Charles, Maurice de Talleyrand-Périgord Prince de Bénévent

1754 - 1838

Informations générales
  • Né le 2 février 1754 à Paris ( - Généralité de Paris France)
  • Décédé le 17 mai 1838 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 16 février 1790 au 28 février 1790

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 3 avril 1789 au 30 septembre 1791
Baillage
Autun (Type : Bailliage)
Groupe
Clergé

Gouvernement

Chef du Gouvernement
du 9 juillet 1815 au 25 septembre 1815

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1789, ministre, pair de France, né à Paris (Généralité de Paris) le 2 février 1754, mort à Paris (Seine) le 17 mai 1838, d'une vieille famille noble du Quercy, deuxième fils de Charles-Daniel comte de Talleyrand-Périgord, lieutenant-général des armées du roi, et d'Alexandrine-Marie-Victoire-Eléonore de Damas d'Antigny, il perdit de bonne heure son frère aîné, et fut, selon l'usage des familles nobles, destiné à la carrière des armes.

Un accident, à l'âge de quatre ans, l'ayant rendu boiteux pour la vie, on décida qu'il entrerait dans les ordres, et on l'envoya d'abord près de sa bisaïeule, Mme de Chalais, en Périgord, puis au collège d'Harcourt, enfin près de son oncle Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, qui était coadjuteur de l'archevêque de Reims et sera député du clergé aux états généraux de 1789. Mme de Genlis raconte dans ses Mémoires qu'elle le vit à cette époque chez l'archevêque de Reims : « Déjà en soutane, quoiqu'il n'eut que douze ou treize ans, il boitait un peu, était pâle et silencieux ; mais je lui trouvai un visage très agréable et un air observateur qui me frappa. »

Après un an de séjour à Reims, il entra à Saint-Sulpice ; il ne semble pas y avoir la tristesse profonde qu'il accuse dans ses Mémoires parus récemment : une liaison amoureuse l'occupa quotidiennement pendant deux ans ; il fut ordonné prêtre à 21 ans, fut pourvu de l'abbaye de Saint-Denis au diocèse de Reims, et fut délégué, la même année, par cette province, à l'assemblée générale du clergé. Après l'assemblée, il passa deux ans en Sorbonne, « occupé de tout autre chose, dit-il, que de théologie », eut pour compagnons de plaisirs MM. de Choiseul-Gouffier et Louis de Narbonne, compta de nombreux succès mondains, devint agent général du clergé de France en 1780, se mêla aux intrigues de cour, agiota avec Sainte-Foy, et, après une attente inusitée, motivée par les répugnances et les scrupules de Louis XVI, fut pourvu de l'évêché d'Autun (1er octobre 1788).

Il fit partie de la réunion des notables (1788) qui précéda les états généraux, s'y montra favorable aux idées nouvelles, et fut élu, le 3 avril 1789, député du clergé du bailliage d'Autun aux états généraux.

Le 21 juin, il se réunit aux députés du tiers, demanda la nullité des mandats impératifs, fut un des instigateurs de la suppression des dîmes, devint membre du Comité de constitution et secrétaire de l'Assemblée, proposa d'appliquer les biens du clergé aux besoins de l'Etat (10 octobre), et refusa à son ordre la qualité de propriétaire.

Le clergé du diocèse d'Autun protesta contre les opinions émises par son évêque, mais Talleyrand avait l'appui de la majorité qui, trois jours après cette protestation, le choisit pour président (16 février 1790).

A la messe de la fédération au Champ-de-Mars (14 Juillet 1790), l'évêque d'Autun officia pontificalement; on prétend que passant en habits sacerdotaux auprès de La Fayette, il lui aurait dit : « Ne me faites pas rire. »

Il fit adopter à l'Assemblée un plan d'instruction publique, fut des premiers à prêter serment à la constitution civile du clergé (27 décembre), et, par une lettre du 29, écrivit au clergé de son diocèse pour l'engager à en faire autant : « Ce devoir que j'ai rempli dans toute la sincérité de mon âme, vous le remplirez sûrement aussi dans les mêmes sentiments qui m'ont animé. » A cette date, on lit dans ses Mémoires: « Je ne crains pas de reconnaître, quelque part que j'aie eue dans cette œuvre, que la constitution civile du clergé a été peut-être la plus grande faute de l'Assemblée constituante. »

Il sacra, en février, les évêques Constitutionnels de l'Aisne et du Finistère, et fut frappé d'excommunication par le pape le mois suivant.

En avril, il fut élu administrateur du département de Paris, à la place de Mirabeau qui venait de mourir, proposa et fit adopter, à la Constituante, le principe du système métrique et la loi qui sert de base à la perception de l'enregistrement, et présenta (10 et 11 septembre 1791) un plan complet d'éducation nationale, qu'on n'eut pas le temps de discuter avant la fin de la session, mais qui servit de point de départ aux projets qui furent élaborés par la suite.

Après la session, Talleyrand, qui avait donné dès le commencement de 1791 sa démission d'évêque et refusé d'être élu évêque constitutionnel de Paris, « se mit à la disposition des événements. Pourvu que je restasse en France, tout me convenait : la Révolution promettait de nouvelles destinées à la nation; je la suivis dans sa marche, et j'en courus les chances. » (Mémoires.) Cette confiance ne résista pas au contre-coup des événements.

Après le 10 août, M. de Talleyrand crut le moment venu de quitter la France, et, muni d'un passeport du gouvernement, obtint pour Londres une mission « dont l'objet était l'établissement d'un système uniforme de poids et mesures. » (Mémoires.) Les négociations politiques dont il était principalement chargé n'aboutirent pas, et il fut expulsé d'Angleterre en vertu de l’Alien Bill, tandis que la Convention le décrétait d'accusation (5 décembre 1792), sur la découverte d'une lettre qu'il avait adressée au roi le 22 avril 1791, et dans laquelle-il lui disait qu'il voulait servir ses intérêts.

Il s'embarqua pour les Etats-Unis: sa correspondance de Philadelphie avec des banquiers de Londres montre qu'il s'y occupa beaucoup d'affaires financières et industrielles. Sur ses instances, appuyées par Mme de Staël, il obtint que la proscription fût rapportée; il revint en Europe, passa quelque temps à Hambourg, où il connut Mme Grand, jeune Anglaise divorcée, belle, mais sans esprit, à laquelle il s'attacha, et qu'il épousa plus tard, passa à Amsterdam, à Altona, et rentra à Paris en septembre 1796.

L'amitié de Barras, qu'il avait su se ménager par d'habiles condescendances, le fit nommer (16 juillet 1797) ministre des Relations extérieures, en remplacement de Delacroix révoqué, et malgré l'opposition de Carnot et de Barthélemy, deux des cinq Directeurs. Le nouveau titulaire se montra ardent partisan de la paix; il avait rapporté d'Amérique des idées nouvelles sur la puissance de l'effort commercial et industriel d'un peuple, il rêvait de faire de la Méditerranée un lac français, et c'est pour cela qu'il fut favorable à l'occupation de Malte et à l'expédition d'Egypte ; en politique, il légitima dans une circulaire diplomatique le coup d'Etat de fructidor, sans y avoir pris part, et, dès son entrée aux affaires, fit des avances à Bonaparte.

Il lui écrivait :

« J'ai l'honneur de vous annoncer, général, que le Directoire exécutif m'a nommé ministre des Relations extérieures. Justement effrayé des fonctions dont je sens la périlleuse importance, j'ai besoin de me rassurer par le sentiment de ce que votre gloire doit apporter de moyens et de facilités dans les négociations. Le nom seul de Bonaparte est un auxiliaire qui doit tout aplanir. Je m'empresserai de vous faire parvenir toutes les vues que le Directoire me chargera de vous transmettre, et la renommée, qui est votre organe ordinaire, me ravira souvent le bonheur de lui apprendre la manière dont vous les aurez remplies ».

En réalité, Talleyrand s'appliqua dès alors à être l'agent du général près du Directoire ; il le servit de toute son influence, fit constamment triompher ses vues personnelles, malgré Rewbell qui était plus spécialement chargé des affaires étrangères, et, lorsque Bonaparte vint devant le Directoire après Campo-Formio, Talleyrand le présenta en ces termes :

« ... Le dirai-je ? j'ai craint un instant pour lui cette ombrageuse inquiétude, qui, dans une République naissante, s'alarme de tout ce qui semble porter une atteinte quelconque à l'égalité ; mais je m'abusais. La grandeur personnelle, loin de blesser l'égalité, en est le plus beau triomphe, et, dans cette journée même, les républicains français doivent se trouver plus grands. » La haine corse que le général avait vouée à l'Angleterre fut flattée par la circulaire du ministre (4 janvier 1798) « contre le dernier ennemi que la France eût à vaincre ».

Talleyrand aida, d'autre part, au renversement du pape (février), à la révolution de Suisse, entra en négociations avec les Etats-Unis, avec le sénat de Hambourg, avec le cabinet de Lisbonne, non sans encourir, avec quelque apparence de raison, des reproches de vénalité et de corruption.

Lors du renouvellement partiel du Directoire, Talleyrand, en butte aux attaques du parti jacobin qui triomphait, donna sa démission de ministre (20 juillet 1799). Mais le coup d'Etat de brumaire le rappela à ce poste (22 novembre) et le ministre s'attacha encore plus étroitement à la fortune personnelle de Bonaparte.

« Votre Majesté sait, lui écrivait-il le 10 thermidor an XII, et je me plais à le lui répéter, que, lassé, dégoûté de tous les systèmes politiques qui ont fait la passion et le malheur de tous les Français pendant dix ans, ce n'est que par Elle et pour Elle que je tiens aux institutions qu'Elle a fondées. »

Il lui fit sa cour même dans les plus petites choses, et on lit dans un journal du 3 pluviôse an VIII :

« Le ministre des Relations extérieures donne demain un grand souper suivi de bal au général Bonaparte et à son épouse. Il y a plus de quatre cents personnes invitées. La circulaire d'invitation contient cette phrase : Vous jugerez convenable, j'en suis sûr, de vous interdire tout habillement provenant de manufactures anglaises. »

A l'extérieur, le ministre prépara entre la France et la Russie une alliance que la mort tragique de Paul Ier ne permit pas de mener à fin, et prit part aux traités de Lunéville, de Florence, de Badajoz, et à la conclusion du Concordat. A cette occasion, il obtint du pape (1802) le retrait de l'excommunication de 1791, et un bref de sécularisation, dont il exagéra singulièrement la portée, en épousant, le 10 septembre 1802, à la mairie du Xe arrondissement, Mme Grand, avec laquelle il vivait depuis six ans, et qui est inscrite sur les registres : « Catherine-Noël Vorlée, âgée de 39 ans, née à Tranquebar (colonie danoise), épouse divorcée de Georges-François Grand. »

Ami de la paix, Talleyrand essaya en vain de conjurer la rupture de la paix d'Amiens. Il s'est toujours détendu d'avoir joué un rôle actif dans la mort du duc d'Enghien (26 mars 1804) ; mais, sans tenir compte de l'initiative dont le charge le duc de Rovigo dans cette affaire, Napoléon, qui n'a jamais refusé d'assumer la responsabilité de cet acte, a dit formellement à Sainte-Hélène que « Talleyrand avait été l'instrument principal et la cause active de la mort du duc d'Enghien » ; lors de la disgrâce de 1809, il lui cria, en plein conseil : « Et vous avez prétendu que vous avez été étranger à la mort du duc d'Enghien. Mais oubliez-vous donc que vous me l'avez conseillée par écrit ? »

Le projet de descente en Angleterre restait toujours la préoccupation de Napoléon devenu empereur. Talleyrand songea à isoler l'Angleterre, en donnant à l'Autriche des possessions le long du Danube, et en la mettant ainsi en rivalité avec la Russie. L'empereur n'agréa pas ce plan, et la coalition de 1805 le força bientôt à maintenir la guerre sur le continent. La confédération du Rhin fut l'œuvre du ministre : il obtint l'adhésion de la Russie et de la Prusse, mais, malgré ses efforts, ne put pas signer avec l'Angleterre, où Fox avait succédé à Pitt, le traité de paix et d'alliance qui fut, en réalité, le seul rêve constant de toute sa vie.

Nommé prince de Bénévent le 5 juin 1806, aux dépens du pape à qui cette principauté était enlevée, il prit part aux négociations qui précédèrent le traité de Tilsitt, et se démit un mois après (8 août 1807) du portefeuille des Affaires étrangères qui fut donné au duc de Cadore. Napoléon a dit à Sainte-Hélène qu'il était alors fatigué des « agiotages et des saletés » de son ministre il créa néanmoins pour lui la place de vice-grand-électeur, « sinécure honorable et lucrative » (Mémoires).

Talleyrand se montra hostile à la guerre d'Espagne et se rapprocha de Fouché qu'il tenait à distance depuis dix ans. Napoléon suspecta cette attitude, lui enleva ses fonctions de grand chambellan, et lui fit, en plein Conseil, une scène des plus vives que Talleyrand subit impassible, se contentant de dire en se retirant : « Quel dommage qu'un si grand homme ait été si mal élevé ! »

En sa qualité de grand dignitaire, il fut appelé, en janvier 1810, à donner son avis dans l'affaire du divorce de Napoléon avec Joséphine : il parla en faveur de l'alliance avec une archiduchesse d'Autriche ; Napoléon préférait une princesse russe, mais le refus de la cour de Russie ne laissa plus à l'empereur que l'alternative de l'archiduchesse Marie-Louise.

A cette époque, Talleyrand, qui se trouvait dans un réel état de gêne, se fit acheter son hôtel par l'empereur au prix de deux millions cent mille francs, et acquit l'hôtel de l'Infantado, rue Saint-Florentin, où il résida jusqu'à sa mort. Il resta d'ailleurs étranger à la politique du moment, déclara avec détachement, lors de la campagne de Russie, que c'était « le commencement de la fin », fut dénoncé à l'empereur, à son retour, comme fauteur de menées monarchiques, se disculpa sans peine, mais reçut l'ordre de se rendre dans ses terres.

Rappelé à Paris après la malheureuse campagne de Saxe, il conseilla la paix à tout prix, ne fut pas écouté, et attendit, on observant les événements.

Dès 1813, il était entré en relations avec Louis XVIII. L'empereur le nomma membre du conseil de régence, et, pendant ce temps, Talleyrand négociait avec l'empereur Alexandre, et lui adressait notamment un mémoire détaillé sur l'état des esprits ; il s'était lié en outre avec des sénateurs hostiles à l'empire, et recevait chez lui les émissaires avoués des Bourbons. Quand il fut décidé que la régente se rendrait à Blois, Talleyrand déclara qu'il l'accompagnerait : mais il prévint les alliés, et quelques cavaliers autrichiens l'arrêtèrent aux portes de Paris, et l'y ramenèrent.

Talleyrand dicta au Sénat l'acte de déchéance (2 avril 1814), reçut l'empereur Alexandre dans son hôtel de la rue Saint-Florentin, lors de l'entrée des alliés à Paris, et fut nommé président du gouvernement provisoire : rien n'est moins prouvé toutefois que la mission qu'il aurait donnée alors à M. de Maubreuil d'assassiner Napoléon.

A son arrivée, Louis XVIII le nomma ministre des Affaires étrangères (12 mai 1841) pair de France (4 juin), et le chargea de représenter la France au congrès de Vienne. Il y fit défendit noblement les droits de la France, obtint les anciennes limites, fit restaurer à Naples la branche des Bourbons, sauva la Saxe, et conclut, avec l'Angleterre et l'Autriche, le traité secret du 3 janvier 1815.

Proscrit par Napoléon aux Cent-Jours, il le fit mettre au ban de l'Europe par le congrès de Vienne, et fut l'âme de la coalition qui triompha à Waterloo.

A la seconde Restauration, Louis XVIII, bien qu'il eût été tenu au courant de certaines ouvertures faites par Talleyrand au duc d'Orléans, lui rendit le portefeuille des Affaires étrangères ; mais l'empereur Alexandre, froissé par l'attitude de notre ministre au congrès de Vienne, exigea son renvoi (28 septembre), que le roi adoucit avec le titre de grand chambellan et un traitement de cent mille francs. Talleyrand remplit ponctuellement ces fonctions, les seules auxquelles l'appela la Restauration, reçut de Maubreuil (21 janvier 1817), au moment où il entrait dans la cathédrale de Saint-Denis pour l'anniversaire de la mort de Louis XVI, un soufflet retentissant, et se montra assidu à la Chambre des pairs ; son nom ne figure pas au scrutin dans le procès du maréchal Ney, mais il parut à la tribune lors de la discussion du projet de loi sur les délits de presse, combattit la guerre d'Espagne (1823), et parla sur la loi électorale ; la faillite Paravey l'obligea à restreindre son train; il habita fréquemment Valençay (il fut même élu, en 1833, conseiller général de l'Indre), et vit venir avec satisfaction la chute d'une monarchie qui n'avait souci ni de ses talents ni de sa fortune.

Il était déjà en rapports particuliers avec le duc d'Orléans, lorsque celui-ci fut appelé au trône ; il se chargea de négocier auprès du corps diplomatique, accepta du nouveau gouvernement l'ambassade de Londres (septembre 1830), et y prépara l'alliance anglo-française, l'objectif permanent de la politique de Louis-Philippe : le refus du trône de Belgique pour le duc de Nemours fut un des sacrifices faits à « l'entente cordiale ». La conclusion du traité du 22 avril 1834, par lequel l'Espagne et le Portugal accédaient à l'alliance anglo-française, fut le suprême succès diplomatique de M. de Talleyrand : il demanda alors son rappel (13 novembre 1834), revint à Paris, siégea à l'Académie des sciences morales et politiques, dont il faisait partie depuis 1832, et, sur les conseils de son entourage, prépara sa réconciliation avec l'Eglise. L'abbé Dupanloup fut l'intermédiaire de ces négociations qui aboutirent à l'abjuration solennelle du 11 mars 1838, deux mois avant sa mort.

Il mourut à quatre-vingt-quatre ans, de vieillesse d'abord, compliquée d'anthrax ou gangrène blanche, après avoir reçu les sacrements de l'Eglise.

M. de Talleyrand était grand-croix de la Légion d'honneur, membre de la Toison d'Or, et décoré de la plupart des ordres étrangers.

Il a peu écrit, et a laissé des Mémoires, destinés à n'être publiés que trente ans après sa mort. Le premier volume n'a paru qu'en mars 1891, mais ces Mémoires, même en admettant leur authenticité, sont loin d'avoir l'intérêt historique que semblait promettre la précaution dilatoire de leur auteur.

Trop diplomate pour se révéler lui-même, fût-ce même trente ans après sa mort, il ne saurait gagner à être jugé à distance, alors que s'effacent les circonstances atténuantes et successives d'une carrière si ondoyante. « Il était toujours en état de trahison, a dit de lui Napoléon, mais c'était de complicité avec la fortune. » Lamartine l'a appelé « le courtisan du destin », et lui-même plaide aujourd'hui les circonstances atténuantes : « Je n'ai conspiré dans ma vie qu'aux heures où j'avais la majorité de la France pour complice, et où je cherchais, avec elle, le salut de la patrie. » (Mémoires)