Thomas Paine

1737 - 1809

Informations générales
  • Né le 29 janvier 1737 à Thetford (Royaume-Uni)
  • Décédé le 8 juin 1809 à New-york (Etat de New York (Etats-Unis))

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 6 septembre 1792 au 26 octobre 1795
Département
Pas-de-Calais
Groupe
Gauche

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Membre de la Convention, né à Thetfort (Angleterre) le 29 janvier 1737, mort à New-York (Etat de New York, Etats-Unis) le 8 juin 1809, fils d'un quaker fabricant de corsets à Thetfort, il passa quelque temps à Londres, puis voulut tenter la fortune sur mer et s'embarqua sur un corsaire avec plusieurs amis de son âge. Mais après deux campagnes, pendant lesquelles il se distingua par son courage, cédant aux vives instances de son père, il revint à Thetfort, et s'établit ensuite comme fabricant de corsets à Sandyich, où il épousa, à l'âge de 23 ans, la fille d'un employé de l'accise. Il eut bientôt lui-même un emploi subalterne dans cette administration ; au bout d'un an, il s'en dégoûta, et retourna à Londres, où il devint sous-maître dans une école. Il en profita pour compléter son instruction, étudia les mathématiques et l'astronomie, et s'occupa en même temps de poésie avec succès. Un meilleur emploi dans l'accise lui ayant été offert, il l'accepta et alla l'exercer à Lewes en Sussex. Ses talents littéraires firent du bruit dans toute la province, et bientôt ses collègues, les employés de l'accise, qui demandaient une augmentation de salaire, le choisirent pour plaider leur cause auprès du parlement britannique. Paine, dans un mémoire très habilement rédigé, démontra la nécessité de mettre tout fonctionnaire public à l'abri de la tentation de gagner sa vie par des voies illicites.

Ayant perdu sa femme, il se remaria avec la fille d'un marchand de tabac de Lewes (1771), prit la direction de la maison de son beau-père, fit faillite, et, ne trouvant point de bonheur dans cette union, se sépara de sa nouvelle épouse, et alla s'établir à Londres, où il fut recherché par plusieurs hommes distingués, Goldsmith, Franklin surtout, qui engagea Paine à se rendre en Amérique et à consacrer sa plume à la défense des colons opprimés.

Paine s'embarqua pour Philadelphie, et y publia dans le Pensylvanian Magazine des travaux qui eurent un vif succès. Ses réflexions sur l'administration du gouvernement anglais dans l'Inde, sur la vie et la mort tragique du fameux lord Clive, furent particulièrement citées comme un tableau historique tracé de main de maître. Il eut bientôt à s'occuper de matières plus importantes. La mission de Franklin à Londres en 1774 n'avait obtenu aucun résultat : le gouvernement anglais résolut d'user envers les colonies des moyens les plus rigoureux. Paine lança alors (1776) son fameux pamphlet : The common sense (le sens commun), dont le retentissement fut considérable. Dès lors il se dévoua entièrement à la cause de la liberté : il combattit à l'armée dans les rangs des soldats de l'indépendance et composa une suite de brochures et de feuilles périodiques sous le titre The Crisis, la Crise.

Rappelé de l'armée en 1779, pour occuper un poste de confiance, il fut choisi pour secrétaire du comité des affaires étrangères, où il travailla pendant deux ans ; mais, ayant mécontenté certains personnages influents, il dut donner sa démission.

Le Congrès le chargea, vers la fin de 1781, de se rendre en France avec le colonel Lawrence, pour y solliciter un emprunt. Il retrouva à Paris son ami Franklin, qui seconda de tout son crédit cette mission, et contribua à la faire réussir.

De retour en Amérique, il fut l'objet des plus grandes faveurs de la part du Congrès des Etats-Unis, qui lui fit don de 3 000 dollars ; l'Etat de New-York y joignit une concession de 300 acres de terre avec une habitation ; enfin l'Etat de Pensylvanie lui donna 5 000 livres sterling. Paine se livra avec une nouvelle ardeur à l'étude des sciences et des arts mécaniques. L'Université de Philadelphie le nomma maître ès arts, et la Société philosophique américaine l'admit au nombre de ses membres.

Revenu en Angleterre, il s'associa avec un maître de forges du Yorkshire, afin d'exécuter des projets dont il était l'auteur pour la construction des ponts en fer; mais des embarras d'argent s'opposèrent à la réalisation de cette entreprise. Vers le même temps, sa réputation d'écrivain s'affirma encore par de nouveaux écrits, dans lesquels il annonçait les grands événements qui allaient s'accomplir.

Lié avec les philosophes français, il adopta avec ardeur les principes de la Révolution, répondit par ses fameux Droits de l'homme, imprimés à Londres en 1791, aux philippiques de Burke contre la France, et fut traduit de ce chef devant le tribunal du banc du roi : il eut pour défenseur l'avocat Thomas Erskine. Condamné, Paine se hâta d'aller jouir en France des honneurs extraordinaires qui venaient de lui être décernés. L'Assemblée nationale lui avait conféré le titre et les droits de citoyen français.

Aux élections du 5 septembre 1792, pour la Convention nationale, quatre départements l'élurent pour leur représentant :
1° l'Aisne, le 4e sur 12, par 365 voix (610 votants),
2° l'Oise, le 9e sur 12, par 241 voix (345 votants) ;
3° le Puy-de-Dôme, le 11e sur 12, à la pluralité des voix sur 538 votants ;
4° le Pas-de-Calais, le 5e sur 11, avec 418 voix (767 votants).

Paine opta pour le Pas-de-Calais, fut reçu avec enthousiasme en France, et, à son arrivée, publia une adresse au peuple français, pour le remercier de sa confiance. Il ne joua d'ailleurs qu'un rôle secondaire à la Convention où il ne put s'exprimer que par interprète.

Dans le procès de Louis XVI, il se prononça, dans un discours lu par un de ses collègues, contre la mort, pour le bannissement après la paix, pour l'appel au peuple et pour le sursis :
« Tuer Louis, dit-il, n'est pas seulement de l'inhumanité, mais de la démence ; sa mort accroîtra le nombre de vos ennemis. Si je pouvais parler comme un Français, je descendrais en suppliant à cette barre pour vous prier, au nom de tous mes frères d'Amérique, de ne pas envoyer Louis au supplice. »

Dès le 20 novembre 1792, il avait demandé que Louis XVI fût jugé, dans une longue lettre adressée à la Convention :

« Je pense qu'il faut faire le procès de Louis XVI ; non que cet avis me soit suggéré par un esprit de vengeance, car rien n'est plus éloigné de mon caractère, mais parce que cette mesure me semble juste, légitime, et conforme à la saine politique. Si Louis est innocent, mettons-le à portée de prouver son innocence ; s'il est coupable, que la volonté nationale détermine si l'on doit lui faire grâce ou le punir. Mais, outre les motifs personnels à Louis XVI, il en est d'autres qui nécessitent son jugement. Je vais développer ces motifs dans le langage qui me paraît leur convenir, et non autrement. Je m'interdis l'usage des expressions équivoques ou de pure cérémonie. Il s'est formé entre les brigands couronnés de l'Europe une conspiration qui menace non seulement la liberté française, mais encore celle de toutes les nations ; tout porte à croire que Louis XVI fait partie de cette horde de conspirateurs; vous avez cet homme en votre pouvoir, et c'est jusqu'à présent le seul de sa bande dont on se soit assuré. Je considère Louis XVI sous le même point de vue que les deux premiers voleurs arrêtés dans l'affaire du Garde-meubles ; leur procès vous a fait découvrir la troupe à laquelle ils appartenaient. Nous avons vu les malheureux soldats de l'Autriche, de la Prusse et des autres puissances qui se sont déclarées nos ennemies, arrachés à leurs foyers, et traînés au carnage ainsi que de vils animaux, pour soutenir, au prix de leur sang, la cause commune de ces brigands couronnés. On a surchargé d'impôts les habitants de ces régions, pour subvenir aux frais de la guerre. Tout cela ne s'est pas fait uniquement en vue de Louis XVI ; quelques-uns des conspirateurs ont agi à découvert ; mais on a sujet de présumer que la conspiration est composée de deux classes de brigands : ceux qui ont levé des armées, et ceux qui ont prêté à leur cause de secrets encouragements et des secours clandestins ; et il est indispensable de faire connaître tous ces complices à la France et à l'Europe entière.

Louis XVI, considéré comme individu, n'est pas digne de l'attention de la République ; mais envisagé comme faisant partie de cette bande de conspirateurs, comme un accusé dont le procès peut conduire toutes les nations du monde à connaître et à déserter le système désastreux de la monarchie, les complots et les intrigues de leurs propres cours, il faut que son procès lui soit fait.

Si les crimes dont Louis XVI est prévenu lui étaient absolument personnels, sans relation avec des conspirations générales, et bornés aux affaires de la France, on aurait pu alléguer en sa faveur, avec quelque apparence de raison, le motif de l'inviolabilité, cette folie du moment. Mais il est prévenu non seulement envers la France, mais d'avoir conspiré contre toute l'Europe ; elle doit user de tous les moyens qu'elle a en son pouvoir pour découvrir toute l'étendue de cette conspiration. La France est maintenant une République; elle a terminé sa révolution, mais elle n'en peut recueillir tous les avantages, aussi longtemps qu'elle est environnée de gouvernements despotiques. Leurs armées et leur marine l'obligent d'entretenir aussi des troupes et des vaisseaux. Il est donc de son intérêt immédiat que toutes les nations soient aussi libres qu'elle-même, que les révolutions soient universelles ; et puisque Louis XVI peut servir à prouver, par la scélératesse des gouvernements en général, la nécessité des révolutions, elle ne doit pas laisser échapper une occasion aussi précieuse.

Les despotes européens ont formé des alliances pour maintenir leur autorité respective et perpétuer l'oppression des peuples; c'est le but qu'ils se sont proposé en faisant une invasion sur le territoire français. Ils craignent l'effet de la Révolution de France au sein de leur propre pays; et dans l'espoir de l'empêcher, ils sont venus essayer d'anéantir cette Révolution avant qu'elle eût atteint sa parfaite maturité; leur tentative n'a pas eu de succès. La France a déjà vaincu leurs armées; mais il lui reste à sonder les détails de la conspiration, à découvrir, à placer sous les yeux de l'univers ces despotes qui ont eu l'infamie d'y prendre part; et l'univers attend d'elle cet acte de justice.

Tels sont mes motifs pour demander que Louis XVI soit jugé ; et c'est sous ce seul point de vue que son procès me paraît d'une assez grande importance pour fixer l'attention de la République.

A l'égard de l'inviolabilité, je voudrais que l'on ne fît aucune mention de ce motif. Ne voyant plus dans Louis XVI qu'un homme d'un esprit faible et borné, mal élevé comme tous ses pareils, sujet, dit-on, à de fréquents excès d'ivrognerie, et que l'Assemblée constituante rétablit imprudemment sur un trône pour lequel il n'était point fait, si on lui témoigne par la suite quelque compassion, elle ne sera point le résultat de la burlesque idée d'une inviolabilité prétendue. »

Son adhésion à la politique des modérés lui aliéna la Montagne et le parti Jacobin : le département du Pas-de-Calais écrivit à la Convention que Paine avait perdu la confiance de ses commettants : Robespierre le fit exclure de l'Assemblée, comme étranger et ennemi de l'égalité et de la liberté, et incarcérer au Luxembourg. De sa prison, il rédigea un Mémoire (10 septembre 1794) pour réclamer sa mise en liberté ; il y déclare que ce n'est point comme quaker, mais par humanité qu'il n'a pas voté la mort du roi.

Mis en liberté en novembre suivant par l'intervention du ministre des Etats-Unis, Munroë, il reprit sa place à la Convention le 8 décembre, fit hommage à l'Assemblée d'un nouvel écrit Sur les premiers principes du gouvernement (1795), se prononça, par interprète, pour l'établissement d'une nouvelle Constitution, fit encore un discours sur la division départementale de la France, et termina, avec la session, sa carrière législative.

Après avoir publié en France un traité Sur les Finances d'Angleterre, un autre Sur la justice agraire opposée aux lois agraires, et un important ouvrage intitulé L'âge de la raison, dans lequel il se prononce contre les religions révélées, il quitta l'Europe pour retourner en Amérique (1802), faillit être assassiné par un inconnu, dans sa maison de New-Rochelle (Etat de New-York), et mourut le 8 juin 1809. Les quakers refusèrent de recevoir son corps, et il fut enterré, suivant son désir, dans sa ferme de New-Rochelle.

Ses restes ont été transportés en Angleterre par les soins des radicaux de ce pays en 1817, et ses amis d'Amérique lui ont élevé un monument sur l'emplacement de sa tombe, en 1839.