Jean Villard
1907 - 1986
VILLARD (Jean)
Né le 24 février 1907 à Souzy (Rhône)
Décédé le 10 décembre 1986 à Vaugneray (Rhône)
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Rhône, seconde circonscription) en 1946
Député du Rhône de 1946 à 1958
Jean Villard est né le 24 février 1907 à Sauzy, village de la montagne beaujolaise, pays rude aux confins de la Loire et du Rhône. Il grandit dans un milieu populaire ; sa mère est couturière, son père ouvrier porcelainier. Pupille de la nation, il obtient un brevet d’enseignement supérieur après avoir fréquenté le collège de Tarare. Il entre à la Barclay’s Bank où il travaille durant neuf ans, puis fait carrière dans une société forestière dont il devient directeur. C’est durant sa jeunesse qu’il prend ses premiers engagements. Tout au long de sa vie, Jean Villard a été un militant chrétien. Dès 1923, il appartient à l’Association de la jeunesse catholique française (ACJF), tout en participant au mouvement scout. C’est à l’ACJF qu’il exerce ses premières responsabilités, puisqu’il en devient le président diocésain jusqu’à son départ en 1935. Jean Villard s’investit également dans la centrale syndicale chrétienne – la CFTC - qui regroupe de nombreux employés. Il appartient, après 1945, au Mouvement populaire des familles, qui rassemble nombre d’anciens militants de l’ACJF soucieux de prolonger leur expérience religieuse en tant que parents. Marié une première fois en 1933, il perd son épouse en 1957, alors que le couple a eu deux enfants. Il se remarie en 1960 et a un garçon tout en prenant en charge l’éducation des deux enfants de son épouse issus d’un précédent mariage. Le ménage de Jean Villard a donc élevé cinq enfants.
Au sortir de la guerre, il participe à la fondation de la fédération MRP du Rhône. Il se présente sur la liste démocrate-chrétienne dans la seconde circonscription de ce département pour les élections à l’Assemblée constituante de juin 1946. Cette circonscription regroupe essentiellement l’arrondissement de Villefranche-sur-Saône, donc le Beaujolais viticole et textile, d’où est originaire Jean Villard. C’est un pays de forte pratique religieuse, bien différent de la plaine laïque du Bas-Dauphiné, déchristianisée, à laquelle l’agglomération lyonnaise se rattache. Ces collines appartiennent, selon l’historien André Latreille, à l’ensemble religieux du Massif Central. Les Monts du Lyonnais sont même parfois surnommés la Vendée lyonnaise. Ceci explique la raison pour laquelle le MRP réussit à s’y implanter durablement, alors que Lyon lui est très défavorable. En juin et novembre 1946, la liste MRP est conduite par un aviateur de la France Libre, Lécrivain-Servoz ; Jean Villard occupe la deuxième position. En juin, elle arrive nettement en tête, avec 38 962 suffrages, soit 27,5 % des voix ; Jean Villard est élu. Malgré un certain tassement, le succès se confirme en novembre : la liste recueille 37 105 suffrages et obtient à nouveau deux sièges. La situation se dégrade du fait de la création du Rassemblement du peuple français (RPF), que rejoint fugacement Lécrivain-Servoz. Jean Villard conduit donc la liste en 1951, dans cette même deuxième circonscription. Il a l’habileté de choisir en seconde position un viticulteur bien connu, maire du village de Rivollet, Philippe Sandrin, tandis que Lécrivain-Servoz conduit sans grand succès une liste d’Union pour l’indépendance française (2,4 % des voix). Le RPF et les Indépendants profitent des quelques 20 000 voix perdues par le M.R.P. entre 1946 et 1951. L’apparentement entre les indépendants, la SFIO, les radicaux, le Rassemblement des gauches républicaines (RGR) et le MRP permet à ce dernier de sauvegarder un siège, bien qu’il ne réunisse que 12,9 % des voix.
En 1956, le MRP connaît un rétablissement dans la seconde circonscription. La section de Tarare fait figure de modèle pour le Mouvement et la fédération bénéficie en 1955 de l’arrivée de Léon Dubois, ancien responsable de la Jeunesse agricole chrétienne (JAC), qui réorganise les équipes rurales dans le Rhône. Le succès du candidat MRP, Joseph Rivière, qui recueille, en 1958, 80 % des voix au premier tour de l’élection cantonale de Tarare illustre cet enracinement. Jean Villard décide de confier à Joseph Rivière, également maire de Tarare, la seconde place sur la liste qu’il conduit pour la troisième législature. Elle s’apparente avec le centre national des indépendants (CNI) et les républicains sociaux, menés par Roger Frey, et obtient 14,3 % des voix, soit 20 835 suffrages. Non seulement Jean Villard conserve son siège et augmente le score du MRP. Ce succès est d’autant plus éclatant que neuf listes s’affrontent, dont deux poujadistes, celle de l’Union et Fraternité française (UFF) et celle de défense des viticulteurs.
Sous la deuxième Constituante, Jean Villard siège au sein des commissions du ravitaillement et du règlement et des pétitions. Il est nommé membre titulaire de la commission d’instruction de la Haute Cour de justice. Durant la première législature de la Quatrième République, il appartient à quatre commissions : affaires économiques (1946-1950) ; territoires d’Outre-mer (1948-1951) ; agriculture (1950-1951) ; pensions (1951). Il est membre titulaire de la commission d’instruction de la Haute Cour de justice (1946). Il est ensuite nommé à cette juridiction le 11 mars 1947 et est appelé, enfin, à figurer sur la liste des jurés de la même Cour, le 20 mai 1947. Entre 1951 et 1955, il est membre des commissions des boissons (1951-1952) et de la famille, de la population et de la santé publique (1953-1955). Enfin, durant son dernier mandat, il retrouve cette dernière commission pour les deux années de la législature.
En tant que membre de la commission de l’Outre-mer, il est rapporteur de plusieurs projets concernant la Martinique, l’AEF et surtout Saint-Pierre-et-Miquelon. Elu du Beaujolais, il n’oublie pas la viticulture et demande notamment, le 16 mai 1947, dans une proposition de loi que les vignerons qui n’exploitent pas de vignes puissent bénéficier de rations de vin. Ce militant chrétien dépose également de nombreux textes à vocation sociale, en particulier concernant la Sécurité sociale. Celui du 29 février 1952 vise à accorder à tous les assurés sociaux le remboursement des soins nécessaires à la poursuite de leur activité professionnelle. Le même jour, il dépose une proposition de loi tendant à préciser les notions de première constatation médicale, de guérison apparente et de rechute, relativement à l’application de la législation de la sécurité sociale. Le 30 octobre 1952, il propose d’accorder un droit illimité aux soins pour les vieux travailleurs retraités. Le 30 décembre 1953, il propose d’exonérer d’impôts et de cotisations sociales les artisans, petits commerçants et employeurs infirmes incurables (projet redéposé le 20 avril 1956). Un projet de loi déposé le 29 mai 1956 tend à faire du logement en France un véritable service public. Jean Villard refuse que le coût du crédit à la construction pour les petits salariés grève le budget de l’Etat, alors que l’accession à la propriété demeure un objectif majeur. Il propose que la Banque de France développe des crédits bas pour que tous les petits salariés puissent devenir propriétaires. L’article 1er rédigé par Jean Villard spécifie que le logement est déclaré «service national».
Au cours de sa carrière parlementaire, Jean Villard aura déposé dix propositions de résolution, trente-quatre propositions de loi, dix rapports – dont huit sur des textes d’initiative gouvernementale – et deux rapports supplémentaires sur des projets de loi également. Il aura pris la parole au cours de huit débats différents. Le grand œuvre législatif de Jean Villard concerne un projet de loi sur les handicapés physiques, dont il est rapporteur, à plusieurs reprises, entre le 6 juin et le 6 novembre 1956, au nom de la commission de la famille, de la population et de la santé publique. Ses interventions dans l’hémicycle concernent ce projet de loi qui devient la loi du 23 novembre 1957.
Jean Villard se représente en novembre 1958 dans la neuvième circonscription du Rhône, mais le président de la fédération MRP doit faire face à la candidature dissidente de Joseph Rivière qui l’emporte. Jean Villard continue toutefois à exercer une activité politique jusqu’en 1983 ; il est élu conseiller général à la faveur d’une élection partielle en 1962 ; il est constamment réélu jusqu’en 1979 et démissionne pour raison de santé en 1982. De 1977 à 1983, il est conseiller municipal de Vaugneray, où il s’éteint le 10 décembre 1986.