N'Diaye Sidi El Moktar
1916 - 1997
SIDI-EL-MOKHTAR (N’Diaye)
Né le 13 septembre 1916 à Atar (Mauritanie)
Décédé le 25 janvier 1997 à Saint-Louis (Sénégal)
Député de la Mauritanie de 1951 à 1958
Né d’un père Wolof et d’une mère Maure, Sidi-el-Mokhtar N’Diaye effectue ses études à l’Ecole des fils de Chefs de Saint-Louis dont il sort diplômé. Il devient interprète du gouvernement, commis des services administratifs et financiers.
Il rejoint l’Union progressiste de Mauritanie (UPM), créée en 1947, en rassemblant des notables, des tribus maures proches de l’administration coloniale et des fonctionnaires. Ils avaient pour but de contrer Ahmed ould Horma ould Banana, alors député SFIO, puis de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), et président du Conseil général de Mauritanie, qui s’appuyait principalement sur des intellectuels, des catégories socioprofessionnelles concentrées au sud du territoire, et quelques tribus ayant adhéré au hamallisme. L’UPM s’apparente au Rassemblement du peuple français (RPF) dès 1948, en se plaçant sous la présidence d’honneur du général de Gaulle. Elle concentre son action, en particulier par l’intermédiaire du périodique La Concorde, sur les élections du 17 juin 1951. Au congrès de Kiffa, qui se tient du 15 au 19 mai 1951, ses délégués se prononcent pour la candidature de Sidi-el-Mokhtar N’Diaye. Celui-ci a le double avantage d’être au carrefour des deux cultures principales de la Mauritanie et de n’appartenir à aucune grande famille. Il est soutenu par Paul, Etienne Torre, l’un des conseillers nationaux du général de Gaulle, qui affirme n’avoir pas voulu se présenter au nom du RPF, pour éviter la dispersion des voix. Le programme est simple : « travailler utilement pour la Mauritanie dans le calme, l’ordre et la justice au lieu de l’agitation, le désordre et le favoritisme [qui ont marqué] la dernière législature ». Avec 25 039 voix sur 52 181 votants, Sidi-el-Mokhtar devance les six autres candidats dont le député sortant qui ne recueille que 23 649 voix. Ce dernier tentera vainement de faire annuler pour fraude les résultats des élections par l’Assemblée nationale.
Aux élections du 2 janvier 1956, Sidi-el-Mokhtar demeure le candidat de l’UPM, mais se rattache au Mouvement républicain populaire (MRP), comme nombre d’anciens élus du Rassemblement du peuple français (RPF). Son investiture, obtenue à l’unanimité au troisième congrès de son parti, à Rosso en 1955, avait pourtant été critiquée par un groupe de jeunes qui lui reprochaient son conservatisme et qui allaient fonder l’Association de la jeunesse mauritanienne, revendiquant l’indépendance rapide avec éviction totale de la France. Sur un programme modéré préconisant de « marcher à une cadence moderne sans pour cela rompre brutalement avec les principes et enseignements du passé qui nous fait honneur », Sidi-el-Mokhtar, qui a les faveurs de l’Administration et des milieux coloniaux, est réélu avec 106 603 voix sur 127 480 votants, battant les deux autres candidats dont Horma Ould Banana.
A l’Assemblée nationale, d’abord inscrit au groupe RPF, puis à celui des Républicains sociaux, il a été membre de la commission des pensions (1951-1954), puis de la commission du travail et de la sécurité sociale (1954-1955). En séance publique, durant son premier mandat, il n’intervient qu’une fois, le 23 novembre 1951, en défendant avec succès un sous-amendement au projet de loi relatif aux assemblées locales des territoires d’Outre-mer, sous-amendement tendant à augmenter le nombre des représentants de la Mauritanie. Il ne dépose, en revanche, aucun texte. Bien que peu peuplé, dit-il, le territoire est vaste et ses populations diverses (23 novembre 1951).
Pendant la législature suivante, il siège à la commission des territoires d’Outre-mer (1956-1958). Il vote pour la confiance à Guy Mollet sur son programme politique, le 31 janvier 1956, et pour les pouvoirs spéciaux en Algérie qui sont accordés à ce dernier, le 12 mars suivant. Il dépose une proposition de loi, le 12 avril 1957, tendant à modifier, en ce qui concerne la Mauritanie, l’article 6 du décret du 4 avril 1957 relatif aux Conseils de gouvernement dans les territoires de l’Afrique occidentale française (AOF) et de l’Afrique équatoriale française (AEF), mais il la retire le 28 octobre 1957. Il prend part à la discussion du projet de loi créant une Organisation commune des régions sahariennes (OCRS). Il défend un sous-amendement à ce texte d’initiative gouvernementale, le 14 décembre 1956. Ce projet de loi, déposé le 1er août 1955, avait pour objet de regrouper en une seule entité administrative les régions possédant des richesses naturelles, comme le fer et le cuivre de Mauritanie et surtout le gaz naturel et le pétrole dans les régions sahariennes de l’Algérie. Il s’agissait de pallier les incertitudes dues à la guerre en Algérie et aux revendications éventuelles du Maroc. Pour Sidi-el-Mokhtar, cette organisation doit être strictement économique, et respecter nécessairement l’autonomie politique de la Mauritanie qui doit demeurer au sein de l’AOF (13 décembre 1956). Il vote donc contre le projet de loi qui est pourtant adopté par 316 voix contre 162. Au demeurant, la loi du 10 janvier 1957 exclut la Mauritanie de l’OCRS, lui laissant le choix d’y adhérer quand elle le voudra. Au cours de ce second mandat, il ne dépose aucun texte.
Lors de l’application de la loi cadre, Sidi-el-Mokhtar accepte que Moktar ould Daddah occupe les fonctions de vice-président du Conseil de gouvernement de Mauritanie, la présidence étant légalement assurée par le Gouverneur. Lui-même préside l’Assemblée territoriale à partir de mai 1957.
Au Palais Bourbon, il vote « pour » dans les scrutins mettant fin à la Quatrième République : la révision de la Constitution, le 27 mai 1958, l’investiture au général de Gaulle, le 1er juin 1958, la reconduction des pouvoirs spéciaux en Algérie et les pleins pouvoirs au général de Gaulle, le lendemain. La Cinquième République et la Communauté sont accueillies en Mauritanie par un « oui » massif, au référendum de septembre 1958. Dès lors, Sidi-el-Mokhtar, qui siège à l’Assemblée nationale française dans le cadre de la représentation provisoire des anciens territoires d’Outre-mer, se rattache au groupe des Républicains populaires et du Centre démocratique (RPCD) et participe à la commission de la défense nationale et des forces armées. Dans le même temps, la création de la République islamique de Mauritanie (28 septembre 1958) entraîne la transformation, en mars 1959, de l’Assemblée territoriale en Assemblée constituante. Les élections législatives qui suivent, en juin 1959, donnent la totalité des sièges au Parti du regroupement mauritanien (PRM), ce qui permet à Moktar ould Daddah de devenir Premier ministre, puis président de la République après l’indépendance, le 28 novembre 1960. Sidi-el-Mokhtar, pour sa part, préside la nouvelle Assemblée nationale mauritanienne.
Il démissionne toutefois, dès mars 1961, pour marquer son désaccord sur l’évolution présidentielle du régime, finalement traduite dans une nouvelle constitution, le 3 juin 1961. Bien plus, il désapprouve l’orientation vers le parti unique voulue par Moktar ould Daddah lorsque celui-ci transforme la conférence des Cadres, à Kaëdi en janvier 1964, en un congrès extraordinaire du Parti du peuple mauritanien (PPM). Désormais, le parti doit avoir la primauté sur tous les rouages de l’Etat. Son bureau national (BNP) dressera une liste sur laquelle les députés seront élus, et ces derniers devront remettre une lettre de démission en blanc que le chef de l’Etat pourrait utiliser si les parlementaires n’exerçaient pas leur mandat dans « l’intérêt de la Nation ». La protestation de Sidi-el-Mokhtar et celle de Suleyman ould Cheikh Sidiya, un autre ancien président de l’Assemblée nationale mauritanienne, leur valent d’être exclus du parti. Ils rejoignent alors Bouyagui ould Abidine pour fonder le Front démocratique national (FDN) qui est immédiatement frappé d’illégalité. Cette décision met fin à la carrière politique de Sidi-el-Mokhtar.
Il meurt au Sénégal, à Saint-Louis, le 25 janvier 1997. Il était chevalier de l’Etoile noire du Bénin.