Edme, Armand, Gaston d'Audiffret-Pasquier
1823 - 1905
Représentant à l'Assemblée nationale de 1871 et sénateur inamovible, né à Paris, le 20 octobre 1823, il est le fils du comte d'Audiffret, receveur général, qui avait épousé la nièce du duc Pasquier, chancelier de France, et le fils adoptif de ce dernier, qui lui a transmis son titre.
Il entra au Conseil d'Etat en 1840, et devint maître des requêtes après la révolution de 1848. Il avait épousé, en 1845, Mlle Fontenillat, fille d'un ancien receveur général. Eloigné des fonctions publiques sous l'Empire, il fut élu conseiller général de Mortrée (Orne), et maire de la commune de Saint-Christophe-le-Papolet (Orne), où il possède le beau château de Sassy.
Dans une élection partielle, le 7 janvier 1866, pour l'emplacement de M. David-Deschamps, décédé, il se présenta comme candidat de l'opposition dans la 2e circonscription de l'Orne, et obtint, au second tour, 14 859 voix, contre M. le baron de Mackau, candidat officiel, qui fut élu par 15 992 suffrages. Pendant la campagne électorale, M. d'Audiffret avait été accusé, dans une circulaire émanant du comité électoral de M. de Mackau, d'avoir, au Conseil général de l'Orne, réclamé le rétablissement du droit d'aînesse. Le témoignage unanime de ses collègues au Conseil général justifia M. d'Audiffret de cette assertion; mais cette manœuvre, dénoncée à la Chambre, le 7 février 1866, lors de la vérification des pouvoirs, ne parut pas suffisante, malgré le faible écart des voix obtenues, pour invalider l'élection du candidat officiel.
M. d'Audiffret-Pasquier ne fut pas plus heureux aux élections générales du 24 mai 1869, dans la 4e circonscription de l'Orne, où il échoua avec 8 250 voix contre 15 824 voix à M. le baron de Mackau, député sortant, réélu.
Le 8 février 1871, le département de l'Orne l'élut au scrutin de liste, le 1er sur 8, par 60 226 voix sur 65 515 votants et 123 713 inscrits. Il vota pour la paix (1er mars 1871), pour les prières publiques (16 mai 1871), pour l'abrogation des lois d'exil (10 juin 1871), pour le pouvoir constituant de l'Assemblée (30 août 1871), contre le retour de l'Assemblée à Paris (3 février 1872). Nommé président de la Commission des marchés de la guerre, il protesta contre une lettre un peu vive adressée à cette Commission par le général Susanne, alors directeur au ministère de la guerre, et qui fut destitué, et prononça, à la séance du 22 mai, en réponse à une interpellation de M. Rouher, un discours dans lequel il dénonça impitoyablement les abus administratifs et les malversations de l'Empire. L'Assemblée vota d'enthousiasme l'impression et l'affichage dans toutes les communes de France de ce discours, qui plaça le duc d'Audiffret au premier rang des orateurs parlementaires. Le 24 mai 1872, il vota pour l'acceptation de la démission de Thiers, et le 24 juin, pour l'arrêté contre les enterrements civils. Quelques jours auparavant, il avait fait partie de la délégation dite « des Bonnets à poil », envoyée auprès de Thiers pour arrêter son mouvement marqué vers la gauche. La question des marchés souscrits par le gouvernement de Tours l'amena encore à la tribune le 29 juillet, et il ne ménagea ni M. Gambetta ni M. Naquet.
Dans les premiers mois de 1873, le duc d'Audiffret joua un rôle des plus actifs dans les négociations parlementaires qui amenèrent, le 24 mai, la chute de Thiers et son remplacement par le maréchal de Mac-Mahon. Il s'efforça, en novembre 1873, de rallier toutes les forces conservatrices dans le but de restaurer, avec le comte de Chambord, mais sans conditions, la monarchie vraiment constitutionnelle, « la forme supérieure de gouvernement, » selon lui. Le comte de Chambord ayant obstinément résisté sur la question du drapeau, la combinaison échoua, et le duc d'Audiffret vota, le 20 novembre, pour le septennat du maréchal de Mac-Mahon. Le 4 décembre, il se prononça pour le maintien de l'état de siège, contribua, le 16 mai 1874, au renversement du ministère de Broglie, et s'opposa, le 23 juillet, à la dissolution de l'Assemblée nationale. Déjà président du centre droit depuis le mois de mai 1873, il fut élu, le 2 décembre 1874, vice-président de la Chambre, vota, le 13 janvier 1875, contre l'amendement Wallon, et, le 25 février suivant, pour les lois constitutionnelles. L'hostilité systématique des bonapartistes et les rancunes de l'extrême droite, qui lui reprochait l'avortement de la restauration monarchique, lui firent rechercher alors, du côté des gauches modérées, la formation d'une majorité de gouvernement. N'ayant pu obtenir le portefeuille de l'Intérieur, il crut devoir refuser d'entrer dans le nouveau ministère formé par M. Buffet, et fut élu, quelques jours après, grâce à l'appui des gauches, président de l'Assemblée nationale (15 mars 1875), par 240 voix contre 130 bulletins blancs. Il fit, dans son discours d'ouverture, l'éloge du gouvernement parlementaire et déclara que la liberté est la plus sûre garantie de l'ordre et de la sécurité.
Lors de l'élection des sénateurs inamovibles par la Chambre, porté sur les listes de droite et de gauche, il fut élu au premier tour, le 9 décembre 1875, par 511 voix sur 688 votants. Trois mois après, le 13 mars 1876, il fut élu président du Sénat par 205 voix.
Lors des tentatives de résistance du maréchal de Mac-Mahon et de la formation du cabinet de Rochebouët, le duc d'Audiffret, en qualité de président du Sénat, fit part au préfet de police, M. Félix Voisin, des craintes que lui inspirait, pour la sécurité de la représentation nationale, l'attitude hostile du gouvernement, et manifesta l'intention de s'installer à Versailles. Mandé, par suite de cette conversation, près du maréchal, il insista vivement auprès de lui sur le respect dû à la Constitution et aux vœux non douteux du pays, et ne cacha pas que ses amis n'étaient nullement disposés à suivre le gouvernement dans la voie de résistance où il paraissait vouloir s'engager; il eut même à ce propos, avec M. Batbie, une vive altercation. Après quelques résistances, et sur une nouvelle démarche de M. d'Audiffret, le maréchal consentit enfin à charger M. Dufaure de former un ministère.
M. d'Audiffret a pris part à tous les débats importants de la Chambre haute ; son éloquence, que les questions de pure doctrine n'échauffent pas, n'est jamais plus à l'aise qu'en face d'adversaires à combattre, et laisse souvent percer, sous la correction de race et sous la maîtrise de la forme, l'ardeur contenue de la passion politique. Il a parlé, le 25 juin 1880, contre l’application des décrets aux congrégations non autorisées, le 1er mars 1883 contre le décret de mise en non-activité par retrait d'emploi des princes d'Orléans ; le 4 avril 1885, a interpellé le gouvernement au sujet des événements de Lang-Son; en avril 1886, a vivement attaqué le gouvernement sur l'odieux de son attitude dans l'affaire de Châteauvillain ; le 21 juin 1886, a solennellement protesté, au nom de la droite, contre la loi générale d'expulsion des princes. Le 25 août 1887, par une lettre destinée à la publicité, il a encouragé M. Cornélis de Witt, organisateur de conférences monarchiques dans le Sud-Ouest, à lutter pour la liberté de conscience et pour le succès des principes monarchiques dont M. le comte de Paris est le légitime représentant ; le 25 mars 1888, il a fait un remarquable discours sur la comptabilité des approvisionnements de la guerre.
M. d'Audiffret-Pasquier a toujours voté, depuis lors, avec la droite du Sénat, et s'est prononcé notamment, le 13 février 1889 contre le rétablissement du scrutin uninominal, le 18 février contre la loi Lisbonne restrictive de la liberté de la presse, le 29 mars contre le projet de loi constituant le Sénat en haute cour de justice pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'Etat. La précipitation avec laquelle cette loi fut votée était motivée par le désir d'intenter immédiatement des poursuites contre le général Boulanger ; à cette occasion, le Sénat résolut d'offrir, dans la Commission des 9 chargée de l'instruction de l'affaire, une place à la droite dans la personne de M. d'Audiffret-Pasquier ; mais cette offre a été immédiatement déclinée.
Né à Paris le 20 octobre 1823,
mort à Paris le 4 juin 1905.
Représentant à l'Assemblée nationale de 1871 à 1875.
Sénateur inamovible de 1875 à 1905.
(Voir 1re partie de la biographie dans ROBERT et COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1, p. 113.)
A partir de l'année 1889 il se tint volontairement éloigné des débats parlementaires, ne faisant au Palais du Luxembourg que de rares apparitions.
Il eut la douleur à la fin de sa vie de perdre son fils, victime d'un accident d'automobile. L'esprit de résignation dont il fit preuve en apprenant ce deuil, recouvrait en réalité une indicible souffrance et ses jours s'en trouvèrent sans nul doute abrégés. Il mourut à Paris le 4 juin 1905. Son éloge funèbre fut prononcé à la séance du Sénat du 6 juin 1905, par le Président Armand Fallières et ses obsèques eurent lieu le 7 juin à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot.
Il avait été élu membre de l'Académie française le 26 décembre 1878, en remplacement de Mgr Dupanloup et reçu le 19 février 1880 dans cette illustre compagnie par le Baron de Vieil-Castel.
On lui doit la publication en 6 volumes des Mémoires du Chancelier Pasquier (1895-1897) dont il était à la fois le neveu et le fils adoptif.