André Mutter

1901 - 1973

Informations générales
  • Né le 11 novembre 1901 à Troyes (Aube - France)
  • Décédé le 24 décembre 1973 à Annemasse (Haute-Savoie - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
Ire Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 21 octobre 1945 au 10 juin 1946
Département
Aube
Groupe
Parti républicain de la liberté
Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
2e Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 2 juin 1946 au 27 novembre 1946
Département
Aube
Groupe
Parti républicain de la liberté
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Aube
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Aube
Groupe
Centre républicain d'action paysanne et sociale et des démocrates indépendants
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Aube
Groupe
Indépendants et paysans d'action sociale

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)



Né le 11 novembre 1901 à Troyes (Aube)
Décédé le 24 décembre 1973 à Annemasse (Haute-Savoie)

Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Aube)
Député de l'Aube de 1946 à 1958
Ministre des anciens combattants de juin 1953 à juin 1954
Ministre de l'Algérie du 14 au 31 mai 1958

André Mutter est né le 11 novembre 1901 à Troyes, dans l'Aube. Après avoir passé une licence en droit, il entre en 1929 au barreau de Troyes. Mais autant qu'à son métier d'avocat, c'est au journalisme qu'il se consacre : collaborateur de L'Express de l'Aube, il y développe des thèses proches du catholicisme social et « national » défendu par le Parti Social Français du colonel de La Rocque.

André Mutter rejoint les rangs de la Résistance dès le lendemain de la défaite de l'été 1940 : membre du réseau Alliance, il est arrêté par la Gestapo le 9 octobre 1941 et déporté au camp de Hinzert, près de Sarrebrück, où il reste détenu près d'un an. Dès son retour en France, André Mutter reprend ses activités clandestines. Au sein de la Résistance, il devient le chef du mouvement « Ceux de la Libération - Vengeance » ; c'est à ce titre qu'il siège à partir de septembre 1944 au Conseil national de la résistance.

Membre de l'Assemblée consultative provisoire, André Mutter est un personnage important du paysage politique qui se met en place à Libération. Fondateur et directeur du journal L'Est Eclair, il participe à la création du Parti républicain de la liberté (PRL) ; pauvre en militants mais animé par des figures politiques comme Joseph Laniel ou Edouard Frédéric-Dupont, le PRL défend une ligne de droite modérée qui le conduira à fusionner, en 1951, avec le CNIP d'Antoine Pinay.

Dans ce climat d'unité nationale qui baigne les premières semaines de la Libération, André Mutter ne cherche pas à cacher les craintes que lui inspire le mouvement communiste international ; de façon significative, il intervient le 21 décembre 1944 devant les membres de l'Assemblée consultative provisoire pour souligner, au lendemain de la signature à Moscou, par le général de Gaulle, du « pacte d'alliance et d'assistance mutuelle » entre la France et l'URSS, que « ce serait une erreur et une injustice de considérer que le pacte franco-soviétique est la marque d'une priorité d'amitié (...) la France porte la même estime, la même confiance et la même amitié à toutes les nations qui ont contribué à sa libération ».

Candidat aux élections pour la première Assemblée nationale constituante du 21 octobre 1945, André Mutter conduit, dans l'Aube, une liste dite de « rénovation républicaine ». Avec 32 290 voix sur 110 737 suffrages exprimés, celle-ci emporte deux des quatre sièges à pourvoir ; les deux autres sièges échoient au socialiste Germain Rincent et au communiste Raymond Guyot.

Nommé membre de la Commission des territoires d'outre-mer et de la Commission des affaires étrangères, André Mutter marque sa confiance à la politique menée par le gouvernement du général de Gaulle, mais manifeste sa crainte de voir le parti communiste s'emparer des rouages de l'Etat. En composant son gouvernement, le général de Gaulle avait exclu de confier aux communiste « aucun des trois leviers qui commandent la politique étrangère : la diplomatie qui l'exprime, l'armée qui la soutient et la police qui la couvre ». Ces limites sont impuissantes à contenir la pression qu'exercent les communistes, juge André Mutter dans une intervention du 23 novembre 1945 : le parti de Maurice Thorez « n'a pas l'armée, mais il a l'armement ; il n'a pas l'intérieur, mais il a en mains toute la structure de notre économie et de notre production ; il n'a pas les affaires étrangères, mais ne nous faisons aucune illusion : la France ne peut avoir demain que la politique extérieure qui correspond à ses moyens économiques et qui est conditionnée par sa politique intérieure de production et de travail ».

André Mutter fait partie de la petite cinquantaine de députés qui s'opposent aux nationalisations ; il est aussi parmi ceux, bien plus nombreux, qui votent le 19 avril 1946 contre le premier projet de Constitution de la IVe République. Le texte étant de toute façon rejeté par le référendum du 5 mai, une nouvelle Assemblée constituante est convoquée le 2 juin. La liste d'André Mutter, qui porte cette fois l'étiquette du Parti Républicain de la Liberté, est en nette progression, recueillant 43 678 voix sur 114 370 suffrages exprimés, et retrouvant sans peine ses deux sièges.

André Mutter retrouve la Commission des affaires étrangères ; il est par ailleurs nommé juré à la Haute cour de justice. Tout comme il s'était opposé au premier projet, il s'oppose au second projet de Constitution voté par l'Assemblée le 28 septembre 1946 et ratifié par référendum le 13 octobre. Il sollicite un nouveau mandat lors des élections législatives du 10 novembre. Dans un scrutin marqué par une participation en baisse, les positions de sa liste sont encore en légère progression, avec 43 242 voix sur 109 552 suffrages exprimés.

Au cours de cette législature qui s'achève à l'été 1951, André Mutter est l'un des députés les plus actifs de la droite parlementaire ; doué d'un art certain de l'éloquence, il sait comme aucun autre faire se lever, par ses interventions mordantes, des tempêtes à la gauche de l'hémicycle.

Adversaire résolu du processus de décolonisation qui s'amorce, André Mutter interpelle, le 23 décembre 1946, le président du Conseil Léon Blum, qui cherche à renouer le fil de la négociation avec les partisans d'Ho Chi Minh, rompu un mois plus tôt après le bombardement de Haïphong par la flotte française : « je voudrais qu'il soit bien entendu qu'on n'engage pas la signature de la France et qu'on ne discute pas avec un homme qui a fait tirer le premier et fait massacrer nos enfants, nos fonctionnaires et nos missionnaires dans des conditions effroyables (...) nous n'avons plus le droit de considérer le président Ho Chi Minh comme le représentant d'un Etat libre : c'est un assassin ».

Affichant un anti-communisme de plus en plus radical, André Mutter dépose le 28 octobre 1947 une proposition de résolution visant tout simplement à dissoudre le parti communiste, « au titre d'organisation illégale et étrangère » : « le Komintern se trouve reconstitué et les divers partis communistes soumis officiellement à l'obédience d'une puissance étrangère. Le parti communiste » français « perd ainsi son indépendance nationale et constitue un élément dangereux pour l'ordre public ». Cette proposition lui vaut d'être violemment pris à partie par Jacques Duclos, le jour même, à l'Assemblée : « c'est une insulte à nos morts de la résistance. Vous mériteriez, monsieur Mutter, que les femmes, les fils et les parents de nos fusillés communistes viennent vous crier leur indignation et leur mépris ».

L'anti-communisme d'André Mutter le conduit à approuver sans réserve la signature du Pacte de l'Atlantique : le député de l'Aube considère qu'à la différence de l'Organisation des Nations Unies, dont le fonctionnement a été « saboté » par l'URSS, l'OTAN sera à même de garantir aux membres de la communauté atlantique un système de sécurité collective efficace (intervention du 25 juillet 1949).

Candidat au renouvellement de son mandat aux élections législatives du 17 juin 1951, André Mutter est victime de la percée du RPF, dont la liste dans l'Aube est conduite par Louis Briot ; avec 33 102 voix sur 106 426 suffrages exprimés, sa liste n'obtient plus qu'un des quatre sièges à pourvoir du fait de l'apparentement conclu entre la SFIO et les radicaux.

Au cours de cette nouvelle législature, André Mutter cumule les responsabilités : vice-président de la Commission des affaires étrangères, vice-président de l'Assemblée nationale, il est aussi élu par ses pairs pour représenter la France à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe (août 1951) et à la Communauté européenne du charbon et de l'acier (juillet 1952) et s'oppose à la question préalable du général Aumeran dont l'adoption enterre le projet de Communauté européenne de défense (30 août 1954). C'est aussi au cours de cette législature qu'il accède à son premier poste gouvernemental : son collègue Joseph Laniel lui confie en juin 1953 le portefeuille de ministre des anciens combattants et victimes de guerre. À ce poste, qu'il occupe toute une année, il élabore un plan quadriennal qui lui vaut une forte popularité auprès de cette fraction importante de l'électorat français.

Cette popularité ne suffit pas, cependant, à empêcher l'effritement de ses positions électorales : victime comme beaucoup de candidats Indépendants de la percée de la liste poujadiste, André Mutter ne recueille plus, aux élections du 2 janvier 1956, que 27 468 voix sur 120 450 suffrages exprimés. Pendant la trentaine de mois que dure cette dernière législature, il va s'engager résolument dans la construction européenne, se faisant élire représentant de la France à l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (février 1956), président du Conseil parlementaire du Mouvement européen (janvier 1957) et représentant de la France à l'Assemblée parlementaire européenne (mars 1958). Pourtant, par son opposition constante à la décolonisation (il adhère à la Charte de l'Union pour le salut et le renouveau de l'Algérie française créée en avril 1956 par Jacques Soustelle), André Mutter devient l'une des figures emblématiques de la droite nationaliste ; c'est d'ailleurs pour rassurer celle-ci au lendemain des émeutes du 13 mai 1958 que Pierre Pflimlin fait appel à lui pour prendre le ministère de l'Algérie.

Cette seconde expérience ministérielle est des plus courtes : le cabinet Pflimlin ne tient pas plus de deux semaines. Le retour au pouvoir du général de Gaulle - qu'il soutient de ses votes les 2 et 3 juin 1958 marque pour André Mutter une rupture : après quatorze années d'activité parlementaire, il choisit de se retirer de la politique active pour se consacrer à son cabinet d'avocat et à ses fonctions de directeur du journal L'Est Eclair.

Soutenu par le Centre Démocrate de Jean Lecanuet, André Mutter tente pourtant d'opérer un retour dans la politique nationale à l'occasion des élections législatives de 1967 ; il essuie alors un échec qui le dissuade de tenter de nouveau sa chance. Frappé d'une crise cardiaque alors qu'il se trouve à la station des Gets, André Mutter est transporté à l'hôpital d'Annemasse, où il décède le 24 décembre 1973.

Père de neuf enfants, commandeur de la Légion d'honneur et rosette de la Résistance, André Mutter est l'auteur de deux ouvrages : Face à la Gestapo et Sous le signe de la liberté.