Jean-Marie Collot d'Herbois
1750 - 1796
Membre de la Convention, né à Paris (Généralité de Paris, France), en 1750, mort à Cayenne (Guyane), le 8 juin 1796, il appartenait à une famille bourgeoise de Paris, dont le nom patronymique était Collot, et qui lui fit donner de l'instruction.
Le jeune Collot débuta par être comédien, et prit au théâtre le nom de d'Herbois, qu'il ne tarda pas à joindre au sien. Après avoir exercé la profession d'artiste dramatique, non sans un certain talent, sur les principales scènes de France et de Hollande, notamment à Bordeaux, à la Haye et à Lyon, il composa lui-même un grand nombre de comédies dont quelques unes eurent un vif succès : la Famille patriote, Socrate, les Deux portefeuilles, l'Aîné et le cadet, etc.
Ces diverses pièces obtinrent au Moniteur une mention flatteuse. On lit, par exemple, dans le numéro du lundi 19 juillet 1790 :
«THÉÂTRE DE MONSIEUR :
« La Famille patriote ou la Fédération a été donnée vendredi dernier à ce théâtre avec un très grand succès, comme on devait s'y attendre. On est bien sûr des applaudissements lorsqu'on présente à un peuple qui vient de célébrer avec le plus vif enthousiasme la conquête de sa liberté, l'expression de tout ce qu'il a senti, le tableau de tout ce qu'il a vu ; lorsqu'on y joint l'éloge de tous ceux avec lesquels il vient de resserrer les nœuds sacrés de la fraternité... »
Collot d'Herbois fut quelque temps directeur du théâtre de Genève ; son séjour dans cette ville contribua, dit-on, à développer ses tendances républicaines. Mais le goût des liqueurs fortes, auxquelles il s'adonna toute sa vie, vint exalter encore chez lui la violence d'un caractère emporté : Collot d'Herbois fut de ceux dont les actes, dans certaines circonstances, compromirent le plus gravement la cause de la Révolution.
Dès le début, il s'était signalé par son ardeur bruyante en faveur des idées nouvelles : orateur d'une députation de Paris, il demanda le décret d'accusation contre Lafayette ; délégué de la section de la Bibliothèque, il vint déclarer à l'Assemblée législative que la déchéance du roi était le vœu de la population. Un petit traité de lui, qui avait pour titre l'Almanach du père Gérard, l'avait mis en réputation et en honneur parmi les patriotes.
L'affaire des soldats suisses de Châteauvieux, envoyés aux galères de Brest pour avoir pris part à l'insurrection de Nancy, augmenta encore l'influence de Collot d'Herbois : la société des Jacobins le chargea de présenter la pétition en faveur des militaires condamnés, dont l'élargissement fut décrété. Collot alla les chercher lui-même, les ramena triomphalement à Paris, et présida la fête civique dont ils furent les héros.
À la suite de la journée du Dix Août, dans laquelle il avait joué un des premiers rôles, Collot d'Herbois entra dans la nouvelle municipalité de Paris, s'y lia étroitement avec Billaud-Varennes, dont l'action politique fut analogue à la sienne, devint le président de l'assemblée électorale parisienne qui nomma les députés à la Convention nationale, et fut élu lui-même, le 6 septembre 1792, membre de la Convention par le département de Paris, le 3e sur 14, avec 553 voix sur 573 votants.
Un des premiers il appuya l'abolition de la royauté, réclama la peine de mort contre les émigrés qui se trouvaient en pays ennemi, se prononça pour que le siège de l'Assemblée fût fixé à Paris, et fut envoyé en mission à Nice.
Pendant son absence eut lieu le procès de Louis XVI : Collot d'Herbois de retour pour le jugement, répondit au 3e appel nominal :
« Eloigné de la Convention nationale, j'ai déjà émis le vœu dont j'étais fortement convaincu ; ce vœu, c'est la mort. Fidèle à ma conscience, fidèle au vœu de mes commettants, je le répète aujourd'hui. En revenant prendre place dans la Convention, j'ai traversé plusieurs départements, j'ai vu partout le peuple attendre ce grand événement; il est convaincu que la mort du tyran va écraser à la fois tous les partis. Je vote pour la mort. »
Il lutta énergiquement contre la Gironde, avec toute la Montagne, remplit encore plusieurs missions dans le Loiret, dans l'Oise et dans l'Aisne, provoqua l'arrestation d'un grand nombre de suspects, traita Isnard de contre-révolutionnaire et Duchâtel de scélérat, s'éleva contre les communes qui excitaient la guerre civile, etc.
Le 13 juin 1793, les suffrages de l'Assemblée portèrent Collot d'Herbois au fauteuil de la présidence. Il demanda encore l'arrestation de plusieurs fonctionnaires, dénonça avec insistance le ministre Garat, et fut adjoint (septembre) au comité de salut public.
C'est à partir de ce moment que l'exaltation de son tempérament se donna pleine carrière. D'accord avec Billaud-Varennes, avec qui il partageait le soin de la correspondance administrative, on le vit se prononcer systématiquement pour les mesures les plus violentes. Quelques-uns de ses collègues du Comité ayant émis l'avis de se délivrer des suspects par la déportation, Collot se leva et dit: « Il ne faut rien déporter, il faut détruire tous les conspirateurs ; que les lieux où ils sont détenus soient minés, que la mèche soit toujours allumée pour les faire sauter, si eux ou leurs partisans osent encore conspirer contre la république. »
Au sein du comité de salut public, Collot d'Herbois formait avec Billaud-Varennes et Barère un parti auquel faisait contrepoids celui de Robespierre, Saint-Just et Couthon. Ces deux tendances divergentes s'accentuèrent encore davantage lors des événements de Lyon. Le 12 octobre, sur la motion de Barère, la Convention avait rendu le fameux décret, « le plus terrible, a écrit Louis Blanc, dont il soit fait mention dans l'histoire, » et qui portait : « La ville de Lyon sera détruite ; le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de la République... » Couthon ayant décliné la responsabilité de l'exécution du décret, et obtenu qu'on la lui épargnât; elle fut acceptée, le 30 octobre, par Collot d'Herbois et Fouché. La veille de son départ de Paris (29 octobre) Collot s'était écrié : « Je pars demain, et je proteste que je reviendrai vous apprendre que le midi est purifié. » Le 13 brumaire (3 novembre) il entrait à Lyon en maître. « Les excès auxquels il s'emporta furent l'effet d'une organisation viciée et d'une exaltation d'esprit que déprava la toute-puissance. Encore est-il douteux qu'il eût marché d'un pas assuré dans la voie du meurtre, s'il avait été seul ; malheureusement le 7 brumaire au soir, Fouché parut... » (Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, tome X.)
Le premier acte des nouveaux proconsuls fut de décrier la politique ferme et modérée de leur prédécesseur Couthon; puis ils mirent la terreur à l'ordre du jour, et Collot écrivit, dans un de ses rapports de la Convention, qu'il fallait « imprimer à la faux de la mort un tel mouvement qu'elle moissonnât à la fois tous les coupables. »
Collot d'Herbois eut l'idée de donner au peuple (10 novembre) le spectacle d'une fête en l'honneur de Chalier, « l'ami des pauvres », dont le buste fut placé, couronné de fleurs, sur un palanquin que recouvrait un tapis tricolore, mais il mêla à la cérémonie des détails burlesques et de véritables scènes de mascarade. Il reprit ensuite son œuvre de répression sanglante, établit coup sur coup un Comité de séquestre, un Comité de démolition, une commission révolutionnaire de sept juges, et songea à employer, pour aller plus vite en besogne « l'explosion de la mine et l'activité dévorante de la flamme. » S'il ne mit pas ce projet à exécution, il réalisa du moins, après l'entrée de Ronsin à Lyon à la tête de l'armée révolutionnaire, le 4 décembre, dans la plaine des Brotteaux, l'horrible massacre des prisonniers venus de Roanne...
De retour à Paris, Collot d'Herbois s'attacha à repousser les accusations qui avaient été portées contre sa sévérité excessive : il parut y réussir. Une tentative d'assassinat dont-il fut l'objet de la part d'un jeune royaliste nommé Admiral, qui lui tira, sans l'atteindre, deux coups de pistolet presque à bout portant, ne nuisit pas d'ailleurs à sa popularité.
Mais son attitude, dans la journée du Neuf Thermidor, à l'égard de Robespierre, qu'il avait si longtemps flatté, éclaira le peuple sur sa duplicité. Le huit au soir, les Jacobins avaient couvert de huées ses attaques contre Maximilien. Il avait beau rappeler Admiral et la tentative de meurtre dont il avait faillit être victime : on lui avait répondu par des risées. On dit qu'alors, avant la fin de la séance, enragé du spectacle qu'il avait sous les yeux, il se jeta aux pieds de Robespierre et embrassa ses genoux. Le lendemain, à la séance de la Convention qu'il présidait, il n'en montra pas moins contre lui et les siens une animosité extraordinaire, et s'acharna encore après leur mémoire, quand ils eurent péri sur l'échafaud. Mais les thermidoriens ne lui en tinrent pas compte.
Dénoncé par Lecointre, dès le 12 fructidor (29 août 1794), il fut bientôt obligé de sortir du Comité de salut public. Une nouvelle dénonciation de Merlin de Douai donna lieu à diverses accusations formulées contre lui par les thermidoriens eux-mêmes. Après un long débat, sa déportation fut prononcée le 12 germinal (avril 1795).
Transporté à la Guyane avec son ami Billaud-Varennes, il y mourut dans un accès de fièvre chaude, à l'âge de quarante cinq ans, après avoir été excepté de l'amnistie du 4 brumaire.