Jacques, Jean Billaud-Varennes
1756 - 1819
Membre de la Convention, né à La Rochelle (Généralité de La Rochelle, France), le 23 avril 1756, mort à Port-au-Prince, le 3 juin 1819, il était fils d'un avocat de La Rochelle.
Destiné de bonne heure à l'état ecclésiastique, il entra dans la congrégation de l'Oratoire, et devint, par la suite, professeur et préfet au collège de Juilly ; en août 1784, il cherchait à faire jouer un opéra intitulé Morgan, qu'il avait composé ; son goût pour le théâtre le fit congédier par ses supérieurs ; il quitta, en 1785, l'habit d'oratorien, et vint à Paris, où il épousa la fille naturelle du fermier général de Verdun.
Il resta dans une profonde obscurité jusqu'aux premiers jours de la Révolution ; c'est, à cette époque seulement qu'il se fit connaître par la publication de quelques brochures. Nommé, en 1792, substitut du procureur de la commune, il assista, en cette qualité, aux massacres de Septembre. Dans le même mois, il fut envoyé à Chalons avec le titre de commissaire de la commune de Paris, et dénonça la municipalité de cette ville à l'Assemblée législative, qui n'eut point égard à la dénonciation.
Les électeurs de Paris le choisirent (7 septembre 1792) pour leur député à la Convention nationale. Elu par 472 voix sur 676 votants, il proposa, dès la quatrième séance, de décréter la peine de mort contre le lâche qui introduirait l'ennemi sur le territoire français. Le 29 octobre, il défendit Robespierre accusé par Louvet, et demanda le rappel à l'ordre de ce député.
Dans le procès de Louis XVI, il vota pour la mort sans sursis ; au 2e appel nominal, il avait répondu :
« comme Brutus n'hésita pas à envoyer ses enfants au supplice, je dis non. »
Au 3e appel, il s'écria : « La mort dans les vingt-quatre heures. »
Le 5 mars, la nouvelle de la trahison de Dumouriez étant parvenue à la Convention, Billaud, qui voyait qu'on hésitait à publier ce malheur, s'écria qu'il ne fallait rien cacher au peuple. « C'est, dit-il, à la nouvelle de la prise de Verdun qu'il s'est levé et qu'il a sauvé la patrie ! » En mission à Rennes au moment de l'insurrection de la Vendée, il s'efforça d'étouffer cette guerre, et, pour y parvenir, demanda des troupes qui ne furent pas envoyées, ce qui le porta alors à accuser de trahison le conseil exécutif.
Plus tard il se prononça violemment contre les Girondins, et proposa de faire pour eux l'appel nominal et de les mettre aussitôt en jugement. Le 25 juin, il dénonça comme anarchiste Jacques Roux, prêtre et membre de la commune de Paris, qui avait lu à la Convention une adresse contre l'agiotage et l'accaparement.
Après avoir rempli une mission dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, il revint à la Convention et demanda que les troupes employées à l'intérieur marchassent sans délai aux frontières et que tous les citoyens de vingt à trente ans fussent mis en réquisition. Le 5 septembre, il soutint la demande, faite par les sections, de la formation d'une armée révolutionnaire, et fit hâter la mise en jugement de Clavière et de Lebrun.
Le soir même, il fut nommé président de la Convention et adjoint au comité de Salut public ; quelques jours après, il défendit ce comité attaqué à la Convention. Le 29, il fit décréter que le tribunal criminel extraordinaire prendrait le titre de tribunal révolutionnaire. Le 18 novembre, il proposa au nom du comité de Salut public, l'établissement d'un gouvernement provisoire révolutionnaire, et ce fut d'après son rapport, que ce régime fut effectivement organisé. Le 29 décembre, il déjoua les projets de ceux qui demandaient que le comité de Salut public fût appelé un comité de gouvernement. « C'est la Convention qui doit seule gouverner, » s'écria-t-il. Le 1er janvier 1794, il demanda que la Convention se rendît en corps à la fête célébrée le 21 janvier en commémoration de l'exécution de Louis XVI, et il fut désigné, le lendemain, par le club des Jacobins pour rédiger « l'acte d'accusation de tous les rois du monde ». Il était un des membres les plus influents de cette société, et ce fut encore lui qui, le 14 mars, développa devant elle le plan de la conspiration formée par Hébert : il fit prêter à tous les membres la serment de punir les conspirateurs.
Jusque-là, Billaud-Varennes avait constamment marché avec Robespierre, dont il partageait les vues sur le gouvernement révolutionnaire ; mais, effrayé, a-t-on dit, d'une phrase échappée à Maximilien et qui semblait l'accuser de trahison, il se joignit aux ennemis de ce député, qu'il attaqua bientôt avec une animosité extrême. Il fut de ceux qui, le 8 et le 9 thermidor, le dénoncèrent avec le plus d'acharnement et contribuèrent surtout à le faire décréter d'accusation. Six jours après, il se retira du comité de Salut public.
Dénoncé le 28 août, par Lecointre (de Seine-et-Oise), il fut mis hors de cause et sa conduite fut approuvée. Legendre prit encore la parole contre lui au 30 octobre ; mais cette nouvelle attaque échoua comme la première. Jusqu'au 4 novembre, Billaud-Varennes garda le silence ; puis, vivement affecté de la marche des événements, il éclata, à la tribune des Jacobins, contre ceux qui voulaient enrayer la Révolution, et dit que le temps était venu d'écraser les « scélérats » qui perdaient la République. Son discours produisit une grande sensation, et, le lendemain, il fut accusé à la Convention d'avoir excité le peuple contre l'Assemblée ; il repoussa cette inculpation, en avouant toutefois qu'il désapprouvait le système de modérantisme nouvellement adopté. Dès lors, il compta parmi les adversaires des « réacteurs » thermidoriens, qui ne tardèrent pas à le décréter d'accusation, à son tour, le 12 germinal an III, en même temps que Collot d'Herbois, Barère et Vadier.
Arrêté le lendemain, il fut condamné à la déportation le 1er avril 1795. Le décret qui le déportait fut rapporté lors des journées de prairial, et la Convention ordonna que Billaud fût traduit devant le tribunal criminel de la Charente-Inférieure ; mais il était déjà embarqué pour Cayenne. En y arrivant, il fut transporté dans l'intérieur du pays, et il resta pendant vingt ans à Sinnamari. Il parvint pourtant à s'enfuir en 1816 et se réfugia à Port-au-Prince, dans la République de Haïti, dont le président, Péthion, le traita avec égard et lui fit une pension qu'il toucha jusqu'à sa mort.
Billaud-Varennes supporta l'exil avec courage ; dans une lettre écrite de là-bas, il disait, en revenant sur le passé : « Les décisions que l'on nous reproche tant, nous ne les voulions pas le plus souvent deux jours, un jour avant de les prendre : la crise seule les suscitait. »
Doué d'un réel talent de parole et de plume, il avait publié un certain nombre d'ouvrages :
- le Dernier coup porté aux préjugés (1789) ;
- le Peintre politique, le Despotisme des ministres de France (1790, 3 volumes) ;
- Eléments de républicanisme (1793) ;
- Opinions politiques et morales (1794), etc.