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Mardi 5 décembre 2018 après-midi, la mission d'information commune sur le foncier agricole a présenté son rapport.
Cette présentation a été suivie d'un vote.
SYNTHÈSE DU RAPPORT
L’objet du rapport de Mme Anne-Laurence Petel (groupe La République en marche) et M. Dominique Potier (groupe Socialistes et apparentés), rapporteurs de la mission d’information sur le foncier agricole, présidée par M. Jean‑Bertrand Sempastous (groupe La République en marche) est :
– d’une part de prendre la mesure des menaces qui pèsent sur la terre, ressource convoitée et négligée lorsqu’elle est offerte à l’urbanisation et soustraite à sa fonction nourricière ;
– d’autre part d’analyser la capacité des outils de régulation du foncier agricole et des exploitations à faire face à l’enjeu du renouvellement des générations et aux nouvelles modalités d’exploitation.
- Protéger le foncier
La part des terres artificialisées varie entre 5,5 % du territoire français en 2012 soit 3 millions d’hectares (mesure Corine Land Cover) et 9,3 % en 2014 soit 5,1 millions d’hectares (mesure Teruti-Lucas). L’outil Corine Land Cover estime la croissance de l’artificialisation à 16 000 hectares par an entre 2006 et 2012 contre 61 200 hectares par an entre 2006 et 2014 selon l’outil Teruti‑Lucas.
La tendance est la même : celle d’une progression continue des surfaces artificialisées au détriment des surfaces naturelles, forestières et agricoles avec des conséquences directes et irréversibles sur la biodiversité et le climat. L’artificialisation est aveugle puisqu’elle ne tient nullement compte de la qualité des sols ainsi gaspillés. Plus des deux tiers de ce grignotage est le fait de l’habitat individuel, particulièrement consommateur d’espace en situation de mitage du territoire et d’étalement urbain à l’opposé d’une densification des espaces urbains. La France doit impérativement se doter d’un outil de mesure du phénomène d’artificialisation, de la qualité et des usages des sols.
Si l’on peut se réjouir de la progression des espaces naturels et forestiers, la disparition des sols agricoles porte directement atteinte au potentiel alimentaire d’un territoire à l’heure où les habitants réclament davantage de produits de qualité et de proximité.
Le foncier agricole subit une pression forte des centres urbains et la tentation est grande de soustraire ce foncier de sa vocation agricole dans la perspective d’une plus-value financière lors de la vente d’un terrain devenu constructible et dont la valeur pourra être multipliée par 55 ! Cette forme de rétention explique également l’enfrichement de nombreuses parcelles dans des proportions encore plus élevées que celles de l’artificialisation...
En dépit du nombre de dispositifs, l’arsenal juridique basé sur le principe d’une gestion économe des sols et la fiscalité dont l’objet est de dissuader le changement d’usage des terres ne sont pas à la hauteur des enjeux. S’ils ont pu ralentir le phénomène, des mesures plus contraignantes doivent être adoptées afin de passer d’une gestion concurrente à une gestion complémentaire des usages du foncier (ceci avec une vision transversale à l’échelle d’un territoire), de densifier l’urbain et de dissuader la tentation spéculative.
- Partager le foncier
Les outils de protection et de régulation du foncier agricole ont été élaborés avec pour finalité la préservation des exploitations agricoles. La protection de l’exploitant a toujours été prioritaire, dans le respect du droit de propriété. C’est ce qui explique le succès du fermage qui couvre aujourd’hui 75 % de la SAU du territoire français.
Mais les outils de régulation pensés dans les années 1960 et sans cesse consolidés sont aujourd’hui fragilisés par la progression des formes sociétaires d’exploitations qui échappent au contrôle de la puissance publique au risque d’un accaparement des terres et par de nouvelles formes d’exploitation qui conduisent – directement ou indirectement – à l’éviction des agriculteurs exploitants eux‑mêmes et l’appauvrissement collectif. Certains interprètent ces changements comme appelant une remise à plat des outils de la puissance publique qui sont singuliers mais qui ont su démontrer leur efficacité et assurer la compétitivité des exploitations françaises.
Parallèlement, émerge une prise de conscience sociétale et environnementale qui justifie sa prise en compte dans la planification urbaine comme dans la rénovation des outils de contrôle des exploitations.
La rénovation du statut du fermage – avec tact et mesure – comme celle des autorisations d’exploiter font partie des propositions communes des rapporteurs.
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Vu l’ampleur du sujet traité, ce rapport n’épuise pas le débat et les rapporteurs s’accordent sur le fait que les propositions formulées nécessiteront une expertise complémentaire.
Les quatrième et cinquième parties du rapport, propres à chaque rapporteur et qui révèlent deux philosophies, dévoilent les pistes des réformes d’ampleur qui peuvent être envisagées mais qui, avant tout, ont vocation à susciter le débat.
Edgard Pisani avait l’habitude de répéter : « Le monde aura besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde ».