André Chandernagor
1921 -
CHANDERNAGOR (André)
Né le 19 septembre 1921 à Civray (Vienne)
Décédé le 18 novembre 2025 à Aubusson (Creuse)
Député de la Creuse de 1958 à 1981
André Chandernagor nait le 19 septembre 1921 à Civray, petite commune de la Vienne qui borde la Charente, à proximité de Ruffec. Il doit son nom à un lointain aïeul d’origine indienne, dit « Bengale » qui s’était établi à Civray et avait reçu le nom de Charles-François Chandernagor à son baptême dans la seconde moitié du xviiie siècle. Issu d’une famille relativement modeste (ses parents sont couteliers-quincaillers), ce brillant élève monte à Paris au début des années 1930 pour y faire ses études secondaires au lycée Henri IV. Après son baccalauréat, il s’inscrit à la Faculté de droit de la capitale et en sortira avec une licence, un DES en droit public et un DES d’économie politique. Après un séjour en Extrême-Orient à partir de l’été 1943 en tant qu’élève administrateur des services civils de l’Indochine, il se tourne vers l’administration coloniale comme d’autres jeunes étudiants de sa génération (Pierre Messmer, Henri Rethoré, Jean Sicurani…) et réussit le concours d’entrée de l’Ecole nationale de la France d’Outre-Mer (ENFOM). Au sortir du conflit et après son service militaire (mai 1945-février 1946), il est administrateur adjoint de la FOM. Il épouse Eliane Bernardet, fille d’un entrepreneur du bâtiment creusois. Trois enfants naîtront de cette union.
Ayant rejoint la SFIO en 1944, il intègre début 1946 le cabinet de Marius Moutet, ministre socialiste de la France d’outre-mer (janvier 1946-octobre 1947) et suit à ce titre les négociations entre le ministre et Ho-Chi-Minh. En 1949, il réussit le concours de l’ENA où il rencontre Valéry Giscard d’Estaing qui est issu de la même promotion « Europe » (1949-1951), dont il sort major. Auditeur de 2ème classe au Conseil d’Etat à partir de janvier 1952, il y devient un spécialiste du droit public. André Chandernagor s’engage activement dans la vie politique à l’occasion des municipales d’avril 1953. Sous l’étiquette SFIO, il est élu maire de Mortroux dans la Creuse d’où est originaire son épouse. Né dans la Vienne, il est tout proche de son département d’origine. Lors des cantonales de 1955, il essuie un revers en étant battu par le conseiller général radical sortant dans le canton de Bonnat. Après les législatives de 1956 qui portent le SFIO Guy Mollet à la présidence du Conseil, André Chandernagor est conseiller technique au cabinet du nouveau chef du gouvernement dont il devient un proche. Il y reste jusqu’en juin 1957 tout en assurant à partir de janvier 1957 les fonctions de secrétaire général adjoint du conseil supérieur de la Sécurité sociale. En juin 1957, devenu maître des requêtes au Conseil d’Etat, il retrouve comme conseiller technique le ministère de la France d’outre-mer alors occupé par le socialiste Gérard Jacquet (juin 1957-avril 1958).
André Chandernagor, qui a participé au groupe rédactionnel de la constitution de la Ve République, se présente sous l’étiquette SFIO aux législatives de l’automne 1958 dans la 2e circonscription de la Creuse (Aubusson). Avec l’aide de son suppléant, Julien Nicaud, artisan-forgeron et maire de Saint-Priest-la-Plaine, il s’impose nettement au soir du second tour en rassemblant face au communiste Auguste Tourtaud 61,8 % des suffrages exprimés. Le socialiste a bénéficié du bon report des voix qui s’étaient portées au premier tour sur le candidat CR François Deguillaume (25,4 % des voix). Il rejoint le groupe SFIO, dont il devient secrétaire, et la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, dont il est vice-président à partir de juillet 1959. En juillet 1961, André Chandernagor devient sénateur de la Communauté. Durant cette législature, le député de la Creuse dépose six propositions de loi, dont celle tendant à donner aux locataires-gérants d'un fonds de commerce un droit de préemption en cas de vente de ce fonds et à l'expiration de leur contrat un droit à indemnité sur la plus-value acquise par le fonds du fait de leur travail ou de leurs investissements personnel (juin 1959), celle relative aux élections partielles à l'Assemblée nationale dans les départements algériens (juillet 1959), celle tendant à modifier le Code forestier en vue de faciliter l’harmonisation du reboisement (avril 1960), et celle tendant à permettre, à titre provisoire, de surseoir aux expulsions de certains occupants de bonne foi (novembre 1960). Il suit de près l’évolution de la situation en Algérie, s’intéresse aux questions diplomatiques (accords de coopération avec les nouveaux Etats d’Afrique noire relevant des anciennes AOF et AEF), aux affaires militaires, aux dossiers agricoles et au problème du logement. En novembre 1961, il prend part aux débats consécutifs à une question orale portant sur « la situation défavorisée » de la Creuse. André Chandernagor vote en faveur du projet de loi autorisant le gouvernement à prendre, par application de l’article 38 de la constitution, certaines mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sauvegarde de l’Etat, à la pacification et à l’administration de l’Algérie (la loi du 4 février 1960). Il vote la motion de censure du 4 octobre 1962, dont l’adoption renverse le gouvernement de Georges Pompidou.
André Chandernagor, qui a amélioré son ancrage politique en se faisant élire en juin 1961 conseiller général SFIO du canton de Bourganeuf où il succède à l’ancien sénateur Gaston Chazette, est logiquement investi par la SFIO dans la même circonscription de la Creuse lors des législatives anticipées de novembre 1962. Le candidat communiste Raymond Labrousse, arrivé en deuxième position à l’issue du premier tour avec 29,6 % des voix, se retire et laisse le député sortant affronter le candidat UDR Gilbert Lavergne. Ce dernier est sèchement battu au second tour par André Chandernagor qui, appuyé par son suppléant, le chirurgien-dentiste et conseiller général d’Auzances Fernand Gory, obtient 74,6 % des suffrages exprimés. Il a, une fois de plus, bénéficié d’un bon report des voix à gauche (voix communistes et PSU). Le maire de Mortroux reste dans le groupe SFIO, dont il est vice-président de décembre 1962 à avril 1964, et à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, qu’il quitte en 1965 pour celle des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République. De décembre 1962 à avril 1964, André Chandernagor est secrétaire de l’Assemblée nationale. Durant cette législature, il dépose quatre propositions de loi parmi lesquelles celle tendant à modifier la loi du 22 juillet 1948 accordant des permissions spéciales aux soldats agriculteurs (mai 1963), celle tendant à la création d'un établissement public chargé de l'information et des études économiques (juillet 1963), et celle tendant à supprimer l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 réprimant l'offense au Président de la République (novembre 1963). Il profite des débats autour des projets de loi de finances pour évoquer les sujets qui lui sont chers : régimes de sécurité sociale, équipements militaires et service militaire (il défend la cause des objecteurs de conscience), construction européenne et politique étrangère, questions agricoles (remembrement, indemnisations), problèmes de logement, rapports entre l’Etat et les collectivités locales. Il intervient sur l’ORTF (mai 1964), le statut des fonctionnaires (juin 1964), la réorganisation de la région parisienne (juin 1964).
La position du député de la Creuse au sein de la SFIO s’affirme durant cette législature. En juin 1963, il intègre le comité directeur du parti. En juin de l’année suivante, il est le président délégué du groupe SFIO à l’Assemblée et conservera cette fonction jusqu’en mars 1967. En mai 1966, il est membre du « contre-gouvernement » de la FGDS que François Mitterrand a mis en place sur le modèle britannique. Sur le plan local, il a rejoint en décembre 1964 la commission de développement économique régionale du Limousin. Lors des législatives du printemps 1967, André Chandernagor se représente dans la même circonscription de la Creuse avec l’appui de son parti. Avec l’aide de son suppléant Fernand Gory, il s’impose de nouveau nettement au second tour, en réunissant 62,5 % des suffrages exprimés face au radical Jean Mazet qui bénéficie du soutien de l’UDR. Il s’inscrit au groupe FGDS et rejoint la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, qu’il quitte en avril 1968 pour celle des affaires étrangères. D’avril 1967 à avril 1968, il est aussi vice-président de l’Assemblée nationale. En juin 1967, il prend part aux débats qui suivent la déclaration du gouvernement sur la politique étrangère et se fait le porte-parole du parti socialiste sur les dossiers du Vietnam, de la Chine, du Moyen-Orient et des Nations-Unies. Il dépose en décembre 1967 une proposition de loi tendant à la création d'un établissement public chargé de l'information et des études économiques. Très attaché au respect des prérogatives de l’Assemblée, André Chandernagor publie en 1967 chez Gallimard un essai, Un Parlement, pour quoi faire ?
Réélu conseiller général en septembre 1967, André Chandernagor intègre le comité exécutif de la FGDS en février 1968. Les législatives anticipées de juin 1968, qui suivent les événements de Mai, se présentent dans un contexte politique national qui lui est moins favorable. De fait, le député sortant, toujours appuyé par son suppléant Fernand Gory, est devancé au premier tour par giscardien Michel Pinton, spécialiste ès sondages du ministre des Finances, qui obtient 38,5% des voix là où André Chandernagor doit se contenter de 34,3 % des suffrages exprimés. Mais ce dernier peut compter sur la réserve de voix s’étant portées au premier tour sur le candidat communiste Raymond Labrousse (27 % des voix). Dès lors, le socialiste l’emporte au second tour avec 55,3% des suffrages exprimés. Il s’inscrit au groupe FGDS puis au groupe socialiste (dont il est vice-président à partir d’octobre 1969) et siège à la commission des affaires étrangères. D’octobre 1968 à octobre 1973, il est le président de l’Union interparlementaire. Il dépose en décembre 1973 une proposition de loi tendant à la création d'un délégué parlementaire à la liberté. Durant cette législature, il intervient au nom du groupe socialiste essentiellement dans les domaines diplomatiques (Asie du Sud-Est, Proche et Moyen Orient, Europe), militaires (statut général des militaires), économiques (réforme des finances locales) mais il s’intéresse à l’occasion à des sujets divers (réforme hospitalière, modernisation du réseau téléphonique, ORTF…). Il est contre le projet de loi portant création et organisation des Régions (la loi du 5 juillet 1972).
Sur le plan militant, André Chandernagor, qui écrit dans Démocratie socialiste, entre au comité directeur du Parti socialiste en juillet 1969 (il y restera jusqu’en avril 1979) et accède dans la foulée au bureau directeur. Ses relations avec la direction du parti socialiste se dégradent toutefois à l’automne car André Chandernagor, anticommuniste convaincu et longtemps considéré comme un « poulain » de Guy Mollet, souhaitait que les socialistes s’allient avec le centre plutôt que de se tourner vers les communistes. Fin novembre 1969, il organise avec Pierre Abelin, Edgard Pisani et Michel Soulié des journées d’études au palais d’Orsay pour lancer cette dynamique d’union autour du centre-gauche. Il en émerge une Association pour une Alternative démocratique de progrès (AADP) dont les membres relèvent du Centre démocrate, du Parti républicain radical et radical-socialiste et du Parti socialiste (à l’image d’André Chandernagor qui appartient au bureau de l’organisation et préside le groupe de travail chargé des questions sociales). Le député de la Creuse reçoit un « avertissement public » de la part de la direction du Parti socialiste pour sa participation à AADP et se voit suspendu de toute délégation. Au terme de nouvelles journées d’études tenues salle Wagram fin novembre 1970, le mouvement est renommé Association pour le mouvement réformateur, et André Chandernagor en est le coprésident. Celle-ci disparaît en février 1972 pour laisser place à des cercles réformateurs dont les adhérents rejoignent pour beaucoup le Mouvement réformateur. A l’échelle locale, André Chandernagor, réélu conseiller général en septembre 1973, prend le mois suivant la présidence de l’assemblée départementale après le décès de Paul Pauly, autre molletiste creusois. A ce poste, il milite activement aux côtés du maire de Mâcon, Louis Escande, pour la modernisation du réseau routier départemental et le désenclavement du territoire. Maire, député, président du conseil général de la Creuse, André Chandernagor est l’homme fort du département. Il devient président du conseil régional du Limousin lors de la mise en place de ce dernier en 1974 puis conservera cette fonction jusqu’en 1981.
Après le congrès d’Epinay en juin 1971, André Chandernagor, que certains voyaient créer un parti social-démocrate dissident, revient vers le PS où il se rapproche de Pierre Mauroy. Il fait de nouveau partie du comité directeur du parti. Fin 1972, après l’adoption du programme commun de la gauche, le PS de François Mitterrand et le MRG de Robert Fabre créent dans la perspective des législatives du printemps 1973 une coalition électorale dénommée Union de la Gauche socialiste et démocratique (UGSD). Un bureau comprenant 38 membres (19 socialistes et 19 radicaux) est constitué en vue « d'animer et de coordonner l'action des deux formations » et d'investir des candidats communs. André Chandernagor en fait partie. Lors des législatives de 1973, c’est donc sous l’étiquette UGSD qu’il se présente dans la 2e circonscription de la Creuse. Il retrouve au second tour le giscardien Michel Pinton qui n’était arrivé pourtant que troisième du premier tour mais le communiste Raymond Labrousse s’est désisté au profit du député sortant socialiste. Ce dernier, aidé de son suppléant Fernand Gory, l’emporte nettement face à son rival RI, en totalisant 63,5 % des suffrages exprimés. Il rejoint le groupe du PS et des radicaux de gauche (dont il prend la vice-présidence) et la commission des affaires étrangères. En décembre 1975, il siège dans la commission spéciale chargée d’examiner les propositions de la loi Foyer sur les libertés. Durant cette législature, le député de la Creuse dépose plusieurs propositions de résolutions, ainsi que quatre propositions de loi, tendant à habiliter les fédérations départementales de chasseurs à engager l'action civile et à exercer toutes poursuites devant toutes juridictions légalement appelées à connaître des infractions en matière de chasse (octobre 1973), tendant à modifier la loi organique du 6 novembre 1962 et à préciser la date à laquelle le Président de la République est investi de ses pouvoirs (juillet 1974), tendant à raccourcir les délais pour la proclamation de l'élection du Président de la République (juillet 1974), relative à la réforme du divorce (novembre 1974). Il profite des questions au gouvernements, de l’examen des projets de loi de finances et des débats suivant les déclarations du gouvernement sur sa politique étrangère (juin 1973 et mai 1976) pour intervenir au nom du PS sur les dossiers relatifs à la diplomatie et notamment aux affaires européennes. Il est, en décembre 1973, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne des droits de l’homme. Il est aussi rapporteur pour avis, en 1976 et 1977, des crédits des Relations culturelles et de la coopération technique prévus par les projets de loi de finances. Il intervient également à l’Assemblée sur les grandes réformes des premières années du septennat giscardiens (ORTF, procédures pénales, divorce, médiateur…). Il s’abstient lors du vote du projet de loi Royer d’orientation du commerce et de l’artisanat. Il approuve le projet de loi Simone Veil relatif à l’interruption volontaire de grossesse, ainsi que celui de 1975 portant réforme du divorce, et créant le divorce par consentement mutuel. En 1977, il publie chez Balland et en collaboration avec le gaulliste Alexandre Sanguinetti un essai intitulé Réformer la démocratie.
Président du comité directeur du PS de janvier 1976 à avril 1979, réélu président du conseil général de la Creuse en mars 1976, réélu maire de Mortroux en mars 1977, André Chandernagor est plus que jamais la figure socialiste incontournable du Limousin. Les législatives de 1978 reproduisent le scénario de juin 1968. Alors qu’André Chandernagor avec 32,1 % des voix se contente d’une deuxième place à l’issue du premier tour, derrière le RPR Jean Fargue qui totalise 35,6 % des suffrages exprimés, il parvient à l’emporter au soir du second tour (56,8 %) grâce au bon report des voix communistes qui s’étaient tournées vers le candidat PCF Fernand Labrousse au premier tour (27,7 %). Lors de ce scrutin, André Chandernagor était aidé d’un nouveau suppléant, le docteur William Chervy, conseiller général du canton de Saint-Vaury. Il reste fidèle au groupe PS (dont il est toujours le vice-président) et à la commission des affaires étrangères. Avec Jean-Pierre Cot, il est porte-parole du PS pour les questions internationales, dans l’hémicycle. C’est dans ce cadre qu’il intervient au nom de son parti après les déclarations du gouvernement sur sa politique étrangères (juin 1978, mai 1979). Il se montre très critique envers la ligne diplomatique du gouvernement, déplorant en mai 1979 l’enlisement de la France au Tchad, l’ambiguïté du Quai d’Orsay avec l’Afrique du sud, ainsi que le voyage de Maurice Papon, ministre du Budget, en Argentine, alors sous dictature militaire, le manque de détermination s’agissant de la réduction de la dette des pays du Tiers-Monde et de la poursuite du dialogue Nord-Sud. Durant cette législature, le député de la Creuse est rapporteur pour avis de sa commission s’agissant des crédits des relations culturelles, scientifiques et techniques des projets de loi de finances pour 1979, 1980 et 1981. Membre de la délégation française à l’assemblée générale des Nations unies (1978-1979), André Chandernagor assure la présidence d’honneur du groupe français de l’Union interparlementaire. Il s’oppose au projet de relatif à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (la loi du 6 janvier 1978), ainsi qu’au projet de loi dit Peyrefitte (la loi du 2 février 1981) renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Il préside l’Institut pour le commerce international. Président de la Mission laïque française, il est également vice-président des « Amis de la République française ». En septembre 1978, il fait partie de la délégation française à la XXXIIIe session de l’Assemblée générale des Nations-Unies.
Lors des législatives organisées en juin 1981 après la dissolution de l’Assemblée par François Mitterrand, le nouveau président de la République, André Chandernagor, réélu conseiller général de la Creuse et président de l’assemblée départementale en 1979, se représente dans la même circonscription de la Creuse. Porté par la « vague rose », il s’impose facilement au second tour face au RPR Bernard de Froment avec 64,4 % des suffrages exprimés. Proche d’André Mauroy devenu Premier ministre, André Chandernagor est appelé au gouvernement comme ministre délégué chargé des Affaires européennes auprès de Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures. Son expertise des dossiers diplomatiques comme son poids dans l’appareil socialiste expliquent cette nomination. Sa suppléante, Nelly Commergnat, conseillère générale et maire de Bonnat, le remplace donc au Palais-Bourbon du 25 juillet 1981 au 1er avril 1986.
André Chandernagor, qui avait annoncé en février 1983 qu’il ne se présenterait pas aux municipales à Mortroux dont il était maire depuis 1953, quitte le gouvernement en décembre de la même année, après avoir participé au sommet d’Athènes comme ministre chargé des Affaires européennes. François Mitterrand, pourtant à l’origine du départ de ce ministre trop indépendant, salue « l’intelligence mise au service de la défense de la position française en Europe », tandis que le Premier ministre Pierre Mauroy et le ministre des Affaires étrangères Claude Cheysson rendent hommage à « la rigueur » et « à la compétence » de l’ancien ministre délégué. Celui-ci prend en décembre la première présidence de la Cour des comptes, succédant à Jean Rosenwald. Le nouveau responsable commence par sortir l’institution du manque de moyens matériels et financiers qui était le sien depuis des années, assurant par exemple l’informatisation de la maison. Il augmente le nombre de rapports rédigés sur l’évaluation des politiques publiques et améliore la bonne marche des services administratifs. Il s’intéresse tout particulièrement aux flux financiers générés par les nationalisations, puis les privatisations d’entreprises. Elu en décembre 1985 à la commission des comptes de l’ONU par la commission budgétaire de l’assemblée générale des Nations-Unies, vice-président de la Fondation nationale des sciences politiques à partir de 1986, il préside en 1987 le comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics. André Chandernagor reste à la tête de la Cour des comptes jusqu’en septembre 1990. Le 24 juin 1990, il avait accordé au Journal du Dimanche une longue interview où l’ancien député déplorait que le Parlement ne fasse pas suffisamment son travail de contrôle de l’exécutif en relais de la Cour des comptes. « Nous faisons tout pour l’aider à retrouver un rôle effectif de contrôle du gouvernement. Le Parlement a, intacts, tous ses pouvoirs de contrôle. Il est vrai qu’il garde la nostalgie du temps où il gouvernait et perd trop de temps à déposer mille motions de censure qui ne servent à rien. Il gagnerait du temps en exerçant les pouvoirs qu’il a. Et si le Parlement ne le fait pas, pourquoi voudriez-vous que le gouvernement et l’administration se hâtent à se réformer ? ». Regrettant que les commissions du Parlement ne s’emparent pas des documents fournis par la Cour des comptes, André Chandernagor avait d’ailleurs au printemps 1990 organisé au Sénat un déjeuner de travail entre les responsables des commissions des finances et les chefs d’équipe de la Cour des comptes.
André Chandernagor voit son nom cité à l’été 1990 quand les médias tentent de deviner qui pourrait prendre la présidence de la section française du Mouvement de la gauche européenne internationale, alors dirigé par le français Henri Daby, député socialiste au Parlement européen de Strasbourg. Ce Mouvement, créé en 1948 sous le nom de Mouvement socialiste pour les Etats-Unis d’Europe, rassemble des socialistes, syndicalistes et démocrates de gauche en Europe. En 1993, il publie chez Fayard Les maires en France, XIXe-XXe siècle, Histoire et sociologie d’une fonction. Président honoraire de la Cour des comptes, il ne se prive pas pour critiquer dans la presse les dysfonctionnements de l’administration française. Il déplore l’affaiblissement de la notion de service public, la trop grande symbiose entre politique et administration, le manque d’attractivité de la fonction publique liée notamment à la médiocrité des rémunérations dans ses sphères supérieures et condamne le pantouflage. En 2004, il publie chez Pygmalion La liberté en héritage. Il intègre en mai 2005 le comité d’honneur du bicentenaire de la Cour des comptes présidé par le premier président d’alors, Philippe Séguin. André Chandernagor continue de suivre avec attention la vie politique nationale et locale. En 2017, âgé de 96 ans, il préside le comité de soutien de Jean-Baptiste Moreau, élu député La République en marche de la Creuse, lors des législatives.
André Chandernagor s’éteint à Aubusson le 18 novembre 2025. Il était âgé de 104 ans. Cet homme affable et souriant, spécialiste de la défense des droits du Parlement, figure importante du socialisme dans les années 1960 et 1970 avait été député de la 2e circonscription de la Creuse sans discontinuité de 1958 à 1981. Il avait assuré les fonctions de secrétaire général et de vice-président de l’Assemblée nationale. Il était depuis 2021 Grand-Croix de la Légion d’honneur. Son fils, Thierry, maire de Mortroux de 1989 à 2008, conseiller général de Saint-Sulpice des Champs, présida le conseil général de la Creuse. Sa fille, Françoise Chandernagor, major de l’ENA comme son père (promotion « Jean Jaurès »), passée par le Conseil d’Etat, est une écrivaine célèbre, membre de l’Académie Goncourt.