Charles, Ferdinand Gambon
1820 - 1887
Représentant en 1848, en 1849, en 1871, député de 1882 à 1885, né à Bourges (Cher) le 19 mars 1820, mort à Cosne-sur-Loire (Nièvre) le 16 septembre 1887, il était fils d'un marchand drapier originaire du canton du Tessin, en Suisse, et qui s'était établi à Bourges.
Il fit ses études et son droit à Paris, fut reçu avocat à dix-neuf ans, prit part à la fondation du Journal des Ecoles, feuille démocratique du quartier latin, se lia avec Félix Pyat, son compatriote et son aîné de dix ans, dont le nom était déjà célèbre, et retourna en province, où sa famille le fit nommer (1846) juge suppléant au tribunal civil de Cosne. Il conserva, dans ces fonctions, des allures indépendantes, combattit la candidature de M. Delangle, et, partisan avoué des doctrines radicales, organisa en 1847 le banquet réformiste de Cosne, où il refusa de porter un toast au roi, et proclama la souveraineté nationale. Cette démonstration fit traduire le jeune magistrat devant la cour de cassation, qui le condamna à cinq années de suspension.
Il accueillit avec enthousiasme la proclamation de la République, qu'il avait appelée de ses vœux, et fut élu, le 23 avril 1848, le 6e sur 8, par 29,552 voix (75,213 votants, 88,295 inscrits) représentant de la Nièvre à l'Assemblée constituante. Il prit place à la Montagne et vota :
- contre le bannissement de la famille d'Orléans,
- contre le rétablissement du cautionnement,
- contre les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- contre le rétablissement de la contrainte par corps,
- pour l'abolition de la peine de mort;
il leva seul la main avec Félix Pyat pour l'abolition de l'institution de la présidence de la République, et se prononça ensuite pour l'amendement Grévy, puis pour que la Constitution fût soumise à la ratification du peuple, rejeta l'ensemble de cette Constitution, fit une vive opposition au gouvernement présidentiel de L.-N. Bonaparte, et vota:
- contre la proposition Rateau,
- pour l'amnistie générale,
- contre les crédits de l'expédition romaine,
- pour la mise en accusation du président et de ses ministres,
- pour l'abolition de l'impôt sur les boissons, etc.
Réélu, le 1er, par le département de la Nièvre, le 13 mai 1849, représentant du peuple à l'Assemblée législative, avec 43,443 voix (65,811 votants, 88,144 inscrits), M. Ferdinand Gambon reprit sa place à la Montagne, se signala parmi les adversaires les plus décidés de la politique de l'Elysée, et signa avec plusieurs de ses amis la protestation de Ledru-Rollin contre l'expédition de Rome, ainsi que l'appel aux armes. Il se rendit, le 13 juin 1849, au Conservatoire des Arts-et-Métiers, fut pour ce fait décrété d'accusation par autorisation de l'Assemblée, arrêté et condamné par la haute cour de Versailles à la déportation : il fut dirigé sur la prison d'Etat de Belle-Isle, et de là transféré au pénitencier de Corte, en Corse.
Rendu à la liberté par l'amnistie de 1859, il rentra dans la Nièvre et s'y occupa de travaux agricoles, sans négliger la propagande républicaine. Le 19 septembre 1868 eut lieu, dans la 2e circonscription de ce département, une élection au Corps législatif en remplacement de M. de Montjoyeux, nommé sénateur. Les adversaires intransigeants de l'Empire résolurent de se compter sur le nom de Ferdinand Gambon, qui réunit alors, comme candidat inassermenté, 1,872 voix contre 15,706 au candidat officiel, le baron de Bourgoing, élu, et 3,865 à M. Girerd, de l'opposition modérée. Les voix de M. Gambon furent annulées au recensement. Propriétaire d'un domaine à Léré (Cher), M. Ferdinand Gambon fit en 1869 une campagne restée célèbre pour engager les citoyens à refuser l'impôt : prêchant d'exemple, il laissa saisir par le fisc sa ferme et une de ses vaches qui fut mise en vente aux enchères publiques; mais personne dans le pays ne voulut s'en rendre acquéreur. « La vache à Gambon » fut bientôt légendaire. La Marseillaise, journal d'Henri Rochefort, ouvrit une souscription à cinq centimes pour racheter la vache; M. Gambon accepta la vache offerte à trois conditions: « qu'elle resterait la propriété de la République, qu'elle serait achetée sur le marché de Sancerre où avait eu lieu la vente par le fisc, et qu'elle constituerait un premier fonds de rachat pour toutes les injustices dont nos frères, les pauvres paysans, les ouvriers et les soldats, sont victimes. » (Lettre du 5 janvier 1870.)
Aux élections du 8 février 1871 pour l'Assemblée nationale, M. Gambon fut porté sur la liste radicale de la Nièvre, et échoua avec 24,484 voix sur 64,512 votants ; mais il fut élu le même jour, représentant de la Seine, le 14e sur 43, par 136,249 voix (328,970 votants, 547,858 inscrits). Il se rendit à Bordeaux, vota et protesta contre les préliminaires de paix, et quitta bientôt l'Assemblée pour venir à Paris, dont le 10e arrondissement l'élut membre de la Commune, le 26 mars, par 10,734 voix. Il donna le 5 avril sa démission de représentant, s'associa aux actes de la majorité de la Commune, avec laquelle il opina constamment, et devint, le 10 mai, un des cinq membres du comité de salut public, qui lança les dernières proclamations au peuple et à la garde nationale. Lorsque l'armée de Versailles eut pénétré dans Paris, M. Gambon prit un fusil, se battit sur plusieurs barricades, et, la lutte terminée, réussit à passer à l'étranger. Le conseil de guerre l'avait condamné à mort par contumace. Il se rendit à Lausanne et y vécut jusqu'à l'amnistie de 1879.
De retour en France, il participa, avec Félix Pyat, à la rédaction du journal la Commune. Aux élections générales de 1881, il fut le candidat des démocrates-socialistes dans l'arrondissement de Cosne, où il obtint, sans être élu, 5,524 voix contre 6,842 à M. de Bourgoing, élu, et 4,671 à M. Fleury, opportuniste. Il prit sa revanche l'année suivante. Le décès de M. de Bourgoing ayant appelé de nouveau au scrutin les électeurs de cette circonscription, le 11 juin 1882, M. Ferdinand Gambon engagea encore la lutte, réunit au premier tour 5,895 voix contre 5,818 à M. A. de Bouteyre, 2,977 à M. Fleury et 727 à M. Ducoudray, et fut nommé, au scrutin de ballottage, par 8,023 voix (16,312 votants, 23,105 inscrits), contre 7,984 à M. Assézat de Bouteyre. Il prit place à l'extrême-gauche de la Chambre, vota sans exception avec le groupe intransigeant : contre les ministères opportunistes, contre la politique intérieure et extérieure de M. J. Ferry, contre les crédits du Tonkin, etc., et prit la parole pour soutenir un projet dont il était l'auteur, et qui tendait à l'abolition des armées permanentes. Il vota pour le rétablissement du scrutin de liste, qui devait être fatal à sa réélection.
Porté d'abord sur la liste du congrès républicain radical de la Nièvre, il se sépara de ce congrès à la suite de dissentiments qui portaient sur la candidature ouvrière, et forma une liste purement socialiste, en tête de laquelle il ne réunit que 5,836 voix. Le même jour il en obtenait 50,213 dans le département de la Seine. Il figura encore au scrutin complémentaire du 13 décembre de la même année, comme candidat du « comité central » des radicaux-socialistes dans la Seine : il recueillit 16,163 voix seulement sur 347,089 votants, et se retira à Cosne, où il mourut, dans le faubourg qui a reçu depuis le nom de faubourg Ferdinand-Gambon.