Antoine, Pierre Berryer

1790 - 1868

Informations générales
  • Né le 4 janvier 1790 à Paris ( - Généralité de Paris - France)
  • Décédé le 29 novembre 1868 à Augerville-la-rivière (Loiret - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Seconde Restauration - Chambre des députés des départements
Législature
IVe législature
Mandat
Du 26 janvier 1830 au 16 mai 1830
Département
Haute-Loire
Groupe
Majorité ministérielle
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
Ire législature
Mandat
Du 3 juillet 1830 au 31 mai 1831
Département
Haute-Loire
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IIe législature
Mandat
Du 5 juillet 1831 au 25 mai 1834
Département
Haute-Loire
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 21 juin 1834 au 3 octobre 1837
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IVe législature
Mandat
Du 4 novembre 1837 au 2 février 1839
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 mars 1839 au 12 juin 1842
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 9 juillet 1842 au 29 janvier 1844
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 14 mars 1844 au 6 juillet 1846
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 1er août 1846 au 24 février 1848
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition dynastique
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Droite légitimiste
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 13 mai 1849 au 2 décembre 1851
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Droite légitimiste
Régime politique
Second Empire - Corps législatif
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 31 mai 1863 au 29 novembre 1868
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Opposition légitimiste

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député de 1830 à 1848, représentant du peuple aux Assemblées constituante et législative de 1848-49, député au Corps législatif de 1863 à 1868, né à Paris (Généralité de Paris, France), le 4 janvier 1790, mort à Augerville-la-Rivière (Loiret), le 29 novembre 1868, il était fils de Pierre Nicolas Berryer, avocat et frère du général Hippolyte-Nicolas Berryer; il fut un élève assez médiocre des Oratoriens du collège de Juilly. Si l'on eût cédé alors aux pieuses aspirations du jeune homme, on l'eût laissé suivre la carrière ecclésiastique, mais son père combattit cette vocation; il avait reconnu en lui les qualités qui constituent l'orateur et il lui fit faire son droit. Il eut pour répétiteur un ex-membre de l'Assemblée constituante, M. Bonnemant, et étudia la procédure chez M. Normand, avoué. Encore étudiant, il épousa, à vingt ans, Melle Caroline Gauthier, fille de l'administrateur des vivres militaires de la division de Paris, et débuta au barreau peu de temps après. Contrairement à ce qu'on attendait de lui, ses débuts furent sans éclat. Vers la même époque (1810) il avait publié à Paris une petite brochure in-4°, en vers, avec l'épigraphe virgilienne : Deus uobis haec otia fecit; Namque erit ille mihi semper Deus.

Les vers d'Antoine Berryer célébraient, avec l'enthousiasme de la jeunesse, l'entrée à Paris de Napoléon Ier et de Marie-Louise. Mais ces sentiments bonapartistes ne tinrent pas longtemps. Dès 1812, Berryer affirmait ses préférences royalistes ; la marche des événements, les désastres militaires de la fin du règne attachèrent définitivement le jeune avocat aux opinions légitimistes qu'il devait invariablement professer et défendre toute sa vie. Il s'engagea en 1815 dans les volontaires royaux, et fit, dit-on, le voyage de Gand.

C'était le début de sa chevaleresque carrière. Royaliste, on le voit, en effet, sous la Restauration, proclamer des principes libéraux, défendre des généraux de l'Empire ; il fut adjoint à son père et à Dupin aîné pour la défense du maréchal Ney ; puis, sous le règne de Louis-Philippe, faire sans hésitation l'éloge des républicains du Comité de salut public. Son indépendance fut telle que, partisan, en politique, du royalisme pur qui, sous la Restauration, avait pour interprète le Conservateur, pour organes Chateaubriand, de Bonald, Lamennais, et pour tacticiens Villèle et Corbière, il se faisait systématiquement, comme avocat, le défenseur de Debelle et de Cambrone, de Canuel et de Donnadieu. A l'occasion du procès de ce dernier, il se sépara même complètement du ministère, se rangea du côté des libéraux et publia contre Decazes un mémoire très violent (1820); il y accusait le ministère d'avoir fomenté l'insurrection de Grenoble et de solder, au prix de 300,000 francs, une correspondance anglaise. D'autres affaires retentissantes contribuèrent en outre à la célébrité de Berryer : telles les défenses de Chedel, illégalement emprisonné par le préfet de police Anglès, de M. de Nérac, de Séguin contre Ouvrard, des journaux le Drapeau blanc, les Débats, et la Quotidienne, le procès Castaing (1821), etc. Il plaida aussi pour l'abbé de Lamennais, traduit en justice (1826) pour son livre : De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil, qui accusait l'Etat d'athéisme et attaquait la fameuse déclaration gallicane de 1682. L'année suivante, Berryer publiait une brochure contre l'ordonnance qui soumettait les petits séminaires à l'inspection de l'Université. Enfin il ne tarda pas à se jeter avec ardeur dans les luttes parlementaires.

M. Chabron de Solilhac, député de la Haute-Loire, étant mort, le parti légitimiste songea à Berryer pour le remplacer. Il accepta la candidature, mais il fallait satisfaire à la loi du cens, et ses amis durent lui venir en aide; avec leur concours pécuniaire, il acheta la terre d'Au gerville et fut, le 26 janvier 1830, élu à une grande majorité par le collège de département. Il n'avait l'âge fixé par la loi constitutionnelle que depuis seize jours seulement. Il aborda pour la première fois la tribune le 9 mars 1830, dans la discussion de la fameuse adresse des 221, qui devait aboutir à la révolution de Juillet. Au milieu des applaudissements de la droite, des cris et des interruptions de la gauche, il défendit chaleureusement la couronne et attaqua très vivement l'amendement Lorgeril : « Je ne m'étonne pas, concluait-il, que, dans leur pénible travail, les rédacteurs du projet aient dit qu'ils se sentaient condamnés à tenir au roi un pareil langage; et moi aussi, plus occupé des soins de l'avenir que des ressentiments du passé, je sens que si j'adhérais à une telle adresse, mon vote pèserait à jamais sur ma conscience comme une désolante condamnation... » - « Voilà une puissance », aurait dit Royer-Collard à l'issue de cette séance, en parlant de l'orateur.

Berryer déclina l'offre, qui lui fut faite, d'un portefeuille dans le cabinet Polignac, et, après les journées de Juillet 1830, - il avait été réélu, le 3 du même mois, par le Grand collège de la Haute-Loire, - ne voulut point d'autre rôle que celui d'orateur de l'opposition. Le 7 août, il protesta à la Chambre contre les faits accomplis, nia que les députés, en fait et en droit, eussent qualité pour délibérer sur la vacance du trône et pour élire un nouveau roi, prêta pourtant le serment de fidélité exigé par la Charte, mais n'en commença pas moins contre la monarchie de Juillet une guerre acharnée.

Elle s'ouvrit par la discussion relative à la mise en accusation des ministres, et se continua, dès lors, en toute occasion. Profitant habilement, dans l'intérêt de sa cause, de l'origine révolutionnaire de cette monarchie, Berryer entreprit de la pousser aux conséquences extrêmes de la souveraineté populaire et réclama, comme député de l'opposition, l'application du jury aux délits de presse, la nomination des maires par les communes, l'abolition du cens. Toutefois, il soutint l'hérédité de la pairie. Lorsque la duchesse de Berry songea à organiser contre Louis-Philippe une prise d'armes dans le Bocage vendéen, les chefs du parti légitimiste envoyèrent Berryer auprès d'elle pour l'en dissuader. Il la rencontra dans une ferme isolée, et eut avec elle un long entretien, où il usa vainement de toute son éloquence; la duchesse persista à vouloir tenter la fortune, on sait ce qui en résulta. Berryer lui-même fut arrêté, reconduit à Nantes de brigade en brigade, et mis au secret; il allait être traduit devant une commission militaire, quand la protestation de l'ordre des avocats et de son bâtonnier, Mauguin, le fit renvoyer devant le jury de Loir-et-Cher, qui l'acquitta, après une délibération d'une minute. Des bravos accueillirent la lecture du verdict. Quand l'accusé était entré dans la salle d'audience, les avocats avaient ôté leurs toques, et les jurés s'étaient inclinés devant lui. Après son acquittement, Berryer défendit Chateaubriand, arrêté également, se multiplia en faveur de la Gazette de France, de la Quotidienne, du Rénovateur, etc., appuya les pétitions pour l'élargissement de la duchesse de Berry, et, à la grande joie des deux oppositions, républicaine et légitimiste, qui faisaient alors cause commune, poursuivit sa guerre au pouvoir, chaque jour plus ardente et plus implacable.

Réélu, le 5 juilet 1831 dans la troisième circonscription de la Haute-Loire, puis le 21 juin 1834, dans trois collèges : à Marseille, à Toulouse et à Yssingeaux (il opta alors pour Marseille), réélu encore à Marseille en 1837 et en 1839, à Marseille et à Hazebrouck en 1842, à Marseille seulement les 2 mars 1844 et 1er août 1846, il ne fit grâce au gouvernement, durant les dix-huit années du règne, d'aucune accusation, d'aucune attaque.

Un jour, M. Guizot ayant dit : - « Je ne connais rien de plus ignoble que le cynisme révolutionnaire. - Et le cynisme des apostasies ! » répliqua Berryer d'une voix vibrante. La tribune lui ayant fait négliger le barreau, le grand avocat, d'ailleurs généreux et prodigue, dut mettre en vente (6 août 1836) sa propriété d'Angerville. Elle fut rachetée par souscription et lui fut rendue. Puis, il voyagea en Allemagne, visita Charles X et le duc d'Angoulême, fit partie, en 1840, après l'affaire de Boulogne, du conseil de défense du prince L. N. Bonaparte, traduit devant la Cour des pairs, et se trouva compromis à son tour, dans l'affaire de Belgrave-Square (visite au comte de Chambord et prestation solennelle du serment des chefs légitimistes à leur roi). Le gouvernement répondit à cette démarche par des paroles qui « flétrissaient » les députés membres de la délégation. Quatre fois Berryer monta à la tribune et soutint opiniâtrement son drapeau; à la fin il lança sa démission à la face de l'ennemi : il fut alors réélu, au milieu de la législature, en 1844.

La révolution de Février, à laquelle Berryer avait si puissamment travaillé, ne lui causa pas plus de peine que de surprise; mais la république n'était pas le gouvernement qu'il aimait.

Louis-Philippe renversé, les légitimistes retournèrent contre la démocratie au pouvoir la tactique de coalition qui leur avait si bien réussi contre le roi déchu. Tandis qu'un petit nombre parmi les partisans du comte de Chambord (le marquis de La Rochejaquelein entre autres), étaient alors d'avis qu'on en appelât au suffrage universel et déclaraient attendre le retour du roi de la volonté du peuple, Berryer opina, avec la majorité des royalistes et avec le comte de Chambord lui-même, pour manoeuvrer, au sein de l'Assemblée nationale constituante, contre la République et pour la reconnaissance parlementaire du « droit divin. »

Il représentait à la Constituante le département des Bouches-du-Rhône, qui, le 23 avril 1848, lui avait donné 44,169 voix. Il siégea à la droite de l'Assemblée, s'en sépara pour voter : le 9 août, contre le rétablissement du cautionnement, et le 26 août contre les poursuites intentées à Louis Blanc; opina, d'autre part, avec elle,

- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre l'amendement Grévy,
- contre la suppression du remplacement militaire,
- pour la proposition Rateau,
- pour l'interdiction des clubs,
- pour l'expédition de Rome,
- et contre l'amnistie des transportés.


Il vota, le 4 novembre 1848, contre l'ensemble de la Constitution.


Réélu par les Bouches-du-Rhône, le 2e sur 9, représentant à la Législative, le 13 mai 1849, avec 45,163 voix, il continua de faire campagne avec la droite pour le triomphe de l'idée monarchiste, sans favoriser les menées de l'Elysée. Lors du coup d'Etat, après avoir voté à la mairie du Xe arrondissement la déchéance de Louis-Napoléon, il se retira du mouvement, et refusa toute candidature. « En prenant cette résolution, écrivait-il à un ami, le 5 février 1852, je n'obéis pas au ressentiment des événements du 2 Décembre. Mais qu'irais-je faire dans le nouveau Corps législatif d'où la vie politique est entièrement retirée, où je ne retrouverais ni l'action publique ni l'indépendance que les révolutions de 1830 et de 1848 ne nous avaient pas ravies? »

Il revint au barreau qui le nomma bâtonnier en 1854, plaida avec éclat dans les affaires de Célestine Boudet, de Mme de Caumont-Laforce (1855), et de Jeufosse (1857), et entra (1855) à l'Académie française en remplacement de M. de Saint-Priest. A cette occasion, il écrivit à M. Mocquart, « son ancien confrère, » chef du cabinet de l'empereur, pour être dispensé de la visite obligatoire au chef de l'Etat : « Je crois avoir acquis, il y a quinze ans, le droit de m'abstenir aujourd'hui d'une formalité dont l'accomplissement ne serait pas pénible pour moi seul. » M. Mocquart répondit que « l'empereur regrettait que dans M. Berryer les inspirations de l'homme politique l'aient emporté sur les devoirs de l'académicien... M. Berryer est parfaitement libre d'obéir à ce que lui prescrit l'usage ou à ce que ses répugnances lui conseillent. »

Depuis 1851, Berryer n'avait touché à la politique que par sa participation aux tentatives de fusion entre les deux branches de la maison de Bourbon, lorsque, le 1er juin 1863, il accepta d'être porté comme candidat de l'opposition dans la 1re circonscription des Bouches-du-Rhône, et fut élu par 14.425 voix sur 22.513 votants et 40.960 inscrits, contre 7.818 à M. Lagarde, maire de Marseille. Le même département lui donna pour collègue Marie. L'ex-orateur de la légitimité prit souvent la parole dans la Chambre et sut s'y faire écouter. Le 27 novembre 1863, il parla contre la mauvaise gestion des finances, et montra le déficit toujours croissant; le 6 mai 1865, il soutint la demande de désarmement présentée par l'opposition, ajoutant que la France payait cher sa gloire et qu'il était temps de lui rendre sa liberté; en juin, il parla contre la loi sur les chèques « contraire aux habitudes commerciales françaises », signala, le 23 juillet 1867, l'attitude peu loyale du gouvernement dans l'affaire des emprunts mexicains, et adhéra (1868) à la souscription Baudin. Il mourut la même année dans sa terre d'Angerville.

Une lettre adressée, quelques jours auparavant, au comte de Chambord qu'il appelait « Monseigneur, mon roi », témoigna de son inaltérable fidélité à la cause de toute sa vie. Ses funérailles se firent à Angerville, avec une grande solennité, au milieu de députations des corps auxquels il avait appartenu. L'Académie française, malgré sa règle de ne pas prendre part aux cérémonies de cette nature qui se font hors Paris, s'y fit représenter. Une souscription ouverte pour lui élever un monument produisit 100.000 francs en quelques jours.

« Depuis Mirabeau, a dit Cormenin, personne n'a égalé M. Berryer. » M. Hippolyte Castille a écrit plus justement peut-être: « Il y a loin de l'éloquence prudente et tacticienne de M. Berryer, de ses questions habiles, de ses adroites interpellations, de sa sensibilité, au colossal bon sens de Mirabeau, à ses foudroyantes sorties, à cette parole dictatoriale qui gouverna les premiers essais de la Révolution. Il y a loin des passions comme il faut de l'honorable M. Berryer, aux tempestueuses folies de cette race des Riquetti dont le comte de Mirabeau fut le mâle le plus accentué. A la place de M. de Cormenin, j'aurais dit Barnave au lieu de Mirabeau, et sans rien ôter à M. Berryer de sa valeur, je me serais peut-être moins écarté de la vérité.»

Date de mise à jour: septembre 2016