Henri Torrès
1891 - 1966
Né le 17 octobre 1891 aux Andelys (Eure).
Député des Alpes-Maritimes de 1932 à 1936.
Henry Torrès est né à la sous-préfecture des Andelys, d'un père bordelais et d'une mère d'origine suisse et alsacienne ; son père et son grand-père maternel, M. Levaillant, appartenaient l'un et l'autre à l'administration préfectorale ; ce dernier, qui avait été le collaborateur de Renan pour ses travaux sur le judaïsme, avait, jeune journaliste, été condamné à plusieurs mois de prison pour sa campagne contre Mac-Mahon et était devenu, la crise du 16 mai résorbée, préfet, puis directeur général de la Sûreté nationale et eut à régler la fameuse affaire Schnæbelé.
Après avoir fait ses classes primaires à l'école laïque, Henry Torrès entre au lycée Condorcet et termine ses études secondaires au lycée de Bordeaux. Bachelier, il s'inscrit à la Faculté de droit de Paris et simultanément commence à préparer « Normale supérieure » à Louis le grand... mais il y reste à peine quelques mois, la discipline de la « Khâgne » s'accordant mal avec son caractère. Licencié en droit à 20 ans, il part à Saint-Raphaël diriger un journal hebdomadaire.
Il porte l'uniforme militaire depuis un an lorsque survient la guerre de 1914 : il se conduit brillamment et est décoré de la Croix de guerre avec palmes pour participation aux coups de main ; le 18 octobre 1917, il est très grièvement blessé à l'attaque du Moulin de Laffaux et reçoit la Médaille militaire. C'est au milieu des bombardements, des patrouilles, des relèves et des assauts que le jeune sergent Torrès découvre sa vocation d'avocat ; en effet, il prononce sa première plaidoirie en 1915, devant le Conseil de guerre de la 57e division d'Infanterie : à plusieurs reprises, il arrachera ainsi des camarades au poteau d'exécution.
Réformé en raison de ses graves blessures, il collabore à la Vérité et au Journal du Peuple ; inscrit au barreau de Bordeaux en 1917, il devient avocat à la cour de Paris l'année suivante. On se presse pour l'entendre : aux assises de Paris et de province, à Bruxelles, à Moscou, en Roumanie... Il plaide d'instinct, son éloquence naturelle est servie par une voix incomparable. Maître Torrès conserve une certaine prédilection pour les accusés politiques : il défend Germaine Berton (meurtrière de Marius Plateau), Schwartzbard (qui tua l'instigateur des pogroms tzaristes), les affidés catalans du colonel Macia ; il est à la barre lors du procès des traîtres de Litvinov et au moment de la révision de l'affaire du Bonnet rouge. Il est aussi l'avocat du fakir Tahra-Bey, de la princesse de Broglie, de Lady Owen, Henri Guilbeaux, Klotz, Galmot, etc..
Il prend cependant le temps d'écrire : des dialogues de films, des adaptations de pièces américaines, des critiques dramatiques, des articles politiques ; il collabore notamment à « Gringoire » et à l' « oeuvre » dont il assume quelque temps la direction.
Mais, depuis toujours, la politique l'attire : militant socialiste dès 1917, il appartient à cette tendance dont va naître le parti communiste, mais il le quittera en 1921. Conseiller général des Alpes-Maritimes, le voici candidat aux élections législatives dans la 4e circonscription de Nice, le député sortant, Gianotti, ne sollicitant pas le renouvellement de son mandat. Son programme porte sur l'aide sociale dans tous les domaines, insiste sur le désarmement, demande l'extension aux femmes du suffrage universel, réclame un équipement et un développement touristique, suggère la réorganisation du travail parlementaire. Maître Torrès est élu député le 1er mai 1932 au premier tour de scrutin par 7.340 voix sur 17.819 inscrits et 14.258 votants, ses adversaires en obtenant respectivement 4.911 (Bastianelli), 1.393 (Gilli), et 305 (Rouxel). A son arrivée au Palais Bourbon, il s'inscrit au groupe de la gauche indépendante et fera partie de plusieurs commissions : affaires étrangères (il en assurera la vice-présidence), suffrage universel, Alsace et Lorraine et « commission chargée de rechercher toutes les responsabilités encourues depuis l'origine des affaires Stavisky ». Au cours de la législature, il rédige divers rapports et propositions de loi, se passionne pour la politique étrangère, soutient l'entrée de la Turquie à la Société des nations (1932) et l'accord commercial provisoire France-U.R.S.S. (1934). Rapporteur de la proposition de résolution relative au pacte de non-agression franco-soviétique, il la défend avec un tel acharnement qu'il réussit à la faire adopter à l'unanimité (1933) ; il intervient également avec fougue dans le débat sur l'amnistie (1933). Il accorde sa confiance aux gouvernements successifs qui se présentent devant la Chambre à l'exception du 2e cabinet Daladier (il vote contre) et du cabinet Flandin (il s'abstient).
Le 26 avril 1936, Henry Torrès sollicite à nouveau les suffrages des électeurs : il n'obtient au premier tour que 5.250 voix contre 7.273 à Jean Hennessy, de la célèbre famille des distillateurs de Cognac, ancien député de la Charente qui choisit cette fois de se présenter à Nice, les autres candidats récoltant respectivement 1.839, 376 et 178 voix. Et, au second tour, Hennessy l'emporte par 8.130 voix contre 7.454 à son adversaire.
Lorsque la guerre de 1939 éclate, maître Torrès ferme immédiatement son cabinet d'avocat pour se mettre à la disposition du gouvernement. Après avoir été chargé d'une importante mission en Belgique, il est nommé responsable, au ministère de l'Information, de la section Belgique-Hollande, puis directeur au même ministère, de la cinématographie française. Evacué de Paris avec son service, en même temps que le gouvernement, il s'insurge contre les responsables de l'armistice. Après la capitulation, il embarque à Saint-Jean-de-Luz en direction du Maroc dans l'espoir de continuer à servir la France.