André Audinot
1933 - 1986
AUDINOT (André)
Né le 23 septembre 1933 à Monchy-Lagache (Somme)
Décédé le 18 avril 1986 à Paris
Député de la Somme de 1973 à 1986
D’origine modeste, André Audinot est fils d’ouvriers agricoles de la Somme. Après des études secondaires très honorables au lycée de Péronne, il entreprend une formation en sciences économiques et sociales à la faculté de Paris puis à Munich. En 1956, il rejoint une équipe de jeunes enseignants, la Coopération pédagogique qui anime une société d’édition scolaire, les Editions Rossignol, dont il devient directeur commercial pour l’étranger. La société connait un tel succès que la maison Hachette l’absorbe en 1959.
A cette date, fort de son expérience, André Audinot intègre le groupe de presse que dirige Robert Hersant, fondateur de L’Auto-Journal et détenteur depuis 1953 de La Semaine du monde, racheté à Marcel Dassault en 1953. Hersant vient d’acquérir des titres de presses du Poitou et du Sud-Ouest qu’il fusionne pour constituer Centre-Presse. Elu de l’Oise, le patron de presse régionale crée l’Oise Matin en 1957. André Audinot est attaché à la direction des deux piliers régionaux du groupe avant de prendre la direction de l’imprimerie Offprint. En 1965, il gravit les échelons de la société en même temps qu’il gagne la confiance de Robert Hersant, en devenant responsable des éditions étrangères. Quatre ans plus tard, il assure la direction de la promotion du groupe. Au fur et à mesure que l’empire de presse de Robert Hersant s’étend, André Audinot cumule les responsabilités. En 1970, il est directeur délégué du groupe. A partir de 1975, il préside la société Presse Normande du Littoral, il est membre du conseil d’administration de Nord-Eclair. Lorsque Robert Hersant entreprend le rachat des grands titres de la presse parisienne, André Audinot est à la manœuvre. En 1975, il est membre du conseil de surveillance du Figaro, nouvellement acquis, avant d’être nommé président de la société de gestion Figaro en 1979.
En 1976, André Audinot est directeur général d’une société qui est en passe de devenir le premier groupe de presse périodique du pays. Il préside le conseil de surveillance du Figaro dont il devient, en 1980, le directeur de la publication puis entre au conseil de surveillance de la société du Dauphiné Libéré définitivement rachetée en 1983.
L’entrée en politique de cet administrateur de presse de tout premier plan, commence en 1970 par son adhésion au comité d’études le Nouveau contrat social, créé par Edgard Faure écarté du gouvernement par Georges Pompidou et dont Joseph Lanet, un ancien de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), est alors secrétaire général. Audinot est membre de la commission exécutive du Comité. Cette structure a pour vocation à rassembler des élus venus essentiellement du radicalisme mais aussi du Mouvement des républicains populaires (MRP) ou de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) autour de l’idée de « concertation » promue par Edgar Faure dès 1963 et, à partir de 1970, de jeter un pont vers le mouvement gaulliste. Robert Hersant, ancien député de la FGDS, s’est alors rapproché d’Edgar Faure dont il soutient une éventuelle candidature à la présidence de la République en 1969. Suivant l’exemple de Robert Hersant solidement installé dans l’Oise, André Audinot s’apprête à affronter les suffrages et ainsi, à tisser des liens essentiels entre le monde de la presse et celui de la politique.
En 1972, André Audinot se porte candidat à la députation dans sa circonscription d’origine, la 5ème circonscription de la Somme (Péronne) en remplacement d’Emile Luciani, député gaulliste de Péronne depuis 1956 et qui ne se représente pas. En 1973, il est investi par l’Union des républicains de progrès (URP). L’URP est une structure mise en place par la majorité présidentielle pour identifier les candidats officiels de cette majorité, essentiellement les gaullistes, les Républicains indépendants et les élus du Centre démocratie et progrès (CDP). Y sont également associés des membres du Mouvement pour le socialisme et la participation (MSP), les jeunes gaullistes de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP) et du Contrat social. L’objectif est de contrer l’Union de la gauche. La concertation est organisée par le Premier ministre, Pierre Mesmer, afin de décider des investitures, ou le cas échéant de déterminer des primaires.
Au premier tour, André Audinot doit affronter six candidats, dont deux se réclament de la majorité présidentielle ou du gaullisme. De fait, une primaire est nécessaire à droite dans une circonscription où Emile Luciani, suppléant d’Audinot pour l’occasion, avait été élu dès le premier tour en 1968. André Audinot obtient 14 788 voix soit 28,3 % des suffrages. Il retrouve au second tour le candidat du Parti communiste, Jean Gaubet, arrivé en tête le 4 mars (15 227 voix) et qui agrège les voix de gauche. Audinot est finalement élu le 11 mars avec 27 279 voix (52,4 %) contre 24 809 à Jean Gaubet.
L’Assemblée nationale prend acte de son élection le 2 avril 1973. Il s’inscrit la première année de son mandat au groupe de l’Union centriste puis le quitte en juillet 1974, au moment de la fusion avec le groupe des Réformateurs démocrates sociaux (radicaux et anciens démocrates populaires du MRP). Le député de la Somme figure alors comme non inscrit. Il est nommé membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales dans laquelle il peut faire avancer les propositions du Nouveau contrat social. Mais se sont ses compétences professionnelles qui sont sollicitées lorsque André Audinot devient membre titulaire du haut conseil de l’audiovisuel et de la commission de contrôle et de gestion financière de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF).
Depuis 1968, la télévision française est secouée par un mouvement de contestation à l’égard d’un pouvoir politique jugé trop interventionniste, par ailleurs sa mission comme son financement impose une réforme d’ensemble proposé par le gouvernement Chaban-Delmas le 3 juillet 1972. La loi est une première étape vers une décentralisation selon un plan établi par Marceau Long, nouveau président-directeur général de l’ORTF en 1973. La nouvelle organisation prévue suscite l’opposition des syndicats qui déclenchent une grève. Audinot profite du débat parlementaire pour souligner l’urgence d’une réforme de l’ORTF. Mais la majorité est divisée entre les tenants du monopole public – notamment les gaullistes derrière Jacques Chirac- et ceux qui, déjà, souhaitent y mettre fin. Le président Giscard d’Estaing choisit de conserver une tutelle politique mais opte pour l’éclatement de l’Office en structures de programmes autonomes et obtient ainsi un consensus de sa majorité.
Durant cette législature, André Audinot est l’auteur d’une proposition de loi tendant à porter amélioration du statut des veuves chefs de famille. Il intervient dans les débats, parfois pour en découdre vigoureusement avec l’opposition.
Aux élections de mars 1978, Audinot se représente devant les électeurs Picards. La campagne s’annonce difficile pour la majorité. Le député sortant affronte sept candidats. Dès le premier tour il obtient 48,9 % des suffrages soit 29 601 voix. La semaine suivante, il devance largement le candidat communiste Jean Gaubet avec 33 149 de voix (53,8%) contre 28 451 (46,2%). André Audinot s’est imposé dans sa circonscription en particulier dans les cantons de Péronne et d’Albert. Fernand Demilly, enseignant, conseiller général de la Somme et conseiller régional de Picardie, est son suppléant. Non inscrit, il retrouve son siège à l’Assemblée le 4 avril 1978. Il rejoint la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales ; en 1980 il est rapporteur de sa proposition de loi tendant à améliorer les conditions de vie des victimes d’accidents du travail, ce qui aboutit au vote de la loi du 7 janvier 1981 sur les accidents de travail, et les maladies professionnelles. La même année, André Audinot accède au poste de président du Syndicat de la presse parisienne.
En 1981, son implantation dans sa circonscription qu’il visite très régulièrement, est suffisamment solide pour qu’il soit réélu et reste l’unique député de l’ancienne majorité dans le département. Il est candidat toujours sous la bannière du Nouveau contrat social aux côtés de Fernand Demilly. Il fait une campagne de proximité, aidé par son journal La Voix de la Picardie. Le député sortant fait face à cinq candidats de gauche, il obtient 47,4% des voix (26 769 suffrages) au premier tour. Au second, une mobilisation des électeurs de droite lui permet de devancer le représentant du Parti socialiste Jean Blas qui réunit 28 785 voix sur son nom contre 31 640 (52,4%) à André Audinot qui est déclaré élu le 2 juillet.
Non inscrit, il est membre de la Commission des affaires étrangères et vice-président de l’Intergroupe d’étude des problèmes de l’information. La victoire de la gauche place le député de la Somme dans l’opposition, mais surtout commence une lutte acharnée de la nouvelle majorité contre le groupe de Robert Hersant qui a acheté l’Aurore en 1978, lancé la même année le Figaro Magazine et ne fait pas mystère de son engagement politique à droite. En 1981, André Audinot entre au conseil d’administration de l’Agence France-Presse. L’offensive a lieu en 1982. Robert Hersant et André Audinot sont inculpés d’infraction à l’ordonnance du 24 août 1944 relative à l’organisation de la presse française, la levée de l’immunité parlementaire est demandée. Elle ne sera pas obtenue car Audinot se bat avec conviction et opiniâtreté notamment devant les députés en septembre. Le 2 février 1984, il dépose une proposition de loi tendant à la protection des sources d’information des journalistes et des directeurs de publication. Le combat engagé en 1982 par le gouvernement Mauroy aboutit au vote de la loi du 23 octobre 1984, dite « loi anti-Hersant » destinée à limiter la concentration de la presse française.
Attaqué, André Audinot s’engage vigoureusement contre les initiatives de la gauche au pouvoir. Le député de la Somme publie alors un essai en 1982, La Gangrène des libertés, qui résume ses combats. Après la défense de la presse, il manifeste pour la liberté de l’enseignement. Il est présent lors du grand défilé de janvier 1984 à Lille contre le projet de loi Savary portant sur la réforme du système éducatif.
Entre-temps, Audinot s’est rapproché du Rassemblement pour la République (RPR) de Jacques Chirac tout en demeurant au Nouveau contrat social dont il devient vice-président en 1985. Il est présent aux journées parlementaires du parti gaulliste en 1982. En 1985, il accède à la vice-présidence du Conseil régional de Picardie. Aussi c’est lui qui, le 16 mars 1986, conduit la liste de « l’Opposition unie » qui rassemble le RPR, l’Union pour la démocratie française (UDF), le Centre national des indépendants et paysans (CNIP) et les non-inscrits. La liste Audinot arrive en tête des neuf listes présentées dans la Somme (107 931 voix, 36,8%) et obtient trois sièges (André Audinot, Gilles de Robien, Joël Hart), contre deux à la liste de la majorité présidentielle – socialiste- qui obtient 30,6 % des suffrages et un à la liste du Parti communiste (14,5 % des voix). Comme le souligne le quotidien proche du Parti socialiste Le Matin, Audinot est l’un des neuf députés, liés d’une façon ou d’une autre au groupe Hersant, à rejoindre l’Assemblée, parmi lesquels on compte Robert Hersant, son fils Jacques ou encore Alain Griotteray. En 1986, Audinot n’est toujours membre d’aucun groupe, contrairement à son fils Gautier, apparenté UDF, qui vient d’être élu dans l’Isère.
Un mois plus tard, le 18 avril, André Audinot est victime d’une crise cardiaque à 52 ans. C’est Pierre Claisse (UDF-CDS), quatrième sur la liste, vice-président du Conseil général qui lui succède à l’Assemblée nationale.