François, Nicolas, Léonard Buzot
1760 - 1794
Député aux états généraux de 1789 et membre de la Convention, né à Evreux (Généralité de Rouen, France), le 1er mars 1760, mort à Saint-Magne (Gironde), le 25 juin 1794, il était avocat en renom à Evreux avant 1789.
Son contrat de mariage avec sa cousine, en date du 28 avril 1784, donne des détails précis sur sa famille et sur sa position: « Au traité de mariage qui, au plaisir de Dieu, sera fait en face de notre mère sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, entre Me François-Nicolas-Léonard Buzot, avocat au Parlement de Paris et aux sièges royaux, bailliage et siège présidial d'Evreux, fils aîné légitime de feu Me François Buzot, vivant procureur auxdits bailliage et siège présidial d'Evreux, et de demoiselle Marie-Madeleine Legrand, ses père et mère, d'une part; « Et de demoiselle Marie-Anne Baudry, fille légitime du sieur Jean-Pierre Baudry, ancien maître de forges, directeur en chef et contrôleur pour le roi des forges et manufactures royales de Cosne-sur-Loire où se fabriquent les ancres, fers et autres agrès pour le service de la marine et colonies de Sa Majesté, et de demoiselle Marie-Anne Buzot, d'autre part...»
Ce document apprend que l'épouse apportait en dot 1 021 livres, et des meubles, hardes et argenterie estimés 2 800 livres.
Le 27 mars 1789, Buzot fut élu député du tiers aux états généraux par le bailliage d'Evreux, prêta serment de fidélité le même jour dans la cathédrale d'Evreux, et partit pour Versailles le 27 avril.
À l'Assemblée, il s'éleva dès le début contre les prétentions des privilégiés, s'opposa à la reprise des négociations relatives à la vérification des pouvoirs en commun, et, après la séance royale du 23 juin 1789, réclama le maintien des arrêtés que Louis XVI venait d'annuler. Le 6 août, il fut le premier à soutenir que les biens d'Eglise appartenaient à la nation, attaqua le droit de chasse, parla en faveur de l'institution du jury, fit mander à la barre le garde des sceaux coupable de négligence dans la promulgation des lois, appuya la réunion du Comtat Venaissin à la France, demanda la création d'un tribunal chargé de poursuivre les crimes de lèse-nation, réclama l'extension du droit de pétition à toutes les réunions de citoyens, « l'insurrection étant sans cela le plus saint des devoirs », et vota, après le retour de Varennes, pour la mise en jugement du roi.
Après la session, il fut élu, le 3 septembre 1791, président du tribunal criminel de l'Eure, et fut envoyé à la Convention, le 4 septembre 1792, par le département de l'Eure, avec 449 voix sur 591 votants. Là il siégea avec les Girondins, dénonça les auteurs des massacres des prisons, accusa Robespierre (20 septembre) d'aspirer à la dictature, et dans un discours très net, qu'on releva plus tard contre lui, demanda (20 octobre) que chaque département fournît pour la garde de la Convention autant de fois quatre fantassins et deux cavaliers qu'il nommait de députés.
Dans le procès de Louis XVI, il se prononça pour l'appel au peuple et pour le sursis, et dit, au 3e appel nominal :
« Mon opinion est comme je l'ai prononcée à cette tribune, je l'ai fait imprimer.
- Je n'ai que quelques observations à ajouter, nécessaires au moment où nous sommes.
- J'ai voté pour l'appel au peuple, parce que j'ai pensé que c'était la seule mesure propre à éloigner de la République les malheurs dont elle est menacée ; parce que j'ai pensé que c'était une occasion favorable de donner aux autres départements l'influence politique qu'ils n'ont pas et qu'ils doivent avoir ; parce que j'ai pensé que refuser au peuple la sanction d'un décret de cette importance, c'était commettre un délit national auquel je ne voulais pas participer.
- Vous en avez jugé autrement, je respecte votre décret, je m'y soumets. Mais, citoyens, je ne vous dissimulerai pas que votre décision m'a plongé dans une cruelle incertitude. D'une part, la réclusion me paraît une mesure extrêmement dangereuse ; elle double nos dangers ; elle hâte l'instant de notre perte. Louis sera égorgé ; du moins, c'est ce que je prévois.
- On vous accusera de faiblesse, de pusillanimité, et vous perdrez la confiance dont vous avez besoin de vous environner pour sauver la chose publique. Cependant, citoyens, il me semble qu'il faut beaucoup plus de courage pour soutenir cette opinion que l'autre, et ce motif seul a suffi pour balancer longtemps celle que j'avais énoncée dans mon premier discours. D'ailleurs, la mort de Louis XVI, si elle est exécutée sur le champ, me présage aussi des malheurs, dont il est impossible de prévoir le terme ; mais j'espère encore que dans cette position il vous restera du moins le temps de réunir tous vos efforts contre ceux de vos ennemis ; il vous restera encore quelque moyen de sauver la liberté de votre pays. Je désire que la Convention, bien persuadée qu'en condamnant Louis XVI à la mort elle se charge d'une responsabilité immense, s'élève enfin à la hauteur des circonstances où elle s'est placée elle-même : elle pourra encore réparer tout si elle prend l'inébranlable résolution de le faire.
Je condamne Louis à la mort. Citoyens, en prononçant cet arrêt terrible, je ne puis me défendre d'un sentiment profond de douleur. Malheur à l'homme féroce qui pourrait le prononcer, malheur au peuple qui l'entendrait sans partager le même sentiment; car il n'y a plus rien à espérer là où il n'y a plus d'humanité, là où il n'y a plus de moralité.
Citoyens, permettez-moi de vous présenter une réflexion a laquelle j'attache le plus haut prix. Je voudrais que la Convention mît entre le jugement et son exécution un intervalle quelconque. Cette mesure me paraît très politique, je la juge nécessaire. Vous prouverez par là à vos commettants, à l'Europe entière, que vous agissez sans passion : consultez, citoyens, consultez l'opinion publique; vous avez besoin de vous environner de cette force invincible sans laquelle vous n'êtes rien.
Ainsi, mon opinion sur la peine à infliger à Louis XVI est celle-ci : Je condamne Louis XVI à la mort ; ce jugement ne me laissera jamais aucun remords, aucun repentir ; mais je vous réitère la demande que je vous ai faite de faire un intervalle entre le jugement que vous allez rendre et son exécution. Qu'on calomnie encore, si l'on veut, mes intentions ; je déclare que l'avis de Louvet me paraît renfermer des mesures très raisonnables, très sages, mais comme je pense que la Convention discutera cette question, que je regarde comme très importante, je me réserve d'émettre mon opinion, et, dans cette espérance, je prononce la mort de Louis. »
Avec la Gironde, il s'appliqua à lutter contre l'influence toujours croissante de la commune de Paris :
« Si l'anarchie qui dévore Paris, dit-il à la tribune, n'est pas promptement réprimée, Paris verra bientôt l'herbe croître dans ses murs. »
Le 25 mars, il fut nommé membre du comité de salut public et de défense générale; mais les sections, irritées de ses menaces, cherchaient à se venger ; Marat avait déjà dénoncé les « hommes d'Etat » comme ne méritant pas la confiance des patriotes (3 avril) ; le 6 avril, une pétition de la section de Bon-Conseil appela les mesures les plus sévères contre les complices de Dumouriez, parmi lesquels « la voix publique désigne les Brissot, les Guadet, les Gensonné, les Buzot, » etc. La dénonciation, après un violent débat, n'eut pas de suite. Le 20 mars, Buzot déclara à la Convention que la conspiration des Montagnards et des sections devait éclater la veille; elle n'était que retardée ; le 31 mai, les sections demandèrent la mise en accusation des 22 Girondins, dont la Convention vota l'arrestation le 2 juin.
Le même jour, Buzot, mis en arrestation dans son domicile, parvint à s'échapper et gagna Evreux avec plusieurs de ses collègues; là, il essaya de soulever les populations contre la Convention, et se rendit à Caen, d'où il fut obligé de s'enfuir en Bretagne. Il s'embarqua pour Bordeaux avec Louvet, Guadet, Pétion et Barbaroux. Reconnus au Bec-d'Ambez, ils réussirent à gagner Saint-Emilion (octobre 1793), où habitait la famille de Guadet, et furent cachés dans un souterrain, chez Mme Bouquey, parente de Guadet. Mais à la nouvelle d'une perquisition domiciliaire imminente, ils se séparèrent ; Buzot, Barbaroux et Pétion se dirigèrent vers la côte pour tâcher de s'embarquer, s'égarèrent, et revinrent à Saint-Emilion, où ils trouvèrent un nouvel asile chez un perruquier nommé Trocquart. Mais leur présence était connue ; le notaire Coste et l'aubergiste Nadal en informèrent les autorités de Bordeaux, qui mandèrent de Libourne deux régiments d'infanterie et un régiment de hussards, et firent cerner la ville. Guadet fut pris, mais les trois autres s'enfuirent, la nuit, à travers champs. Le lendemain, Buzot et Pétion furent trouvés morts dans un champ de blé, près de Saint-Magne, la face en partie dévorée par les loups. Mme Bouquey fut guillotinée le 2 thermidor, et Trocquart acquitté le 29 pluviôse (après le 9 thermidor), comme « peu éclairé, et considérant que, d'après la loi du 27 frimaire dernier, Pétion, Buzot et Barbaroux auraient leur liberté aujourd'hui, et que celui qui les a reçus ne doit pas être traité avec plus de sévérité. »
La Montagne avait satisfait ses rancunes sous une autre forme. Le 8 juillet 1793, Saint-Just avait dénoncé Buzot comme complice des royalistes. On ordonna la démolition de sa maison à Evreux (fin juillet) ; on brûla son portrait ; sur l'emplacement de la maison, la municipalité d'Evreux fit élever une pyramide en pierre avec cette inscription : « Ici fut l'asile du scélérat Buzot, qui, représentant du peuple, conspira contre l'unité et l'indivisibilité de la République française. » Cette pyramide subsista jusqu'au 24 février 1795.
Buzot prévoyait-il ces événements quand il écrivait dans ses Mémoires : « Si ce ne peut être que par de tels excès, avec de tels hommes, par des moyens aussi infâmes que s'élèvent et se consolident les Etats républicains, il n'est pas de gouvernement plus affreux sur la terre ni plus funeste au bonheur du genre humain. »