Gustave, Paul Cluseret
1823 - 1900
Député de 1888 à 1889, né à Paris, le 13 juin 1823, il était fils d'un colonel d'infanterie qui le destina à la carrière militaire. Ses études terminées, il entra, en 1841, à l'école de Saint-Cyr, et en sortit sous-lieutenant. Il venait d'être promu lieutenant quand la révolution de Février éclata. M. Cluseret était alors en garnison à Paris (caserne de la rue de Lourcine).
Fortement imbu de « l'esprit militaire » et peu disposé, en outre, par les traditions de sa famille, à bien accueillir une « insurrection », il refusa tout d'abord de remettre aux combattants des barricades le poste qu'il commandait dans la journée du 24 février (c'était le poste de la Banque de France), et ce ne fut que sur les instances réitérées de M. d'Argout, gouverneur de la Banque, inquiet pour sa sûreté personnelle, que le lieutenant se décida, après vingt-quatre heures de pourparlers, à céder la place à un officier de la garde nationale, du même grade que lui : il refusa toutefois de laisser désarmer ses hommes et les ramena à la caserne. Après avoir, non sans répugnance, accepté de servir le gouvernement nouveau, il se vit bientôt spécialement chargé d'une besogne qui convenait, du moins, à son tempérament et à son humeur, celle de recruter, principalement dans la population parisienne de la rive gauche, les soldats improvisés à l'aide desquels la « garde mobile » allait être constituée. Il s'acquitta de cette tâche à la satisfaction du ministre de la guerre qui lui confia d'emblée le commandement du 23e bataillon. C'est en cette qualité qu'il prit, à l'attaque des formidables barricades du quartier Saint-Jacques, en juin 1848, et à la répression de l'insurrection, une part des plus actives : il se vanta à bon droit, dans une lettre, adressée le lendemain de la lutte, au Constitutionnel, d'avoir enlevé personnellement, dans l'espace de six heures, 11 barricades et 3 drapeaux. Le 28 juillet, le gouvernement du général Cavaignac lui donna la croix de la Légion d'honneur.
Après le licenciement de la garde mobile (1850), M. Cluseret fut désigné pour rentrer, comme simple lieutenant, dans le 55e de ligne ; il en éprouva un vif dépit et, ayant voté non lors du coup d'Etat, il se fit mettre en non-activité. Mais, trois ans plus tard, sur les démarches de sa famille, il se décida à reprendre du service et fut nommé lieutenant de chasseurs à pied.
Capitaine en 1855, il participa à la guerre de Crimée, durant laquelle il reçut deux blessures, puis fut envoyé en Afrique et attaché à l'administration des bureaux arabes ; il donna sa démission à la suite d'une affaire qui n'a jamais été bien connue, et, s'attachant au général Garibaldi, fit avec distinction la campagne de l'indépendance italienne. Nommé lieutenant colonel à la suite de la prise de Capoue, il fut versé, avec son grade, à l'état-major général de l'armée italienne.
Mais la guerre de la sécession, qui venait de commencer en Amérique, tenta l'esprit aventureux de M. Cluseret : il s'embarqua pour les Etats-Unis, servit sous les ordres de Frémont et de Mac-Clellan, dont il devint aide-de-camp, dans les rangs de l'armée du Nord, où il connut les princes d'Orléans, et fut fait successivement colonel et général sur le champ de bataille. La lutte terminée, il s'occupa quelque temps d'affaires financières en même temps que de journalisme, et fonda une feuille à New-York dans l'intérêt de la candidature à la présidence du général Frémont.
Le général Grant ayant été élu, il revint en Europe avec le titre de citoyen américain que lui avait décerné la République des Etats-Unis, et débarqua en Irlande, où il se mêla au mouvement fenian. Impliqué dans l'affaire de l'attaque du château de Chester, il fut recherché par la police anglaise, mais parvint à s'échapper. Il passa alors en France, où il entra dans la presse démocratique militante. Des articles qu'il publia dans le Courrier français sur la situation aux Etats-Unis, et surtout ses attaques réitérées contre le gouvernement impérial dans le journal l'Art, dont il était le directeur, et où il mêlait la politique à la littérature et à la critique, attirèrent sur lui l'attention et les rigueurs du parquet. Condamné à la prison, il subit sa peine à Sainte-Pélagie, et s'y lia intimement avec Varlin et les principaux chefs de l'Internationale. A son tour, M. Cluseret s'affilia à cette société. Il reprit aussi la plume dès sa sortie de prison, collabora à la Démocratie, au Rappel, à la Tribune, et encourut de nouvelles poursuites pour une série d'études, très remarquées, sur la réorganisation militaire qu'entreprenait alors le gouvernement. Un mandat d'amener ayant été décerné contre lui (juin 1869), des agents se rendirent chez lui, à Suresnes, pour procéder à son arrestation. Il les reçut le revolver à la main, leur montra son acte de naturalisation de citoyen américain, et menaça de repousser la force par la force. Les agents n'osèrent pas l'arrêter. Au surplus, M. Washburne, représentant des Etats-Unis à Paris, le réclama. Mais M. Cluseret dut quitter la France. Il se retira alors en Belgique.
A la révolution du 4 Septembre, il accourut à Paris, sollicita vainement du général Trochu un commandement, entra à la rédaction de la Marseillaise, et fut des premiers, parmi les publicistes démocrates, à se prononcer vivement contre le gouvernement de la Défense nationale, dans un article intitulé: la Réaction; M. Henri Rochefort, rédacteur en chef du journal et membre du gouvernement, désavoua l'article de son collaborateur. Le général Cluseret se rendit alors à Lyon, où il fut arrêté par ordre de M. Challemel-Lacour, préfet du Rhône, puis de là à Marseille, où il contribua à l'installation d'une commune révolutionnaire.
Lors des élections du 8 février 1871 à l'Assemblée nationale, M. Cluseret obtint, en son absence, dans la Seine, 21 191 voix. L'insurrection du 18 mars le ramena à Paris. Porté aux élections communales du 26, il ne fut pas élu tout d'abord ; mais après avoir été choisi comme délégué à la guerre (3 avril), il devint, lui-même le 16, membre de la Commune, pour les 1er et 18e arrondissements. Les actes du général Cluseret comme chef militaire furent le sujet de discussions passionnées : accusé d'avoir des intelligences avec Thiers, il fut révoqué et emprisonné à Mazas du 1er au 24 mai. Il parvint à se soustraire aux recherches des troupes de Versailles, gagna l'Angleterre, et partit pour la Suisse, puis pour l'Amérique. Le 3e conseil de guerre, séant à Versailles, le condamna à mort, par contumace, le 30 août 1872.
Le général Cluseret ne revint en France que plusieurs années après l'amnistie. Dans l'intervalle, s'occupant surtout de peinture au pastel, et vivant même du produit de ses crayons, il avait séjourné longtemps en Orient, notamment à Constantinople, d'où il envoya, en 1880, au journal la Commune, dirigé par Félix Pyat, divers articles qui entraînèrent la condamnation du journal à de fortes amendes. De retour en France, M. Cluseret commença par élire domicile dans le Var. En 1887, il se fixa à Paris et entreprit la publication de ses Mémoires, sans négliger ses occupations artistiques.
En novembre 1888, les électeurs socialistes du département du Var lui offrirent la candidature en remplacement de M. Maurel, démissionnaire. Le concours actif que lui prêta le député, récemment élu, des Bouches-du-Rhône, Félix Pyat, fit obtenir à M. Cluseret 12 746 voix au premier tour de scrutin, le 25 novembre, contre 12 010 à M. Fouroux, radical, soutenu par M. Clemenceau, 3 135 à M. Fabre, 688 à M. H. Rochefort et 611 au général Boulanger. MM. Fouroux et Fabre s'étant désistés, M. Cluseret fut élu, au scrutin de ballottage, le 9 décembre, par 14 901 voix (17 912 votants, 83 962 inscrits). Malgré les contestations que souleva la nationalité complexe du général Cluseret, à la fois américain, français et italien, son élection fut validée. Il parut rarement à la tribune, et vota dans la dernière session de la législature :
- contre le rétablissement du scrutin d'arrondissement (11 février 1889),
- contre l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution,
- contre les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes,
- contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse.
Il s'est abstenu au scrutin sur les poursuites contre le général Boulanger.
On a de lui, outre ses Mémoires, un volume intitulé L'Armée et la démocratie (1868).
Né le 13 juin 1823 à Paris, mort le 22 août 1900 à La Capte (commune d'Hyères) (Var).
Député du Var de 1888 à 1900.
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t II. page 140.)
Aux élections générales des 22 septembre et 6 octobre 1889, Gustave Cluseret est réélu, au deuxième tour de scrutin, député de la deuxième circonscription de Toulon par 5.401 voix contre 3.682 à M. Serre sur 12.137 votants. Membre de diverses commissions spéciales il participe très régulièrement aux débats, s'intéressant particulièrement au sort des vieux paysans pour lesquels il préconise à plusieurs reprises une pension alimentaire (1889) ; il s'élève avec véhémence contre le duel qu'il déclare incompatible avec la civilisation (1890) ; il souhaite la réorganisation des halles centrales (1890) ; il présente une proposition de loi ayant pour but la répression des fraudes commises dans la vente des beurres (1890). Il adresse au Ministre de l'Intérieur une question sur la réglementation du pari mutuel (1890). Notons aussi ses observations concernant le refus des parquets d'appliquer la loi sur les faux poids lors de la première saisie (1891).
Aux élections générales des 20 août et 3 septembre 1893, il est réélu au second tour, de scrutin par 5.458 voix contre 5.288 à M. Vivier sur 10.885 votants. Comme sous la législature précédente, il est membre de diverses commissions spéciales. Citons : sa proposition de loi ayant pour but d'autoriser le Ministre des Travaux publics à homologuer les tarifs de saison (1895) ; sa proposition de loi, présentée de concert avec M. Michelin, ayant pour objet la création et l'organisation de tribunaux d'agriculture (1897). Il adresse au Ministre de la Guerre une question sur l'admission d'ouvriers étrangers à des travaux faits au fort du Faron (1897). Pendant l'année suivante, il demande souvent des congés, sa santé lui donnant des inquiétudes.
Aux élections générales des 8 et 22 mai 1898, il est réélu au deuxième tour de scrutin par 6.320 voix contre 4.891 à M. Stroobant sur 11.865 votants. Membre de diverses commissions, il assiste rarement aux débats. Il devait mourir, en cours de mandat, le 22 août 1900 à La Capte, commune d'Hyères, à l'âge de 77 ans. Le décès ayant eu lieu pendant l'intersession, il n'y eut pas d'éloge funèbre.
Ajoutons que, lors de l'affaire Dreyfus, Gustave Cluseret prit parti pour l'armée et, entra dans la Ligue des patriotes.