Antoine Chanzy
1823 - 1883
- Informations générales
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- Né le 18 mars 1823 à Nonart (Ardennes - France)
- Décédé le 4 janvier 1883 à Paris (Seine - France)
1823 - 1883
Représentant à l'Assemblée nationale de 1871, sénateur inamovible de 1875 à 1883, né à Nouart (Ardennes) le 18 mars 1823, mort à Paris le 4 janvier 1883, il descendait d'une famille établie depuis longtemps dans les Ardennes.
Son grand-père était un simple cultivateur; son père s'était engagé sous le premier Empire, et après avoir servi, jusqu'au grade de sous-officier (et non de capitaine de cuirassiers, comme l'ont prétendu plusieurs biographes), était devenu receveur des contributions directes à Nouart, (canton de Buzancy, arrondissement de Vouziers).
Le jeune Chanzy suivit quelque temps les classes du collège de Sainte-Menehould ; puis il résolut, à seize ans, d'entrer dans la marine, et débuta (1839) en qualité de mousse sur le vaisseau le Neptune : il fit, comme novice timonier, la croisière d'Orient de 1839-1840, dans l'escadre du contre-amiral Lalande; mais le métier de marin ne lui plaisant pas, il le quitta pour s'engager, cette fois, au 5e régiment d'artillerie, en garnison à Metz. En même temps, il complétait ses études au lycée de cette ville, et se faisait bientôt admettre à l'Ecole de Saint-Cyr (1841). Il en sortit sous-lieutenant, fut envoyé en Afrique, au régiment de zouaves que commandait alors Cavaignac (octobre 1843), et resta, en Algérie, sans interruption, pendant seize années (de 1843 à 1859), guerroyant sous les ordres de Cavaignac, puis de Ladmirault, lieutenant au 43e de ligne en 1848, officier d'ordonnance du gouverneur général Charon, capitaine au 1er régiment de la légion étrangère en 1851, chevalier de la Légion d'honneur en 1852, chef du bureau arabe de Tlemcen, où Bazaine l'avait précédé, et enfin chef de bataillon (25 août 1856) au 23e de ligne. C'est avec ce régiment qu'il fit la campagne d'Italie, dans la première brigade de la 3e division du 3e corps d'armée; il assista aux batailles de Magenta et de Solférino. Il prit part ensuite à l'expédition de Syrie, comme lieutenant colonel au 71e de ligne, fut promu officier de la Légion d'honneur, puis fut compris, au retour, parmi « les militaires des divisions d'occupation à Rome », commandées par le général de Goyon. Il y demeura près de trois ans et eut de fréquentes entrevues avec le pape Pie IX, à qui il présenta sa femme et sa fille. Chanzy ne quitta Rome que pour rentrer en Algérie. Colonel du 48e de ligne, il contribua à la répression de la grande insurrection arabe, passa au 92e, puis fut promu (14 décembre 1868) général de brigade et chargé du commandement de la 3e subdivision de la province d'Oran à Sidi bel Abbés : il avait alors quarante-cinq ans. Un décret du 2 juin 1870 le nomma commandeur de la Légion d'honneur : son nom figura en tête des militaires promus ou nommés dans l'ordre qui « s'étaient fait remarquer pendant l'expédition du sud-ouest en Algérie. » A la première nouvelle de la déclaration de guerre à la Prusse, le général Chanzy sollicita du général Lebœuf un commandement, qui ne lui fut pas accordé.
Ce fut seulement après le 4 septembre et sur la recommandation écrite du maréchal de Mac-Mahon, alors prisonnier, que Chanzy fut, le 20 octobre 1870, nommé général de division; son rôle grandissant de jour en jour, il devint en peu de temps commandant en chef du 16e corps, et enfin de la deuxième armée de la Loire : cette dernière nomination date du 5 décembre 1870. Sous ce titre même : La deuxième armée de la Loire, (1871), il a fait de cette mémorable campagne un récit qui, de l'aveu de nos ennemis, est une œuvre exacte et impartiale : le livre eut sept éditions successives et fut traduit en allemand; la publication du grand état-major de Berlin le cite fréquemment comme une des sources les plus véridiques. Au moment où Chanzy revenait d'Algérie, pour devenir un des chefs de la défense nationale, il ne restait plus à la France de troupes régulières. Déjà les Allemands avaient envahi la Beauce; un commencement d'armée, le 15e corps, qu'avait réuni le général de La Motte-Rouge, battait en retraite après le combat d'Artenay; Orléans était occupé par le corps bavarois de Von der Thann ; Chartres ouvrait ses portes, et Châteaudun, malgré l'énergique résistance de ses habitants, était pris et incendié. Choisi (2 novembre 1870), pour remplacer le général Pourcet à la tête du 16e corps, sous les ordres de d'Aurelle de Paladines, Chanzy établit son quartier général à Marchenoir, et imprima une activité toute nouvelle aux opérations : le 16e corps prit une part brillante à la bataille de Coulmiers, qui coûta aux Allemands 1,200 hommes mis hors de combat et 2,000 prisonniers, et força Von der Thann à quitter Orléans et à se retirer sur Etampes. Chanzy reçut, à ce sujet, du gouvernement, des lettres de félicitations exceptionnelles. Mais d'Aurelle ne sut pas user de la victoire; quand elle voulut reprendre l'offensive, l'armée de la Loire attaqua l'ennemi par fraction, se fit battre par lui en détail, et fut bientôt réduite à l'impuissance. Cependant Chanzy, qui venait de prendre le commandement en chef des 16e, 17e et 21e corps, devenus la « 2e armée de la Loire », ne désespérait pas encore : pendant deux mois, il lutta avec une ardeur indomptable contre les armées de Von der Thann, du grand duc de Mecklembourg et du prince Frédéric-Charles, et fit preuve de talents militaires de premier ordre. « Nous nous félicitons de votre attitude, lui écrivait M. de Freycinet, et nous n'avons qu'un désir; c'est que vous puissiez la faire partager par tous ceux qui vous entourent. » A Beaugency, Josnes, Marchenoir et Origny, Chanzy arrêta le mouvement offensif des Allemands. En concentrant son armée entre Vierzon et la Mans, il put continuer une résistance des plus honorables, mais qui devenait chaque jour plus difficile. Les positions de Vendôme furent défendues pendant deux jours, le 14 et le 15 décembre, dans une suite d'engagements sérieux. Le 15 au matin, Chanzy adressait cet ordre du jour à son armée : « Pour nos nouveaux efforts, il faut l'ordre, l'obéissance, la discipline : mon devoir est de l'exiger de tous; je n'y faillirai pas. La France compte sur votre patriotisme; et moi, qui ai l'insigne honneur de vous commander, je compte sur votre courage, votre dévouement et votre persistance. » L'armée se battit jusqu'à la nuit : elle empêcha l'ennemi de traverser le Loir en détruisant le pont de Fréteval, et refoula les colonnes de Frédéric-Charles. Malheureusement nous ne pûmes tenir contre une vigoureuse attaque du 3e corps prussien ; il fallut encore battre en retraite. Du moins, ce nouveau mouvement rétrograde fut-il, au dire de tous les historiens et de tous les critiques militaires, « une de ces belles et savantes retraites, où le général reste maître de ses troupes et qui ne ressemblent pas à une fuite. » Cette retraite, parallèle au front d'opérations, eut pour résultat d'empêcher les Allemands de s'étendre au sud de la Loire et d'occuper Bourges. Le 19 décembre, Chanzy arrivait au Mans : il n'avait encore perdu ni le dessein ni l'espérance de dégager Paris. Les derniers efforts de son armée furent héroïques, mais de plus en plus infructueux. Le 11 janvier, Chanzy eut à tenir tête à la fois au prince Frédéric-Charles et au duc de Mecklembourg, commandant 180.000 hommes aguerris; la lutte devenait impossible; le général fut contraint de précipiter une retraite, qui, le lendemain, 12 janvier, devint une déroute. Il abandonna le Mans avec les approvisionnements qu'il renfermait, et la ligne de la Sarthe, pour se réfugier derrière la Mayenne et se reformer à Laval. Encore lui fallut-il se défendre opiniâtrement, pendant ce mouvement, contre les attaques incessantes de l'ennemi. L'armée de la Loire avait fait des pertes énormes; le 16e et le 17e corps se voyaient « réduits au delà de toute expression; » 18,000 soldats, 6 machines et plus de 200 wagons tombaient au pouvoir des Allemands. Infatigable toutefois, après avoir reposé ses troupes à Laval et reconstitué son armée, le général se préparait à reprendre l'offensive quand l'armistice fut signé.
Appelé à Paris par le gouvernement, le 9 février, il traversa les lignes prussiennes avec un sauf-conduit, et rendit compte au général Le Flô, ministre de la guerre, de ses opérations militaires. Dès le 10 février, de retour à Laval, il porta son quartier général à Poitiers, et établit son armée en demi-cercle, de Saumur à Nevers. « S'il ne pouvait garder cette ligne, a écrit M. Alfred Chuquet, il songeait à reculer sur le plateau de la Gâtine, de Saint-Maixent à Confolens, en appuyant sa droite aux montagnes du Limousin et son centre au massif de l'Auvergne. Il jugeait que l'Auvergne devait être le cœur de la résistance. » Le lendemain du jour où il avait arrêté ces dispositions, Chanzy apprit que le département des Ardennes l'avait élu, le 8 février, représentant à l'Assemblée nationale, par 44,225 voix (57,130 votants, 90,265 inscrits.)
Partisan de la lutte à outrance, il s'en fit l'avocat passionné dès les premières séances. Il était venu prendre place au centre gauche de l'Assemblée, après avoir confié provisoirement au général Colomb le commandement supérieur de toutes les forces de l'Ouest. Le général vota, le 1er mars 1871, contre les préliminaires de paix. Pendant les négociations, il aurait voulu donner à son opinion le retentissement de la tribune, et il avait composé un discours qu'il ne prononça point, M. Grévy, président de l'Assemblée, lui ayant fait remarquer que la question ne pouvait être soulevée avant le retour de Thiers. Au moment du transfert de l'Assemblée à Versailles et de l'insurrection du 18 mars, comme le général Chanzy passait par Paris pour aller occuper son siège, il fut arrêté à la gare par ordre du comité central, mais presque immédiatement élargi. Il reprit donc sa place au centre gauche, s'abstint de se mêler aux discussions de politique pure, et se contenta d'intervenir dans les débats spéciaux intéressant l'armée. Le 14 juin, après que le général Trochu eut rendu compte de ses actes pendant le siège de Paris, Chanzy défendit à la tribune l'honneur des armées de la province, et exposa « des faits et des appréciations que le gouverneur de Paris, dit-il, n'avait pu exposer, parce qu'il avait complètement ignoré pendant le siège de cette ville ce qui se passait dans les départements. » Président de la commission d'enquête chargée d'examiner la proposition Bamberger relative à la publication des travaux du conseil d'enquête sur les capitulations, il monta à la tribune (8 mai 1872) pour demander le renvoi à cette commission du projet de loi sur la formation du conseil de guerre qui devait juger le maréchal Bazaine. Chanzy prit une part importante aux débats sur la dissolution des gardes nationales, - il conclut comme rapporteur, à cette dissolution; - puis il parla dans la discussion de la nouvelle loi militaire, pour soutenir les sursis d'appel, et pour défendre le service militaire de cinq ans. Porté par ses collègues du centre gauche à la présidence de cette réunion, il prononça (9 mai 1872) un discours où il déclarait « accepter franchement, dans la forme et dans le fond, la République. » Après avoir voté : pour les prières publiques, pour l'abrogation des lois d'exil, pour le pouvoir constituant de l'Assemblée et pour le retour à Paris, le général Chanzy se tint à l'écart du monde parlementaire. On a dit qu'il avait incliné, depuis, vers la cause de la monarchie. Ce qu il y a de certain, c'est qu'il s'abstint, au 24 mai 1873, dans le scrutin sur la démission de Thiers, qui lui avait confié, le 29 juillet 1872, le commandement du 7e corps d'armée, et qu'il accepta du maréchal Mac-Mahon (11 mai 1873), le gouvernement général de l'Algérie. Sa situation dans ce poste fut souvent fort délicate; il se trouva plus d'une fois en conflit avec la population, et un arrêté pris par lui le 29 mars 1874 et par lequel il mit en état de siège la commune d'Alger, provoqua de vives protestations. Sous son administration, les travaux publics de la colonie prirent une grande extension, plusieurs lignes de chemins de fer furent ouvertes, une Exposition algérienne fut inaugurée en 1876, etc.
Il fut inscrit par la gauche de l'Assemblée nationale, en décembre 1875, sur la liste des sénateurs inamovibles, et fut élu au 2e tour de scrutin, par 345 voix sur 690 votants. Chanzy ne prit qu'une faible part aux travaux de la Chambre haute. En 1876, il se prononça, à propos du projet sur la collation des grades pour le ministère centre-gauche formé par Dufaure: arrivé trop tard d'Alger pour déposer son bulletin, il déclara que ce bulletin aurait été favorable au ministre de l'Instruction publique. En 1878, il parut deux fois à la tribune, la première fois pour dire qu'il acceptait le texte d'un amendement de M. Lucet sur l'état de siège de l'Algérie en cas de guerre ; la seconde fois (19 mars), pour entretenir le Sénat de la situation de la colonie. Il se défendit du reproche d'avoir modifié par des décrets la direction centrale des affaires de l'Algérie. Au congrès pour l'élection du président de la République (30 janvier 1879), les monarchistes donnèrent 99 voix au général Chanzy, qui n'était pas candidat, et qui protesta par une lettre à M. Gailly, sénateur des Ardennes. Quelques jours après (18 février 1879), le président Grévy nommait ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg son concurrent sans le vouloir. Il fut bien accueilli par le czar. Lors de l'arrestation à Paris du nihiliste Hartmann, par ordre de M. Audrieux (décembre 1879), les journaux reconnurent l'habileté dont le général Chanzy fit preuve dans les négociations qui terminèrent heureusement cette affaire. Le 22 août 1878, Chanzy avait été promu grand croix de la Légion d'honneur. Lorsque fut formé le ministère Gambetta (14 novembre 1881), le général donna sa démission d'ambassadeur, et revint en France prendre le commandement du 6e corps d'armée. Aussi les comptes rendus des séances du Sénat ne citent le plus souvent son nom que sous la rubrique: n'ont pas pris part aux votes. Une seule fois, durant l'année 1882 (29 juillet), Chanzy parut à la tribune du Sénat pour défendre la discipline militaire qu'il jugeait menacée par une proposition du commandant Labordère, ainsi conçue : « Néanmoins l'obéissance militaire n'étant due qu'aux ordres donnés pour l'exécution des lois et des règlements militaires et pour le bien du service, il n'y a ni crime, ni délit lorsque le refus s'applique à un ordre dont l'exécution serait un acte qualifié crime par la loi et s'il se produit en temps de paix avec l'étranger. »
C'est à Châlons-sur-Marne, au siège de son commandement du 6e corps, que mourut subitement le général Chanzy : il se préparait à se rendre aux funérailles de Gambetta. Celles du général eurent lieu le 9 janvier par les soins de l'Etat et aux frais du trésor public. Le général Billot, ministre de la guerre, avait proposé qu'elles fussent célébrées à Paris, aux Invalides. Mais Mme Chanzy exprima le désir que la cérémonie fût faite à la cathédrale de Chalons, et qu'ensuite le corps fut transporté à Buzancy. Une allocution fut prononcée dans l'église par l'évêque de Chalons ; puis, sur la place de la cathédrale, MM. Eugène Pelletan, au nom du Sénat, Philippoteaux, maire et député de Sedan, au nom du département des Ardennes, Neveux, au nom du conseil général de ce même département, les généraux Lallemand et Guillemot, enfin le ministre de la guerre prononcèrent l'éloge du défunt. - Une statue du général Chanzy, ayant le caractère d'un monument commémoratif en l'honneur de la deuxième armée de la Loire, a été érigée au Mans.