Thomas, Robert Bugeaud de la Piconnerie d'Isly
1784 - 1849
- Informations générales
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- Né le 15 octobre 1784 à Limoges ( - Généralité de Limoges France)
- Décédé le 10 juin 1849 à Paris (Seine - France)
1784 - 1849
Député de 1831 à 1848, et représentant du peuple aux Assemblées constituante et législative de 1848-1849, né à Limoges (Généralité de Limoges), le 15 octobre 1784, mort à Paris (Seine) le 10 juin 1849, il était fils de Jean-Ambroise Bugeaud, marquis de la Ribrevole, seigneur de la Piconnerie, et de noble demoiselle Sulton de Clonard, seigneur de Lugo et autres lieux. Dans une lettre adressée au journal la Tribune, en 1833, le futur duc d'Isly, écrivait : « Mon grand-père était un forgeron ; avec un bras vigoureux, et en se brûlant les yeux et les doigts, il acquit une propriété, que mon père, aristocrate oisif, exploita avec intelligence et activité. »
À vingt ans, il s'engagea comme vélite dans les grenadiers à pied de la garde impériale, fit campagne sur les côtes de la Manche, puis à la grande armée (1805), devint caporal à Austerlitz (1805), fut nommé sous-lieutenant au 64e de ligne en 1806, et fut blessé à l'affaire de Pultusk (26 novembre). Envoyé à l'armée de Suchet, en Espagne, puis en Catalogne, sous les ordres de Lamarque, il passa capitaine. Il se distingua à Lérida et à Tarragone, fut promu chef de bataillon, mit en déroute, à Ordal, le 27e de ligne anglais, reçut, en récompense de ce fait d'armes, le grade de lieutenant-colonel, et le commandement du 14e de ligne, dont il fut nommé colonel à sa rentrée en France.
La première Restauration lui inspira, en faveur des Bourbons, des vers assez ridicules ; aux Cent-Jours, il revint à Napoléon qui l'envoya à la tête du 14e de ligne, sur la frontière des Alpes, où, avec 1 700 hommes et 40 chevaux, il culbuta, à l'Hôpital-sous-Conflans (Savoie), une division autrichienne de 6 000 hommes, 500 cavaliers et 6 canons, dont 2 000 restèrent sur le champ de bataille.
Licencié à la seconde Restauration, il se retira à Excideuil, dans sa propriété, s'occupa d'agriculture, préconisa l'ensemencement des carottes, l'utilité de la betterave, l'emploi du plâtre comme engrais, etc. Au moment de la guerre d'Espagne (1823), il demanda vainement à reprendre du service ; il entra alors discrètement dans les rangs de l'opposition libérale, et se présenta, le 4 juillet 1829, aux élections législatives, dans le collège de département de la Dordogne, où il n'obtint que 31 voix contre 116 accordées à l'élu, M. Debelleyme.
La monarchie de Juillet le nomma maréchal de camp ; candidat à la députation dans le 2e collège électoral de la Dordogne (Périgueux), il fut élu le 5 juillet 1831, par 93 voix sur 181 votants et 219 inscrits, contre 88 voix données au docteur Montagut. Il apporta à la tribune des idées singulières servies par une éloquence abrupte qui excita plus d'une fois l'hilarité ; les ministres eurent à reprocher plus d'une imprudence à l'ardeur de son dévouement, et, le souci de ses intérêts personnels, qu'il défendit toujours avec emportement, soit comme général, soit comme propriétaire rural, donna créance à des soupçons de vénalité, lancés par ses adversaires, et qui n'ont d'ailleurs jamais été prouvés. À la tribune, il combattit l'abaissement du cens (janvier 1832) et la publicité des séances des conseils généraux, et fut chargé par le gouvernement de garder dans la citadelle de Blaye, puis de reconduire plus tard à Palerme, la duchesse de Berry, arrêtée à Nantes après son échec en Vendée. On assure qu'il n'usa pas vis-à-vis de la prisonnière des égards que lui méritaient au moins ses malheurs. À la session de 1834, M. Dulong l'ayant à ce sujet, traité de « geôlier », une rencontre fut arrêtée et Dulong fut tué d'une balle au front (27 janvier). Quelques jours après, Bugeaud ayant interrompu Berryer en lui disant : « Je vous rappelle votre serment, sans lequel vous n'aviez pas le droit d'entrer à la Chambre », celui-ci lui répondit d'une voix sévère : « Il ne s'agit pas, monsieur, de savoir comment on entre à la Chambre ni comment on en peut sortir », réponse qui, accueillie par un long frémissement, valut en outre à Bugeaud une verte réprimande du président Dupin.
À l'insurrection d'avril 1834, le gouvernement appela Bugeaud au commandement d'une brigade chargée de réprimer l'émeute. On lui a reproché d'avoir recommandé aux soldats de ne faire aucun quartier, et d'avoir provoqué ainsi les « massacres de la rue Transnonain » ; on a exagéré peut-être, mais le général Bugeaud n'était pas homme à avoir grande pitié pour des insurgés ; dans une lettre qu'il écrivait d'Excideuil à un colonel, le 18 juillet 1832, il le félicitait « d'avoir contribué à taper ces gredins de républicains dans les journées des 5 et 6 juin. »
Le 21 juin 1834, les électeurs de la Dordogne le renvoyèrent à la Chambre par 124 voix sur 200 votants et 228 inscrits, contre 73 voix données à M. Montagut ; dans cette législature et dans les suivantes,
- du 24 septembre 1836, après sa nomination comme général de division ;
- du 4 novembre 1837, par 131 voix sur 201 votants et 253 inscrits ;
- du 2 mars 1839, par 142 voix sur 189 votants contre 33 voix données à M. Périn ;
- du 1er février 1841, (après sa nomination comme gouverneur de l'Algérie), par 177 voix sur 268 votants et 338 inscrits,
- du 9 juillet 1842, par 178 voix sur 286 votants et 338 inscrits, contre 107 voix données à M. Chavoix ;
- enfin, du 1er août 1846, par 168 voix sur 303 votants et 335 inscrits, contre 141 voix données à M. Chavoix,
Bugeaud, ennemi des théories et de ce qu'il appelait « l'aristocratie de l'écritoire », soutint tous les cabinets qui se succédèrent, et vota contre les associations, contre le jury, contre la liberté de la presse, et pour les lois de septembre ; « les ministères ont beau changer, disait Armand Marrast, Bugeaud n'en reste pas moins toujours ministériel. »
Bien qu'il n'eût aucune confiance dans l'avenir de notre conquête algérienne, Bugeaud fut envoyé en Afrique par le ministère Molé, et y montra de réelles qualités d'homme de guerre. Après avoir battu les Arabes en plusieurs rencontres, il conclut avec Abdel-Kader le traité de la Tafna (1837), qui fut vivement critiqué. À cette occasion, lors du procès intenté au général Brossard pour concussion, le général Bugeaud avoua à la tribune qu'il avait lui-même accepté une somme d'argent, mais qu'il l'avait appliquée aux chemins vicinaux d'Excideuil : « J'ai manqué, ajouta-t-il, à la dignité du commandement. »
Le ministère Thiers, dit du 1er mars 1840, désireux de terminer la conquête, nomma le général Bugeaud gouverneur général de l'Algérie. Sa proclamation, datée d'Alger, 21 février 1841, exprima la ferme résolution d'en finir... « J'ai toujours fait des efforts pour détourner mon pays de s'engager dans cette conquête... Ma voix n'a pas été assez puissante ; le pays s'est engagé, je dois le suivre ; il faut que les Arabes soient soumis...! » Il appliqua alors à cette guerre sa maxime favorite : « Pour vaincre les Arabes, il faut se faire Arabe » ; par des courses rapides à travers le pays, il les harcela sans cesse, ne leur permit ni de semer, ni de récolter, et, en trois ans, soumit le pays, de Tunis au Maroc.
Nommé maréchal de France, le 17 juillet 1843, il commença, en mai 1844, cette brillante campagne du Maroc, signalée par de nombreux succès et terminée par la victoire d'Isly (14 juillet) qui lui valut le titre de duc d'Isly ; le gouvernement y ajouta la remise des 18 000 francs de droit de sceau que le nouveau duc refusait de payer.
Il revint en France, mais fut rappelé en Afrique (avril 1846) par les nouvelles tentatives d'Abd-el-Kader, fit campagne contre les tribus de l'Ouarencenis, puis, en avril 1847, pénétra en Kabylie, où les montagnards se soumirent à celui qu'ils appelaient « le maître de la Fortune. » En désaccord avec le gouvernement sur certaines questions, il envoya sa démission de gouverneur général en mai suivant, et fut remplacé, le 11 septembre, par le duc d'Aumale.
Le 24 février 1848, il reçut, à 3 heures du matin, des ministres Trézel et Duchâtel, le commandement supérieur de l'armée et des gardes nationales de Paris. Il était convaincu qu'il allait vaincre « l'émeute, » lorsqu'on ordonna de cesser le feu. Bugeaud offrit son concours au gouvernement provisoire, qui le refusa.
N'ayant pu être élu représentant du peuple dans la Dordogne, il se présenta le 26 novembre 1848, dans la Charente-Inférieure, en remplacement du prince Louis-Napoléon qui avait opté pour un autre département, et fut élu par 25 099 voix sur 29 540 votants et 135 506 inscrits. Il prit place à droite, montra des idées de conciliation qu'on ne lui connaissait pas, et vota, avec la droite, pour la proposition Rateau, et pour le renvoi des accusés du 15 mai devant la Haute-Cour; il fut en congé pendant le reste de la session.
Louis-Napoléon, président de la République, nomma le maréchal Bugeaud commandant en chef de l'armée des Alpes.
Le 13 mai 1849, la Charente-Inférieure l'élut représentant à la Législative, le 3e sur 10, par 75 118 voix sur 90 799 votants, et 142 041 inscrits; dans le tumulte de la première séance, il fit entendre ces paroles : « Les majorités sont tenues à plus de modération que les minorités », et, moins d'un mois après, il était emporté par le choléra, après avoir reçu la visite du président de la République.
Il fut enterré solennellement aux Invalides ; la ville d'Alger lui a élevé une statue sur la place d'Isly, le 14 août 1852.
Il était Grand Croix dans l'ordre de la Légion d'honneur.
On a de lui :
- Essai sur quelques manœuvres d'infanterie (1815),
- Mémoire sur l'impôt du sel (1831),
- De l'Organisation unitaire de l'armée (1835),
- et des publications sur l'Algérie (1838-1842).
Date de mise à jour : novembre 2015