Jacques, Antoine Dulaure
1755 - 1835
Membre de la Convention et député aux Cinq-Cents, né à Clermont-Ferrand (Généralité de Riom, France), le 3 décembre 1755, mort à Paris (Seine), le 18 août 1835, il fit de bonnes études au collège de Clermont-Ferrand, et, croyant que sa vocation l'appelait vers l'architecture, vint à Paris pour y étudier cet art en 1779.
Il entra comme élève chez le célèbre Rondelet, chargé d'achever l'église de Sainte-Geneviève, après la mort de Soufflot. Devenu ingénieur-géographe, il inventa un instrument propre à la levée des plans et des cartes topographiques, qui reçut l'approbation de l'Académie des sciences. En même temps, il s'adonna à la littérature et se révéla comme un écrivain particulièrement fécond. Il fit paraître à cette époque les Lettres critiques, les Italiens sur le boulevard, le Voyage dans la lune, la Description de Paris, la Description des environs de Paris. C'est à lui qu'est dû le vers qu'on trouve dans la Réclamation d'un citoyen contre la nouvelle enceinte de Paris : Le mur murant Paris rend Paris murmurant. Ses adversaires politiques lui reprochèrent plus tard plusieurs publications légères dont la religion faisait les frais. Il donna dans le même temps une Histoire philosophique de la barbe et une Description des principaux lieux de France.
Il salua la Révolution de 1789 avec enthousiasme et en propagea les principes dans un grand nombre d'opuscules de circonstance, tels que l'Adresse au peuple breton, les Evangélistes du jour, les Actes des Apôtres, la Réfutation des opinions de M. Necker, Histoire critique de la noblesse, Liste des noms des ci-devant nobles, etc. En 1790, il faisait partie de la Société des Droits de l'Homme, et en fut nommé secrétaire le 27 avril. Il demeurait alors rue du Jardinet, en face de la rue de l'Eperon. Il fonda, le 11 août 1791, le Thermomètre du jour, journal qu'il publia jusqu'au 25 août 1793.
Publiciste des plus actifs et des plus en vue, il fut élu, le 7 septembre 1792, membre de la Convention, par le département du Puy-de-Dôme, le 12e et dernier, à la pluralité des voix sur 625 votants. Au 3e appel nominal, lors du jugement de Louis XVI, il vota « pour la mort ». Par les opinions qu'il émit dans son journal, comme par son attitude dans l'Assemblée et ses relations personnelles, il appartenait au parti de la Gironde. Il était ami de Roland et de sa femme. Le 8 août 1793, la Convention entendit la veuve de Marat, qu'elle avait admise à sa barre, accuser Dulaure d'outrage à la mémoire de Marat. On demanda le renvoi de l'accusation au Comité de sûreté générale. Robespierre l'appuya disant « que la mémoire de Marat devait être défendue par la Convention et par tous les patriotes ».
Quand, le 3 octobre 1793, Amar lut à la Convention, au nom du Comité de salut public, le rapport contre les Girondins, après que des sentinelles eurent été placées à toutes les issues de l'Assemblée, pour que personne ne pût en sortir, Dulaure entendit distinctement revenir plusieurs fois son nom sur les lèvres d'Amar. Grâce à l'erreur d'un copiste, il fut oublié sur la liste des 44 qui furent envoyés au tribunal révolutionnaire, comme sur la liste des 71 conventionnels mis en état d'arrestation. Le 20 octobre, l'erreur fut reconnue, et Amar présenta le lendemain à la Convention un nouveau rapport où « Dulaure, député était accusé d'avoir conspiré contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberté et la sûreté du peuple français ». La Convention vota les conclusions du rapport d'Amar portant que « Dulaure serait traduit au tribunal révolutionnaire pour y être jugé, conformément à la loi ». Mais Dulaure n'avait pas attendu cette séance pour pourvoir à sa sûreté. Caché d'abord chez le conventionnel Pénières, il se réfugia à Saint-Denis, et gagna de là le Jura et la Suisse. Il vécut pendant quelque temps à Berne, où il fut employé comme dessinateur dans une manufacture d'indiennes.
Le 11 frimaire an III, il écrivit à la Convention pour demander à être jugé, disant : « Si mon sang peut être utile à ma patrie, je suis prêt à le répandre, mais du moins je supplie la Convention de faire un rapport à mon égard. » La Convention accueillit cette requête. Le 18 frimaire, sur le rapport de Merlin (de Douai), elle rappela dans son sein Dulaure et « un certain nombre de ses collègues ». Il rentra immédiatement en France. Sauvé par le triomphe des modérés, Dulaure fut envoyé (messidor an III) en mission dans la Dordogne et dans la Corrèze; au cours de cette mission, il prononça à Brive, en l'honneur de Féraud, le représentant victime de prairial, un discours dont il fit parvenir le texte à la Convention.
Le 22 vendémiaire an IV, le département du Puy-de-Dôme le renvoya au Conseil des Cinq-Cents avec 347 voix sur 375 votants. Dulaure y signala son rôle législatif par d'importants travaux sur l'instruction. Il fut réélu par le Puy-de-Dôme membre du même conseil, le 23 germinal an VI. Dans la discussion de la loi sur la liberté de la presse, il proposa comme mesure additionnelle (24 prairial an VII) de forcer tout journaliste qui inculpera un citoyen à insérer la réponse de celui-ci. Le 2 fructidor suivant, il dénonça aux Cinq-Cents un imprimé répandu par les royalistes dans les départements du Midi, pour engager les habitants à se joindre aux révoltés de la Haute-Garonne. Cet écrit fut transmis au Directoire par voie de message. Au cours de sa carrière législative, Dulaure publia plusieurs ouvrages ou opuscules de polémique, tels que la Physionomie de la Convention Observations à mes commettants, Supplément aux crimes des anciens comités, du Fédéralisme en France, Tableau de la conduite politique de J.-A. Dulaure, représentant du peuple, mis hors la loi et rappelé à la Convention nationale.
Après le 18 brumaire, il rentra dans la vie privée, et mena jusqu'en 1808 l'existence la plus modeste. A cette époque, il fut nommé sous-chef dans l'administration des droits réunis. Il perdit cet emploi en 1814 et vécut dès lors très pauvrement, du produit de sa plume. La même année, il écrivit la Défense des propriétaires des biens nationaux. Aux Cent-Jours, il écrivit à « Mgr Carnot, ministre de l'intérieur », pour lui demander la place de conservateur des manuscrits de la Bibliothèque impériale, vacante par la mort de Laporte du Theil. Sa demande ne fut pas agréée. Il fit paraître ensuite une étude intitulée : Causes secrètes des excès de la Révolution, et, en 1823, les Esquisses historiques sur les principaux événements de la Révolution française. En 1825, il publia sa fameuse Histoire civile, physique et morale de Paris, son chef-d'œuvre, et de tous ses livres celui qui a valu le plus de popularité à son nom. Il compléta son Histoire de Paris par une Histoire des environs de Paris non moins curieuse ni volumineuse, terminée en 1827. A la fin de sa vie, il publia une Histoire de la Révolution de 1830, où sont jugés avec une grande indépendance les hommes qui dirigèrent le mouvement de Juillet et en profitèrent. Dulaure s'éteignit à Paris dans sa quatre-vingtième année. Il a laissé de nombreux manuscrits, parmi lesquels se trouvent ses Mémoires et une Histoire de l'Auvergne.