judiciaire en Europe. Il fallait que la France respecte ce processus même s'il impliquait des intérêts privés opposés à un Etat souverain.

En troisième lieu, il est vrai que l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne donne lieu parfois à des manifestations de mauvaise humeur quand la date prévue est reculée, mais il convient de rappeler qu'il est important que les pays candidats intègrent l'acquis communautaire afin qu'ils puissent être accueillis en 2003 dans de bonnes conditions. Ce serait dommage qu'ils rentrent dans une zone de libre-échange alors qu'ils espéraient rentrer dans l'Union. Dans une discussion avec M. Gérémek, président de la commission d'intégration en Pologne, il est apparu que le calendrier technique était différent du calendrier politique. Cela s'explique par l'existence d'une volonté politique et par la nécessité d'une intégration technique préalable de l'acquis communautaire.

Je voudrais aussi souligner que cette nouvelle union ne se fait pas contre les voisins puissants des pays candidats. L'élargissement ne signifie pas un bloc reconstruit contre la Russie. Par ailleurs il ne faut pas oublier que si nous avions tendance à craindre cet élargissement, ces pays se retourneraient vers les Etats-Unis et il y aurait une recrudescence de l'atlantisme. En effet, ces pays pourraient être tentés de se dire que si l'Union européenne ne veut pas d'eux, alors il vaut mieux mettre en place une zone de libre-échange avec les Etats-Unis. Si nous pensons que l'intérêt du monde est multipolaire, si nous nous battons au sein de l'OMC, c'est afin que l'Union soit non seulement économique mais aussi politique et pour cela il faut que son élargissement n'entraîne pas son affaiblissement.

Dans cette conception de l'Union européenne, se pose le problème des relations avec l'Ukraine, la Russie, la Moldavie ou la Croatie, si l'on réfléchit, par exemple, à l'entrée de la Slovénie. Une Union européenne claire dans ses objectifs et dans ses mesures permettra un bon partenariat avec ces pays et en particulier avec la Russie.

M. Bitcheldeï, membre du groupe « Unité » Tout d'abord, je tiens à souligner combien l'économie demeure une composante incontournable de la stratégie en matière de sécurité européenne.

Par ailleurs, membre de la délégation russe à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, je tiens à saluer la politique atypique de la France vis-à-vis de l'OTAN. Elle permet souvent d'atténuer certaines formules agressives de l'organisation à l'égard de la Russie et je tiens à exprimer ma reconnaissance aux collègues français qui nous soutiennent ainsi.

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - Les consultations actuelles que mènent le gouvernement et le ministère des affaires étrangères nous rassurent car elles vont dans le sens d'un renforcement de nos relations. C'est le cas, en particulier, pour l'initiative « Védrine-Fabius ».

Dans le cadre d'un monde multipolaire, les interventions de MM. Barrau et Raimond apparaissent comme des analyses essentielles. M. Bianco a par ailleurs eu cette année l'occasion de discuter de toutes ces questions centrales avec des élus russes.

Je pense que les députés russes ont des questions ou réflexions sur ce thème.

M. I.I. Nikitchouk, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » A l'issue de ces échanges, nous sommes éclairés sur la position constructive de la France quant à l'architecture générale de l'Europe. Je pense que nous devons soutenir cette position tant au sein de la Douma qu'au sein de l'Assemblée nationale. Cependant, à propos de la Yougoslavie et de la défaite de M. Milosevic, nous considérons que c'est au peuple yougoslave de se déterminer en faveur ou non de son parti.

Pour conclure, je me félicite de la qualité des interventions et estime nos séances de travail très constructives.

Dans la dernière partie de son intervention, M. Barrau m'a montré que je n'étais pas venu pour rien. L'idée d'une Union à la fois économique et politique doit aller dans le sens d'un soutien et d'une entraide de la France à la Russie. Le travail parlementaire doit aider à cela.

Ces éléments sont un pas important vers la paix et la stabilité en Europe, mais je ne peux passer sous silence la Yougoslavie et la position de la France.

Il me semble que sur cette question, la seule position intéressante soit de savoir qui est bon pour la Yougoslavie, M. Milosevic ou un autre. Imaginez la même situation en France pendant les élections présidentielles. Il serait inimaginable qu'une personne recompte les bulletins et fasse sortir les gens dans la rue pour se faire déclarer Président. Ce n'est pas la démocratie et nous ne sommes pas d'accord avec ce processus.

Cependant, j'aimerais dire que pour notre groupe politique, durant ces deux jours, 99% des interventions ont été constructives et que nous sommes satisfaits des travaux de la Grande Commission.

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) Je considère que pour la première fois, la Grande Commission France-Russie a procédé à un échange extrêmement franc dans tous les domaines abordés. L'intervention du Président de la République française lors du sommet du millénaire qui s'est récemment tenu aux Nations unies a rappelé l'importance de l'instauration d'un véritable partenariat avec la Russie. Je m'en félicite et espère de futurs résultats politiques concrets et majeurs.

L'évolution des Balkans

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - L'ordre du jour de cette troisième partie portera sur la situation dans les Balkans, et plus particulièrement sur le Kosovo. Je donne la parole à M. Rogozine, président de la commission des affaires étrangères.

M. D.O. Rogozine, président de la commission des Affaires étrangères de la Douma d'Etat, membre du groupe « Député du peuple » - Je voudrais parler de la situation dans les Balkans en prenant en compte la notion de sphère russe, et en remarquant que nous avons soutenu la Yougoslavie dans nos contacts avec nos collègues européens. J'aimerais présenter le point de vue serbe et expliquer notre vision de la politique occidentale vis à vis de la Serbie.

M Kostunica est perçu comme un grand patriote non seulement dans son pays mais aussi en Grèce. Cependant, malgré les changements, comment peut-il y avoir une politique occidentale en Yougoslavie après les bombardements qui ont causé des milliers de morts ? D'autant plus que la politique américaine menée en Yougoslavie dans le but de faire chuter Milosevic a conduit aussi à diminuer l'opposition.

La Yougoslavie a beaucoup perdu dans la guerre. Les raisons politiques et économiques de cette guerre sont claires : Milosevic ne plaisait pas à l'Ouest, contrairement à l'opposition, et ceci en dehors de tout concept de régime politique. L'Ouest n'a pas compris la politique yougoslave en particulier lorsque les députés ont adopté une nouvelle constitution permettant de changer le mode d'élection des parlementaires et du président.

Nous avons toujours fait face à nos collègues européens sur la question yougoslave. A Prague, début février, j'avais déjà dit qu'il fallait des observateurs pendant les élections. L'Union européenne a choisi de « recommander » au Parlement européen d'envoyer des observateurs : en fait, l'Ouest, contrairement à la Russie, n'a pas de politique réelle en Yougoslavie.

Un autre exemple de cette absence de politique est donné par le Monténégro. M. Djukanovic a été perçu comme un démocrate alors qu'il a dit que les élections sur le territoire de Monténégro n'étaient pas légales et donc ne pouvaient avoir lieu. Cependant, les gens ont voté et ont voté pour Milosevic. Aujourd'hui, M. Djukanovic dit que son groupe politique doit être représenté dans le nouveau gouvernement serbe issu des élections. Mais, par ailleurs, il aide Milosevic en prônant une indépendance du Monténégro car si cela se produisait, la Serbie resterait seule avec son Président. Kostunica dans cette affaire ressemble à un cosmonaute mis en orbite.

Il faut espérer que ce qui se passe en Yougoslavie aura des conséquences positives au Kosovo. Sinon les extrémistes, et non seulement les islamistes, mais aussi ceux qui veulent un grand Etat albanais, vaincront.

D'autres problèmes concernent les forces albanaises au Kosovo. Certains spéculent d'ailleurs sur les couleurs de leurs uniformes, « vert islam ».

En ce qui nous concerne, nous devons voir ce que nous pouvons faire au niveau du Parlement et d'une coopération avec la France. L'Assemblée nationale a montré que la région des Balkans avait un grand intérêt pour la France.

En premier lieu, il faut abolir les sanctions contre la Yougoslavie et non seulement les sanctions économiques mais aussi les sanctions politiques car certains hommes politiques serbes réélus dans le nouveau parlement figurent sur une liste noire : il faudra traiter ce problème au cas par cas.

En second lieu, dans la situation politique actuelle, Kostunica est censé envoyer à court terme Milosevic à La Haye. Mais dans ce cas, ce serait la fin du processus de pacification de la vie politique engagé en Yougoslavie. Milosevic reste une force politique d'opposition dans les Balkans. Soit le président reste, soit on l'élimine, mais la solution paraît difficile à trouver car le danger réside dans une marginalisation de Milosevic. D'autant plus que l'opposition serbe est opposée à cette décision car elle considère que seuls les Serbes doivent juger l'ancien Président.

En troisième lieu, sur la question du Monténégro, nous pensons qu'il faut montrer à Djukanovic que dans la situation actuelle, en faisant exploser la Yougoslavie, il peut faire éclater une guerre. Et l'Europe n'est pas prête à participer à ce conflit. Si Djukanovic insiste sur cette voie de l'indépendance, la violence augmentera et menacera l'équilibre dans la région. Donc notre soutien à l'intégrité de la République de Yougoslavie doit être confirmé.

En ce qui concerne le Kosovo, nous devons aller sur place. Quand je dis nous, je parle de la France, de l'Allemagne et de la Russie. La France, il est vrai, a fait un grand travail dans les Balkans mais la Russie a lancé un débat et aujourd'hui, nous élargissons nos discussions aux parlementaires italiens et britanniques.

En dernier lieu, un accord sur le problème de la résolution 1244 de l'ONU et son application est devenu nécessaire. Il est probable en effet que les Serbes ne participeront pas aux élections locales au Kosovo pour protester contre les expulsions et l'épuration ethnique dont ils ont aussi été victimes. Nous proposons donc la création d'une commission mixte à Pristina qui pourrait rencontrer les représentants des groupes ethniques pour permettre une clarification avant les élections.

Pour conclure, je pense qu'il faut poursuivre les contacts et faire des visites à Belgrade. Ceci permettra de prendre des décisions précises sur la situation dans les Balkans. Après être restés inactifs, nous devons agir de manière politique. J'ai conscience que je présente une position très différente de la vôtre, mais une vision plus équilibrée de la politique à mener en Yougoslavie est notre unique chance de nous faire entendre dans cette confrontation entre Kostunica et Milosevic.

M. Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) Je me félicite de ce projet de mission tripartite avec nos collègues français et allemands dans les Balkans.

M. René André, vice-président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale J'ai été très attentif à l'intervention précédente qui certes reflète la position serbe mais n'est pas forcément très éloignée de nos positions. L'éviction de Milosevic a changé profondément les données dans cette région de l'Europe. Vous avez indiqué que les bombardements de l'OTAN avaient renforcé Milosevic et affaibli l'opposition yougoslave. Je dois convenir que c'est un point de vue qui est parfois partagé en France. A l'époque, nous ne pouvions pas ne pas tenir compte du poids de notre opinion publique. Les actions des forces de police de Milosevic et la façon dont étaient traitées les populations albanophones du Kosovo nous imposaient une réaction immédiate et forte.

Les sanctions, découlant principalement de l'embargo économique, ont eu des conséquences à la fois positives et négatives. L'opposition n'en a certes pas été renforcée mais on ne peut prétendre sérieusement qu'elle soit demeurée sans influence. La pression de l'Union européenne, et l'annonce que les sanctions européennes seraient levées dès l'éviction de Milosevic par le peuple yougoslave, n'ont pas été sans conséquence sur les élections présidentielles en RFY.

A titre personnel, je considère que l'annonce de la future traduction de Milosevic devant le TPI n'a pas simplifié la situation. Toutefois, il nous était impossible d'avoir la moindre relation avec l'ancien président yougoslave. J'ajoute que le gouvernement yougoslave se serait grandi en acceptant la présence d'observateurs européens lors du dernier scrutin. Aujourd'hui je me réjouis de la position de l'Union européenne sur la levée de l'embargo, le président de la Commission européenne venant d'annoncer à Biarritz le déblocage d'une aide de 200 millions d'euros à l'intention de la Yougoslavie.

A propos du Monténégro, j'estime que c'est l'intransigeance de Milosevic qui a poussé M. Djukanovic à soutenir une position en faveur de la sécession d'avec la RFY. Après le changement qui vient d'intervenir à Belgrade, un aménagement des institutions dans la perspective d'une autonomie plus grande me semble devoir être une solution réaliste.

Concernant le Kosovo, on peut supposer que les Serbes ne participeront pas aux prochaines élections. Cependant, un certain débat est possible entre l'UCK et les partisans de M. Rugova. On peut considérer que pour la partie albanophone, les élections atteindront un niveau démocratique convenable.

L'éviction de Milosevic change aussi la donne au Kosovo. En effet, personne ne peut prétendre que les Serbes sont majoritaires au Kosovo. Vouloir revenir au "statu quo ante" relève d'une vue de l'esprit. Si c'est le cas, nous serons confrontés à une situation conflictuelle permanente. J'estime cependant qu'il y a une marge entre ces deux extrémités.

Les Russes et les Français doivent donc tout faire pour que les Serbes soient respectés au Kosovo. L'intégrité des personnes physiques, les monuments et les lieux de culte doivent être également respectés, sans qu'il soit nécessaire d'installer des mesures de protection militaire. Le maintien d'une force internationale et le retour sans condition des Serbes constituent par ailleurs des facteurs incontournables pour le maintien du Kosovo au sein de la fédération yougoslave. Toutefois pour des raisons démographiques évidentes, il faut qu'à l'intérieur de la RFY soit reconnue une large autonomie au Kosovo. C'est, à mon avis, le seul moyen de parvenir à un équilibre dans cette région.

Dans la situation actuelle, l'abandon des sanctions économiques doit favoriser ce qui demeure la priorité pour la France : le rétablissement de la démocratie. Toutefois, l'éventuelle dissolution du TPI évoquée par nos collègues russes lors des précédentes interventions me semble inenvisageable. En effet, il est impossible de faire l'impasse sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité qui ont été commis de manière avérée sur le territoire de la RFY.

Sachons que, pour M. Kostunica, la priorité n'est pas d'éliminer Milosevic mais aussi d'évincer les personnes de son entourage proche qui l'ont soutenu au cours des dernières années.

Dès lors que Milosevic n'est plus au pouvoir, je considère que le problème de la sécession du Monténégro n'est plus d'actualité. Je suis par ailleurs favorable à un retour des réfugiés serbes au Kosovo. Cependant, gardons-nous de toute précipitation en la matière, car un retour trop rapide risque de constituer un facteur aggravant d'une situation déjà suffisamment délicate. J'ajoute que la présence de prisonniers albanophones en Serbie et le traitement qui leur est réservé constituent un problème et qu'il conviendra de prévoir leur retour au Kosovo.

J'approuve le projet de mission parlementaire tripartite en RFY, mais je considère inopportun dans l'immédiat d'ajouter la Bosnie-Herzégovine à nos interventions prochaines.

Rappelons-nous que la France et la Russie sont parties prenantes du Pacte de stabilité dans les Balkans et que dans la perspective d'une véritable construction européenne, la coopération entre la Russie et la France est incontournable et cela même dans l'intérêt des Balkans.

M Ryjkov, ancien Premier ministre, député indépendant - Personnellement, je souhaiterais que nos visions soient plus unanimes sur le Kosovo.

D'un point de vue général, la Yougoslavie apparaît comme la tragédie de la fin du 20ème siècle car en 10 ans un pays a été débité en morceaux. Il me semble que cette instabilité qui s'est développée au c_ur de l'Europe a conduit les gens à analyser la situation de façon négative.

Les Occidentaux sont opposés à notre point de vue mais en tant que président de la commission de concours à la Yougoslavie, je trouve que la situation est tragique et je m'appuie sur les documents dont nous disposons et sur ce que j'ai pu observer lorsque je suis allé au Kosovo.

Lorsque l'opération contre la Yougoslavie a commencé, il fallait prévenir l'épuration qui s'est produite quand les forces armées sont entrées au Kosovo. 1000 personnes ont été tuées, et il y a eu 300000 réfugiés. Aujourd'hui, le Kosovo a un caractère monoethnique. Mais il faut défendre les Serbes qui sont restés car dans cette région se trouve le berceau de leur nation. C'est une tragédie que les agressions contre la minorité serbe se produisent alors que les forces de paix sont présentes.

Sur la question d'un soutien à Milosevic, la situation est toujours compliquée. En ce qui concerne le tribunal de La Haye, je ne lui accorde pas ma confiance. Soit il faut le dissoudre sur le champ, soit le tribunal doit fonctionner de façon réaliste. Surtout quand je pense aux 800 personnes qui travaillent dans ce tribunal uniquement pour juger Milosevic !

La dernière Douma élue a présenté un grand dossier qui a été remis à Mme Del Ponte. Jusqu'à maintenant, le tribunal n'a donné aucune suite si ce n'est une réponse diplomatique. Alors pourquoi ce tribunal tient-il tellement à ce que Kostunica lui envoie Milosevic ? Je voudrais remettre ce document à M. Bianco pour que vous puissiez avoir un avis objectif sur cette question.

Par ailleurs, l'Ouest a dit que les dirigeants de la Yougoslavie étaient très mauvais. Dans le monde actuel, comme il est facile de jouer sur les images ! Les mass media, le monde ont vu que les Yougoslaves étaient mauvais et que les Albanais mouraient. Et bien évidemment, ces images ont justifié l'agression.

Ce qui peut paraître étonnant, c'est que le Kosovo, partie intégrante de la Yougoslavie, soit aujourd'hui séparé de la Serbie. Les ressources vitales n'arrivent pas, mais le peuple surmonte cet état de fait tout en reconnaissant que la situation a empiré avec l'arrivée des forces étrangères. En effet, le pouvoir est contrôlé par la mafia et gère uniquement les affaires de trafic. Les nouvelles structures mises en place ne font que reprendre les erreurs des anciennes.

M. Rugova ne peut ignorer le fait que la majorité albanaise est aussi due à la présence de personnes venues d'Albanie. L'existence d'un pouvoir albanais rend donc les élections impossibles. La situation est telle que d'ici un an, selon moi le Kosovo se déclarera indépendant ou qu'alors se créera la grande Albanie. Vous voyez comme le décalage politique entre l'Est et l'Ouest est important.

Quant à Bernard Kouchner et à la mission de l'ONU qu'il dirige, il est clair qu'il ne respecte pas bien la résolution 1244. En effet, il a mis en place une nouvelle monnaie alors que le Kosovo fait partie de la Yougoslavie. Parfois même, certains parlent de citoyenneté « kosovare ». Tout cela nous inquiète, car il s'agit des attributs d'un Etat. Si le Kosovo est un nouvel Etat, toute intervention devrait nécessiter une autorisation préalable. Mais les leaders de l'Ouest n'ont rien demandé. De plus, la création de bases américaines serait prévue. Mais qui en a donné l'autorisation ? M. Kouchner ? Nous nous demandons donc à quel pouvoir obéit Bernard Kouchner : est-ce à la France ?

Je pense que nous devons faire un effort sur le Kosovo. Nous espérons que l'ONU, en particulier le Conseil de Sécurité, va faire le point sur les forces présentes au Kosovo, la situation réelle sur le terrain et la politique à mener. Je pense que notre mission est de dire à l'ONU de faire une analyse objective car c'est à cette condition que nous obtiendrons des succès sur le terrain.

Pour conclure, je voudrais revenir sur l'utilisation qui est faite par l'Occident du terme « démocratie ». La démocratie est un grand mot. Il faut donc l'apprécier et ne pas l'utiliser à tort et à travers. Sinon ce mot finira par refléter une notion sans substance. Vous avez dit « si Milosevic reste, l'embargo s'accentuera, s'il part, l'embargo sera levé ». Parce que le peuple a voté, tout en ayant à l'esprit cet élément que vous avez annoncé, alors c'est pour vous la démocratie.

Reportons-nous quelques années auparavant et imaginons que l'URSS ait « recommandé » à la France de voter d'une certaine façon. Cela aurait entraîné un scandale. Pour cela, ce terme de démocratie n'est peut être pas si approprié. Je n'insisterai pas davantage sur le comportement des Etats-Unis et de l'OTAN dans cette affaire. Cependant je dois dire qu'aucun mot agréable ne me vient à l'esprit.

M. Jean-Bernard Raimond, vice-président de la commission des affaires étrangères et vice-président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale M. Rogozine que nous avons rencontré il y a quelques mois déjà, nous avait à cette occasion précisé que la Russie ne soutenait pas Milosevic. Cela s'avère exact aujourd'hui.

Je vais, dans un premier temps, développer les points avec lesquels je suis en accord dans le discours de notre collègue Rogozine, tout en soulignant que je me situe en total désaccord avec les propos tenus par M. Ryjkov que j'avais connu lorsqu'il était Premier ministre du Président Gorbatchev.

A propos des activités du TPI, je soutiens la position qui consiste à ne jamais acculer un adversaire lorsqu'il est perdant. Je m'inspire de la crise des fusées à Cuba où le Président Kennedy a eu la sagesse de laisser une porte de sortie au Président Khrouchtchev. Ainsi, je donne raison à M. Kostunica quand il annonce qu'il ne livrera pas Milosevic au Tribunal Pénal International, et que ce n'est pas pour lui une priorité.

Concernant les sanctions, j'approuve M. Rogozine lorsqu'il réclame l'application de la résolution 1244 des Nations unies. En effet, je ne suis pas en faveur des sanctions qui pèsent sur le peuple et sur l'économie yougoslave.

La situation actuelle est très mouvante, donc difficile à analyser. Il est incontestable qu'un événement considérable vient de se produire en Yougoslavie. En dépit du refus des autorités d'accorder des visas aux observateurs européens, l'élection présidentielle s'est déroulée de manière démocratique. M. Ryjkov a bien fait de souligner que c'est le peuple yougoslave qui a dit non à Milosevic. Je le répète, en dépit des difficultés qui subsistent, tout a changé.

A propos de l'intervention occidentale au Kosovo, tout cela paraît incompréhensible. Cependant, il faut remonter à l'année 1989. En effet, la chute du mur de Berlin n'a été possible qu'avec l'accord de l'URSS. La conséquence de cet événement a été la libération de l'Europe centrale et orientale. Paradoxalement, c'est en 1989 que Milosevic a décidé de supprimer à l'intérieur de la fédération yougoslave l'autonomie dont jouissaient le Kosovo et la Voïvodine. Puis, de juin à décembre 1991, Milosevic a été en grande partie responsable de la guerre qui a opposé la Serbie et la Croatie. Conflit qui, je le rappelle, s'est déroulé sans aucune intervention internationale sur le terrain. Jusqu'en 1995, Milosevic a été le vecteur déterminant dans la déstabilisation de la Bosnie Herzégovine. A cette occasion, l'intervention des Nations unies, d'abord faible, s'est concrétisée, à la suite de la volonté de Jacques Chirac et de l'OTAN, par la présence de la SFOR, ce qui a abouti à la signature des accords de Dayton. Je rappelle d'ailleurs qu'en Bosnie- Herzégovine un contingent russe est présent sur le terrain, en secteur américain, sous les ordres de l'OTAN. Milosevic a donc entre 1989 et 1995 pratiqué une politique « stalinienne ». J'emploierai ici une formule provocante, car je considère qu'il est le déshonneur du post-communisme.

J'ai personnellement pris position en faveur de l'intervention au Kosovo. La Russie, quant à elle, était opposée à ce projet. Mais j'ai toujours considéré qu'elle ne soutenait pas la position de Milosevic et qu'elle aurait une position modératrice dans cette région. Je suis heureux de constater aujourd'hui la justesse de mon analyse, et me réjouis que les élections démocratiques aient mis fin au règne d'un dirigeant dont la présence au pouvoir était unanimement condamnée.

Concernant M. Bernard Kouchner qui n'appartient pas à mon parti mais que je considère comme un ami, je précise qu'il n'est pas le commandant de la KFOR dans laquelle, je le rappelle, sont incorporés les soldats russes. Il est le Représentant de l'ONU et, dans une situation aussi complexe, les Nations unies sont souvent en situation de faiblesse.

A Belgrade, la situation est mouvante. M. Kostunica est certes un nationaliste serbe, c'est d'ailleurs ce qui lui a permis d'être élu, mais c'est une personne qui aujourd'hui incarne la fin du communisme en Yougoslavie.

Il faudra du temps pour stabiliser la situation dans cette région des Balkans. Avec des dirigeants raisonnables, à l'avenir, nous ne serons plus confrontés à cette poudrière de l'Europe. Dans cette perspective, la Russie est appelée à jouer un grand rôle comme elle le fait depuis des années. M. Ryjkov a eu raison d'affirmer que le Kosovo avait été détruit en dix ans, mais il l'a effectivement été par Milosevic.

L'initiative d'une mission parlementaire tripartie franco-germano-russe en Yougoslavie est intéressante mais je considère qu'il faut laisser s'écouler un peu de temps afin d'analyser correctement cette nouvelle situation.

M. Ryjkov, ancien Premier ministre, député indépendant - A l'issue de mon intervention peut-être un peu brutale, je vous remercie pour votre approche constructive. Je pense toutefois qu'il faut nous parler franchement afin de parvenir à la meilleure solution pour l'établissement de la paix en Europe.

Il est tout à fait normal que les points de vue soient différents. Notre rôle de parlementaires est d'essayer de trouver un consensus optimal.

M. Makhatchev, membre du groupe « Député du peuple » - Notre rencontre est utile et fructueuse.

En ce qui concerne la Yougoslavie, je pense que ce n'était pas la peine de bombarder un pays pour la seule raison que son président posait problème : d'autres moyens existent pour éliminer un homme gênant.

Aujourd'hui la situation au Kosovo et en Palestine est analogue. Si la dimension religieuse l'emporte, ce sera une tragédie. Je voudrais vous citer une phrase du Coran qui dit que la fin du monde aura pour origine la dimension religieuse. Nous devons garder cela à l'esprit.

M. Loïc Bouvard, vice-président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale  - Je ne suis d'accord ni avec M. Ryjkov ni avec M. Rogozine ni avec M. André. Mais il est bon qu'il y ait des avis différents. Jean-Bernard Raimond, quant à lui, a dépassé le problème du Kosovo pour l'intégrer dans la question plus large des Balkans.

Je voudrais revenir sur deux ou trois points. L'intervention armée, tout d'abord, n'était pas une intervention américaine mais occidentale et la France en a été partenaire. En second lieu, j'ai personnellement regretté qu'à Rambouillet, la Russie n'ait pas été présente, alors que beaucoup a ensuite été demandé à M.  Primakov.

Fallait-il laisser Milosevic finir l'épuration ethnique ? Vous semblez oublier que les problèmes ont résulté de la suppression de l'autonomie du Kosovo par Milosevic. En outre, il est faux de dire que l'intervention armée a augmenté le nombre de réfugiés, car c'est la politique de Milosevic, d'un nationalisme exacerbé -religieux, comme au Moyen Orient- qui en est responsable. Le contexte de l'intervention est plus large que celui d'une intervention contre les dirigeants de la Serbie. Il ne faut pas oublier que la politique de Milosevic a entraîné 200.000 morts, et notamment à Srebenica, en Bosnie.

Le Monténégro a droit à l'indépendance en tant qu'ex-république fédérée de la Yougoslavie. En effet, sur les six républiques de l'ex-Yougoslavie, cinq ont choisi l'indépendance. Pour l'instant, cela n'a pas été le cas du Monténégro, mais il peut le faire. Personne ne peut s'y opposer. M. Kostunica a d'ailleurs dit qu'il y aurait un référendum. De plus, force est de constater que cette fédération est bancale : plus de 8 millions de serbes, 600.000 monténégrins avec l'obligation de nommer un premier ministre monténégrin. Cela ne m'étonnerait donc pas que le Monténégro devienne indépendant. Mais il conviendra alors de régler la question de l'accès à la mer de la Serbie.

Sur la question du Kosovo , il faut se rendre sur place à Pristina et à Mitrovica pour comprendre. D'une part, les Albanais n'accepteront jamais d'être sous leadership serbe. D'autre part, les Serbes sont malheureusement contraints à l'exil. Il faut en effet, près de Mitrovica, pour garder 200 Serbes, 40 soldats et un tank. C'est la réalité sur le terrain. L'indépendance du Kosovo est peut- être en point de mire, malgré l'avis contraire des grandes puissances.

Pour conclure, je voudrais dire que la Serbie peut intégrer l'Union européenne : les principes, les normes à suivre vont être explicitées. Mais revenir à la non ingérence est impossible car tout ce qui touche aux droits de l'Homme nous interpelle partout dans le monde. Le tribunal de La Haye a son importance. Certes, il ne faut pas gêner l'opposition mais toute personne qui a commis des crimes contre l'humanité est contrainte de se soumettre au droit international. C'est la même chose en Géorgie avec l'Abkhazie ou en Moldavie avec la Transdniestrie.

Je tiens enfin à vous faire savoir que je respecte l'avis de chacun de nos collègues même si je ne suis pas d'accord avec eux.

M Baguichaev, membre du groupe « Patrie-Toute la Russie » - Tout d'abord, j'estime qu'il est préférable de nous exprimer de façon franche, voire brutale, car les leaders politiques et les partis représentent le peuple.

Il faut considérer avec attention la situation en Yougoslavie, car le c_ur de l'Europe est plus proche de nous que des Etats-Unis qui sont, pour cette raison, peu fondés à intervenir sur le continent européen. Malheureusement, en Yougoslavie, se sont focalisées toutes les contradictions ethniques. Je considère que le Monténégro a le droit de revendiquer sa liberté mais que le moment ne semble pas s'y prêter. L'indépendance du Monténégro ne doit pas se faire sous la protection des armes des forces de paix présentes actuellement en ex-Yougoslavie. Dans une situation stabilisée, il sera temps d'envisager cette possibilité.

M. N.V. Kolomeïtsev, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » - Méfions-nous de la diplomatie des canons car elle entraîne souvent un grand risque de conflit mondial. Cependant, je tiens à souligner que Milosevic n'est pas resté au pouvoir grâce aux canons.

M. I.I. Nikitchouk, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie » - Dans les Balkans, la pratique de la séparation ethnique constitue une grave menace qui risque d'entraîner le chaos jusqu'au coeur du territoire français ou européen. Il s'agit ici d'évoquer le problème basque ou le problème irlandais. Je comprends que la France n'est pas un pays homogène. Il faut donc éviter de soutenir « l'incompatibilité entre les peuples ». Pourquoi la situation en Abkhazie serait-elle plus acceptable que celle qui préside au Kosovo ? Peut-être parce que M. Chevarnadze répond à certains critères occidentaux et souhaite adhérer à l'OTAN. Je répète que l'OTAN a pénétré facilement en Yougoslavie mais se doit de quitter ce pays en le laissant en bon état. Je considère qu'il faut réfléchir avant d'intervenir dans de telles conditions.

M. Jean-Louis Bianco, président du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie - Je précise à nos amis russes que contrairement à ce que certains avancent, la politique de la France n'est ni pro-albanaise ni pro-serbe. Elle s'appuie sur des principes. Cependant, il existe des amitiés en matière de relations internationales et je vous rappellerai la déclaration de M. Kostunica qui a simplement demandé à ses amis : « Ne soyez pas plus Serbes que les Serbes ».

Au Kosovo, nous sommes confrontés à un problème identitaire. Deux peuples doivent vivre sur une même terre. C'est une problématique identique à celle qui existe au Moyen-Orient entre Israël et la Palestine. Le problème identitaire du Kosovo remonte à la bataille du « Champ des merles » et je tiens à vous rappeler qu'aux côtés des Serbes, pour faire face aux Turcs, il y avait déjà des princes albanais.

Depuis 1989, l'ex-Yougoslavie, stabilisée sous Tito, connaît un processus de violence et de répression serbes initié par Milosevic.

J'espère que les historiens se pencheront très attentivement sur ce qui s'est passé à la Conférence de Rambouillet. J'ai la conviction que la France et la Grande-Bretagne ont tout fait pour que la Russie soit associée aux négociations. Je crois que l'objectif de la France était de parvenir à une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies plutôt qu'à une intervention de l'OTAN.

Je pense qu'il convient de fonder notre action sur la résolution 1244 des Nations Unies. Cela doit constituer notre seule loi commune. Charge à nous de la faire appliquer ou, éventuellement, de la changer. Cependant, aucune solution dans cette région du monde n'est simple. Trois options se présentent aux populations : la vie ensemble, la partition qui risque d'entraîner des drames épouvantables ou la cantonalisation qui a déjà été expérimentée ailleurs en ex-Yougoslavie avec peu de succès.

Je ne conteste pas le droit à l'indépendance du Monténégro. Mais je pense que le moment n'est pas opportun, pour des raisons politiques, de rendre plus complexe l'arrivée au pouvoir des nouveaux dirigeants de Belgrade.

La mission parlementaire commune que nous envisageons m'apparaît plus nécessaire que jamais. Il me semble que nous atteignons un niveau de confiance suffisant pour travailler efficacement ensemble. Nous devons contribuer à trouver une solution dans l'intérêt de la population du Kosovo, de la Yougoslavie et de la paix en Europe. Je propose que les parlementaires allemands, russes et français se rencontrent les 4 et 5 décembre prochains afin de définir les axes de notre mission. Il s'agit d'être présents sur le terrain pour évaluer la situation tant à Belgrade qu'à Pristina. Entreprenons cette action dès lors que les élections législatives auront conforté la démocratie en Serbie.

Relations interparlementaires

M Léonide Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR) - A la fin des travaux de la VIème session de la Grande Commission parlementaire France-Russie, je me réjouis du renforcement constant de nos liens depuis neuf ans.

La coopération franco-russe moderne remonte à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle a été voulue par le Général de Gaulle et confortée, depuis, par tous les présidents français et russes. Les partenaires que sont la France et la Russie ont grandement contribué à l'instauration de la stabilité européenne.

Les parlementaires que nous sommes disposent maintenant de toutes les possibilités pour approfondir les relations entre nos deux parlements et d'une manière plus large, entre nos deux pays. Dans cette perspective, la venue prochaine du Président Poutine à Paris sera très importante.

Nous devons développer plusieurs coopérations car aujourd'hui de nouveaux problèmes se posent, tel que le blanchiment d'argent sale et les solutions à apporter pour résoudre les situations d'urgence.

Dans la nouvelle Douma, le groupe d'amitié Russie-France compte plus de 100 membres ce qui montre l'intérêt de nos relations. Je vous annonce d'ailleurs que ce groupe et M.  Seleznev vont prochainement rencontrer des représentants du MEDEF.

Mme Christine Lazerges, vice-présidente de l'Assemblée nationale chargée des relations internationales - Je tiens à souligner le caractère particulier des liens entre l'Assemblée Nationale et la Douma qui se déroulent à plusieurs niveaux administratifs et politiques. L'Assemblée nationale a accompagné la démocratisation en Russie avec joie. La Grande Commission interparlementaire franco-russe a donné lieu à des contacts de grande qualité depuis plusieurs années.

Le groupe d'amitié France-Russie, particulièrement actif, garde en mémoire toutes ces relations.

La coopération administrative se met quant à elle en place par le biais de l'ingéniérie parlementaire.

Dans l'avenir, d'autres thèmes pourront être abordés. La coopération policière est l'un d'entre eux. La procédure parlementaire et l'élaboration de la loi pourraient également faire l'objet d'une coopération avec la commission des lois. Celle-ci pourrait confronter avec son homologue russe son mode de travail, et traiter du rôle des auditions, de la procédure des amendements ou de l'élargissement du pouvoir législatif.

Nos thèmes de travail pourraient enfin être élargis à des questions de société comme l'éducation, la famille voire la parité et la place des femmes dans la vie publique.

ANNEXE
Liste des participants 
à la sixième session de la grande commission parlementaire France-Russie

Parlementaires français

M. Raymond FORNI, Président de l'Assemblée nationale

M. Jean-Louis BIANCO, président du groupe d'amitié « France-Russie » de l'Assemblée nationale, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (S)

M. René ANDRE, vice-président du groupe d'amitié « France-Russie » (RPR)

M. Alain BARRAU, président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (S)

M. Loïc BOUVARD, vice-président du groupe d'amitié France-Russie (UDF)

M. Nicole FEIDT, secrétaire du Bureau de l'Assemblée nationale (S)

M. Robert HONDE, membre de la commission de la production et des échanges (RCV)

Mme Christine LAZERGES, vice-présidente de l'Assemblée nationale chargée des relations internationales (S)

M. Jean-Bernard RAIMOND, vice-président de la commission des affaires étrangères et vice-président du groupe d'amitié « France-Russie » (RPR)

Parlementaires russes

M. Guennadi N. SELEZNEV, Président de la Douma d'Etat

M. Léonide SLOUTSKI, président du groupe d'amitié « Russie-France » de la Douma d'Etat, président-délégué de la Grande Commission parlementaire France-Russie (LDPR)

M. A.G. ARBATOV, vice-président de la commission de la Défense de la Douma d'Etat, membre du groupe « Iabloko »

M. Z.A. BAGUICHAEV, membre du groupe « Patrie-Toute la Russie »

M. K.O. BITCHELDEÏ, membre du groupe « Unité »

M. A.M. CHELEKHOV, membre du groupe « Unité »

M. N.V. KOLOMEÏTSEV, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie »

M. V. E. KOPTEV-DVORNIKOV, membre du groupe « Unité »

M. G. N. MAKHATCHEV, membre du groupe « Député du peuple »

M. I.I. NIKITCHOUK, membre du groupe « Parti communiste de la Fédération de Russie »

M. V.S. OPEKOUNOV, membre du groupe « Patrie-Toute la Russie »

M. D.O. ROGOZINE, président de la commission des Affaires étrangoères de la Douma d'Etat, membre du groupe « Député du peuple »

M. N.I. RYJKOV, ancien Premier ministre, député indépendant

M. G.Y. SEMIGUINE, membre du « Groupe agraire »

Mme F.G. ZIATDINOVA, membre du groupe « Régions de Russie »

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Rapport sur la sixième session de la Grande Commission parlementaire France-Russie (Octobre 2000 - Moscou).