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Compte rendu de réunion
3 mai 2023
Présents :
- M. Stéphane Rambaud, député du Var, Président du groupe d’amitié avec la Gambie
- M. Sofian Tber, Rédacteur Sénégal, Gambie, Cap-Vert au sein de la Sous-direction d’Afrique occidentale
- M. Philippe Sagot, Conseiller, secrétaire administratif du groupe d’amitié avec la Gambie
M. Sofian Tber a tout d’abord brièvement rappelé l’histoire de la Gambie.
En 1455, les Portugais installent des comptoirs le long du fleuve Gambie à partir desquels ils organisent la traite négrière. Le Portugal vend ses droits sur ces territoires au Royaume-Uni en 1588.
En 1723, la Compagnie britannique d'Afrique acquiert une série de terres autour du fleuve Gambie et les Britanniques s'établissent en Gambie lors de la « capture » du Sénégal en 1758. Les Français et les Anglais se disputent longuement le territoire. Le traité de Versailles de 1783 attribue la Gambie au Royaume-Uni.
La Gambie acquiert son indépendance le 18 février 1965 en qualité de royaume du Commonwealth. Un référendum sur le passage à une république est organisé dès le mois de novembre 1965, sans succès, et la Gambie reste une monarchie dans les premières années de son indépendance.
Le 24 avril 1970, à la suite d'un second référendum, la Gambie devient une république au sein du Commonwealth. Le Premier ministre Dawda Jawara assure les postes de président ainsi que de ministre des Affaires étrangères.
Le président Dawda Jawara est réélu cinq fois de suite. Le 29 juillet 1981, pendant que le président Jawara est en visite à Londres, a lieu une tentative de coup d'État. Le président Jawara demanda immédiatement l'aide militaire du Sénégal qui déploie 400 hommes de troupe en Gambie le 31 juillet. Le 6 août, quelque 2 700 soldats sénégalais sont déployés et vainquent les forces rebelles. Entre 500 et 800 personnes sont tuées lors de ce coup d'État.
De 1982 à 1989, la Gambie est unie au Sénégal dans une éphémère confédération de Sénégambie.
En 1994, les Armed Forces Provisional Ruling Council (en) (AFPRC) font tomber le gouvernement Jawara et interdisent toutes activités politiques d'opposition. Le lieutenant Yahya Jammeh, président de l'AFPRC, devient le chef d'État de la Gambie et sera président durant 22 ans. L'AFPRC annonce un plan de transition pour le retour à un gouvernement civil démocratique.
En 2001 et 2002, la Gambie organise un cycle complet d'élections présidentielles, législatives et locales, que les observateurs étrangers jugent libres, justes et transparentes, malgré quelques lacunes. Réélu, le président Yahya Jammeh, installé le 21 décembre 2001, conserve un pouvoir obtenu à l'origine par un coup d'État. Son parti, l'Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), conserve une large majorité à l'Assemblée nationale, en particulier après que la principale force d'opposition Parti démocratique unifié (UDP) a boycotté les élections législatives. Il est réélu le 22 septembre 2006 et le 24 novembre 2011.
Alors qu'elle en est membre depuis 1965, la Gambie, par la voix de son ministre de l'Intérieur, annonce le 2 octobre 2013 son retrait du Commonwealth. Le pays refuse les injonctions du Royaume-Uni au sujet des droits de l'homme alors que le régime du président Yahya Jammeh se fait plus autoritaire et accuse l'organisation d'être néo-coloniale.
L'élection présidentielle de décembre 2016 voit Adama Barrow, candidat de l'opposition, remporter la victoire sur le président sortant dont le mandat court jusqu'au 18 janvier 2017. Le 19 janvier 2017, Adama Barrow prête serment dans l'ambassade gambienne à Dakar au Sénégal, après le refus du président sortant de céder le pouvoir. Le même jour, l'armée sénégalaise entre en Gambie, forte d'une résolution de l'ONU. Le 20 janvier 2017, Jammeh accepte de quitter le pouvoir, et part en exil le lendemain soir pour Conakry (Guinée), avant de rejoindre la Guinée équatoriale.
Le 8 février 2018, la Gambie adhère à nouveau au Commonwealth. Adama Barrow est réélu président de la République le 5 décembre 2021
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Concernant le scrutin présidentiel de 2016, M. Tber a rappelé qu’Adama Barrow, dont l’élection avait constitué une surprise, s’était engagé à ne rester au pouvoir que trois ans avant, finalement d’effectuer l’intégralité de son mandat et de se représenter pour un nouveau mandat. Après avoir appartenu à la coalition emmenée par le Parti démocratique unifié (en anglais : United Democratic Party, abrégé en UDP) fondé en 1996 par l'avocat défenseur des droits de l'homme Ousainou Darboe, le Président Barrow a fondé son propre parti, le Parti national du peuple (NPP).
Lors des élections législatives qui se sont déroulées le 9 avril 2022, le NPP a obtenu 29 % des suffrages et 18 sièges sur mes 53 pourvus par élection (5 députés sont nommés par le Président de la République, en l’espèce 4 du NPP, et un de l'APRC), l’UDP 28 % et 15 sièges, les indépendants 24 % et 12 sièges, le NRP 2,8 % et 4 sièges, le PDOIS 5 % et 2 sièges et l’APRC (parti de l’ancien Président Jammeh) 3 % et 4 sièges.
A la suite de ces élections, le Président Barrow ne dispose donc que d’une majorité très relative avec l’appoint des petits partis dont l’APRC. Pour autant les récentes élections locales ont constitué un relatif succès pour lui avec 62 sièges sur 120 grâce à une bonne implantation dans les villes alors que l’UDP obtient ses meilleurs scores dans les circonscriptions moins denses (44 sièges mais représentant 60 % de la population).
M. Tber a souligné que le bon déroulement de ces élections et, plus globalement, la réussite de cette transition démocratique depuis 2017 constituent des éléments très positifs dans un contexte régional mouvementé (Mali, Burkina mais aussi risque d’instabilité au Sénégal).
Il convient également de rappeler le bon fonctionnement de la commission Vérité, réconciliation et réparations (TRCC) qui a enquêté sur les crimes commis durant les vingt-deux ans de pouvoir du dictateur Yahya Jammeh.
Par ailleurs la Gambie figure parmi les pays africains qui ont voté en faveur de sanctions contre la Russie.
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Il a toutefois présenté une série de quatre fragilités qui affectent la Gambie en 2023.
- La constitution de la République de Gambie ne prévoit pas de limite au nombre de mandats du Président de la République. Une réforme de la Constitution qui abordait notamment cette question n’a finalement pas été à la majorité requise par l’Assemblée nationale en septembre 2020. Le sujet de la limitation du nombre de mandats est un sujet récurrent dans la région (Côte d’Ivoire, Sénégal) et, en l’absence de texte, la décision revient au Président ce qui n’est pas satisfaisant dans le cadre de l’instauration d’un Etat de droit.
- La situation sécuritaire : le pays a connu 5 coups d’Etat depuis 1970. Une nouvelle tentative a eu lieu au mois de décembre 2022 de la part de militaires peu nombreux et d’un faible niveau dans la hiérarchie. Cette tentative a été rapidement maitrisée mais elle témoigne d’un risque d’instabilité.
- La situation socio-économique est fragile car le pays dépend pour beaucoup de l’aide internationale. Le tourisme qui est une des principales sources de revenus a chuté avec la pandémie de Covid-19, le chômage atteint 20 % de la population et le développement des infrastructures est notoirement insuffisant.
- La situation à l’égard du Sénégal dont les militaires sont toujours présents en Gambie ainsi que les problèmes au niveau de la frontière en Casamance en lien avec les trafics de bois.
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En ce qui concerne la coopération et l’aide au développement.
La Gambie a adopté en 2018 un plan national de développement qui a débouché sur la conférence internationale des bailleurs pour la Gambie qui s'est tenue à Bruxelles le 22 mai 2018. Dix organisations internationales, parmi lesquelles la Banque Mondiale, la Banque Européenne d'Investissement, la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest, la Banque Islamique de Développement, au côté de 43 représentations bilatérales, dont la France à hauteur de 50 millions d’euros, ont accordé leur soutien financier à ce plan.
Ces 50 millions étaient prévus sur la période 2018-2021 et principalement activés via l’agence française de développement (AFD). A ce titre, 16 millions ont été utilisés pour des travaux d’assainissement et 7 millions pour améliorer l’irrigation des parcelles agricoles.
Deux nouvelles conventions ont été signées portant sur une dotation de 3 millions visant à réparer les dégâts consécutifs aux inondations qu’a connu Banjul en 2022 et une dotation d’un million pour améliorer la situation du déficit budgétaire de l’Etat. Une rallonge budgétaire de 12,5 millions est prévue en matière de travaux d’assainissement.
Les quatre priorités de développement fixées par le gouvernement sont les infrastructures, la sécurité, la santé et l’éducation.
De son côté, l’administration du quai d’Orsay plaide pour la transformation de l’antenne diplomatique de Banjul en ambassade de plein exercice sous forme d’une colocalisations diplomatiques et consulaires avec l’Allemagne, comme cela existe par exemple au Koweït. Cette démarche s’inscrit dans la volonté d’accompagner les pays « qui vont bien » sur le plan démocratique. Il est également important d’encourager la participation de la Gambie à l’organisation internationale de la francophonie et d’accompagner l’alliance française de Banjul et l’école française en son sein.
Proposition d’organisation d’une réception à partir de 2024 et sujets divers
Le nombre de missions et réceptions est limité à un échange (soit une mission et une réception) par groupe au cours d’une même législature, sauf pour les pays limitrophes de la France métropolitaine, le nombre annuel de missions et de réceptions étant de 12 + 12.
Une délégation du groupe d’amitié avec la Gambie s’étant rendue à Banjul du 16 au 21 février 2022, la règle de l’alternance implique que soit, le cas échéant, proposé une réception d’une délégation de l’Assemblée nationale gambienne.
Une prise de contact va être effectuée avec l’honorable Lamin J Sanneh, désormais en charge du groupe d’amitié en Gambie. Par la suite, une lettre d’invitation devra être envoyée à l’assemblée nationale gambienne pour matérialiser cette intention, dès lors qu’un accord en ce sens aura été donné par le Bureau de l’AN (donc pas avant 2024 au mieux).
L’organisation d’un déjeuner en l’honneur de M. l’ambassadeur est envisagée en juin ou en juillet, a priori un mercredi ou un jeudi en fonction des disponibilités de chacun.
Par ailleurs, une visite en Gambie de Mme Chrysoula Zacharopoulou, Secrétaire d'État auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux est envisagée d’ici la fin 2023.