Bertrand Barère de Vieuzac
1755 - 1841
Député à la Constituante de 1789, membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, représentant à la Chambre des Cent Jours, né à Tarbes (Généralité de Pau et Auch - France), le 10 septembre 1755, mort à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 13 janvier 1841, il était avocat distingué au Parlement de Toulouse, lauréat des jeux floraux pour un Eloge de Louis XII, et conseiller doyen de la sénéchaussée de Bigorre (1775 à 1778), qui l'envoya comme représentant du tiers état aux états généraux, le 23 avril 1789.
Il siégea parmi les libéraux modérés, dont son journal, le Point du Jour, devint l'organe, vota pour la liberté de la presse, « garantie de toutes les autres libertés », fit voter une pension à la veuve de Jean-Jacques Rousseau, une statue à l'auteur du Contrat Social, et des honneurs extraordinaires à la mémoire de Mirabeau, demanda l'émancipation des noirs, et s'appliqua à restreindre le plus possible les prérogatives du pouvoir exécutif. Avant l'expiration de la législature, Barère fut appelé au tribunal de cassation (28 avril 1791).
Le 4 septembre 1792, il fut élu membre de la Convention par deux départements, dans les Hautes-Pyrénées par 274 voix sur 278 votants, et dans Seine-et-Oise par 456 voix sur 673 votants ; il opta pour les Hautes-Pyrénées. Il n'apporta pas, à la Convention, l'esprit de modération relative dont il avait fait preuve à la Constituante, et, résolu de se mettre du côté du plus fort, se signala surtout par les tergiversations de son zèle et de ses violences. Un jour, il demande la suppression de la Commune de Paris « du sein de la quelle s'élève le monstre de l'anarchie », et, quelque temps après, il la loue des massacres de septembre.
Il présidait la Convention lors de l'interrogatoire de Louis XVI ; il y montra une partialité cruelle, qui n'était guère dans son caractère, et dont il se défendait dit-on en particulier. Mais la peur talonnait sa timidité, et, défaut méridional, l'ancien lauréat de Clémence Isaure se grisait aussi de son éloquence. Au moment du jugement, il répondit, au 3e appel nominal :
« Si les mœurs des Français étaient assez douces, et l'éducation publique assez perfectionnée pour recevoir de grandes institutions sociales, et des lois humaines, je voterais dans cette circonstance unique pour l'abolition de la peine de mort, et je porterais ici une opinion moins barbare. Mais nous sommes encore loin de cet état de moralité ; je suis obligé d'examiner avec une justice sévère la question qui m'est proposée. La réclusion jusqu'à la paix ne me présente aucun avantage solide, un roi détrôné par une nation me paraît un mauvais moyen diplomatique. Le bannissement me semble un appel aux puissances étrangères et un motif d'intérêt de plus en faveur du banni. J'ai vu que la peine de mort était prononcée par toutes les lois, et je dois sacrifier ma répugnance naturelle pour leur obéir. Au tribunal du droit naturel, celui qui fait couler injustement le sang humain doit périr; au tribunal de notre droit positif, le code pénal frappe de mort le conspirateur contre sa patrie et celui qui a attenté à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat ; au tribunal de la justice des nations, je trouve la loi suprême du salut public. Cette loi me dit qu'entre les tyrans et les peuples, il n'y a que des combats à mort. Elle me dit aussi que la punition de Louis, qui sera la leçon des rois, sera encore la terrible leçon des factieux, des anarchistes, des prétendants à la dictature ou à tout autre pouvoir semblable à la royauté. Il faut que les lois soient sourdes et inexorables pour tous les scélérats et ambitieux modernes. L'arbre de la liberté, a dit un auteur ancien, croît lorsqu'il est arrosé du sang de toute espèce de tyrans : la loi dit la mort, et je ne suis ici que son organe. »
Nommé, un des premiers, membre du Comité de salut public, il ne prit pas parti au 31 mai, et offrit même aux Girondins compromis d'envoyer, dans leurs départements, des otages; mais le triomphe de la Montagne et du Comité de salut public n'eut pas de soutien plus zélé que lui ; il prit part à tous les actes de la Terreur, rédigea tous les décrets, dénonça Danton et Hébert : « il n'y a que les morts, disait-il, qui ne reviennent pas. »
Protégé par Robespierre, la peur le reprit, quand il vit l'Incorruptible entrer en lutte avec le Comité de sûreté générale, et demander des têtes : « Ce Robespierre est insatiable, disait-il » ; il l'abandonna, revint à lui le 8 thermidor, après l'effet de son discours à la Convention, discours dont Barère s'empressa de demander l'impression ; il resta neutre le 9 thermidor ; mais, Robespierre mort, il proposa une adresse au peuple sur le « monstre qu'on venait de punir ». Mais Lecointre d'abord (8 fructidor an II), puis Legendre (12 vendémiaire an III), demandèrent l'arrestation des membres des anciens comités ; Barère fut décrété d'accusation avec Collot d'Herbois et Billaud-Varenne, et condamné à la déportation ; transféré à Rochefort, il ne fut pas embarqué pour Cayenne avec les deux autres ; bientôt, le décret de déportation fut rapporté, après les événements de prairial, puis renouvelé après le 13 vendémiaire : Barère put y échapper par la fuite.
Elu, le 25 germinal an V, par les Hautes-Pyrénées, député au Conseil des Cinq-Cents, il ne put siéger, le Conseil ayant, le 1er prairial, annulé son élection. Barère s'enfuit de nouveau, mais réussit à profiter du décret d'amnistie qui suivit le coup d'Etat de brumaire; il en remercia le premier consul, en lui dénonçant un complot ourdi contre lui. Présenté, en 1805, par son département comme candidat au Corps législatif, sa candidature n'obtint pas une seule voix dans le Sénat conservateur ; il se consacra alors à des travaux littéraires, tels que : La Vie de Cléopâtre, Voyage de Platon en Italie, Géochronologie de l'Europe, Epoques de la nation française, Théorie de la Constitution de la Grande-Bretagne, etc. Il collaborait en même temps au Journal de Paris et à une feuille anti-britannique, The Argus.
Le 15 mai 1815, l'arrondissement d'Argelès l'envoya à la Chambre des Cent-Jours, où il reparut tel qu'il avait été à la Constituante, demanda des ministres responsables, défendit la liberté de la presse, et proposa, en présence des armées alliées, de mettre la représentation nationale sous la sauvegarde du peuple.
Proscrit, au retour des Bourbons, par la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, il se réfugia à Bruxelles, y prit le nom de Barère de Roquefeuille, rentra en France après la révolution de Juillet, et se retira à Tarbes, son pays natal, sans renoncer encore à s'y faire oublier.
Dans une lettre datée de Tarbes, 16 juin 1834, il écrit à Thiers, qui l'avait proposé à l'Académie comme titulaire d'une pension vacante par la mort de Garat : « L'illustre historien de la Révolution française s'est souvenu d'un député que les événements et ses concitoyens lancèrent dans le volcan de 1789. J'ai publié plus de vingt-cinq volumes de littérature et de traductions de l'anglais et de l'italien ; je croyais que la mort de Garat, mon ancien ami, aurait été l'occasion de me transmettre sa pension littéraire ; mais vos immortels ne laissent rien échapper des petites ambitions de la terre. »
Sa position devint des plus précaires, et le 9 juin 1840 il écrivait à Louis-Philippe, à l'occasion de l'anniversaire de sa naissance, pour solliciter un secours, « n'ayant pas de quoi passer l'année. »
Il a émis, dans une lettre du 23 décembre 1838, son opinion sur la Convention : « La Convention est venue trop tôt pour la liberté démocratique, mais seulement à temps pour sauver le territoire et la. nationalité de la France. Elle n'a pas été comprise et fort mal jugée par ses contemporains, qui étaient passionnés et sans portée politique. L'avenir sera plus juste. »
Date de mise à jour: mars 2014