François, Antoine de Boissy d'Anglas
1756 - 1826
Les archives de François-Antoine de Boissy d’Anglas sont conservées aux Archives départementales de l’Ardèche sous la cote 12 J. Issu d’un don, le fonds Boissy d’Anglas couvre la période 1669-1844. Les 1,7 mètre linéaire d’archives qui le constituent sont décrites dans un répertoire numérique et sont librement communicables. De plus amples renseignements sur ce fonds sont disponibles sur le site Internet des Archives départementales de l’Ardèche.
Député aux états généraux de 1789, membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, membre du Tribunat, membre du Sénat conservateur et pair de France, né à Saint-Jean-Chambre (Généralité de Montpellier), le 8 décembre 1756, mort à Paris, le 20 octobre 1826.
Issu d'une famille protestante, il avait été reçu avocat au Parlement de Paris avant la Révolution, avait acheté la charge de maître d'hôtel de Monsieur (depuis Louis XVIII), mais s'était exclusivement occupé de littérature, et était membre de plusieurs Académies de province, et correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-lettres de Paris.
Ses œuvres littéraires, dans lesquelles il défendait les principes de la Révolution, le firent élire, le 25 mars 1789, député du tiers aux Etats-Généraux par la sénéchaussée d'Annonay. Il y vota avec la majorité, aborda rarement la tribune, demanda des mesures sévères contre le camp de Jalès devenu pour le Midi un foyer de guerre civile, dénonça un mandement réactionnaire de l'archevêque de Vienne, et prit la défense des hommes de couleur. Un libelle, publié à cette occasion, ayant porté son nom sur la liste des députés qui ont voté pour l'Angleterre contre la France, il protesta (mai 1791) contre cette assertion, en ajoutant que les députés qui avaient voté autrement « étaient de ceux qu'on appelle du côté droit, et dont les opinions ne passent pas pour excessivement populaires ».
Après la session, il fut nommé procureur-syndic de l'Ardèche et déclara, dans sa lettre d'acceptation (27 décembre 1791), qu'« il était attaché à la Constitution, et la regardait comme le plus bel ouvrage que des hommes aient pu créer. » Il montra dans ce poste, alors difficile, autant de justice que de fermeté, notamment lorsqu'il défendit en personne et sauva les prêtres enfermés dans la prison d'Annonay et qu'une bande armée voulait massacrer. C'est sur son initiative que le directoire de l'Ardèche réclama à l'Assemblée législative un arrêté sur les formes nouvelles des actes d'état civil.
Le 4 septembre 1792, le département de l'Ardèche l'élut à la Convention par 288 voix sur 387 votants; il fut envoyé en mission à Lyon, avec Vitet et Legendre, pour y rétablir l'ordre, puis, chargé de veiller à l'approvisionnement de l'armée des Alpes, il revint à la Convention pour le jugement de Louis XVI. Il vota pour l'appel au peuple, pour le sursis, et répondit au 3e appel nominal : « Il s'agit moins pour moi d'infliger un juste châtiment, de punir des attentats nombreux, que de procurer la paix intérieure. Je rejette donc l'opinion de ceux qui veulent faire mourir Louis ; je vote pour que Louis soit retenu dans un lieu sûr, jusqu'à ce que la paix et la reconnaissance de la République par toutes les puissances permettent d'ordonner son bannissement hors du territoire, »
Après ce vote, il se tint à l'écart jusqu'au 9 thermidor, vota pourtant avec les Girondins, et, après le 31 mai 1793, protesta, dans une lettre adressée au vice-président de l'administration centrale de l'Ardèche, contre la tyrannie de la Montagne. Cette pièce fut souvent dénoncée au comité de sûreté générale, mais Voulland, qui était lié avec Boissy d'Anglas, parvint toujours à l'écarter.
Après le 9 thermidor, Boissy d'Anglas fut nommé secrétaire de la Convention, octobre 1794, membre du comité de Salut public (5 décembre suivant), avec mission de veiller à l'approvisionnement de la capitale; à ce poste, il gagna, dans les pamphlets du jour, le surnom de Boissy-Famine, et s'éleva contre les menaces apportées par les sections à la barre de la Convention; il était à la tribune, le 1er avril 1795, présentant un rapport sur les subsistances, quand la salle fut envahie par une foule criant : Du pain et la Constitution de 1793. Boissy d'Anglas ne quitta pas la tribune, et quand la foule prise de peur se retira, au bruit de la générale et au son du tocsin, il acheva froidement la lecture de sou rapport.
Il présenta à la Convention, le 3 ventôse an III, au nom des comités de salut public, de sureté générale et de législation réunis, un rapport sur la séparation des églises et de l'Etat, et fit adopter le décret suivant: « Art. 1er: Conformément à l'article VII de la déclaration des droits de l'homme, et à l'article CXXII de la Constitution, l'exercice d'aucun culte ne peut être troublé. - Art. 2: La République n'en salarie aucun. - Art. 3: Elle ne fournit aucun local ni pour l'exercice du culte ni pour le logement des ministres. » etc.
Le 1er prairial, les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau soulevés venaient d'envahir l'Assemblée. Verneret, puis André Dumont avaient tour à tour abandonné le fauteuil de la présidence, impuissants devant l'émeute ; Boissy d'Anglas l'occupa à son tour, et resta impassible devant les menaces armées d'hommes et de femmes ivres de colère et de vin ; le député Kevelgan est frappé de coups de sabre ; Féraud est égorgé, et sa tête est présentée au bout d'une pique à Boissy d'Anglas, qui la salue avec respect. Cette scène horrible ne cessa qu'à la nuit, à l'arrivée de la garde-nationale. Le lendemain lorsque Boissy d’Anglas parut à la tribune, il fut salué d'unanimes applaudissements, et Louvet lui fit voter un hommage public de reconnaissance.
Il fut nommé membre du comité de constitution, déposa, le 13 juin 1795, un rapport relatif à la conservation des places fortes de la Hollande, et aux colonies, prononça (27 août), sur la situation de l'Europe, un important discours, où il demandait d'adoucir la sévérité des lois révolutionnaires, et dont la Convention ordonna la traduction en plusieurs langues; il réclama la présentation, par le comité de l'instruction publique, d'une liste des Français qui méritaient une statue, et fut le rapporteur du projet de Constitution de l'an III (13 juin 1795), que les Jacobins appelèrent la Constitution babebibobu, par allusion au léger bégayement du rapporteur.
Quelque peu compromis dans le mouvement des sections au 13 vendémiaire, ainsi que par la correspondance saisie sur un intrigant royaliste nommé Lemaire, il n'en fut pas moins élu au Conseil des Cinq-cents, le 22 vendémiaire an IV, par 72 départements ; il opta pour l'Ardèche, qui lui avait donné 191 voix sur 218 votants. Secrétaire de cette Assemblée, il appuya la demande de mise en liberté présentée par les femmes de Collot d’Herbois et de Billaud-Varennes, parla en faveur de la liberté illimitée de la presse, fut élu président de l'Assemblée (19 juillet 1796), s'opposa à l'amnistie réclamée pour les faits révolutionnaires, vota contre la loi qui excluait les parents d'émigrés des fonctions publiques, et accusa le Directoire de protéger le vice.
Il avait été réélu, par le département de la Seine, au Conseil des Cinq-Cents, le 22 germinal an V, avec 525 voix. Affilié au parti clichyen, il fut proscrit au 18 fructidor, mais il réussit à se cacher, puis vint, deux ans après, se constituer prisonnier à l'île d'Oléron, au moment où le coup d'Etat de brumaire allait lui rendre sa liberté.
Le 4 germinal an IX, il fut nommé membre du Tribunat, puis membre du Sénat conservateur le 28 pluviôse an XII, de la Légion d'honneur le 4 frimaire an XII, et commandeur du même ordre, le 25 prairial suivant, créé comte de l'Empire le 26 avril 1808, et grand officier de la Légion d'honneur le 30 juin 1811.
En 1814, Napoléon l'envoya comme commissaire extraordinaire dans la 12e division militaire (La Rochelle), où il sut organiser la résistance et maintenir la paix intérieure. C'est de là qu'il envoya son acte d'adhésion à la déchéance de Napoléon prononcée par le Sénat.
Louis XVIII le nomma pair de France (4 juin 1814).
L'empereur, de retour de l'île d'Elbe, le chargea pourtant de mettre le Midi en état de défense, et le créa pair des Cent-Jours (2 juin 1815).
Après Waterloo, Boissy d'Anglas vota contre l'avènement de Napoléon II, fut éliminé de la Chambre des pairs au retour de Gand (24 juillet 1815), puis réintégré par une ordonnance royale du 17 août suivant, et compris dans la réorganisation de l'Institut (21 mars 1816). Son nom ne figure pas dans le scrutin du jugement du maréchal Ney. À la Chambre haute, il se montra le défenseur des libertés publiques, réclama (1818) l'application du jury aux procès de presse, combattit la modification de la loi électorale, et contribua à faire rappeler d'exil plusieurs conventionnels atteints par la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides.
Boissy d'Anglas a publié un grand nombre d'ouvrages politiques et littéraires, entre autres :
- Essai sur les fêtes nationales (1794) ;
- Mémoire sur les limites futures de la République française (1795) ;
- Discours sur la liberté de la presse (1817) ;
- Essai sur M. de Malesherbes (1819) ;
- Recueil de divers écrits en prose et en vers (1825), etc.