Alexandre, Olivier Glais-Bizoin
1800 - 1877
Député de 1831 à 1848, député au Corps législatif de 1863 à 1870, membre du gouvernement de la Défense nationale, né à Quintin (Côtes-du-Nord) le 11 mars 1800, de François Julien Mathurin Glais-Bizoin et de Sophie Perrine Legrand, mort à La tour de Cesson, commune de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) le 6 novembre 1877, petit-fils d'Olivier Glais-Bizoin (1742-1801), député en 1791, Alexandre Glais-Bizoin étudia le droit, mais une fois reçu avocat (1822), négligea le barreau pour la politique, lutta dans les rangs du libéralisme contre les Bourbons, fut nommé, après la révolution de Juillet, membre du conseil général des Côtes-du-Nord.
Il se fit élire (5 juillet 1831) député du 6e collège de ce département (Loudéac) par 86 voix sur 120 votants et 145 inscrits. Il prit place à l'extrême gauche et fut constamment réélu pendant toute la durée du règne de Louis-Philippe :
- le 21 juin 1834, avec 84 voix (124 votants, 148 inscrits), contre 38 à M. Chardel ;
- le 4 novembre 1837, avec 80 voix (134 votants, 153 inscrits) ;
- le 2 mars 1839, avec 72 voix (100 votants, 155 inscrits) ;
- le 9 juillet 1842, avec 67 voix (128 votants, 144 inscrits), contre 55 à M. Sauveur-Lachapelle ;
- et le 1er août 1846, avec 97 voix (180 votants, 191 inscrits), contre 81 à M. Duplessis de Grénedan.
Adversaire déterminé de la politique gouvernementale, M. Glais-Bizoin se signala moins par ses discours que par ses interruptions, signa le compte rendu de 1832, harcela le pouvoir de ses interpellations et de ses critiques, et s'employa surtout à réclamer la diminution de l'impôt du sel et de la taxe des lettres, et la suppression du timbre des journaux. Il combattit les ministères Casimir Perier, Thiers, Molé, Guizot, etc., se prononça contre les lois de septembre 1835, et se montra, contrairement à la grande majorité du parlement, très opposé à la translation de Sainte-Hélène à Paris des restes de Napoléon Ier : « Les idées bonapartistes, dit-il, sont une des plaies vives de notre temps ; elles représentent ce qu'il y a de plus funeste pour l'émancipation des peuples, de plus contraire à l'indépendance de l'esprit humain. » Il opina contre l'indemnité Pritchard, pour les propositions de réforme électorale, et prit une part active à la campagne des banquets réformistes.
Après s'être associé à la demande de mise en accusation du ministère Guizot, M. Glais-Bizoin se rallia à la République, proclamée en février 1848.
Elu, le 23 avril, représentant des Côtes-du-Nord à l'Assemblée constituante, le 4e sur 16, par 93 921 voix (144 377 votants, 167 673 inscrits), il siégea à gauche, présida la réunion dite « du Palais-National », et appartint à la fraction modérée du parti démocratique, avec laquelle il vota :
- contre le rétablissement du cautionnement,
- contre les poursuites contre Caussidière,
- contre le rétablissement de la contrainte par corps,
- pour le maintien de l'état de siège,
- pour l'abolition de la peine de mort,
- pour l'amendement Grévy,
- contre le droit au travail.
Il avait lui-même proposé d'inscrire dans la Constitution la formule suivante, qui fut rejetée, le 14 septembre 1848, par 596 voix contre 187 :
« La République reconnaît le droit de tous les citoyens à l'instruction, le droit à l'existence par le travail et à l'assistance dans les formes et aux conditions réglées par les lois. »
Il se prononça ensuite pour l'ordre du jour en l'honneur du général Cavaignac, contre la proposition Rateau, contre l'interdiction des clubs, contre l'expédition romaine, et fit une assez vive opposition à la politique de Louis-Napoléon Bonaparte.
Non réélu à l'Assemblée législative lors des élections générales, il essaya d'y entrer le 8 juillet 1849, en remplacement de M. de Montalembert, qui avait opté pour le Doubs ; mais sa candidature républicaine échoua dans les Côtes-du-Nord avec 36 775 voix contre 55 759 accordées à M. de Largentaye, élu. M. Glais-Bizoin vivait dans la retraite au moment du coup l'Etat de 1851.
La tentative qu'il fit le 29 février 1852, comme candidat de l'opposition au Corps législatif dans la 3e circonscription des Côtes-du-Nord, ne lui donna que 1 772 voix contre 10 845 au candidat officiel, élu, M. de Gorrec, 4 123 à M. de Saisy, 1 757 à M. de Botaniliau et 1 214 à M. Loyer.
Il se représenta aux élections suivantes, le 22 juin 1857, et échoua encore avec 6 525 voix contre 16 748 au député sortant réélu.
Mais, le 1er juin 1863, il fut élu dans la 1ère circonscription des Côtes-du-Nord, au Corps législatif par 12 827 voix (23 606 votants, 36 159 inscrits), contre 7 156 voix à M. Geslin et 3 524 à M. de Montalembert. Membre du petit groupe de l'opposition de gauche, il demanda en vain (mai 1865), lors du vote du contingent, l'adoption du système prussien du service personnel et obligatoire ; ce fut lui qui inaugura, le 15 février 1867, la tribune parlementaire rétablie ; il proposa et soutint un grand nombre d'amendements, combattit le cumul des gros traitements, parla contre les budgets du gouvernement impérial et critiqua notamment celui de l'armée. À propos du costume de nos troupes et de l'usage des bonnets à poil, il s'écria (1868) au milieu des rires : « Je voudrais que ceux qui persistent à en charger la tête de nos soldats, fussent condamnés à les porter ! » La même année, il fonda avec MM. E. Pollotau, Hérold, Lavertujon, etc. , un journal démocratique hebdomadaire, la Tribune française, dont il fut le directeur.
Les efforts de l'administration firent échouer la candidature de M. Glais-Bizoin dans les Côtes-du-Nord, le 24 mai 1869 : le candidat indépendant n'eut que 12 501 voix contre 18 725 à l'élu, M. le général de La Motte-Rouge, candidat officiel.
Mais dans une élection partielle, motivée par l'option pour l'Hérault de M. Picard, M. Glais-Bizoin fut élu, député de la 4e circonscription de la Seine; les élections du 21 et 22 novembre 1869 n'ayant produit aucun résultat, on dut procéder à un second tour les 6 et 7 décembre: il réunit 16 683 voix (20 826 votants, 42 066 inscrits), contre 146 à M. Allou.
Il revint alors siéger sur les bancs de la gauche, présenta, en 1870, un projet de loi modifiant l'impôt sur les boissons, fit accepter en partie une proposition de loi supprimant l'impôt du timbre sur les journaux et le remplaçant par un droit de poste sur les imprimés, vota d'abord contre la déclaration de guerre à la Prusse, puis déclara, le 18 juillet, qu'il n'en donnerait pas moins tout son concours aux dispositions prises par le gouvernement. Lors de nos premiers revers, il proposa (11 août) « de ne ratifier aucune convention ni traité tant que les armées ennemies seraient sur le territoire », et signa, le même jour, avec M. de Kératry, la motion de traduire le maréchal Lebœuf et les fonctionnaires de l'intendance devant une commission d'enquête parlementaire. M. Glais-Bizoin s'était fait au Corps législatif, par sa physionomie propre d'orateur et surtout d'interrupteur, une véritable originalité et une sorte de réputation d'enfant terrible : « Plus enfant que terrible, écrivait un biographe, il jette des cailloux dans le jardin les ministres ; il casse de temps en temps un petit carreau officiel, enfin il joue à l'émeute avec un pistolet qui n'est pas chargé ; mais personne ne prend au sérieux ce gavroche septuagénaire... À peine a-t-il assez de voix pour interrompre ; mais il interrompt quand même : il interrompt de l'œil, de la tête, de la main, de la jambe : il interrompt n'importe qui et n'importe quoi ; il s'interrompt lui-même pour n'en pas perdre l'habitude. On aperçoit toujours dans ses petits yeux noirs une malice prête à partir ; elle part, mais elle rate, et l'on ne retrouve la balle que le lendemain, au Moniteur. »
La journée du 4 septembre 1870 porta M. Glais-Bizoin au pouvoir. Membre du gouvernement de la Défense nationale, il fut délégué, le 16, avec Crémieux et l'amiral Fourichon, pour aller constituer à Tours la délégation du gouvernement auprès des départements non envahis. Il se rendit à son poste, adressa, le 7 octobre, à ses collègues de Paris, une dépêche pour leur faire part des mesures d'organisation préparées en province, et n'eut d'ailleurs, dans la conduite des opérations de la défense et dans l'exercice du gouvernement, qu'un rôle de second plan, que l'arrivée de Gambetta avec des pouvoirs extraordinaires rendit plus effacé encore. Il s'associa, en les contresignant, à toutes les mesures prises par la Délégation, et notamment au fameux décret frappant d'inéligibilité les ex-fonctionnaires de l'Empire, décret qui provoqua un désaccord profond entre le gouvernement central et les délégués de Tours. M. Glais-Bizoin se montra très sensible au reproche d'avoir voulu s'insurger contre la majorité de ses collègues, et plus sensible encore aux attaques de certains journaux qui l'accusèrent d'avoir vendu ses biens, réalisé sa fortune et de s'être retiré en Angleterre : il protesta, en déclarant « que non seulement il avait servi son pays gratuitement pendant cinq mois et demi de pouvoir absolu, mais encore qu'il avait dépensé son avoir pour le service de l'Etat ».
Dès qu'il avait été question d'appeler les électeurs au scrutin pour la nomination d'une Assemblée constituante, M. Glais-Bizoin avait adressé de Tours à ses concitoyens des Côtes-du-Nord une circulaire en date du 6 octobre 1870, dans laquelle il s'exprimait ainsi :
« Je voudrais bien aller en personne vous demander l'honneur de vous représenter à l'Assemblée constituante ; mais un devoir qui m'impose un des plus lourds fardeaux qui puisse être départi aux forces et au courage d'un homme politique m'enchaîne à Tours. Ce devoir, c'est de garantir notre pays de toutes discordes civiles à l'origine de nos nouvelles institutions républicaines, si spontanément et si unanimement acclamées comme les seules possibles pour maintenir l'union de tous les Français devant un ennemi acharné à notre ruine.
« Cette union, au milieu de nos désastres, est à la fois un grand bienfait de la Providence et le gage certain que la patrie sera bientôt délivrée ! Elle le sera, soyez-en sûrs, c'est la tâche à laquelle s'est voué sans relâche le gouvernement de la Défense nationale.
« Oui, notre chère et malheureuse patrie, si malheureuse par les fautes d'un homme qui l'a sacrifiée à son ambition, sera délivrée avant peu. Votre impatience, que je comprends, voudrait qu'elle le fût déjà; mais le gouvernement tient à ne porter que des coups assurés. De grandes et solides armées ne s'improvisent pas. Cependant, grâce à nos efforts, j'ose affirmer que, dans quelques semaines, deux armées de deux cent mille hommes, et probablement de trois cent mille, nos réserves non comprises, se composant des gardes nationales sédentaires mobilisées, et accrues de l'effectif des dix classes de 25 à 35 ans, c'est-à-dire de plus de deux cent mille hommes, ces armées, dis-je, seront debout et en état de marcher à la délivrance de Paris, ou, pour mieux dire, de la France elle-même. Voilà, mes chers concitoyens, ce qui me retient à Tours...
« AL. GLAIS-BIZOIN,
« Membre du gouvernement de la Défense nationale. »
Il ne réunit d'ailleurs, le 8 février 1871, dans son département natal, comme candidat à l'Assemblée nationale, que 11 183 voix sur 106 809 votants. Venu à Paris en curieux au moment de l'insurrection du 18 mars, il fut arrêté, le 13 mai, par ordre de la Commune, mais relâché le lendemain sous la condition de ne point quitter la capitale et de faire de temps à autre acte de présence à l'Hôtel de Ville.
On a dit qu'il assistait le 18 mai à la chute de la colonne Vendôme. Il s'échappa lors de l'entrée des troupes de Versailles, se rendit dans cette ville, où il subit, d'autre part, une très brève incarcération, et après une dernière et vaine tentative comme candidat à Paris aux élections complémentaires du 2 juillet 1871, il rentra définitivement dans la vie privée.
On a de M. Alexandre Glais-Bizoin quelques comédies parmi lesquelles le Vrai courage (1868), présentée au Théâtre-Français, refusée, et jouée à Genève, et une relation de son rôle personnel pendant la guerre sous ce titre : Cinq mois de dictature (1873).
Date de mise à jour: avril 2019