Henry, Hippolyte, Paul Boucher
1847 - 1927
Né le 19 septembre 1847 à Bruyères (Vosges), mort le 1er février 1927 à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Député des Vosges de 1889 à 1909.
Sénateur des Vosges de 1909 à 1920.
Ministre de l'Industrie, du Commerce, des Postes et Télégraphes d'avril 1896 à juin 1898.
La famille maternelle d'Henry Boucher était depuis longtemps implantée dans le département des Vosges, où son père exerçait la profession de notaire dans la petite ville de Bruyères. Elle possédait notamment la papeterie du Grand Maix, à Dorcelles, que le jeune Henry, prenant la succession de son père en 1875, devait s'employer activement à développer. Après avoir fait des études secondaires, qui l'avaient mené du collège d'Epinal au collège Louis-Clément, à Metz, au lycée de Nancy, puis au collège Sainte-Barbe, Henry Boucher suivit les cours de la Faculté de droit de Paris, d'où il sortit licencié en 1868. Dès cette date, il s'intéressait à la politique et collaborait avec Jules Ferry, alors leader de l'opposition au Second Empire.
Pendant la guerre de 1870, il s'engagea dans la Garde mobile des Vosges, et fut promu rapidement capitaine. Il participa aux campagnes de la Loire et de l'Est, avant d'être interné en Suisse, à la fin de la guerre, en 1871.
Rendu à la vie civile, il rentra dans son pays natal et se livra avec passion aux occupations dérivant de la petite industrie familiale, avant d'acquérir lui-même, en 1899, la papeterie la plus importante de Badlieu, à Rambervillers. Il y introduisit les techniques modernes et s'attacha notamment à substituer aux pâtes à chiffon, la pâte à bois. Conseiller général de Bruyères en 1880 (il devait le rester jusqu'en 1910), membre de l'assemblée départementale des Vosges, (dont il fut le vice-président de 1895 à 1907), conseiller municipal de Gerardmer en 1888 (jusqu'en 1906), il se présenta aux électeurs de la 2e circonscription d'Epinal aux élections générales législatives du 22 septembre 1889, sur un programme républicain modéré. Alors que la France sortait à peine de l'affaire Boulanger il préconisait d'importantes réformes constitutionnelles et se prononçait notamment contre la longueur des sessions parlementaires, contre le nombre élevé des députés et contre leur « ingérence » dans les affaires administratives. Il demandait d'autre part que soient rendues incompatibles, « en fait, sinon en droit », les fonctions de Ministre et de membre de l'une ou l'autre des deux Chambres, en « obligeant les députés anciens Ministres à se représenter devant leurs électeurs ».
Il fut élu au premier tour de scrutin, par 6.109 voix contre 4.840 au candidat monarchiste, le baron de Ravinel. Membre des Commissions des douanes et du budget, il remplit à la Chambre des activités multiples, dont ses électeurs lui surent gré. Il devait être en effet réélu aux renouvellements du 20 août 1893, par 7.793 voix contre 260 à M. Joseph Bouché, du 8 mai 1898, sans concurrent par 8.030 suffrages, du 27 avril 1902 par 8.291 voix contre 3.220 à M. Lardier, et du 6 mai 1906 par 9.817 voix contre 1.781 à M. Tachet, toujours au premier tour de scrutin.
Il prit d'abord une part importante à l'élaboration du tarif général des douanes et déposa à cet effet un certain nombre de rapports et de propositions de loi. Il présenta également des rapports au nom de la Commission du budget et, plus tard, au nom de la Commission des chemins de fer, à laquelle il venait d'accéder. Il se pencha également sur les problèmes relatifs à l'assistance médicale gratuite (1894), aux concours internationaux de tir ou de gymnastique, aux secours à accorder aux victimes des menées anarchistes à Paris et à Lyon (1895), aux conventions avec Haïti (1900). Il prit part à de nombreux débats sur les postes et télégraphes, sur l'agriculture et sur l'enseignement technique et devait se préoccuper activement d'autre part des questions coloniales, africaines en particulier - En 1895 il s'attacha à mettre en valeur une région désertique en Tunisie. Il participa à la discussion sur l'expédition de Madagascar en 1894.
Au cours de la législature de 1893, en qualité de membre de la Commission du travail, il avait également suivi les débats concernant le travail industriel des femmes et des enfants, les mesures contre le chômage, le placement des ouvriers, et les accidents du travail. Il joua un rôle prépondérant dans l'élaboration de la Charte des sociétés de secours mutuel et dans la préparation de l'Exposition universelle de 1900.
En avril 1896, il fut appelé à faire partie, en qualité de Ministre de l'Industrie, du Commerce, des Postes et des Télégraphes du Ministère constitué par son collègue des Vosges, Jules Méline, alors leader des républicains modérés. Il prolongea comme tel l'activité qu'il avait menée en qualité de député et déposa de nombreux projets de loi concernant notamment les frontières douanières, la vente des navires, le régime des sucres, le péage eu port de Rouen, l'administration temporaire des fils de laine, les primes à la filature de la soie, la convention avec la compagnie transatlantique, les hôtels des postes de différentes villes, l'exposition internationale de Bruxelles, les caisses d'assurance, le service des colis postaux, le placement des ouvriers, les services postaux avec l'Algérie, la Tunisie, la Tripolitaine, le Maroc et la Corse, la conférence télégraphique internationale de Budapest, enfin la création d'un office national du commerce extérieur.
Il démissionna avec le Ministère à la suite des élections générales de 1898, qui donnèrent la majorité aux partisans de la séparation des Eglises et de l'Etat. Particulièrement opposé à cette mesure et d'autre part fidèle à la politique modérée de Jules Ferry, il mena, dans son département et à la Chambre, une lutte active contre les idées radicales. Dans sa profession de foi, de 1889, il avait déjà souligné que « les luttes sur le terrain religieux devaient être closes ». Devenu membre de la Commission de l'armée et passé dans l'opposition de fait, il fit une guerre acharnée au Ministère Waldeck-Rousseau. Sous le « néfaste Ministère Combes, dont l'oeuvre restera comme une tache dans l'histoire de ce pays, stigmatisée par cette triple formule : persécution, délation, humiliation de la patrie», il combattit pour la liberté de conscience et contre de nombreux projets gouvernementaux, notamment la loi contre les bouilleurs de cru, qui selon lui « opprimait la liberté des cultivateurs et violait leur domicile ».
Henry Boucher, qui s'était prononcé plusieurs années auparavant pour l'élection d'une seconde Chambre au suffrage universel, n'hésita pas toutefois à se présenter au Sénat, au renouvellement du 3 janvier 1909, sur la liste Méline, en remplacement de Louis Parisot qui ne se représentait pas. Il fut élu au premier tour de scrutin, par 505 voix sur 1.002 votants. A la Haute Assemblée, où il siégea sur les bancs de la gauche républicaine jusqu'en 1920 (son mandat avait été prolongé en raison de la guerre), il suivit la ligne politique qui avait été la sienne à la Chambre et. défendit de nombreux projets relatifs à son département. En 1920, il décidait d'abandonner la vie politique et devait mourir à Nancy sept ans plus tard âgé de 80 ans. Président d'honneur du comité des expositions à l'étranger, il avait été membre du comité puis directeur de l'office colonial du commerce extérieur, membre du comité supérieur de l'enseignement technique et des conseils supérieurs de l'agriculture, des prisons et du commerce et de l'industrie.
Egalement membre de la Chambre de commerce d'Epinal, dont il avait été le président de 1899 à 1910, il avait publié divers ouvrages sur la péréquation de l'impôt et plus de 52 rapports ou discours, présentés ou prononcés à la tribune du Parlement, sans compter de nombreux articles dans les journaux ou des revues.
Il était grand Croix de l'Aigle Blanc de Russie, de l'Ordre de Léopold de Belgique et du Nicham Iftikar.