Jacques Isorni
1911 - 1995
Né le 3 juillet 1911 à Paris
Décédé le 8 mai 1995 à Paris
Député de la Seine de 1951 à 1958
Fils d'un dessinateur de mode originaire du Tessin, Jacques Isomi suit les cours de diverses écoles privées, puis du lycée Louis-le-Grand, avant d'entrer à la Faculté de Droit. Titulaire d'une licence, il s'inscrit en 1931 au barreau de Paris où ses aptitudes sont couronnées par le titre envié de premier secrétaire de la conférence de stage. Son activité d'avocat s'exerce à l'écart des joutes politiques des années trente. Mobilisé en 1939 dans le Service de santé, rendu à la vie civile après l'armistice, Jacques Isomi revient au barreau où il défend avec courage des résistants de tous bords, notamment devant les trop fameuses « sections spéciales » créées en 1941.
A la Libération, il assume un peu par hasard - la défense de Robert Brasillach dont il ne peut obtenir la grâce de la part du général de Gaulle, ce qu'il ne lui a jamais pardonné. Il sera plus tard, et avec plus de succès, l'avocat de Maurice Bardèche, beau-frère de Brasillach. Mais c'est à la défense du maréchal Pétain, dont le procès s'ouvre le 23 juillet 1945 devant la Haute cour de justice, que Jacques Isorni va attacher son nom et parvenir à la célébrité. Cadet d'un trio d'avocats qui l'unit à Jean Lemaire et au bâtonnier Payen, il assume en fait la direction de la défense par la véhémence de ses interventions et le lyrisme de sa plaidoirie. Se plaçant résolument sur le terrain politique, il défend la thèse du « bouclier » que Pétain aurait été pour la France face à l'autorité occupante. Les juges ne furent pas convaincus et la peine de mort fut prononcée, immédiatement commuée en détention perpétuelle. C'est le point de départ d'une affection véritablement filiale qui lie désormais l'avocat au Maréchal. Maître Isomi s'engage infatigablement dans une double action : la révision du procès de 1945, et, après la mort de Pétain, le 23 juillet 1951 à l'île d'Yeu, la translation à Douaumont des cendres du vainqueur de Verdun. A ces fins, il multiplie actes de procédure, ouvrages polémiques et articles de presse.
C'est à cette démarche qu'obéit également, pour une part, sa candidature aux élections la législative du 17 juin 1951. Son but est de faire entendre la voix de Vichy à l'Assemblée nationale et d'obtenir la réhabilitation du régime comme de son chef. Pour ce faire, il crée hâtivement un parti, l'Union des nationaux et indépendants républicains, dont le sens ne vaut que par l'adjonction de ses initiales : UNIR. Le secrétaire en est Roger de Saivre, ancien chef du cabinet civil du maréchal, et candidat à Oran. Les listes du nouveau parti font la part belle aux anciens dignitaires de Vichy : l'amiral Decoux (second de la liste Isorni) et Jean Tracou à Paris, Paul Estèbe à Bordeaux, Jacques Leroy-Ladurie dans le Calvados, etc... Isorni n'en est pas moins discrètement soutenu par le président du Conseil et ministre de l'Intérieur Henri Queuille, dans le but évident d'affaiblir le RPF en le privant des voix pétainistes qui s'étaient initialement ralliées à la formation gaulliste.
Au terme d'une campagne agitée, parfois émaillée de violences, Jacques Isomi est élu député de la deuxième circonscription de la Seine (1er, 2e, 8e, 9e, 16e, 17e et 18e arrondissements de Paris) par 29 366 voix sur 416 592 suffrages exprimés. Il est le seul élu de sa liste, mais UNIR obtient au total cinq sièges dans la nouvelle assemblée. Paul Reynaud s'étant opposé à son rattachement aux Indépendants, le nouveau député de Paris trouve refuge dans le groupe paysan de Camille Laurens et Paul Antier. Les communistes ayant déposé une demande d'invalidation, l'Assemblée, sur recommandation du bureau, mais après de vifs débats, vote la validation de l'ensemble des élus de la deuxième circonscription de Paris.
Membre des commissions de la justice et de la législation, de l'éducation nationale et des affaires étrangères, Jacques Isomi va se révéler d'emblée un député très actif. Dès le 2 août 1951, il dépose une proposition de loi tendant à l'amnistie « des faits dits de collaboration », proposition qui trouvera un aboutissement, deux ans plus tard, avec l'adoption de la loi du 6 août 1953. Le 3 novembre 1951, par une proposition de résolution, il invite le gouvernement à procéder à la translation des cendres du maréchal Pétain au cimetière de Douaumont. Il dépose de nombreux projets de réforme du Code civil, du Code pénal et du Code d'instruction criminelle. Il fait réactiver une ancienne loi de Vichy abrogée à la Libération, sur la légitimation des enfants adultérins (loi dite « du jardinier »). Accessoirement, il est membre, en 1951, de la Commission d'enquête sur le trafic des piastres.
Les votes de Jacques Isorni se situent nettement à droite. Favorable aux lois Marie et Barangé, il vote l'investiture d'Antoine Pinay (6 mars 1952) et de Joseph Laniel (26 juin 1953) auquel il renouvelle sa confiance le 13 mai et le 12 juin. Il reproche toutefois au gouvernement, le 1er avril 1954, les conditions dans lesquelles le maréchal Juin a été sanctionné à la suite d'un discours manifestant publiquement son hostilité à la CED. Cette vocation à défendre les maréchaux suscite, dans les rangs de l'Assemblée, quelques propos peu amènes.
Le député de Paris vote contre Pierre Mendès France (17 juin 1954) et fait partie des treize députés qui émettent un vote hostile à la ratification des accords de Genève le 23 juillet. Il vote l'investiture d'Edgar Faure (25 février) et la loi sur l'état d'urgence le 31 mars, mais il refuse de ratifier les conventions franco-tunisiennes consacrant l'autonomie interne. Sur le plan européen, il fait preuve d'une certaine versatilité. Il vote la ratification du traité de la CECA en 1951, mais adopte une position hostile à la CED (vote du 30 août 1954) tout en dénonçant à la tribune le « neutralisme » d'Edouard Herriot, adversaire déterminé du traité et signataire de la question préalable opposée par le général Aumeran. Il vote néanmoins les accords de Londres (12 octobre 1954) et rapporte favorablement, au nom de la Commission des affaires étrangères, sur les accords de Paris qui font entrer l'Allemagne fédérale dans l'OTAN après l'échec de la CED (11 décembre 1954).
Aux élections du 2 janvier 1956, Jacques Isorni est réélu dans la même circonscription, second d'une liste présentée par le centre national des Indépendants et conduite par le président du Conseil municipal de Paris, Jacques Féron. Il obtient 74 115 voix et retrouve les mêmes commissions que dans la précédente législature. Durant cette troisième législature, l'activité parlementaire du député de Paris demeure très soutenue. Ses nombreuses propositions de loi et interventions concernent prioritairement la législation civile et pénale, participant activement à la refonte du Code d'instruction criminelle qui deviendra le Code de procédure pénale par l'ordonnance du 23 décembre 1958 et, notamment, à l'introduction du fameux article 11 sur le secret de l'instruction.
Sur le plan politique, il refuse sa confiance lors de l'investiture du gouvernement Mollet le 31 janvier 1956 mais vote pour l'adoption des pouvoirs spéciaux en Algérie le 12 mars et soutient la politique algérienne du gouvernement lors du scrutin de confiance du 25 octobre. Ses positions très favorables à l'Algérie française trouvent à s'exprimer lors de multiples interventions et au sein de la Commission parlementaire d'enquête sur l'emploi de la torture en Algérie (juillet 1956). Il soutient l'expédition de Suez et déplore la « reculade » du gouvernement français (9 novembre et 18 décembre 1956). Il vote la confiance au gouvernement Bourgès-Maunoury (12 juin 1957), mais s'abstient lors du vote d'investiture du gouvernement Gaillard (5 novembre) et rejette le projet de loi-cadre de l'Algérie (31 janvier 1958).
Quand éclate la crise du 13 mai 1958, Jacques Isorni, après avoir déconseillé la participation des Indépendants au gouvernement Pflimlin, vote contre l'investiture de ce dernier. Intervenant le premier dans la discussion générale qui précède l'investiture du général de Gaulle, il annonce un vote négatif qu'il justifie par « l'aventurisme » de l'ancien chef de la France libre, mais où perce surtout une profonde animosité personnelle. Battu dans la vingtième circonscription de la Seine aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, il l'est de nouveau lors de celles des 18 et 25 novembre 1962, pour l'être une nouvelle fois en avril 1978 dans la 21 e circonscription de Paris.
Jacques Isomi a retracé son expérience parlementaire, en termes vivants et précis, dans le deuxième tome de ses Mémoires (Robert Laffont, 1986). Il est décédé à Paris le 8 mai 1995.