Georges, Augustin Loustaunau-Lacau
1894 - 1955
Né le 17 avril 1894 à Pau (Basse-Pyrénées)
Décédé le 11 février 1955 à Paris
Député des Basses-Pyrénées de 1951 à 1955
Fils d'officier, Georges Loustaunau-Lacau fait ses études secondaires au lycée de Pau. Bachelier ès-sciences, il entre à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr. Après avoir participé au conflit mondial, il est admis à l'Ecole de guerre. Il en sort en 1924 breveté d'état-major dans la même promotion que Charles de Gaulle. Il va au reste remplacer un temps ce dernier comme « plume » du maréchal Pétain. Comme de Gaulle, Georges Loustaunau-Lacau est un officier anticonformiste. Mais son anticonformisme est d'un autre genre. Jean Lacouture le qualifie de « d'Artagnan sans Dumas ». Tout en poursuivant sa carrière militaire, Loustaunau-Lacau brocarde l'institution (« la vieille mule ») et milite pour la réforme de l'Etat. Au moment du Front populaire, il anime un réseau anticommuniste (le réseau Corvignolles) qui groupe officiers d'active et officiers de réserve. Dans ses mémoires il écrit que lors de la fondation de cette organisation secrète, tous les camarades sondés ont accepté de participer à une action dont le but était double : « alerter l'opinion ci vile et militaire sur l'urgente nécessité d'une adaptation de l'armée à ses tâches stratégiques et tactiques nouvelles ; nettoyer l'armée des cellules que le parti communiste y développe sans arrêt. » A la fin de l'année 1936, le commandant Loustaunau Lacau entre en relations avec le colonel Groussard. Le premier appartenant alors au cabinet du maréchal Pétain, le second à celui du maréchal Franchet d'Esperey. Animés de préoccupations voisines, les deux officiers supérieurs ébauchent une coopération. Georges Loustaunau-Lacau prend aussi contact avec un personnage plus sulfureux, le polytechnicien Eugène Deloncle créateur de la « Cagoule ». On échange des renseignements sur les activités communistes. Dénoncé, Georges Loustaunau-Lacau est mis « en non-activité » en mars 1938. Après son départ de l'armée, il devient journaliste. Il fonde et dirige Barrage, notre Prestige et L'Ordre national. Son activisme anticommuniste (sa « croisade » comme il dit) a amené Loustaunau-Lacau à rencontrer dans les années d'avant-guerre un grand nombre de personnalités de la droite nationaliste : Maurras, Doriot, La Rocque, le général Weygand.
Georges Loustaunau-Lacau envoie des renseignements politiques à Pétain maintenant ambassadeur en Espagne. Dans une lettre du 22 septembre 1939, il lui fait part d'une conversation avec Pierre Laval ; la missive défend l'idée d'un ministère présidé par le maréchal et ayant Laval à l'intérieur. Georges Loustaunau-Lacau reprend du service quand la guerre éclate. Il participe à la campagne de France. Il voit la défaite comme une confirmation de ses craintes et comme une justification de son action. Fait prisonnier par les Allemands, il s'évade. Après avoir offert ses services à l'ambassade du Reich (« je suis prêt à former avec mes amis un nouveau gouvernement »), il se lance dans la résistance. Il entend poursuivre le combat sans rejeter Vichy. Le régime, au reste, lui offre au début un poste intéressant : délégué général de la Légion française des combattants. Pendant l'automne 1940, Loustaunau-Lacau se sert de cette fonction pour mettre sur pied un réseau de renseignements et des filières d'évasion vers l'Espagne. Il a l'espoir alors de faire de la Légion un organe de résistance aux Allemands. Mais il est révoqué en novembre 1940 à l'instigation de Xavier Vallat. Cette situation l'amène à restructurer son organisation. Avec le colonel Groussard, Loustaunau-Lacau tente de jeter des ponts entre Pétain et de Gaulle. Ce dernier dans une lettre datée du 13 janvier 1941 répond à son condisciple de l'Ecole de guerre : « Toutes les finasseries, tergiversations, cotes mal taillées sont, pour nous, odieuses et condamnables. Ce que Philippe a été autrefois ne change rien à la façon dont nous jugeons ce qu'est Philippe dans le présent. » Sur ces entrefaites Georges Loustaunau Lacau fonde (avec Marie-Madeleine Fourcade) le réseau Alliance qui, en liaison avec les services britanniques, va jouer un rôle de premier plan dans le renseignement interallié. Arrêté en 1943, Georges Loustaunau Lacau, alias Navarre, est torturé, puis déporté au camp de Mauthausen. Encore très marqué par la captivité, il vient témoigner au procès Pétain : « Je ne dois rien au maréchal Pétain ; mais cela n'empêche pas d'être écœuré par le spectacle de ceux qui, dans cette salle, essaient de refiler à un vieillard presque centenaire l'ardoise de toutes leurs erreurs. » Au lendemain du second conflit mondial, Loustaunau-Lacau se trouve dans une situation paradoxale : illustre et précoce résistant, commandeur de la légion d'honneur, il est vu aussi, du fait de ses activités d'avant-guerre, comme une sorte de cagoulard et de fasciste. Cette dernière image compromet ses tentatives de se lancer dans l'action politique. En 1947, Georges Loustaunau-Lacau est arrêté ainsi que le comte de Vulpian et le général Guillaudet : ils sont impliqués dans une rocambolesque histoire de complot de droite, dit du plan bleu.
Loustaunau-Lacau est devenu directeur d'une petite maison d'édition, « La Spirale ». Lors des élections législatives du 17 juin 1951, il se présente dans son département d'origine à la tête d'une liste de « l'union des Français indépendants ». Il bénéficie du soutien d'une figure de la droite locale, l'ancien député (et ancien ministre) Jean Ybarnegaray. Sa profession de foi réclame un renforcement de la défense nationale, la lutte contre « la cinquième colonne communiste », l'amnistie totale, le soutien à l'école libre, une « révolution finale », la stabilisation du franc (et en attendant l'échelle mobile des salaires). La liste « de l'union des Français indépendants » est apparentée à la liste « d'union républicaine » dirigée par le député MRP, Pierre de Chevigné. Cette alliance ne permet pas d'obtenir la majorité absolue. La liste Loustaunau-Lacau recueille 13 % des suffrages exprimés, son chef en est le seul élu.
A l'Assemblée il s'inscrit au Groupe paysan. Membre de la Commission de la défense nationale, il fait partie accessoirement d'autres commissions (presse, immunités parlementaires, reconstruction et dommages de guerre, affaires étrangères). Au lendemain de la défaite de Dien Bien Phu, il est désigné par la Commission de la défense nationale pour siéger dans la Commission de coordination sur l'Indochine. A l'Assemblée, Loustaunau-Lacau s'exprime surtout sur les questions de politique extérieure. Il critique la politique militaire. Méfiant à l'égard de l'Allemagne, il combat son réarmement comme la restauration de sa souveraineté. Il se montre hostile à la création d'une Europe fondée sur le couple franco-allemand, Europe de la CECA (Communauté économique charbon acier) et de la CED (Communauté européenne de défense). De même qu'il a voté contre le traité instituant le pool charbon-acier, il se prononce le 30 août 1954 pour la motion préalable enterrant l'armée européenne. Il prône l'Europe à cinq sur la base du traité de Bruxelles (1948) liant la France à la Grande-Bretagne et aux pays du Benelux. En 1954 Georges Loustaunau-Lacau revient à plusieurs reprises sur le nécessaire dialogue avec l'URSS, estimant que la tendance à la conciliation qui se manifeste pour l'heure du côté soviétique ne doit pas laisser la France indifférente. Au printemps 1954, Georges Loustaunau-Lacau intervient dans les séances consacrées à l'Indochine. Le 13 mai, il réclame qu'on y concentre les pouvoirs civils et militaires et le même jour vote contre la question de confiance. Le 9 juin, il précise comment il serait possible de redresser une situation compromise. Le 12, il fait partie de la majorité qui renverse le gouvernement Laniel. Georges Loustaunau-Lacau se prononce pour l'investiture de Pierre Mendès France et approuve la conclusion des accords de Genève mettant fin à la guerre d'Indochine. Homme du 2e bureau et des réseaux, Loustaunau-Lacau ne peut rester indifférent à la ténébreuse affaire des fuites qui agite le monde politique à la fin de l'année 1954. Il en profite pour demander la réorganisation des services de renseignements.
A sa mort, Georges Loustaunau-Lacau est fait général d'infanterie. Il laisse une veuve et des enfants mariés. Georges Loustaunau-Lacau est l'auteur d'ouvrages divers : Les Charbons de la Ruhr, Au Maroc français en 1925, L'Infanterie de la Reichswehr, Mémoires d'un Français rebelle (1948).