Contenu de l'article
L'affaire Dreyfus, de 1894 à 1906, est une nouvelle épreuve pour la République, après le scandale de Panama qui rejaillit gravement sur certains dirigeants politiques et déclenche une vague d'antiparlementarisme et d'antisémitisme. Le capitaine Alfred Dreyfus est dégradé et condamné à la déportation à vie en Guyane, accusé d'avoir transmis des documents secrets à l'Allemagne après la découverte, dans une corbeille, d'un bordereau d'envoi aux services allemands de notes relatives aux activités militaires de la France. En 1896, une contre-enquête menée par le lieutenant-colonel Picquart du service de Renseignement établit la culpabilité du commandant Esterhazy et démontre la fabrication d'un faux accusant injustement le capitaine Dreyfus. Le 11 janvier 1898, Esterhazy est acquitté par un conseil de guerre. Le 13 janvier est publié dans le journal L'Aurore un article d'Émile Zola intitulé « J'accuse », visant à déclencher contre lui un procès et à démentir les propos tenus à la Chambre des députés par Jules Méline : « Il n'y a pas en ce moment, il ne peut pas y avoir d'affaire Dreyfus. » Zola est inculpé et condamné à un an de prison. Deux camps s'opposent dans le pays. En août 1898, une nouvelle enquête, ouverte par le Ministre de la guerre, établit qu' un faux a en réalité été fabriqué par le commandant Henry, qui se suicide peu après en prison. Charles Maurras estime qu'il s'agit d'un faux patriotique ne remettant pas en cause la culpabilité de Dreyfus. L'émotion est particulièrement vive lorsque le capitaine Marchand reçoit l'ordre de quitter Fachoda sur le Haut Nil pour ne pas contrarier les intérêts anglais, alors que la Chambre des députés avait adopté les crédits de l'expédition par 482 voix, dont celle de Jaurès, au nom du « vote national », contre 22. Bien que la Cour de cassation ait cassé l'arrêt condamnant Dreyfus, le Conseil de guerre condamne cette fois Dreyfus, le 7 août 1899, à dix ans avec les circonstances atténuantes. Le 19 septembre 1899, le Président de la République, Émile Loubet, le gracie. Une loi du 27 décembre 1900, à l'initiative du gouvernement Waldeck-Rousseau, amnistie les faits se rattachant à l'affaire Dreyfus notamment les délits de presse, de réunion et d'association. La Cour de cassation annule sans renvoi le jugement du Conseil de guerre : l'innocence de Dreyfus est reconnue par la Cour de cassation mais seulement en 1906. Une loi du 19 juillet 1906 réintègre le capitaine Dreyfus au grade de lieutenant-colonel et une autre le lieutenant-colonel Picquart au grade de général de brigade.
La République menacée est sauvegardée. L'affaire Dreyfus a eu pour effet un regroupement contre la droite nationaliste : l'alliance de Défense républicaine entre radicaux, radicaux-socialistes, républicains socialistes et socialistes. Elle a précipité le ralliement des socialistes indépendants, sous l'égide de Jaurès. L'affaire révèle un profond malaise. Elle fait apparaître au grand jour le racisme, l'antisémitisme et une nouvelle forme du nationalisme se caractérisant par le rejet de l'étranger et la crainte d'une dissolution de l'identité française, associée à un peuple et à une religion. Elle a aussi retardé la réconciliation entre les républicains et les catholiques. A partir de 1899, elle a déplacé l'axe de la majorité vers les radicaux.