Patrice, Maurice, Léonce Bougrain
1920 - 2010
Né le 10 avril 1920 au Vésinet (Seine-et-Oise)
Membre de la Première et de la Seconde Assemblée nationale Constituante (Saône-et-Loire)
Député de la Saône-et-Loire de 1946 à 1949
Patrice Bougrain, fils du général Bougrain, commandant de la deuxième division légère de cavalerie, naît le 10 avril 1920 au Vésinet dans une famille originaire de la Mayenne. Après des études à l'Ecole centrale de T.S.F., il débute aux usines Blériot à Suresnes dans les plus modestes emplois. Cumulant une expérience ouvrière et une connaissance du bureau d'études, il devient secrétaire de direction des Usines nationales aéronautiques.
Lieutenant de réserve d'aviation, il fournit dès juillet 1940 des renseignements aux Britanniques. Condamné à mort par les Allemands, il se cache dans un maquis de Saône-et-Loire sous un faux nom. Sa famille paye un lourd tribut à l'Occupation puisque son frère aîné est fusillé par les Allemands et que son beau-frère est mort au camp du Struthof. Il est décoré, à titre militaire de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre et de la médaille de la Résistance.
Son engagement politique découle directement de la Résistance puisqu'il se présente dans ce même département de Saône-et-Loire aux élections d'octobre 1945, à la tête d'une liste d'action sociale de la Résistance où il figure curieusement sous la profession de mineur. Il a 25 ans lorsqu'il est élu, sa liste recueillant 39 404 voix. Les autres sièges vont à la gauche avec deux sièges pour la liste communiste (77 113 voix), deux sièges pour la liste S.F.I.O. (56 136 voix) et un siège pour la liste M.R.P. qui a recueilli 32 856 suffrages.
A l'Assemblée nationale Constituante, Patrice Bougrain est l'un des fondateurs du groupe des Républicains indépendants. Secrétaire d'âge de l'Assemblée nationale, il y sera membre de la Commission de défense nationale (1949). Il demande notamment la création d'un ministère des anciens combattants et une priorité d'attribution de logements parisiens aux ouvriers et techniciens de l'aéronautique qui s'étaient repliés pendant la guerre en zone sud. Il s'intéresse tout particulièrement aux comités d'entreprise, se montrant soucieux de la liberté économique du chef d'entreprise et du statut des cadres et des ingénieurs.
Le 2 juin 1946, il se présente dans le même département de la Saône-et-Loire et indique la profession de secrétaire de direction de la SNCASO (Société nationale des constructions aéronautiques du sud-ouest). Profitant d'un tassement des voix socialistes et de la disparition d'une autre liste se réclamant de la Résistance, il est élu. Sa liste recueille 51 539 suffrages, soit un gain d'environ 12 000 voix par rapport à 1945, alors que la liste communiste, très stable avec 77 489 suffrages, a deux élus et que les listes M.R.P. (46 237 suffrages) et R.G.R. (29 523 suffrages), en forte progression, ont chacune un élu. La liste S.F.I.O. n'a plus que 49 758 suffrages et un élu.
A la Seconde Assemblée nationale Constituante, Patrice Bougrain est membre de la Commission de la défense nationale ainsi que de la Commission des moyens de communication. Le jeune secrétaire de l'Assemblée nationale affirme son attachement au principe de la liberté de la presse et demande une utilisation rationnelle des crédits militaires.
Aux élections législatives qui ont lieu le 10 novembre 1946, alors que la Saône-et-Loire bénéficie d'un siège supplémentaire, il remporte un éclatant succès en attirant vers sa liste plus de 32 000 voix nouvelles. Les 64 450 voix qui se sont portées sur sa liste du « Cartel républicain indépendant et gaulliste » lui permettent d'avoir deux élus. La liste communiste a également deux élus (76 843 voix). La liste du R.G.R. (26 006 voix) a un élu alors que la S.F.I.O. (37 367 voix et un élu) et la liste M.R.P. (32 384 voix et un élu) souffrent de la désaffection des électeurs.
Patrice Bougrain est élu Secrétaire de l'Assemblée nationale le 3 décembre 1946. Comme précédemment, il est membre de la Commission de la défense nationale dont il devient secrétaire le 29 janvier 1948. Il est également membre de la Commission des finances (1947), de la Commission de la réforme administrative (1947) et de la Commission des moyens de communication (1948). Toujours intéressé par les rapports économiques et sociaux, il présente une proposition de loi tendant à modifier la loi du 16 mai 1946 sur les comités d'entreprise afin que les ingénieurs et cadres appartiennent à un collège distinct de celui des contremaîtres. Il s'attache à liquider les séquelles de la guerre en proposant le retour à la liberté des transactions pour les céréales secondaires et en présentant, au nom de la Commission de la défense nationale, un rapport sur l'indemnisation des propriétaires de véhicules réquisitionnés pendant l'Occupation. Toujours au nom de la même commission, il présente en 1948 des rapports sur la régularisation de la situation militaire des élèves de l'Ecole polytechnique et il propose d'élever les limites d'âge des officiers de gendarmerie. Il voudrait que les jeunes combattants de la dernière guerre puissent bénéficier des avantages réservés aux prisonniers de guerre ruraux et il souhaiterait que les veuves de guerre de condition modeste soient dispensées des cotisations aux allocations familiales.
Le député de la Saône-et-Loire veille au respect du travail des parlementaires, protestant contre l'absence des ministres à la séance de réponses aux questions orales et contre les séances trop tardives. Il demande, non sans humour, que les écoutes téléphoniques soient perfectionnées afin qu'il puisse téléphoner sans subir de parasitages sur sa ligne. Il attire vigoureusement l'attention du gouvernement sur le nombre excessif d'employés des bureaux de logement et de la radiodiffusion française et sur certaines défaillances de ses services.
Des échanges très vifs ont lieu entre Patrice Bougrain et les parlementaires communistes. Il a demandé, le 11 mars 1948, que l'Assemblée nationale rende hommage à Jean Mazaryk, ministre des affaires étrangères de Tchécoslovaquie, « mort au service de la liberté, au lendemain d'un coup de force fasciste ». Le 18 mars 1948, il est pris à partie par André Tourné qui lui reproche d'avoir cherché à établir avec la S.N.C.A.S.O. des relations incompatibles avec son mandat. Le député de Saône-et-Loire a le temps de voter contre l'ajournement des élections cantonales le 25 août et pour le Pacte atlantique le 29 juillet 1949 avant d'adresser, le 23 octobre 1949, une lettre de « démission pour l'honneur » au Président de l'Assemblée nationale.
Aux élections de 1951, son geste ne semble pas bien compris par les électeurs. L'apparentement conclu entre la liste S.F.I.O., la liste radicale-socialiste et R.G.R., la liste M.R.P. et la liste de l'Union des Indépendants Paysans et des Républicains nationaux, l'existence d'une liste R.P.F. conduite par son ancien colistier de 1946, Joseph Renaud, l'absence de mandats locaux, ne lui laissent, par ailleurs, aucune chance de l'emporter. Les listes apparentées recueillent 101 089 voix, manquant de peu la majorité absolue. La répartition des sièges a donc lieu à la proportionnelle, ce qui donne deux sièges à la liste communiste (68 740 voix), un siège à la liste S.F.I.O. et un siège à la liste M.R.P. dont le recul se confirme (respectivement 28 433 et 20 959 voix) ; la liste radicale-socialiste a un élu pour 24 163 voix et la liste des indépendants un pour 28 490 voix. La liste du R.P.F., qui recueille 50 377 suffrages, a également un siège. La liste de Patrice Bougrain, dénommée « liste de courage civique face aux destructeurs de la France et aux calomniateurs », ne recueille que 91 voix. L'ancien député abandonne définitivement la politique pour se consacrer à la vie des affaires. Il est l'un des spécialistes des échanges économiques avec les pays pétroliers du Moyen-Orient.