Albert de Mun
1841 - 1914
Député de 1876 à 1879 et de 1881 à 1889, né à Lumigny (Seine-et-Marne) le 28 février 1841, petit-fils de Jean de Mun (1773-1843), pair de France, et arrière-petit-fils du célèbre philosophe matérialiste Helvétius, il suivit la carrière militaire, entra à l'Ecole de Saint-Cyr, devint capitaine adjudant-major au 2e cuirassiers, prit part à la guerre franco-allemande à l'armée de Metz, fut prisonnier en Allemagne, coopéra, au retour, à la répression de l'insurrection communaliste de 1871, et fut officier d'ordonnance du général de Ladmirault gouverneur de Paris.
Il manifesta des opinions monarchistes et surtout catholiques, et se consacra avec un zèle particulier à l'œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers. Plusieurs de ses discours ayant été vivement critiqués et dénoncés par la presse démocratique comme empreints d'une hostilité marquée contre la société civile et contre les institutions républicaines, et ayant même donné lieu, en 1875, à un incident parlementaire, le ministre de la Guerre invita M. de Mun (1875) à cesser sa propagande, Mais le jeune officier préféra donner sa démission (novembre), et, devenu indépendant, redoubla d'ardeur.
Bientôt les élections législatives du 20 février 1876 vinrent lui offrir une occasion nouvelle de défendre ses théories : candidat monarchiste à la Chambre des députés dans l'arrondissement de Pontivy, il reçut, pendant la campagne électorale, les encouragements et la décoration du pape, fut soutenu par l'archevêque de Paris, l'évêque de Vannes et le clergé de Pontivy, et eut à combattre, au premier tour de scrutin, deux compétiteurs différents : le docteur Le Maguet, républicain, et l'abbé Cadoret, bonapartiste. Après avoir réuni 7 508 suffrages contre 7 087 à l'abbé Cadoret, et 4 768 à M. Le Maguet, il se retrouva, au ballottage, par suite du désistement de son concurrent républicain, en présence de l'abbé Cadoret seul, et fut élu, le 5 mars, par 10 725 voix (19 575 votants, 23 232 inscrits), contre 8 748. Il s'était engagé, dans sa profession de foi, à « défendre, avant tout, les principes de la religion catholique ». Il prit place à l'extrême droite de la Chambre. Son élection, qui avait donné lieu à de violentes polémiques de presse, fut très vivement contestée aussi au Palais Bourbon ; la gauche reprocha à l'élu de Pontivy, au « cuirassier mystique », comme l'appelaient les journaux radicaux, l'ingérence du haut clergé dans la lutte, et, lors de la vérification des pouvoirs la majorité décida, par 307 voix contre 169, qu'une enquête serait faite sur les circonstances de l'élection, qui fut invalidée le 13 juillet 1876.
Réélu, le 27 août suivant, par 9 789 voix contre 9 466 à M. Le Maguet, républicain, M. de Mun fut validé le 15 décembre. Il prit place à la tête du parti catholique, vota constamment avec la droite monarchiste, dénonça, le 4 mai 1877, les attaques d'une « certaine presse » contre la religion, et ne laissa échapper aucune occasion de proclamer à la tribune les doctrines dont il était l'éloquent missionnaire.
Après l'acte du 16 mai, M. de Mun fut désigné par le ministère de Broglie-Fourtou comme candidat officiel dans l'arrondissement de Pontivy.
Réélu, le 14 octobre 1877, par 12 512 voix (21 006 votants, 24 497 inscrits), contre 6 822 à M. Le Maguet, républicain, et 1 678 à M. Lefebvre, M. de Mun vit encore son élection soumise à une enquête, dont le rapport ne fut présenté qu'en novembre 1878. Dans l'intervalle, toujours prêt à combattre la politique du gouvernement en matière religieuse, il s'était élevé (janvier 1878) contre la suppression des bourses des séminaires, et avait opiné contre le ministère Dufaure. À propos de la discussion du rapport concernant son élection, il prononça un discours, d'une forme très étudiée, dans lequel il n'hésitait pas à se déclarer l'ennemi du suffrage universel : une partie de la droite n'osa pas s'associer à cette manifestation, et les députés bonapartistes notamment se séparèrent de l'orateur.
Invalidé à nouveau le 16 décembre, M. de Mun se représenta aux élections complémentaires du 2 février 1879 ; mais il échoua avec 9 870 voix contre 10 892 à l'élu républicain, M. Le Maguet. Rendu momentanément à la vie privée, il continua son active propagande contre les projets de loi sur l'enseignement supérieur, et multiplia sur divers points de la France les réunions et les conférences.
Les élections générales du 21 août 1881 le firent rentrer au parlement. Elu député de la 2e circonscription récemment formée dans l'arrondissement de Pontivy, par 4 467 voix (8 018 votants, 9 989 inscrits), M. de Mun suivit la même ligne de conduite que précédemment. En juin 1882, il attaqua la loi sur l'enseignement secondaire privé, déclarant imminente la fermeture des établissements libres, faute de pouvoir réunir le nombre de gradés nécessaire. En mai 1883, il prit la parole dans la discussion de la loi sur les syndicats, et fit une éloquente apologie du régime économique antérieur à la Révolution ; il se déclara l'adversaire à la fois du « socialisme d'Etat » et du système du laisser-faire et demanda pour les syndicats mixtes le droit de recevoir des dons et des legs et d'organiser des caisses contre le chômage, la pauvreté, la maladie et la vieillesse. Son « socialisme chrétien », tendant notamment au retour aux « corporations ouvrières » de l'ancien régime, provoqua des discussions passionnées. Le député de Pontivy ne cessa de voter contre les principaux actes du gouvernement républicain. Il combattit, en général, la politique coloniale, et opina contre les crédits de l'expédition du Tonkin mais il se montra partisan (juin 1884) de la défense des droits de la France à Madagascar. Il protesta à la tribune (mai 1885) contre la désaffectation du Panthéon, et exposa, en mainte occasion, son programme politiqua et religieux.
Porté, le 4 octobre 1885, sur la liste monarchiste du Morbihan, M. de Mun fut élu député du département, le 3e sur 8, par 60 341 voix (95 198 votants, 130 336 inscrits). Comme dans les législatures précédentes, il soutint avec un grand talent les revendications de l'extrême droite catholique et intervint dans la plupart des débats importante. En avril 1886, il reprocha au gouvernement son attitude dans l'incident de Châteauvillain. Adversaire déclaré de l'expulsion des princes, il combattit aussi la loi militaire, et demanda à la Chambre de ne pas sacrifier la solidité de l'armée pour lui donner un plus grand nombre de soldats. On remarqua encore son discours (juin 1888) pour la réglementation du travail des femmes dans les manufactures; dans une harangue extra-parlementaire, prononcée à Romans en octobre de la même année, il adhéra formellement, au nom de son parti, à la politique boulangiste. Il se prononça, en dernier lieu :
- contre le rétablissement du scrutin d'arrondissement (11 février 1889),
- pour l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution,
- contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse,
- contre les poursuites contre le général Boulanger : il était absent lors du scrutin sur les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes.
Ses discours et conférences ont été réunis en trois volumes (1888).
Né le 28 février 1841 à Lumigny (Seine-et-Marne), mort le 6 octobre 1914 à Bordeaux (Gironde).
Député du Morbihan de 1876 à 1878 et de 1881 à 1893.
Député du Finistère de 1894 à 1914. (Voir première partie de la biographie dans ROBERT et COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. IV, p. 456.)
En 1881, Albert de Mun est réélu à Pontivy par 4 467 voix contre 3 350 obtenues par le candidat républicain. Le 4 octobre 1885, il est renvoyé à la Chambre avec toute la liste royaliste du Morbihan ; il est réélu le 22 septembre 1889 sans concurrent.
Ancien officier de cavalerie, ayant démissionné en 1875 pour se consacrer à l'action politique, c'est à l'oeuvre des cercles catholiques ouvriers - dont il a été l'un des fondateurs en 1871- qu'il formule les grandes lignes de sa doctrine sociale. Toute la vie publique d'Albert de Mun est dominée à la fois par son patriotisme et par son désir de justice sociale. Le patriotisme lui a inspiré un de ses plus beaux discours à la Chambre, le 11 juin 1887, alors qu'après s'être opposé à la réduction du service militaire, il évoque les combats de 1870.
L'image qu'il se fait de la France est celle d'une personne vivante, marquée du sceau du christianisme. Le 8 mai 1881, à Vannes, il affirme que le salut de la France est lié à la restauration de la monarchie héréditaire et il déclare : « je suis royaliste dans la sincérité de ma conscience de catholique et de Français ».
La mort du comte de Chambord, le 24 août 1883, ruine ses espoirs de restauration et lui fait envisager la création d'un parti catholique, attaché à la défense des libertés religieuses, de la famille, et à l'établissement d'une législation protectrice des travailleurs. Cette « union catholique », conçue à l'image du centre catholique allemand, ne vit jamais le jour, Léon XIII ayant demandé à Albert de Mun de renoncer à ce projet. L'Union de Fribourg qui, à partir de 1884, réunit annuellement les catholiques sociaux de France, d'Italie, d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, de Suisse et d'Espagne, permet la diffusion des idées d'Albert de Mun et de celles de son ami, le marquis de La Tour du Pin.
En 1886, Albert de Mun fonde l'Association catholique de la jeunesse française, œuvre de formation s'adressant d'abord aux jeunes gens de la bourgeoisie, puis aux employés, aux ouvriers et aux agriculteurs. Forte de 1 500 adhérents lors de son premier congrès réuni à Angers en 1887, elle en comptera en 1914, 140 000.
Un moment tenté par le boulangisme, il soutient l'Union pour la France chrétienne, qui reprend les objectifs du parti catholique.
Cependant, après l'encyclique du 16 février 1892 adressée aux Français, Albert de Mun accepte le sacrifice de ses convictions politiques et la séparation d'avec la plupart de ses amis. Le 23 mai 1892, à Grenelle, au congrès de l'A.C.J.F., il déclare : « J'entends placer mon action politique sur le terrain constitutionnel pour me conformer aux décisions du souverain pontife ».
En mars 1893, il participe, avec Jacques Piou et Etienne Lamy, à la fondation de la droite constitutionnelle, parti des ralliés, qui n'obtient que 35 sièges aux élections de 1893. Albert de Mun, lui-même, est battu par 4 160 voix contre 4 427 à Albert Le Clec'h, avocat, qui s'était rallié aussi.
Il sera réélu le 21 janvier 1894, à Morlaix, lors d'une élection partielle. Il sera ensuite constamment réélu, à Morlaix, en 1898, 1902 et 1904 sans concurrence ; en 1910 et 1914.
Albert de Mun n'a cessé de combattre pour ses idées sociales. Le 12 juin 1883, il prononce à la Chambre des députés une discours sur les syndicats mixtes de patrons et d'ouvriers, dans lesquels il voit le moyen de « rendre au travail une organisation pacifique et durable en instituant en permanence l'arbitrage amiable qu'on a tant cherché et si peu réussi à constituer dans les dernières grèves, avec des délégués nommés en pleine crise et qu'aucun lien, aucun intérêt, ne rapprochaient la veille ». Il ajoutait : « ce qui presse, avant tout, c'est de réconcilier le capital et le travail » et « qu'est-ce que cela, sinon l'organisation corporative ? ». Cette organisation était, pour lui, le seul moyen d'échapper au libéralisme sans tomber dans le socialisme.
La loi votée le 21 mars 1884 n'accorda que la reconnaissance légale des syndicats mixtes - et non la faculté d'acquérir que réclamait pour eux Albert de Mun.
Albert de Mun ne manqua jamais de se faire le défenseur de la liberté syndicale.
Albert de Mun intervient le 8 juillet 1890 pour que la journée de repos soit fixée le dimanche ; dès 1888, il demande la semaine anglaise. En octobre 1892, il réclame pour les femmes enceintes un arrêt de travail obligatoire et une indemnité. La Chambre rejette sa proposition pour la reprendre sept ans plus tard. Le 5 juillet 1890, il soutient avec succès un amendement qu'il avait déposé pour demander qu'en aucun cas les enfants soient mis au travail avant l'âge de 13 ans.
Défenseur du patrimoine familial, de Mun dépose en 1887 deux propositions de loi, l'une permettant au père de famille de maintenir l'exploitation indivise, l'autre déclarant insaisissables les petites propriétés. Ces propositions ne furent jamais discutées.
En précurseur aussi il souhaita la création de caisses d'assurances spéciales alimentées conjointement par les patrons et les ouvriers et proposa de substituer à la théorie de la responsabilité délictuelle, le principe du risque professionnel. Il préconisait aussi l'organisation de caisses de secours et de retraite pour améliorer le sort des ouvriers âgés.
Il combat la politique antireligieuse de Waldeck-Rousseau et de Combes et s'oppose de toutes ses forces à la loi de Séparation, qui est cependant votée le 9 décembre 1905.
Pourtant, atteint par une maladie de cœur, il doit renoncer à la parole. C'est avec la plume qu'il se battra dans les colonnes du Figaro, de La Croix ou du Gaulois.
De Mun abandonne alors la politique intérieure ; il siège à la commission des affaires étrangères. Son unique préoccupation est dès lors la défense de son pays qu'il sent menacé. Son patriotisme lui inspire des discours qui déchaînent l'admiration de son auditoire. La question marocaine le trouve en plein accord avec Lyautey dont il a été autrefois le capitaine. S'opposant aux abandons qui compromettent le destin de la France, il déclare le 14 décembre 1911 : « De quelles responsabilités se chargent les assemblées quand, aux heures critiques, au lieu d'exiger toute la vérité, elles obéissent aux sommations du pouvoir aveugle ». Ce sera sa dernière intervention à la tribune et elle est acclamée par les députés de tous les partis.
La guerre est désormais inévitable, de Mun en est convaincu.
Contre Jaurès, il soutient Poincaré, pour faire échec à l'antimilitarisme du bloc des gauches. Il défend la loi de trois ans et, pour surveiller son application, entre à la commission du budget, où il appuie le projet d'un emprunt de 1 400 millions.
La guerre éclate. De Mun fonde l'œuvre des aumôniers volontaires. Tandis que le gouvernement se replie sur Bordeaux, Poincaré lui demande de l'accompagner. De Mun rédige chaque jour sa chronique, ranimant l'espoir national. C'est alors qu'éclate la victoire de la Marne. « Dieu sauve la France » s'écrie de Mun, « comme il l'a sauvée déjà à Poitiers, Bouvines, Orléans, Denain et Valmy ».
Le 6 octobre 1914, il meurt terrassé par une crise cardiaque, à Bordeaux, à l'âge de 73 ans.
Albert de Mun est une figure marquante de son époque. Son catholicisme social devait se prolonger dans l'Action catholique de la jeunesse française et dans le Sillon. Grand orateur, brillant officier, homme de cœur, il a laissé un grand souvenir à ses contemporains.
Albert de Mun était entré à l'Académie française en 1887. Il a laissé une œuvre abondante :
- Catholiques et libres-penseurs (1876) ;
- La question ouvrière (1885) ;
- La loi des suspects (1900) ;
- L'organisation professionnelle (1901),
- Contre la séparation (1905) ;
- Ma vocation sociale (1909) ;
- Pour la Patrie (1912).