Guy Hermier
1940 - 2001
HERMIER (Guy)
Né le 22 février 1940 à Créteil (Val-de-Marne)
Décédé le 28 juillet 2001 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Député des Bouches-du-Rhône de 1978 à 2001
Guy Hermier, le « dandy rouge », dont la vie est intimement liée au communisme français, naît à Créteil le 22 février 1940, en pleine « drôle de guerre ». Son père, plombier couvreur, et sa mère, commerçante, opposés au Service du travail obligatoire (STO), gagnent la zone non-occupée, non loin d’Oradour-sur-Glane. Après la guerre, c’est Nîmes que la famille choisit pour port d’attache. Guy Hermier entre à l’Ecole normale en 1958, dans cette ville puis à Montpellier ; il s’inscrit alors à la faculté des lettres du chef-lieu de l’Hérault, où il obtient une licence de Lettres modernes. Ses études sont interrompues par l’engagement politique : depuis 1958, il est membre du Parti communiste français (PCF) et milite au sein de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), jusqu’à finir président de la « corpo » des Lettres en 1962. Cette ascension se poursuit hors du cadre universitaire, à l’intérieur du parti : après les Jeunesses communistes, il entre à l’Union des étudiants communistes (UEC) de Montpellier, qu’il préside en 1963. S’il se montre fidèle à la ligne du parti, il ne goûte guère en revanche les positions nationales de l’UEC, dont la frange dite des « Italiens » penche pour la déstalinisation, à l’image de ce que fait le Parti communiste italien (PCI), ce qui explique ce sobriquet. En mars 1964, se tient le 7e Congrès de l’UEC à Palaiseau : Guy Hermier s’y range derrière les vues de la direction nationale du PCF et prend alors, avec Serge Goffard, la direction politique du journal Le Nouveau Clarté, qui succède à Clarté, arrêté pour avoir été, notamment, trop dispendieux. Il en avait été écarté pour avoir empêché la parution d’un numéro où figurait un texte polycentriste de Palmiro Togliatti. Les positions « pro-parti » d’Hermier l’emportent largement lors du 8e Congrès, à Montreuil, en mars 1965 : il en sort secrétaire général et succède à Pierre Kahn, qui incarne la ligne opposée.
C’est à cette époque que Roland Leroy, membre du bureau politique du parti chargé d’étouffer les dissidences à l’UEC, remarque le jeune Hermier : celui-ci se voit proposer par Leroy un poste de permanent au sein de la fédération Seine-Sud, puis dans le Val-de-Marne. Dès lors, il gravit une à une les marches de l’ascension politique : suppléant au comité central du PCF en janvier 1967, titulaire en février 1970, avant d’occuper les mêmes positions, au bureau politique cette fois, en décembre 1972, puis en 1976. Parvenu au sommet du parti, celui-ci le désigne pour porter ses couleurs aux élections législatives de 1973. Il est parachuté dans la 1ère circonscription de la Côte-d’Or, à Dijon, où il enseignait depuis qu’il avait obtenu l’agrégation de lettres, l’année précédente. Sa profession de foi témoigne de son souhait de rassembler autour du Programme commun pour mettre fin à « quinze années de gâchis ». Il affronte le candidat de l’Union des républicains de progrès (URP) Robert Poujade, qui refuse de débattre avec lui à Dijon. Le PCF fait encore plus de 21 % des voix au niveau national, juste derrière l’Union des démocrates pour la République (UDR), à 23,9 %. Mais Guy Hermier se classe troisième au 1er tour du 4 mars (avec 15, 95 % des voix, 9 666 en tout), ce qui l’empêche de se qualifier pour le second tour qui se joue entre Robert Poujade, qui l’emporte avec 53,36 % des suffrages, et le socialiste Maurice Fournier.
Le Sud lui sera bien plus favorable. Les communistes des Bouches-du-Rhône, important bastion communiste, venaient de perdre avec François Billoux, leur figure tutélaire. En 1977, celui-ci avait annoncé, dans les colonnes de L’Humanité, son retrait, abandonnant son mandat de député et ses fonctions de dirigeant de la Fédération départementale du PC. Son souhait était, disait-il, de « promouvoir la jeunesse », incarnée par Guy Hermier. C’est en fait Georges Marchais, secrétaire général du parti, qui lui choisit ce point de chute, où il reçoit de la base des militants un accueil réservé, voire distant. On a là l’exemple même d’un second parachutage réussi, après un premier échec, même si la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône – qui rassemblait les XIVe, XVe et XVIe arrondissements couvrant les quartiers Nord – est réputée imperdable. Il se présente avec pour suppléant Pascal Posado, un ouvrier fraiseur, président du groupe communiste au Conseil municipal et conseiller régional. Outre les motifs communistes traditionnels, on trouve dans leur programme une critique des socialistes qui ont quitté le Programme commun. Hermier est élu dès le premier tour avec 31 283 voix, soit 50,7 % des suffrages exprimés, loin devant le candidat du Rassemblement pour la République (RPR) Raymond Leclerc (21,7 %) et le socialiste Jacques Godard (21, 5 %). Il conservera ce siège jusqu’à sa mort.
Une intense activité parlementaire commence donc : il est membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, avant de devenir, entre avril 1979 et avril 1980, vice-président de l’Assemblée nationale. Pendant cette législature, il dépose deux propositions : une proposition de résolution sur la création d’une commission d’enquête parlementaire à propos de la construction et de la réparation navales – il se montre très préoccupé par la situation du groupe Terrin – et une proposition de loi visant à instaurer un statut démocratique du soldat et du marin, sujet qui concernait Marseille de près et que l’on retrouve abondamment dans ses questions. Celles-ci sont bien plus nombreuses : la santé et l’éducation y tiennent une part non négligeable. Ses interventions, pleines de verve et marquées par un sens aigu de la rhétorique et de la répartie, témoignent naturellement d’une fidélité parfaite aux positions communistes, notamment en matière internationale. Le 15 juin 1978, à une époque où les rapports Est-Ouest vivent le dernier acte de la « Détente », il interpelle le ministre de la Défense, Yvon Bourges : « En un mot, monsieur le ministre, votre politique est dangereuse : dangereuse pour la paix, notamment en Afrique ; dangereuse pour la sécurité de notre peuple ; dangereuse pour l’indépendance et la souveraineté de notre peuple. C’est pourquoi le PCF la combat en faveur d’une grande politique française d’indépendance, de défense nationale, de paix et de désarmement. Oui, nous combattons votre attitude d’hostilité à la détente ». Et de fustiger la politique africaine de la France : « Il est indigne de la France que son armée soit mise au service de régimes corrompus pour défendre les intérêts égoïstes du grand capital français qui cherche en Afrique de nouvelles sources de profits nécessaires à son redéploiement » (15 juin 1978). Sur le plan intérieur, il se fait, là encore, le relais de son parti en matière de recherche et de culture. Lui qui, avec Jack Ralite, député de la Seine-Saint-Denis, et Chantal Leblanc, députée de la Somme, a reçu, le 30 octobre 1980, dans la salle Médicis du Sénat, plus de 140 artistes, lutte sur les bancs de l’Assemblée pour le maintien des subventions de l’Etat au monde du théâtre notamment. Ces préoccupations trouvent un écho direct dans ses nouvelles responsabilités au sein du parti : depuis 1979, il est en effet responsable de la section « Intellectuels-culture-enseignement » et chargé d’organiser la fusion de France nouvelle et de La Nouvelle critique, qui donne naissance à un nouvel hebdomadaire, Révolution, dont il prend la direction, assisté de Jean Burles et de Jean-Michel Catala. Dans l’éditorial du 1er numéro, qui paraît le 7 mars, il écrit : « A ceux qui voient une apparente contradiction entre [notre] démarche d’ouverture et l’engagement de Révolution, nous répondons : c’est précisément parce qu’il résulte d’une initiative du PCF que Révolution peut être tout à la fois l’hebdomadaire d’un combat et un lieu de rassemblement et d’échanges ».
Tandis qu’il affirme son poids politique à l’échelle nationale et locale, il renforce sa stature intellectuelle et son magistère. Celui que l’on dit inspirateur, voire auteur, du Défi démocratique de Georges Marchais, paru en 1973, voit sa position assurée après le XXIIIe Congrès du PCF, en mai 1979. Il est réélu aux législatives de juin 1981, dans la même circonscription qu’en 1978 et, là encore, dès le premier tour avec 51 % des voix (soit 24 811), devant la socialiste Danielle di Scala (26 %) et le RPR Charles Prunet (18,2 %). Notons, à ce scrutin, l’arrivée, dans cette circonscription, d’un candidat du Front National, Jean-François Amoros, qui rassemble 2,3 % des voix. Guy Hermier fait partie de ces élus fortement enracinés, les seuls qui parviennent à se maintenir à une époque où le groupe parlementaire communiste, en net retrait parmi les jeunes et les ouvriers, perd la moitié de son effectif. Le PCF n’en participe pas moins à la nouvelle majorité. Guy Hermier a d’ailleurs fait campagne en affirmant son souhait « que se constitue un gouvernement d’union de toutes les forces de Gauche » ; « Désormais, dans la nouvelle majorité, j’entends prendre toute ma part à l’œuvre commune de changement », ajoute-t-il dans sa profession de foi. C’est naturellement qu’il rejoint la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. On le retrouve, pour l’essentiel, sur les mêmes sujets que pendant la législature précédente : l’éducation, la recherche et la culture. Il se réjouit à ce titre de la nouvelle politique culturelle qui se dessine dès 1981 et prône la « décentralisation culturelle », ainsi que l’accès de tous aux arts : « Il serait, à nos yeux, grave pour le développement même de la culture et de la démocratie que demeure, voire s’approfondisse, le fossé creusé au fil des ans, du fait de la politique de la droite, entre l’art, la création artistique et cette part considérable du peuple qui est l’avenir de la nation : la classe ouvrière, les travailleurs » (17 novembre 1981). Cela ne manque pas d’intérêt quand on sait que les ouvriers marseillais l’avaient accusé, à son arrivée, de représenter une forme d’élite communiste parisienne. Les discussions relatives aux projets de lois sur l’audiovisuel l’intéressent particulièrement. Il ne délaisse pas pour autant le terrain local, comme lorsqu’il est question de l’organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon, en 1982, qui concerne immédiatement son mandat. Il y voit la possibilité de tendre vers une « démocratie autogestionnaire ». Tandis qu’il soutient que « Ce qui fait crier si fort M. Chirac à Paris, M. Collomb à Lyon et quelques autres à Marseille, c’est au fond ce qui réjouit tous ceux qui souhaitent avancer vers plus de démocratie », le député RPR de Paris, Yves Lancien, lui lance : « Comme en Pologne ! ». Marc Lauriol, député RPR des Yvelines, fait chorus : « Vous êtes bien placé pour donner des leçons de démocratie ! ». A Marseille, malgré un ralentissement en termes de voix, il conserve une position de premier ordre : en 1983, il devient conseiller municipal et, la même année, il devient président du comité de direction du quotidien communiste La Marseillaise.
En 1984, les relations entre les communistes et la majorité se distendent, après le tournant de la rigueur qu’a pris le gouvernement, l’année précédente. Guy Hermier exprime clairement ce tournant : « L’appartenance à la majorité telle que nous la concevons […], n’a jamais signifié l’inconditionnalité, et nous ne sommes pas partisans les uns et les autres, d’un système de confusion entre parti et Etat. Nous concevons une majorité pluraliste où, disions-nous ensemble dans notre accord de 1981, chaque parti a droit à sa personnalité » (19 avril 1984). Les interventions de Guy Hermier à l’Assemblée ne peuvent que le refléter : il est ainsi vent debout contre le projet de cinquième chaîne de télévision, selon l’accord entre Jérôme Seydoux et Silvio Berlusconi. Alors que Michel Delebarre, ministre de Travail, fustige « l’obstruction systématique du travail parlementaire par le groupe communiste », le député des Bouches-du-Rhône rétorque que c’est « un projet qui va tout à fait dans le sens de ce que préconise la droite » (11 décembre 1985). Quelques semaines plus tôt, il avait interpelé le Premier ministre, Laurent Fabius : « Vous osez en effet, à son propos, monsieur le Premier ministre, parler de liberté. Mais, en vérité, tout le monde le reconnaît, vous utilisez les moyens de l’Etat pour donner une chaîne de télévision au Parti socialiste » (20 novembre 1985).
La campagne des législatives de 1986 est bien différente de la précédente. Sa profession de foi donne le ton : « Il y a maintenant cinq ans, en 1981, quel espoir fut le nôtre ! L’espoir que, la droite battue, les choses allaient enfin changer. Quelle déception aujourd’hui. […] Voter communiste, le 16 mars, ce sera enfin mettre toutes les chances du côté d’une autre politique à gauche ». Et d’insister sur la nécessité de mobiliser massivement les électeurs, à l’heure du scrutin proportionnel à un tour, seule expérience de ce type sous la Ve République. Sur le plan national, le PCF n’est plus que le quatrième parti, ex-æquo avec le Front national (FN), en termes de sièges (35), et derrière le Parti socialiste (206), le RPR (149) et l’UDF (74) associée au RPR. A l’échelle du département, la liste conduite par Guy Hermier arrive également en quatrième position avec 14,5 % des voix et remporte deux sièges – le second revenant à Edmond Garcin, maire d’Aubagne –, derrière celles de Gaston Defferre (25,9 %), de Pascal Arrighi, pour le FN (22,5 %) et du candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) Jean-Claude Gaudin (21,6 %). Alors que Guy Hermier n’avait pas été élu aux européennes de 1984 (sur la liste de Georges Marchais), il devient conseiller régional aux élections du 16 mars, le même jour que les législatives, qui confirment la perte de vitesse des communistes menés par Robert Allione, figure marseillaise du parti : la liste n’obtient que 14 sièges (12 % des voix) ; Jean-Claude Gaudin (UDF-RPR) l’emporte avec 47 sièges que lui offrent 37,39 % des suffrages exprimés. Son attitude à l’Assemblée prend dès lors un tour que Guy Hermier n’abandonnera plus jusqu’en 1997 : une opposition au Parti socialiste, toujours à travers ses thèmes de prédilection. Il suit également les enjeux montants de son époque, identitaires particulièrement : tandis qu’en 1980, il avait déjà interpelé le gouvernement à propos de la mort de Laouri Ben Mohammed, abattu par un CRS à Marseille, en 1986, il évoque la mémoire de Malik Oussekine, alors qu’il revient de la manifestation des étudiants et des lycéens. C’est aussi, pour lui, le temps des déceptions : en 1987, à l’occasion d’une nouvelle modification administrative du régime électoral à Marseille, il accuse Jean-Claude Gaudin d’être « associé aux amis de Le Pen à la direction des affaires de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur ». Il ajoute : « Quand le Front National obtient près de 24 % des voix aux dernières élections législatives à Marseille, on ne saurait jouer avec le feu sous peine que Marseille et la démocratie n’y brûlent », et alors qu’il fustige la politique de ce parti « qui tire profit de l’effondrement du pays dans la crise, pour exacerber les peurs et les haines, pour instaurer un climat d’intolérance, de racisme et de mépris », Pascal Arrighi le coupe : « Et les bulldozers ! » (3 juin 1987), en référence à l’épisode de la destruction d’un foyer d’immigrés à Vitry-sur-Seine, ville communiste, fin 1981.
Mais la position de Guy Hermier s’affaiblit surtout au sein même de son parti : l’unanimité de façade qui règne au XXVIe Congrès du 6 décembre 1987 se fissure dès le 14 janvier 1988, lors d’un bureau politique où le député de Marseille est le seul à devoir abandonner ses fonctions ; le secteur intellectuel revient au jeune Antoine Casanova. Il conserve toutefois Révolution, où il est mis en difficulté. Georges Marchais le critiquait en effet de plus en plus directement pour avoir ouvert Révolution à des contestataires et les deux hommes eurent un échange de vues des plus vifs.
Aux élections législatives de juin 1988, pour la première fois, il n’est pas élu dès le premier tour. Totalisant 34,88 % des voix, il doit affronter, au second tour, le candidat FN André Isoardo qui ne rassemble toutefois que 36,46 % face à Guy Hermier, finalement élu à l’issue de la deuxième manche par 63,54 % des voix (21 656), avec pour suppléant Roger Donadio, vice-président du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Sa profession de foi reprenait à grands traits les précédentes, à ceci près qu’elle insistait sur l’existence d’un seul camp opposé allant de la droite à l’extrême droite. 22 584 électeurs, sur 56 584, ne s’étaient pas déplacés. Son bref appel en vue du second tour le rappelle : « Je suis convaincu que l’ensemble des électeurs communistes et socialistes, les hommes et les femmes de gauche, tous les démocrates de nos quartiers, et parmi eux nombre d’abstentionnistes du premier tour, auront à cœur de se rassembler autour de ma candidature pour dire non aux idées de haine, de racisme et d’intolérance ». On ne trouve plus guère de thèmes nouveaux dans son travail parlementaire, fidèle aux sujets que Guy Hermier a toujours défendus, en lien avec ses attributions à l’intérieur du parti. Parmi les éléments inédits, il n’aura cependant de cesse, dès lors et chaque année, de présenter une proposition de loi reconnaissant le génocide des Arméniens. A l’occasion du projet de loi modifiant le code électoral, il soutient le vote des étrangers aux élections locales (24 novembre 1988), promesse que François Mitterrand tarde à tenir. En 1992, il ajoute à ses fonctions parlementaires la vice-présidence de la commission d’enquête sur les moyens de lutter contre la pénétration de la Mafia en France.
Pour la première fois, aux législatives de 1993, il est dépassé, au premier tour, par Marie-Claude Roussel, candidate du Front National surnommée la « Stirbois marseillaise », qui remporte 29,1 % des voix contre 27, 2 % pour Guy Hermier, lequel a pour suppléant Jean Dufour, conseiller régional. C’est un petit séisme dans les quartiers Nord de Marseille où le vote communiste se transmet traditionnellement au fil des générations. Près de 45 % des électeurs ne se sont pas déplacés au premier tour du 21 mars 1993. Hermier en était resté, dans son programme, à des motifs classiques, mise à part la mention des bouleversements internationaux : « En cette fin du XXe siècle, l’horizon est désormais celui du monde ». Pour le second tour, il en appelle aux électeurs dans les mêmes termes qu’en 1988. Il est finalement réélu, mais moins largement que lors du précédent scrutin : 54,7 % des voix, malgré une abstention sensiblement identique à celle du premier tour. En 1995, il devient, au moment où s’instaure à Marseille un nouveau régime électoral, maire des XVe et XVIe arrondissements (8e secteur) : il est élu au second tour, avec 48,88 % des voix, contre le candidat FN, Jean-Pierre Baumann, qui en rassemble 25,69 %, juste devant Bernard Chatel, pour l’UDF-RPR (25,42 %), les abstentions dépassant les 42 %. Il n’en poursuit pas moins son activité parlementaire et dépose un grand nombre de propositions de lois, sur ses sujets de prédilection, mais aussi sur le statut et le régime des parlementaires. Il intervient également de plus en plus sur les questions internationales qui, on l’a vu, le préoccupent grandement, notamment la politique méditerranéenne de la France et de l’Union européenne à la veille de la Conférence de Barcelone, en 1994, ou, ce qui est lié, au Moyen-Orient. Ces questions sont essentielles pour lui et sont reliées à celle de l’immigration. Guy Hermier entre d’ailleurs en 1996 au Conseil politique de la Fondation Agir contre l’exclusion.
Son évolution la plus significative à l’époque a plutôt lieu, une nouvelle fois, à l’intérieur du parti : en 1994, lui qui, depuis 1991, se voulait un « refondateur », en vue, selon ses mots, d’une « identité communiste moderne » refaçonnée par les bouleversements en Union soviétique, quitte ses fonctions de directeur politique de Révolution, « parce que [ses] propositions pour qu’une plus grande diversité puisse s’exprimer dans cet hebdomadaire avaient été refusées par la direction de Révolution ». Robert Hue, nouveau Secrétaire national du PCF, lui demande de conserver son poste, mais Guy Hermier y met une condition : que Roger Martelli, refondateur comme lui, soit le nouveau directeur adjoint de la revue. Ce qui lui est refusé. Il regrette ainsi que la revue ne puisse être « un lieu de rencontres d’échanges, de confrontations pour tous ceux qui cherchent une alternance politique ».
1997 le verra se présenter pour la dernière fois devant les électeurs avec, toujours, Jean Dufour à ses côtés, comme suppléant. Le contexte a bien changé et s’inscrit dans le cadre d’un nouveau rassemblement de la Gauche, « plurielle », que Guy Hermier a déjà connu en 1981. A Marseille, il représente, outre le PCF, le Mouvement des citoyens (MDC) de Jean-Pierre Chevènement, les Verts, la LCR, la Convention pour une alternative progressiste (CAP), née en 1994 et rassemblant d’anciens communistes et socialistes, ainsi que l’Alternative rouge et verte (AREV), qui regroupait d’anciens communistes rénovateurs ayant notamment suivi les idées de Pierre Juquin. Il arrive à nouveau en deuxième position, derrière le candidat frontiste Jean-Jacques Susini – dont la suppléante est Marie-Claude Roussel – qui fait 30, 9 % des voix au premier tour, le 25 mai 1997, contre 30, 3 % pour Guy Hermier. Ce dernier est tout de même élu, au second tour, avec 58,4 % des suffrages exprimés. L’abstention, quant à elle, s’est durablement installée et avoisine les 40 %. Cette dernière campagne se résume au slogan, désormais récurrent pour le candidat Hermier : « Le FN, ici, jamais ! ». Et de lancer l’anathème contre « Jean-Jacques Susini, cet ancien dirigeant de l’OAS [Organisation armée secrète], au sinistre passé, que Le Pen a parachuté dans nos quartiers ». Guy Hermier, d’ailleurs, réalise un meilleur score qu’en 1993. Son activité parlementaire est alors, nouveau contexte politique oblige, marquée par une dimension sociale plus marquée et un accent mis sur le motif de la solidarité et contre l’exclusion, sans que Guy Hermier n’abandonne la question de la reconnaissance du génocide arménien (et la répression pour qui en contesterait l’existence) ou celle du vote des étrangers. A partir de 1999, son activité se réduit significativement.
Il tombe malade à cette époque, et aussi, depuis 1998, il ne cache pas ses réserves à l’égard de Robert Hue : « La stratégie de Hue a largement fait preuve de ses limites » ; et d’ajouter : « Au moins, du temps de Marchais, même avec le centralisme démocratique, il y avait des débats au sein de la direction ».
Le charismatique député des Bouches-du-Rhône meurt le 28 juillet 2001 à Marseille. Jean Dufour lui succède. Les hommages pleuvent, de tous horizons : Robert Hue salue le rôle de Guy Hermier dans la « profonde transformation » du PCF, voyant en lui l’homme qui avait prédit – trop tôt ? – l’évolution nécessaire du projet communiste et du parti. Le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin rend hommage à l’ « adversaire […] élégant et brillant ». Tous, de Lionel Jospin à Michel Vauzelle, en passant par François Hollande ou Patrick Braouzec, regrettent avec lui la hauteur de vue, la culture et le sens de l’intérêt commun. Au sein du communisme comme à Marseille.