Georges, Augustin Bidault

1899 - 1983

Informations générales
  • Né le 5 novembre 1899 à Moulins (Allier - France)
  • Décédé le 27 janvier 1983 à Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
Ire Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 21 octobre 1945 au 10 juin 1946
Département
Loire
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
2e Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 2 juin 1946 au 27 novembre 1946
Département
Loire
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Loire
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Loire
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Loire
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Loire
Groupe
Non inscrit

Gouvernement

Chef du Gouvernement
du 11 septembre 1948 au 6 octobre 1949
Chef du Gouvernement
du 28 octobre 1949 au 24 juin 1950

Biographies



Né le 5 octobre 1899 à Moulins (Allier)

Décédé le 27 janvier 1983 à Cambo-les-Bains (Pyrénées-atlantiques)

Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Loire)

Député de la Loire de 1946 à 1958

Ministre des Affaires étrangères du 10 septembre 1944 au 24 juin 1946

Président du gouvernement provisoire et ministre des Affaires étrangères du 24 juin au 16 décembre 1946

Ministre des Affaires étrangères du 22 janvier 1947 au 26 juillet 1948

Président du Conseil du 28 octobre 1949 au 2 juillet 1950

Vice-président du Conseil du 2 au 12 juillet 1950 et du 10 mars au 11 août 1951

Vice-président du Conseil, ministre de la Défense nationale du 11 août 1951 au 8 mars 1952

Ministre des Affaires étrangères du 8 janvier 1953 au 19 juin 1954

Georges Bidault est né dans une famille de modestes propriétaires ruraux, fortement attachés au catholicisme et dont plusieurs des membres ont appartenu au clergé. Lui-même effectue ses études secondaires au collège de Jésuites de Turin.

Il entreprend des études supérieures quand il est mobilisé dans l'infanterie dans le courant de l'année 1918. L'armistice survient bientôt. Il reprend des études d'histoire à la Faculté de lettres de Paris, en même temps qu'il milite activement dans les rangs de l'Action catholique de la Jeunesse française. Il devient rapidement l'un de ses dirigeants et est élu vice-président.

En 1925, il est reçu premier du concours de l'agrégation d'histoire. Nommé professeur au lycée de Valenciennes, il abandonne la direction de l'Action catholique. Il entre alors au parti démocrate populaire dont il deviendra, quelques années plus tard, membre de la Commission exécutive. Devenu professeur à Reims, il est ensuite nommé au lycée Louis-le-Grand, à Paris en 1931. Les témoignages de ses anciens élèves s'accordent pour reconnaître qu'il a été un professeur particulièrement brillant.

Sa présence à Paris lui permet de se consacrer de plus en plus au journalisme politique. En 1932, avec Francisque Gay, venu du Sillon de Marc Sangnier et Gaston Tessier, alors Secrétaire général de la C.F.T.C., il fonde un quotidien L'Aube, dont il devient, en 1934 le rédacteur en chef. Georges Hourdin a tracé de lui un portrait suggestif pour ces années d'avant-guerre : « Bidault était passionné de politique. Sa façon de vivre était originale. Il allait aux réunions publiques les cheveux au vent, ce qui scandalisait les vieux députés de notre groupe parlementaire. Il était un bon orateur et disponible, en dépit de sa charge à l'université. Il se révéla très vite un excellent journaliste. Il avait une foi sincère. Il connaissait très bien l'histoire contemporaine, les lettres et les règles du jeu politique. Il lisait toute la presse et gardait avec lui, pendant toute la journée, son paquet de journaux à la main ».

Dès 1932, le jeune journaliste attaque vigoureusement L'Action française et les thèmes de Charles Maurras. Il s'intéresse particulièrement à la politique extérieure. Dès 1935, qu'il s'agisse de l'Italie, de la guerre d'Espagne en 1936, de la Tchécoslovaquie, en 1938, c'est à la dénonciation du fascisme et du nazisme qu'il emploie l'essentiel de son énergie et de son talent. Il mène, notamment, une ardente campagne contre les accords de Munich.

En 1936, il a tenté d'entrer dans la vie politique active, en se présentant, pour le parti démocrate populaire, dans une circonscription modérée de l'Orne, à Domfront contre un député sortant de la Fédération républicaine. Mais il ne fait pas le plein des voix des catholiques de gauche, un candidat de la Jeune république étant aussi en lice. Il n'est pas élu. A la fin de l'année 1938, avec Francisque Gay, il fonde un nouveau mouvement politique : les « Nouvelle équipes françaises ».

Il est mobilisé en février 1940 comme sergent. Au début de l'offensive allemande, il demande à partir au front. Le 8 mai, il est fait prisonnier dans la région de Saint-Quentin. En sa qualité d'ancien combattant de la guerre de 1914, il est libéré en juillet 1941, et se retrouve alors en Haute-Savoie où il exerce tout d'abord les fonctions de précepteur dans la famille de Menthon. Pour ne pas demeurer en zone occupée, il obtient d'être nommé professeur au lycée du Parc à Lyon. Il entre rapidement dans la Résistance. Il adhère au mouvement « Combat » qui condamne l'armistice et la politique de Vichy. Charles Maurras l'attaque dans L'Action française. Il quitte alors son poste et entre dans la clandestinité. Il représente les démocrates chrétiens au Conseil national de la Résistance, constitué le 27 mai 1943. Après l'arrestation de Jean Moulin, le mois suivant, il est élu président du C.N.R. et revient à Paris.

Il s'applique, avec succès, à concilier les différentes tendances de la Résistance et participe activement à l'élaboration du programme du C.N.R. En attendant l'arrivée des Alliés, il contribue à préparer l'insurrection de la capitale. Le 24 août 1944, il prononce un appel à la population l'invitant à l'union et au courage. C'est lui qui reçoit à Paris le général de Gaulle et qui est à sa droite lors du mémorable défilé des Champs-Elysée où la foule parisienne applaudit, en même temps, le chef de la France libre et le président du C.N.R. Il sera Compagnon de la Libération et Grand croix de la Légion d'honneur. Le 9 septembre, cependant, il laisse la présidence du C.N.R. à Louis Saillant pour entrer dans le gouvernement provisoire de la République française où il succède à René Massigli comme ministre des Affaires étrangères, poste qu'il occupe jusqu'en janvier 1946. En novembre 1944, il participe à la fondation du Mouvement républicain populaire. En décembre, il accompagne à Moscou le général de Gaulle et signe avec Molotov le pacte d'assistance franco-soviétique. Il représente la France aux conférences internationales de San-Francisco et de Londres, ainsi qu'à l'Assemblée de l'O.N.U.

Le 21 octobre 1945, Georges Bidault mène la liste du M.R.P. pour les élections à la première Assemblée nationale Constituante dans le département de la Loire. Pour sept sièges à pourvoir, six listes sont en présence. Sur 382 485 électeurs inscrits et 298 134 suffrages exprimés, le M.R.P. avec 128 604 suffrages arrive largement en tête et emporte quatre sièges, suivi par le parti communiste qui, avec 88 900 suffrages, a deux élus, et la S.F.I.O. qui, avec 44 593 suffrages gagne le dernier siège. Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Gaulle, Georges Bidault plaide pour le maintien au gouvernement du M.R.P. au moment de la démission du général, le 20 janvier 1946. On lui prête la formule suivante : « Il y a un grand homme impossible, et plusieurs hommes moyens possibles ». Il conserve le même ministère dans le gouvernement de Félix Gouin du 26 janvier au 23 juin. En cette qualité, il dépose plusieurs projets de loi, et il prône une politique étrangère qui donne à la France une certaine autonomie à l'égard tant des Etats-Unis que de l'Union soviétique.

Après l'échec du référendum sur le projet de Constitution, le 5 mai, les élections à la seconde Assemblée nationale Constituante qui ont lieu le 2 juin 1946, voient la réélection de Georges Bidault dans la Loire. Sur 389 558 électeurs inscrits et 307 075 suffrages exprimés, le M.R.P. a trois élus avec 101 882 voix, devançant le parti communiste qui a deux élus avec 85 292 voix. Une liste des républicains indépendants rassemble 44 599 suffrages et permet l'élection d'Antoine Pinay, maire de Saint-Chamond. Le Rassemblement des gauches républicaines avec Eugène Claudius-Petit regroupe 32 648 suffrages et emporte le dernier siège. Le succès du M.R.P. à ces élections amène Georges Bidault à constituer le nouveau gouvernement où il conserve le portefeuille des Affaires étrangères. Il est élu président du dernier gouvernement provisoire de la République française par 389 voix sur 545 votants. Il présente son cabinet le 26 juin à l'Assemblée, dont il obtient un vote de confiance massif : 516 voix contre 2. Il intervient personnellement dans l'élaboration du compromis constitutionnel qui aboutit au référendum du 13 octobre 1946 fondant la IVe République.

Les élections pour la première Assemblée nationale législative ont lieu le 10 novembre. Dans la Loire, pour huit sièges à pourvoir cinq listes s'affrontent. Sur 389 083 électeurs inscrits et 287 320 votants, le M.R.P., avec 90 683 voix, arrive encore en tête et emporte trois sièges. Le parti communiste, avec 85 143 voix, est en deuxième position et a aussi trois sièges. Les deux derniers vont aux Républicains indépendants d'Antoine Pinay avec 49 134 voix et à l'U.D.S.R., Eugène Claudius-Petit, qui obtient 38 570 voix à la tête d'une liste du Rassemblement des gauches républicaines.

Georges Bidault remet la démission du gouvernement provisoire le 28 novembre. La constitution du nouveau gouvernement est difficile en raison des exigences inconciliables des communistes et du M.R.P. : « Thorez sans Bidault » ou « Bidault sans Thorez ». Le 7 décembre Georges Bidault n'obtient que 240 voix sur les 310 exigées. Un gouvernement socialiste homogène est constitué le 16 décembre pour permettre la mise en place des institutions de la IVe République. En cette fin d'année 1946, il a épousé Suzanne Borel, diplomate, première femme à avoir été Conseiller d'ambassade, qu'il a rencontrée dans la Résistance et qui est devenue, à l'automne 1944, directrice adjointe de son cabinet.

Le 22 janvier 1947, Georges Bidault revient aux Affaires étrangères dans le gouvernement de Paul Ramadier. L'entrée progressive dans la guerre froide modifie la politique française. A la conférence de Moscou, qui s'achève le 24 avril, l'obstination de Staline à s'opposer au rattachement de la Sarre au marché français l'amène à rejoindre les Etats-Unis et l'Angleterre qui pressent la France de rejoindre le « monde libre » en voie de rassemblement. Le 4 mars, il a été l'un des signataires du traité franco-britannique de Dunkerque. Il approuve la proposition du plan Marshall en juin et prend l'initiative de la création d'une commission économique européenne. Il conserve la responsabilité de la politique extérieure dans le gouvernement de Robert Schuman du 24 novembre 1947 au 19 juillet 1948. Le « coup de Prague » en février, le blocus de Berlin, l'été, donnent à la guerre froide toute son ampleur. Georges Bidault mène une politique de résistance déterminée au communisme.

En tant que ministre des Affaires étrangères, il présente à l'Assemblée de nombreux projets de loi tendant à la ratification de traités et d'accords internationaux. Il intervient également au cours des débats à de multiples reprises dans des discours construits et passionnés où les formules sibyllines ne manquent pas. Quelques une sont devenues célèbres : « C'est dans la nuit que je vois le plus clair » ou « les tuiles remontent sur le toit ».

Le 17 mars 1948, au nom de la France, il signe le Traité de Bruxelles, qui réunit la France, la Grande-Bretagne et les pays du Bénélux.

Le 26 juillet, avec la constitution du gouvernement André Marie, Georges Bidault quitte le quai d'Orsay. Il ne le retrouve pas dans le gouvernement d'Henri Queuille qui durera du 11 septembre au 6 octobre 1949 et où les Affaires étrangères sont attribuées à Robert Schuman. En septembre 1948, le député de la Loire préside la délégation française à l'U.N.E.S.C.O. Puis, en mai 1948, le Congrès du M.R.P., réuni à Strasbourg, le porte à la présidence du parti en remplacement de Maurice Schumann. Lors de l'Assemblée européenne de Strasbourg, en septembre, il figure au nombre des membres de la délégation française et est élu président de la Commission de politique générale.

A l'issue d'une crise gouvernementale qui dure trois semaines, le 28 octobre 1949, Georges Bidault devient président du Conseil. Il est investi par 367 voix contre 208. L'entrée de la France dans le pacte Atlantique a lieu en novembre, le traité ayant été signé en avril.

En février 1950, la S.F.I.O., pour la première fois depuis 1945, quitte le gouvernement. Elle pratique ensuite le soutien à éclipses. Malgré sa fragilité, le gouvernement fait voter l'importante loi du 11 février 1950 sur la fixation des salaires par les conventions collectives. Le Président du Conseil soutient particulièrement l'effort de guerre en Indochine. Le 16 avril 1950, il propose la création d'un « Haut Conseil de l'Atlantique pour la paix », idée repoussée par les Etats-Unis qui s'en tiennent aux structures du pacte Atlantique. Le 24 juin 1950, son gouvernement est renversé par 322 voix contre 230, sur une proposition de loi relative aux fonctionnaires. Il est vice-président du Conseil dans l'éphémère deuxième cabinet Queuille, constitué le 2 juillet, mais qui ne dure pas au-delà du 4. S'il ne fait pas partie de l'équipe constituée par René Pleven du 12 juillet 1950 au 28 février 1951, il redevient vice-président du Conseil, le 10 mars 1951, dans le troisième gouvernement Queuille, qui prépare les élections législatives de juin 1951.

Le 17 juin, dans la Loire, pour huit sièges à pourvoir, cinq listes s'affrontent. Des apparentements sont conclus entre le M.R.P., les Indépendants et paysans, l'U.D.S.R., la S.F.I.O., les radicaux et une liste du Rassemblement des groupes républicains et indépendants français. Mais les listes apparentées n'obtiennent que 48,8 % des voix, et les sièges sont donc attribués à la proportionnelle. Sur 292 398 suffrages exprimés, la liste d'Union présentée par le M.R.P., les Indépendants et l'U.D.S.R. en regroupe 91 328, soit 31,2 % du total, et emporte trois sièges qui vont à Georges Bidault, Antoine Pinay et Eugène Claudius-Petit. Le parti communiste, avec 81 499 suffrages, le Rassemblement du peuple français, avec 66 234 suffrages ont chacun deux sièges. Le dernier siège échoit, avec 26 656 suffrages, à la liste du Rassemblement des groupes républicains et indépendants français.

Henri Queuille démissionne le 10 juillet. Le 11 août, René Pleven constitue un nouveau gouvernement où Georges Bidault occupe le poste de vice-président, ministre de la Défense nationale. A ce titre, il participe en septembre à la réunion du Conseil Atlantique à Ottawa et prononce à l'Assemblée nationale, le 29 décembre, un important discours sur la politique militaire du gouvernement français. Le 7 janvier 1952, le gouvernement Pleven tombe. Georges Bidault refuse alors de former le nouveau gouvernement mais le 20 janvier, il reprend, dans celui constitué par Edgar Faure, le portefeuille de la Défense nationale et la vice-présidence du Conseil. Le 12 février, il défend, devant l'Assemblée nationale, le projet de la Communauté européenne de défense. Mais le 29 février le gouvernement démissionne. Il ne figure pas dans l'équipe d'Antoine Pinay. En mai, au Congrès de Bordeaux, il quitte la Présidence du M.R.P., dont il devient Président d'honneur. La même année, il accède à la présidence à la fois du Comité d'action de la Résistance et des Amis de la République française.

Il retrouve le portefeuille des Affaires étrangères le 8 janvier 1953, dans le gouvernement de René Mayer. La querelle de la C.E.D. domine la vie politique. Georges Bidault défend le projet, mais de manière moins engagée que Robert Schuman, le précédent ministre des Affaires étrangères. Il négocie des « protocoles additionnels » qui limitent la portée supranationale du traité. Le 21 mai, le gouvernement est cependant renversé. La crise est longue. Le 10 juin, après Paul Reynaud et Pierre Mendès-France, Vincent Auriol appelle Georges Bidault. Mais il n'est pas investi, obtenant une voix de moins que la majorité constitutionnelle. Le 27 juin, Joseph Laniel résout la crise et demande à Georges Bidault de conserver le quai d'Orsay. Il a aussi la responsabilité des affaires d'Afrique du Nord et joue en août 1953 un rôle important dans la déposition du Sultan du Maroc. Il participe aux conférences internationales des Bermudes et de Berlin et aux réunions de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. Le 17 décembre 1953, il est candidat aux deux premiers tours de l'élection à la présidence de la République, et se retire ensuite.

Les premiers mois de l'année 1954 sont dominés par les difficultés indochinoises. A la conférence des Bermudes, en décembre 1953, Georges Bidault accepte le projet d'une conférence à cinq pour les problèmes asiatiques. Elle se tient à Genève à partir du 26 avril. Le 7 mai, la chute de Dien Bien Phû précipite les événements. Georges Bidault tente d'obtenir une intervention militaire anglo-saxonne en expliquant que la lutte contre le communisme international se trouve engagée en Indochine. Mais les réticences anglaises entraînent le refus américain. Il n'a plus dans son jeu, selon sa propre formule : que « Le deux de trèfle et le trois de carreau ». Il continue la négociation, mais n'est plus considéré par le Kremlin comme un interlocuteur valable. Le 12 juin, le gouvernement est mis en minorité à l'Assemblée après un réquisitoire sévère de Pierre Mendès-France. Le 19 juin, ce dernier constitue un gouvernement qui doit essuyer la critique passionnée de Georges Bidault.

Une autre période commence dans la vie politique de l'ancien président du C.N.R. Il se fait désormais l'adversaire de ceux qui mènent la « politique des abandons ». Cette évolution contribue à diminuer son audience au sein du M.R.P. mais le rapproche de la droite. Le 23 juillet 1954, dans le débat sur la ratification des accords de Genève, il exprime ses doutes sur la validité des garanties obtenues par Pierre Mendès-France. « Un succès de la négociation, conclut-il, n'est pas nécessairement une victoire du droit ».

En décembre 1954, « l'affaire des fuites » l'oppose vivement à François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur. Le 5 février 1955, il vote contre la confiance au gouvernement de Pierre Mendès-France. Il est, aussi, au nombre des adversaires les plus actifs de la politique nord-africaine du gouvernement Edgar Faure, qui a été constitué le 23 février. Il en appelle à un « acte de volonté » de la nation.

Aux élections législatives du 2 janvier 1956, Georges Bidault mène une liste républicaine d'Action sociale et rurale pour la défense des libertés, présentée par le M.R.P. et un Groupement national des républicains démocrates. Dans sa profession de foi, il affirme : « En quatre ans, les combinaisons politiques ont toujours refusé la direction du gouvernement à un des nôtres. Les mêmes combinaisons ont abouti davantage à une périlleuse politique d'abandon qu'à une fraternelle promotion des peuples de l'Union française ». Les apparentements, dans cette circonscription de la Loire, ne jouent pas plus qu'en 1951. Les huit sièges à pourvoir pour douze listes en présence, sont répartis à la proportionnelle. Sur 407 307 électeurs inscrits et 328 899 suffrages exprimés, le parti communiste avec 76 806 suffrages, soit 23,4 % du total, emporte deux sièges, comme une liste d'Union des gauches, regroupant la S.F.I.O. et les radicaux avec 54 176 suffrages, et une liste des Indépendants et paysans, avec 65 234 suffrages. Les deux derniers sièges vont respectivement à une liste poujadiste, avec 28 674 suffrages et à la liste de Georges Bidault qui ne rassemble que 28 063 suffrages, soit 8,5 % du total, résultat qui atteste l'affaiblissement électoral du M.R.P.

Une fois son élection validée, le 20 janvier, il est nommé membre de la Commission des affaires étrangères. Ses interventions portent essentiellement sur la politique algérienne. Le 20 mars 1957, il déclare devant les députés : « L'Algérie, après tout ce que nous avons perdu depuis 1954, Indochine, Indes, Maroc, Tunisie, même si, comme nous devons le croire absolument tout n'est pas compromis là où nous gardons des cartes, à la condition que nous voulions les jouer, l'Algérie c'est le dernier cran. Après si nous perdions, il faudrait refaire nos manuels d'histoire une fois de plus, réhabiliter Louis XV, il faudrait abandonner des marchés, et, ce qui serait encore plus grave que le marasme économique, il faudrait renoncer à cette mission dont nous sommes justement fiers et qui ne trouverait plus nulle part où s'exercer sous nos couleurs ». Dans le même débat sur la loi cadre, proposée par le gouvernement Bourgès-Maunoury, il fait écarter toute formule qui aboutirait « à la constitution d'un exécutif algérien ». A l'Assemblée, à plusieurs reprises, il est amené à s'opposer directement à Pierre Mendès-France. Le 2 février 1958, avec Jacques Soustelle, Roger Duchet, André Morice, il fonde l'Union pour le salut et le renouveau de l'Algérie, dont il devient le vice-président. Ce mouvement en appelle à « un gouvernement de salut public ».

Après la chute du gouvernement Félix Gaillard, le 15 avril, s'ouvre la crise qui va provoquer celle de la IVe République. Le 21 avril, René Coty appelle Georges Bidault pour former un nouveau gouvernement. Dans une déclaration liminaire, il indique qu'il ne faut faire aucune concession à l'esprit d'abandon et que le gouvernement doit être composé autour des quatre leaders de l'Algérie française et d'Antoine Pinay. Mais la réunion du groupe parlementaire M.R.P. ne dégage pas une majorité pour soutenir l'ancien Président du parti. Georges Bidault renonce le 22 avril et il ne soutient pas l'investiture de Pierre Pflimlin. Le 16 mai, il affirme devant l'Assemblée nationale : « Il n'est pas seulement déraisonnable, il est historiquement et moralement intolérable d'élever le reproche d'être ennemi de la République à l'homme qui l'a restaurée (...). Pour restaurer l'unité française, pour rétablir l'autorité de la République, un gouvernement de salut public et d'union nationale, dont ne serait exclu aucun citoyen fidèle à la patrie, est, à mes yeux, le seul moyen d'accomplir cette tâche ». Il rend visite au général de Gaulle à Colombey et il est l'un de ceux qui l'engagent le plus vivement à revenir au pouvoir. Le 1" juin 1958, il vote la confiance sur le programme et sur la politique du général de Gaulle et le 2, il vote les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle. A la fin du mois, Georges Bidault se sépare du M.R.P. et fonde un nouveau mouvement, la Démocratie chrétienne de France où il est suivi par Jean Letourneau, Alfred Coste-Floret et Jean-Marie Louvel. Lors des élections du 23 novembre, la Démocratie chrétienne de France et le M.R.P. auront des candidats séparés.


BIDAULT (Augustin, Georges)
Né le 5 octobre 1899 à Moulins (Allier)
Décédé le 27 janvier 1983 à Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques)

Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Loire)
Député de la Loire de 1946 à 1962
Ministre des affaires étrangères du 10 septembre 1944 au 24 juin 1946
Président du gouvernement provisoire et ministre des affaires étrangères du 24 juin au 16 décembre 1946
Ministre des affaires étrangères du 22 janvier 1947 au 26 juillet 1948
Président du Conseil du 28 octobre 1949 au 2 juillet 1950
Vice-président du Conseil du 2 au 12 juillet 1950 et du 10 mars au 11 août 1951
Vice-président du Conseil, ministre de la défense nationale du 11 août 1951 au 8 mars 1952
Ministre des affaires étrangères du 8 janvier 1953 au 19 juin 1954

(Pour la première partie de la biographie, voir le Dictionnaire des parlementaires de la IVème République, p. 371-376)

Après avoir fait campagne pour le « oui » au référendum du 28 septembre 1958, Georges Bidault se présente aux élections législatives sous l’étiquette de la Démocratie chrétienne de France, mouvement qu’il a fondé en juillet avec d’autres dissidents du MRP, comme Jean Letourneau et Alfred Coste-Floret. L’ancien président du Conseil n’a jamais exercé de mandat local. C’est dans la 6ème circonscription de la Loire qu’il se porte candidat en novembre 1958. Le siège de député correspond au nord-est du département et couvre une large partie de l’ancienne province du Forez. Député sortant, Georges Bidault rappelle dans sa profession de foi qu’il a œuvré au retour au pouvoir du général de Gaulle et prend l’engagement de « préserver le patrimoine national (…), et d’abord l’Algérie française, terre française depuis plus d’un siècle et qui le restera pour toujours ». Il revendique sa fidélité à la démocratie chrétienne, famille politique qui s’efforce « de faire régner au sein d’un univers en proie à la violence, les maximes qui depuis le Sermon sur la Montagne ont inspiré toutes les pensées libres et tous les cœurs généreux ». Il manque à peine 181 voix à Georges Bidault pour être élu le 23 novembre 1958. Il recueille en effet 49,5% des suffrages exprimés, contre 20,8% seulement pour son principal adversaire, le député sortant Ennemond Thoral, qui, comme d’autres socialistes, a refusé de voter l’investiture du général de Gaulle le 1er juin 1958. Au second tour, Georges Bidault est réélu député de la Loire grâce au soutien de 51,96% des électeurs, dans le cadre d’une triangulaire.
Il ne s’inscrit à aucun groupe parlementaire mais rejoint la Commission des affaires étrangères dès janvier 1959. Le 3 juin 1959, l’ancien chef de la diplomatie française s’émeut devant ses collègues des menaces qui pèsent sur la liberté de la bibliothèque polonaise à Paris. La Pologne communiste souhaite alors établir son autorité sur ce lieu de culture fondé au XIXème siècle par des exilés. Georges Bidault refuse pour sa part « que cette bibliothèque qui a été celle de l’exil et de la liberté » devienne « celle de la servitude ».
Le député de la Loire s’intéresse principalement au dossier algérien sous la 1ère législature de la Vème République. Il appartient un temps à la majorité, comme en témoigne son approbation du programme du gouvernement de Michel Debré (16 janvier 1959) ou son soutien au nouveau règlement de l’Assemblée nationale (3 juin 1959). Le 10 juin 1959, c’est du reste pour se féliciter des propos tenus par le Premier ministre sur l’intégration de l’Algérie à la France que Georges Bidault prend la parole dans l’hémicycle. Il multiplie les allusions à l’engagement de Michel Debré en faveur de l’Algérie française avant la chute de la IVème République et se montre fidèle à la lettre de la Constitution nouvelle en rappelant que le Premier ministre y est désigné comme le « responsable de la politique de la nation ». Regrettant que « la vacillation et le machiavélisme bien intentionné de divers gouvernements » aient nourri l’inquiétude quant à leur détermination à lutter contre le FLN, Georges Bidault défend une politique d’ « intégration des Français musulmans et européens d’Algérie ». Les efforts de la métropole pour l’équipement de l’Algérie comme les intérêts stratégiques du pays commandent, selon lui, de lutter vigoureusement contre la « rébellion » tout en appliquant avec résolution le Plan de Constantine. Refusant de renier l’œuvre française de colonisation, Georges Bidault craint surtout que « des rampes de lancement soient installées à 800 kilomètres des côtes de Provence » en cas d’indépendance de l’Algérie. Il redoute en effet qu’une Algérie indépendante bascule dans le camp des puissances amies de l’Union soviétique. L’ancien président du Conseil refuse de considérer que la politique conduite par la France en Algérie puisse nuire à la construction européenne et affirme qu’ « on ne peut pas être pour l’intégration européenne en refusant l’intégration des Français d’Algérie à la France ».
Le général de Gaulle, dans son allocution radiodiffusée et télévisée du 16 septembre 1959, souligne que « depuis que le monde est monde, il n’y a jamais d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne », mais reconnaît le droit à l’autodétermination des Algériens. Cette déclaration jette Georges Bidault dans l’opposition. Il fonde le Rassemblement pour l’Algérie française et préside le Comité de liaison pour la défense de l’Algérie française au début de l’automne 1959. C’est d’abord au nom du respect de la Constitution que le député de la Loire s’élève contre les propos du général de Gaulle, lors de la séance publique du 14 octobre 1959. Partisan d’une lecture « parlementaire » de la loi fondamentale, il observe que « la seule politique que l’Assemblée ait à connaître (…) » est celle qui émane « du Premier ministre et du gouvernement ». Il déplore que le général de Gaulle ait semblé démentir, le 16 septembre 1959, les propos tenus par Michel Debré devant la représentation nationale le 4 juin précédent et s’interroge publiquement sur le sens de ce « changement », voire sur cette divergence de vues au sein de l’exécutif. Il prédit qu’en cas d’indépendance de l’Algérie, « quelques millions d’hommes seront soumis à un despotisme pire que médiéval ». Peu après ce discours de l’ancien président du Conseil, Michel Debré prend à nouveau la parole au Palais-Bourbon, pour abonder dans le sens du général de Gaulle et confirmer la perspective de l’autodétermination de l’Algérie. Déçu par ce qu’il comprend comme une volte-face, Georges Bidault déclare qu’il ne lui « est plus possible d’ouvrir un nouveau crédit de confiance à un gouvernement qui (…) l’a épuisé » : il vote contre la déclaration de politique générale de Michel Debré, le 15 octobre 1959. Le 27 novembre 1959, il s’associe à la motion de censure déposée par l’opposition contre la loi de finances pour 1960, qui prévoit notamment une réduction drastique des crédits du ministère des Anciens combattants. Le fondateur de la Démocratie chrétienne de France approuve en revanche la loi Debré, qui réforme le mode de financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959).
Son opposition au pouvoir gaulliste ne cesse ensuite de s’affirmer. Après la semaine des barricades à Alger (24-30 janvier 1960), le gouvernement de Michel Debré demande à l’Assemblée nationale de lui accorder les pouvoirs spéciaux pour rétablir l’ordre de l’autre côté de la Méditerranée. Georges Bidault prend la parole à ce sujet lors du débat du 2 février 1960. Il se réfère au précédent du 6 février 1934 pour inviter le Gouvernement à la clémence envers ceux qui ont prêté « le serment de vivre et de mourir Français » en Algérie. Après cette journée d’émeutes, la Chambre des députés de la IIIe République avait en effet décidé de « tourner la page » et de limiter l’étendue des poursuites engagées contre des responsables supposés. Georges Bidault s’étonne que l’exécutif veuille au contraire « châtier, (…) épurer, (…) reprendre en main ceux qui, avec l’accord et parfois sous l’impulsion » de Michel Debré « ont fait le 13 mai » 1958. Notant que « l’ordre et l’autorité de l’Etat sont au service de l’unité de la patrie », il n’entend pas soutenir une politique d’ « abandon » en votant les pouvoirs spéciaux. L’ancien ministre des affaires étrangères critique en outre la politique menée par la France dans ses anciennes colonies d’Afrique noire depuis l’adoption de la Constitution de la Vème République. Le 9 juin 1960, il s’élève contre l’« état d’inapplication ordinaire et de révision permanente » de la loi fondamentale, en particulier des titres relatifs à la Communauté. Il ne reproche pas aux dirigeants des pays des anciennes Afrique occidentale française (AOF) et Afrique équatoriale française (AEF) de « saisir l’indépendance qui leur a été offerte, à plus forte raison celle à laquelle ils ont été contraints », mais n’entend pas « partager avec le pouvoir la responsabilité (…) d’avoir détruit l’œuvre qui fut l’orgueil de plusieurs Républiques et la fierté de la France ».
Quelques jours plus tard a lieu le premier colloque de Vincennes, qui rassemble des hommes politiques partisans de l’Algérie française. Georges Bidault figure au nombre des personnalités qui y participent, comme les anciens ministres Jacques Soustelle, André Morice et Robert Lacoste ou l’ancien président du Conseil Maurice Bourgès-Maunoury. Les députés Marc Lauriol, Alfred Coste-Floret, Paul Yrissou ou François Valentin sont également présents. Deux autres colloques en faveur de l’Algérie française devaient être organisés à Vincennes en novembre 1960 et avril 1961, mais sans les personnalités de gauche présentes en juin 1960. Georges Bidault, comme les autres partisans de l’Algérie française, peine à se faire entendre des Français de métropole au début des années 1960. Peu présent dans son département d’élection, il ne peut empêcher que 50,2% des inscrits de la Loire approuvent l’autodétermination algérienne lors du référendum du 8 janvier 1961 : seuls 17,5% des inscrits votent « non » quand 28,9% des électeurs s’abstiennent.
C’est en homme désabusé mais toujours combattif que Georges Bidault participe au débat qui suit une déclaration du gouvernement sur les problèmes algériens, le 29 juin 1961. Il constate à cette occasion « que les membres du Parlement sont autorisés à exprimer des opinions, sans plus de pouvoir pour les faire triompher que s’il s’agissait d’une assemblée consultative ». Il ajoute que « la solution la plus française a disparu des éventualités que le gouvernement propose aux populations d’Algérie ». L’ancien président du gouvernement provisoire prononce sa dernière intervention dans l’hémicycle le 8 novembre 1961. L’ordre du jour appelle alors la discussion du budget de l’Algérie. Georges Bidault juge qu’il ne s’agit plus là « d’une fraction du budget de la France » mais bien du « financement de la république algérienne ». Il rejette donc un budget « que M. Joxe ministre en charge des affaires algériennes se trouve dans l’obligation de (…) présenter au nom de deux absents, MM. Ferhat Abbas et Ben Khedda ». Le 10 novembre 1961, Georges Bidault vote l’ « amendement Salan » qui vise à mobiliser huit classes de jeunes Français d’Algérie contre le FLN. C’est également en novembre 1961 que le Gouvernement français dissout le Comité de liaison du colloque de Vincennes, constitué en juin 1960.
Au début de l’année 1961, Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde ont fondé l’Organisation armée secrète (OAS). Elle regroupe les adversaires les plus résolus de l’indépendance algérienne et utilise la violence pour affaiblir le FLN ou le pouvoir gaulliste. Georges Bidault et Jacques Soustelle sont assez vite suspectés d’entretenir des contacts avec l’OAS. En mars 1962, l’ancien président du gouvernement provisoire quitte volontairement le territoire français et s’installe en Suisse. Le 1er avril 1962, Raoul Salan, chef de l’OAS, le désigne comme son remplaçant à la tête de l’organisation clandestine. Cette décision figure dans les papiers d’un agent de l’OAS arrêté en métropole au printemps 1962. Elle n’est pas commentée publiquement par Georges Bidault : les gaullistes prennent ce silence pour une acceptation. Le député de la Loire retrouve Jacques Soustelle ainsi qu’Antoine Argoud et Pierre Sergent à Rome le 20 mai 1962 : il fonde avec eux un nouveau Conseil national de la Résistance (CNR), en écho à celui qu’avait créé Jean Moulin. Ancien président du premier CNR, Georges Bidault prend la tête du second. Nombre de résistants de l’Intérieur récusent cette appropriation de la mémoire de l’action clandestine sous l’Occupation allemande au service de la cause de l’Algérie française.
La justice ouvre alors une instruction judiciaire pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » contre l’ancien président du MRP. Pour pouvoir le juger, il est nécessaire que l’Assemblée nationale, dont il est toujours membre officiellement, consente à la levée de son immunité parlementaire. Cette question est examinée dans l’hémicycle le 5 juillet 1962, lors d’une séance particulièrement houleuse. La Commission ad hoc chargée de l’examen de cette demande a désigné l’Indépendant André Mignot comme rapporteur. Ce dernier se livre devant ses collègues à « un examen juridique du problème » et reconnaît qu’ « il est plus difficile de juger de la responsabilité de cet homme Georges Bidault que d’un autre (…), dont l’action passée aurait été moins éclatante ». Il note en outre que « l’instruction de l’affaire Bidault est commencée » avant même que les députés se soient prononcés sur la demande de levée de l’immunité parlementaire et y voit « un précédent fâcheux ». Réservé sur l’opportunité de cette décision, le rapporteur « demande d’exclure expressément des poursuites les faits relatifs à de prétendus rapports entre le président Bidault et l’OAS », faute de preuves recevables. Il se fait également le porte-parole de nombre de ses collègues en exigeant du Gouvernement qu’il s’engage à ne pas déférer Georges Bidault devant la Cour militaire de justice créée le 1er juin 1962, en cas de levée de son immunité. Le garde des Sceaux Jean Foyer ne satisfait à aucune de ces demandes. Si Georges Bidault est physiquement absent du débat du 5 juillet 1962, il fait entendre ses arguments par la voix de Pierre Mahias, député du Loir-et-Cher. Ce dernier lit dans l’hémicycle une déclaration de l’ancien président du gouvernement provisoire. Georges Bidault ne s’y prononce pas sur le fond de ce qui lui est reproché mais entend rester « simplement fidèle à l’honneur et au devoir » en réaffirmant ses convictions en faveur d’une Algérie française. Il fait preuve dans ce texte d’un humour grinçant, et déplore par exemple que le gouvernement ne reconnaisse d’autorité aux députés que sur « le secteur des salmonidés sauvages et de la pollution atmosphérique ». Le Compagnon de la Libération Pierre de Bénouville, exclu de l’UNR, prend également la défense de Georges Bidault et se demande « depuis quand la défense d’une politique par un homme constitue (…) une infraction ». Quant aux gaullistes, ils désignent eux aussi un Compagnon de la Libération, le docteur Paul Guillon, comme leur orateur dans ce débat, auquel participent d’autres figures de la Résistance, tel Eugène Claudius-Petit. Lors du vote qui clôt cette discussion, les élus du MRP et de nombreux Indépendants refusent de se prononcer. La levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault est finalement autorisée par 241 députés, contre 72 qui la refusent le 5 juillet 1962.
Poursuivi dans un pays dont il a été brièvement le chef d’Etat de juin à novembre 1946, Georges Bidault mène une vie de clandestinité à travers plusieurs pays européens en 1962. En 1963, il gagne le Brésil, où il est rejoint par sa femme, la diplomate Suzanne (dite Suzy) Borel. De retour en Europe en 1967, il s’installe à Bruxelles. Dans les années 1960, de nombreuses voix se font entendre chez les Républicains indépendants ou les centristes en faveur d’une amnistie générale des condamnations qui frappent les anciens partisans de l’Algérie française. En octobre 1966, Jean Lecanuet, qui figure dans l’opposition, précise que cette amnistie devrait même concerner Jacques Soustelle et Georges Bidault. L’ancien ministre Valéry Giscard d’Estaing semble alors partager cette opinion. C’est au lendemain des événements de mai 1968 que les gaullistes acceptent le principe d’une amnistie globale. Georges Bidault rentre en France peu après.
Il ne renonce pas à la vie publique et fonde le Mouvement pour la justice et la liberté. Comme Jacques Soustelle, il tente un retour à la politique active à la faveur des élections législatives de mars 1973. Il ne connaît pas cependant le même succès que cet autre ancien ministre du général de Gaulle dans le Rhône. Georges Bidault se présente dans la 3ème circonscription de Paris, qui correspond au 5ème arrondissement. Il n’y dispose d’aucune implantation. Le sortant gaulliste Jean Tiberi, qui a succédé à René Capitant, n’est guère menacé par la candidature de l’ancien président du Conseil. Celui-ci n’obtient en effet que 3,5% des voix. Il est devancé par Jean Tiberi et par quatre autres candidats. En 1977, il devient président d’honneur du mouvement Démocratie chrétienne et soutient Jacques Chirac lors de l’élection présidentielle du printemps 1981. C’est son collaborateur Bernard Billaud qui a convaincu le maire de Paris de rencontrer Georges Bidault dès 1976.
Hospitalisé après une congestion cérébrale, l’ancien ministre meurt à Cambo-les-Bains, âgé de 83 ans. Les articles de presse qui rendent compte de cette disparition évoquent une existence « romanesque », qui vit un brillant enseignant et journaliste accéder au faîte du pouvoir à la faveur de son engagement dans la Résistance, puis renouer un temps avec la clandestinité au nom de l’Algérie française.