Louis Mermaz
1931 - 2024
MERMAZ (Louis)
Né le 20 août 1931 à Paris
Décédé le 15 août 2024 à Limours (Essonne)
Député de l’Isère de 1967 à 1968, de 1973 à 1993, et de 1997 à 2001
Président de l’Assemblée nationale de 1981 à 1986
Sénateur de l’Isère de 2001 à 2011
Ministre de l'Equipement et des transports du 22 mai au 22 juin 1981
Ministre des Transports du 13 mai au 23 juin 1988
Ministre de l'Agriculture et de la forêt du 3 octobre 1990 au 16 mai 1991
Ministre de l'Agriculture et de la forêt du 17 mai 1991 au 2 avril 1992
Ministre de l'agriculture et de la forêt du 3 avril 1992 au 2 octobre 1992
Ministre des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement du 2 octobre 1992 au 29 mars 1993
Dans ses mémoires, parus en 2013 sous le titre Il faut que je vous dise, Louis Mermaz révèle être le fils naturel de Louis de Chappedelaine, député des Côtes-du-Nord de 1910 à 1939 et ministre à plusieurs reprises (Colonies, Marine militaire et Marine marchande). Professeur d’histoire, il enseigne d’abord dans le secondaire au Mans et à Meaux, puis dans le supérieur, après avoir obtenu l’agrégation, à la faculté des lettres de l’université de Clermont-Ferrand.
Son appétence pour la politique est ancienne. Alors qu’il n’est encore qu’un jeune garçon de quatorze ans, Le Réveil normand lui confie une chronique hebdomadaire consacrée à l’actualité parisienne. Sa mère a une maison dans l’Orne, près de L’Aigle. Son premier article évoque l’installation du gouvernement de Félix Gouin au lendemain du départ du général de Gaulle (janvier 1946). C’est au printemps 1954, qu’il rencontre pour la première fois François Mitterrand, lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion de la parution de son ouvrage Aux frontières de l’Union française. En plus de partager la vision du ministre de l’Intérieur du cabinet de Pierre Mendès France (juin 1954 – février 1955) sur la question coloniale, Louis Mermaz est impressionné par son style : « [Il] répondit à la fin aux questions avec une assurance souveraine et se retira avec une dignité imperceptiblement hautaine. Le voyant pour la première fois à quelques mètres de distance, je jugeais qu’il ne devait pas être d’un abord aisé, entouré qu’il était d’une petite foule de dévots, parmi lesquels il se déplaçait sans se commettre. »
L’année suivante, en 1955, Louis Mermaz adhère à l’UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance), présidée depuis 1953 par François Mitterrand et, sur les conseils de ce dernier, se présente aux élections législatives dans l’Orne à trois reprises : en janvier 1956, en novembre 1958 et en novembre 1962 (deuxième circonscription – L’Aigle et Mortagne). Il est battu sèchement, notamment en 1958, ne recueillant que 3 658 voix au premier tour, loin derrière le candidat de l’UNR (Union pour la nouvelle République) Roland Boudet (12 872 voix), qui l’emporte au second tour avec 21 922 voix, contre 10 971 voix à Louis Levesque, Indépendant, et 2 634 voix seulement à Louis Mermaz. Ce dernier poursuit néanmoins son activité de militant au sein de l’UDSR, dont il devient le secrétaire général adjoint en 1959. Il y défend la ligne mitterrandiste d’opposition aux institutions de la Ve République et à la personnalisation du pouvoir. Par la suite, il participe à la fondation, en 1964, de la Convention des institutions républicaines (CIR) et y exerce les responsabilités de membre du présidium, de secrétaire général, puis de délégué général. En compagnie de Charles Hernu, Claude Estier ou encore Georges Fillioud, il s’implique activement dans la campagne de François Mitterrand pour l’élection présidentielle de décembre 1965, en s’occupant plus particulièrement des rapports entre les différentes formations politiques regroupées au sein de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Après l’inattendu succès de François Mitterrand, qui contraint Charles de Gaulle à un second tour, la FGDS s’affirme, malgré son hétérogénéité, comme une véritable force politique d’opposition.
Aux élections législatives de mars 1967, Louis Mermaz se présente dans la cinquième circonscription de l’Isère. Devancé au premier tour par le député sortant Noël Chapuis, il parvient finalement à être élu au second tour en obtenant près de 56 % des suffrages exprimés. Quinze autres conventionnels entrent alors à l’Assemblée nationale. Inscrit au groupe de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, le nouveau député de l’Isère est nommé membre de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Durant la troisième législature, la plus courte de l’histoire de la Ve République, il se montre particulièrement actif, intervenant en séance sur des sujets très divers. Fort logiquement, il prend la parole à de nombreuses reprises lors de la discussion de la proposition de loi tendant à modifier les limites des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône.
A la suite des événements de Mai 68 et de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, Charles de Gaulle, de nouvelles élections législatives sont organisées les 23 et 30 juin 1968. Louis Mermaz ne parvient pas à conserver son siège, battu au second tour de seulement quatre-vingts voix par le candidat gaulliste, David Rousset. Malgré ce revers et l’effondrement de la FGDS, il demeure fidèle à François Mitterrand et à la stratégie de réunion des forces socialistes, qui aboutit au congrès d’unification des socialistes à Épinay-sur-Seine (juin 1971). François Mitterrand est alors désigné premier secrétaire du Parti socialiste (PS) et Louis Mermaz membre du comité directeur, puis du bureau exécutif, chargé des fédérations.
Localement, il parvient, à partir du début des années 1970, à s’implanter. En 1971, il conquiert la fédération socialiste de l’Isère et la mairie de Vienne, sa ville natale, qu’il ravit au docteur Maurice Chapuis. Deux ans plus tard, il est réélu député au second tour sous l’étiquette de l’Union de la gauche socialiste et démocrate (UGSD) dans la cinquième circonscription de l’Isère (Vienne-Nord), avec plus de 58 % des suffrages exprimés contre Gérard David, qui représente l’Union des républicains de progrès (URP), et il devient conseiller général de Vienne-Nord puis conseiller régional Rhône-Alpes. A partir de 1976, il succède au centriste Antoine Buisson à la présidence de l’assemblée départementale. L’une de ses premières décisions est la création d’un fonds départemental d’industrialisation et d’expansion économique. Aux élections législatives de mars 1978, il conserve son siège, obtenant plus de 55 % des suffrages exprimés au second tour, soit 29 536 voix, contre 23 713 voix au candidat de l’Union pour la démocratie française-Parti républicain (UDF-PR), Michel Roux.
Durant la Ve législature (1973-1978), Louis Mermaz exerce la fonction de vice-président du groupe du parti socialiste et des radicaux de gauche (PSRG), rassemblant plus de cent députés tout au long de la législature. Il s’affirme comme l’une des figures de l’opposition aux gouvernements Messmer, Chirac puis Barre. En décembre 1976, il dépose une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le projet de surgénérateur Superphénix. En opposition, au sein du PS, au courant rocardien, il adopte des positions de plus en plus à gauche. Ainsi, en 1978, il reprend la thématique de la rupture développée par François Mitterrand : « Aucune société socialiste ne s’est construite hors de la révolution. Il ne peut y avoir de passage insensible de l’Etat capitaliste à l’Etat socialiste. Au contraire, intervient à certains moments une déchirure significative, la rupture. »
En février 1981, Louis Mermaz devient l’un des délégués de campagne de François Mitterrand, alors candidat à l’Elysée. Le succès de ce dernier lui permet d’obtenir, dans le gouvernement de Pierre Mauroy, son premier portefeuille ministériel, celui de l’Equipement et des transports (mai – juin 1981). Expérience brève car à l’issue des élections législatives de juin, où il est facilement réélu dans sa circonscription (63 % des voix au second tour soit 31 049 voix) contre Michel Roux, candidat de l’Union pour une nouvelle majorité-Parti républicain (18 171), il n’est pas reconduit dans le deuxième cabinet de Pierre Mauroy. Une autre fonction lui est dévolue : celle de président de l’Assemblée nationale. Candidat de l’ensemble des parlementaires de la nouvelle majorité, il est élu par 295 voix contre 149 pour le gaulliste Jean-Paul de Rocca Serra. Louis Mermaz occupe le « perchoir » jusqu’en 1986, « une longue période d’attente » confesse-t-il dans ses mémoires. Homme austère, qualifié de sectaire par ses adversaires, ses relations avec l’opposition s’améliorent toutefois au fil de la VIIe législature. En tant que troisième personnage de l’État, il effectue de nombreux voyages officiels en France mais également à l’étranger.
Les élections législatives de 1986, remportées par une majorité de droite malgré la modification du mode de scrutin, conduisent à la première cohabitation de la Ve République. Louis Mermaz quitte l’hôtel de Lassay le 2 avril 1986, remplacé par Jacques Chaban-Delmas. Réélu en 1986 au scrutin proportionnel départemental de liste, puis en 1988 dans la huitième circonscription de l’Isère, il est nommé ministre des Transports dans le premier gouvernement de Michel Rocard (mai – juin 1988) à la suite de la réélection à la présidence de la République de François Mitterrand. Comme en 1981, ce dernier lui demande de renoncer à ses ambitions ministérielles pour être l’un de ses relais à l’Assemblée nationale. Fidèle lieutenant, Louis Mermaz accepte de présider pendant deux ans le groupe socialiste au Palais-Bourbon. En 1990, alors que Michel Rocard est toujours à Matignon, il succède à Henri Nallet au ministère de l’Agriculture et de la forêt. Il conserve ce portefeuille durant deux ans. S’il s’est efforcé de traiter le malaise paysan et de défendre les intérêts français dans les négociations internationales, notamment lors de la délicate réforme de la Politique agricole commune (PAC), ses relations avec les organisations professionnelles agricoles sont tendues. Après les élections sénatoriales de septembre 1992, à l’occasion d’un remaniement du cabinet Bérégovoy, Louis Mermaz quitte la rue de Varenne pour devenir ministre des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement.
Comme l’ensemble de la gauche, il connaît une large défaite lors des élections législatives de 1993. Largement distancé au premier tour, avec seulement 20 % des voix (contre 41 % en 1988), il est battu par le candidat UDF-PR, Bernard Saugey, premier vice-président du conseil général de l’Isère. Cette défaite marque la fin de sa carrière gouvernementale. Il conserve cependant son influence au sein du PS, nationalement en tant que membre du bureau et du conseil, localement en contrôlant la puissante fédération de l’Isère. Il demeure également conseiller régional de Rhône-Alpes et maire de Vienne.
En 1997, Louis Mermaz profite de la dissolution de l’Assemblée nationale pour récupérer son siège de député de la 8e circonscription de l’Isère, à la faveur d’une triangulaire au second tour avec le député sortant, Bernard Saugey, et le candidat du Front national, Jean-Jacques Ogier. Il participe durant la XIe législature aux travaux de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Au nom de celle-ci, il est rapporteur de différents projets de loi dont le texte relatif à la nationalité modifiant le code civil (1998). Par son groupe, il est désigné porte-parole lors de la discussion de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crimes contre l’humanité (1999). Enfin, il préside à partir d’avril 2000 la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises dont le rapport fait la « une » du quotidien Le Monde. Particulièrement marqué par la réalité carcérale, il publie l’année suivante Les Geôles de la République écrivant : « J’ai le sentiment de marcher sur le pont d’un bateau de négriers et de me pencher au-dessus de la cale ».
Après trente années à la mairie de Vienne, Louis Mermaz décide de ne pas se représenter à l’élection municipale de mars 2001. Le maire UDF de Jardin, Jacques Remiller, lui succède. Quelques mois plus tard, l’ancien ministre se porte candidat aux élections sénatoriales sur la même liste qu’Annie David, conseillère municipale communiste de Villard-Bonnot. À soixante-dix ans, il abandonne définitivement le Palais-Bourbon pour rejoindre celui du Luxembourg, où il siège jusqu’en 2011. En 2013, il publie ses mémoires chez Odile Jacob (Il faut que je vous dise). Louis Mermaz était Chevalier de la Légion d’honneur.
Ce très proche de François Mitterrand s’éteint le 15 août 2024. Des hommages unanimes sont rendus à cette personnalité historique de la gauche, en particulier par ses successeurs à la présidence de l’Assemblée nationale.