Francis, Emile, Daniel Leenhardt
1908 - 1983
Né le 24 avril 1908 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Décédé le 3 novembre 1983 à Marseille
Membre des deux Assemblées nationales constituantes (Bouches-du-Rhône)
Député des Bouches-du-Rhône de 1946 à 1958
Né en 1908 à Marseille dans une famille protestante aisée, Francis Leenhardt a suivi des études littéraires dans sa ville natale, puis des études de droit à Montpellier. Licencié en Droit, il est admis à l'Ecole militaire de Saint-Maixent dont il sort avec le grade de lieutenant. Il entre en 1927 dans la maison d'import-export dirigée par son père. La mort prématurée de ce dernier l'amène à fonder une société anonyme avec sa mère et ses frères et sœurs dont il restera le gérant jusqu'en 1946.
Après sa démobilisation en 1940, Francis Leenhardt manifeste assez tôt une antipathie pour le régime de Vichy. Il collabore à un réseau de renseignements (Phalynx) et entre dans la clandestinité en 1942. Il appartient d'abord, sous le nom de Lionel, au Mouvement de libération sud, puis au Mouvement de libération nationale dont il devient délégué national. En 1943 il est appelé auprès d'Alexandre Parodi pour créer des comités de libération clandestins, d'abord en Zone Sud, puis pour l'ensemble du pays. Très au fait des questions économiques, il est également correspondant régional du Comité des experts de la France combattante.
A la Libération, décoré de la Légion d'honneur, de la rosette de la Résistance et de la croix de guerre pour services exceptionnels, Francis Leenhardt préside le comité de libération des Bouches-du-Rhône. Peu auparavant, en mai 1944, il avait renoué avec Gaston Defferre, son ancien condisciple de l'Université de Montpellier. Il fonde avec lui Le Provençal qui procède de la fusion de deux journaux clandestins, L'Espoir édité par Gaston Defferre et Le Marseillais, organe du MLN. Ainsi lancé, Le Provençal restera pendant des décennies la grande feuille defferriste du département. Cet intérêt pour la presse ne se dément pas quand, en 1954, Francis Leenhardt reprend La République, un modeste quotidien toulonnais, dont il fera Var Matin et dont il restera le président-directeur général jusqu'à sa mort.
Politiquement, Francis Leenhardt se situe alors au centre-gauche. Avec Yvon Morandat, Jacques Baumel, René Capitant, René Pleven et Claudius-Petit, il est l'un des fondateurs, en juin 1945, de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), ultime avatar politique du MLN et de la volonté de maintenir unies les forces issues de la Résistance. Mais cette formation est trop faible pour faire cavalier seul et, en vue des prochaines élections, s'allie soit sur sa droite avec les radicaux, soit sur sa gauche avec la SFIO. C'est ce dernier choix qu'opère Francis Leenhardt en faisant liste commune avec la SFIO à l'élection de l'Assemblée constituante le 21 octobre 1945. Avec 74 256 voix sur 292 660 suffrages exprimés, la liste Defferre-Leenhardt obtient trois élus dans la première circonscription (Marseille) des Bouches-du-Rhône. Nommé membre de la Commission de la Constitution que préside Guy Mollet, il vote des mesures de nationalisation et de projet constitutionnel qui est rejeté, comme on sait, le 5 mai 1946. Aux élections du 2 juin, Francis Leenhardt, qui a rejoint entre temps la SFIO, et de nouveau en seconde position sur la liste de Gaston Defferre. Mais en raison d'une assez nette déperdition des suffrages, la liste n'obtient que deux élus. Membre de la Commission des affaires économiques et des douanes, et de celle des affaires étrangères, il ne se signale que par de rares interventions dont la plus notable est une proposition de loi (19 septembre 1946) relative à la composition et au fonctionnement du Conseil économique.
Après avoir voté le second projet constitutionnel, Francis Leenhardt se représente à l'Assemblée nationale, le 10 novembre 1946, toujours second sur la liste conduite par Gaston Defferre. Malgré une nouvelle diminution de voix (49 422 sur 280 901 suffrages exprimés), soit une perte de 25 000 voix en deux ans, la liste obtient deux sièges. Outre la Commission du suffrage universel et celle des affaires étrangères, il siège à la Commission des affaires économiques dont il est élu président le 20 décembre 1946. II dépose de nombreuses propositions de loi et de résolutions concernant prioritairement la vie des entreprises (situation juridique, allégement fiscaux, crédits) et le commerce extérieur (licences d'exportation, importations en franchise, dégrèvement fiscaux). Il s'intéresse également à la fiscalité des artisans, la lutte contre la fraude, ainsi qu'à la politique économique et financière des gouvernements successifs. Il participe chaque année à la discussion budgétaire de divers ministères, en particulier ceux de l'économie nationale, des PTT et de la Radio. Ses votes sont conformes à ceux de son groupe.
Aux élections du 17 juin 1951 Francis Leenhardt est aisément réélu, toujours second de la liste SFIO conduite par Gaston Defferre qui bénéficie d'un score nettement supérieur à celui de 1946 (59 690 voix sur 291 674 suffrages exprimés, soit prés de 20 % de ceux-ci). Il troque la Commission des affaires économiques contre celle des finances et est également désigné comme représentant de l'Assemblée nationale à la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ainsi qu'au Conseil d'administration de la Caisse autonome d'amortissement. Au nom de la Commission des finances il rédige un nombre impressionnant de rapports sur des propositions de loi visant à indemniser les dégâts ou les pertes subies à l'occasion de telle ou telle intempérie. Il prend une part active aux débats sur l'échelle mobile des salaires (5, 13, 14, 18, 20 septembre 1951) qui aboutiront au vote de la loi du 8 juillet 1952. Il intervient également dans la discussion des projets de loi de finances, soit dans la discussion générale (le 5 novembre 1953, une vive controverse l'oppose au ministre Edgar Faure auquel il reproche de sacrifier l'expansion économique aux équilibres financiers), soit dans la discussion de certains budgets, des Affaires économiques, notamment, et l'intérieur dont il est le rapporteur. Revenu dans l'opposition après les élections de 1951 (hormis l'expérience Mendès France), il vote à l'unisson de son groupe. Hostile à la CED, à la différence de Gaston Defferre, il vote la motion Aumeran le 30 août 1954.
Aux élections du 2 janvier 1956, la liste SFIO, toujours conduite par Gaston Defferre avec Francis Leenhardt en seconde position, confirme avec 23,6 % des voix, la remontée déjà observée en 1951, et s'enrichit d'un troisième élu (Jean Masse). Francis Leenhardt retrouve le Palais-Bourbon pour une troisième législature, ainsi que la Commission des finances dont il est élu rapporteur le 10 février 1956. Il remet à ce titre de nombreux rapports sur des propositions de loi, émanant des groupes les plus divers, visant à la revalorisation des rentes viagères. Il remet également un rapport sur un projet de loi du gouvernement Bourgès-Maunoury, portant assainissement économique et financier (20 juin 1957). II ouvre la discussion budgétaire par un rapport complet des projets de loi de finances des années 1957 et 1958, et intervient fréquemment dans les débats qui précèdent le vote des crédits de tel ou tel ministère (Affaires économiques, PTT, intérieur). Après la chute du gouvernement Mollet, il accorde sa confiance aux gouvernements Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard, vote le projet de loi portant ratification des traités de Rome et les divers projets de loi-cadre en Algérie. Après avoir soutenu l'éphémère gouvernement Pflimlin, il refuse sa confiance au général de Gaulle, comme Gaston Deffere, le ler juin 1958, vote contre les pleins pouvoirs mais ne prend pas part au vote sur la révision constitutionnelle le lendemain.
Réélu le 30 novembre 1958 dans la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône (Marseille 11e, Aubagne), Francis Leenhardt a été battu par le candidat communiste lors des scrutins de 1962 et 1967. Il a été élu député de la deuxième circonscription du Vaucluse (Carpentras, Apt) en 1973.
LEENHARDT (Francis)
Né le 24 avril 1908 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Décédé le 3 novembre 1983 à Marseille
Membre des deux Assemblées constituantes (Bouches-du-Rhône)
Député des Bouches-du-Rhône de 1946 à 1958 et de 1958 à 1962
Député du Vaucluse de 1973 à 1978
Au printemps 1958, face à la crise de la IVème République, Francis Leenhardt, comme Gaston Defferre, s’oppose au général de Gaulle, auquel il refuse d’apporter sa confiance, le 1er juin 1958. Il vote contre les pleins pouvoirs, le lendemain. A l’occasion du premier scrutin législatif de la Cinquième République, Francis Leenhardt est candidat, dans la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône qui regroupe le 11ème arrondissement de Marseille, les cantons d’Aubagne et de la Ciotat, et la commune d’Allauch. Secondé par son suppléant éventuel, Jean Graille, maire de la Ciotat et premier vice-président du Conseil général, Francis Leenhardt est d’abord présenté comme un Marseillais de toujours, bien ancré dans la deuxième ville de France. Sa profession de foi est tout entière fondée sur les « grandes tâches » que les républicains doivent mener, à la suite du changement de régime : la consolidation de la République et ses libertés ; le règlement du conflit algérien ; la mise en œuvre de mesures pour stopper la crise économique ; la formation d’une génération de techniciens et d’ingénieurs. La campagne est peu politisée même si, placée sous les auspices du général de Gaulle, elle vise à combattre l’influence des communistes – « ennemis de la liberté » - dans cette partie du département bucco-rhodanien. Député sortant, il se réjouit que le premier tour de scrutin l’ait placé en tête des cinq candidats en lice, et de surcroît devant le communiste Pierre Doize, avec presque 2 000 voix d’avance sur celui qui, comme lui, est député sortant. Le second tour entraîne une quadrangulaire, en raison des résultats obtenus par les candidats gaulliste et poujadiste. Finalement, Francis Leenhardt est réélu député, avec 15 221 des 38 398 suffrages exprimés. Il devance son concurrent direct de 3 000 voix. Contrairement à ce qu’il advenait à gauche avant 1958, les socialistes sont désormais plus influents que les communistes, dans cette circonscription de l’Est des Bouches-du-Rhône.
A son arrivée à l’Assemblée nationale, ce parlementaire d’expérience rejoint la prestigieuse Commission des finances qu’il connaît déjà pour avoir été son rapporteur général entre 1956 et 1958. Il siège dans cet aréopage jusqu’à la fin de la législature. Il est également nommé membre du Conseil supérieur de la coopération, le 29 juin 1959, ainsi que de quatre commissions spéciales, dont celle qui est chargée d’examiner la proposition de loi portant réforme de la fiscalité, par la taxation des produits énergétiques, à partir du 9 novembre 1959. Il appartient également à la commission spéciale qui a pour mission d’étudier la proposition de loi relative aux filiales d’entreprises publiques, à compter du 9 mai 1961. Elu membre du Sénat de la Communauté, le 8 juillet 1959, le député socialiste des Bouches-du-Rhône, président de son groupe parlementaire jusqu’en 1962, dépose deux textes de loi, au cours de son mandat : une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à annuler l’ordonnance du 13 décembre 1958, relative à l’indemnité des membres du Parlement ; une proposition de loi visant à rénover les finances locales et à libérer les détaillants et artisans de leur rôle de collecteurs d’impôts, le 15 octobre 1959. En quatre ans, il prend la parole à quarante-cinq reprises en séance publique. Ses diverses fonctions au Palais-Bourbon, au sein de la Commission des finances ou à la tête du groupe parlementaire socialiste, expliquent ses prises de position fréquentes, parfois relevant de la pure procédure parlementaire. C’est ainsi qu’il est entendu à plusieurs reprises dans la discussion sur le règlement provisoire de l’Assemblée nationale et ce, dès le 11 décembre 1958. A ces occasions, le député de Marseille-La Ciotat ne manque pas de souligner ce qu’il estime être les restrictions apportées par la majorité à l’exercice du droit parlementaire. Il s’exprime également sur les propositions de la conférence des Présidents. A cet égard, il regrette, le 28 avril 1959, la suppression éventuelle des dispositions permettant le vote d’une résolution à la suite des questions orales avec débat. Celui qui avait participé, au nom de la Commission des lois, aux projets de révision de la Constitution entre 1956 et 1958, souhaite d’ailleurs la publication de ses travaux préparatoires. Il le rappelle à la représentation nationale, le 12 mai 1959. Enfin, au titre de ses interventions touchant à l’organisation parlementaire, il prend longuement la parole, les 27 et 28 mai 1959, dans la discussion du règlement définitif de l’Assemblée nationale. Deux mesures sont par lui présentées, celle consistant à permettre aux députés appartenant à une formation politique dont les candidats ont obtenu plus de 10% des suffrages dans l’ensemble du pays aux élections législatives, de se constituer en groupe quel que soit leur nombre ; une autre, dont il fait un amendement, relative à l’impossibilité d’opposer l’irrecevabilité financière aux propositions de résolution, lorsque les dépenses envisagées sont compensées par des économies ou des recettes fiscales d’un montant équivalent. Il défend, enfin, quatre rappels au règlement et représente les socialistes dans la fixation de plusieurs ordres du jour.
Francis Leenhardt est porté naturellement à s’intéresser aux questions économiques. Aussi, consacre-t-il l’essentiel de ses interventions sur le fond aux débats budgétaires. Il intervient dans la discussion des projets de loi de finances (P.L.F.) pour 1959, 1960, 1961 et 1962, et donne son avis dans tous les projets de lois de finances rectificatives. C’est surtout l’occasion pour lui de présenter les arguments d’une riposte politique aux choix du gouvernement. Comme pour les P.L.F. de 1959 et 1960, Francis Leenhardt manifeste vivement son mécontentement à l’encontre de Michel Debré et de sa politique, dans la discussion budgétaire pour 1961. Il regrette le ralentissement de l’économie et l’insuffisance des efforts du gouvernement pour relancer la consommation. Pour lui, la progression des investissements publics est trop faible, notamment en matière de construction. Il prend la parole plus précisément au chapitre du budget de l’Algérie et des comptes spéciaux du Trésor. Dans ce dernier domaine, il dépose et défend un amendement visant à la majoration du prélèvement sur le produit du pari mutuel. La discussion budgétaire de l’année suivante lui permet de renouveler, au nom des députés socialistes, les nombreuses critiques et les multiples griefs qu’il estime fondés, de l’action gouvernementale. C’est notamment le cas de domaines très spécifiques, comme les plus-values fiscales exceptionnelles dont il reproche au gouvernement d’avoir disposé ou les recettes de la vignette qu’il estime avoir été détournées. Il regrette l’absence de relèvement, par le gouvernement, des allocations familiales, et enjoint le pouvoir de s’intéresser au problème des jeunes et de la formation scolaire et universitaire. Plus précisément, il prend la parole dans la discussion du budget des travaux publics et des transports, en rappelant les conséquences économiques de la liaison Rhône-Méditerranée, notamment sur le développement du port de Marseille. A ce propos, le 7 novembre 1961, il met en évidence le retard de la France en matière de voies d’eau par rapport aux partenaires français du Marché commun. Enfin, l’Algérie est au cœur des préoccupations de l’opposition, comme du gouvernement et du chef de l’Etat. Le 20 mars 1962, le président du groupe socialiste donne la position de ses camarades députés sur la politique qui y est conduite. Il rappelle l’appui apporté continuellement par le Parti socialiste à la politique algérienne du gouvernement, malgré son opposition au reste de son action. Il pense nécessaire d’assurer la mise en application du cessez-le-feu et de veiller au respect scrupuleux des accords par les deux parties qui les ont négociés. Les socialistes, et Francis Leenhardt en tête, souhaitent véritablement faire la distinction entre la minorité européenne et l’Organisation de l’Armée secrète (O.A.S.). Ainsi, tient à préciser le député socialiste de la cité phocéenne, en sera-ce terminé de l’achèvement de la décolonisation commencée avec le vote de la loi-cadre de son collègue, camarade et ami Gaston Defferre. Avec le départ de Michel Debré et l’arrivée de Georges Pompidou se posent les problèmes liés à la révision de la Constitution, directement par référendum. Le 4 octobre 1962, Francis Leenhardt explique le vote de son groupe, dans cette affaire, en prenant part au débat sur la motion de censure relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Il évoque la condamnation unanime par les juristes de la procédure proposée pour la révision de la Constitution, et s’inquiète des dangers inhérents à un système de plébiscite et au statut d’un représentant de la nation élu au suffrage universel direct.
Au cours de ce premier mandat, Francis Leenhardt donne le la du groupe socialiste qu’il préside et, à ce titre, indique par ses votes ce qu’ont été ceux de ses camarades, du début à la fin de la législature. Dès le 16 janvier 1959, il s’oppose au programme du gouvernement de Michel Debré. En revanche, au nom de l’Algérie, il approuve la déclaration de politique générale faite par le Premier ministre, quelques mois plus tard, le 15 octobre 1959. Le 23 décembre 1959, il rejette le projet de loi sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privé, défendu par le chef du gouvernement lui-même. Il vote en faveur de l’ensemble du projet de loi relatif aux pouvoirs spéciaux, le 2 février 1960. Quelques mois plus tard, il repousse le projet de loi constitutionnelle tendant à compléter les dispositions du titre XII de la Constitution, en ce qui concerne l’indépendance des Etats africains et les modifications des dispositions relatives à la Communauté. Sans surprise, le 27 avril 1962, il vote contre le programme du gouvernement que le nouveau chef du gouvernement, Georges Pompidou, présente à l’Assemblée nationale. Enfin, il vote en faveur de la motion de censure, déposée en application de l’article 49 alinéa 2 de la Constitution, et finalement adoptée, le 4 octobre 1962.
Francis Leenhardt est candidat à sa succession, au scrutin législatif, consécutif à la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais le candidat communiste Edmond Garcin, instituteur et conseiller général, est élu au deuxième tour, après avoir été en tête au premier. Le député sortant arrive en deuxième position avec 13 508 des 38 005 suffrages exprimés. Le troisième candidat, l’avocat Raoul Legier, ancien poujadiste, s’est maintenu au second tour, entraînant une triangulaire qui précipite la défaite de Francis Leenhardt. Malgré ses efforts de reconquête de la circonscription en 1967, c’est à nouveau l’échec en face du député sortant communiste, et puissant maire d’Aubagne. Pour l’occasion, l’ancien député Leenhardt a changé de suppléant. Il est accompagné, lors de ce scrutin, par le propriétaire exploitant Henri Long. Il jette l’éponge, à la suite de résultats décevants. En effet, il n’est pas présent au second tour, n’obtenant que 11 817 des 47 482 suffrages exprimés. L’année d’après, en juin 1968, c’est son ancien suppléant, Jean Graille, conseiller et maire socialiste de La Ciotat, qui mène le combat en face d’Edmond Garcin. Mais il obtient moins de voix encore que son ancien collègue Leenhardt cinq ans plus tôt, soit 9 500 suffrages. Seuls le député sortant et le représentant du parti gaulliste, Félix Hermouet, vont au second tour. Le maire d’Aubagne est alors réélu député.
Cette période de vacuité parlementaire pour l’actif Francis Leenhardt comme est cependant occupée sur le plan professionnel. En février 1969, il est administrateur de la société anonyme, société nouvelle du « Petit provençal ». Au plan politique, à la suite des élections municipales de 1965, il est élu conseiller municipal de Marseille, et devient l’un des adjoints de Gaston Defferre. Membre du comité directeur et du bureau de la SFIO, à partir du mois de décembre 1965, il entre au comité directeur du Parti socialiste, au congrès d’Issy-les-Moulineaux, en 1969. En juillet 1967, l’ancien président du comité permanent des foires à l’étranger (1950-1962) est élu président de la Foire internationale de Marseille. Il encourage alors la construction d’un vaste palais des congrès. Il remplit cette fonction jusqu’en octobre 1972. Un an plus tôt, il a été réélu conseiller municipal de Marseille, ville dont il reste l’adjoint au maire.
Le scrutin législatif du printemps 1973 lui donne l’occasion de revenir à l’Assemblée nationale. Il est candidat dans la deuxième circonscription du Vaucluse, celle des Alpilles et du Luberon, qui regroupe les cantons d’Apt, de Bonnieux, de Cadenet, de Carpentras-Nord et Sud, de Gordes, de Mormoiron, de Pernes-les-Fontaines, de Pertuis et de Sault. Il a choisi comme suppléant éventuel Henri Barthélémy, maire de Lourmarin, conseiller général du canton de Cadenet, directeur de coopérative vinicole et président de la Mutualité sociale agricole du Vaucluse. La vallée de la Durance se trouve donc représentée au Parlement, en même temps que le monde agricole si important dans cette circonscription. Au soir du premier tour, Francis Leenhardt, investi par le Parti socialiste, est devancé par le candidat de la majorité gaulliste et député sortant, le pharmacien Georges Santoni. Ne bénéficiant que de peu de réserves de voix, l’élu U.D.R. est battu de 2 000 bulletins de vote par Francis Leenhardt. Avec 29 303 des 56 452 suffrages exprimés, le candidat d’origine marseillaise, qui démissionne du conseil municipal de la ville préfecture des Bouches-du-Rhône, retrouve l’Assemblée nationale, élu avec 51,9% des voix. La campagne électorale a été fondée sur les espoirs du renouveau qu’une victoire de la gauche permet à Francis Leenhardt d’espérer. La solution a été présentée avec le programme commun de la gauche, qui « constitue l’engagement solennel de promouvoir les réformes nécessaires pour (….) permettre de vivre mieux, dans la liberté, la sécurité et la prospérité ». En cela, le candidat socialiste a tenté de relativiser ce qu’il appelle « la dramatisation fallacieuse des conséquences d’une victoire de la gauche », en expliquant notamment que les nationalisations prévues visent « neuf groupes seulement », et sont moins étendues que celles qui ont été réalisées à la Libération. Il inscrit ainsi la logique de cette proposition économique dans ce qui avait été la volonté du général de Gaulle et du Conseil national de la Résistance.
Le nouveau député du Vaucluse retrouve la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, et s’inscrit au groupe du Parti socialiste et des radicaux de gauche. Quelques semaines plus tard, le 13 juin, il est nommé représentant de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire des Communautés européennes, avant d’en devenir membre à part entière, deux ans plus tard, le 3 juin 1975. Au cours de son deuxième mandat de député, il ne dépose pas de proposition de loi ou de résolution, mais intervient dans le cadre de vingt-cinq discussions différentes au Palais-Bourbon. Toutes ces prises de parole en séance publique ont un caractère globalement économique et fiscal. En réponse à la déclaration de Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’économie et des finances, le 24 mai 1973, Francis Leenhardt regrette le dernier rang occupé par la France avec le Luxembourg en ce qui concerne la progression du pouvoir d’achat, ainsi que le silence du gouvernement sur l’atténuation de la part excessive de l’impôt direct sur la fiscalité. Par ailleurs, le 26 juin suivant, il montre son inquiétude face à la perte constatée sur les actifs en devises de la Banque de France. L’essentiel de ses initiatives est porté dans les discussions budgétaires, aussi bien dans la discussion des articles des projets de loi de finances (P.F.L.) que dans celles de budgets spécifiques, à l’instar du commerce extérieur. Il en est d’ailleurs le rapporteur général, dans le P.L.F. de 1975, et fonde sa défense sur le déficit énergétique de la France, et la dégradation des échanges hors énergie. Le 28 novembre 1974, il défend la création d’un secrétariat d’Etat au commerce extérieur, qui aurait la charge du changement d’orientation de la prospection française et de ses exportations. Son expérience des débats budgétaires et de la question économique lui vaut d’être reconduit au rapport général du budget du Commerce extérieur, pour le P.L.F. de 1976. Bien que très critique vis-à-vis de la politique économique du gouvernement Chirac – il évoque « la situation catastrophique de l’emploi et la chute de la production industrielle » -, et ne perdant jamais une occasion d’en référer au ministre de tutelle, Jean-Pierre Fourcade, il agit avec souplesse et détermination au regard du budget dont la défense lui est allouée. Le 18 novembre 1975, il admet l’excédent de la balance des paiements, en soulignant, certes, son caractère provisoire. Il souhaite la possibilité pour les entreprises exportatrices de se voir octroyer des prêts spéciaux, et espère une évolution réelle du secteur des biens d’équipement. Il en va de la compétitivité des prix français. Pour l’année 1977, la Commission des finances de l’Assemblée nationale ne le charge pas, en revanche, du rapport budgétaire dont il est devenu le spécialiste. En effet, Raymond Barre, ministre en charge de ce secteur, entre à Matignon au cours de l’été 1976, et souhaite conserver le contrôle de cette question économique, alors qu’il devient Premier ministre. En revanche, le député socialiste du Vaucluse obtient l’une des vice-présidences de l’Assemblée nationale à ce moment précis, jusqu’en avril 1977. En conséquence, il démissionne du Parlement européen, où il préside la commission économique et monétaire depuis le 13 juin 1973. Après son année au Perchoir, il s’investit particulièrement dans la discussion du projet de loi relatif au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante, à partir du 9 juin 1977. Dans ce débat, notamment sur la question du contrôle de la concentration des entreprises, il s’aligne sur les positions prises par son collègue et camarade socialiste Jean Poperen : il s’agit de vérifier s’il est question, en l’espèce, de biens ou de services de nature différente et non substituable. Il soutient aussi, à la suite du député du Rhône, la réputation complice des dirigeants de droit ou de fait en cas d’infraction commise par un préposé d’une entreprise, ce qui le conduit aussi à admettre l’obligation qui doit être faite aux entreprises condamnées pour ententes illicites ou abus de position dominante en matière de marchés publics, de ne pas accéder aux marchés publics pendant une période de trois ans. Il souhaite enfin sensibiliser davantage les entreprises au respect de la concurrence. Sur un thème proche, à la fin du même mois de juin 1977, le député socialiste du Vaucluse intervient longuement dans une autre discussion économique : il s’agit de se pencher sur le projet de loi accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière. En regrettant que le texte présenté ne porte que sur un faible nombre de contribuables, il résume sa contribution orale, qui a valeur de condamnation du gouvernement, en qualifiant la politique proposée à la représentation nationale d’ « assurance donnée aux grands fraudeurs et aux notables ». Il s’interroge d’ailleurs, dans la discussion générale, sur le nombre et l’effectivité des contrôles effectués par l’administration fiscale. Il souhaite, d’ailleurs, que les objectifs de la direction générale des impôts soient clairement fixés. Dans la discussion des articles, il soutient son ami André Boulloche et ses divers amendements dont tous visent à un contrôle plus étroit de la fraude fiscale. Enfin, dans la dernière année de son mandat, Francis Leenhardt s’investit dans la deuxième partie de la loi de finances pour 1978, dans la discussion des budgets du ministère du travail et de celui de l’économie et des finances. S’agissant du premier d’entre eux, le 14 novembre 1977, il souhaite obtenir du gouvernement des éclaircissements quant à la situation de l’inspection du travail, et notamment, sur le pouvoir des inspecteurs. Il s’interroge sur les initiatives à prendre pour développer les mesures de prévention des accidents du travail. Concernant le deuxième budget précité, le 18 novembre suivant, il encourage les créations d’emplois nécessaires à la direction générale des impôts.
Au cours de ce deuxième mandat, Francis Leenhardt s’inscrit très nettement dans l’opposition aux gouvernements Messmer, Chirac et Barre. Le 12 avril 1973, il vote contre la déclaration de politique générale du premier d’entre eux. Il agit de même, le 16 octobre suivant, sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle portant modification de l’article 6 de la Constitution, sur la durée du mandat présidentiel et visant à assouplir le régime de l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et els fonctions gouvernementales. Le gouvernement Chirac ne l’inspire pas davantage, le 6 juin 1974, raison pour laquelle il ne lui donne pas sa voix. Il s’oppose avec la même fermeté à la révision constitutionnelle du 10 octobre 1974, portant révision de l’article 25 de la Constitution. En revanche, il soutient le projet de loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.), le 28 novembre 1974, comme le projet de loi portant réforme du divorce, le 4 juin 1975. Il rejette la nouvelle révision constitutionnelle du 8 juin 1976, modifiant l’article 7 de la Constitution, s’agissant des règles de la campagne électorale des élections présidentielles. Le 28 avril 1977, Raymond Barre n’obtient pas non plus la confiance du député du Vaucluse, lorsqu’il présente son programme de gouvernement à l’Assemblée nationale. Le 21 juin suivant, son dernier vote, cette fois-ci favorable, est conforme à celui de la représentation nationale à sa presque unanimité, sur le texte relatif à l’élection des représentants à l’Assemblée des communautés européennes.
Francis Leenhardt n’est pas candidat à sa succession, aux élections législatives du mois de mars 1978. L’année précédente, celui qui préside aussi la commission des finances du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, a été battu aux élections municipales à Carpentras. Cette défaite est un handicap suffisamment important pour le faire renoncer à une nouvelle candidature dans la deuxième circonscription du Vaucluse. D’ailleurs, Jacques Richard, le candidat socialiste, est battu dès le premier tour. C’est Maurice Charretier, maire de Carpentras et membre du Parti républicain, qui est élu au Palais-Bourbon, à la suite de Francis Leenhardt. Ce dernier se consacre alors à ses activités de presse, entamées trente-quatre ans plus tôt. Il en profite pour publier un ouvrage consacré aux abus de la sécurité sociale, intitulé « SOS, on coule », et publié aux éditions Fayard en 1979. Il y prend fait et cause pour le déplafonnement des cotisations, la fiscalisation partielle des ressources, l’information des salariés et la prévention. Il en conclut qu’il n’est plus possible de concilier l’existence de régimes obligatoires d’assurance-maladie avec l’exercice libéral de la médecine.
Francis Leenhardt disparaît le 3 novembre 1983, alors qu’il est toujours président-directeur-général du quotidien Var-Matin. Il a contribué à moderniser ce titre de la presse provençale en étendant sa zone de diffusion de Toulon à l’ensemble du département du Var, permettant à 300 000 Varois de pouvoir le lire, dès 1983. Francis Leenhardt avait 75 ans.