Charles, Jean Bernard dit Charles-Bernard
1856 - 1927
Né à Bordeaux le 15 juin 1856, mort à Paris (18e) le 8 décembre 1927.
Député de la Gironde de 1898 à 1902 ; Député de la Seine de 1914 à 1924.
Charles Bernard obtint son diplôme de pharmacien, mais fut rapidement attiré par le combat politique dans lequel il se lança comme rédacteur à « La Victoire de la démocratie », organe blanquiste ; il prit ensuite la direction du journal « La Revanche » et, en 1899, devint rédacteur en chef de « La France de Paris ». Il était directeur de la caisse d'Epargne de Bordeaux quand il fut élu conseiller d'arrondissement de cette ville en 1889, puis conseiller général en 1895. Aux élections générales des 8 et 22 mai 1898, il se présenta à la députation dans la deuxième circonscription de Bordeaux, demandant aux électeurs de l'envoyer à la Chambre des Députés « pour défendre les vrais intérêts du peuple, pour combattre les faux républicains et démasquer les hypocrisies de la secte opportuno-juive ». Il fut élu au deuxième tour de scrutin par 8.053 voix contre 7.056 à M. Gruet, député sortant.
Il ne s'inscrivit à aucun groupe, mais fit preuve d'une très grande activité. Il déposa des propositions de loi sur les sujets les plus divers tels que l'organisation du corps des inspecteurs de travail (1898), l'abrogation des lois réprimant les menées anarchistes (1899), l'emploi des travailleurs étrangers (1901), la suppression de la censure des œuvres théâtrales (1901), le régime des aliénés (1901), la lutte contre la dépopulation en France (1901), la vente au détail du tabac dit « supérieur » (1902), la suppression de toutes les décorations civiles (1902).
Il se rendit rapidement célèbre par ses nombreuses et virulentes interventions qui soulevaient souvent le tumulte au sein de la Chambre et lui valaient de fréquents rappels à l'ordre des présidents de séance. Il saisissait toutes les occasions, et même les provoquait, pour exprimer sa vive hostilité à l'égard de Monis, qui représentait comme lui le département de la Gironde, mais en qualité de sénateur, et était Ministre de la Justice du Gouvernement Waldeck Rousseau. C'est ainsi, pour ne citer que quelques exemples, qu'il l'attaqua violemment lors de la discussion de l'interpellation sur l'incident survenu au Président de la République Emile Loubet au pesage d'Auteuil le 4 juin 1899, au cours de la discussion générale du budget de la Justice - la Chambre, sur proposition du président, lui interdit la parole pour le reste de la séance - (1889) et au cours d'une discussion sur le procès des Pères Assomptionnistes - sa violence fut telle que la Chambre vota contre lui la censure, puis la censure avec exclusion temporaire (1900) ; dans une interpellation sur l'Exposition universelle de 1900, il accusa même Monis d'avoir, en sa qualité de président de comice agricole de l'arrondissement de Bazas, commis des fraudes à la section des vins de cette exposition (1902) et lors de la discussion d'un projet de résolution relatif à l'affichage de la Déclaration des Droits de l'Homme, il demanda que celle-ci fût affichée sur les chais de M. Monis (1901), il ne manqua pas d'appuyer le projet de résolution de Cunéo d'Ornano tendant à la nomination d'une commission d'enquête sur l'usage que le Garde des Sceaux aurait fait de sa fonction ministérielle (1901).
De ses autres interventions, on peut retenir qu'il interpella le Gouvernement sur l'application de l'ordre du jour du 16 décembre 1898 flétrissant la candidature officielle (1899), qu'il prit part à la discussion du projet de loi concernant le contrat et le droit d'association (1901), qu'il soutint un projet de résolution tendant à requérir la suspension de la détention de M. Marcel Habert, député, poursuivi devant la Haute-Cour (1899), qu'il vota contre la déchéance de Déroulède et Habert (1901) et, lors de la discussion de propositions d'amnistie, demanda que celle-ci leur fût accordée (1902).
S'étant installé définitivement à Paris où il avait acquis une pharmacie dans le XVIIIe arrondissement, il se présenta, aux élections générales des 27 avril et 11 mai 1902, dans la deuxième circonscription de cet arrondissement, contre le député sortant Rouanet. Il fut battu au second tour de scrutin et subit à nouveau deux échecs aux élections générales de 1906 et 1910. Mais Charles Bernard ne se découragea pas et il finit par battre Rouanet aux élections générales des 26 avril et 10 mai 1914, au second tour de scrutin par 9.542 voix contre 9.112 à son adversaire. Elu sous l'étiquette de « républicain socialiste patriote », il avait affirmé à ses électeurs sa volonté de lutter « pour toutes les libertés syndicales, confessionnelles, d'écrire et de dire ». Dès lors, il n'est pas étonnant qu'il se soit élevé à plusieurs reprises contre la censure, intervenant dans la discussion d'une proposition de loi relative au régime de la Presse en temps de guerre et déposant deux interpellations à ce sujet au cours de la seule année 1916.
Dans la discussion du projet de loi de finances pour l'exercice 1914, il proposa que les députés donnent l'exemple des sacrifices en réduisant l'indemnité parlementaire (1914) et, lors de la discussion des crédits provisoires applicables au premier trimestre de 1917, il soutint un amendement tendant à l'établissement d'une taxe sur les distinctions honorifiques ou décorations obtenues à titre civil (1916). Lors de la présentation du cabinet Briand le 3 novembre 1915, il fut le seul député qui vota contre l'ordre du jour de confiance; il devait ensuite voter la confiance au Gouvernement Ribot, puis au Gouvernement Clemenceau (1917).
Membre de la Commission de l'hygiène publique et de la Commision des régions libérées, il déposa des propositions de loi tendant à augmenter l'allocation aux familles nombreuses (1916), à instituer un diplôme spécial aux préparateurs en pharmacie (1917) et présenta un rapport sur une proposition de loi concernant les substances vénéneuses (1916); il se préoccupa spécialement du sort des mutilés de guerre, demandant à interpeller le Gouvernement sur l'organisation des services de la prothèse orthopédique (1917) ; il intervint dans la discussion d'une interpellation concernant l'épidémie de grippe (1918).
Parmi ses nombreuses autres interventions, on peut rappeler que, lors de la discussion de la proposition de loi relative à la réforme électorale, il soutint un amendement demandant que la représentation proportionnelle fût étendue aux élections à la Chambre des Députés, aux conseils municipaux, aux conseils généraux et au Sénat (1919).
Aux élections générales du 16 novembre 1919, il fut réélu dans la première circonscription de la Seine sur la liste du bloc national dans laquelle il figurait avec le titre de « socialiste patriote ». Mais il avait gardé toute son indépendance et son originalité de caractère. Il ne voulut s'inscrire à aucun groupe et ses interventions reçurent à plusieurs reprises l'approbation de l'extrême gauche, par exemple lorsqu'il exposa au cours de la discussion du budget de 1923 qu'il voterait, comme il l'avait toujours fait, contre les fonds secrets ou qu'il expliqua ses votes contre la demande en autorisation de poursuites de Marcel Cachin et pour l'adoption de la résolution tendant à suspendre la détention du même député (1923).
Il avait déposé une proposition de résolution tendant à la suppression de la représentation coloniale au sein du Parlement français et à la création d'une Assemblée coloniale délibérante et permanente siégeant à Paris (1919). Il continua à participer très activement aux débats de la Chambre, intervenant notamment dans la discussion du projet d'amnistie (1920), du projet relatif à la législation sur les loyers (1921), des propositions de loi sur la pharmacie (1923), interpellant ou demandant à interpeller le Gouvernement sur les motifs des perquisitions effectuées chez les communistes et les résultats qu'elles ont donnés (1921), sur la nomination de Gémier à la direction du théâtre national populaire (1921), sur les agissements de la police militaire dans la région de Meknès (1923). Aux élections générales de 1924, il se représenta dans la première circonscription de la Seine à la tête d'une liste dite du « cartel des indépendants », mais cette liste n'obtint qu'un nombre très réduit de suffrages et n'eut aucun élu. Charles Bernard mourut trois ans plus tard à Paris.