Le Front populaire

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Les élections ont lieu au scrutin d'arrondissement uninominal à deux tours. Le premier tour, le 23 avril 1936, révèle un taux très élevé de participation (84,30%), une progression socialiste, une poussée communiste, une chute spectaculaire des radicaux et apparentés et un recul de la droite. Les quatre grands partis de gauche s'accordent sur le désistement pour le candidat de gauche le mieux placé. A l'issue du second tour, le 3 mai 1936, la victoire est triomphale ; le Front populaire obtient 386 élus sur 608 : 149 socialistes, 72 communistes (au lieu de 11 en 1932), 56 divers gauche (socialistes-communistes, Union socialiste-républicaine, Gauche indépendante, ...) et 109 radicaux. Devant le Conseil national de son parti, Léon Blum souligne « cette espèce d'anticipation confiante sur la réalité que l'on appelle aujourd'hui une mystique. » Léon Blum préside le Gouvernement, sans détenir aucun autre portefeuille ministériel. Les radicaux participent au gouvernement nettement placé sous direction socialiste; les communistes pratiquent « le soutien sans participation ». Trois femmes sont nommées sous-secrétaires d'État. Le 6 juin il présente devant les chambres trois grands trains de mesures. La Chambre des députés vote la confiance par 384 voix contre 210. A peine le gouvernement constitué, il faut tenter de mettre fin aux grèves qui ont éclaté dès le mois de mai, en province puis à Paris. Le mouvement prend une ampleur sans précédent : 12 000 grèves, dont la moitié dans la région parisienne, fréquemment avec occupation des lieux de travail. Le mouvement traduisant une impatience sociale grandissante s'étend notamment aux mines, au secteur du bâtiment aux grands magasins, aux maisons de haute couture, aux cafés. Le ministère du travail recense 1 830 938 grévistes au mois de juin. A partir du 12 juin, le mouvement de grève est en reflux. S'adressant aux cadres communistes de la région parisienne, Maurice Thorez déclare : « Si le but, maintenant est d'obtenir satisfaction pour les revendications de caractère économique tout en élevant progressivement le mouvement des masses dans sa conscience et son organisation, alors il faut savoir terminer dès que satisfaction a été obtenue. » Le 5 juin 1936, une négociation, présidée par Léon Blum, assisté des deux ministres Roger Salengro et Marx Dormoy et de Jules Moch, réunit à l'Hôtel Matignon les représentants du patronat (la CGPF) et la CGT. Dans la nuit du 7 au 8 juin sont signés les accords Matignon. Ils prévoient une revalorisation des salaires, l'exercice du droit syndical, l'élection de délégués ouvriers dans les établissements de plus de dix salariés, l'engagement des ouvriers de mettre fin aux grèves. Ils sont complétés par la loi sur les congés payés accordant quinze jours de vacances aux salariés et la loi fixant à 40 heures la durée hebdomadaire du travail.

Trois réformes de structure sont adoptées pendant l'été : la création de l'Office national interprofessionnel du blé, qui a pour mission de fixer chaque année le prix du blé; la nationalisation des industries de guerre (loi du 12 août 1936) ; la réforme de la Banque de France : la loi du 24 juillet 1936 attribue le droit de vote aux assemblées générales à l'ensemble des 40 000 porteurs d'actions et remplace le conseil des régents par un conseil général de 230 membres. Les projets de loi sur les 40 heures, les contrats collectifs et les congés payés déposés le 9 juin sont discutés et votés les 11 et 12 à la Chambre et les 17 et 18 au Sénat. D'autres lois complètent les réformes sociales engagées :amélioration des assurances sociales et de certaines allocations de chômage, retraites des mineurs, suppression des prélèvements de 10% sur les salaires et les pensions introduits par décrets-lois.

Le bouleversement de la représentation parlementaire, l'intensité de l'activité gouvernementale et la mobilisation sociale contribuent à changer la perception de l'État par les ouvriers. Une nouvelle politique culturelle vise à populariser le savoir. Jean Zay, Ministre de l'éducation nationale, fait voter la loi du 9 août 1936 portant de treize à quatorze ans l'âge de la scolarité obligatoire. Léo Lagrange, Sous-secrétaire d'État à l'organisation des loisirs et aux sports, obtient des compagnies de chemin de fer le « billet populaire de congé annuel » et, grâce aux congés payés, plusieurs centaines de milliers d'ouvriers peuvent prendre des congés pour la première fois au cours du bel été 36.